Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2004-2005)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 71ème jour de séance, 175ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 15 MARS 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

ACCUEIL D'UN NOUVEAU DÉPUTÉ 2

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE
DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

CONTRATS D'AVENIR ET CONTRATS D'ACCOMPAGNEMENT DANS L'EMPLOI 2

DIRECTIVE BOLKESTEIN 3

LIBAN 3

NÉGOCIATION SALARIALE 4

CONTRATS AIDÉS 5

ÉVOLUTION DE L'INSÉCURITÉ ROUTIÈRE 5

RÉFORME DE L'ÉCOLE 6

PLAN NATIONAL SANTÉ-ENVIRONNEMENT 7

TÉLÉVISION NUMÉRIQUE TERRESTRE 7

POUVOIR D'ACHAT 8

SITE LILLOIS DE RHODIA 8

CONSÉQUENCES DES INTEMPÉRIES POUR

LE SECTEUR DU BTP 9

AÉROPORTS (suite) 10

EXPLICATIONS DE VOTE 10

DIRECTIVE RELATIVE AUX SERVICES DANS LE MARCHÉ INTÉRIEUR 13

ARTICLE UNIQUE 32

La séance est ouverte à quinze heures.

ACCUEIL D'UN NOUVEAU DÉPUTÉ

M. le Président - M. le ministre de l'intérieur m'a fait savoir que M. Nicolas Sarkozy avait été élu député de la sixième circonscription des Hauts-de-Seine dimanche dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Je lui souhaite la bienvenue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à une délégation de l'Assemblée nationale du Burkina Faso, conduite par M. Christian Kaboré, président de l'Assemblée nationale. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent)

    QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le Président - M. le Premier ministre m'a fait connaître qu'en raison de son déplacement en Israël, il ne pourrait assister aux séances de questions au Gouvernement d'aujourd'hui et de demain. Il vous prie de l'en excuser.

CONTRATS D'AVENIR ET CONTRATS D'ACCOMPAGNEMENT DANS L'EMPLOI

M. Francis Vercamer - Alors que le chiffre du chômage vient de franchir la barre symbolique des 10% de la population active et que le nombre de bénéficiaires du RMI a augmenté de 9% en 2004 pour dépasser désormais le million, la création des contrats d'avenir et des contrats d'accompagnement dans l'emploi est essentielle pour combattre l'exclusion. Or, ce nouveau dispositif suscite de multiples inquiétudes dans le monde associatif, qu'il s'agisse des ateliers et chantiers d'insertion ou des associations qui œuvrent, dans les quartiers, à la reconstitution du lien social. Les nouveaux contrats aidés risquent en effet de coûter plus cher aux employeurs que ceux qu'ils doivent remplacer, les contrats emploi solidarité et les contrats emploi consolidé, le taux de prise en charge par l'Etat étant, semble-t-il, moins élevé. Ces contrats sont pourtant indispensables dans les bassins d'emploi touchés par les licenciements et les fermetures d'entreprises, tels que celui de l'agglomération roubaisienne, où le taux de chômage avoisine 30% dans certains quartiers.

Quelles garanties apporterez-vous aux associations pour que les contrats d'avenir et les contrats d'accompagnement dans l'emploi puissent répondre aux enjeux de l'insertion des plus fragiles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale - Je vous rassure, les contrats d'avenir proposés aux titulaires du RMI et de l'ASS et les contrats d'accompagnement dans l'emploi, qui remplacent, en les simplifiant, les CES et les CEC, seront mis en place respectivement dans la quinzaine qui vient et à compter du 1er mai. Les CES avaient trois faiblesses : une durée trop courte - trois mois renouvelables, or on ne se reconstruit pas en trois mois - et l'absence d'accompagnement et de formation. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Les associations nous ont demandé des contrats plus longs, qui permettent un véritable travail d'accompagnement et de formation. Nous avons confirmé aux associations, notamment aux chantiers d'insertions, que le taux de prise en charge de l'Etat serait de 95% et serait en tout état de cause, pour les autres dispositifs, supérieur au taux antérieur, sous réserve d'une attestation de compétence et de formation. L'ensemble du dispositif est quasiment triplé (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), stabilisé dans la durée, et il va nous permettre de sortir de la spirale infernale du RMI et de l'ASS.

DIRECTIVE BOLKESTEIN

M. Jean-Claude Sandrier - Au moment même où votre majorité rejette notre proposition de loi visant à interdire la pratique moyenâgeuse des expulsions locatives et des coupures en énergie et en eau, nous apprenons que notre pays compte désormais 1 300 000 allocataires du RMI - chiffre qui a augmenté de 9% en un an -, que le pouvoir d'achat des Français diminue et que le taux de chômage dépasse les 10% de la population active. Cette situation est la désastreuse conséquence de vos choix économiques : vous ne pouvez demander à une majorité de Français de se serrer la ceinture aux seules fins de permettre à d'autres d'accumuler d'insolents profits et de provocantes richesses. Les Français n'adhèrent plus au discours démagogique selon lequel les profits d'aujourd'hui feraient les emplois de demain. Votre politique justifie la colère et la montée des revendications en faveur de la justice sociale et d'une société plus humaine. Las, vous n'y apportez que des réponses dilatoires. Nos concitoyens mesurent l'impasse sociale dans laquelle sont engagés le Gouvernement et une Europe inféodée aux marchés financiers, qui compte 65 millions de pauvres. Pour couronner le tout, le président de la Commission européenne vient de confirmer qu'il n'abandonnerait pas la directive Bolkestein, qui instaure le principe du pays d'origine. Cela signifie de nouveaux ravages sociaux qui justifient pleinement notre « non » à cette Europe où règnent en maîtres les profits boursiers. Vous prétendiez avoir obtenu la remise à plat de cette directive : nous n'y voyons qu'une gesticulation électoraliste. Comment comptez-vous répondre sans faux-fuyants aux demandes du mouvement populaire et de ceux qui vivent dans les difficultés ? Allez-vous enfin dire la vérité sur cette redoutable directive Bolkestein ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale - Dès le 4 juin à Luxembourg, Gérard Larcher a demandé, au nom du Gouvernement, le réexamen de cette directive. (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Le Premier ministre vous a indiqué ici même quelle était la position de la France. Ce matin, le Président de la République l'a rappelée à la présidence de l'Union et à M. Barroso : le principe du pays d'origine est en l'état inacceptable, cette position est conforme aux engagements sociaux du traité constitutionnel (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) et la France demande l'examen d'une nouvelle directive sur la base d'un consensus sur le modèle social européen.

LIBAN

M. Hervé de Charette - Ce qui se passe actuellement au Liban est de la plus haute importance. Après l'interminable guerre civile des années 1970 et 1980 et l'arrivée des troupes syriennes pour contribuer au retour de la paix civile, mais qui s'est finalement transformée en une occupation pure et simple du Liban, après le meurtre du président Rafic Hariri, voici que le peuple libanais s'est mis en mouvement. Je voudrais exprimer ici, au nom de l'UMP, l'émotion profonde de tout notre Parlement. Le Liban est depuis toujours un pays ami de la France : tout ce qui s'y passe touche le coeur des Français ; ses succès nous réjouissent ; ses malheurs sont les nôtres. Longtemps, nous avons espéré que les autorités syriennes finiraient par prendre conscience de la nécessité d'appliquer les accords de Taëf, de restaurer la souveraineté libanaise et de fonder les rapports syro-libanais sur un partenariat entre pays souverains.

Tel n'est décidemment pas le cas. Depuis des semaines, le cœur des Français bat au rythme des événements qui se succèdent à Beyrouth, dans la montagne libanaise, à Tripoli et dans la Beka. Qu'il me soit permis d'évoquer ici la mémoire du général de Gaulle pour dire : vive le Liban libre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Monsieur le ministre des affaires étrangères, je vous demande de transmettre au Président de la République le message de notre soutien total pour l'action qu'il conduit en faveur de la mise en œuvre de la résolution 1559 des Nations unies. Le peuple libanais a besoin du soutien de la France pour gagner la bataille de la liberté et de la démocratie. Je souhaite également que notre Assemblée adresse au Parlement du Liban un appel solennel, afin qu'il contribue à donner au monde l'exemple d'un peuple qui se libère par la voie démocratique et pacifique d'élections libres...

M. Pierre Lellouche - Comme en Ukraine !

M. Hervé de Charette - Je vous demande de transmettre par la voie officielle cet appel du Parlement français. Enfin, quelles initiatives comptez-vous prendre pour faire éclater la vérité sur le meurtre du président Hariri, pour que nous connaissions enfin le calendrier du retrait syrien et pour que des engagements libanais soient pris au sujet des élections législatives ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères - Oui, Monsieur le ministre de Charrette, le peuple libanais s'est mis en mouvement. Il manifeste chaque jour dans la dignité et la ferveur, pour dire au monde qu'il veut être enfin maître de son destin, libre de ses décisions, respecté dans sa souveraineté comme dans son territoire. La France soutient cette espérance, qui est en même temps une exigence. Elle souhaite que tous ceux qui s'expriment dans la rue à Beyrouth puissent donner un nouvel élan à la démocratie. Voilà pourquoi la communauté internationale a demandé, dans le cadre de la résolution 1559 des Nations unies, que les troupes et services syriens se retirent définitivement et complètement du Liban (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), selon un calendrier dont la crédibilité devra être vérifiée par le secrétaire général des Nations unies. Et nous avons pris acte à cet égard des premières décisions du président syrien Bachar el-Assad. Nous souhaitons que des élections libres et démocratiques se déroulent sous le contrôle d'observateurs internationaux et que toute la vérité soit faite sur le meurtre de Rafic Hariri. Nous sommes et resterons aux côtés de tous les Libanais, car rien de ce qui concerne ce peuple et ce pays ne peut laisser la France indifférente. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

NÉGOCIATION SALARIALE

M. Jean-Marc Ayrault - Le bilan économique et social du Gouvernement est accablant (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : le seuil des 10% de chômeurs est franchi, le nombre des érémistes a augmenté de 9% en un an, la dette publique atteint le niveau historique de 1 000 milliards... (« La faute à qui ? » sur les bancs du groupe UMP) Et, ce matin même, tout le monde a entendu que l'INSEE avait constaté une baisse de 0,3 point du pouvoir d'achat des salariés du privé l'année dernière. Voilà la réalité de la France dont vous avez la charge, et vous en êtes comptables ! Les manifestations de jeudi dernier ont exprimé avec force la colère des Français et, après avoir fermé votre porte pendant des mois et écarté toute discussion salariale dans la fonction publique, vous découvrez aujourd'hui que le partage de la richesse est une revendication légitime ! Qu'allez-vous proposer concrètement ? Allez-vous garantir le pouvoir d'achat des fonctionnaires, et comment comptez-vous financer un tel engagement ? Etes-vous prêts à renoncer aux baisses d'impôt qui ne profitent qu'à une petite minorité de favorisés ? S'agissant des salariés du privé, vous vous bornez à proposer de relancer l'intéressement, en feignant d'ignorer que cela ne concernera - avec un effet très tardif - qu'une petite minorité. Quand allez-vous inciter le Medef à négocier sérieusement avec les organisations syndicales ?

La France a besoin de renouer avec une véritable politique des revenus. Il revient à l'Etat de prendre l'initiative et de convoquer, comme nous le proposons, une conférence nationale sur l'emploi et les salaires. Le Gouvernement est contraint de reculer, dans un désordre coûteux pour le pays et menaçant pour son avenir. Au moins, n'attendez plus pour répondre aux Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale - Permettez-moi, Monsieur le président Ayrault, de rectifier une inexactitude dans vos propos : le chiffre de l'INSEE que vous avez cité au sujet de l'évolution du pouvoir d'achat ne concerne pas 2004 mais l'année précédente. En outre, il s'agit d'un indicateur global, qui ne retrace pas les augmentations sans précédent du pouvoir d'achat du SMIC et des GMR, respectivement - en 2003 - de 2,3% et de 2,4% (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), après les trois années de modération salariale que vous aviez vous-même décrétées.

Sous l'autorité du Premier ministre, M. Dutreil va ouvrir une négociation globale sur l'évolution du pouvoir d'achat dans la fonction publique, cependant que M. Larcher fera le point sur la réalité des hausses de salaires intervenues en 2004. A cet égard, il apparaît d'ores et déjà que les salaires ouvriers ont progressé de 0,7% dans la période. Enfin, nous saisirons la Commission nationale du mois de juin pour fixer - pour la troisième fois ! - le taux d'augmentation du SMIC. Un débat de fond est engagé. Les dispositions relatives à la participation et à l'intéressement qui en découlent vous seront bientôt présentées. Le Premier ministre nous a incités à aller plus loin encore, et il s'exprimera à ce sujet devant le conseil économique et social le 23 mars prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

CONTRATS AIDÉS

M. Jean-Pierre Decool - Ma question s'adresse à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale (« Encore ! » sur les bancs du groupe socialiste).

La loi du 18 janvier 2005 sur la cohésion sociale crée de nouveaux dispositifs d'insertion professionnelle dans les secteurs marchands et non marchands, en direction des jeunes et des personnes en difficulté. J'ose croire à la réussite de ce plan ambitieux, dont l'un des objectifs est de créer un million de contrats d'avenir sur cinq ans. Laissez-moi cependant vous faire part des préoccupations des maires de nos communes rurales concernant le secteur non marchand. Certains nous font part de leurs incertitudes quant à la conclusion des anciens contrats aidés - contrats emplois solidarité et contrats emplois consolidés -, leur renouvellement et leur transformation en contrat d'accompagnement dans l'emploi ou en contrat d'avenir. Le manque d'informations à ce sujet va à l'encontre de l'objectif de simplification poursuivi par le plan de cohésion sociale. Vous nous avez adressé des fiches pratiques sur chaque dispositif ainsi qu'un calendrier provisoire de mise en place des nouveaux contrats ; ferez-vous de même pour chacun des maires de France, en précisant le calendrier ? Je vous remercie par avance de votre réponse, dont je ne doute pas de la clarté et du pragmatisme (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP ; exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale - Tous les contrats en cours qui arrivent à leur terme peuvent faire l'objet d'un avenant de six mois, afin de stabiliser la situation.

En ce qui concerne les nouveaux contrats, le dépliant que voici (M. le ministre le montre) sur les contrats d'avenir, dispositif qui démarrera le 1er avril, va être disponible à partir de la semaine prochaine dans toutes les collectivités et toutes les ANPE. Quant aux contrats d'accompagnement vers l'emploi, ils démarreront le 1er mai dans les conditions que j'ai évoquées tout à l'heure ; tous les maires de France, les départements, les associations et l'ensemble des employeurs possibles vont être alertés par courrier direct la semaine prochaine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

ÉVOLUTION DE L'INSÉCURITÉ ROUTIÈRE

M. Jean-Yves Cousin - Monsieur le ministre de l'équipement et des transports, l'amélioration de la sécurité sur nos routes initiée en juin 2002 s'est poursuivie en janvier 2005, avec une baisse de 4,7% du nombre de tués par rapport à janvier 2004. Ce résultat très satisfaisant est encourageant pour tous, mais il ne doit pas nous faire oublier que le nombre des accidents corporels et des blessés est en légère augmentation. Il faut donc poursuivre les efforts sans relâche et inciter toujours plus nos concitoyens à un comportement exemplaire - comme ils ont pu l'avoir ces dernières semaines en faisant preuve de prudence sur des routes rendues dangereuses par les intempéries.

La tendance à la baisse constatée en janvier s'est-elle poursuivie en février ? Comment entendez-vous continuer à sensibiliser tous les usagers de la route sur la nécessité d'un meilleur respect des règles ?

Par ailleurs, pouvez-vous nous dire si les compagnies d'assurances vont continuer à diminuer leurs tarifs, comme certaines d'entre elles l'ont déjà fait l'an dernier ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - Le mois de février 2005 est le trente-troisième mois consécutif de baisse, janvier 2004 excepté. En février 2002, il y a eu 578 victimes sur les routes ; en février 2005, 317, soit une baisse de 44,2%.

Mesdames et Messieurs les députés, quand vous voyez certains de nos concitoyens un peu irrités contre la politique de sécurité routière, sachez leur rappeler que 3 000 vies ont été sauvées en 2004 et que, si nous le voulons tous, il y en aura certainement au moins autant en 2005 !

Les compagnies d'assurances, parce qu'elles connaissent ces chiffres, ont annoncé une deuxième baisse des primes d'assurance en avril 2005, comprise entre 2,5 et 5%, qui s'ajoute à celle annoncée en janvier 2005. Cette deuxième récompense de notre politique, certes plus matérielle que la première, entre pleinement dans notre objectif de lutte contre la vie chère. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

RÉFORME DE L'ÉCOLE

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Monsieur le ministre de l'éducation nationale, les lycéens manifestent aujourd'hui encore contre votre projet de loi (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Les enseignants et les parents ont eux aussi exprimé leur rejet de votre réforme et redoutent l'effet des restrictions budgétaires. La prochaine rentrée scolaire sera en effet encore plus difficile dans la plupart des établissements : en Franche-Comté, il y aura 1 500 élèves de plus dans le primaire et 70 postes d'enseignant auront été supprimés...

Mais vous restez sourd à ce qu'expriment les manifestants, vous vous obstinez à défendre un projet de loi injuste et dangereux. Vous prenez la lourde responsabilité d'une fracture avec le monde de l'éducation et avec la jeunesse.

C'est pour éviter cette rupture que nous vous demandons solennellement de reprendre les négociations pour rétablir les TPE, unanimement réclamés par les lycéens et les enseignants, et de revenir sur les suppressions de postes grâce à un collectif budgétaire : les rentrées fiscales supplémentaires annoncées dimanche par le Premier ministre le permettent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Le Gouvernement n'est pas sourd aux revendications des lycéens. Devant l'inquiétude qu'ils manifestaient, j'ai retiré du projet la réforme du baccalauréat, même si je pense qu'elle est nécessaire et qu'il faudra y revenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). De même, j'ai proposé que les travaux personnels encadrés en première puissent faire l'objet d'une notation comptant pour le baccalauréat. Nous avons aussi sécurisé l'enseignement des sports, des disciplines artistiques et des sciences économiques et sociales.

Mais écouter les jeunes, cela ne nous exonère pas de leur dire la vérité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). La vérité, c'est que notre système éducatif est en recul par rapport aux autres pays, c'est qu'il fabrique de plus en plus d'exclus, c'est qu'il est plus injuste que jamais ! Un enfant d'ouvrier, en France, a dix fois moins de chances d'obtenir un baccalauréat qu'un enfant d'enseignant. Cette situation résulte de l'immobilisme maintenu depuis des années en matière d'éducation ! (Même mouvement) Alors, oui, rien ne me fera renoncer à définir des priorités éducatives, à faire en sorte que soit transmis à tous les enfants ce socle de connaissances et de compétences qui est indispensable à leur réussite, enfin à optimiser l'organisation de l'éducation nationale ; parce que depuis vingt ans, la fuite en avant sur les moyens n'a résolu aucune des questions structurelles !

Dans quelques instants, j'irai débattre du projet au Sénat, et je vous donne rendez-vous le 24 mars pour adopter définitivement la réforme de l'école. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

PLAN NATIONAL SANTÉ-ENVIRONNEMENT

M. Christian Decocq - Monsieur le ministre de l'environnement, votre engagement est constant, et comme ceux d'entre nous qui militent pour la protection de l'environnement, vous savez combien les réformes en ce domaine soulèvent des atermoiements, des résistances, car elles se heurtent à des intérêts économiques, bouleversent des habitudes administratives, modifient des comportements individuels. Cependant, nos concitoyens s'inquiètent de plus en plus des effets de la pollution sur leur santé, des 65 000 à 95 000 décès dus à la pollution de l'air, des pesticides dans l'eau, de l'amiante dans certains bâtiments. Le Gouvernement a donc très bien fait d'adopter le 21 juin 2004 un plan national santé-environnement, plan ambitieux (Protestations de Mme Billard et de M. Cochet) qui intègre le principe de précaution posé par la Charte de l'environnement. Il couvre la période 2004-2008. Après neuf mois, qu'en est-il de sa mise en œuvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable - L'effet de l'environnement sur la santé est désormais établi. 7% à 20% des cancers sont imputables à des facteurs qui y sont liés, et le plan national santé-environnement s'inscrit effectivement dans les principes définis par la charte que vous avez adoptée.

Des avancées significatives ont déjà été obtenues dans un grand nombre de domaines retenus comme prioritaires par ce plan. En ce qui concerne les particules fines de l'air, la France est très en avance dans l'utilisation des filtres sur les voitures, laquelle sera généralisée dans l'Union européenne d'ici 2010. Neuf millions ont été dégagés pour aider les collectivités locales à équiper leurs anciens bus de filtres à particules. Pour les substances toxiques d'origine industrielle, les émissions sont en cours de réduction de façon très importante, de 85% pour les dioxines et de 65% pour le plomb. Le projet de loi sur l'eau adopté en Conseil des ministres mercredi dernier contient des mesures spécifiques pour lutter contre les résidus de pesticides.

M. Yves Cochet - Il n'y a rien dans ce projet !

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable - Enfin, s'agissant de la prévention de la légionellose, nous avons recensé l'ensemble des installations, soit 12 745 tours aéroréfrigérantes dans 5 721 établissements, et leur contrôle est une priorité. Je suis très mobilisé sur cette question avec M. Douste-Blazy. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP)

Mme Martine Billard - Et pour l'amiante, rien !

TÉLÉVISION NUMÉRIQUE TERRESTRE

Mme Corinne Marchal-Tarnus - La télévision numérique terrestre sera lancée officiellement à la fin de ce mois. Ce projet ambitieux donnera une image et un son de même qualité que ceux d'un DVD et permettra aux Français qui ne disposent ni du câble ni du satellite d'accéder à quatorze chaînes gratuites dont six chaînes publiques, ainsi qu'à des services interactifs. Quel est le calendrier des travaux prévus et leur état d'avancement ? Combien de Français bénéficieront, dans l'immédiat puis à terme, de la TNT, et pour quel tarif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - C'est le 31 mars qu'aura lieu cette véritable révolution : sans changer d'antenne, sans acheter de nouveau poste de télévision, mais un simple adaptateur dont le prix moyen est de 75 euros, les Français...

M. Michel Françaix - Un tiers des Français !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - ...bénéficieront d'une offre gratuite étendue. Au soir du 31 mars, les 17 premiers sites d'émission couvriront d'emblée 35% de la population. Fin 2005, ce sera un Français sur deux, à la fin du premier semestre 2006, 65% et en 2007 85% d'entre eux qui auront accès à cette offre nouvelle. Il y aura certes quelques problèmes techniques. Avec le CSA et l'ensemble des opérateurs, nous avons donc décidé de mettre en place un numéro d'appel pour y répondre.

Le véritable progrès tient à l'offre de programmes. Vous pouvez être fiers d'avoir décidé récemment de donner des moyens supplémentaires à l'audiovisuel public, pour qu'il diffuse davantage de musique, de cinéma, de productions et d'information. Sachez aussi que les chaînes d'information parlementaire, celle de l'Assemblée et celle du Sénat, seront désormais reçues par l'ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Et s'il pouvait y avoir une seule chaîne parlementaire, ce serait encore mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et sur divers bancs)

POUVOIR D'ACHAT

M. Pierre Bourguignon - Depuis 2002, la situation sociale ne cesse de se dégrader, comme l'a rappelé Jean-Marc Ayrault, et on ne peut se contenter de répondre en comparant les données de 2003 et celles qui nous viendront pour 2004.

Le chômage a atteint le taux de 10%, soit un point de plus qu'en 2002. Le nombre de érémistes a augmenté de 9% en 2004. Les salariés du privé ont perdu 0,3% de leur pouvoir d'achat en 2003. Le déficit public atteint 3,7%, soit un point de plus que ce que nous vous avions légué. La dette publique se situe 7 points au-dessus du niveau de 2002. Vous ne pouvez reprendre le refrain de l'héritage. Ces chiffres officiels sont bien le résultat de votre politique. On n'a jamais vu un tel échec avec une croissance de 2,5%.

Votre volte-face très médiatique sur les salaires des fonctionnaires ne peut tromper personne (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Vu l'état des finances publiques et les engagements pris à Bruxelles, vous ne pourrez pas procéder à une revalorisation significative, surtout si vous persistez à baisser de façon injuste l'impôt sur le revenu. Allez-vous enfin changer de politique économique, Monsieur le ministre des finances ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Et êtes-vous prêt à organiser une grande conférence nationale sur les salaires ? A entendre le président du Medef, il est permis d'en douter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Effectivement, en 2002 et en 2003, le pouvoir d'achat des Français a baissé. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) Disons les choses clairement : on a voulu partager le travail et on a partagé les salaires ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) C'est vrai, la mise en œuvre des 35 heures a pesé lourdement sur les salaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) C'est une réalité !

Qu'a fait le gouvernement Raffarin ? Il a augmenté le SMIC, année après année. Il a aussi augmenté la prime pour l'emploi, ce que vous n'aviez pas fait. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Aujourd'hui, il demande qu'il y ait des négociations salariales pour la fonction publique. Je n'y suis pas du tout opposé, évidemment, du moment que l'on met sur la table, sans tabou, tous les sujets. La réforme, le progrès, la compétitivité... Cela vaut aussi pour la fonction publique.

Nous avons connu 1,7% d'augmentation du pouvoir d'achat en 2004. Vous l'oubliez ! Et cela va continuer, car nous avons de bonnes perspectives pour 2005. Les entreprises ont eu de bons résultats en 2004 : il faut s'en féliciter. Mais il est vrai aussi qu'il existe des rigidités. Je travaille avec M. Borloo et M. Larcher à les réduire. Vous aurez des résultats concrets bientôt. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

SITE LILLOIS DE RHODIA

M. Jacques Houssin - L'usine chimique de Rhodia occupe dans l'agglomération lilloise un site de 40 hectares. Dès son acquisition par le groupe Rhône-Poulenc en 1983, le site a connu des difficultés importantes. Après plusieurs restructurations, sa fermeture définitive a été annoncée pour le 31 décembre 2005. Un plan de sauvegarde pour l'emploi a été négocié en 2001, avec l'appui des pouvoirs publics. Il a concerné 150 personnes et a bénéficié des dispositifs d'alors sur les départs en préretraite. Mais la loi du 21 août 2003 a institué une taxation des préretraites d'entreprise, la réglementation en matière d'aides FNE évoluant de son côté pour être réservée aux PME et aux territoires en grande difficulté.

Le groupe Rhodia a donc élaboré un dispositif destiné à garantir aux personnels concernés un traitement se rapprochant des mesures prises en 2001. Depuis quelques jours, les salariés du site ont entamé un mouvement social pour dénoncer ce plan trop peu avantageux par rapport à celui de 2001. Pouvez-nous dire, Monsieur le ministre, où en sont les négociations et quelles sont les mesures d'accompagnement envisagées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - Le dossier Rhodia est l'un de ceux que mon ministère suit avec une particulière attention. C'est en 2001 que le groupe Rhodia a pris la décision de fermer l'entreprise, au vu de la réalité suivante : une entreprise chimique en milieu urbain, des unités qui ne peuvent être modernisées et une surproduction européenne. Il avait ensuite été décidé que la cessation d'activité s'étalerait jusqu'au 31 décembre 2005. Dans la perspective de cet arrêt, une difficulté est apparue, qui tenait aux conditions financières du plan de sauvegarde de l'emploi et du plan social, en particulier s'agissant des préretraites.

Confronté au blocage du dialogue social, je me suis efforcé, avec M. Daubresse, ministre délégué au logement et premier vice-président de Lille Métropole, et avec plusieurs parlementaires, dont vous-même, de renouer les fils du dialogue. J'ai ainsi pu amener la direction à faire de nouvelles propositions aux salariés. Elles permettront aux plus anciens d'avoir, dans le cadre de préretraites financées par l'entreprise, 90% de leur salaires nets. Nous suivrons avec beaucoup d'attention la suite de ce dialogue.

Nous avons d'autre part pu obtenir que la fermeture de Saint-Laurent-Blangy, près d'Arras, soit différée de façon à arriver au meilleur plan de sauvegarde de l'emploi, à préparer une reprise par un éventuel repreneur et à montrer ainsi que le dialogue social peut éviter la casse des emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

CONSÉQUENCES DES INTEMPÉRIES POUR LE SECTEUR DU BTP

M. Laurent Wauquiez - Si l'hiver touche maintenant à sa fin, il a été particulièrement rigoureux cette année et a battu des records de froid. On a ainsi enregistré en Haute-Loire un moins 29 degrés !

Les artisans et les entrepreneurs du BTP en ont été très éprouvés, car le travail a dû être interrompu pendant un mois et demi. Les entreprises artisanales du Massif Central ont ainsi été durement touchées. Les conséquences pour la trésorerie des entreprises du secteur sont lourdes. Elles auront d'autant plus de mal à faire face aux charges qu'elles ont déjà subi une forte hausse du coût des matériaux. Si l'on veut éviter qu'elles se retrouvent nombreuses en cessation de paiement, il faut prendre très vite des mesures. Le report du paiement des cotisations sociales pourrait être l'une d'elles. Le Gouvernement va-t-il accompagner cette période difficile ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - La réponse est claire : c'est oui ! Nous savons que dans les secteurs que vous avez évoqués - le bâtiment, les travaux publics, les transports routiers - de nombreux chantiers ont été arrêtés, et qu'il n'y a donc pas eu de rentrées financières pour ces entreprises.

Le Gouvernement a décidé de réagir, et M. Douste-Blazy a écrit, le 4 mars dernier, aux directeurs des organismes sociaux. Les employeurs et les travailleurs indépendants doivent faire part de leurs difficultés aux caisses locales, auxquelles il a été demandé d'examiner avec bienveillance aussi bien les demandes de délais de paiement que de remises.

Nous avons entendu les inquiétudes, et nous y répondons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 15.

PRÉSIDENCE de M. Maurice LEROY

vice-président

        AÉROPORTS (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi adopté par le Sénat relatif aux aéroports.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - Ce projet concerne essentiellement ADP et le réseau structurant de grandes plateformes qui maillent le territoire national et qui resteront de la compétence de l'Etat à l'issue du processus de décentralisation. Il s'agit, dans ce domaine, de la première réforme législative d'importance depuis plus de cinquante ans. Je salue l'examen approfondi de ce texte par l'Assemblée, la commission des affaires économiques, mais également la commission des finances ainsi que le travail des rapporteurs. Nombreux sont parmi vous ceux qui ont enrichi nos débats, en particulier grâce à l'analyse de nombreuses situations locales spécifiques. Ce projet vise à conforter les missions de service public confiées aux aéroports tout en les dotant de structures modernes. Il s'agit de leur donner les moyens de se développer sans pour autant méconnaître les spécificités historiques d'ADP et des aéroports régionaux : ainsi la reforme proposée a-t-elle été pensée en liaison étroite avec les exploitants actuels et assure-t-elle une transition dans la continuité.

L'aviation commerciale joue un rôle irremplaçable dans notre compétitivité, notre attractivité, ainsi que pour l'aménagement de notre territoire. Les gestionnaires ont su organiser la très forte croissance dont a bénéficié ce mode de transport qui, aujourd'hui, évolue et s'adapte comme ont su le faire Air France et KLM. L'exploitation des grands aéroports est devenue en effet une activité économique à part entière, intégrant, aux côtés du service public, de nombreux métiers comme les activités commerciales et immobilières ou l'ingénierie. Les aéroports sont ainsi devenus des pôles d'emploi considérables. Leur mode de gestion impliquant, en Europe et dans le monde, une ouverture vers le secteur privé, il était essentiel de moderniser leur statut. Grâce à votre Assemblée et aux amendements qui ont été adoptés, nous sommes parvenus à un dispositif équilibré qui traduit parfaitement les intentions gouvernementales. Je salue notamment vos initiatives pour rendre les amendes en matière environnementale encore plus dissuasives et améliorer leur recouvrement.

Ce projet transforme ADP établissement public en société anonyme tout en fixant le principe d'une détention publique de la majorité du capital. Cette réforme permet de mobiliser des capitaux privés pour les investissements et à ADP de valoriser l'expérience acquise par ses équipes dans plusieurs secteurs de pointe en mettant fin au principe de spécialité. Le Gouvernement veut ainsi s'appuyer sur les CCI, tout comme il souhaite associer à cette modernisation les collectivités territoriales afin d'assurer une meilleure insertion des aéroports dans le développement régional et local. C'est dans cet esprit que le Gouvernement s'est engagé à proposer aux acteurs publics, CCI et collectivités territoriales, une place significative dans le capital des sociétés concessionnaires qui seront créées : plus précisément, il envisage de proposer au moins 25% du capital initial des sociétés de gestion aux CCI et au moins 15% aux collectivités territoriales.

Enfin, tant pour ADP que pour les aéroports régionaux, votre Assemblée a accordé une attention particulière à la situation des personnels en procédant dans la plus complète transparence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

EXPLICATIONS DE VOTE

M. François Asensi - Ce projet qui vise à transformer ADP en société anonyme s'inscrit dans une logique de désengagement de l'Etat. La puissance publique abandonne en effet des pans entiers de ses prérogatives au marché, au détriment des salariés et des citoyens. Le changement de statut d'ADP est présenté comme inéluctable alors qu'il n'est qu'idéologique. Je ne nie pas la nécessité pour ADP de procéder à des investissements importants dans les années à venir - je rappelle d'ailleurs qu'une partie de ces investissements s'impose au seul motif que le Gouvernement a renoncé au troisième aéroport - mais d'autres solutions existaient.

Lors du débat, le Gouvernement et le rapporteur se sont inquiétés du taux d'endettement d'ADP qui d'après eux exclut tout recours à l'emprunt. Or, la claire évaluation du patrimoine de l'établissement n'a pas été réalisée. En outre, l'Etat demeure le garant ultime de l'endettement d'ADP établissement public, ce qui constitue une garantie pour les banques en matière d'accès à l'emprunt et de fixation des taux. Je souligne à ce propos qu'ADP n'a pas demandé un centime au contribuable depuis plus de vingt ans et qu'il a même anticipé le remboursement à l'Etat des emprunts contractés au cours des années quatre-vingt.

Cumulée au recours à l'emprunt, une recapitalisation par l'Etat aurait également pu être envisagée mais cette solution a été exclue pour des raisons budgétaires. Pourtant, au mois d'août dernier, le ministre de l'économie a annoncé une renationalisation partielle d'Alsthom avec une participation de l'Etat à hauteur de 31,5% du capital, soit un plan d'aide évalué à 2,8 milliards d'euros : ADP méritait les mêmes égards. Malgré son taux d'endettement, ADP établissement public ne courait en outre aucun risque commercial. En situation de monopole, elle bénéficie de produits captifs, notamment les redevances, et d'après la DGAC, le nombre de passagers qui était de 71 millions en 2002 passerait à 125 millions en 2020.

Le choix du financement par le marché boursier est également hasardeux car compte tenu du retour sur investissement exigé aujourd'hui par les actionnaires et les fonds de pension, rien n'exclut qu'il soit plus difficile pour ADP de satisfaire ses actionnaires que de rembourser ses emprunts. Pour satisfaire le marché boursier, vous voulez d'ailleurs transformer ADP en véritable entreprise de services au détriment de ses missions premières. Enfin, ce projet de loi vise à transformer un monopole public en un monopole privé, ce qui pourrait amener le juge à s'interroger sur la constitutionnalité d'un tel texte.

Cette remise en cause n'épargne pas les aéroports régionaux. En autorisant les collectivités locales à être partie prenante de ces futures sociétés gérantes d'aérodromes, vous favoriserez la concurrence des territoires, les collectivités devant s'aligner sur les critères du marché pour attirer les investisseurs privés et les compagnies à bas coûts. Face à des fonds de pension qui ne connaissent pas la notion de service public, de nombreuses lignes pourraient fermer. Nous assisterions alors à une concentration de certaines lignes européennes et internationales sur quelques aéroports bien desservis par des liaisons ferroviaires nationales, provoquant ainsi la mutation des autres aéroports internationaux en aérodromes régionaux.

Enfin, les nombreux vides juridiques de ce texte, ainsi que les renvois incessants à des décrets pris en Conseil d'Etat, témoignent du refus de débattre avec la représentation nationale, ce qui est inacceptable.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Serge Poignant - Nous allons adopter un texte important qui, outre la réforme des redevances aéroportuaires, concerne le statut juridique de l'établissement ADP ainsi que le statut juridique des grands aéroports régionaux. Pendant nos débats, nous avons mesuré la différence entre une majorité consciente de la nécessaire adaptation de nos aéroports et une opposition préférant l'immobilisme au risque de pénaliser l'évolution de nos infrastructures aéroportuaires. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Nous savons bien que le principe de spécialité limite les possibilités de développement d'ADP et que les investissements importants qui doivent être réalisés dans les prochaines années ne pourront être entièrement financés par l'emprunt, ADP étant déjà très endetté. L'ouverture partielle du capital est donc indispensable. A ceux qui nous parlent de privatisation, nous répondons que si l'établissement public se transforme en société anonyme, le caractère public d'ADP demeure puisque l'Etat reste majoritaire.

M. Jacques Desallangre - Jusqu'à quand ?

M. Serge Poignant - Vous avez insisté, Monsieur le ministre, sur la nécessité de prendre en considération le maintien du domaine public aéroportuaire, le contrôle des terrains nécessaires à l'exécution et au développement des missions de service public et la situation des personnels.

Pour ce qui concerne les douze grands aéroports régionaux, l'absence de loi touchant à leur gestion fragilise les opérateurs face à leurs homologues européens. Le statut actuel de concession limite en effet leur réactivité dans un processus en constante évolution. Les chambres de commerce et d'industrie, concessionnaires, demandaient un cadre pérenne de développement, via la création de sociétés aéroportuaires de droit privé, d'autant que certaines concessions arrivent prochainement à échéance.

Nous avons eu de longs échanges avec vous, Monsieur le ministre, avec les rapporteurs et avec les représentants des chambres de commerce. Au nom du groupe UMP, je vous remercie pour votre écoute et pour l'esprit constructif de ces échanges, qui ont permis de reconnaître le travail effectué par les chambres pendant plusieurs dizaines d'années et de leur offrir la possibilité de s'engager dans un pacte d'actionnaires au sein des futures sociétés aéroportuaires. Soyez également remercié d'avoir pris en considération les questions fiscales et les questions de personnel.

II nous fallait doter notre pays d'outils modernes pour répondre aux exigences nouvelles qui pèsent sur le transport aérien, et faire en sorte que nos grands aéroports puissent rivaliser avec leurs homologues européens. Ce projet de loi permettra l'indispensable évolution. C'est pourquoi le groupe UMP y apportera tout son soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Odile Saugues - Les symboles de ce que fut le service public à la française tombent les uns après les autres. Après la privatisation d'Air France, c'est au tour d'Aéroports de Paris d'être transformé en société anonyme. Vous nous avez assuré, Monsieur le ministre, que l'Etat conserverait la majorité du capital d'ADP. Mais quel crédit donner à vos propos quand la part de l'Etat dans le capital d'Air France, ouvert il y a deux ans, vient de passer de 44,1% à 18,35% ? Quelle confiance pourrions-nous vous accorder pour protéger ce qui est vital, un aménagement du territoire équilibré garant d'un service public aérien qui n'exclue aucun territoire ?

C'est donc à une privatisation rampante que vous nous conviez, organisée autour d'une cession de domanialité inutile et dangereuse, tant pour l'environnement - puisqu'elle encourage le gigantisme des installations commerciales - qu'à cause de la suppression du principe de spécialité, qui conduira à une logique de profits exclusive. Les craintes suscitées par les déclarations tonitruantes de M. Mariton laissant augurer une privatisation des gares se trouvent ainsi confirmées pour Aéroports de Paris, et les salariés, s'ils conservent leur statut, redoutent les filialisations qui se profilent.

La seconde partie du texte, qui s'apparente à une coquille vide, tant elle a été bâclée, concerne les huit grands aéroports de province et les quatre grands aéroports d'outre-mer. Les dispositions relatives à la constitution du capital ont été modifiées suite aux protestations des chambres de commerce et d'industrie. Nous craignons pour notre part la cession à brève échéance des parts de l'Etat à de grands groupes privés, qui empêcherait les collectivités territoriales et les CCI d'imposer une politique aéroportuaire garante d'un service public équitable. La logique financière et la concurrence prévaudront alors dans un secteur aérien déjà soumis à la dérégulation : notre politique aéroportuaire n'a rien à y gagner.

Nous regrettons l'improvisation qui a présidé à la rédaction de ce texte. Le dispositif relatif à l'allongement des concessions, en particulier, n'a fait l'objet d'aucun accord écrit de la Commission européenne, ce qui n'a pas échappé à M. de Courson.

Le groupe socialiste a plaidé pour la négociation d'une convention collective dès l'entrée en vigueur du texte. Vous ne l'avez pas entendu : les salariés sauront le rappeler à la mémoire des gestionnaires si cela s'avérait nécessaire.

« Nous déréglementons un peu plus le transport aérien », constate le rapporteur. Vous tentez de contrôler cette dérive par la constitution d'une commission de conciliation aéroportuaire, qui risque fort de n'être qu'un « machin » sans grande utilité. Après la loi sur la décentralisation, qui a confié aux collectivités territoriales qui le souhaitent - mais sans leur en donner les moyens - la gestion des aéroports de province, vous faites un nouveau pas vers la privatisation du secteur aérien. Vous ouvrez la voie aux prédateurs, qui ne se soucient pas d'assurer un service public de qualité dans des conditions de sécurité optimales, mais de réaliser les profits les plus importants. Le groupe socialiste votera contre votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Charles de Courson - Ce projet constitue une modernisation essentielle et très attendue du secteur aéronautique français. Le texte issu de la première lecture au Sénat allait dans le bon sens, et il a été sensiblement amélioré par notre Assemblée.

Je me félicite de l'adoption de la plupart des amendements déposés par la commission des finances. Nous avons ainsi consolidé le dispositif d'ouverture des aéroports régionaux vis-à-vis du droit communautaire et clarifié le régime juridique dont relèvera le domaine aéroportuaire d'ADP, en précisant que les ouvrages affectés au service public sont des ouvrages publics. Ces amendements mettront un terme à l'inflation jurisprudentielle.

Nous donnons à ADP les moyens de poursuivre son développement dans un environnement concurrentiel, en faisant appel à des capitaux privés et non au contribuable comme le souhaitaient nos collègues de gauche.

La modernisation du statut des douze principaux aéroports régionaux, dans la continuité du mode de gestion actuel par les CCI, permettra un développement aéroportuaire équilibré, au profit des régions et de l'aménagement du territoire, et surtout l'association des collectivités territoriales qui le souhaitent. C'est une priorité pour le Groupe UDF, et mon collègue Rudy Salles, qui a largement contribué aux concertations entre les CCI et le ministère, se réjouit de l'engagement du ministre de constituer un noyau dur et durable d'opérateurs publics via un pacte d'actionnaires associant les CCI, les collectivités territoriales volontaires et l'Etat. Quant aux problèmes fiscaux, ils ont été résolus dans le respect du principe d'égalité.

L'examen de ce projet a été l'occasion d'un débat de qualité, et le groupe UDF le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

A la majorité de 337 voix contre 156, sur 497 votants et 493 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A la demande de la commission des affaires économiques, qui doit se réunir pour examiner les amendements sur la proposition de résolution européenne, je suspends la séance.

La séance, suspendue à 16 heures 40, est reprise à 17 heures 5.

DIRECTIVE RELATIVE AUX SERVICES DANS LE MARCHÉ INTÉRIEUR

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de Mme Comparini sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur.

M. le Président - Le rapport de la commission des affaires économiques porte également sur la proposition de résolution de M. Ayrault et sur celle de M. Deprez.

M. Robert Lecou, rapporteur de la commission des affaires économiques - Notre Assemblée est invitée à se prononcer sur la proposition de résolution adoptée par la commission des affaires économiques, laquelle fait la synthèse des autres en se fondant sur celle de la délégation pour l'Union européenne, présentée par Mme Comparini. De leur côté, MM. Ayrault et Deprez ont également présenté une proposition de résolution sur la proposition de directive du 13 janvier 2004, dite « services » ou « Bolkestein » - du nom de l'ancien commissaire au marché intérieur. Depuis plusieurs mois, cette proposition a suscité un émoi justifié, et je puis vous annoncer d'emblée que notre commission des affaires économiques en demande le réexamen en vue d'une réécriture complète...

M. Alain Bocquet - Il faut obtenir son retrait !

M. Maxime Gremetz - M. Barroso a déjà dit non !

M. le Rapporteur - Certes, la libre circulation des services est - au même titre que celle des personnes, des marchandises et des capitaux - l'un des piliers de la construction européenne inscrits dans le traité de Rome, et l'inachèvement du marché intérieur n'est pas une découverte. Las, la libre circulation des services fait un peu figure de parent pauvre dans la stratégie de croissance européenne. Alors que l'UE est le premier exportateur de services dans le monde - et que la France est le premier exportateur de services au sein de l'Union -, les services, s'ils constituent 70% du PIB et des emplois de la plupart des Etats membres, ne représentent que 20% des échanges intracommunautaires. C'est cet écart que tend à combler la stratégie de développement arrêtée au Conseil européen de Lisbonne de mars 2000, la présente proposition de directive en constituant - au-delà des piliers économique, social et environnemental - un facteur de réussite essentiel.

Si l'avènement du marché intérieur des services constitue bien une priorité incontestée, la méthode d'élaboration de la proposition de directive pose aujourd'hui problème. Prenant acte de la diversité de situation des 25, la Commission européenne a choisi de renoncer à la méthode de l'harmonisation, pour décréter de manière quelque peu irréaliste que le principe du pays d'origine devait se généraliser, en vertu de la confiance mutuelle que doivent se porter les Etats membres. A nos yeux, il serait beaucoup plus raisonnable de poursuivre l'intégration communautaire en œuvrant à la convergence progressive des législations nationales.

La démarche des commissaires européens a suscité de vives inquiétudes, encore renforcées par l'extrême complexité du texte, par le manque de délimitation de son champ d'application et par l'absence d'études d'impact préalables. La proposition de directive qu'ils ont élaborée couvre en effet plusieurs cas de figure : établissement d'un prestataire de services dans un autre Etat membre, déplacement temporaire d'un prestataire dans le pays de son client, offre de services à distance, déplacement du client dans le pays d'origine du prestataire... Ces différentes situations sont inégalement réglées par le droit existant, et la proposition de directive leur apporte des solutions inégalement contestables.

Au reste, tout n'est pas à rejeter dans la proposition de directive « services ». D'abord, l'objectif de meilleure intégration du marché intérieur des services n'est pas contestable, et il est évident que nous avons besoin d'un texte. A défaut, un pan essentiel de nos économies resterait soumis à la jurisprudence de la CJCE, ce qui ne constitue pas un gage de sécurité juridique suffisant pour les entreprises et pour les consommateurs. Ensuite, le renforcement de la coopération administrative et l'incitation à une amélioration globale de la qualité des services au sein de l'UE vont dans le bon sens. Enfin, la simplification des formalités administratives d'établissement - guichet unique, administration électronique  - se présente comme une nécessité urgente.

Je l'ai dit, la méthode adoptée par la Commission et le fond de sa proposition de directive appellent de sévères critiques. Son champ d'application est confus et trop vaste. Les services publics sont pour partie couverts, alors qu'ils devraient faire l'objet d'une directive cadre spécifique, demandée depuis longtemps par la France et la Belgique. L'article III-122 du traité établissant une Constitution pour l'Europe offre également une base juridique pour une loi européenne sur les services d'intérêt économique général.

De plus, pour des raisons d'intérêt général et parce qu'on ne peut pas les assimiler à des services marchands classiques, de nombreux secteurs devraient être exclus du champ d'application du texte : santé, culture et audiovisuel, professions juridiques réglementées, jeux d'argent, transports ; c'est une liste minimale.

Mme Anne-Marie Comparini - En effet.

M. le Rapporteur - La généralisation du principe du pays d'origine sans études d'impact est inacceptable. Nous souhaiterions avoir connaissance de celles qui ont été demandées par le Gouvernement.

La suppression de la déclaration préalable au détachement des salariés est inadmissible, car elle empêche un contrôle effectif par le pays d'accueil et accroît ainsi les risques de dumping social, environnemental et juridique. Elle ferait perdre de leur portée aux garanties relatives aux salaires ou au temps de travail apportées par la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs.

Enfin, il convient d'articuler la proposition de directive avec les autres instruments juridiques communautaires.

Il importe donc que la Commission réexamine complètement ce texte, en profitant de la poursuite des travaux du Parlement européen et du Conseil dans le cadre de la codécision.

Le 2 février dernier, M. Barroso, s'était engagé à une remise à plat, afin de trouver un consensus. Le commissaire au marché intérieur, M. McCreevy, a confirmé cette nécessité le 3 mars, en précisant qu'il s'agirait notamment d'éviter le dumping social en affirmant la primauté de la directive de 1996 relative au détachement des travailleurs, d'exclure la santé et les services d'intérêt général financés sur fonds publics, et aussi de susciter la confiance des entreprises et des consommateurs sans abaisser les normes. Il a précisé qu'il revenait au Parlement européen d'amender la proposition initiale de la Commission et à celle-ci de faire ensuite une proposition révisée qu'elle transmettrait au Conseil.

Comme l'a dit la commission des affaires économiques du Sénat, « le maintien de la directive est inacceptable, mais son abandon est inenvisageable ; la réécriture du texte, elle, est nécessaire et possible ». Aussi notre commission vous propose-t-elle d'adopter une proposition de résolution synthétique, qui prend appui sur l'article unique de la proposition de résolution présentée par la délégation pour l'Union européenne, repris par M. Léonce Deprez et ses collègues, qui est le plus complet et a été adopté à l'unanimité. Elle donne toute leur place aux motifs exposés par le groupe socialiste, concernant notamment la compatibilité de la proposition de directive avec plusieurs articles du traité établissant une constitution pour l'Europe.

Cette proposition de résolution demande le réexamen complet de la proposition de directive ; un processus d'harmonisation du droit applicable aux services et la réalisation d'études d'impact ; l'exclusion des services d'intérêt général ; l'élaboration rapide d'une directive cadre protégeant les services publics, en vue d'une adoption simultanée des deux directives ; des exclusions sectorielles, services de transports, professions juridiques réglementées, services de santé, d'aide sociale et médico-sociale, audiovisuel et services culturels, jeux d'argent ; un contrôle renforcé de la qualification professionnelle, en contrepartie de la limitation des régimes d'autorisation ; l'abandon du principe du pays d'origine ; le maintien de la déclaration préalable au détachement des travailleurs. Il importe d'accompagner de manière constructive la réécriture en cours (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes - La proposition de directive relative aux services, transmise par la Commission européenne en janvier 2004, vise à mettre en œuvre les principes de libre prestation de services et de libre établissement, de façon horizontale, pour l'ensemble des services non encore couverts par des directives spécifiques. Comme je l'ai clairement indiqué à l'occasion d'une question d'actualité, le Gouvernement considère qu'elle n'est pas acceptable en l'état et doit faire l'objet d'une remise à plat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Michel Delebarre - Très bien.

Mme la Ministre déléguée - Nous sommes favorables à un approfondissement du marché intérieur dans le domaine des services, qui contribuera au regain de croissance dont l'Europe a besoin, et qui permettra à la France, première nation exportatrice de services en Europe, de faire jouer ses atouts ; mais la méthode envisagée n'est pas acceptable.

Le premier volet du texte concerne le libre établissement des prestataires de services dans les Etats membres. Il prévoit notamment la simplification des démarches administratives grâce à la mise en place de guichets uniques et au développement de l'administration électronique, ainsi que la limitation des régimes d'autorisation.

Nous sommes globalement favorables à ces mesures, mais il ne serait pas acceptable qu'elles conduisent indirectement à porter atteinte à notre modèle social et culturel. C'est pourquoi nous demandons d'exclure du champ de la directive les services sociaux et de santé, l'audiovisuel et la presse, les services de gestion collective des droits d'auteur et droits voisins, les professions juridiques réglementées, les transports dans leur intégralité, et les jeux d'argent.

Nous demandons en outre que la Commission européenne nous propose un texte sur les services d'intérêt économique général, afin de sécuriser l'organisation et le financement des missions de service public.

Le second volet du texte, qui vise à assurer la libre prestation de services par un prestataire établi dans un autre Etat membre, comporte des risques majeurs qui doivent nous conduire à la plus grande prudence. Il prévoit en particulier le recours généralisé au principe du pays d'origine, selon lequel le prestataire de services est soumis uniquement à la loi du pays dans lequel il est établi. Appliqué de façon mécanique, ce principe risque de conduire à un nivellement par le bas des législations. Il est donc indispensable de privilégier la poursuite du processus d'harmonisation. La combinaison du principe du pays d'origine encadré et de l'harmonisation a été réalisée de façon satisfaisante dans les directives « télévisions sans frontière » et « commerce électronique ».

De plus, des garanties doivent être apportées quant à l'application du droit pénal national et à l'articulation avec les textes communautaires et internationaux existants.

Concernant le détachement des travailleurs, il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur le fait que c'est le droit du travail du pays d'accueil, et non celui du pays d'origine, qui s'applique, y compris pour les conventions collectives, afin de prévenir tout dumping social. Nous demandons bien sûr le maintien de la déclaration préalable.

Face à de telles incertitudes, le Gouvernement a lancé une série d'études d'impact sectorielles. Elles devront permettre d'établir si, dans certains secteurs et de façon suffisamment encadrée, le principe du pays d'origine peut se révéler globalement positif.

Je veux faire ici le point sur l'état de la négociation au niveau communautaire. La proposition de directive est soumise au processus de codécision et doit donc être approuvée dans des termes identiques par le Parlement européen et la majorité qualifiée du Conseil.

Le Conseil compétitivité du 7 mars, auquel j'ai participé, a montré que les Etats membres s'accordent à la fois sur l'importance de la construction du marché intérieur des services et sur le fait que la proposition de directive ne pouvait pas être acceptée en l'état. Le même jour, le chancelier Schröder indiquait sa convergence de vue avec le Président de la République.

La proposition de directive est aujourd'hui entre les mains du Parlement européen, dont le rapporteur, Mme Evelyne Gebhardt, rejoint largement nos préoccupations. Le vote en session plénière pourrait avoir lieu en juillet prochain.

L'action conjuguée du Gouvernement, du Parlement européen, mais aussi de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui se sont fortement mobilisés, ont fait prendre conscience à la Commission des difficultés. Elle a ainsi annoncé le 2 février dernier son intention de « construire un consensus » concernant nos deux préoccupations majeures, la mise en œuvre du principe du pays d'origine et le champ d'application de la directive. Le commissaire en charge du dossier, M. McCreevy, a ainsi indiqué son intention de réviser le texte à l'issue de l'examen par le Parlement européen, notamment en excluant du champ d'application les services d'intérêt général financés sur fonds publics et le secteur de la santé, et en apportant les clarifications nécessaires pour ne permettre aucun dumping social.

Notre ligne de conduite pour la suite de la négociation est claire. Nous avons besoin d'une législation européenne sur les services. Nous refusons en effet que la construction du marché intérieur des services découle de la seule jurisprudence. Ainsi, l'exigence d'un retrait pur et simple du texte ne serait-elle pas une option favorable à nos intérêts. En revanche, la proposition de la Commission devra être profondément réexaminée à l'issue des travaux du Parlement européen.

En ce qui concerne le principe du pays d'origine, le Gouvernement précisera sa position sur la base des conclusions des études d'impact qu'il a lancées, en prenant en compte le résultat des discussions au Parlement européen et la réponse qu'y aura apportée la Commission. La France sera d'autant plus efficace pour défendre sa position qu'elle ne sera pas isolée au sein des institutions communautaires.

Nous attendons de la Commission une approche constructive nous permettant de travailler sereinement à la remise à plat de ce texte. Nous resterons fermes sur nos exigences essentielles. Les propos tenus hier par le Président Barroso - à titre personnel - appellent des clarifications rapides. (Approbations sur les bancs du groupe socialiste) Je m'en suis étonnée, car ils sont en contradiction avec la position prise par la Commission le 2 février dernier.

Sachez que j'ai d'ores et déjà, à mon niveau, demandé des éclaircissements à la Commission. Cette déclaration ne correspond en rien aux assurances données, notamment par le commissaire en charge de ce dossier.

Le Président de la République a pu joindre M. Barroso ce matin même. Il lui a rappelé que la Commission s'est engagée à réviser ce texte en vue d'aboutir à un consensus, ce qui est la seule méthode acceptable. M. Chirac a réaffirmé que « l'Europe, c'est la protection des droits sociaux, la loyauté des conditions de concurrence, le respect des services publics et c'est le respect de la diversité culturelle ».

Je le répète, cette proposition de directive doit être remise complètement à plat, en particulier en ce qui concerne la disposition du pays d'origine.

M. Alain Bocquet - On n'y croit pas.

Mme la Ministre déléguée - Ce principe ne pourra être maintenu que s'il y a une harmonisation stricte. Sans cela, notre modèle social serait remis en cause, et nous ne le souhaitons pas. C'est dans cet esprit que nous abordons le Conseil européen des 22 et 23 mars à Bruxelles.

Je tiens à saluer l'implication forte de votre assemblée, de la commission et de son rapporteur, ainsi que de la délégation pour l'Union européenne et de Mme Comparini, avec qui j'ai eu régulièrement des échanges constructifs.

Soyez convaincus que le Gouvernement fera tout pour préserver les principes fondamentaux auxquels nous sommes tous attachés. Cette discussion montre que nous avons l'ambition de faire l'Europe « par le haut » et que l'harmonisation reste le fil directeur pour renforcer notre modèle social et culturel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Marc Laffineur - La proposition de directive de la commission Prodi sur les services dans le marché intérieur, qui a suscité des controverses chez nos partenaires, est inacceptable. Elle atteste un dysfonctionnement profond de l'Europe, que seul un vote favorable sur la nouvelle Constitution permettra de corriger.

M. Daniel Paul - C'est bien naïf.

M. Marc Laffineur - Le marché unique est une des plus grandes réalisations de l'Europe, après la paix. La liberté de circulation des services, comme des biens, des personnes et des capitaux, en est un des fondements. Bien que représentant 70% du PIB, les services ne contribuent qu'à 20% des échanges internes de l'Union, car ils sont peu échangeables : le salon de coiffure de Lyon ne concurrence pas celui de Rome. Néanmoins, la France est au premier rang européen et au quatrième rang mondial pour les exportations de services. Et pour relancer la croissance, les chefs d'Etat et de gouvernement ont adopté en mars 2000 la stratégie de Lisbonne qui vise à faire de l'Europe l'économie de la connaissance la plus compétitive en 2010.

Il n'est pas illégitime que la Commission prenne l'initiative de parachever le marché unique en créant un marché intérieur des services, pour donner un nouveau dynamisme à la croissance et à l'emploi. Elle ne fait qu'étendre ainsi la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs, qui oblige les fournisseurs de services à respecter les conditions de travail du pays d'accueil, notamment le salaire minimum, la durée du travail et les règles d'hygiène et de sécurité.

Le secteur des services est un des principaux gisements d'emplois - quelque 3,5 millions d'emplois dans les services à la personne en France. Mais ils reposent sur un savoir-faire qui exige la présence du prestataire, de son personnel et de son matériel de façon temporaire. C'est dans ce cadre que se pose la question de la libéralisation.

La directive distingue d'une part l'activité exercée de façon permanente dans un cadre stable dans un Etat d'accueil au titre de la liberté d'établissement, et qui suppose le respect des règles de ce pays, et d'autre part la « libre prestation de services » à titre temporaire qui resterait soumise aux règles du pays d'origine. Ce dernier principe s'applique pour la libre circulation des marchandises et, s'agissant des services, à des secteurs où l'harmonisation est presque parfaite comme le commerce électronique ou l'audiovisuel dans le cadre de la directive Télévision sans frontières.

Si les grands groupes n'ont pas de difficulté à développer leurs activités au-delà des frontières, pour les PME, la complexité des procédures et des procédures d'autorisation est dissuasive. Aussi, la directive cherche-t-elle à faciliter la liberté d'établissement par des mesures de simplification administrative et d'allégement des formalités qui vont dans le bon sens, et s'inscrivent bien dans la politique de réforme de l'Etat engagée par Jean-Pierre Raffarin. La proposition de directive exclut les services participant à l'exercice de l'autorité publique, les services bancaires et financiers, les services de transport. Nous demandons qu'il en aille de même pour les professions juridiques réglementées, les services culturels et audiovisuels, les services de santé, d'aide sociale et médico-sociale et les jeux d'argent. Il serait bon aussi que l'Europe se saisisse, comme la France et la Belgique l'ont souvent demandé, des services d'intérêt général, et prépare une grande loi sur les services publics.

C'est une fois réglée cette question du champ d'application qu'on peut réexaminer la proposition de directive. Nous demandons moins à la Commission de la retirer que de la réécrire afin de préserver le modèle social européen et son système de protection sociale efficace. La procédure de codécision associant le Conseil et le Parlement européen, opposé au maintien de la directive en l'état, et France, Belgique et Allemagne étant hostiles au principe du pays d'origine, on peut penser que le texte final tiendra compte de leur refus. Nous redoutons en effet les risques de dumping social et de concurrence déloyale.

Ce débat sur la directive Bolkestein et la maladresse avec laquelle elle a été présentée sont des raisons supplémentaires de faire campagne en faveur du oui au référendum.

M. Jacques Desallangre - C'est trop drôle !

M. Marc Laffineur - En effet, le traité constitutionnel donnera plus de pouvoirs au Parlement européen et aux parlements nationaux.

M. René André - Très bien !

M. Marc Laffineur - Avec la Constitution, le politique reprend le pouvoir, la préparation des lois n'est plus laissée aux techniciens et aux experts.

Le rôle que peuvent jouer les parlements est parfaitement illustré par la contribution de notre assemblée qui, à partir du rapport de la délégation pour l'Union européenne, s'est saisie de cette question. C'est un bel exemple de vitalité démocratique, que l'adoption de la Constitution confortera, comme elle permettra de mieux protéger les services publics face à des directives de ce type. En effet, le Parlement européen disposera de prérogatives renforcées, et les parlements nationaux contrôleront le principe de subsidiarité. Le président de la Commission, élu par le Parlement, sera responsable devant lui, et les propositions de la Commission seront désormais le résultat de choix politiques qui pourront être sanctionnés. Aussi, plus que jamais, disons oui à la Constitution qui introduit plus de démocratie et de transparence dans le processus de décision et, en reconnaissant la Charte des droits fondamentaux, protège le modèle social européen.

M. Jacques Desallangre - Mais il n'existe pas.

M. Marc Laffineur - La Commission a commis une erreur, mais la démocratie représentative a fait entendre sa voix. La France a montré qu'elle ne voulait pas d'une Europe qui soit une simple zone de libre-échange. Grâce au projet de Constitution, le politique doit la réinvestir et ainsi nous conforterons notre modèle social, sans lequel nous risquerions de perdre notre identité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Louis Bianco - La proposition de directive Bolkenstein illustre, de façon lumineuse, quelle Europe nous ne voulons pas. Elle vise à achever le marché intérieur dans le domaine des services, qui représentent 70% du PIB. Pourquoi pas ? Mais la Commission a commis six fautes majeures.

Sa première faute est de sacrifier à l'idéologie qui fait du marché le dieu absolu, de croire que la concurrence produit automatiquement les meilleurs effets pour tous. Or, la Commission est incapable de démontrer quels en seront les effets, secteur par secteur, sur le nombre et la qualité des emplois. D'autre part, le consommateur ne doit pas seulement bénéficier de services moins chers, mais il est en droit d'exiger la qualité et la sécurité de ces services, et la directive ne les garantit pas.

Sa seconde faute est l'incohérence. Avec la règle du pays d'origine, nous aurions un marché « unique » avec 25 règles différentes ! Ce principe contredit la notion même d'unicité du marché.

M. René André - Très juste.

M. Jean-Louis Bianco - La troisième faute, c'est l'absence de contrôle. Selon la directive, c'est le pays d'origine qui serait chargé dans les 24 autres pays de contrôler le respect de sa réglementation nationale par ses ressortissants. Comment imaginer qu'un pays de 400 000 habitants contrôle un marché de 450 millions de consommateurs ?

La quatrième faute tient au fait que la directive est une formidable machine à fabriquer des contentieux. Le Conseil d'Etat a constaté qu'elle remettait en cause rien moins que les principes de souveraineté nationale, d'égalité devant la loi et de légalité des délits et des peines ! L'atteinte au principe de subsidiarité est manifeste.

La cinquième faute, c'est l'absence d'harmonisation. Jusqu'ici l'Europe s'est toujours construite par l'harmonisation des règles. Ce n'est pas toujours simple et il ne faut pas que l'Europe se mêle de tout. Mais l'absence d'harmonisation conduira presque inévitablement au moins-disant social et au moins-disant environnemental.

La sixième faute, c'est la mise en cause des services publics. Pour la directive, toute prestation - hors travail salarié entre employeur et employé - qui fait l'objet d'une contrepartie économique est un service. Or, aucun service d'intérêt général ou presque n'est entièrement gratuit et il existe presque partout ce que Philippe Herzog appelle une « zone grise » entre les services d'intérêt général et les services marchands.

Mais le traité constitutionnel européen n'est en rien responsable de cette proposition de directive. Déposée en janvier 2004, elle est au contraire l'illustration de ce que permet le traité de Nice, qui restera en vigueur si le nouveau traité n'est pas adopté. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

La vérité, c'est que la Constitution, même imparfaite, donnerait de nouvelles armes contre ce projet de directive : le contrôle de la subsidiarité par les Parlements nationaux, la création par l'article III-122 d'une base juridique pour les services d'intérêt général, le pouvoir d'initiative donné à un million de citoyens européens...

Alors, que faut-il faire ? Depuis quelques semaines, on joue sur les mots, à commencer par le gouvernement français, qui a pris très tardivement conscience de la gravité du problème : « remise à plat », « réécriture », « réexamen »... La délégation pour l'Union européenne a, quant à elle, demandé le retrait du texte au profit d'une harmonisation par le haut du droit applicable aux services. Or, la résolution adoptée par la commission des affaires économiques est revenue là dessus. A cela s'ajoute l'attitude des élus UMP du Parlement européen, qui n'ont fait que s'abstenir sur le vote d'une résolution tendant à une adoption rapide de la proposition de directive Bolkestein, alors que l'ensemble de la gauche européenne et les élus de l'UDF s'y sont opposés. Enfin, il n'aura échappé à personne que le silence des autorités françaises n'a pris fin que tout récemment.

De leur côté, le Président Barroso comme le commissaire en charge du marché intérieur ont confirmé le maintien du principe du pays d'origine, lequel est inacceptable. La position de la France doit donc être claire - ce qu'aujourd'hui elle n'est pas. Nous demandons que la Commission retire sa proposition ; que sinon, la France s'oppose fermement à celle-ci et en demande le rejet ; qu'avant toute nouvelle directive sur les services, une loi-cadre sur les services publics ou services d'intérêt général soit adoptée ; que le principe du pays d'origine soit exclu de toute autre proposition de directive sur les services. Ne tournons pas autour du pot avec une Commission qui ne semble pas prendre très au sérieux ce que disent les Parlements nationaux et disons lui clairement qu'elle doit retirer sa proposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Anne-Marie Comparini - Nous voilà réunis, heureuse initiative, pour débattre sereinement du projet très controversé de directive sur les services. Soyons clairs : la critique sévère que fait le groupe UDF de ce texte ne constitue nullement une condamnation de l'objectif ambitieux qui est à son origine.

Au contraire, la volonté politique d'achever le marché unique - signé en 1985 par le Premier ministre Laurent Fabius - en assurant la libre circulation des services nous semble bienvenue. Pour nous Français, car la France, classée parmi les quatre premiers exportateurs mondiaux de services, est déjà un acteur majeur des échanges dans ce secteur. Pour nous aussi Européens, car la faible part des services - moins de 20 % - dans les échanges européens prive l'économie européenne de parts de croissance utiles à sa compétitivité et à la création d'emplois.

Notre critique porte davantage sur l'application qui en est faite, contraire selon nous à la conception européenne de la cohésion économique et sociale.

L'Europe doit être vécue comme une force, comme une avancée pour tous. Or, l'ancienne Commission a fait l'erreur d'abandonner l'harmonisation au profit du principe du pays d'origine, et ce en même temps que se produisait l'élargissement, alors que le principe du pays d'origine est incompatible avec les disparités de l'Europe à 25. Loin de moi l'idée de diaboliser les dix nouveaux membres, qui ont fait de gros efforts d'intégration de l'acquis communautaire et de rattrapage économique. Mais les disparités n'en sont pas moins là, plus fortes que jamais, qu'il s'agisse de protection sociale, du système de santé, du système juridique, des salaires bruts, du PIB par habitant, des impôts sur les entreprises. L'Europe de 2005 n'est plus la Communauté d'origine, elle doit prioritairement maîtriser les conséquences du dernier élargissement.

Cette erreur de la Commission se double d'une erreur de calendrier, car l'achèvement du marché intérieur de secteurs aussi complexes que les services ne saurait se faire à marche forcée. Les principes de coordination et d'harmonisation sont seuls garants d'un niveau élevé de protection des consommateurs et des salariés. C'était la pratique des vingt dernières années et, reconnaissons le, le tempo lent et régulier de la politique européenne était le bon. Il a fallu quarante ans pour faire l'euro. Il faudra peut-être dix ou quinze ans d'efforts d'harmonisation pour achever le marché intérieur.

Nos critiques portent aussi sur les défauts du texte, dont le champ d'application est déterminé de façon si imprécise qu'il n'est pas possible d'établir une liste précise des secteurs concernés, et sur son articulation approximative avec d'autres politiques communautaires telles que le détachement des travailleurs, la reconnaissance des qualifications ou le remboursement des soins de santé. Quelle peut être la lisibilité juridique d'un texte qui assortit un principe de 23 dérogations et de conditions suspensives aussi considérables ?

Ces défauts illustrent le mauvais fonctionnement de l'ancienne Commission. Trop cloisonnée, elle a négligé les efforts faits par de nombreuses professions - avocats, architectes, notaires, fédérations du bâtiment, de l'intérim - pour se concerter avec leurs homologues au niveau européen. Trop éloignée des pratiques professionnelles, elle a sous-estimé les risques de dumping social et juridique.

Le principe du pays d'origine signifierait que chaque Etat pourrait transférer sa propre législation dans un autre, ce qui ne pourrait que favoriser la baisse de qualité de l'offre de services, une diminution du niveau global de protection et des salaires au détriment des travailleurs, des consommateurs et des entreprises. Même la dérogation en faveur de la directive « détachement des travailleurs » n'écarte pas tout risque de dumping social, du fait de l'impossibilité de procéder à des contrôles, et dans l'Etat d'accueil et dans celui d'origine.

Il en va de même pour le dumping juridique : la règle du pays d'origine pourrait conduire les Etats membres à se livrer à une compétition juridique pour attirer les entreprises, alors que l'objectif de l'Union a toujours été d'assurer la protection de tous.

L'UDF ne réclame pas de dérogations - elles seraient si nombreuses ! -, ni l'abandon de ce texte qui porte en lui, nous le pressentons, les conditions de développement de la croissance européenne.

Le bon sens nous commande d'exiger une transformation en profondeur du texte avec, en préalable, l'abandon du principe du pays d'origine, et le respect de deux conditions. Tout d'abord, la directive doit exclure de son champ d'application les services publics, les professions juridiques réglementées, les services audiovisuels et culturels, qui peuvent relever de la directive « Télévision sans frontières », les services sanitaires et sociaux et les jeux d'argent.

Par ailleurs, cette directive doit s'articuler avec les autres directives, notamment sectorielles, et respecter leur primauté.

Tels sont les points que j'ai développés devant la délégation présidée par M. Lequillier, et je note qu'ils ne diffèrent pas vraiment des positions défendues, tant par le Président de la République, qui demande une remise à plat, que par les parlementaires européens ou par d'autres Parlements nationaux - Allemagne, Belgique, Estonie.

Certains, à gauche comme à droite, affirment à tort que la Constitution européenne est la porte ouverte à la directive Bolkestein, alors qu'elle comporte de réelles avancées politiques et démocratiques. N'oublions pas par ailleurs que, si la Commission propose, le Conseil et le Parlement européen décident.

Mais surtout, cette saisine du Parlement, la consultation de tous les acteurs économiques, ce projet de résolution auquel nous avons abouti, ne préfigurent-ils pas ce que sera la gouvernance européenne avec la Constitution ? (« Ca promet ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Quel meilleur exemple des améliorations qu'elle peut nous apporter pour une Europe plus démocratique et plus transparente ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Bocquet - Je découvre avec bonheur que, sur tous les bancs de cette assemblée, on s'inquiète des conséquences de la directive Bolkestein sur les droits sociaux, les services publics ou les conditions d'exercice de nombre de professions libérales.

Sauf que, le 4 mars dernier, le Figaro citait le commissaire McCreevy, qui affirmait que la commission n'avait pas l'intention de la retirer. Et ce matin, on apprend dans la presse que M. Barroso est favorable au maintien de cette directive et du principe du pays d'origine, lequel permettrait à toute entreprise européenne de venir traiter des marchés en France selon les lois de son pays, ce qui porterait un coup très dur aux artisans et aux PME. On imagine sans mal les conséquences sur l'emploi et les revenus !

Tous les partisans du projet de Constitution, comme tous les chefs d'Etat, ont approuvé la directive. Jacques Chirac était là lorsque, le 25 novembre dernier, le Conseil européen a demandé que cette directive bénéficie d'une priorité absolue. Tous les députés européens, exceptés les communistes et les verts nordiques qui ont voté contre, ont donné un premier avis très favorable le 13 février 2003. Les membres de la Commission, dont Michel Barnier et Pascal Lamy, l'ont approuvée à l'unanimité le 13 janvier 2004.

C'est dire si ce débat que vous organisez aujourd'hui en catastrophe est un débat de dupes, et il semble même que le Gouvernement français se prépare à anticiper ! Un rapport « Cahusac-Kramatz » commandé par MM. Borloo et Sarkozy ne propose-t-il pas la suppression des règlements professionnels existants ? Le fondement même de cette réforme est inscrit dans le processus de Lisbonne qui prône la suppression des obstacles à la libre circulation des services. Depuis 2000, qui a dénoncé cette fuite en avant vers le règne de la concurrence sauvage ?

En vérité, à quelques semaines du référendum, les partisans du oui tentent d'éteindre l'incendie provoqué dans l'opinion, et d'éviter que la filiation ne soit établie entre le contenu de la directive et les principes majeurs de la Constitution.

Il est temps de parler vrai. On peut toujours réaménager la directive Bolkestein, mais le traité n'en restera pas moins à la sauce Bolkestein ! Ainsi érige-t-il en objectif de l'Union « un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée. »

A 68 reprises dans le traité, le plein emploi, le progrès, la justice et la protection sociale sont soumis au respect du cadre strict d'une « économie de marché ouverte » conçue sur le modèle des accords de l'OMC et particulièrement de l'Accord général sur le commerce des services qui a inspiré M. Bolkestein. Le projet de Constitution dispose du reste que les Etats membres s'efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà des mesures obligatoires en vertu de la loi cadre européenne, tout comme il précise que « la Commission adresse aux Etats membres intéressés des recommandations à cet effet ».

En matière sociale et fiscale, le maintien de la règle contraignante de l'unanimité limite l'adoption de mesures progressistes et protectrices pour l'ensemble des salariés et des exclus : avec le traité, le SMIC européen de haut niveau n'est pas pour demain. Le projet de Constitution sanctuarise l'unification monétaire et marchande mais abandonne à la jungle les rapports sociaux, les firmes multinationales profitant des disparités entre les législations et les systèmes sociaux pour imposer chômage, bas salaires, flexibilité, délocalisations et licenciements brutaux.

Chacun témoigne de son attachement aux services publics mais je note que le projet de Constitution les remplace par des services d'intérêt économique général à la portée très limitée. Non seulement ces SIEG ne sauraient compter parmi les objectifs de l'Union mais ils ne font l'objet d'aucun chapitre particulier : ils sont une exception tout juste tolérée, étant entendu que, selon l'article III-166, « les entreprises chargées de la gestion des services d'intérêt économique général (...) sont soumises aux dispositions de la Constitution, notamment aux règles de la concurrence ». Nous ne pouvons nous en prémunir sans rejeter le traité de Constitution, dimension qu'élude le rapport de la commission des affaires économiques. Notre opposition résolue à la directive est en effet parfaitement cohérente avec notre engagement pour le « non » au référendum du 29 mai prochain : seule une victoire du « non » peut enterrer définitivement la directive Bolkestein et faire en sorte que l'Europe satisfasse enfin les besoins d'emploi, de formation, de pouvoir d'achat, de services publics, de réduction du temps de travail, de démocratie participative, de solidarité, de culture et de paix.

Face à la détermination de la Commission européenne et de son Président pour maintenir la directive Bolkestein, que valent vos gesticulations et protestations verbales ? Si le Président de la République, le Gouvernement, la majorité veulent prouver leur efficacité, qu'ils obtiennent le retrait pur et simple de cette directive dangereuse pour le monde du travail ! « Hic Rhodus, Hic Salta » : c'est le moment de montrer ce dont vous êtes capables. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Je rends hommage à la délégation aux affaires européennes que préside M. Lequiller, car elle a eu le mérite de se préoccuper d'un sujet d'importance, tout comme je salue le travail de Mme Comparini.

M. Lecou a exposé le point de vue de la commission : cette proposition de directive est inacceptable dans sa forme actuelle et doit être profondément réécrite. Il ne s'agit évidemment pas de faire des effets de manche et de demander l'impossible : son retrait n'est en effet pas raisonnable car le débat est engagé au Parlement européen et il convient d'attendre les échéances normales des discussions dans le cadre des institutions.

Cette proposition de directive, en l'état, ne correspond pas à notre vision de la construction européenne. Il est en particulier impératif d'exclure les services publics « à la française » de son champ d'application car nous devons préserver notre modèle social. Nous sommes également favorables à un contrôle efficace par les Etats membres de la situation des travailleurs détachés ainsi qu'à la réalisation d'études préalables sectorielles approfondies, notamment en ce qui concerne l'application du principe dit « du pays d'origine ».

M. Daniel Paul - Je vous rappellerai ces propos jeudi prochain.

M. le Président de la commission - Nous nous retrouverons donc.

Nous avons examiné lors de la réunion du 1er mars trois propositions de résolution, dont celle de la délégation, et nous vous demandons aujourd'hui d'adopter la proposition de résolution de synthèse qui vous est soumise. Le réexamen du texte de la directive en vue de sa réécriture constitue selon nous un message fort. Peu importent les mots, Messieurs Bocquet et Bianco, l'important est que la Commission européenne prenne conscience de nos difficultés et en tienne compte. Cette directive est en effet le fruit d'une « technocratie » sans doute trop éloignée des peuples. Je ne comprends pas la position de M. Barroso : comment a-t-il pu affirmer que, selon certains, la Commission avait pour but de protéger les quinze anciens membres contre les nouveaux ? Il n'est pas question d'une telle querelle.

Mme Anne-Marie Comparini - Absolument.

M. le Président de la commission - M. Barroso devrait en outre se souvenir que le Portugal a largement profité des apports européens lors de son adhésion, et que nous nous en sommes réjouis. Il devrait également savoir que la France est le deuxième contributeur au budget de l'Europe. Que chacun examine donc la réalité des faits !

En outre, je ne souhaite pas que nos propos suscitent quelque surenchère que ce soit sur le plan européen : je suis d'ailleurs heureux que le chancelier Schröder ait fait quelques pas dans notre direction. Prenons acte de ce premier succès, continuons le combat : nous ne sommes en effet qu'au début d'une procédure de codécision qui implique que le Conseil des ministres européen prenne une décision commune avec le Parlement, lequel traitera de cette question au mois de juin. La voix de la France doit être entendue, comme celle des autres pays membres.

Enfin, il serait particulièrement malvenu de confondre les débats sur la proposition de directive et sur le référendum relatif au traité constitutionnel.

M. Jacques Myard - C'est foutu !

M. le Président de la commission - Quoi qu'il advienne, en effet, les institutions telles qu'elles sont permettent d'appliquer la directive Bolkestein. Si le oui l'emporte au référendum, en revanche, nous nous rendrons compte que cette Constitution est plus protectrice, qu'elle donne aux Parlements nationaux plus de pouvoirs grâce auxquels l'application d'une directive contre la volonté de la France ne sera pas possible.

M. Jérôme Lambert - C'est faux !

M. le Président de la commission - Affichons notre détermination pour refuser une Europe loin des préoccupations quotidiennes des citoyens et en faveur d'une Europe respectueuse des Etats et des peuples !

Parce que la voix de la France doit donc être entendue...

M. Jacques Myard - On n'écoute pas les esclaves.

M. le Président de la commission - ...je vous demande de voter les conclusions de la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Pierre Lequiller, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union Européenne - La mise en place d'un marché unique des services constitue une étape essentielle dans la réalisation du marché commun. Le principe en a été posé dès le traité de Rome avant d'être réaffirmé par l'Acte unique tout comme il s'inscrit dans la stratégie de Lisbonne.

C'est un facteur potentiellement considérable de croissance économique : 600 000 emplois pourraient être créés à l'échelle de l'Union, or la France occupe une position prééminente dans le domaine des services. Cet objectif ne peut donc que susciter la coopération des Etats membres.

Encore faut-il recourir à la bonne méthode et éviter toute précipitation. La dénomination de services recouvre des activités multiples et hétérogènes, ce qui exige d'agir avec réalisme et discernement. Une directive globale sur les services n'a de sens que si les caractéristiques des activités concernées sont bien analysées, si une articulation parfaite de la directive et des instruments sectoriels existants est assurée et si les situations des Etats membres ne sont pas trop hétérogènes.

La proposition de directive est critiquable à bien des égards : ni prise en considération de la nécessaire harmonisation, ni respect du service public - alors que le projet de Constitution consacre les services publics -, principe du pays d'origine, complexité excessive, risque de dumping social et juridique.

La Commission européenne a présenté son projet en janvier 2004. Dès juin, la délégation pour l'Union européenne s'est saisie de la question en désignant comme rapporteure Mme Anne-Marie Comparini, ce qui lui a permis de mener une réflexion approfondie en donnant à notre Assemblée une large avance sur les autres Parlements nationaux et sur le Parlement européen, qui ne s'est pas encore prononcé sur la proposition de directive, contrairement à ce que j'entends trop souvent dire. Il ne se prononcera en effet qu'en fin de parcours, suivant la procédure de codécision avec le Conseil des ministres.

La délégation a donné une dimension interparlementaire à ses travaux : nous avons invité les députés européens à la réunion au cours de laquelle le rapport de Mme Comparini a été examiné, et nous avons participé jeudi dernier à une réunion au Bundestag. A la demande de Jean-Louis Debré, un groupe de travail commun va être constitué avec nos collègues allemands pour continuer l'échange de vues sur la directive services.

Si j'ai demandé l'inscription à l'ordre du jour de cette proposition de résolution, c'est pour qu'un acte solennel du Parlement vous permette, Madame la ministre, de défendre encore mieux la position de la France. Le débat a eu lieu au Sénat ce matin, et il va se poursuivre dans les prochains mois. C'est un travail de diplomatie parlementaire qu'il nous faut mener.

La démocratie européenne a donc fonctionné : on s'oriente vers une remise à plat complète du texte (M. Myard s'esclaffe), et je me félicite de la position commune prise en ce sens par Jacques Chirac et Gherard Schröder. Le Président de la République est encore intervenu ce matin auprès du président de la Commission, qui a d'ailleurs modifié sa position.

M. Jacques Myard - Ce n'est plus une Commission, c'est une girouette !

M. le Président de la délégation - Tant mieux, si elle tient compte de notre position. Une même volonté s'exprime désormais, que Michel Barnier rappelait ce matin devant la délégation : qu'il n'y ait pas de libéralisation des services sans une harmonisation par le haut des secteurs concernés, au risque d'un dumping social et juridique inacceptable et sans la mise en œuvre d'une loi européenne sur les services publics. C'est l'objet de la proposition adoptée par la commission des affaires économiques sur l'excellent rapport de notre collègue Robert Lecou, auquel je souscris. Je rappelle que la décision appartiendra non à la Commission, mais au Parlement européen et au Conseil des ministres. Nous devons rester mobilisés sur ce dossier. La nouvelle Constitution nous aurait d'ailleurs permis d'être saisis plus tôt de la proposition de directive...

M. Jacques Myard - Ce n'est pas vrai !

M. le Président de la délégation - ...qui n'a rien à voir avec la Constitution européenne que les Français sont appelés à ratifier. Celle-ci nous offre des moyens renforcés pour contrôler le processus d'élaboration des lois européennes et peser sur leur contenu.

Nous réclamons avec vous, Madame la ministre, la révision complète de cette directive et l'abandon du principe du pays d'origine. Nous savons que vous saurez mettre notre soutien à profit pour défendre les intérêts de la France, mais aussi de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques Myard - Dans le ciel de l'euro-béatitude, le projet de directive porte un coup sérieux aux illusions d'une Europe intégrée à vingt-cinq. Le sujet est en effet topique de la nature exacte de l'actuelle construction européenne : voilà une directive miroir, une directive boomerang qui vous renvoie en plein visage l'absurdité d'une construction européenne contraire à nos intérêts.

Ce projet de directive est né, faut-il le rappeler, de l'aveuglement des gouvernements successifs, qui font preuve depuis cinq ans d'un total irréalisme dans ce domaine. Et ceux qui, à gauche, se drapent aujourd'hui dans leur vertu outragée ont activement concouru à l'élaboration de cette directive : ils en ont approuvé chaque étape depuis l'an 2000. Il faut que les Français le sachent : ce texte n'est pas le fruit d'un dysfonctionnement de la Commission, qui a fait son travail puisqu'elle répondait à une demande des Etats membres. Ce texte n'est pas non plus contraire au principe de subsidiarité. Il ne sert à rien de dire que la Constitution nous aurait permis de savoir plus tôt : nous le savions, grâce à l'article 88-4 ! Le Gouvernement était parfaitement informé ! Tout cela a été approuvé par les gouvernements successifs : ce n'est que le résultat des abandons de souveraineté que nous avons acceptés.

Vous vous êtes étonnée, Madame la ministre, des propos de M. Barroso. Mais la directive est le résultat implacable de l'actuelle construction européenne, qui se retourne contre nos intérêts. Elle s'incarne dans un système qui nous échappe. Ainsi sera-telle adoptée à la majorité qualifiée - dont le champ est appelé à s'étendre - sans que nous puissions nous y opposer, étant minoritaires. En juillet, c'est la Grande-Bretagne qui présidera l'Union. Vous savez bien, de même, que les Allemands étaient favorables à la directive et que ce n'est que sur l'intervention du plus haut niveau de l'Etat français qu'ils ont modifié leur position. Nos partenaires sont pour !

M. Alain Bocquet - Eh oui !

M. Jacques Myard - Et M. Barroso n'aurait pas pu tenir ces propos sans le soutien des autres Etats. Nous sommes « dans la seringue », et vous ne pourrez rien y faire.

Nous allons regretter l'abandon du compromis de Luxembourg, sur lequel j'ai vainement questionné le Gouvernement.

Les services représentent en effet 60% du PIB des Etats européens. Mais doit-on pour autant accepter le slogan de la Commission selon lequel ils ne représenteraient que 20% des échanges intracommunautaires ? Non : il y a des relais, des filiales. Les rapports de la Commission ne comportent aucune argumentation sérieuse sur les créations d'emplois attendues. C'est de l'incantation !

En réalité, on n'a pas besoin de ce texte ! Et le principe du pays d'origine s'impose d'autant moins qu'il y a belle lurette que les entreprises des Etats membres peuvent s'établir hors de leurs frontières nationales pour exercer leur activité. Tendre à reconnaître la prééminence du droit du pays d'origine sur le droit national du pays d'établissement, c'est violer un principe multiséculaire du droit international privé des contrats et installer une insécurité juridique qui ne manquera pas de porter préjudice à notre activité commerciale. A la vérité, les commissaires européens raisonnent sur des modèles mathématiques pensés pour un monde parfait où la fluidité des échanges serait totale : leur irréalisme les conduit à l'ineptie...

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Jacques Myard - Je dis à ceux qu'un sursaut de lucidité conduit à refuser la directive Bolkestein de tenir bon, et de dire non dans le même élan au traité constitutionnel européen ! (Applaudissements sur plusieurs bancs)

M. Alain Bocquet - Très bien !

M. Pierre Cohen - Je salue l'initiative qui a conduit à débattre de cette proposition de directive très en amont de son éventuelle adoption - puis transposition. Le fait que les Parlements nationaux et européen en soient saisis témoigne d'une incontestable avancée démocratique. Longtemps confidentielle, la proposition de directive « services » suscite aujourd'hui l'inquiétude de nos concitoyens, déjà accablés par un contexte économique et social particulièrement pesant. Elle tourne en effet le dos au principe de l'harmonisation des normes par le haut, au profit du développement économique et de la cohésion sociale. Dès lors, la proposition de résolution déposée par notre groupe est sans ambiguïté : nous demandons le retrait pur et simple de la proposition Bolkestein, dont le rapport Comparini a bien montré les effets dévastateurs, si d'aventure le principe du pays d'origine devait trouver à s'appliquer. Autant renoncer tout de suite au modèle social européen auquel les Français sont légitimement attachés.

Par delà le principe du pays d'origine, la directive pose plusieurs autres problèmes, notamment en matière de droit de la concurrence, de fiscalité et de droit du travail. Il y a en effet tout lieu de craindre un alignement général sur les normes les plus laxistes et les moins protectrices, aboutissant à une forme de dumping social éminemment redoutable. L'impossibilité faite aux services nationaux de contrôler l'application des normes sociales sur leur propre territoire ne tend-elle pas à faire émerger de véritables zones de quasi non-droit où règneraient en maîtres les donneurs d'ordres des services détachés ?

Enfin, le texte élaboré à Bruxelles tend à mettre en cause de manière irrémédiable les services publics tels que nous les concevons. Soumettre des services que nous considérons comme devant entrer dans le champ du service public au même droit que les services marchands, c'est signer leur arrêt de mort ! A l'évidence, tous les services n'ont pas vocation à devenir des services marchands et il faut éviter de soumettre à une concurrence déloyale ceux d'entre eux pour lesquels la dimension de service à l'usager l'emporte sur le caractère commercial.

Notre groupe, Monsieur le président Ollier, demande le retrait pur et simple de ce texte plutôt que sa simple « remise à plat », et la nuance n'est pas seulement d'ordre sémantique. Une fois le texte retiré, il n'y aurait plus de place pour la transaction ou l'amendement : parce qu'il est inacceptable, le texte n'existerait plus ! Parler de remise à plat ou de réexamen permet au Gouvernement et à sa majorité de souffler le chaud et le froid, pour éviter de braquer l'aile ultralibérale de leurs soutiens... Dois-je rappeler au président Lequiller que si, au lieu de s'abstenir lors du débat au Parlement européen le 24 février, nos collègues de l'UMP avaient clairement marqué leur opposition, le processus d'examen de la proposition de directive aurait été immédiatement bloqué !

Les dangers que ce texte recèle doivent également appeler notre attention sur la nécessité de prendre dans les meilleurs délais une loi cadre sur les services publics, de manière à empêcher toute directive de les mettre en cause de quelque manière que ce soit. Il n'est que temps de remettre le citoyen au centre du système, alors que l'Europe a trop longtemps privilégié le consommateur et le marché. A nos yeux, les services publics ont un rôle majeur à jouer dans la réalisation des objectifs de Lisbonne. La définition d'un droit positif du service public s'impose plus que jamais et constituera une étape essentielle dans la construction d'une Europe fédérale plus juste et solidaire.

Me tournant vers nos amis communistes, je souhaite enfin m'élever contre les arguments tendant à faire un amalgame entre la directive Bolkestein et le traité constitutionnel européen. Et je serais même tenté de dire que l'empressement de M. Barroso à assumer l'héritage est de nature à conforter les partisans du « oui », dans la mesure où l'existence d'une Constitution européenne serait précisément de nature à mettre un frein à de telles initiatives... (« Erreur d'analyse ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Je vous renvoie à cet égard aux dispositions du traité constitutionnel relatives aux services d'intérêt économique général.

C'est dans l'intérêt même de l'Europe sociale que nous sommes résolus à construire que nous demandons le retrait pur et simple de cette proposition de directive. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Daniel Paul - Le texte de la résolution soumise à notre examen prétend répondre aux inquiétudes de nos concitoyens devant le contenu de la désormais fameuse directive Bolkestein. Les partisans du oui au référendum ont en effet compris que cette directive illustre crûment ce qui résultera de la mise en œuvre du traité constitutionnel ; elle risque d'ouvrir les yeux de beaucoup de salariés avant le référendum, et, d'une certaine façon, elle vient trop tôt ! En France, sur tous les bancs des partisans du oui, les responsables font semblant de découvrir le texte qu'ils ont approuvé hier. Faut-il en effet rappeler que, dès le 13 janvier 2004, le projet de la directive était approuvé par la Commission européenne unanime, dont étaient alors membres MM. Barnier et Lamy ? Et faut-il revenir sur le fait que, de février à mai 2004, se sont tenues six réunions du COREPER sans que jamais le texte n'ait été remis en cause ? Insisterai-je en rappelant que, lors du sommet européen de Bruxelles de mars 2004, les chefs d'Etats et de gouvernements ont adopté un texte disposant que « l'examen du projet de directive sur les services doit être une priorité absolue et respecter le calendrier envisagé » ?

Au reste, une telle position était cohérente avec la ligne politique européenne défendue depuis Lisbonne, où avait été adoptée une stratégie visant à faire de l'économie européenne le système le plus compétitif au monde et de la concurrence la valeur de référence de l'Union. Dès lors, la cible principale devenait le secteur des services, qui représente 70% de l'emploi et du PIB des Etats membres. La libéralisation du marché des services est ainsi devenue une priorité maintes fois réaffirmée.

La presse de ce matin est émaillée de déclarations de M. Barroso sur la nécessité de « ne pas perdre de vue les principaux objectifs » de la directive, compte tenu du fait qu'il n'est « pas question de revenir sur le principe du pays d'origine », celui-ci étant l'un des « éléments fondamentaux du marché intérieur ». Un tel pavé dans la mare dit bien le poids des engagements des tenants du oui à revoir le contenu de la directive ! Comment croire que, malgré leurs protestations véhémentes, tous ceux qui l'ont soutenue hier veulent aujourd'hui modifier la donne ? Ne nous y trompons pas : leur seul souci est de donner le change à quelques semaines du référendum !

Le 13 février 2003, au Parlement européen, les députés n'ont-ils pas adopté une résolution se félicitant des « propositions visant à créer un instrument horizontal - en clair, une directive - pour garantir la libre circulation des services » et approuvant le principe du « pays d'origine ». On relève, parmi les députés ayant participé au vote, les noms d' Olivier Duhamel, de Margie Sudre, de Catherine Lalumière, d'Alain Lamassoure, de Michel Rocard, de Marie-Hélène Descamps, d'Yves Pietrasanta.... Aujourd'hui, leurs amis dénoncent ce qu'ils ont demandé hier, parce que cette proposition de directive illustre trop clairement le modèle néolibéral que va imposer le traité constitutionnel qu'ils soutiennent.

Dès juin 2004, le journal L'Humanité lançait une campagne pour dénoncer cette directive, que le Gouvernement approuvait... Lors du Conseil des ministres chargés des questions de compétitivité, les 25 et 26 novembre 2004, il fut à nouveau affirmé qu'elle faisait l'objet d'un accueil globalement favorable des Etats membres.

Cette directive n'est pas un OVNI venant d'on ne sait où, ni, contrairement à ce que prétendent les tenants du « oui » au référendum, une « erreur technocratique » ! C'est au contraire le fruit d'une construction idéologique et juridique patiemment élaborée, qui trouve son accomplissement logique dans le projet de Constitution européenne.

Comment ne pas noter que l'élargissement à dix nouveaux pays, la rédaction du traité constitutionnel et la mise au point de la directive « services » se sont négociés en même temps ? Cette directive va permettre au patronat d'utiliser les disparités sociales créées par l'élargissement, en laissant la concurrence, appelée « fonctionnement du marché intérieur », tirer vers le bas les règles sociales. C'est déjà ce qu'avaient compris les victimes désignées de la fameuse directive portuaire, qui ont, grâce à leur unité, amené l'Assemblée européenne à en rejeter la première mouture. Mais le soir même, Noëlle Lenoir et Pat Cox affirmaient que cette directive reviendrait après modification. On sait aujourd'hui qu'elle va en effet revenir, mais sans avoir été changée sur le fond, les libéraux comptant sur les dix nouveaux membres pour qu'elle soit adoptée. La directive portuaire et la directive Bolkestein ont toutes deux pour objectif de casser les règles sociales les plus favorables en faisant jouer les règles du marché.

Ce qui vous fait aujourd'hui trembler, c'est la crainte que les salariés fassent le lien entre la règle de la concurrence absolue, prônée dans le projet de traité constitutionnel et cette directive, qui décrit comment les choses se passeront en cas de « oui » au référendum. Votre demande de remise à plat ne donne aucune garantie, la Grande-Bretagne, favorable au projet, devant assurer à partir du mois de juillet et pour six mois la présidence de l'Union, et le Président Barroso venant de réaffirmer son total accord avec le principe du pays d'origine. Le 29 mai passé, si le oui l'emporte, on ressortira ce projet des tiroirs, sans changement majeur, comme pour la directive portuaire...

Vous évoquez une directive cadre protégeant les services publics, mais quel crédit accorder à cette proposition alors que la notion de service public est absente du vocabulaire européen - et du projet de Constitution ? Même si un accord sémantique était trouvé, resterait l'épineux problème de l'interprétation par la Commission : la conception communautaire étant que dès que leur fourniture implique une contrepartie financière, les services publics cessent de pouvoir être exclus du champ d'application d'une directive services ; or à part la police, la justice et l'armée, aucun service public n'est gratuit !

Impossible d'imposer à des entreprises polonaises ou baltes le respect des conventions collectives et du droit du travail du pays destinataire. Impossible d'imposer à une entreprise de construction slovaque ou lettone le respect des règles de sécurité pour les échafaudages ou le désamiantage !

Constituent aussi, pour la directive, autant de frontières juridiques à abolir : les exigences de qualifications ou de diplômes imposées par les chambres de métiers pour se prévaloir du titre d'artisan ; les quotas d'installation qui viseraient les cafés, les taxis ; les adhésions aux organismes professionnels... C'est tout un ensemble de règles, parfois élaborées par les professions elles-mêmes, qui est ainsi visé. A qui ferez-vous croire que vous découvrez le contenu de cette directive ? A qui ferez-vous croire que vous ne souscrivez plus au projet de donner un coup d'accélérateur à la mise en place de l'AGCS ?

Cette directive est directement liée au projet de Constitution européenne, dont elle applique les principes, tels ceux qui figurent à l'article I-3 - « un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée » - ou à l'article III-138, selon lequel « la loi cadre européenne établit les mesures pour réaliser la liberté d'établissement ».

Le seul moyen de dire non à cette directive scélérate, c'est de dire non au traité européen. Votre demande de réexamen n'a pour but que de tromper l'opinion en attendant le 29 mai, afin de poursuivre une construction européenne contraire aux attentes des peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Denis Merville - Si vingt ans après la signature de l'Acte unique européen, le marché unique est une réalité quotidienne, il ne faut pas oublier le secteur des services, qui représente 70% et des emplois dans la majorité des Etats membres, et qui s'ouvre plus difficilement à la libre circulation.

Selon la Commission, de nombreux obstacles réglementaires freineraient la libre circulation des services, nuiraient à l'achèvement du marché intérieur, donc à l'économie européenne dans son ensemble. Forts de ce constat, et confrontés à un essoufflement de la croissance, les chefs d'Etat et de gouvernement ont adopté en décembre 2000 la stratégie de Lisbonne, qui vise à stimuler la compétitivité de l'Union à l'horizon 2010. C'est donc au moment de la cohabitation que cette stratégie a été adoptée.

La directive « services » s'inscrit dans ce cadre. Mais si le principe d'une meilleure intégration des services dans l'Union est envisageable, la méthode retenue est particulièrement critiquable.

L'approche de la Commission remet en cause la démarche traditionnelle de l'Union, consistant à harmoniser les législations et pratiques nationales secteur par secteur. Est-ce bien le moment pour une telle innovation, alors que l'élargissement accentue les disparités sociales, fiscales, environnementales au sein de l'Union ?

De plus, en intégrant dans le champ d'application du texte une partie des services d'intérêt général et en mettant en avant le principe du pays d'origine, la Commission renonce à avancer dans la voie de l'harmonisation progressive du droit et de la préparation d'un cadre juridique spécifique pour les services publics, lesquels font partie de notre identité, même si des évolutions sont légitimes.

S'agissant des services publics locaux, la Commission européenne a souligné dans un rapport de 2002, parmi les obstacles à la liberté d'établissement, « les difficultés relatives au pouvoir discrétionnaire des autorités locales ». La directive pourrait s'appliquer, par exemple, aux services de collecte et de traitement des déchets, au logement social, aux services sociaux et médico-sociaux, aux services de santé et aux services aux personnes, dès lors qu'ils peuvent être qualifiés de services à caractère économique selon le droit européen. Mais la Commission porte ainsi atteinte à la liberté des collectivités locales.

Je me félicite donc que la proposition de résolution indique que les services publics doivent être clairement exclus du champ d'application de la directive et qu'il faut préparer rapidement une loi européenne sur les services publics.

Autre grande critique : le principe du pays d'origine. Appliqué de façon mécanique, il ne peut que tirer les législations vers le bas.

En outre, la Commission ne s'est pas souciée des conséquences pratiques d'une concurrence entre législations, laquelle ne peut conduire qu'à un affaiblissement des normes de protection des salariés et des consommateurs. Il est vrai qu'à Bruxelles, on manque souvent de sens pratique, de connaissance des réalités du terrain...

Enfin, si certaines contraintes administratives peuvent être allégées, peut-on imaginer la suppression d'une autorisation pour l'implantation d'une grande surface ou d'une pharmacie, ou pour l'ouverture d'un cabinet d'avocats ?

Outre les interrogations soulevées par ce texte, se pose la question de l'avenir de l'Europe. Nous voulons bâtir l'Europe, mais une Europe qui préserve nos identités et maintienne des services d'intérêt général. L'Europe ultralibérale, qui nivelle par le bas, nous n'en voulons ni avant ni après le référendum sur la Constitution européenne !

La Constitution apporte des nouveautés intéressantes, et l'Europe, nous le savons, c'est la paix, la démocratie, des valeurs partagées. Mais des incertitudes demeurent, sur cette directive mais aussi sur d'autres points comme la limitation des pouvoirs de la bureaucratie bruxelloise, l'application du principe de subsidiarité, l'assouplissement des critères de Maastricht, la possibilité d'être mis en minorité par une majorité qualifiée sur la PAC ou les services publics... Sur tout cela, un vrai débat de fond s'impose, et je souhaite de tout cœur que nous l'ayons dans les semaines à venir.

M. Guy Geoffroy - Très bien.

M. François Brottes - A l'époque où j'étais rapporteur du budget de la Poste et où nous renégociions la directive postale, j'avais déjà eu quelques échanges avec le symbole vivant du libéralisme débridé, de la dérégulation minutieusement organisée : vous aurez reconnu M. Bolkestein, qui faisait déjà beaucoup de zèle pour entrer dans l'histoire d'une Europe qui nous est commune, même si nos valeurs ne le sont pas. J'avais alors constitué le comité « Riposte » pour défende le prix unique du timbre et la qualité uniforme du service postal. M. Bolkestein n'avait pas aimé. cette démarche avait contribué à ce que le gouvernement Jospin trouve suffisamment d'alliés au Conseil pour obtenir le maintien du secteur « réservé », autrement dit d'une part de monopole pour les opérateurs publics, afin de garantir la péréquation sur tout le territoire. Malgré nos demandes, M. Raffarin n'a pas manifesté sa volonté de la maintenir. Il pourra donc, une fois de plus, se défausser sur l'Europe quand - et c'est bientôt - les Français seront confrontés à la libéralisation totale et à ses conséquences.

« L'attaque du train postal » était déjà signée Bolkenstein. Aujourd'hui, il lance une attaque tous azimuts. Tous les services sont visés ; si la santé ou les services financés par l'argent public pourraient être épargnés, la liste est longue de ceux qui seront soumis à la libéralisation, avec ses conséquences impitoyables pour l'emploi.

Mais quelle peut donc être la motivation de ces intégristes du libéralisme ? D'une part, ils peuvent faire valoir que des pays dont le marché intérieur est petit ont besoin d'avoir accès à d'autres marchés pour que leur entreprises atteignent une taille critique. Cela suppose de supprimer les monopoles qui subsistaient en France, en Allemagne, en Italie ou en Angleterre. D'autre part, les nouveaux entrants peuvent considérer les législations des pays plus développés comme déloyales et protectionnistes.

Ces arguments sont respectables. Mais sans harmonisation fiscale et sociale, la mise en œuvre du principe du pays d'origine ferait d'importants dégâts. Dans le droit fil des pavillons de complaisance et des paradis fiscaux, M. Bolkestein invente le chèque service du dumping social. Avec lui, les prestations de service seront, si je puis dire « moins cher que gratuit » - tant que les consommateurs ne seront pas chômeurs. Mais les salariés n'auront que faire de la gloire que s'attribuera M. Barroso d'avoir imposé un marché unique des services, si c'est l'occasion d'un nivellement par le bas ! En réalité, c'est l'intérêt de tous de payer le juste prix, celui qui empêche la casse sociale et qui assure un nivellement par le haut. Les services et les salariés ne sont pas des biens ou des capitaux, sans évoquer même la sécurité et tous les contentieux entre clients et fournisseurs.

Nous demandons donc avec force et gravité à M. Bolkestein et au président de la Commission de respecter des équilibre fragiles, et nous leur disons que la baisse des coûts à tout prix est... casse-cou !

Notre responsabilité collective est engagée et nous devrons rendre des comptes - surtout la majorité de droite du Parlement européen. Aujourd'hui, donnons un signal fort. Avec sa proposition de résolution, le groupe UMP tourne autour du pot. Celle qu'avait déposée le groupe socialiste est limpide : demandons le retrait de la directive Bolkestein et l'élaboration d'une directive cadre sur les services publics avant toute autre initiative. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Léonce Deprez - Un premier motif de satisfaction est que cette proposition concernant la directive sur les services soit inscrite à notre ordre du jour. Cela démontre le rôle que le Parlement français peut jouer dans ce domaine. Ce qui est non moins satisfaisant, c'est de constater que le consensus s'est fait pour dire que cette directive est inacceptable. Trois résolutions avaient été déposées. Celle de M. Brottes demandait le retrait pur et simple de la directive, la mienne un réexamen profond. C'est cette solution qui a finalement prévalu, mais cela revient à dire la même chose.

Cette directive est inacceptable donc, et d'abord sur le plan juridique. Comment serait-elle applicable quand, dans notre pays, un certain nombre de professions libérales sont réglementées et possèdent leurs organisations professionnelles ? D'autre part, en cas de conflit, comment les juges du pays d'accueil iraient-ils vérifier ce qu'il en est de la législation du pays d'origine du prestataire ? Sur ce plan, la directive Bolkestein se révélerait inapplicable. Mais elle l'est aussi sur le plan politique. Nous voulons que l'Union européenne aille vers un progrès économique et social à la fois, même si nous ne sommes pas d'accord entre nous sur les moyens d'y parvenir. La Commission doit le comprendre, et d'ailleurs le Conseil et le Parlement européen partagent, globalement, notre objectif.

Nous dirons donc non à la directive, car nous voulons construire une grande Europe démocratique. Nous progressons dans cette voie : cette fois la technocratie ne s'imposera pas contre les élus ! Cette Europe de plus en plus démocratique pourra être une force d'entraînement pour le monde.

Surtout, ce qui est essentiel, c'est l'accord qui s'est manifesté entre nous. Il m 'incite à être plus optimiste que certains. La France a su, et c'est un beau symbole, parler d'une seule voix pour défendre la candidature de Paris aux Jeux olympiques. Faisons en sorte qu'elle parle d'une seule voix pour le progrès économique et social, et disons non à une directive qui ne va pas dans ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jérôme Lambert - L'examen d'une proposition de résolution portant sur une directive européenne est une procédure ordinaire mais très rarement utilisée. Pourtant, une majorité de notre droit positif découle des directives européennes, dont la quasi-totalité sont adoptées par un processus d'élaboration qui n'entraîne pas de réaction particulière de notre assemblée, hormis le travail que nous pouvons faire à la délégation européenne, lequel n'a pas le même impact que ce que nous pouvons faire aujourd'hui en séance publique.

Beaucoup de nos concitoyens se plaignent à juste raison de la distance qui sépare le Parlement français des décisions prises à Bruxelles et à Strasbourg. Pourtant, comme nous le voyons aujourd'hui, notre Parlement dispose déjà des outils pour se saisir des projets européens et pour réagir. Quand on voit les conséquences que les orientations de la politique européenne peuvent avoir sur notre pays, on comprend qu'il importe de le faire.

Cette proposition de directive sur les services s'inscrit à la fois dans la continuité de la politique libérale qui caractérise la construction européenne et dans une rupture méthodologique fondamentale.

Ses fondements juridiques se trouvent en effet déjà dans le traité de Rome et ils se retrouvent dans les traités qui ont suivi ainsi que dans la troisième partie du projet de Constitution européenne, sur lequel nos concitoyens vont devoir prochainement se prononcer.

Il est malheureusement inexact de dire que ce projet de directive serait fondé sur le traité de Nice et que le projet actuel de Constitution pourrait empêcher son adoption, par exemple par le biais du contrôle de subsidiarité. L'application du principe de subsidiarité pourrait tout au plus permettre à un pays, la France ou un autre, de prétendre qu'une législation nationale serait plus appropriée qu'une législation européenne pour atteindre l'objectif d'un marché unique des services. Il serait cependant difficile de le prétendre, car on voit mal comment un ensemble de mesures nationales pourrait favoriser l'achèvement d'un marché intérieur unique... Quoi qu'il en soit, le principe de subsidiarité ne permet pas de contester des objectifs - en l'occurrence la libéralisation des services - qui ont été fixés par des traités de l'Union.

En vertu des règles actuelles de l'Union, comme d'ailleurs de celles posées par le projet de traité constitutionnel, nous ne pouvons compter, pour bloquer ce projet, que sur une décision du Conseil ou du Parlement européen, étant entendu qu'il faut, pour qu'elle soit adoptée, la majorité qualifiée du Conseil et la majorité simple du Parlement européen. Son blocage est donc loin d'être acquis.

Pourtant cette proposition de directive représente une rupture fondamentale, sur le plan méthodologique, de la politique européenne. C'est en effet la première fois dans la construction européenne que l'objectif d'harmonisation préalable est explicitement écarté. Cette consécration d'une logique libérale se nourrit des différences de législations pour mieux entretenir le dumping fiscal et social. Elle ne pourrait être remise en cause, y compris après l'éventuelle entrée en vigueur de la Constitution, que par une improbable unanimité sur de nouvelles orientations.

Aussi le risque est-il grand de voir ce projet cheminer, nonobstant les échéances constitutionnelles qui peuvent, il est vrai, ralentir l'ardeur des plus libéraux de ses partisans.

Le président de la Commission ne manque d'ailleurs pas une occasion de rappeler que la mise en place d'un marché unique des services se construira principalement sur le principe du pays d'origine.

J'ai bien noté que le Gouvernement français souhaite trouver un « consensus acceptable » pour le Parlement et le Conseil. Hormis le fait qu'une telle disposition ne nécessite pas nécessairement un consensus, je regrette que la position de la France ne soit pas de demander le retrait pur et simple de cette directive. Une simple demande de remise à plat ne garantit rien pour l'avenir, à moins que l'objectif ne soit simplement de laisser passer les échéances que l'on sait. C'est le retrait que nous demandons. C'est la position claire que les Français attendent de nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La discussion générale est close.

Mme la Ministre déléguée - Je remercie chacun de sa participation à ce débat de qualité. Plusieurs d'entre vous ont évoqué la stratégie de Lisbonne. De fait, l'ouverture des services est de nature à dynamiser la croissance et l'emploi. Nous avons donc besoin d'une directive sur les services. Disant cela, je ne tiens pas un double langage, Monsieur Paul, car il est clair que nous voulons une autre directive que celle-là et que l'Europe ne se réduit pas à la réalisation du marché unique. Elle a aussi un modèle social à défendre.

Certains voudraient instrumentaliser la proposition de directive sur les services en en faisant un argument contre le projet de Constitution européenne, alors qu'elle n'est en rien liée à celui-ci. Chacun sait en effet qu'elle a été formulée sur la base des traités précédents. Je vois plutôt dans le débat qu'elle suscite une marque de vitalité démocratique. Et je suis tout à fait d'accord avec ceux qui insistent sur la nécessité de poursuivre la réflexion sur les services publics en Europe.

Je m'inscris vraiment en faux contre l'accusation de double langage formulée par certains intervenants. Pour avoir participé au Conseil compétitivité des 25 et 26 novembre, je peux vous dire que la France a émis des réserves, qui ont été enregistrées officiellement. La diplomatie parlementaire dont a parlé M. Lequiller est un élément important pour que la voix de la France soit entendue dans le processus de codécision qui est en cours. Comme l'a dit M. Deprez, ne baissons pas les bras ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

ARTICLE UNIQUE

M. Pierre Cohen - Nous ne devons pas nous contenter de demander une « remise à plat », qui pourrait n'entraîner que des modifications à la marge. Disons donc clairement que nous demandons à la Commission de retirer sa proposition de directive. Disons tout aussi clairement que nous voulons que la Commission respecte la démarche communautaire d'harmonisation par le haut des législations nationales et de reconnaissance mutuelle des législations les plus protectrices. Tel est le sens de notre amendement 2.

M. le Rapporteur - Le principe de libre circulation des services est inscrit dans les traités. En l'absence de toute directive sur les services, la Cour de justice européenne aurait le champ libre pour en préciser la portée. C'est pourquoi il faut demander un réexamen et non un retrait de la proposition de directive, sachant que le processus de codécision n'en est qu'à son début et que certaines de nos demandes ont déjà été entendues. Quant à la demande d'harmonisation par le haut, elle est satisfaite par le texte de la résolution, en particulier par le point 7, où il est demandé l'abandon du principe de pays d'origine qui, en l'absence d'un niveau d'harmonisation suffisante des secteurs concernés fait courir un risque de dumping. Avis défavorable, donc.

Mme la Ministre déléguée - Même avis, pour les mêmes raisons.

M. Marc Laffineur - Je ne mets pas en doute la volonté pro-européenne des auteurs de l'amendement, mais la demande de retrait irait à l'encontre de l'objectif recherché, car on sait bien que ce retrait n'aura pas lieu. La seule solution consiste donc à demander que la proposition de directive, dont une partie est bonne et l'autre inacceptable, soit modifiée.

Et puis, cela nous empêcherait d'obtenir une harmonisation du droit social par le haut.

M. François Brottes - La majorité se livre à un véritable numéro de contorsionniste, puisque la délégation de M. Lequillier, sous l'égide de Mme Comparini, avait souhaité le retrait de cette directive, que nous avions également voté. Ne nous cachons pas derrière les mots, vous avez peur d'aller vers une renégociation en profondeur.

Mme Anne-Marie Comparini - Il y a un fossé entre le retrait pur et simple et une remise à plat ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Un retrait serait très dangereux pour la France, laissée au bord du chemin, alors qu'elle doit pouvoir exprimer ses désaccords. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

L'amendement 2, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Cohen - Exiger le retrait de ce texte très dangereux ne veut pas dire que l'on ne fera rien après !

L'amendement 3 tend à ce que, préalablement à toute directive sur les services, l'Union adopte une loi-cadre sur les services publics ou sur les services d'intérêt économique général, ce qui limiterait l'impact négatif d'une loi transversale, qui ne devrait pas, du reste, être obligatoire, car on pourrait très bien imaginer par la suite une directive de service, secteur par secteur.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, car si cette directive cadre sur les services publics est indispensable, elle ne doit pas retarder l'adoption d'une directive sur les services dans le marché intérieur.

Par ailleurs, l'amendement 6 est rédactionnel.

Mme la Ministre déléguée - Nous avons souvent demandé d'avancer vers un instrument transversal sur les services publics - et c'est également le souhait du Parlement européen - mais nous émettons un avis défavorable à l'amendement 3, dont la formulation n'est pas satisfaisante. Cela ne nous empêchera pas de veiller à ce que la réécriture de la directive ne fragilise pas le mode d'organisation et les prestations des services d'intérêt général.

Avis favorable à l'amendement 6.

L'amendement 3, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 6, mis aux voix, est adopté.

Mme Anne-Marie Comparini - L'amendement 5 tend à inscrire clairement la primauté des instruments communautaires sectoriels sur les dispositions de la directive relative aux services, car, outre le fait que les directives sectorielles sont le fruit d'un travail d'harmonisation entre des acteurs économiques qu'il convient de ne pas démobiliser, la proposition de directive comporte des éléments dangereux.

M. le Rapporteur - Avis favorable à cet amendement qui apporte des éclaircissements nécessaires.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 7 est rédactionnel.

L'amendement 7, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Anne-Marie Comparini - L'amendement 4 tend à ce que toute directive visant à mettre en oeuvre le marché intérieur ne remette pas en cause la primauté des instruments actuels ou en cours d'élaboration concernant la reconnaissance des qualifications professionnelles, le détachement des travailleurs, le remboursement des soins de santé, les pratiques commerciales déloyales, les obligations non contractuelles, et la Convention de Rome.

M. le Rapporteur - Pour les mêmes raisons, avis favorable.

L'amendement 4, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 8 est rédactionnel.

L'amendement 8, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. François Brottes - Dans un souci de clarté, l'amendement 1 tend à remplacer le terme « réexamen » par celui de « retrait », terme qui figurait dans la délibération de la délégation.

M. le Rapporteur - Le principe de la libre circulation des services est bien inscrit dans le traité, aussi un texte est-il nécessaire pour éclairer le juge. Le débat d'aujourd'hui augure bien de ce qui se passera au Parlement européen à qui nous devons faire confiance. Ce qui importe maintenant, c'est de faire pression pour que cette directive soit réécrite.

L'amendement 1, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Nous en avons terminé avec les amendements, et nous en venons aux explications de vote sur l'article unique.

M. Jean-Marc Ayrault - La directive Bolkestein est un cas d'école presque parfait des vertus et des errements du débat européen. Ses objectifs sont légitimes, qu'il s'agisse de l'extension du marché unique aux entreprises de services, ou de l'harmonisation de leurs conditions d'établissement et d'intervention, et nous les approuvons, dès lors qu'ils visent à créer des emplois et à poser les bases d'une harmonisation fiscale, sociale et juridique par le haut.

Mais la Commission, en retenant le principe du pays d'origine, a fait le choix contraire, et ouvert la porte au dumping social et à la multiplication des contentieux juridiques.

Pis : par une ruse dont l'histoire a le secret, elle fausse tous les principes de la concurrence en favorisant les entreprises des pays de l'Union les moins exigeants quant aux normes sociales et environnementales. Que le Président de la République et son gouvernement aient initialement accepté un tel texte témoigne, à tout le moins, de leur indifférence : il a fallu en effet que le parti socialiste, les syndicats et la gauche européenne se mobilisent et demandent son retrait pour que le pouvoir se réveille enfin et exige le réexamen des dispositions les plus scandaleuses. Toutes les inquiétudes ne sont pas pour autant dissipées : le président de la Commission européenne demeure évasif quant aux modifications à introduire dans la directive et le Gouvernement semble, lui, se contenter d'une relecture a minima. Enfin, que dire de l'UMP, qui, au Parlement européen, s'est abstenue lors du débat au sein du PPE ? De telles ambiguïtés ne sont pas de mise quand un texte porte directement atteinte au modèle social européen. En outre, comment vous faire confiance puisque vous avez vous-même introduit le principe du pays d'origine à travers une proposition de loi soutenue par le Gouvernement qui tend à créer le Registre international français pour les transports maritimes ?

Le groupe socialiste votera contre le projet de résolution, notre Parlement ne pouvant en effet se contenter d'aménagements marginaux : l'Europe sociale ne saurait être marchandée. Nous exigeons solennellement le retrait de la directive et récusons le principe du « pays d'origine » ainsi que sa généralisation à des secteurs très divers. L'adoption d'une loi-cadre sur le rôle et la protection des services publics constitue selon nous le préalable nécessaire au marché unique de services.

Que le principe du retrait de la directive n'ait finalement pas été retenu constitue un véritable recul.

Enfin, je tiens à affirmer que la directive n'est en rien l'enfant putatif de la Constitution européenne : sa conception est largement antérieure et les dispositions incriminées contredisent explicitement son Titre II sur les droits fondamentaux des travailleurs : la directive met à mal la protection sociale et le principe de subsidiarité quand la Constitution les renforce ; elle résulte d'un choix politique quand la Constitution porte des principes universels.

L'Europe n'est pas un bloc monolithique : c'est précisément parce que nous sommes socialistes et européens que nous soutenons le traité constitutionnel et que nous rejetons la directive. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alain Bocquet - Ce débat a eu au moins un mérite : l'échange de nos points de vue sur une directive qui, si elle était adoptée définitivement, aurait des conséquences dramatiques. La décision que vous prendrez ne changera malheureusement pas grand-chose : certes, vous mordillez le mollet de la Commission (Sourires), mais M. Barroso a annoncé le maintien de la directive et du principe du pays d'origine. Voilà pourquoi je me suis prononcé pour le retrait de la directive.

Le peuple français doit en outre prendre connaissance de la Constitution, en débattre et se rendre compte que la directive ne s'en distingue pas car dans les deux cas, c'est l'ultralibéralisme qui s'impose. J'espère que le non l'emportera au référendum pour enfin construire une autre Europe que celle que nous connaissons, avec 25 millions de chômeurs et 65 millions de pauvres. Nous voulons, nous, une Europe de la solidarité, de la démocratie et du progrès social.

Nous voterons contre votre proposition de résolution.

Mme Anne-Marie Comparini - Regardons les réalités en face : soit nous demandions le retrait de la directive, et nous donnions l'impression de rester sur la défensive, soit nous demandions sa réécriture. M. Ayrault a raison : l'Europe n'est pas un bloc monolithique. Tous les pays, en effet, ne défendent peut-être pas le même modèle de société ; or, la réécriture que nous souhaitons inclut explicitement l'abandon du principe du « pays d'origine ».

La proposition de résolution que je voterai, au nom de mon groupe, est suffisamment claire : que la Commission revoie donc sa copie.

M. Marc Laffineur - Certains rappels ne me semblent pas inutiles : cette directive a été présentée par M. Romano Prodi, socialiste italien, et par tous les partis socialistes européens. Tout n'y est d'ailleurs pas mauvais, je pense en particulier aux simplifications administratives, et c'est pourquoi nous demandons son réexamen, non son retrait.

Sur un plan institutionnel et politique, je me félicite que Mme la ministre, à Bruxelles, ait fait part des réserves de notre Gouvernement, ainsi que de l'action de M. Lequiller qui, président de la délégation pour l'Union européenne, a demandé l'organisation de notre débat.

Il est urgent que les règles de l'Union changent, ce que permettra l'adoption de la Constitution : enfin, les politiques reprendront le pas sur les technocrates. Que tous votent en sa faveur, de même que le groupe UMP votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'article unique de la proposition de résolution, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance, ce soir, à 21 heures 45.

La séance est levée à 20 heures 15.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

        www.assemblee-nationale.fr


© Assemblée nationale