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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 73ème jour de séance, 179ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 17 MARS 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      OUVERTURE DES SERVICES PUBLICS
      À LA CONCURRENCE 2

      ERRATUM 8

La séance est ouverte à neuf heures trente.

OUVERTURE DES SERVICES PUBLICS À LA CONCURRENCE

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Daniel Paul et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'ouverture des services publics à la concurrence dans les secteurs de l'énergie, des postes et télécommunications et des transports ferroviaires.

M. Daniel Paul, rapporteur de la commission des affaires économiques - Je ne saluerai pas le ministre, puisqu'il n'est pas là....

M. Alain Bocquet - Le Gouvernement a peur !

M. le Rapporteur - A quelques semaines du référendum sur le projet de Constitution européenne, le mécontentement monte parmi nos concitoyens, qui s'inquiètent de l'avenir de la Poste et font de plus en plus le rapprochement entre la dégradation des services publics et la construction européenne.

Selon un sondage paru dans La Croix, les maires ruraux approuvent largement la démission des élus creusois et de nombreuses enquêtes d'opinion attestent de l'attachement des Français à leurs services publics.

Leur colère est légitime, tant l'écart est grand entre les promesses et la réalité.

Les chantres de la libéralisation avaient multiplié les effets d'annonce - « baisse des prix », « amélioration de la qualité des services », « gain d'effectivité », voilà ce dont devaient bénéficier les usagers. Où en sommes-nous ?

Les baisses de prix ne sont qu'un leurre, la hausse de 86% en huit ans du tarif de l'abonnement au téléphone fixe ainsi que la nouvelle hausse du prix du timbre - pour compenser la perte par la Poste de ses gros clients - en témoignent.

L'Union des industries chimiques a dénoncé une augmentation du prix de l'électricité de 55% en quatre ans, et l'on sait qu'elle va se poursuivre, pour augmenter les fonds propres d'EDF et faire face à la concurrence, pourtant censée conduire à la baisse des prix ! Sans compter la hausse du coût des services en tous genres, déplacements pour le relevé du compteur ou contrôle des appareils de comptage, par exemple.

L'amélioration de la qualité, elle aussi, se fait attendre. Les récentes coupures de courant en Corse semblent annoncer les grandes pannes survenues en Italie, en Grande-Bretagne ou en Californie, où le marché de l'électricité, libéralisé, ne s'encombre plus de réserves d'énergie peu rentables. Comment ne pas s'étonner à ce propos de cet amendement proposé par la majorité à la loi d'orientation sur l'énergie, tendant à améliorer la rentabilité du capital investi pour répondre aux problèmes énergétiques de l'île ?

Par ailleurs, les temps d'attente à la Poste et le changement de qualité du service rendu dans les points Poste sont de mauvais augure.

Quant aux prétendus gains d'efficacité, où est l'efficacité économique lorsque l'on ferme des lignes de fret fraîchement rénovées en zone de montagne ? Où est l'efficacité écologique lorsque des scieries, des usines d'embouteillage, doivent faire appel aux transporteurs routiers pour l'acheminement de leurs marchandises ? Où est l'efficacité technologique quand sur la ligne Paris-Le Havre, les zones grises couvrent près de la moitié de la distance alors que les zones urbaines font l'objet d'un démarchage systématique de la part des opérateurs ? Qu'est devenue la contribution de ces services à l'aménagement du territoire et à la protection de l'environnement ? Où est le respect des engagements pris, quand les suppressions d'emplois ne visent qu'à améliorer la rémunération des actionnaires ? Le montant des dividendes distribués par France Télécom en 2004 correspond à la réduction de la masse salariale obtenue via les suppressions d'emplois. Malgré une situation difficile, EDF aura rémunéré l'Etat en 2004 comme elle l'a toujours fait.

L'opérateur historique néerlandais veut supprimer 8 000 postes d'ici à 2010 pour économiser 850 millions d'euros par an, tout en promettant de reverser à ses actionnaires entre 35 et 50% des cash-flows, qui devraient être supérieurs à 2 milliards d'euros.

M. Maxime Gremetz - C'est incroyable !

M. le Rapporteur - En France, Cegetel augmente de plus de 30% les dividendes par action, mais supprime 153 des 700 postes de son réseau !

Nul besoin d'être marxiste pour reconnaître les fondements économiques de la notion de service public. Depuis Stuart Mill, les économistes s'accordent sur les vertus de l'organisation monopolistique des branches qui fournissent un service essentiel caractérisé par des coûts décroissants et des économies d'échelle. « Nous avons sabré sans réfléchir, reconnaît M. Stiglitz, prix Nobel d'économie, dans les règles existantes. Ce n'est pas par hasard que tant de problèmes des folles années 90 proviennent des secteurs fraîchement déréglementés, comme l'électricité et les télécommunications ».

La mondialisation ne justifie pas davantage la libéralisation des services publics, puisque l'ouverture aux échanges internationaux ne conduit pas à une concurrence directe entre ces services. Que ceux-ci soient postaux ou ferroviaires, les échanges internationaux ont fonctionné efficacement bien avant la mise en concurrence des opérateurs publics.

Cette libéralisation répond en réalité à deux objectifs. Le premier est de fournir de nouveaux champs de profits aux grands groupes privés, en mettant à leur disposition les terrains couverts par les entreprises publiques, et en contraignant ce qui reste des opérateurs historiques à mettre à la disposition de ces nouveaux entrants les réseaux financés par le contribuable. Le second est de peser sur les normes sociales. En prônant un « marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée » et en autorisant la directive Bolkestein, la Constitution européenne ne dit pas autre chose : statuts et conventions collectives ne manqueront pas de sauter.

Vous avez dû surmonter l'obstacle de l'attachement des Français à leurs entreprises publiques. Les attaques se sont succédées - mise en cause des salariés, réductions de moyens -, mettant en difficulté les opérateurs publics. Il faut évidemment répondre aux attentes nouvelles qui se manifestent, mais dans le cadre de services publics rénovés. Or, c'est cela qui a été refusé pour mieux ouvrir la porte au privé.

Le travail de sape a été poursuivi par votre majorité, avec le rapport outrancier de MM. Ollier et Douste-Blazy. Vous vous apprêtez sans doute à refuser la création de cette commission d'enquête, mais pour faire ce travail de dénigrement, vous n'avez pas lésiné sur les moyens ! La voie est ouverte pour les étapes suivantes, jusqu'à la privatisation. N'oublions pas qu'il aura suffi de sept ans pour faire passer France Télécom du statut d'entreprise publique à celui de société privée dans laquelle l'Etat est minoritaire.

Troublante simultanéité entre l'ouverture à la concurrence et la dégradation des industries de réseau, entre l'ouverture à la concurrence et la hausse des coûts pour la collectivité. Et nos voisins européens vivent la même expérience avec la mise en concurrence de leurs anciennes entreprises publiques... Tout cela sans qu'aucun bilan ait été dressé pour comparer les engagements annoncés et les réalités constatées.

Je me suis étonné hier matin en commission, Monsieur le Président, de vous entendre souhaiter un bilan avant d'aller plus avant sur différents aspects de la politique énergétique. Pourquoi pas, mais pourquoi serait-ce souhaitable ici et pas là ? Pourquoi ne pas examiner si les objectifs des directives sont atteints et si leur transposition par notre pays répond bien aux attentes? Pourquoi ne pas corriger le tir avant qu'il ne soit trop tard ? Vous avez fait montre d'une grande véhémence à l'égard de la directive Bolkestein : vous semblez convaincus de sa nocivité.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Je confirme !

M. le Rapporteur - Ne sommes-nous pas dans la même situation avec la libéralisation forcenée des entreprises de réseaux ? Ne devrions-nous pas faire un « arrêt sur images » avant de poursuivre dans une voie que beaucoup, y compris dans vos rangs, estiment dangereuse ?

Devant l'ampleur des dégâts, il est du devoir de la représentation nationale d'établir un bilan sérieux de l'ouverture à la concurrence des services publics. Aucune clause de réversibilité n'est en effet prévue par les directives européennes, preuve supplémentaire de l'aveuglement de ses artisans.

Conscients que l'histoire et la politique ne cheminent pas de façon linéaire, nous voulons prendre le temps d'examiner la compatibilité entre les services publics et l'ouverture à la concurrence. La privatisation du rail britannique n'est-elle pas remise en question jusque dans les rangs des conservateurs ? Et les chemins de fer n'ont-ils pas été nationalisés en 1937 pour pallier le manque d'investissements des entreprises privées ?

Lors des précédents débats parlementaires sur la Poste ou sur EDF-GDF, vous avez refusé notre demande de bilan de la libéralisation au motif que la Commission européenne aurait promis des études. Cela n'invalide pas notre démarche : élus du peuple, nous avons un mandat qui nous engage vis-à-vis de nos concitoyens.

Permettez-moi de rappeler notre responsabilité face à une Commission européenne bastion de l'ultralibéralisme. Les prises de position de certains de ses commissaires à l'OMC ou des initiatives aussi heureuses que la directive Bolkestein sont là pour nous le rappeler. Nous ne pouvons nous contenter d'une évaluation de la Commission quand c'est elle, on le sait, qui a été le moteur de cette entreprise de libéralisation. Laissons place au bilan contradictoire !

Votre majorité a affirmé à plusieurs reprises son attachement au service public. Le sénateur Larcher avait rappelé les principes essentiels de la péréquation tarifaire et de l'aménagement du territoire. Le Premier ministre Alain Juppé avait déclaré ici même, le 5 décembre 1995, que le Gouvernement défendrait les services publics à la française, à Paris comme à Bruxelles. Si ce ne sont pas que des déclarations électoralistes, vous soutiendrez notre initiative !

Il est encore temps de s'arrêter pour considérer avec prudence la libéralisation de pans entiers de l'économie nationale, alors même que les entreprises publiques ont su allier performance et recherche de la justice sociale. Faire de l'achèvement du marché intérieur et de la mise en concurrence de l'ensemble des activités économiques et humaines son but ultime, c'est promouvoir une vision de la société que nous ne partageons pas. Elle porte en germe une inversion des valeurs, qui fait primer les considérations financières sur toutes les autres. Il n'est pas trop tard pour faire ce travail utile : c'est ce à quoi nous vous invitons avec cette proposition de commission d'enquête. (Applaudissements bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Alain Bocquet - Nous comprenons tout à fait que vous ayez ouvert la séance, Monsieur le président, mais il est inadmissible et scandaleux qu'elle se poursuive en l'absence du Gouvernement. Ou un remaniement ministériel - dont nous ne sommes pas informés - est en cours, ou la majorité et le Gouvernement méprisent tout bonnement la représentation nationale. Mardi matin, vous avez déjà refusé de passer à l'examen des articles de notre proposition de loi sur le droit de vivre dans la dignité, et vous vous apprêtez à faire de même aujourd'hui. Nous ne pouvons continuer à siéger tant que le Gouvernement n'est pas présent dans l'hémicycle.

Je souhaite donc que la séance soit suspendue en attendant qu'un ministre veuille bien participer à ce débat. Nous débattons de sujets très importants, et le Gouvernement s'en moque comme d'une guigne ! C'est intolérable ! Je demande également que la Conférence des présidents soit convoquée : le Président Debré doit être alerté de cette situation. Lui qui tient tant à ce que l'Assemblée soit respectée devrait comprendre la protestation du groupe communiste.

Un retard peut s'expliquer, mais une absence n'est pas admissible. Je vous demande donc de suspendre la séance pour réunir la Conférence des présidents - ou le Bureau de l'Assemblée - et pour trouver un ministre qui accepte de venir représenter le Gouvernement.

M. Maxime Gremetz - A défaut, Bolkestein lui-même !

M. Alain Bocquet - Trop, c'est trop !

M. François Brottes - Je voudrais exprimer à mon tour l'indignation du groupe socialiste devant l'absence du Gouvernement. Notre Règlement ne l'oblige peut-être pas à être présent, mais nous débattons d'un sujet sensible qui concerne l'ensemble de notre pays. Le mépris dont il fait preuve ce matin n'est pas admissible. Nous ne demandons pas la présence du Premier ministre, mais simplement que le Gouvernement soit représenté, par égard pour le Parlement et pour les enjeux en cause.

Le groupe socialiste s'associe donc à la démarche du président Bocquet. Accepter de continuer le débat serait créer un mauvais exemple. Si nous ne marquons pas notre indignation aujourd'hui, nous risquons de nous retrouver seuls dans l'hémicycle demain.

M. le Président de la commission - Je m'étonne de l'étonnement que feignent nos collègues. Il s'agit de créer une commission d'enquête parlementaire : seule l'Assemblée nationale est habilitée à en décider, quelle que soit l'origine de la proposition. Le Gouvernement n'a pas à donner d'avis, ni à s'immiscer dans le fonctionnement de l'Assemblée nationale alors que la décision dépend uniquement de celle-ci.

Mme Janine Jambu - Mais il peut s'y intéresser !

M. le Président de la commission - Simplement, si l'Assemblée décide de créer une commission d'enquête, on demande au Garde des Sceaux s'il n'y a pas de poursuites judiciaires en cours.

Je pense qu'un ministre nous rejoindra, je ne peux l'affirmer. Cela étant, on ne peut comparer la situation de mardi matin et celle d'aujourd'hui. Mardi, nous examinions une proposition de loi, sur laquelle il était normal que le Gouvernement donne son avis. Il n'est pas nécessaire qu'il le fasse sur la création d'une commission d'enquête, et le Président nous dira ce que prévoit le Règlement à cet égard.

M. Maxime Gremetz - Cet argument n'est pas valable. Faut-il comprendre que le Gouvernement, qui parle de dialogue, se désintéresse complètement de la réflexion du Parlement ? Lorsque le groupe UMP a fait inscrire une demande de création de commission d'enquête à l'ordre du jour de sa « niche » parlementaire, le Gouvernement était représenté ! Il y a bien deux poids deux mesures. On croirait que la Constitution européenne est déjà votée, et que la France est gouvernée d'ailleurs !

M. le Président de la commission - Lisez le Règlement.

M. Maxime Gremetz - C'est inadmissible ! J'ai déjà soulevé ce problème à une autre occasion, et un membre du Gouvernement est venu.

M. le Président - Les choses sont claires : créer une commission d'enquête relève de l'initiative parlementaire. La présence du Gouvernement est, comme toujours, souhaitable. Le Gouvernement m'a fait savoir qu'il ne serait pas représenté en raison de la tenue du Conseil des ministres (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Maxime Gremetz - C'est honteux !

M. le Président - Fréquemment, le Gouvernement est représenté dans les débats sur la création d'une commission d'enquête...

Mme Janine Jambu - Même le mercredi matin !

M. le Président - ...mais ce n'est pas toujours le cas.

Bien entendu, les remarques du président Bocquet, et aussi de M. Brottes, seront transmises au Président Debré auquel il appartiendra éventuellement de faire des recommandations au Gouvernement. Mais en aucun cas je ne peux accepter un argument qui est contraire à ce que prévoit le Règlement. Nous allons suspendre la séance une dizaine de minutes avant de reprendre nos travaux comme cela s'est produit dans d'autres cas.

M. le Président de la commission - Je vous remercie de constater que la présence du Gouvernement n'est pas du tout nécessaire. Cela étant, accorder une suspension de séance au motif que le Gouvernement n'est pas présent, impliquerait que cette présence est obligatoire. La suspension est de droit, mais ne peut être accordée sur cette base.

M. le Président - Je n'ai pas dit cela. La suspension demandée par un président de groupe est de droit, et elle sera de dix minutes, mais je ne l'ai pas liée à l'absence du Gouvernement.

M. Alain Bocquet - Nous sommes la représentation du peuple. Je propose donc qu'avant la suspension de séance, nous votions pour demander la présence du Gouvernement dans ce débat d'initiative parlementaire. (Sourires) Nous prendrons le temps qu'il faut pour attendre l'arrivée de son représentant.

M. le Président - Monsieur Bocquet, vous êtes très habile, et vous comptez très vite. (Rires) Mais je ne peux pas mettre aux voix une décision contraire au Règlement de l'Assemblée. Le modifier demande une procédure plus complexe. J'apprécie donc l'humour de votre proposition, mais je ne peux la retenir, et je suspends la séance.

La séance, suspendue à 10 heures 5, est reprise à 10 heures 25.

M. Alain Bocquet - Rappel au Règlement.

Monsieur le président, nous vous remercions de cette suspension de séance, mais je constate que le Gouvernement n'est toujours pas représenté. Certes, il y a le Règlement, mais il y a aussi l'usage et le respect dû au Parlement. Son rôle a été tellement abaissé que les possibilités d'initiatives parlementaires sont extrêmement limitées ; en ce qui concerne notre groupe, il nous arrive une fois l'an de pouvoir défendre une proposition de loi ou de prendre une initiative comme celle-ci... C'est donc aussi une question de respect de l'opposition.

A ce propos, que M. Ollier m'explique pourquoi, lors de la séance du mardi 15 février présidée par M. Maurice Leroy, réservée à une initiative parlementaire et consacrée à l'examen d'une proposition de notre collègue Mariton tendant à créer une commission d'enquête sur la fiscalité locale, le Gouvernement était représenté par Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur, qui a eu ces mots : « Permettez-moi de saluer cette initiative et de remercier MM. Accoyer, Méhaignerie et Mariton, ainsi que l'ensemble des orateurs, qui ont su débattre de manière constructive, sans esprit partisan ». Elle concluait en disant : « L'Etat vous apportera son soutien et toutes informations utiles à vos investigations ». Est-ce à dire qu'un seul groupe mérite le respect du Gouvernement ? Incontestablement, l'UMP, Union pour une Minorité de Privilégiés, est particulièrement bien traitée. Mais au nom de quoi, lorsqu'un autre groupe prend une initiative du même type, le Gouvernement pourrait-il s'abstenir de faire venir un représentant, même si c'est pour exprimer une opinion opposée, voire pour se contenter d'entendre les arguments échangés ? C'est inacceptable, c'est la mort de la démocratie parlementaire.

Monsieur le président, nous ne saurions poursuivre ce débat qu'en présence d'un représentant du Gouvernement, quitte à le reporter à une autre date. Je demande que l'on saisisse le Président de l'Assemblée nationale. Comprenez notre indignation : nous ne pouvons accepter qu'on ouvre ainsi la voie à un véritable totalitarisme ! Je demande à nouveau une suspension de séance, afin de tenter de résoudre ce problème.

M. Christian Bataille - Le groupe socialiste s'associe pleinement aux propos du président Bocquet. Il y a certes la lettre du Règlement dans sa sécheresse, mais il y en a aussi l'esprit. Il y a également la courtoisie dont nous devons ici faire preuve les uns à l'égard des autres, et que le Gouvernement nous doit également. Tous les groupes de l'opposition, en l'espèce le groupe communiste et républicain auteur de cette proposition de création d'une commission d'enquête, doivent être traités avec les égards dus aux élus du peuple. Au-delà, il y va du fonctionnement même de notre Assemblée et de la démocratie parlementaire. On ne cesse d'en appeler à l'initiative parlementaire, mais la démocratie parlementaire est rognée de toutes parts. A l'extérieur, se multiplient commissions indépendantes et forums populaires qui dépouillent le Parlement de ses prérogatives et au sein même de notre Assemblée, lorsqu'un groupe de l'opposition prend une initiative pour faire vivre cette démocratie parlementaire, il se heurte au mépris du Gouvernement. Voilà pourquoi nous partageons l'indignation du groupe communiste et nous associons à sa demande de suspension : cette séance ne peut se tenir tant qu'un membre du Gouvernement ne sera pas présent pour au moins écouter ce que disent les représentants du peuple élus au suffrage universel. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - J'ai bien sûr averti le Président Debré de la situation. Il m'a confirmé que la présence du Gouvernement n'était pas indispensable pour l'organisation des travaux d'initiative parlementaire (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Que cette présence soit souhaitable est une chose, qu'elle soit indispensable en est une autre. Il est des cas où sur des sujets importants - ainsi la demande d'une commission d'enquête sur les délocalisations -, le Gouvernement n'était pas présent...

M. le Rapporteur - Qui était à l'origine de cette demande précise ?

Mme Janine Jambu - Probablement un groupe de l'opposition...

M. le Président - Je ne le sais pas, mais je vous le dirai. C'était probablement votre groupe... (Très vives exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Le Gouvernement n'était pas présent, disais-je, et pourtant le débat s'est poursuivi. Je n'ai donc pas aujourd'hui à interrompre la séance organisée par la Conférence des présidents. Il m'appartient seulement de veiller à ce qu'elle se déroule dans les meilleures conditions. Par ailleurs, se tient ce matin un Conseil des ministres, vous le savez parfaitement. (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Ce n'est pas une excuse, Monsieur le président Bocquet, - je pèse mes mots -, mais c'est une explication.

Je donne maintenant la parole au président Ollier. (Très vives protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président de la commission - Je remercie le président Le Garrec d'avoir rappelé le Règlement de notre Assemblée.

Nous savons depuis fort longtemps qu'un Conseil des ministres se tiendrait ce matin. Et dans la mesure où la présence du Gouvernement n'est pas requise pour les travaux d'initiative parlementaire... (Très vives protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Maxime Gremetz - Les secrétaires d'Etat n'assistent pas au Conseil des ministres !

M. le Président de la commission - Dans le cas cité par le Président, il n'y avait pas de Conseil des ministres ce jour-là. (M. Gremetz continue de protester)

M. le Président - Monsieur Gremetz, je vous en prie. Nous avons tous bien compris la portée des remarques du président Bocquet. Elles figureront au Journal officiel. Monsieur Ollier, poursuivez. Vous, et vous seul, avez la parole.

M. le Président de la commission - Je souhaiterais répondre au rapporteur... (M. Gremetz commence de claquer son pupitre)

M. Maxime Gremetz - Personne ne parlera !

M. le Président - Monsieur Gremetz, vous n'avez pas le droit de vous comporter ainsi.

M. Alain Bocquet - Ce n'est pas possible. (M. Gremetz continue de claquer son pupitre dont le bruit rend inaudible les propos du président de la commission)

M. le Président de la commission - La majorité souhaite que le débat se poursuive. (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP ; brouhaha sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Une commission d'enquête me paraît un outil surdimensionné pour l'investigation demandée... (M. Gremetz continue de claquer son pupitre et couvre la voix du président de la commission)

M. Alain Bocquet - Je demande une suspension de séance.

M. le Président - Monsieur Ollier, par respect pour vous, je suspends la séance pour un moment. Je vais m'expliquer avec le président Bocquet et vous aurez la parole dès la reprise. (Brouhaha sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Maxime Gremetz - Personne ne parlera.

La séance, suspendue à 10 h 40, est reprise à 10 h 55.

M. le Président - Nous sommes en train de chercher une solution qui satisfasse tout le monde et qui soit conforme à notre Règlement. Je vais suspendre la séance, le temps que le président Debré puisse joindre le Gouvernement et exprimer fermement son souhait qu'un ministre soit présent à la reprise. (M. Maxime Gremetz approuve).

La séance, immédiatement suspendue, est reprise à 11 heures 15.

M. le Président - M. le président Debré n'a pu obtenir l'assurance qu'un membre du Gouvernement serait bientôt présent. Nous allons donc lever la séance, en demandant que l'examen de la proposition de M. Paul soit repoussé à une date ultérieure, qui sera fixée par la Conférence des présidents de mardi prochain. Nous avons fait ce que nous devions, dans le strict respect du Règlement.

Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 11 heures 16.

                Le Directeur du service
                des comptes rendus analytiques,

                François GEORGE

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 1ère séance du mercredi 16 mars 2005.

Page 25, avant la suspension de séance, lire :

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée. (le reste sans changement)


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