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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 72ème jour de séance, 178ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 16 MARS 2005

PRÉSIDENCE de M. Yves BUR

vice-président

Sommaire

        ORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL
        -deuxième lecture- (suite) 2

        MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 2

        ARTICLE PREMIER A 8

        APRÈS L'ARTICLE PREMIER A 9

        ORDRE DU JOUR DU JEUDI 17 MARS 2005 13

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

ORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL -deuxième lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des députés communistes et républicains une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du Règlement.

Mme Muguette Jacquaint - Malgré les imposantes mobilisations du 5 février et du 10 mars dernier, vous persistez, Monsieur le ministre délégué, à maintenir ce texte dont vous avez jugé préférable de passer directement commande à votre majorité pour vous affranchir de la consultation des partenaires sociaux ou d'un avis du Conseil d'état. Pourtant, au Sénat, vous n'avez pas hésité à soutenir que cette réforme rompait « avec des schémas autoritaires imposés sans concertation » ! Comme si les conditions d'élaboration de cette loi ne démontaient pas cruellement le propos...

Toujours au Sénat, vous avez déclaré que votre texte s'inscrivait « dans la ligne des réformes engagées depuis près de trois ans par le Gouvernement pour mettre l'économie française sur le chemin du dynamisme et de la croissance, et pour donner à nos entreprises les moyens d'un développement pérenne ». Cette fois, c'est de la réalité économique et sociale du pays que vous faisiez fi !

Les ministres de l'économie qui se sont succédé nous ont vanté le bien-fondé de leurs choix budgétaires, qui reposent notamment sur le maintien des privilèges des plus riches au détriment de la solidarité nationale. Le résultat leur apporte une critique cinglante ! Malgré tous les efforts demandés aux plus modestes, le déficit public est supérieur de 10 milliards d'euros aux prévisions, et atteint 3,7 % du PIB en 2004 ! Cela n'empêche pourtant pas M. Copé de déclarer fièrement, le 9 février dernier, lors d'une séance de questions au Gouvernement, que « la grande différence entre la droite et la gauche dans le domaine des finances publiques, c'est que la gauche, lorsqu'elle est au pouvoir, augmente les dépenses et les impôts, alors que la droite, elle, engage les réformes, gère le pays et baisse les impôts afin de favoriser une dynamique de croissance et d'emploi. »

M. Jacques Godfrain - Très juste !

Mme Muguette Jacquaint - Votre choix de favoriser la financiarisation de notre économie au détriment de l'investissement productif ? Il conduit à une croissance timide et à une explosion du chômage, qui touche désormais 10 % de la population active ! Et ce n'est pas tout : on compte aussi 3,5 millions de pauvres - 6,1 % de la population -, et leur nombre, après avoir diminué de 500 000 de 1998 à 2001, ne cesse d'augmenter ! En 2002, le baromètre des inégalités et de la pauvreté a enregistré un écart croissant entre les revenus extrêmes. Le nombre d'allocataires du RMI a ainsi progressé de 10,5 % entre juin 2002 et juin 2004, et vient encore d'augmenter de 9 %, tandis que celui des dossiers de surendettement croissait de 22 % de 2003 à 2004. Il faut également compter avec notre million de travailleurs pauvres. Selon l'INSEE, 29 % de nos SDF travaillent en moyenne 32 heures par semaine ! Et ce malgré un rapport accablant de la Cour des comptes sur l'ampleur des aides publiques à l'emploi.

En revanche, le baromètre des dividendes servis aux actionnaires est au beau fixe ! A l'annonce des résultats spectaculaires enregistrés par BNP-Paribas et la Société générale a succédé l'avalanche des résultats des grandes compagnies françaises en 2004 : 9 milliards d'euros de profits pour Total, soit un bénéfice net en hausse de 23 % ! Les bénéfices de l'Oréal, de Schneider Electric et d'Arcelor ? Ils sont respectivement en hausse de 143, 30 et 900 % ! Toutes ces entreprises continuent pourtant de supprimer des emplois...

Vos choix ? Ils ne visent qu'à faciliter les restructurations et les licenciements, à abaisser toujours plus le coût du travail, à réduire l'impôt de solidarité sur la fortune, voire à exonérer les entreprises, d'ici à trois ans, de toute cotisation sociale et de la taxe professionnelle, comme s'y est engagé le Président de la République.

Les contrastes sont trop forts : d'un côté, l'aisance financière des entreprises leur permet de dégager un taux de marge de plus de 40 %, de verser, en Europe, 199 milliards d'euros de dividendes aux actionnaires et, pour les plus grandes, de racheter pour huit milliards d'actions ; de l'autre, les salariés voient leur pouvoir d'achat baisser et sont de plus en plus exposés à la précarité alors que leur productivité horaire compte parmi les plus élevées d'Europe. En 1975, moins de 5 % d'entre eux étaient rémunérés au SMIC ; en 1993, ils étaient plus de 8 % et, maintenant, 14 %. En 2002, près de 17 % des salariés gagnaient 950 € net par mois, soit deux tiers seulement du salaire médian. Le nombre de branches professionnelles dont la grille commence en dessous du salaire minimum a, quant à lui, plus que doublé en deux ans. Enfin, en moyenne, les ouvriers de la métallurgie, dont près de la moitié vivent avec moins de 960 € par mois, obtiennent des augmentations de salaire de 1,8 % seulement. Voilà le contexte dans lequel s'inscrit cette proposition !

M. Maxime Gremetz - Très bien !

Mme Muguette Jacquaint - Ce texte de circonstance a permis au Gouvernement de se dérober à des obligations formelles : les partenaires sociaux ont ainsi été négligés et le Conseil d'Etat court-circuité alors que la loi de 2004 sur le dialogue social dispose que « toute réforme substantielle modifiant l'équilibre des relations sociales doit être précédée d'une concertation effective avec les partenaires sociaux et, le cas échéant, d'une négociation entre ceux-ci ». Votre texte doit être bien mauvais pour que vous vous affranchissiez ainsi des règles que vous avez vous-même établies ! La même observation vaut d'ailleurs pour le décret relevant le contingent d'heures supplémentaires, pris dès le mois de décembre, avant même toute ébauche de la proposition de loi et en dépit de l'absence d'information des partenaires sociaux.

Cette proposition trompe le monde du travail, spolie les salariés, et tend à promouvoir l'inverse de ce qui serait utile au pays.

M. Jean-Michel Fourgous - Vous tenez le même discours que la semaine dernière.

Mme Muguette Jacquaint - Et le même discours qu'il y a deux mois ou trois ans car vos propositions ne varient pas. Pis, vous persistez à les défendre en dépité de tous les dégâts que votre action ne manque pas de provoquer.

Cette proposition repose sur une formule : « travailler plus pour gagner plus », ainsi que sur la notion de « temps choisi ». Sur le premier point, il s'agit d'une contre-vérité dont les salariés ont déjà fait les frais : en 2003, M. Fillon évoquait également la liberté de gagner davantage alors qu'il abaissait à 10 % la majoration des heures supplémentaires, déplaçant par la même occasion la frontière entre loi et convention puisque les taux de droit commun - 25 % pour les huit premières heures supplémentaires et 50 % au-delà - devenaient supplétifs.

M. Maxime Gremetz - Absolument. C'est scandaleux !

Mme Muguette Jacquaint - Vous avez en outre profité de cette loi pour modifier le mode de calcul du SMIC, pourtant inchangé depuis sa création. L'aménagement d'un régime spécifique de majoration limitée à 10 % des quatre premières heures supplémentaires pour les entreprises de 20 salariés au plus ne fait quant à lui qu'affaiblir le pouvoir d'achat. L'objectif du Gouvernement est simple : remettre en cause à moindre frais les 35 heures, voire les 39 heures. Cette proposition, et c'est du jamais vu depuis 1936, aboutit en fait à allonger la durée du travail.

Certains salariés ont déjà goûté à l'illusoire « temps choisi ». Voyez donc les nombreux les cas où la direction s'est livrée à un chantage au licenciement pour faire admettre un renoncement aux 35 heures ! Le 21 janvier dernier, le tribunal de grande instance de Reims, saisi par les syndicats, a refusé la manœuvre de l'entreprise Chausson Outillage qui entendait que le personnel non cadre renonçât aux treize jours de RTT, faisant ainsi passer la durée hebdomadaire de travail à 37 heures 30 en échange de quoi elle ne licencierait pas 80 salariés. Les salariés d'Arcelor se trouvent dans une situation similaire. La direction a décidé de faire baisser les salaires en payant ses salariés sur la base de 35 heures au lieu de 39. Ainsi, après plusieurs années de modération salariale et alors qu'en 2004 le groupe a réalisé d'immenses bénéfices, cette direction voudrait qu'un accord sur le temps de travail se traduise par une augmentation du temps travaillé, et par une flexibilité accrue, le tout sans augmentation de salaire. Outre-Rhin, deux sites du groupe Siemens sont également passés de 35 à 40 heures sans compensation salariale sous la menace d'une délocalisation en Hongrie. Le fabriquant d'isolateurs électriques en verre Sédiver, numéro un mondial à Saint-Yorre, a demandé à ses 294 salariés d'accepter une réduction de 25 à 30 % de leurs salaires pour maintenir le site en France, en brandissant la menace d'une délocalisation en Chine ou au Brésil.

M. Alain Bocquet - C'est scandaleux !

Mme Muguette Jacquaint - Et le chantage fonctionne. M. Chirac, dans son interview du 14 juillet, avait pourtant dénoncé cette attitude que, nouvel écart entre le discours et les actes, vous vous apprêtez à légitimer.

Les mêmes raisons devraient bien conduire les Français à faire preuve de vigilance à l'égard des partisans du oui au référendum sur la Constitution européenne : dans ce cas aussi, la distance est grande entre le contenu du texte et ce qu'on en dit !

Se pose également le problème de la santé au travail. En France, d'ici à la fin de l'année, plus de 600 personnes seront tuées sur leur lieu de travail et au moins 3 000 décéderont d'une maladie liée à l'amiante, sans compter les 40 000 qui seront obligées d'arrêter de travailler à cause d'une maladie grave ou invalidante due à leur emploi. A force de gestes répétitifs, des salariés de plus en plus jeunes souffrent ainsi du syndrome du tunnel carpien qui peut entraîner des paralysies. L'intensification des rythmes du travail accroît le stress, provoquant des conduites diverses d'addiction. La flexibilisation des horaires est responsable de troubles du sommeil et de dérèglement de l'alimentation. L'acharnement à vouloir réduire le nombre des personnels entraîne surmenage physique et souffrances psychiques, liées à l'impossibilité de bien accomplir son travail.

Voilà la réalité qu'ignorent le Gouvernement et sa majorité lorsqu'ils ne cherchent qu'à faire travailler davantage ceux qui travaillent déjà beaucoup !

Si l'on ajoute au relèvement du contingent d'heures supplémentaires, la suppression d'un jour férié et les 80 heures de formation hors temps de travail autorisées par la récente loi sur la formation professionnelle, on arrive à une durée hebdomadaire effective du travail nettement supérieure à 35 heures. Aussi cette formule qui sonne si bien de « temps choisi » n'est-elle qu'un leurre. Par accord de branche ou d'entreprise, un salarié pourra effectuer des heures supplémentaires au-delà du contingent conventionnel, sans qu'elles soient davantage rémunérées, et la durée hebdomadaire maximale du travail pourra être portée à son niveau européen, à savoir 48 heures.

Le salarié aurait le choix de « travailler plus pour gagner plus », nous dites-vous. C'est oublier que seul l'employeur décide du recours aux heures supplémentaires et qu'en période de fort chômage, le rapport de forces n'est pas favorable au salarié, qui ne pourra refuser. En réalité, vous anticipez une révision de la directive européenne sur le temps de travail. Alors que la réglementation européenne fixe aujourd'hui la durée hebdomadaire maximale à 48 heures sur quatre mois, le projet est bel et bien de la porter à 48 heures sur douze mois !

Votre texte de régression sociale aggravera les conditions de travail et accroîtra la flexibilité, asservissant encore davantage les salariés. Il se veut une revanche sur l'œuvre de la gauche, tant il est vrai qu'une loi amorçant un progrès social ne peut que vous déranger.

Oui, décidément, vous êtes bien des libéraux...

M. Jean-Michel Fourgous - Il n'y a pas de honte à cela.

Mme Muguette Jacquaint - A rebours de cette idéologie libérale, nous tenterons par nos amendements de tracer les perspectives d'une nouvelle réduction du temps de travail en tirant les leçons des erreurs passées et en revenant aux fondements de la loi de 1998, qui comportait pour les entreprises une obligation d'embauche en fonction de la réduction du temps de travail et prévoyait le suivi par les salariés de l'application des accords. Nous entendons lutter à la fois contre l'intensification du travail et contre l'annualisation du temps de travail pour arrêter la dégradation des conditions de travail et créer un appel d'air favorable à l'emploi. Pour cela, il faut lier réduction du temps de travail, octroi d'aides publiques et obligation de créer des emplois stables et correctement rémunérés. Il convient également de rénover les pouvoirs des comités d'entreprise en permettant aux salariés de suivre véritablement les choix stratégiques de l'entreprise. Autant de pistes pour faire de la législation sur le temps de travail un outil de transformation sociale.

Les syndicats de salariés ayant unanimement exprimé leurs réticences à l'égard de votre texte, il conviendrait, nous semble-t-il, de le renvoyer en commission pour prendre le temps de les consulter, non seulement sur la pertinence d'un allongement de la durée du travail, mais aussi sur la santé au travail, les salaires, le pouvoir d'achat et la politique publique de l'emploi, ce que n'ont pas permis le délai très court entre l'adoption du texte au Sénat et son examen ici en deuxième lecture. L'agenda parlementaire surchargé que nous impose le Gouvernement ne nous ayant pas non plus permis de participer correctement aux travaux de la commission, ce renvoi s'impose pour que nous n'ayons pas à voter une loi contraire aux intérêts de notre peuple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Dans cette brillante défense du renvoi en commission, Mme Jacquaint a toutefois repris les mêmes arguments qu'elle avait déjà exposés en première lecture. Sa logique est cohérente, je l'en félicite, mais ce n'est pas celle de la commission.

La commission a examiné cette fois-ci 90 amendements, dont trente déposés dès le retour du texte du Sénat, par le parti communiste...

M. Maxime Gremetz - Par le groupe communiste et républicain !

M. le Président de la commission - ..., une trentaine déposée par le parti socialiste...

M. Alain Vidalies - Le groupe socialiste !

M. le Président de la commission - Cela revient au même. Une trentaine d'amendements, disais-je, que la commission a examinés au titre de l'article 91 lors d'une réunion où, comme d'habitude, aucun membre du groupe socialiste n'est venu les défendre. Je regrette vivement ce comportement d'un groupe éminent de l'opposition qui ne sert pas l'image de notre commission. Les Verts ont, pour leur part, déposé une dizaine d'amendements.

Il n'y a aucune raison de renvoyer le texte en commission, d'autant que l'on ignore qui participerait aux réunions.

M. Jean Le Garrec - Nous voterons le renvoi en commission. Il ne s'agit certes que d'un geste politique car nous n'attendons rien, ayant parfaitement entendu M. Novelli dire que le texte serait voté conforme.

M. le Président de la commission - Alors ne déposez pas d'amendements !

M. Jean Le Garrec - Nous continuerons de mener la bataille politique, ne vous en déplaise.

Monsieur le ministre, c'est vous en personne qui porterez la responsabilité de l'inversion de la hiérarchie des normes, de la remise en question du principe de faveur, de l'individualisation des rapports entre le salarié et son employeur, qui signera la fin du principe de la convention collective, posé par le Front populaire. Evoquant la Cour de cassation, vous avez déclaré aujourd'hui que certains avaient dans notre pays « une lecture salafiste du code du travail », comme si les articles en étaient « intouchables, définitivement ininterprétables, laissant aux seuls oulémas de la Cour de cassation le soin d'en dire les moments les plus forts. » Jamais ministre n'a parlé en des termes aussi profondément choquants des juges de la chambre sociale de la Cour de cassation (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Je n'ai fait que lire une dépêche d'agence ! Si vous n'avez pas tenu ces propos, Monsieur le ministre, rectifiez-les.

Pour ce qui est du compte épargne-temps, nous vous avons interrogé à de multiples reprises sur sa garantie, à juste titre semble-t-il, puisque nous apprenons aujourd'hui même que le patronat a décidé de ramener sa contribution de 0,45 % à 0,35 %. Un odieux chantage s'exerce par ailleurs avec le spectre d'une poursuite au Sénat du débat sur la clause de sauvegarde. Il est clair que ce qui a été refusé à l'Assemblée nationale concernant les licenciements anticipés sans aucune garantie...

M. Hervé Novelli - Nous avons eu tort !

M. Jean Le Garrec - Vous au moins avez le courage de le dire ! Mais je poursuis : ce qui a été refusé ici sera repris au Sénat.

Monsieur le président de la commission, vous m'avez reproché d'exagérer cet après-midi lorsque j'ai dit qu'avec vos propositions, on arriverait à 40 heures hebdomadaires pour les salariés aujourd'hui à 35 heures et à 44 heures pour ceux qui sont encore à 39 heures. Telle est pourtant la réalité. J'ai vérifié ces chiffres.

Enfin, Monsieur Huyghe, prétendre, comme vous l'avez fait, - et je suis heureux que vos propos aient été notés au Journal officiel -, que les salariés ne se préoccupent dans l'entreprise que de leurs temps de repos et de loisir est scandaleux, tout particulièrement quand on est député d'un département comme le vôtre. C'est faire injure à toute la classe ouvrière du Nord. Soyez assuré que je viendrai dans votre circonscription porter le débat car de tels propos sont inacceptables. (M. Huyghe se récrie )

M. Jean-Michel Fourgous - Menteur !

M. Jean Le Garrec - Taisez-vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Mes chers collègues, conservons à ce débat sa sérénité.

M. Jean Le Garrec - Alors que la productivité augmente, il nous faut impérativement repenser l'organisation du temps de travail si nous voulons éviter l'envolée du chômage. Des entreprises aussi performantes que Renault ou Toyota en sont d'ailleurs conscientes qui se sont engagées sur cette voie. Vous le refusez, vous, pour des raisons purement idéologiques. Nous prenons date et en reparlerons.

M. Jean-Michel Fourgous - Qu'est-ce que vous connaissez à la réalité des entreprises ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - Je rappelle qu'il a fallu attendre 2003 et le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin pour qu'un coup de pouce soit donné au SMIC.

Le texte que nous examinons ce soir respecte pleinement les garanties prévues par le code du travail, tant en termes de congés ou de périodes de repos qu'en termes de durée maximale du travail, journalière ou hebdomadaire. Les assouplissements qu'il prévoit, que ce soit par le biais du compte épargne-temps ou par le mécanisme du temps choisi, n'ont rien de commun avec le régime de dérogation individuelle à la durée maximale du travail - l'opt out - qu'autorise la directive européenne de 1993 sur le temps de travail, actuellement soumise à révision à Bruxelles. L'opt out permet à un employeur, en accord avec son salarié, de s'affranchir complètement, et sans limite autre que le respect des périodes de repos incompressibles, des durées maximales du travail. Nous sommes totalement contre cette forme d'individualisation des rapports de travail.

La phrase que vous me reprochez, Monsieur Le Garrec, a été dite en réponse à un intervenant qui, lors d'un colloque, me suggérait de faire un code du travail pour les petites et moyennes entreprises, tandis qu'un autre me suggérait purement et simplement de faire disparaître ce même code...

M. Alain Vidalies - M. Fourgous ?

M. le Ministre délégué - J'ai répondu que je ne serais pas celui qui dynamiterait le code du travail, mais que je ne pensais pas pour autant qu'il fallût avoir une lecture trop figée, à la façon d'un docteur de la loi, d'un code qui ne cesse d'évoluer. Vous l'avez fait évoluer, comme nous le faisons nous-mêmes ! Vous auriez le script intégral de mes propos, vous verriez que j'ai défendu l'ordre public social. Je ne savais pas que mes propos me vaudraient une dépêche de presse et peut-être ai-je usé d'une métaphore trop religieuse - le laïc que je suis s'efforcera d'en trouver une meilleure -, mais je vous confirme, Monsieur Le Garrec, que je resterai le garant de l'ordre public social et que je défendrai toujours ceux qui le font respecter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Vous pourrez donner toutes les explications que vous voudrez, Monsieur le ministre, il n'empêche qu'avec ces heures supplémentaires à gogo, vous prolongez bel et bien la durée du travail, tout en disant que vous ne touchez pas à la durée légale.

Dans le domaine de la déréglementation, la France commence à être le meilleur élève de l'Europe avec les attaques répétées que porte ce gouvernement contre le code du travail...

M. Jean-Michel Fourgous - Contre cette fumisterie des 35 heures !

M. Maxime Gremetz - Il a même osé ce qu'aucun gouvernement avant lui n'avait osé : s'attaquer à une jurisprudence de la Cour de cassation sur le droit social ! La Cour avait en effet jugé qu'il fallait réintégrer les salariés de Wolber qui avaient été licenciés, et puisque l'entreprise n'existait plus, qu'il fallait les réintégrer dans le groupe Michelin. Le Gouvernement a réagi par un projet qui dit que si l'entreprise n'existe plus, il n'y a pas d'obligation de réintégration. Les entreprises sont donc encouragées à licencier, à fermer, à délocaliser ! On se rappellera de ce projet...

M. Jean-Michel Fourgous - La France a un droit social qui fait qu'elle bat les records de chômage en Europe !

M. Maxime Gremetz - ...que le Gouvernement a fait adopter par sa majorité godillot ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Mais oui, des godillots ! J'ai beau essayer de vous réveiller, de vous inciter à prendre la parole, rien n'y fait ! Je me souviens comme vous de ce député de droite qui dormait et que les applaudissements réveillaient : du coup, il applaudissait aussi, y compris parfois les orateurs de gauche !

Je demande un scrutin public sur l'exception d'irrecevabilité.

M. Sébastien Huyghe - Je n'ai pas apprécié votre ton de procureur, Monsieur Le Garrec. Personne n'a le monopole de la défense des salariés et je salue pour ma part ces travailleurs du Nord, qui ont fait la richesse de notre pays pendant tant d'années, y compris parfois au prix de leur vie. Si aujourd'hui nous voulons assouplir les 35 heures, c'est afin que notre pays conserve sa compétitivité et puisse créer des emplois et de la richesse à partager. C'est pourquoi le groupe UMP votera contre la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

A la majorité de 30 voix contre 12 sur 42 votants et 42 suffrages exprimés, la motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.

M. le Président - J'appelle maintenant dans le texte du Sénat les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n'ont pu parvenir à un texte identique.

M. Maxime Gremetz - Je vous demande une suspension de quelques instants pour examiner les amendements que nous venons de recevoir.

La séance, suspendue à 22 h 30, est reprise à 22 h 40.

ARTICLE PREMIER A

M. Alain Vidalies - Je voudrais m'exprimer, à titre personnel et non au nom de mon groupe, sur cet ajout singulier qu'a fait le Sénat en adoptant cet article. Il s'agit en fait d'une sorte de cavalier législatif, destiné à contrer une décision de la Cour de cassation du 26 janvier 2005. L'article vise à consentir à l'Alsace et à la Moselle une dérogation sur le nombre de leurs jours fériés : la Cour avait remis en cause le droit local, qui faisait de la St-Etienne et du Vendredi Saint des jours fériés et chômés.

D'abord, je ne voudrais pas que cette disposition remette en cause la compétitivité économique des départements d'Alsace-Moselle, celle-là même dont on ne cesse de nous affirmer qu'il faut augmenter le temps de travail pour la sauvegarder !

D'autre part, c'est une sorte d'exploit que d'introduire un article additionnel exprès pour exclure une partie du territoire du bénéfice d'un texte de loi ! Les républicains de cet hémicycle ne devraient-ils pas plutôt insister pour étendre cette disposition à l'ensemble du pays, en premier lieu pour assurer l'égalité des droits sur tout le territoire, et ainsi éviter que le Conseil constitutionnel ne se saisisse de cet article, et ensuite - pour utiliser un argument auquel je vous sais sensibles - pour ne pas fausser la concurrence entre les entreprises !

Le silence du rapporteur et du ministre est probablement le résultat d'un consensus local, mais vous n'empêcherez pas un républicain de s'interroger sur cette disposition singulière.

M. le Ministre délégué - Cet article adopté par le Sénat a pour objet de confirmer que, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, le Vendredi Saint, le 11 novembre, le 26 décembre, le 1er et le 8 mai et le 14 juillet sont des jours fériés chômés. Le souci de la Haute Assemblée était de conforter le statut spécifique des jours fériés en Alsace-Moselle face aux incertitudes nées d'une récente décision de la Cour de cassation. Le Sénat n'a aucunement entendu remettre en cause la législation locale portant sur les jours fériés et chômés ni les dérogations prévues par le code professionnel local, qui permettent, dans certains cas, d'employer des salariés les dimanches et jours fériés.

Voilà les précisions que je tenais à vous apporter, pour indiquer à M. Vidalies dans quel esprit cet article a été adopté au Sénat. Cet esprit ne concerne d'ailleurs pas seulement les jours fériés, mais d'autres domaines comme le droit de la chasse ; le département de M. Vidalies connaît aussi, pour des raisons historiques, certaines spécificités que la République reconnaît.

M. Emile Blessig - La France est une... et diverse. Les Alsaciens-Mosellans sont très attachés à la spécificité de leur droit local, et ne sont pas pour autant moins républicains que d'autres. Ce droit local mérite d'être respecté ; il fait l'objet d'un consensus dans l'ensemble de la société, y compris chez les partenaires sociaux. S'il doit évoluer, il le fera localement, sur la base de négociations. L'article vise à rappeler que le 26 décembre et le Vendredi Saint restent des jours fériés chômés, et comme tels ne peuvent pas faire l'objet d'une récupération impérative de RTT. Il s'agit de maintenir un droit acquis, et non de remettre en cause les dérogations passées ou à venir.

M. Michel Liebgott - Mon nom - qui se traduit par « aimé de Dieu » - me fait obligation de contribuer à ce débat (Sourires), quoique je sois agnostique, ce qui ne me facilite pas forcément les choses, et Alsacien-Mosellan, ce qui est un élément supplémentaire de complexité... Surtout si j'ajoute que je vis avec une personne dont le prénom peut se traduire par « Immaculée Conception », que ma fille est née un 25 décembre et que je l'ai appelée Estelle - l'étoile de Noël... (Sourires) Cela dit, je rejoins M. Blessig, en me réjouissant que pour une fois la droite se montre encline à maintenir des droits acquis, ce qui mérite d'être souligné ! Peut-être M. Vidalies est-il trop ambitieux quand il songe à étendre cette mesure à tout le territoire. Pourtant il ne serait pas absurde de s'inspirer de ce qui fonctionne bien dans le droit local : voyez notre sécurité sociale, qui ne connaît pas de déficit. On s'est d'ailleurs déjà inspiré de ce droit dans le cas de la faillite personnelle. Cette législation bismarckienne mériterait vraiment d'être examinée, au moins pour ses aspects positifs ; pour le reste nous en ferons notre affaire, si vous le voulez bien. Car cela nous impose aussi nombre de contraintes ; ainsi nous devons entretenir les édifices du culte - problème que nous réglons par un appel permanent au bénévolat, ou au militantisme... Je soutiens donc la position adoptée par le Sénat.

Mme Martine Billard - M. le ministre a été convaincant : il est des droits acquis qu'il faut défendre... Mais il est une chose que je ne comprends pas : c'est que le lundi de Pentecôte, qui est une tradition nationale de la même origine religieuse, ait été remis en cause. On nous traite d'archaïques quand nous défendons certains droits acquis, mais je vois que ces droits ne sont pas tous de même poids.

Mme Muguette Jacquaint - Je respecte les spécificités, mais devant ce débat on est tout de même abasourdi. Je suis heureuse d'entendre tout l'hémicycle s'accorder pour défendre des droits acquis ; mais qu'en sera-t-il de tous les amendements que nous soutiendrons pour défendre d'autres droits acquis que votre texte envoie à la trappe ? Je ne sais pas au nom de quelle région ou de quelle sensibilité je les défendrai, mais j'espère qu'ils auront le même sort que l'article du Sénat et que les droits resteront acquis. On a parlé du lundi de Pentecôte, mais je pourrais évoquer aussi les férias du sud de la France, qui seront mises en cause par vos dispositions, ce qui aura aussi des conséquences économiques pour ces régions. Pour moi, l'essentiel est qu'au niveau national les salariés, depuis des années, demandent des négociations pour préserver les avantages acquis, qui méritent autant de l'être que les spécificités régionales dont on vient de nous entretenir.

M. Jean-Michel Fourgous - L'amendement 43 rectifié est défendu.

M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Défavorable. Cette règle n'a pas été inscrite directement dans le code du travail en raison de son caractère local, et les textes de droit local - qu'il s'agisse du code local des professions, des statuts locaux ou des anciennes Ordnungen - restent en vigueur comme hier.

M. le Ministre délégué - Au bénéfice du débat que nous avons eu, je pense que cet amendement peut être retiré.

L'amendement 43 rectifié est retiré.

L'article premier A, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER A

M. Alain Vidalies - Dans le débat au Sénat a été adoptée une disposition, à laquelle le Gouvernement avait finalement donné son accord, qui prenait en compte la situation spécifique des femmes enceintes pour exclure qu'elles puissent renoncer aux dix jours de congés payés, possibilité prévue par l'article 3. Cela pose deux problèmes. D'abord, pourquoi réserver cette protection particulière à la situation prévue par l'article 3, alors que par ailleurs ce texte comporte toute une série de mécanismes dans lesquels les salariés - y compris les femmes enceintes - peuvent être amenés à renoncer à des jours de congés payés, de RTT, etc. ? D'autre part, l'amendement adopté au Sénat ne prévoit de protection que dans les entreprises de moins de vingt salariés, ce qui n'a aucun sens au regard de la situation des femmes enceintes. Il faut un article global qui étende cette protection à tous les dispositifs de la loi et à toutes les entreprises : tel est l'objet de notre amendement 87.

M. le Rapporteur - Défavorable. L'amendement adopté par le Sénat prenait place dans le cadre bien spécifique de l'article 3, de caractère transitoire, d'où l'intérêt de cette garantie supplémentaire. En revanche l'extension que vous proposez n'est pas opportune dans le cadre des dispositions de l'article 2, c'est-à-dire dans toutes les entreprises quelle que soit leur taille, car il existe dans ce cas une convention ou un accord collectif de travail qui pourront apporter toutes garanties le cas échéant. Enfin la question de la protection des femmes enceintes est aujourd'hui soumise à la négociation collective.

M. le Ministre délégué - Par cet amendement, vous revenez sur l'article 2 consacré aux heures choisies. Mais pour ce qui est de la situation des femmes enceintes, il n'est pas justifié d'établir un strict parallèle entre l'article 2 et l'article 3. En effet le recours aux heures choisies ou le rachat des jours de RTT, tels que prévus par l'article 2, exigent dans tous les cas un accord collectif. En revanche, à l'article 3, il s'agit d'un régime spécifique dont l'application n'est pas subordonnée à un accord : c'est donc à la loi de l'encadrer, et c'est pourquoi cet article vise spécifiquement la situation de ces femmes.

Dès lors, dans les entreprises de plus de vingt salariés, ce sera à l'accord de décider si le dispositif des heures choisies ou le rachat des jours RTT s'appliquent ou non aux femmes enceintes. C'est pourquoi nous sommes défavorables à cet amendement.

L'amendement 87, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - L'amendement 3 rectifié tend à rétablir la corrélation entre le temps de déplacement professionnel et le temps de travail effectif, sournoisement modifiée par la loi de cohésion sociale. Cette proposition importante consiste à inclure dans le temps de travail effectif le temps de déplacement professionnel. Nous avions longuement débattu de cette question lors du vote de la première loi sur les 35 heures. Comment peut-on considérer que le temps de parcourir les cinq kilomètres qui séparent l'atelier du chantier n'est pas constitutif du temps de travail effectif ?

M. Jean-Michel Fourgous - Le salarié recevra une prime !

M. Maxime Gremetz - Vous n'avez jamais travaillé dans le bâtiment. Vous n'y connaissez rien. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Michel Fourgous - Créez donc de l'emploi au mieux de débiter des discours démagogiques ! (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Maxime Gremetz - Ce sont des roquets Ils n'osent pas prendre la parole, puis ils se mettent soudain à aboyer de temps à autre (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Monsieur Gremetz, poursuivez.

M. Maxime Gremetz - On m'a interrompu ! On me provoque !

M. Alain Vidalies - Et c'est grave.

M. le Président - Allons, allons. Revenons à l'amendement.

M. Maxime Gremetz - Cet amendement vise donc à définir le temps de déplacement professionnel comme le temps de trajet effectué par le salarié pour le compte de l'entreprise lorsque ce temps coïncide avec l'horaire collectif de travail, et le temps de déplacement du salarié de son domicile au lieu d'exécution du contrat de travail lorsque celui-ci n'est pas le lieu habituel de travail. Il s'oppose donc de manière frontale à l'article 69 de la « loi de cohésion sociale » qui, en excluant le temps de trajet effectué par le salarié pour le compte de l'entreprise durant les heures de travail, contredit la jurisprudence de la Cour de cassation - arrêt du 5 novembre 2003.

Cette redéfinition défavorable du temps de travail effectif a été opérée en catimini, au détour d'un amendement, sans que les partenaires sociaux en soient informés. Le bulletin de janvier 2005 de l'Union des industries minières et métallurgiques a bien montré le sens caché de cette modification qui permettra à l'employeur de ne pas compter comme heure supplémentaire les temps de déplacement des salariés itinérants chez un client. C'est une régression de plus que nous voulons combattre.

Monsieur le président, ces interruptions m'ont été pénibles. Pourriez-vous demander à vos collègues de la majorité de respecter les députés de l'opposition dans les jours à venir ?

M. le Président - Je suis le président de l'ensemble des députés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et non de la majorité. Monsieur Gremetz, puisque vous parlez de respect du temps de travail, respectez donc votre temps de parole !

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable à cet amendement, contraire à la solution retenue, il y a deux mois, dans la loi de cohésion sociale, et approuvée par le Conseil constitutionnel. De surcroît, la disposition proposée est inutile car le temps de travail interprofessionnel est déjà comptabilisé dans le temps de travail effectif. Le Gouvernement l'a réaffirmé lors de questions d'actualité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Ministre délégué - L'article 69 de la loi du 18 janvier 2005 comporte une disposition permettant une indemnisation spécifique des salariés amenés à se déplacer. Je ne souhaite pas que l'on remette en cause cet encadrement protecteur pour le salarié.

Mme Martine Billard - Cet article 69 recouvre deux situations. D'abord, le temps de déplacement du salarié de son domicile au lieu de travail quand celui-ci n'est pas le même qu'à l'ordinaire. Le Conseil constitutionnel a répondu sur ce point.

Puis, il y a le cas du salarié qui se rend en journée chez un client, situation de plus en plus fréquente avec le développement des services, et notamment de la maintenance. Dorénavant, ce temps de trajet n'est plus considéré comme du temps de travail effectif et son indemnisation dépend d'un paramètre invraisemblable, la comparaison avec le temps de déplacement du salarié de son domicile à l'entreprise. Cette modification est une régression. Nous regrettons que le Conseil constitutionnel ne se soit pas prononcé sur l'ensemble de l'article 69.

M. Alain Vidalies - Il suffit de comparer les explications données par M. Fourgous lors de la présentation de son amendement et le mémoire donné par le Gouvernement au Conseil constitutionnel : le Gouvernement a dû réduire la portée de la disposition pour la faire passer. A la veille des premiers contentieux, nous devrions adopter cet amendement 3 rectifié pour fixer la bonne interprétation de l'article 69, car il y a là une vraie difficulté.

L'amendement 3 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Dans notre pays, nombre de femmes salariées à temps partiel désirent travailler plus. L'amendement 86 vise à permettre à celles qui le souhaitent de travailler plus, car le travail à temps partiel leur est souvent imposé - je pense en particulier aux caissières de supermarché ou aux aides à domicile.

M. le Rapporteur - Défavorable. Le temps choisi, ce sont les heures se situant au-delà du contingent des heures supplémentaires. Votre amendement, qui relève de la compétence de l'accord collectif de travail, surchargerait inutilement le texte. En outre, les heures choisies ont été définies par l'article 2 et ne sauraient être désignées comme celles effectuées au-delà du nombre mentionné dans le contrat de travail des salariés à temps partiel.

M. le Ministre délégué - J'ai déjà évoqué la question du temps partiel non choisi, notamment dans le secteur de la grande distribution, et j'ai engagé une réflexion à ce sujet. Le temps partiel peut être intéressant lorsqu'il est bel et bien choisi. Force est cependant de reconnaître qu'il est souvent subi. Mais les heures choisies ne concernent pas les salariés à temps partiel : il s'agit des heures au-delà du contingent. Si l'employeur et le salarié tombent d'accord, c'est bien le principe des heures choisies qui s'impose. Le salarié peut donc travailler davantage dans le cadre du contrat.

L'amendement 86, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - Vous évoquez justement la grande distribution, où l'on impose souvent aux femmes des contrats limités en nombre d'heures, permettant ainsi au chef d'entreprise d'éviter de surpayer les heures complémentaires et, selon ses besoins, d'augmenter le nombre d'heures demandées à ses salariées. Pour dissuader ces pratiques, l'amendement 32 vise donc à surpayer les heures complémentaires.

M. le Rapporteur - Défavorable. Les heures complémentaires prennent place dans les dispositions spécifiques du temps partiel et ne donnent lieu à aucune majoration. Cela dit, au-delà du dixième de l'horaire contractuel, un accord collectif peut porter cette limite au tiers de l'horaire. Les heures complémentaires ainsi effectuées doivent être alors majorées de 25 %, et vous savez aussi qu'elles obéissent à un régime particulier.

M. le Ministre délégué - Nous avons eu le débat en première lecture, et M. le rapporteur vient opportunément de rappeler l'article 212-4-4 du code du travail.

L'amendement 32, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - En première lecture, je suis longuement intervenue sur la question du temps partiel. On sait que la grande distribution en fait un grand usage. Je vous invite d'ailleurs, Monsieur le ministre, à lire le livre de Mme Maruani sur le sujet. On y apprend que le temps partiel n'est pas tombé du ciel - loin s'en faut -, mais surtout, qu'il est une aubaine pour les profits, ceux de Carrefour, d'Auchan ou de Leclerc. Comment ne pas être scandalisé par l'exploitation éhontée de ces femmes qui travaillent 15 ou 18 heures, pour 400 à 500 € par mois ? Rien d'étonnant à ce qu'elles souhaitent gagner plus ! Pour réduire leur précarité, qui ne sert que les profits du Medef, il est urgent de rendre les heures complémentaires plus dissuasives. L'amendement 13 rectifié dispose qu'elles donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des premières heures et de 50 % pour chacune des heures suivantes.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Défavorable.

M. Alain Bocquet - Je demande que le quorum soit vérifié sur ce sujet important.

M. le Président - Je suis saisi par le président du groupe communiste et républicain d'une demande faite en application de l'article 61 du Règlement tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur l'article 13 rectifié.

Je constate que le quorum n'est pas atteint.

Conformément à l'alinéa 3 de l'article 61 du Règlement, le vote sur l'amendement est reporté au début de la séance de demain après-midi.

Prochaine séance, demain jeudi 17 mars, à 9 heures 30.

La séance est levée à 23 heures 25

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 17 MARS 2005

NEUF HEURES TRENTE : 1RE SÉANCE PUBLIQUE

Discussion de la proposition de résolution (n° 2121) de M. Daniel PAUL et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'ouverture à la concurrence des services publics dans les secteurs de l'énergie, des postes et télécommunications et des transports ferroviaires.

Rapport (n° 2151) de M. Daniel PAUL, au nom de la commission des affaires économiques.

QUINZE HEURES : 2E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi (n° 2147) portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

Rapport (n° 2148) de M. Pierre MORANGE, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

    www.assemblee-nationale.fr


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