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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 74ème jour de séance, 183ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 22 MARS 2005

PRÉSIDENCE de M. Yves BUR

vice-président

Sommaire

      CRÉATION DU REGISTRE
      INTERNATIONAL FRANÇAIS (suite) 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 13

      AVANT L'ARTICLE PREMIER 18

      ARTICLE PREMIER 19

      ART. 2 22

      APRÈS L'ART. 2 22

      ART. 3 24

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 23 MARS 2005 26

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

CRÉATION DU REGISTRE INTERNATIONAL FRANÇAIS (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la création du registre international français.

M. Jean-Luc Préel - Comme Normand et élu vendéen, je ne pouvais qu'être intéressé par le sujet et je suis heureux que l'UDF me permette d'intervenir sur ce texte.

Cette proposition part du constat inquiétant du déclin de notre pavillon national et de notre flotte marchande. En 2003, la flotte enregistrée sous pavillon français comptait 205 navires - 0,4 % du tonnage mondial -, ce qui place la France au 29e rang mondial, derrière les Bermudes et Taiwan. Or, en 1970, c'était la quatrième flotte mondiale !... Les effectifs de la filière maritime ont été divisés par quatre en quarante ans et ne représentent plus que 10 000 navigants en 2003. Alors que notre pays est le cinquième exportateur mondial, il doit recourir à des navires immatriculés sous pavillons tiers, voire sous des pavillons de complaisance.

Ces données catastrophiques justifient ce texte, qui doit atteindre deux objectifs. Le premier est de redonner à la France une place et un rôle sur la scène maritime internationale. Avec 5 500 kilomètres de côtes, notre pays dispose d'une ouverture sur la mer du Nord, la Manche, l'océan Atlantique, la Méditerranée, et, grâce à l'outre-mer, de points d'appuis répartis sur l'ensemble de la planète. Ses ports sont de qualité, et son domaine maritime recouvre dix millions de kilomètres carrés, en tenant compte de la zone économique exclusive.

Le second objectif est d'améliorer le système de protection des personnes qui travaillent à bord des bateaux français, et de conforter l'ensemble de l'emploi maritime qui, outre les 10 000 emplois de l'armement français, recouvre 64 000 emplois directs, 94 000 emplois indirects et 2 400 emplois de service public.

A ces deux fins, la proposition vise d'abord à créer un registre international français qui doit être aussi attractif que les autres registres internationaux européens. On le sait : le principal obstacle au développement du pavillon français est son coût, et les tentatives faites pour le relancer, avec notamment la création du registre d'immatriculation des Terres australes et antarctiques françaises, n'ont pas eu le succès escompté, le registre TAAF étant environ 35 % plus cher que les autres registres européens et imposant des obligations d'emploi national trop rigides.

Obéissant au souci d'une plus grande efficacité et d'une meilleure adaptation aux réalités, le nouveau registre sera ouvert aux navires armés au commerce au long cours ou au cabotage international ainsi qu'aux navires armés à la plaisance de plus de 24 mètres hors tout. Il devrait ainsi attirer les navires de grande plaisance, nombreux à être amarrés à l'année dans les ports français sous pavillon étranger, de même que les navires de croisière.

En vertu des conventions internationales en vigueur et des droits reconnus à l'Etat du pavillon, le RIF permettra d'autre part d'étendre le contrôle de l'Etat en matière de sécurité à un nombre plus important de navires.

Conformément à une jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, le texte réaffirme l'obligation pour le capitaine et son second, investis de prérogatives de puissance publique, d'être de nationalité française. Pour le reste de l'effectif, aucune disposition n'impose un quota de marins nationaux, mais il serait logique, sinon indispensable, de fixer comme le propose d'ailleurs le rapporteur pour avis, une proportion minimale de 30 à 35 % de navigants français ou communautaires. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'espère que vous répondrez positivement à la demande du député-maire de Saint-Malo !

En second lieu, la proposition définit le régime social applicable à bord des navires immatriculés au registre international, comblant le vide juridique qui affectait le régime des TAAF. Les conditions d'emploi devront respecter les normes sociales édictées par l'OIT et par l'International Transport Workers Fédération - ITF. Les rémunérations ne pourront être inférieures au salaire minimum de référence fixé par le Bureau international du travail. De telles mesures étaient aussi souhaitables que nécessaires.

Quant aux contrats d'engagement et de mise à disposition, ils devront être écrits, contenir des mentions obligatoires d'information du marin et permettre le contrôle de l'inspection du travail maritime. De cette façon, le personnel navigant se voit accorder les garanties élémentaires de sécurité juridique. En principe, les navigants communautaires relèvent de la loi du pavillon. Quant aux navigants résidant à l'étranger, c'est la loi applicable à leur contrat qui détermine leur régime de sécurité sociale. La possibilité d'embaucher des marins étrangers par l'intermédiaire d'entreprises de travail maritime - ETM - n'est autorisée qu'à condition que soient respectées certaines règles minimales relatives à la formation, à la qualification, à la rémunération, à la solvabilité, à la couverture sociale et à la garantie de rapatriement des marins. Les services de recrutement ont d'ailleurs l'obligation d'établir un registre de tous les gens de mer et de le tenir à la disposition de l'inspection maritime.

Enfin, les navigants à bord des navires inscrits au RIF bénéficieront des droits syndicaux fondamentaux, dont le droit d'adhérer au syndicat de leur choix, le droit de grève et le droit à la négociation collective.

En troisième lieu, le texte s'attache à mettre en place un dispositif attractif. Il tend en particulier à simplifier les procédures d'immatriculation grâce au regroupement en un guichet unique des services des douanes et des affaires maritimes, et à la détermination d'un port d'immatriculation unique situé sur le territoire national.

Les navigants bénéficieront d'une exonération totale d'impôt sur le revenu, ce qui ne peut que stimuler les créations d'emplois et contribuer à la promotion du pavillon français.

Enfin, la proposition définit les sanctions applicables en cas de non-respect de la future loi. Les navires inscrits au RIF seront ainsi « soumis à l'ensemble des règles de sécurité et de sûreté maritimes, de formation des navigants et de protection de l'environnement applicables en vertu de la loi française, de la réglementation communautaire et des engagements internationaux de la France ». L'inspection du travail pourra se rendre à leur bord, tandis que les navigants et leurs employeurs pourront saisir les tribunaux français pour régler leurs différends. Il s'agit de mesures sages qui doivent permettre de régler les contentieux dans le respect des droits de chacun.

Quant au dernier article de la proposition, qui prévoit qu'un rapport d'évaluation portant sur la mise en œuvre de la présente loi au 31 décembre 2006 sera présenté au Parlement dans les six mois suivant cette date - et j'espère, Monsieur le rapporteur pour avis, que vous y veillerez -, il devrait nous permettre d'identifier les points sur lesquels cette loi aura été positive aussi bien que ceux sur lesquels il convient de la modifier. Cela étant, la valeur de ce texte dépendra très largement de la qualité de son application et nous serons donc très attentifs à celle-ci. Par ailleurs, si positifs qu'en soient les effets - et ils le seront certainement -, nous ne pouvons attendre de ces dispositions qu'elles permettent à notre flotte de rivaliser immédiatement avec les plus puissants. Seule une démarche communautaire permettra d'intégrer les très grandes puissances maritimes européennes et d'instaurer les normes de sécurité, tant juridiques que sociales et environnementales, aujourd'hui indispensables compte tenu des catastrophes écologiques qui ont touché nos côtes, notamment celles de Vendée.

Cette réforme constitue une étape nécessaire dans la voie d'une plus grande harmonisation européenne, qui doit permettre l'alignement du dispositif français sur celui de ses voisins, lesquels, après l'échec du registre européen EUROS, ont établi un socle commun de mesures jugées indispensables au maintien des pavillons nationaux. Au nom de l'UDF, et comme beaucoup de mes collègues, je souhaite en effet que soit institué le plus rapidement possible un pavillon européen.

Le Cardinal de Richelieu, qui fut évêque de Luçon avant d'être ministre de Louis XIII, a pu, grâce à son action, réorganiser la marine française et redonner à la France une politique navale cohérente. Puissions-nous aujourd'hui redonner corps à une vocation maritime que notre histoire a souvent eu du mal à assumer, mais que notre géographie ne fait que confirmer. C'est dans cet esprit que le groupe UDF votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. François Liberti - Rares sont les occasions de traiter ici de sujets maritimes et de défendre les intérêts de notre pavillon, et je veux en profiter pour saluer une profession qui m'est chère, qui mérite d'être reconnue et qui attend du législateur qu'il sache promouvoir ses droits et assurer son outil de travail. Le texte qui nous est proposé, dont l'existence met d'ailleurs en lumière le manque de volonté européenne en la matière, ne répond malheureusement pas à ces objectifs. Malgré quelques améliorations de la rédaction initiale, son habillage social reste de pure forme. Entre la protection sociale minimale des marins non européens, laissée aux mains des entreprises de marchands d'hommes, et la dégradation du statut des marins français, cette proposition n'est, comme une sorte de directive Bolkestein, que le décret d'application maritime du projet de constitution européenne. Qu'on y ajoute la directive sur les services portuaires et c'est toute la filière qui est soumise à la déréglementation.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'avez conduit aucune concertation avec les salariés et les organisations syndicales : vous n'avez fait que suivre la voie de la baisse du coût du travail, de la recherche de la rentabilité et du recul social. La suppression totale des charges patronales ENIM, que vous avez annoncée à la bruyante satisfaction de votre majorité, pose un autre problème : que va devenir le régime social des inscrits maritimes, déjà largement déficitaire, et demain le statut des gens de mer ? L'objectif poursuivi - favoriser le retour de navires sous pavillon français - sera peut être atteint, mais au prix d'inacceptables concessions. Vous avez en effet modifié les règles du jeu en l'entière faveur des armateurs, sans aucune contrepartie en termes d'emplois et en faisant reculer le code du travail. Vous nous expliquez que le registre international français, reposant sur le principe du contrat entre l'armateur et le marin, comporte à ce titre un « socle social ». C'est une mauvaise plaisanterie ! Le nouveau registre s'exonère complètement des dispositions du code du travail maritime et opère un véritable nivellement par le bas, les normes maritimes internationales étant bien inférieures. Si votre objectif de reconquête du pavillon français se traduit par le moins-disant social et la déréglementation, ce n'est rien d'autre qu'un recul de civilisation !

En vérité, votre stratégie est bien de donner une fois de plus des gages au Medef de la mer. Vos principaux soucis sont le manque de compétitivité du pavillon français, l'impuissance des armateurs français à être concurrentiels face aux autres pays de l'Union européenne et aux pavillons de complaisance et enfin le « dépavillonement », mais est-ce une raison pour battre en brèche les droits sociaux élémentaires et pour permettre aux armateurs de recourir à des marins sous-payés, recrutés dans le tiers-monde ? Est-ce une raison pour renoncer à disposer d'un personnel responsable, qualifié, motivé et correctement rémunéré ?

Vous nous dites que le RIF constituera un contrat de confiance et de progrès entre l'ensemble des partenaires, mais on ne garantit pas un partenariat en laissant signer des contrats entre des parties manifestement inégales ! Les marins philippins recrutés par les sociétés de marchands d'hommes ne sont pas en situation de négocier quoi que ce soit ! La plupart du temps, ils doivent signer des reconnaissances de dettes équivalant à plusieurs mois de salaires pour pouvoir embarquer ! De toute évidence, la loi ne peut pas demeurer silencieuse sur la nature et la durée globale du contrat de travail. Les contrats d'embarquement que vous proposez n'assurent aucune continuité de la relation de travail et placent les marins dans une situation de précarité permanente. En outre, vous fixez la durée des congés payés à trois jours par mois de travail effectif et vous vous alignez, en ce qui concerne la rémunération, sur le salaire minimum de référence du Bureau international du travail. Ce n'est pas vraiment un progrès !

Cette analyse est partagée par l'ensemble des marins et des organisations syndicales du monde maritime, qui ont manifesté leur désaccord avec ce texte. Vous ne leur apportez aucune réponse, sinon celle qui consiste à légaliser, non la complaisance, du moins les pratiques qui favorisent le dépavillonnement. C'est un calcul extrêmement dangereux, qui met en péril toute une profession et que nous ne pouvons accepter. Cette proposition de loi non seulement n'est pas propre à développer notre politique maritime, mais porte en elle le genre d'une régression sociale inégalée. Le groupe communiste et républicain votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Aimé Kerguéris - L'examen de ce texte d'initiative parlementaire a maintes fois été reporté, non pas par désintérêt mais au contraire pour se donner le temps de trouver, dans la concertation, les moyens les plus sûrs d'atteindre son but : le redressement de notre marine marchande. C'est ce but qu'il faut garder à l'esprit pour éviter de voter une loi certes pleine de bonnes intentions, mais financièrement irréalisable. Il faut donc s'attacher à trouver un équilibre entre l'attractivité économique du pavillon et de justes revendications sociales.

Il est capital de stopper l'effondrement de notre flotte de commerce, dont la position actuelle est indigne de la France. Première façade maritime d'Europe, la France, quatrième puissance maritime en 1970, est aujourd'hui vingt-neuvième ! Mais, dans le même temps, elle est le quatrième exportateur mondial de marchandises... Ce décalage ne peut durer et je salue le courage du Gouvernement d'avoir entrepris une politique de reconquête maritime. C'était d'ailleurs primordial : 90 % des marchandises étant transportées dans le monde par voie maritime, avec une croissance du trafic de 8 % par an, il ne saurait être question que la France reste à la traîne des autres pays européens.

Les principaux éléments de la politique globale de reconquête sont la diminution du coût de la main-d'œuvre, par un remboursement des charges ENIM, la taxe au tonnage et l'aide à l'investissement grâce au GIE fiscal, en cours de remaniement pour être eurocompatible. Autant de mesures propres à rétablir une position concurrentielle. Restait à nous doter, à l'instar des autres puissances maritimes, d'un pavillon bis. Destiné à remplacer le pavillon des Kerguelen, dont les faiblesses ne sont plus à démontrer, ce pavillon est un outil indispensable à notre politique maritime, certes, mais qui doit être à la fois économiquement viable et socialement acceptable. La recherche de cette conjonction a suscité de nombreuses discussions dans le cadre de la commission tripartite qui a réuni les armateurs, les syndicats et l'administration. Cette médiation, organisée par M. Scemama, a permis d'arriver à des accords donnant une vraie attractivité au RIF sans pour autant sacrifier notre droit social.

La philosophie du dispositif n'est pas de créer un pavillon bis pour faire comme nos voisins, mais de faire revenir sous pavillon français les armements qui sont libres de choisir - c'est-à-dire de rendre notre pavillon suffisamment attractif, mais pas au détriment de nos marins. C'est ce dont s'est également préoccupée la commission des affaires économiques, dont je salue ici le rapporteur, et la commission des affaires culturelles, avec le travail imposant réalisé par René Couanau. En ce qui concerne le minimum de marins français ou résidents de l'Union à bord, de nombreux débats ont eu lieu pour savoir où mettre le curseur entre 25 % et 35 %. C'est la solution partagée par la commission tripartite et la commission des affaires économiques qui paraît la plus acceptable : 35 % en cas d'aides fiscales et 25 % sinon. Si, dans les faits, le taux doit être de 35 %, puisqu'il n'y a quasiment pas de navires sans aides, cette règle a le mérite de montrer que l'aide a une contrepartie bénéficiant aux marins et à l'emploi. Reste à savoir si ces pourcentages doivent s'appliquer aux effectifs embarqués ou à ceux que mentionnent les fiches dressées par les affaires maritimes. La seconde hypothèse semble préférable, à condition que ces fiches soient revues et uniformisées sur tout le territoire. C'est un engagement, Monsieur le secrétaire d'Etat, qui devra faire l'objet d'instructions très précises.

Deuxième sujet primordial : l'exonération des charges patronales ENIM et non ENIM. C'est elle, en effet, qui conditionne l'attractivité du pavillon bis et la compétitivité des entreprises maritimes françaises. Le système actuel est un remboursement des charges a posteriori. Il n'est pas satisfaisant et il semblerait plus judicieux de mettre en place un système d'exonération totale des charges ENIM. Vous l'avez promis, Monsieur le secrétaire d'Etat, et je vous en remercie, car ce sera un instrument essentiel de la politique de reconquête. En ce qui concerne le statut fiscal des marins, l'exonération dont ils bénéficient au-delà de 183 jours de mer ne me paraît pas pouvoir être revue : d'abord, elle s'applique en droit commun à toute personne travaillant hors de France une grande partie de l'année, et surtout elle renforce l'attractivité de la carrière maritime. Quant au statut social des marins, si ce pavillon bis renforce la protection des marins communautaires, il représente une avancée encore plus importante pour les marins non résidents de l'Union. En effet, ce texte légalise et encadre les sociétés de manning. Il prévoit d'autre part une protection sociale conforme aux normes internationales et une rémunération conforme aux normes ITF. Contribuant à relancer notre marine marchande, à attirer les entreprises et à créer des emplois, propre à nous permettre de reprendre les parts de marché perdues, il offre donc à nos marins des garanties essentielles. Pour ces raisons le groupe UMP le soutiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Bono - Cette proposition déposée par le sénateur de Richemont aura connu un parcours chaotique, bien à l'image de ce texte au mieux inutile, au pire dangereux, auquel on a pu croire, Monsieur le secrétaire d'Etat, que vous aviez renoncé à l'approche des élections régionales. Vous aviez alors sagement confié à M. Scemama, président du conseil national de la marine marchande, une mission de médiation face au mécontentement général du mode maritime - à l'exception bien sûr des armateurs. Beaucoup pensaient alors que cette proposition serait remplacée par un projet de loi. Il n'en fut rien : c'est sur cette proposition, dont chacun reconnaît qu'elle n'est pas admissible, que vont s'engager nos travaux. Au moins le Gouvernement aurait-il pu amender ce texte à la lumière des travaux conduits par M. Scemama ! Il ne l'a pas fait, et les amendements de la commission des affaires économiques n'en modifient guère la philosophie - sinon, je l'accorde, en restaurant l'obligation de rapatriement des marins, ce qui est bien la moindre des choses au regard des usages de notre marine marchande.

Le texte prétend développer l'emploi maritime par la création du RIF, ou registre international français, qui éviterait et la complaisance et la liste noire d'ITF. Je crains, au vu du texte, que ces deux desseins ne soient déjà compromis. On nous rappelle à l'envi que la marine marchande française n'occupe plus que la vingt-neuvième place mondiale. Mais ce classement est bien illusoire : la première flotte mondiale appartient dans les faits aux armateurs grecs qui utilisent 70 % des immatriculations de Chypre et 63 % de celles de Malte. Mais, en apparence, cette première place revient au Panama... dont la flotte est en réalité utilisée à 43 % par le Japon !

Vous voulez créer un pavillon attractif, compétitif - mais avec qui, sinon avec les pavillons de complaisance ? L'ambition de la France est-elle de disposer d'une flotte puissante mais virtuelle, fondée sur des immatriculations de complaisance ? Une telle flotte développera-t-elle l'emploi des marins français ? Nullement. Loin des objectifs affichés, ce texte ne fait que satisfaire les attentes d'Armateurs de France.

Il conserve sa nocivité même après amendement par notre commission des dispositions par trop scandaleuses. Il est inacceptable parce qu'il soumet le recrutement des marins autres que français à la dure loi des sociétés de manning, qu'on appelle aussi les marchands d'hommes et que vous renommez pudiquement « entreprises de travail maritime ». Des entreprises qui recrutent librement aux Philippines ou ailleurs, dans des pays peu regardants sur le droit du travail et les conditions de travail des marins, mais particulièrement complaisants quant à la modicité de leur rémunération... Selon vous, cette reconnaissance des sociétés de manning fournira un statut aux marins étrangers : c'est un leurre. Le statut sera calqué sur les normes internationales minimales, déjà réputées pour leur indigence, bien loin des règles que, sur tous nos bancs, du moins je l'espère, nous souhaiterions voir partout appliquées. C'est le dumping social que cette reconnaissance des sociétés de manning entérine et tente de masquer. Accepter cette intégration dans notre droit des sociétés de manning, c'est tout simplement accepter à nouveau le marchandage de main-d'oeuvre, interdit dans notre pays depuis le printemps 1848 ! C'est ouvrir une brèche considérable dans le droit social français, brèche dans laquelle bien d'autres entreprises soumises à la concurrence internationale ne manqueront pas de s'engouffrer.

Inacceptable, ce texte l'est aussi parce qu'il consacrera sur un bateau battant pavillon français, c'est-à-dire sur le sol français, le principe de l'application de deux législations sociales : l'une protectrice, pour les nationaux, et l'autre qui sera en fonction du pays d'origine des marins. Ce n'est rien d'autre que l'intégration du principe du pays d'origine dans la loi française : celui-là même que préconise la si controversée directive Bolkestein ! Que signifiait donc la semaine dernière l'agitation de votre majorité, dans cette même assemblée, à propos de cette directive et de ce même principe du pays d'origine, si c'était pour le mettre en œuvre subrepticement au détour d'une proposition de loi issue du Sénat ?

Ce principe s'applique ici de façon éclatante : dans son article 11, le texte précise que les « contrats d'engagement et le régime de protection sociale des navigants résidant hors de France, sont soumis à la loi choisie par les parties. » On ne saurait être plus clair en fait de dumping social. Ainsi votre texte prouve à l'envi combien l'Europe, et en ce moment, le traité constitutionnel, peuvent servir commodément de boucs émissaires...

Inacceptable, votre texte l'est enfin pour une raison majeure : loin de permettre l'embauche de nouveaux marins, il consacre au contraire le déclin programmé de la profession. Le rapport de M. Scemama s'était conclu sur un différend qu'il nous appartenait de trancher, et dont les données étaient simples : un avenir était possible pour la profession et pour les écoles de formation si les effectifs de marins communautaires restaient fixés au seuil de 35 % de l' effectif réellement embarqué. Mais Armateurs de France, que le rapporteur de la commission des affaires économiques a malheureusement entendu, proposait que la règle soit 25 % de l'effectif de la fiche d'embarquement, laquelle exclut de nombreux navigants, mais 35 % lorsque le bateau profite des avantages du GIE fiscal. Ce refus d'assurer un avenir à la profession justifierait à lui seul la colère des marins, cette proposition constituant un net recul par rapport au registre Kerguelen.

Car, outre l'emploi des marins, c'est tout leur système de formation qui, très vite, se trouvera menacé. L'abaissement du quota de 35 %, conjugué à une base de calcul plus restreinte et à l'élargissement aux autres nationalités européennes, diminuera considérablement les débouchés professionnels pour les Français qui aspirent à devenir marins. Il rendra la profession moins attractive. Surtout, de l'avis général, le quota de 35% de l'effectif embarqué suffisait à peine pour offrir assez de débouchés aux élèves-officiers. Son abaissement assombrit l'avenir de nos écoles.

M. Michel Delebarre - M. le secrétaire d'Etat va accepter un amendement sur ce point, vous verrez !

M. Maxime Bono - Je l'espère... Enfin, jusqu'ici, les conventions s'appliquaient aux « gens de mer », c'est-à-dire à tous les travailleurs embarqués sur le navire. Désormais il y aura des navigants non-navigants, ou des embarqués non-navigants. Ces derniers ne bénéficieront plus que des dispositions relatives au rapatriement et au bien-être en mer et dans les ports. Je m'interroge encore, malgré une lecture attentive du texte, sur les droits qui seront les leurs. Et plus encore sur ceux des personnels de service des passagers, massivement féminins et trop souvent exploités. Sans doute eût-il été plus judicieux de ne pas céder sur ce point aux pressions de certains armateurs, surtout s'agissant d'une profession où les taux de profit espérés sont de quelque 25%, sur un marché en progression de 8% l'an environ !

D'autre part, il est choquant d'admettre que l'octroi d'avantages fiscaux dans le cadre du GIE n'est pas lié à l'application de la législation sociale française. Je ne sache pas que l'Etat français ait vocation à favoriser la non-application du droit national.

Enfin, comment croire que ce régime dégradé qu'est le RIF n'aura pas de conséquence sur la sécurité en mer et sur celle de nos côtes ? Vous me direz que les navires seront mieux suivis et contrôlés. C'est vrai, mais l'état du navire ne fait pas tout : il y a aussi le rôle de l'équipage. De son homogénéité, de sa capacité à s'exprimer dans une même langue, de la qualité de sa formation, dépendent très largement la sécurité. Les exemples ne manquent pas ; M. Gaubert a cité celui du Bow Eagle, et le nombre de bateaux qui ont percuté l'épave du Tricolore, pourtant régulièrement signalée et balisée, conduit à s'interroger sur la qualité des équipages...

Monsieur le secrétaire d'Etat, parce que nous jugeons, comme beaucoup de ces gens de mer, que ce RIF n'est qu'un registre dégradé ; qu'il n'aura pas d'effet bénéfique sur l'emploi, et qu'il conduit à une acceptation résignée du moins-disant social ; parce qu'il nous apparaît comme un renoncement à une harmonisation des législations européennes et comme annonciateur de la disparition de nos écoles de formation ; parce qu'il nous semble porteur de dangers pour nos côtes et ne va pas dans le sens de la sécurité maritime pourtant si souvent invoquée ; enfin parce qu'il nous mène à terme vers une marine française sans marins français, ou avec encore moins de marins français, nous nous opposerons à son adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Hélène Tanguy - La création du registre international français repose sur un acte de foi dans l'avenir : le retour d'une cinquantaine de navires sous pavillon national. C'est pourquoi l'évaluation de ses effets sera si important dans deux ans : seuls les éléments qui seront recensés en 2007 pourront nous dire si le texte était pertinent. L'exercice est donc difficile et appelle de notre part beaucoup d'humilité dans le jugement. Si, rapidement, notre flotte dépasse à nouveau la barre des 250 navires, avec la création de plus de mille emplois, alors la tendance aura été inversée et la voie ouverte à une vraie filière professionnelle française et à une croissance pérenne des emplois maritimes.

L'enjeu de ce texte est de rendre à la France une marine marchande plus en rapport avec son rang politique et commercial. Le choix est clair. Ou bien nous recherchons un nouvel équilibre entre la compétitivité et les légitimes exigences sociales, et nous reprendrons place parmi les marines marchandes qui comptent. Ou bien nous demeurons crispés sur la protection des emplois existants et des statuts, mais ce serait gérer notre déclin et organiser le « cimetière marin », la disparition complète de notre flotte. Ainsi chacun des trois quartiers maritimes de ma circonscription compte 160 à 200 marins de commerce, alors qu'il y a trente ans on en comptait jusqu'à 1250 dans le seul quartier d'Audierne...

Pour enrayer cette chute vertigineuse, un nouveau pavillon a été imaginé en 1987. Pourtant, la flotte a continué de perdre un grand nombre de bateaux. Nous sommes donc désormais au pied du mur : force est d'imaginer un nouveau registre. Celui-ci doit viser à plusieurs objectifs. Le premier est l'attractivité : il doit être économiquement intéressant pour les armateurs. Le deuxième est l'emploi : ce retour sous pavillon français doit être l'occasion d'un développement de l'emploi en France et en Europe. Dernière exigence, la lucidité : la France ne saurait, avec les difficultés financières qu'elle connaît, s'affranchir de toute rigueur budgétaire.

J'en viens à présent à la proposition elle-même, largement négociée, débattue puis amendée dans nos commissions. Ces discussions nous permettent de travailler sur un texte plus équilibré ; je tiens à remercier le Gouvernement, en la personne de M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, d'avoir ouvert ce dossier certes difficile mais porteur d'espoir pour nos régions maritimes.

M. Maxime Bono - N'exagérons rien !

Mme Hélène Tanguy - Oui, la flotte française à besoin d'un nouveau pavillon. Oui, l'emploi communautaire, et donc français, doit être favorisé. Oui, l'Etat a une responsabilité en la matière. Nous nous retrouvons tous sur les grandes avancées de ce texte. L'exonération fiscale accordée aux marins prend en considération les particularismes d'une vie loin de la famille - au minimum 183 jours - contraire aux aspirations de notre société. Je remercie M. le ministre du budget d'avoir étendu il y a quelques jours cette mesure à la pêche, comme on le demandait depuis 1984.

Je note également la création d'un guichet unique et de procédures administratives simplifiées, et surtout le renforcement des garanties sociales exigées pour les salariés non communautaires : mesures applicables en cas de défaillance des entreprises de travail maritime, protection sociale.

L'essentiel de nos débats a porté sur la présence à bord des Français et des marins de la Communauté européenne. Le commandant restera français, et le nombre de ressortissants européens sera de 35 %, en lien avec les aides à la construction du bateau accordées par l'Etat. On est loin du minimum de deux officiers prévu à l'origine.

Longtemps chargée des dossiers de formation au conseil régional de Bretagne, je voudrais insister sur la nécessité de réserver des places aux élèves officiers sur les bateaux RIF. Je sais que les armateurs vous donné des garanties : il faut que le texte entérine cet engagement.

M. Michel Delebarre - Vous n'avez pas confiance !

Mme Hélène Tanguy - Je ne veux plus avoir à intervenir auprès d'Armateurs de France pour obtenir un embarquement indispensable à la validation d'un brevet. Cette disposition doit être explicitement prévue, sans échappatoire possible. Il y va de la crédibilité de nos écoles de marine marchande et de la confiance que les jeunes portent à ce métier d'exception.

En contrepartie, je me félicite que le remboursement des charges sociales ENIM soit abrogé au profit d'une exonération : merci de cette bonne nouvelle, Monsieur le secrétaire d'Etat.

Le texte a, enfin, le mérite de garantir une aide à la SNSM au travers du produit des jeux de bord.

Par son approche plus rigoureuse des conditions de travail et les garanties de qualification qu'assurent les recrutements communautaires, le RIF contribuera à la sécurité du trafic maritime. Vous connaissez notre sensibilité de Bretons en ce domaine.

Avec la création d'un registre international français attractif pour les armateurs et les marins, l'Etat remplit son devoir d'accompagnateur et de facilitateur de l'initiative économique. C'est ainsi que notre flotte pourra concourir à l'ambition maritime que nous défendons tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Sylvie Andrieux - Changeons un peu : il n'y a pas que des Bretons dans l'hémicycle ! (Sourires)

La création du RIF est supposée contribuer, comme l'a indiqué M. le secrétaire d'Etat, à la relance de la marine marchande française, dont le nombre de navires a été divisé par quatre en cinquante ans. Si nous pouvons être d'accord sur l'objectif poursuivi, nous refusons les propositions qui nous sont soumises : elles conduiraient à ne garder à bord d'un navire battant pavillon français que deux ou trois marins français.

Les grèves de ces derniers jours - à Marseille, plus de la moitié des marins de la SNCM bloquent les liaisons entre la Corse et le continent - témoignent du refus de ce texte par les marins.

Nous ne pouvons accepter de voir autoriser le recours à des entreprises de travail maritime qui recrutent notamment en Indonésie ou aux Philippines, dans les conditions que l'on sait. Pour lutter contre ces pavillons de complaisance, la France s'est dotée de plusieurs registres d'immatriculation : le registre métropolitain, le registre des territoires d'outre-mer et surtout le registre Kerguelen, fortement incitatif car assorti des avantages d'un GIE fiscal. De façon coutumière, les armateurs n'embauchent que 35 % d'effectifs français. Les décrets relatifs au droit social n'ayant jamais été publiés, les navigants ressortissants extra-communautaires ne bénéficient dans ce registre d'aucune garantie de salaire ou de protection sociale. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Cette proposition d'inspiration libérale tend en fait à faire bénéficier les armateurs français des aides fiscales promises par l'Etat aux bateaux sous pavillons français et d'un coût de la main-d'œuvre peu élevé. En prônant la compétitivité, le Gouvernement joue le jeu de la déflation salariale. La majorité souhaite en effet permettre l'instauration d'un nouveau pavillon de complaisance, qui permettra aux armateurs d'embaucher 75 % de travailleurs internationaux non soumis au code du travail ou au droit social communautaire, aux seules conditions que le capitaine et son second soient de nationalité française et que 25 % de l'équipage soit d'origine communautaire pour les navires non aidés - 35 % pour les navires bénéficiant du GIE fiscal.

Sont ainsi oubliés deux textes fondamentaux : le paragraphe 8 de l'article 19 de la Constitution de l'Organisation internationale du travail, qui dispose que l'adoption d'une convention ou d'une recommandation par un membre ne doit en aucun cas être considérée comme affectant toute loi qui assure des conditions plus favorables et l'article 2 du décret du 19 juin 1969, repris dans le code du commerce, selon lequel « l'armateur exploite le navire avec l'aide de préposés terrestres et maritimes. » C'est la base même des relations contractuelles entre le marin et l'armateur. Le marin met son activité à la disposition de l'armateur, sous la subordination duquel il se place en contrepartie d'un salaire. Le marin étranger est donc dans la position du travailleur étranger en situation régulière. Le contrat de travail est un contrat d'engagement maritime, défini par la loi du 13 décembre 1926, qui reprend les dispositions de la convention n° 22 de l'OIT. Quant aux droits ouverts aux marins des pays tiers, ils sont exposés dans l'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'article 7 de son pacte international relatif aux droits économiques,sociaux et culturels, et les articles 15 et 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Le marin est donc exclusivement lié à un armateur. Toute disposition l'assujettissant à une quelconque entreprise de travail maritime ne peut exister. Au demeurant, le droit du travail est d'ordre public.

En s'écartant de ces principes, le texte ouvre la voie à une forme d'esclavage moderne : il légalise en effet les pratiques de marchandage de la main-d'œuvre au travers des sociétés de manning. Le démantèlement du quota de marins français à bord est lourd de conséquences pour les salariés, mais aussi pour les fournisseurs et les sous-traitants : ce point a d'ailleurs fait l'objet de vives discussions entre armateurs et syndicats. Ces derniers craignent de graves conséquences sur la sécurité à bord des navires. Les catastrophes que nous avons vécues ne sont pourtant pas si loin.

La limitation à deux des officiers français présents sur les navires annonce la disparition des autres professions de marins français, et avec eux des formations dispensées par les écoles nationales de marine marchande comme celle de Marseille. La France ne formera plus de personnels d'exécution, ou uniquement pour répondre aux besoins des navires sous pavillon entièrement français. L'abolition du quota de marins français casse ainsi la chaîne de formation d'une filière qui n'aura plus que des débouchés restreints : c'est un pan entier du savoir-faire maritime français qui est menacé.

La création du RIF ne suffira pas à dissimuler l'absence d'une grande politique maritime digne du savoir-faire et de la puissance commerciale de la France. Pour ma part, je considère que la marine marchande reste un enjeu économique majeur pour notre pays. Il serait donc souhaitable que le Gouvernement prenne en considération les aspects sociaux et de sécurité du RIF. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Josiane Boyce - Nous aurions dû examiner cette proposition de loi il y a plus d'un an. Mais après son adoption en première lecture par le Sénat, nombre de députés se sont interrogés sur certaines dispositions. Alertés par des pensionnés de la marine marchande et des associations d'officiers au long cours, ils ont fait part de leurs préoccupations et ont été entendus par le gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

L'une des toutes premières mesures prises par M. François Goulard a ainsi été, après avoir reçu l'intersyndicale des officiers et des marins, de reporter l'adoption de ce texte en confiant à une personnalité reconnue dans le monde maritime, M. Scemama, le soin de mener une médiation.

M. Michel Delebarre - Ce n'est pas rien d'être suppléante !

Mme Josiane Boyce - Cette mission de bons offices, qui a vu une dizaine de réunions tripartites, a duré plus de cinq mois. Les liens entre armateurs et syndicats ont pu être renoués. Sans parvenir à un accord définitif, des points de convergence ont été dégagés.

Il ne s'agit plus aujourd'hui de négocier. Mais de voter un texte d'équilibre. Si les passions demeurent, elles ne doivent pas conduire à des interprétations erronées. Le RIF n'est pas un pavillon de complaisance. Tous les navires de commerce, dès lors qu'ils battent pavillon français, sont soumis aux mêmes règles de sécurité et aux mêmes contrôles. L'Etat engage sa responsabilité aussi bien sur un pétrolier immatriculé au registre Kerguelen que sur le dernier bateau de passagers de la Britanny Ferries ou sur un caboteur immatriculé en Polynésie française. Le RIF ne signifie pas qu'il y aura des navires en dessous des normes : à la différence du registre Kerguelen, l'inspection du travail maritime sera compétente sur les navires du RIF.

Les droits des marins français seront respectés sans ambiguïté : ils seront toujours soumis au code du travail maritime et resteront affiliés au régime protecteur de l'ENIM. Le RIF garantit également le développement de l'emploi maritime français.

Le taux de marins français, ou plus exactement ressortissants de l'Union européenne, reste le sujet le plus disputé. Les organisations syndicales souhaitaient 35 %, les armateurs exigeaient 25 %. Je suis convaincue que la proposition du rapporteur est la sagesse. Dès lors qu'un navire bénéficie d'une aide fiscale propre du type GIE, il est normal qu'on lui impose une contrepartie équivalente à 35 %. Mais pour les autres navires, comme ceux qui quittent le registre Kerguelen arrivés à la fin de leur quirat ou de leur GIE, il faut être attractif, d'où le taux de 25 %. Au-delà, nous ne pourrons empêcher les armateurs français d'immatriculer leurs navires à Madère, aux Canaries ou en Belgique.

Adopter cette mesure, c'est refuser le déclin de la marine marchande française et espérer l'immatriculation de plus de 60 navires au registre, ce qui permettrait d'envisager la création de 1 400 emplois d'ici trois ans.

Compte tenu de la réalité de l'activité de transport maritime international s'exerçant sur des marchés ouverts, je pense que l'avenir de l'emploi maritime français a beaucoup à gagner avec l'adoption du RIF.

Le RIF que l'on nous propose est un progrès indéniable, et l'annonce faite aujourd'hui par M. le secrétaire d'Etat est une avancée considérable. Il propose de remplacer le remboursement des charges sociales par l'exonération permanente des charges ENIM des navires français. De fait même si elles sont couvertes à hauteur de 44 millions d'euros dans le budget 2005, elles sont soumises aux aléas budgétaires.

Pour les marins et les armateurs, ce registre offre plus de sécurité juridique que le registre Kerguelen. Surtout, pour les marins originaires de pays extérieurs à l`Union européenne, c'est une avancée sociale considérable.

S'opposer au RIF, c'est s'opposer à ce progrès et finalement faire le jeu des pavillons de complaisance. Mieux vaut des bâtiments avec des équipages en partie français que des navires battant sous pavillon de complaisance qui font courir à leurs équipages des risques réels.

Je remercie donc les sénateurs qui sont à l'origine de cette proposition. Elle fait l'unanimité à tribord et la fera, j'espère, à bâbord. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - Je vous remercie, mais l'unanimité ne me paraît pas acquise pour l'instant.

M. Préel a bien situé les enjeux et présenté en détail dispositions et amendements. J'apprécie le soutien de son groupe parlementaire.

Monsieur Liberti, je vous rassure : l'ENIM ne sera pas en déséquilibre en raison des exonérations de charges. L'Etat assure cet équilibre, avec actuellement une dotation budgétaire de 825 millions, et il continuera à le faire. Sans doute était-il inutile de parler de « plaisanterie » à propos de ce texte : le sujet mérite mieux. En ce qui concerne les salaires et les garanties sociales, les amendements du rapporteur vont renforcer les normes de l'ITF, l'International Workers' Transport Association, à laquelle participent des organisations syndicales françaises, y compris depuis un an la CGT ! Ces dispositions garantissent une protection sociale minimale pour les marins extra-communautaires et l'amendement déposé à ce sujet à l'article 12 a l'aval du Gouvernement.

M. Kergueris, président du groupe mer, défend depuis longtemps la marine marchande - on se souvient de la grande bataille des quirats ! (Rires sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Ceux-ci ont beaucoup aidé notre flotte. Après leur remise en cause en 1997, le GIE fiscal a été moins favorable. M. Kergueris a bien souligné que l'enjeu est de trouver un équilibre entre attractivité économique et protection sociale. Il a appelé mon attention sur la nécessité de préciser la référence pour le calcul de l'obligation d'emploi. A l'article 4, on mentionne en effet, à la fois, l'effectif embarqué et la fiche d'effectif. Pour que l'administration puisse faire des contrôles efficaces, elle doit disposer de la référence explicite qu'est la fiche d'effectif. Il est vrai que, selon les zones - les anciens quartiers - elle est déterminée de façon différente. Je m'engage à ce que l'administration porte l'appréciation la plus objective possible sur l'effectif nécessaire à bord et à ce que soit mis fin aux écarts entre régions pour la détermination de la fiche d'effectif. En revanche d'un point de vue pratique, l'effectif réel est trop fluctuant pour permettre un contrôle du pourcentage de marins européens.

Monsieur Bono, vous affirmez que le texte a le soutien des armateurs. Le maire de La Rochelle sait pourtant que certains étaient réservés. En effet, ceux qui ne sont pas concernés par le RIF craignaient que les ressources affectées à l'exonération des charges soient asséchées par le succès du pavillon RIF. Je le répète, les charges de l'ENIM seront compensées. Tous les armateurs peuvent donc se rassurer. Quant au retrait pur et simple d'une proposition adoptée par le Sénat, j'aurais pensé que votre assemblée aurait plus de respect pour l'initiative parlementaire, même provenant de l'autre assemblée.

Vous parlez aussi de compétition avec les pavillons de complaisance ; non, notre ambition est d'entrer en compétition avec les pavillons européens, tout en protégeant mieux les marins. Vous regrettez qu'ils soient soumis à deux régimes différents. Mais c'est le cas depuis la création du pavillon TAAF, et votre majorité n'a pas changé cet état de fait.

M. Maxime Bono - Je regrette, nous avons eu tort.

M. le Secrétaire d'Etat - Vous avez reconnu qu'il fallait un pavillon bis. L'actuel est imparfait. Nous l'améliorons. Quant à évoquer la logique de la directive Bolkestein à propos de marins philippins, c'est étendre bien loin les frontières de l'Union européenne ! Le Gouvernement prépare une ordonnance pour garantir que dans les services portuaires, par exemple sur les remorqueurs, les marins seront soumis aux lois sociales du pays d'accueil, non du pays du pavillon. Nous refusons donc bien la règle du pays d'origine, quoi que vous prétendiez. Pour l'homogénéité de l'équipage, vous préférez sans doute les pavillons de complaisance, puisqu'ils l'assurent mieux. Et si vous vous souciez de la sécurité sur les 221 navires qui battent pavillon français, n'oubliez pas que 6 000 navires étrangers fréquentent nos ports, que des milliers d'autres passent le long de nos côtes : c'est de là que viennent les problèmes de sécurité bien plus que de l'hétérogénéité de nos équipages.

Madame Tanguy, vous avez affirmé une ambition maritime et rappelé l'histoire d'un lent déclin. Comme vous le dites, l'Assemblée a su mettre en avant l'emploi plus que ne le faisait le Sénat, et je m'en réjouis avec vous. L'exonération fiscale pour les marins qui naviguent plus de 183 jours est tout à fait légitime, et a été opportunément étendue à la pêche. Enfin, nous sommes comme vous attachés à ce que les armements français offrent des perspectives d'embarquement aux stagiaires de nos écoles de formation pour que le renouvellement des effectifs soit assuré.

Madame Andrieux, nous sommes d'accord sur les insuffisances du pavillon TAAF. Convenez que le RIF est un progrès incontestable. Il n'y a nullement déflation salariale, mais une meilleure protection et une meilleure rémunération des salariés grâce aux normes de l'OIT et de l'ITF. Vous semblez aussi vous inquiéter - comme d'autres sur vos bancs - d'un cumul excessif d'aides à la marine marchande. Je vous rassure : les règles européennes nous interdiraient une générosité excessive. Nous voulons seulement rendre notre flotte compétitive grâce à des aides adaptées.

Enfin, Madame Boyce, vous avez raison, l'intervention désormais possible de l'inspection du travail maritime est un progrès social, que certains feignent d'ignorer. Vous insistez sur la nécessité d'entendre les points de vue différents. C'est ce qui a été fait, et sur le pourcentage de marins originaires de la Communauté, nous avons rapproché les points de vue alors qu'au départ, les organisations syndicales étaient hostiles à la proposition sénatoriale. Je le redis : l'ENIM sera naturellement préservé.

Vous avez situé ce texte dans le contexte d'ouverture des marchés qui prévaut aujourd'hui et je reprends volontiers à mon compte votre excellente formule : s'opposer au RIF, c'est faire le jeu de la complaisance ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Daniel Paul - La France est un grand pays maritime. Avec plus cinq mille kilomètres de côtes hospitalières qui ont permis d'aménager de nombreux ports, sa situation géographique est exceptionnelle, d'autant qu'elle se situe à proximité de routes maritimes très fréquentées, la Manche étant sans doute la mer la plus parcourue du monde. Ces atouts ont favorisé l'émergence d'une industrie maritime, portuaire, de construction navale et de transport fluvial. Notre marine marchande a longtemps été l'une des premières au monde, par son nombre de navires et de marins, par la qualité de ses établissements de formation et par celle de son administration maritime. A terre, cela s'est traduit par des activités industrielles riches en emplois et en valeur ajoutée, pour les entreprises comme pour les territoires. Des chantiers navals parmi les plus fameux du monde se sont installés à Saint-Nazaire, pour répondre aux besoins de la Compagnie générale transatlantique, à La Ciotat, pour accompagner le développement des Messageries maritimes, mais aussi au Havre, à Dunkerque et dans d'autres ports. Cette cohérence entre les activités maritimes, portuaires et industrielles a longtemps fait de notre pays l'un des plus puissants de la filière. Une autre époque, pas si lointaine, a donc existé, au moins jusqu'au début des années 1970. C'est à ce moment que le déclin de notre flotte marchande s'est accentué, et il n'est que de reprendre les rapports de notre commission de ces années-là pour le suivre. Il semble qu'il fallait que la filière maritime obéisse aux contraintes de la mondialisation, de la réduction des coûts et de la mise en concurrence des entreprises, donc des salariés...

Les grands groupes industriels ont commencé à externaliser leurs activités de transport maritime ; puis, pour ne pas être mises en cause lors de naufrages, les sociétés pétrolières mirent fin à l'existence de leurs compagnies maritimes et firent appel à des compagnies extérieures, avec des navires battant pavillon de pays peu soucieux de sécurité et de droit social et des équipages ne disposant d'aucun droit. Quant aux navires eux-mêmes, leur mauvais état et leur défaut d'entretien se sont révélés au monde lors de naufrages qui ont scandalisé les opinions publiques du monde entier. Mais ce n'était là, en réalité, que la face visible de l'horrible réalité quotidienne, banale mais scandaleuse, des navires sous normes, avec des équipages bafoués dans leurs droits et des pavillons dont la seule raison d'être est de permettre de contourner les règles minimales du droit maritime international.

Combien en a-t-on vu de ces navires abandonnés dans les ports, avec des marins qui n'avaient pas été payés depuis plusieurs mois et qui ne devaient leur survie et leur retour au pays qu'à la solidarité des associations et de la population locale ? Des pavillons se sont développés de cette façon, dont certains comptent aujourd'hui parmi les premiers du monde en nombre de navires ! Ce sont eux qui furent déclarés « pavillons de complaisance », tant leur unique objectif est de permettre l'asservissement des hommes aux intérêts financiers. Il en va ainsi du pavillon libérien, à coup sûr l'un des premiers au monde mais dont le siège n'a jamais été au Libéria, mais bien à Washington, où j'ai pu rencontrer ses responsables - des financiers américains -, dans le cadre de la commission d'enquête sur le naufrage de l'Erika.

D'autres pays, pourtant à forte tradition maritime et plus proches de nous, comme la Grèce, Chypre ou Malte ont également développé leurs flottes, en acceptant que leur pavillon national soit hissé sur des navires en mauvais état, menés par des équipages traités au mépris des normes sociales. On a même vu des paradis fiscaux se découvrir une vocation maritime, souvent sans même disposer du moindre accès à une mer, le Luxembourg étant de ceux-là !

En France, l'existence d'une marine marchande organisée et formée ne permettait pas de s'engager dans cette voie, ou, au moins, pas avec la même violence à l'encontre des salariés. L'exacerbation de la concurrence donna cependant le prétexte nécessaire à la création d'un second registre, avec la mise en place d'un pavillon bis, pas tout à fait extérieur mais plus vraiment national ; un pavillon rattaché aux terres australes, comme pour éviter d'être qualifié de « complaisant », et qui est vite devenu le registre Kerguelen.

Les marins français y sont largement minoritaires, la règle des 35 % n'étant pas écrite ; l'homogénéité des droits et des salaires n'existe donc plus. On connaît la suite : dans la course au moindre coût, ce pavillon bis est à son tour devenu trop cher aux yeux des armateurs et les pressions n'ont pas cessé pour obtenir la réduction des charges salariales, puis aujourd'hui leur suppression pure et simple, afin de s'aligner sur les pays concurrents ; on vit aussi l'instauration de dispositifs d'aide de l'Etat aux investissements, avec les quirats, que la gauche voulut moraliser dès 1997 en créant les GIE fiscaux, lesquels contraignent les armateurs à un délai minimum avant de pouvoir changer de pavillon ; puis ce fut la taxe au tonnage, qui ne semble pas avoir apporté grand-chose aux marins, avant que vous ne nous proposiez le RIF.

Au prétexte de développer le nombre de navires battant ce nouveau pavillon, votre objectif est d'officialiser la régression du nombre de marins français embarqués, ce que les organisations syndicales et les associations du monde maritime n'ont jamais accepté, malgré toutes vos tentatives pour démontrer l'inverse !

M. le Secrétaire d'Etat - Je n'ai rien dit à ce sujet !

M. Daniel Paul - C'est à se demander pourquoi elles sont en grève depuis la fin du mois de janvier...

M. le Secrétaire d'Etat - Certaines d'entre elles seulement !

M. Daniel Paul - Vous validez du même mouvement le recours à des sociétés de manning, véritables officines de marchands d'hommes et de prêt de main-d'œuvre étrangère, qui iront recruter dans les pays en voie de développement des marins sous-payés et sans droits.

Qu'en sera-t-il de la durée de leur contrat de travail ? Durée très déterminée, assurément, vous-même n'étant plus partisan des contrats à durée indéterminée...

M. le Secrétaire d'Etat - Première nouvelle !

M. Daniel Paul - En cas de débarquement pour cause de maladie ou de blessure, y aura-t-il rembarquement du marin ? Pour ce qui est de la durée des congés, votre article 16 indique qu'elle sera de trois jours par mois de travail effectif : on est très loin des acquis des marins français ! Quant aux jours fériés auxquels les navigants ont droit, ils seront choisis parmi les jours des fêtes légales des pays dont ils sont ressortissants. On comprend que pour faire passer de tels objectifs, vous présentiez comme un progrès le fait que ces sociétés d'intérim ne puissent pas s'occuper de marins français !

Au moment où vient en débat la directive Bolkestein, qui introduit le principe du pays d'origine des salariés - et non plus du pays où s'effectue la prestation -, admettez que vous jouez les éclaireurs ! Les syndicats d'officiers et de marins ne s'y sont pas trompés : tous unis, ils dénoncent la dérive qui sous-tend votre proposition et la menace qui pèse sur la formation comme sur le devenir des établissements actuels.

Dès avant le passage du texte au Sénat, ils ont condamné cette politique et exigé que des négociations s'ouvrent, non pas pour accepter la dégradation proposée, mais pour défendre l'emploi de marin, pour défendre les intérêts de notre pays qu'avec eux, nous ne confondons pas avec ceux des armateurs. Ils ont su susciter l'adhésion de nombreuses collectivités locales dans des régions concernées par les questions maritimes, et cette solidarité a largement dépassé les clivages politiques, au point que beaucoup de vos amis, Monsieur le secrétaire d'Etat, ne cachent pas le trouble que leur inspirent vos orientations. L'an dernier, cela vous avait d'ailleurs incité à repousser l'examen de ce texte après les régionales, sans doute dans le but de limiter les dégâts... Peine perdue, mais les discussions se sont poursuivies et elles ont permis de proposer plusieurs modifications au projet initial du Sénat. C'est ainsi qu'a été proposé que le pourcentage de communautaires, à bord d'un navire sous RIF - sous ou hors GIE - soit établi à 35 % de l'effectif d'exploitation réellement embarqué. Cette proposition devait servir de base, et il appartenait aux armateurs de négocier avec les syndicats un accord de branche étendu, améliorant le pourcentage suivant les contraintes de l'exploitation.

Aujourd'hui, le recul est flagrant : vous voulez faire inscrire dans la loi que ces 35 % seront demandés aux armateurs pour les navires sous GIE, cependant que les autres s'en tiendraient au quart. Qui plus est, vous voulez calculer la proportion en fonction de l'effectif minimum de sécurité, c'est-à-dire sur un document qui ne mentionne que le minimum déclaré pour assurer la sécurité des navires.

Vous le savez, Monsieur le secrétaire d'Etat, pour les marins et pour leurs syndicats, ces propositions s'apparentent à une totale remise en cause de la négociation qui s'est déroulée pendant plusieurs mois. Rappelons en effet que ces pourcentages s'appliquent à des équipages généralement compris entre douze et dix-huit personnes, ce qui signifie - au mieux - cinq marins communautaires, personnels français inclus ! Dans le cas où serait retenue la proposition d'un commandant de nationalité française - et s'agissant d'un navire battant pavillon français, cela semble normal - et où l'UE accepterait cette disposition - ce qui n'est pas assuré -, cela revient à embarquer un capitaine français, deux ou trois ressortissants communautaires et, peut-être, un élève français en formation, tous les autres marins venant de pays tiers.

Non content de nuire à la pérennité de l'emploi des marins français, votre texte prend la forme d'une véritable usine à gaz, avec tous les risques de contentieux afférents. Et je passe sur les problèmes de langue et sur le risque qu'ils font courir à la sécurité ou à l'environnement !

Si elle était acceptée, la proposition condamne tous les établissements de formation et tous les emplois de marins autres que ceux d'officiers, tels les postes de matelots, de maîtres d'équipage, d'ouvriers mécaniciens ou de lieutenants.

J'imagine combien la pression des armateurs a été forte et combien nous légiférons aujourd'hui sous leur regard, sous leur surveillance même en ce qui vous concerne. Vous avez reçu d'eux un véritable mandat impératif : ne rien céder. Sinon, ils dépavillonnent ! Mais quand vous aurez tout cédé et que la logique capitaliste fera que ces navires seront tout de même plus chers que ceux sur lesquels navigueront des équipages encore moins bien payés ?

Selon le rapporteur, des dizaines de navires rejoindront le RIF, à commencer par ceux qui sont aujourd'hui au registre TAAF ! Peut-être, mais cela fera-t-il plus de marins français ? Rien n'est moins sûr. Or, cette question des effectifs est bien la question centrale, comme l'est celle du recours aux sociétés de manning. Toutes deux s'inscrivent dans un processus de déréglementation non seulement de notre marine marchande, mais aussi de l'ensemble de la chaîne de transport, car les groupes qui dominent ces secteurs, - Bolloré, Delmas ou P & 0 - cherchent à réduire les coûts sur chaque segment de la chaîne et s'efforcent de faire sauter les verrous qui protègent les salariés, qu'il s'agisse de statuts ou de conventions collectives.

Il n'existe à ce jour qu'un secteur où la Commission européenne ait été contrainte au recul : celui des ports. L'union de tous les salariés, à travers l'Europe, a été si forte que la directive qui visait à établir la concurrence dans tous les services portuaires a été repoussée par une majorité du Parlement européen. Mais le dogmatisme libéral est si prégnant et les pressions patronales si fortes que cette directive, sortie par la porte, reviendra sans doute par la fenêtre.

Quant aux industries navales, on sait le sort qu'elles ont subi et continuent de subir. L'objectif est de faire subir le même sort aux transports terrestres ! Une nouvelle directive ferroviaire va donc poursuivre la déréglementation et des concurrents sont annoncés sur le fret ferroviaire. Le transport routier est quant à lui totalement soumis aux règles de la concurrence.

Pour tenter de justifier la mise en place du RIF, on nous dit que la concurrence est vive ! Pourtant, les taux de fret ont connu, ces dernières années, des niveaux jamais atteints, suite à l'explosion du commerce maritime mondial et à l'insuffisance de capacités de transport ! Et il semble qu'il soit souvent difficile de trouver des navires.

Des études indiquent aussi que cette chaîne de transport ne représenterait finalement que 3 à 4 % du coût du produit importé et vendu en France. La comparaison entre les coûts de passage entre les ports français et leurs concurrents montre d'ailleurs des différences minimes : Le Havre n'est pas plus cher qu'Anvers et Rotterdam, Marseille n'est pas plus cher que Gênes et Barcelone...

M. le Secrétaire d'Etat - Hélas, si.

M. Daniel Paul - Il suffirait sans doute d'une augmentation minime de ces taux de fret, de l'ordre de quelques euros pour un conteneur, et d'une meilleure répartition des bénéfices engrangés pour maintenir l'emploi et les normes sociales.

Mais c'est là une logique que vous n'admettez pas. Comme la variable d'ajustement ne peut plus être la qualité des navires, tant les populations sont sensibles aux catastrophes maritimes, elle se concentre sur les équipages et l'on sait que les marins philippins, indiens ou pakistanais ne votent pas dans notre pays...

On nous dit aussi qu'avec le RIF, nous aurions une plus grande place au sein des organismes internationaux, par exemple à l'OMI. Nous savons très bien que c'est là une grande illusion. De plus, pour atteindre le tonnage des grands pavillons - grands par le nombre de leurs navires -, il faudrait sans doute user des mêmes armes, c'est-à-dire des mêmes atteintes aux droits des salariés, ce qui serait inacceptable.

Mais nul doute que certains pousseront en ce sens et que nous nous retrouverons dans quelques années confrontés à de nouvelles remises en cause, si les orientations libérales actuelles sont maintenues.

Ce texte s'inscrit dans une offensive globale à l'égard d'un secteur important pour notre pays, pour certaines régions, pour nos ports. L'examen de ses conséquences sur les activités concernées mériterait d'être approfondi avant de décider de cette fuite en avant que vous nous proposez et que nous refusons. C'est pourquoi je vous invite à voter notre motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - La commission s'est réunie trois fois, dont deux fois au titre de l'article 88, et j'ai le sentiment qu'elle a mené un travail approfondi. Beaucoup d'amendements ont été adoptés, le débat a eu lieu et je ne vois donc pas ce que nous pourrions faire de plus en commission. M. Paul a fait un discours très argumenté, mais ses arguments étaient d'ordre général et ne fondaient pas une demande de renvoi en commission.

Quant à dire que nous travaillons « sous la surveillance des armateurs », je ne trouve pas cela à la hauteur du débat. Nous sommes tous ici soucieux de l'intérêt général. Nous avons des solutions différentes, respectez les nôtres comme nous respectons les vôtres !

J'invite l'Assemblée à voter contre cette motion de renvoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Hélène Tanguy - M. Paul fait du texte dont nous débattons une lecture très personnelle, qui n'est pas la nôtre, mais aucun des arguments qu'il a avancés ne justifierait un renvoi en commission. Nous avons travaillé pendant des mois et tout le monde reconnaît qu'il y a eu dialogue et médiation avec la filière - armateurs, syndicats, élèves. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait retourner en commission. Je propose au contraire que nous poursuivions le débat sur ce texte, qui est le seul rempart possible contre les complaisances maritimes, et au nom du groupe UMP, j'invite l'Assemblée à ne pas voter la motion de renvoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Liberti - Comme l'ont écrit les élèves de l'Ecole nationale de la marine marchande de Saint-Malo, la logique de rentabilité poussée à l'extrême condamne de fait tous les postes de marins autres que ceux d'officiers.

Cette démarche, qui est au cœur de votre projet, est inadmissible. Avec un tel texte, la France ne se grandit pas sur la scène internationale. Elle renonce à une attitude offensive face à la dérive libérale, pire, elle s'engage dans la voie de la régression sociale, en préférant entrer dans le jeu égoïste de la déflation compétitive.

Nous soutenons, nous, les actions engagées par les marins depuis plusieurs semaines. Affirmer qu'il faut choisir entre le progressisme et l'archaïsme, c'est piétiner avec le plus grand mépris tous les acteurs de la filière maritime ! L'examen de leurs propositions, que vous n'avez pas dénié étudier, justifie donc le renvoi en commission . (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Marie-Renée Oget - Cette motion vient rappeler opportunément les interrogations dont nous ont fait part les représentant des organisations syndicales de la marine marchande. Faire bénéficier les marins d'une protection sociale, de garanties sociales et de conditions de sécurité indispensables pour l'exercice de leur métier ? Tous ces droits sont affichés par notre Constitution, le droit européen et communautaire, et même le projet de traité constitutionnel sur lequel les Français sont appelés à se prononcer dans deux mois !

Mais vous avez préféré relayer les revendications des armateurs et, sous couvert de chercher à rendre notre flotte plus compétitive, proposer aux marins ni plus ni moins qu'un véritable nivellement par le bas et entériner les pratiques d'esclavage moderne des pavillons de complaisance.

Les inquiétudes exprimées par les marins restent ignorées par le Gouvernement et les parlementaires de la majorité, malgré les tentatives de certains, comme notre collègue M. Couanau, pour faire entendre la voix de la sagesse. La commission des affaires sociales a rendu un avis critique sur le texte voté par le Sénat, mais elle n'a malheureusement pas été entendu.

A l'heure où l'ensemble de la classe politique dénonce la directive Bolkestein, on ne peut s'empêcher de faire un parallèle entre un texte qui vise à appliquer des règles moins protectrices que celles du pays d'accueil, et cette proposition qui tend à créer un pavillon de complaisance français destiné à permettre l'emploi de marins étrangers, sous-payés et dépourvus de protection sociale, grâce à des contrats régis par le droit de leur pays d'origine. Le Gouvernement considère aujourd'hui que cette directive est inacceptable, mais les députés européens de l'UMP préfèrent s'abstenir à Strasbourg plutôt que de voter contre ce texte.

Vous relayez les revendications des armateurs en tentant de faire voter en catimini cette proposition, pour la retirer du débat dès que la mobilisation des marins et de l'opposition grandit. Trois fois inscrit à notre ordre du jour, ce texte aura été ajourné une première fois à la veille des élections régionales et cantonales, reprogrammé fin 2004, à nouveau ajourné face à la mobilisation des marins et de l'opposition, avant de rééditer la même tentative et la même reculade en janvier 2005 ! Attendez-vous le moment le plus propice pour nous prendre par surprise ? Ce moment n'est pas prêt d'arriver ! Pour l'heure, le groupe socialiste votera le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La séance, suspendue à 23 heures 20, est reprise à 23 heures 35.

M. le Président - J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. René Couanau, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales- Je voudrais, en abordant la discussion des articles, rappeler à mes collègues de l'opposition comme de la majorité certains enjeux du débat. L'article premier crée un pavillon bis. Peu de choses distinguent les navires inscrits à ce pavillon : en tout cas ni le régime fiscal, ni le lieu d'immatriculation, ni le contrôle par l'inspection sociale, ni le respect du droit français... Les seules différences avec le pavillon national sont le droit social applicable à certains marins et le fait de pouvoir recourir à des marins étrangers. Voilà toute l'essence du RIF.

Vous vous en êtes remis au Parlement, Monsieur le secrétaire d'Etat, pour apprécier l'intérêt de la proposition de loi du Sénat. Il appartient au législateur de veiller, d'abord, à ce que le droit social qui sera applicable ne puisse conduire à des situations intolérables sur des navires battant pavillon français. Le travail réalisé par les commissions des affaires économiques et des affaires sociales semble répondre à toutes les inquiétudes, même si nous ne partageons pas tous le même avis sur le recours aux entreprises de travail maritime. Le législateur doit également veiller à l'emploi, qui figure d'ailleurs dans les objectifs de l'article premier. Mais de quel emploi s'agit-il, dans la mesure où l'immatriculation au RIF permet de recourir, pour se rendre plus compétitif, à des marins étrangers moins payés et au statut social inférieur à celui des Français ? La tendance naturelle est de dériver vers de plus en plus de marins étrangers, sans quoi il n'y a aucune raison de ne pas s'immatriculer au pavillon national !

Il est donc du devoir du législateur de prévoir des conditions minimales. Nous avons choisi de favoriser la compétitivité par l'abaissement des charges, en particulier des charges patronales - et nous vous remercions de l'avoir accepté, Monsieur le secrétaire d'Etat - plutôt que par la réduction du nombre d'emplois français. Il me semble que fixer le seuil à 35 % des effectifs - qu'il s'agisse de l'effectif embarqué ou des fiches d'effectifs, nous en discuterons plus tard - est une solution d'équilibre. Je voudrais remercier le président de la commission des affaires économiques d'avoir rendu hommage au travail de la commission des affaires sociales : ce n'est pas toujours le cas. C'est lors des premières auditions de cette dernière que nous avons recommandé au ministre de l'époque de mettre sur pied la concertation tripartite, qui fut menée par M. Scemama. Ses conclusions ont été portées à notre connaissance - plus d'ailleurs par voie de presse que par une communication en commission - et sont largement positives. Les organisations syndicales ont notamment accepté de prendre part au débat sur ce seuil. Il parait donc judicieux de retenir cette solution.

M. Jean-Yves Besselat, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - L'amendement 36 rectifié vise à ajouter, dans l'intitulé du titre premier, la sécurité maritime et le développement de l'emploi maritime. Le texte initial du Sénat avait en effet été mal compris. Or, il n'y a rien de mieux, pour afficher ses objectifs, qu'un titre ! Il paraît donc utile de mentionner aussi ces deux préoccupations.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

M. Jean Gaubert - On ne peut qu'être d'accord avec ce genre de généralités : et pourquoi ne pas y ajouter la prévention des raz de marées ? Mais qu'y a-t-il derrière ces expressions ? Le développement de l'emploi maritime sera sans doute celui d'un emploi au rabais : une fois leurs obligations minimales remplies en matière de contrats rémunérés et régis selon le droit français, les armateurs n'hésiteront pas à aller voir ailleurs ! L'avantage de cette main-d'œuvre étrangère n'est pas d'être mieux formée, plus opérationnelle ou de former un équipage soudé : son seul avantage est de coûter moins cher, et donc d'augmenter la compétitivité de l'entreprise - c'est la version officielle - ou au moins d'améliorer les profits de certains ! Il s'agit de véritables méthodes de négriers, ce qui renvoie à une époque peu glorieuse pour notre civilisation.

Quant à la sécurité maritime, comment l'assurer, avec des marins de nationalités différentes ? Rappelons-nous que dans l'exemple du Bow Eagle, la seule explication de la fausse manœuvre qui a causé quatre morts est que le marin philippin qui était à la barre n'avait compris ni les ordres qu'on lui avait donnés, ni les signaux ! Je crains que ce genre de situations ne se multiplient. Je pense donc que cet intitulé ne peut être considéré comme satisfaisant.

M. Daniel Paul - Il y a quelque part, me semble-t-il, abus de langage. Dans le titre actuel « création du registre international français », il y a une référence au pavillon national. Mais si l'on ajoute « développement de l'emploi maritime », de quel emploi maritime parle-t-on ? Que je sache, nous sommes ici pour développer l'emploi maritime français - ce qui n'interdit pas de le développer aussi au niveau de l'Europe et des autres pays ; mais il devrait y avoir une référence à l'emploi maritime national. Or il n'y en a pas. Quand à mentionner la « sécurité maritime », je rejoins M. Gaubert. On sait qu'une des raisons de l'insécurité maritime est l'hétérogénéité des équipages. Ils sont censés utiliser l'anglais, mais celui-ci est une langue très adaptable et ce n'est pas toujours le même anglais que parlent les ressortissants de différents pays. Relisez les minutes des commissions d'enquête sur l'Erika : vous verrez que c'est là une des sources de l'insécurité maritime. Pour ces raisons, mentionner ici la sécurité maritime et le développement de l'emploi maritime sans autres précisions me paraît un abus de langage. Mieux vaudrait s'en tenir à « création du registre international français ». Au moins les choses seraient claires.

L'amendement 36 rectifié, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE PREMIER

M. Jean Gaubert - Par l'amendement 72 nous proposons la suppression de cet article. Il instaure, nous l'avons dit, un statut qui ne nous convient pas, au motif que le TAAF n'était pas satisfaisant. Nous ne tirons en effet aucune fierté de n'avoir pas mis à profit les périodes où nous étions majoritaires pour le réformer ou l'abandonner. Mais au moins le TAAF n'était-il pas considéré comme un pavillon français de stricte obédience. Ici il s'agit d'un pavillon qui va vraiment être le nôtre, un « pavillon bis », a dit le ministre. Par conséquent nous introduisons dans notre droit la possibilité d'avoir sur des bateaux français, c'est-à-dire sur le territoire français, des salariés de différents statuts, dont les uns seront moins payés que les autres. Je ne sais trop comment cela pourra fonctionner ; il faut s'attendre à des conflits qui seront peu propices au bon ordonnancement des bateaux.

M. Alain Gouriou - L'amendement 158 tend également à supprimer cet article. Celui-ci, dans le texte que propose la commission, entend s'inscrire « dans le cadre de l'harmonisation des politiques communautaires ». Je veux ici rappeler un événement survenu au Parlement européen au dernier trimestre 2004 : une proposition renforçant les sanctions contre les navires qui polluent les côtes d'Europe par des dégazages s'est heurtée à l'opposition de trois pays. Savez-vous lesquels ? La Grèce, Chypre et Malte. Or, dans l'actuelle Commission Barroso, savez-vous de quelle nationalité est le commissaire chargé des problèmes de la mer ?

M. le Secrétaire d'Etat - Il est français : c'est Jacques Barrot.

M. Alain Gouriou - Non, il est maltais. C'est dire que la référence de l'article premier à l'harmonisation des politiques européennes ne peut qu'inquiéter. D'autant qu'on sait quelles sont les pratiques de certaines compagnies européennes en matière d'emploi ; sur un certain nombre de navires il n'y a presque plus que des marins venus du tiers monde.

Mme Marylise Lebranchu - L'amendement 159 de suppression est défendu.

M. Maxime Bono - L'amendement 160 a le même objet.

Mme Marie-Renée Oget - Le 161 aussi.

M. François Liberti - Notre amendement 273 tend également à supprimer cet article. Sous couvert de rendre plus compétitive l'immatriculation sous pavillon français, votre réforme ne fait que dérouler le tapis rouge devant les armateurs. Votre texte est porteur de concessions inacceptables, notamment l'introduction dans le droit français de la possibilité de recourir à des entreprises de travail maritime, et en les exonérant totalement du code du travail. Nous défendons une autre logique de l'harmonisation européenne. Les pays d'Europe seraient bien inspirés de réfléchir à une harmonisation par le haut des salaires, de protections et des compétences, pour accroître le niveau de solidarité et de fiabilité des équipages. Notre amendement s'oppose donc à la création d'un registre dégradé.

M. le Rapporteur - Il s'agit d'amendements de principe contre le RIF, qui n'appellent donc pas de commentaire particulier. La commission ne peut qu'en proposer le rejet, et souhaiter qu'on passe à la discussion des autres articles.

M. le Secrétaire d'Etat - Tout d'abord je crois que nous devrions nous mettre d'accord sur un fait : les amendements adoptés par la commission mettent fin à l'existence d'entreprises de travail maritime en France, existence qui avait en effet été envisagée par le Sénat. Cessons donc de prétendre qu'il y aura de telles entreprises sur notre sol : sitôt adoptés - ce dont je ne doute pas - les amendements de la commission, ce sujet sera clos.

Vous évoquez, Monsieur Gaubert, le TAAF, le registre des Kerguelen. Or il permettait déjà la coexistence de deux statuts pour les marins à bord, et à cet égard le RIF n'apporte rien de nouveau ! Sa seule innovation est qu'il y aura désormais une réelle protection sociale pour les marins non européens. Vous pouvez bien exprimer des remords tardifs quant à votre inaction au sujet du registre Kerguelen ; reste que tous les gouvernements que vous avez soutenus l'ont fort bien accepté...

Quant à la sécurité, nous espérons, je l'ai dit, que le RIF permettra quelques dizaines de nouvelles immatriculations en France. Songez en regard aux centaines de milliers de navires qui croisent au large de nos côtes ! C'est dire que l'incontestable amélioration de la sécurité maritime sur les navires battant pavillon français laisse entier le problème pour les navires ayant d'autres pavillons. On ne peut que souhaiter le développement des pavillons européens. Cela dit, vous avez évoqué les équipages non européens avec un brin de condescendance. Or je sais, pour les avoir rencontrés, qu'on y trouve des gens parfaitement responsables et qualifiés. Il y a certes des contre-exemples, mais ils ne sauraient justifier que vous émettiez des opinions trop générales (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. François Liberti - Nous ne nous en prenons pas aux équipages, mais à ceux qui les font travailler dans de telles conditions !

M. le Secrétaire d'Etat - Pour ce qui est des dispositifs européens, Monsieur Gouriou, vous évoquez l'opposition de la Grèce, de Malte et de Chypre à un projet de directive. Mais vous ne racontez pas la fin de l'histoire : la France a obtenu que ces trois pays renoncent à leur opposition. La directive a été adoptée en février par le Parlement. Elle prévoit que sous cinq ans tous les pays membres - y compris les nouveaux entrants comme Chypre et Malte - devront instaurer un dispositif de sanctions pénales, avec des minima fixés par la directive, ce qui constituera une vraie dissuasion contre les pollutions résultant de négligences graves.

C'est ainsi que se construit l'Europe, notamment grâce à l'action de notre pays. Les règles applicables à la flotte européenne sont de plus en plus contraignantes : nous avons désormais l'obligation de contrôler au titre de l'Etat du port 25 % des navires, et le prochain paquet Erika portera sur le renforcement du contrôle de l'Etat du pavillon pour l'ensemble de la flotte européenne, qui est devenue la première flotte de commerce mondiale. Voilà de vrais sujets de sécurité maritime : ne cherchez pas de mauvais prétextes pour refuser le RIF !

Mme Marylise Lebranchu - Vous ne pouvez pas vous contenter de vous féliciter qu'il ne puisse plus y avoir de sociétés de manning sur le territoire français : heureusement ! La majorité elle-même s'est battue contre le tâcheronnage, qui constituait à ses yeux, comme aux nôtres, une location de main-d'œuvre. Je ne m'explique pas comment le Sénat a pu oublier cet aspect de la question : nombreux sont pourtant les sénateurs - y compris l'actuel Premier ministre - à s'être battus contre les sociétés de tâcheronnage et de location de main-d'œuvre.

Ces sociétés n'existent pas sur le territoire français, soit. Mais le texte ouvre la possibilité aux armateurs français battant pavillon français d'utiliser les sociétés de main-d'œuvre d'autres pays. Ce n'est pas faire montre de condescendance, Monsieur le ministre, que de reconnaître qu'il y a des pays où le droit du travail et la protection sociale sont bien moins favorables que chez nous, des pays où la formation des marins n'est pas à la hauteur de ce que l'on est en droit d'attendre, des pays, enfin, où les conditions de travail des marins les fragilisent considérablement sur le plan physique et moral.

Au lieu de vous féliciter que nous ayons refusé de créer des sociétés de manning en France, convenez donc que ce texte autorise les armateurs à recourir à des sociétés. C'est cette reconnaissance officielle qui nous choque.

Je regrette que nous n'ayons pas saisi cette occasion pour réformer le pavillon Kerguelen. Le RIF, dites-vous, offre une meilleure protection. Dès lors, pourquoi ne pas se contenter de réformer le pavillon Kerguelen ?

Je ne vois pas ce que l'on gagne à immatriculer quelques dizaines de navires supplémentaires en France au prix de telles conditions sociales. Il aurait mieux valu entamer une négociation sur le pavillon européen.

M. Alain Gouriou - Il n'est guère honnête de mettre en cause notre prétendue condescendance. Le commandant de l'Erika était de nationalité indienne : la commission d'enquête n'a relevé aucune faute professionnelle de sa part.

Les amendements 72, 158, 159, 160, 161 et 273, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 37 rectifié tend à rédiger ainsi l'article premier : « Le registre d'immatriculation dénommé « registre international français » a pour objet, dans le cadre de l'harmonisation des politiques communautaires, de développer l'emploi maritime et de renforcer la sécurité et la sûreté maritimes par la promotion du pavillon français. ».

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

M. Jean Gaubert - Je reviens un instant sur les sociétés de manning. Accepter que des armateurs français puissent y recourir, c'est inévitablement les encourager à limiter le recours à du personnel français, d'autant que la majorité des employeurs rechignent à gérer le personnel. A qualification égale, c'est donc le personnel originaire de l'extérieur de l'Union européenne qui sera privilégié.

L'amendement 37 rectifié, mis aux voix, est adopté et l'article premier est ainsi rédigé.

ART. 2

M. le Président - Je suis saisi de six amendements de suppression de l'article, les amendements 73, 163 à 166 et 274.

M. Jean Gaubert - Il y a au moins un problème de rédaction dans cet article, que l'amendement 73 tend à supprimer. On exclut en effet les navires transporteurs de passagers qui évoluent dans les eaux communautaires, mais aussi les caboteurs qui évoluent dans les eaux françaises.

M. Maxime Bono - L'amendement 165 vise également à supprimer cet article. L'article 2 exclut en effet du bénéfice de ses dispositions les navires transporteurs de passagers desservant les lignes régulières intracommunautaires. Les navires transporteurs de passagers sur des lignes extracommunautaires sont donc concernés par le RIF.

La distinction entre personnel navigant et personnel non-navigant, que l'on retrouve un peu plus loin, risque d'encourager le dumping fiscal dans l'exploitation de ces navires transporteurs de passagers desservant des lignes régulières extracommunautaires.

M. François Liberti - L'amendement 274 vise également à supprimer cet article.

Je souhaite revenir un instant sur les faibles éléments concédés lors des réunions tripartites de conciliation. L'architecture initiale du texte n'a pas été bouleversée. L'intersyndicale n'a pas demandé ce texte : elle n'a accepté de participer aux réunions que pour limiter les dégâts.

Les marins français refusent massivement le projet de RIF, comme en témoignent les grèves. Ce matin encore, des marins ont bloqué le tunnel sous la Manche, le port de Calais et les liaisons avec la Corse. Vous auriez pu mettre à profit le report du texte pour revoir votre copie et vous mettre enfin à leur écoute.

M. le Rapporteur - Avis défavorable sur les six amendements. Pour répondre à la question de M. Gaubert, je rappelle que les navires transporteurs de passagers sur les lignes intracommunautaires ne souhaitaient pas être immatriculés au RIF, qui inclut en revanche le cabotage international.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. S'agissant du cabotage national, c'est la réalité de la concurrence extracommunautaire qui nous a guidés. Le cabotage intracommunautaire n'est pas borné comme peut l'être le transport de passagers, d'où cette apparente différence de traitement.

Vous avez accepté, s'agissant du registre Kerguelen, le recours à des entreprises de travail maritime. Les pavillons bis européens ouvrent d'ailleurs tous cette possibilité à leurs armateurs.

Les amendements 73, 163, 164, 165, 166 et 274, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 38, 2e rectification, vise à revoir la définition de l'objet de la loi.

Les navires armés à la plaisance sont ici des navires professionnels, ce qui n'était pas le cas dans le texte initial.

L'amendement 38, 2e rectification, approuvé par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l'article 2 est ainsi rédigé.

Les amendements 146, 99 et 223 à 226 tombent.

APRÈS L'ART. 2

M. le Rapporteur - L'amendement 39 porte sur l'organisation du texte : il vise à définir le champ des personnes soumises au texte dès le titre I, et non à l'article 10, afin de n'inclure dans le champ du titre II que les navigants hors de France.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

M. Jean Gaubert - L'article est moins anodin que ne le laisse croire le rapporteur. En effet, définir les navigants, c'est exclure les non-navigants qui se trouvent sur le bateau, les personnels de service par exemple, qu'on trouve aussi sur les navires voués en priorité au fret mais qui transportent des voyageurs en complément et qui, d'ailleurs, sont souvent des femmes. Tout au long du texte, on multiplie les catégories : Français et Européens, salariés des armateurs et salariés des sociétés de manning, personnel de bord navigant et nonnavigant, dont le statut n'est d'ailleurs défini nulle part.

L'amendement 39, mis aux voix, est adopté.

Plusieurs députés socialistes - Nous n'avons pas eu de réponse !

M. Jean Gaubert - J'attendais que le rapporteur ou le ministre réponde à cette vraie question sur le personnel de bord. Puisqu'ils ne l'ont pas fait, je demande une suspension de séance pour leur laisser le temps de la préparer.

M. le Président - Elle est de droit.

La séance, suspendue à 0 heure 15 le mercredi 23 mars est reprise à 0 heure 20.

M. le Secrétaire d'Etat - Si ni le rapporteur ni moi-même n'avons répondu, c'est que la question ne nous est pas apparue évidente. En effet, l'amendement se borne à répéter la définition classique du navigant dans un décret de 1967 ; il ne change rien au droit existant. D'autres personnels qui peuvent servir à bord de navire ne sont pas navigants. Les plus nombreux travaillent sur des navires exploitant des liaisons intra-communautaires, qui ne sont pas concernés par le RIF.

Mme Marylise Lebranchu - Se posera néanmoins une vraie question à propos de la référence à la fiche d'effectif ou au personnel embarqué. Je comprends bien qu'il y a une définition classique du navigant, mais on trouve aussi à bord des techniciens de formation autre que maritime, par exemple pour la maintenance du matériel informatique, ou des liaisons satellites ou même la recherche scientifique. Pour savoir sur quelle base calculer le pourcentage obligatoire de main-d'œuvre communautaire, il faudra donc procéder à des contrôles très serrés de l'activité de chacun. D'autre part, alors qu'on voudrait éviter le « tacheronnage », on mentionne l'embauche de travailleurs indépendants. Il aurait mieux valu améliorer la définition du navigant que de reprendre dans la loi une définition qui ne convient pas.

M. Daniel Paul - Si cette définition ne fait que confirmer ce qui existe, pourquoi la reprendre ici ? Je lis avec peut-être une méfiance excessive : les travailleurs indépendants et les salariés sans lien direct avec la marche, la conduite, l'entretien ou l'exploitation du navire « bénéficient toutefois des dispositions relatives au rapatriement... » - ils ont donc été recrutés hors de l'Union européenne - « ...et au bien être en mer et dans les ports », c'est-à-dire aussi dans les bureaux des compagnies. Il y a là des possibilités d'extension du rôle de ces travailleurs qui me paraissent un peu troublantes. J'aimerais ou qu'on retire cet amendement dans la mesure où il est redondant ou qu'on m'explique mieux ce que signifie cette deuxième phrase.

M. le Président - Simplement, l'amendement a été voté.

M. le Rapporteur - Il n'y a là aucune intention cachée. Il s'agit simplement de mieux organiser le texte. Cet amendement vise à définir le champ des personnes soumises à la présente proposition dès le titre I, et non à l'article 10 comme c'est actuellement le cas. Le titre II sera ainsi consacré uniquement aux navigants résidant hors de France.

M. Maxime Bono - Je voudrais répondre.

M. le Président - Nous avons déjà discuté largement après le vote.

ART. 3

M. Jean Gaubert - Monsieur le président, nous ne cherchons pas à faire durer les débats et nous déplorons que vous ayez refusé de donner la parole à M. Bono alors que se posent des questions essentielles. Notre amendement 74 vise à supprimer cet article, car les bonnes intentions qu'il affiche n'ont aucun caractère normatif. A quoi sert d'affirmer que la formation des navigants sera strictement contrôlé s'il n'y a à bord que deux ressortissants français ? De quelle façon veillera-t-on à la bonne formation - initiale et continue - des salariés mis à disposition par les sociétés de manning ? Mieux vaut supprimer un article qui révèle à ce point les contradictions de votre démarche !

M. Alain Gouriou - L'amendement 168 vise également à supprimer l'article.

Mme Marylise Lebranchu - Il en va de même de notre amendement 169. Que sont devenus nos amendements 99, puis 223 à 226 à l'article 2 ?

M. le Président - La réécriture de l'article 2 à laquelle procède l'amendement 38, 2e rectification, les a fait tomber.

Mme Marylise Lebranchu - Merci de cette précision. Comme vient de le dire M. Gaubert, les intentions affichées à l'article 3 ne sont pas contestables ; ce qui l'est, c'est la capacité de vérifier la qualité de la formation - notamment à la protection de l'environnement - d'équipages majoritairement recrutés par des sociétés de louage de main-d'œuvre !

M. Maxime Bono - Les amendements de suppression 170 et 171 sont défendus.

M. Daniel Paul - Je défendrai ensemble nos amendements 276 et 275. L'amendement 275 vise à supprimer cet article, qui témoigne de l'insuffisance des éléments de définition du RIF. L'absence de référence explicite au code du travail maritime ne laisse de nous inquiéter dans la mesure où elle vous permet de faire l'impasse sur le droit syndical et conventionnel. Votre intention est manifestement de rendre caduc l'ensemble du droit du travail maritime, et nous ne pouvons évidemment pas l'accepter, surtout s'il s'agit de le remplacer par des normes sociales fixées a minima. Quant à l'artifice qui consiste à renvoyer à des accords collectifs, nous y sommes tout aussi résolument opposés, compte tenu de la pression que les employeurs font peser sur les salariés.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé les amendements de suppression de nos collègues. Son amendement 40 vise par contre à préciser que les navires immatriculés au RIF sont également soumis aux normes applicables dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. Puissent ces garanties supplémentaires vous convaincre définitivement, chers collègues de l'opposition, que notre intention n'est pas de faire du RIF un nouveau pavillon de complaisance !

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable aux amendements de suppression. L'article 3 présente en effet un réel intérêt, puisqu'il tend à rendre applicables au pavillon RIF les normes françaises de droit commun, sensiblement plus contraignantes que la plupart des règles européennes et mondiales, en particulier en matière de protection de l'environnement et de formation. La portée normative de ces dispositions ne fait aucun doute. Songez par exemple que les sanctions encourues en cas de pollution volontaire seront plus dures que sous n'importe quel autre pavillon.

Les amendements 74, 168, 169, 170, 171 et 276, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 117 est retiré.

M. Jean Gaubert - Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 0 heure 40, est reprise à 0 heure 50.

Mme Marylise Lebranchu - Nous avions à l'article 2 un amendement important qui tendait à exclure de la possibilité d'immatriculation au RIF les navires appartenant à une entreprise publique ou à une entreprise dont l'Etat est l'actionnaire principal, mais il est tombé à la suite de l'adoption d'un amendement du rapporteur réécrivant cet article. Je n'ai donc pas pu le défendre. Accepteriez-vous, Monsieur le rapporteur, de lever la forclusion afin que nous puissions en débattre maintenant ?

M. le Rapporteur - Si le rapporteur a ce droit, débattons !

Plusieurs députés socialistes - Merci.

M. Alain Marty - On revient en arrière, alors ?

M. le Président - Puis-je considérer cet amendement comme défendu ?

Mme Marylise Lebranchu - Oui.

M. le Rapporteur - Avis défavorable...

M. François Liberti - Vous n'aurez pas poussé la mansuétude très loin ! (Sourires)

M. le Rapporteur - Cet amendement, qui vise des navires comme France Télécom Navire ou Gaz Océan, risquerait d'inciter les compagnies concernées à immatriculer leurs navires à l'étranger (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Gouriou - Il ne manquerait plus que cela !

M. le Rapporteur - Il faut au contraire les inciter à rester sous pavillon français, en bénéficiant éventuellement du RIF.

M. le Président - Sur le vote de l'amendement que vient de défendre Mme Lebranchu, le 294, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. le Secrétaire d'Etat - J'ai le même avis défavorable que le rapporteur, car il ne me paraît pas juridiquement possible de faire une différence selon que l'Etat est ou non actionnaire principal d'une entreprise.

M. Alain Gouriou - Il y a en plus des navires cités par le rapporteur d'autres qui dépendent directement de ministères - je pense par exemple à celui de l'IFREMER ou de la Météo - et qui relèvent pour l'heure du code maritime général. Cet amendement nous semble donc important.

M. Daniel Paul - On nous serine depuis des mois que, parole de ministre, Gaz de France reste une entreprise publique même si son capital s'ouvre, et voici que l'on nous apprend ce soir qu'il pourra avoir un navire immatriculé sous un autre registre que le registre national et que si l'on insistait trop, il pourrait même dépavillonner ! Croyez bien, Monsieur le secrétaire d'Etat, que nous demanderons des explications demain, lorsque nous examinerons en deuxième lecture le projet de loi d'orientation sur l'énergie !

A la majorité de 32 voix contre 14 sur 46 votants et 46 suffrages exprimés, l'amendement 294 n'est pas adopté.

L'amendement 40, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 275, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance, ce matin, mercredi 23 mars, à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 23 MARS 2005

NEUF HEURES TRENTE : 1RE SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion de la proposition de résolution (n° 2121) de M. Daniel PAUL et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'ouverture à la concurrence des services publics dans les secteurs de l'énergie, des postes et télécommunications et des transports ferroviaires.

Rapport (n° 2151) de M. Daniel PAUL, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

QUINZE HEURES : 2E SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat (n° 1287), relative à la création du registre international français.

Rapport (n° 2039) de M. Jean-Yves BESSELAT, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Avis (n° 2035) de M. René COUANAU, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

3. Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 1669) d'orientation sur l'énergie.

Rapport (n° 2160) de M. Serge POIGNANT, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.


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