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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 76ème jour de séance, 187ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 24 MARS 2005

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

      ORIENTATION SUR L'ÉNERGIE (deuxième lecture) 2

      EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 9

      QUESTION PRÉALABLE 12

La séance est ouverte à neuf heures trente.

ORIENTATION SUR L'ÉNERGIE (deuxième lecture)

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi d'orientation sur l'énergie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Si, comme je m'y étais engagé, le Gouvernement n'a pas fait application de l'article 45 de la Constitution ...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Nous vous en remercions, Monsieur le ministre !

M. le Ministre délégué - ...c'est que l'énergie est l'un des enjeux majeurs qui engagent notre pays et notre planète pour plusieurs générations. Les Etats ont la responsabilité de dégager une vision de long terme, collective, des besoins et des réponses à y apporter.

Avec les grands barrages, puis le passage de l'ère du charbon à celle du pétrole et désormais du nucléaire, l'énergie a modelé notre paysage industriel, nos modes de vie, nos territoires. Les choix énergétiques doivent d'abord se faire au niveau national, et ils supposent une convergence de vues de nos concitoyens : qu'il s'agisse du nucléaire, de l'éolien, de l'hydraulique, du développement des lignes électriques ou des interconnexions, nous devons concilier développement économique et préservation de l'environnement pour que chacun adhère à cette forme de contrat social qu'est la politique énergétique. C'est tout l'objet de ce texte, et la passion des débats comme l'implication de votre assemblée dans son élaboration témoignent de l'importance de ces questions.

Les enjeux ne sont plus seulement nationaux, mais aussi européens et mondiaux. Grâce au nucléaire, à la prospection pétrolière et à la stabilité politique du monde, les pays développés ont connu une longue période de relative abondance énergétique. Par ses choix déterminés, notre pays a su préserver son indépendance énergétique et l'accès de tous à une énergie bon marché et de qualité.

La perspective d'épuisement à terme des ressources pétrolières n'est désormais plus le seul facteur à prendre en considération : les risques politiques, la croissance de la Chine et de l'Inde, qui représentent déjà 23 % du PIB mondial, les effets des gaz à effet de serre et les aléas climatiques, imposent une nouvelle donne énergétique. Une vaste concertation sur la politique énergétique de la France a ainsi été engagée, avec l'organisation d'un débat national, le Livre blanc sur l'énergie et une première lecture de ce projet de loi d'orientation au premier semestre 2004.

Ce texte intègre des préoccupations de maîtrise des consommations, mais aussi le développement d'une offre diversifiée s'appuyant en priorité sur les filières de production d'énergie sans émission de gaz à effet de serre : énergie nucléaire, avec le lancement effectif de l'EPR...

M. le Président de la commission - Très bien !

M. Yves Cochet - Hélas !

M. le Ministre délégué - ...réacteur nucléaire de troisième génération, trop longtemps différé, mais aussi énergies renouvelables - hydraulique, éolien, biomasse, biogaz, bois-énergie, géothermie, solaire thermique.

Construit autour des objectifs majeurs de la politique énergétique, ce projet fixe des objectifs ambitieux : réduction de 2 % par an d'ici à 2015 de l'intensité énergétique finale - rapport entre la consommation d'énergie et la croissance économique - ; réduction de 3 % par an des émissions de gaz à effet de serre pour les diviser par quatre d'ici à 2050 ; augmentation de 50 % de la production intérieure d'électricité d'origine renouvelable pour atteindre 21 % de la consommation en 2010, contre 14 % aujourd'hui ; développement des énergies thermiques pour accroître de 50 % d'ici à 2010 la production de chaleur d'origine renouvelable ; incorporation de biocarburants et autres carburants renouvelables à hauteur de 2 % d'ici au 31 décembre 2005 et de 5,75 % d'ici au 31 décembre 2010.

Permettez-moi de rappeler les grands axes stratégiques qui sous-tendent ce projet. L'indépendance énergétique est plus que jamais nécessaire pour se prémunir contre les aléas des cours des énergies fossiles. Les tensions sur les marchés pétroliers - le brent a pour la première fois dépassé le niveau record de 56 dollars le baril il y a quelques jours - font en effet peser un risque sur la reprise économique mondiale et sur l'économie française.

Ces tensions sont essentiellement dues aux risques géopolitiques dans les pays producteurs - Irak, Nigeria, Venezuela - dans une période de croissance exceptionnelle de la demande mondiale - 3,3 % en 2004. Les efforts de l'OPEP pour augmenter ses quotas de production ne suffisent plus à garantir l'équilibre entre l'offre et la demande et les fonds spéculatifs parient sur la hausse des prix. Bref, le niveau élevé des prix du pétrole est une tendance lourde.

Il faut donc développer les énergies de substitution au pétrole et infléchir la demande, tout en maîtrisant la croissance de la consommation. Le texte propose ainsi la construction de l'EPR, le développement des énergies renouvelables et des biocarburants - dont le Gouvernement a annoncé le triplement des volumes d'ici à la fin 2007 -, la mise en place de certificats d'économie d'énergie qui pèseront sur les fournisseurs d'énergie, et des actions de maîtrise de l'énergie dans les bâtiments.

La sécurité d'approvisionnement doit être garantie, y compris en situation de crise. La récente vague de froid qui a touché la France a montré toute l'importance de cet aspect de la politique énergétique. En matière de production électrique, parallèlement au bilan prévisionnel dressé tous les deux ans par le gestionnaire du réseau de transport, le Gouvernement conduit une programmation pluriannuelle des investissements - PPI -, prévue par la loi du 10 février 2000, qui permet d'identifier les besoins de production à court et moyen terme, tant pour l'énergie nucléaire que pour les énergies renouvelables. Une nouvelle PPI à l'horizon 2015 est en cours d'élaboration et permettra de prendre en compte le cas de la Corse, dont la sécurité d'approvisionnement doit être renforcée dans les meilleurs délais.

Le texte adopté en première lecture comporte de nouvelles dispositions en matière de sécurité d'approvisionnement : au niveau national, un principe d'alerte donnée par le gestionnaire du réseau public de transport, RTE, en cas de déséquilibre prévisionnel ; au niveau individuel, la mise en place de fournisseurs de secours et de dernier recours.

Le respect des engagement pris à Kyoto et la convergence de la politique de l'énergie avec les préoccupations de développement durable doivent être assurés. La France entend pleinement contribuer à la lutte contre les rejets de CO2 et à la promotion des énergies renouvelables. Le Président de la République a récemment indiqué que notre pays se fixait comme objectif une division par quatre de ses émissions de CO2 d'ici à 2050.

Cette réduction suppose des évolutions importantes dans nos modes de production, et c'est ce que propose le présent texte en fondant une politique énergétique axée sur la maîtrise de la demande. L'objectif ambitieux de réduire de 2 % par an d'ici à 2015 l'intensité énergétique finale sera atteint grâce à des mesures réglementaires et incitatives, ainsi que grâce à des dispositifs économiques tels que les certificats d'économie d'énergie.

S'agissant des énergies renouvelables, l'éolien et la biomasse font partie des filières à privilégier pour atteindre les objectifs que la France s'est fixée, soit une consommation d'électricité renouvelable à hauteur de 21 % de la consommation intérieure d'électricité en 2010. Des ruptures technologiques seront également nécessaires, et c'est pourquoi le Gouvernement a mis en place, dès 2003, un groupe de travail national sur les ruptures technologiques dans le domaine de l'énergie, associant industriels et organismes de recherche.

Enfin, il convient de maintenir l'option nucléaire ouverte, comme en atteste la décision de lancer la construction d'un prototype EPR : le nucléaire est en effet un moyen efficace de lutter contre les émissions de gaz à effets de serre...

M. Yves Cochet - Hélas non !

M. le Ministre délégué - ...puisque l'année dernière, le recours au nucléaire nous a permis de nous dispenser de produire 36 millions de tonnes de carbone, soit un tiers de notre production annuelle.

Et je n'oublie pas l'hydroélectricité, qui représente 12 % de notre production nationale et constitue l'un de nos points forts. Là aussi, notre potentiel est le fruit d'investissements lourds, de la maîtrise technologique acquise depuis plusieurs décennies et d'une volonté politique affirmée. Cette énergie est l'une des seules qui permette le stockage de la ressource. Couplée aux moyens de production en base que nous donne notre parc électronucléaire, elle constitue un outil précieux de gestion de notre potentiel de production, notamment parce qu'elle permet de faire face aux pointes et de gérer les aléas climatiques. Alors que vous allez prochainement débattre de la loi sur l'eau, nous avons décidé avec Thierry Breton de renforcer la mobilisation des compétences du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie dans le domaine de l'eau et d'approfondir avec l'ensemble des acteurs la connaissance de notre potentiel de développement de l'hydraulique pour définir les voies d'une meilleure gestion de ce potentiel.

Enfin, même si ce n'est pas l'objet strict de ce projet de loi, cette politique nationale doit aussi se construire dans le cadre européen et mondial. L'ouverture des marchés, l'évolution du statut des opérateurs électriques et gaziers ou le développement des interconnexions sont autant d'éléments qui doivent nous aider à assurer, au niveau européen, la sécurité de nos approvisionnements ou la gestion des pics de demande, comme l'a montré le récent épisode climatique où la France a ainsi pu importer l'électricité nécessaire à ses besoins. Il faut aussi favoriser les investissements à l'échelle européenne, dans l'intérêt des consommateurs comme des entreprises.

La nécessité de maîtriser des technologies de plus en plus complexes commande que les acteurs industriels de l'énergie puissent investir dans la recherche. Les choix technologiques dans le domaine de l'énergie doivent être partagés, et tel est l'objet du projet ITER ou des réacteurs nucléaires de quatrième génération ...

M. Yves Cochet - Allons donc ! C'est l'EPR ou la quatrième génération : on ne fera pas les deux !

M. le Ministre délégué - Je regrette que notre programme nucléaire mène M. Cochet au bord de l'apoplexie !

M. Yves Cochet - Pas du tout, j'écoute attentivement vos propos et j'en mesure les conséquences !

M. le Ministre délégué - La nouvelle donne énergétique à laquelle nous sommes associés doit nous permettre de retrouver la dynamique des années 1970 qui a permis de conduire les programmes électronucléaires, et nous amener à de nouveaux modes de gestion de l'énergie, à de nouveaux modes de consommation et à de nouveaux processus de production et de gestion de nos ressources minérales - charbon, gaz -, végétales - biomasse - ou hydrauliques, dans le souci de prendre en compte tout à la fois les aspects économiques et le développement durable.

Je souhaite donc que le débat en seconde lecture - qui promet d'être animé - puisse s'engager sur ces bases, en sachant que le projet initial du Gouvernement a été largement enrichi en première lecture par de nombreux amendements. Plusieurs amendements particulièrement pertinents ont du reste été déposés pour la seconde lecture, et je ne doute pas qu'ils permettront de renforcer les différents axes de notre politique énergétique, afin de garantir au pays un accès durable et facile à l'énergie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Serge Poignant, rapporteur de la commission des affaires économiques - Comme vient de le rappeler le ministre, les cours du pétrole dépassent chaque jour des records historiques. Jamais la nécessité d'une politique énergétique volontariste limitant notre dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles importés n'a donc été aussi évidente. De même, jamais la pertinence du choix politique du développement de l'énergie nucléaire, arrêté par M. Messmer et maintenu par tous les gouvernements suivants...

M. Yves Cochet - Hélas !

M. le Rapporteur - ...n'a été aussi claire. Jamais, enfin, l'intérêt d'une loi d'orientation sur l'énergie n'a été aussi manifeste. Ce texte nous donne en effet, pour la première fois, la possibilité de fixer les objectifs de notre politique énergétique. Il ouvre ainsi la voie à sa modernisation en tenant compte des nouveaux enjeux.

Conformément aux engagements pris à la demande du président Ollier, le Gouvernement n'a pas décidé de convoquer une commission mixte paritaire, alors que l'urgence déclarée sur le texte lui en donnait la faculté. Cette décision, qui permet de laisser la navette se poursuivre, mérite d'être saluée car si une loi d'orientation est nécessaire, ce texte, qui a vocation à fixer, pour une longue période, les objectifs de notre politique énergétique, méritait que sa promulgation soit retardée de quelques mois pour permettre au Parlement d'en débattre de manière approfondie. Et cela est d'autant plus pertinent que la première lecture a donné lieu à un travail très constructif d'enrichissement du texte.

Notre assemblée a ainsi souhaité donner une pleine valeur normative aux objectifs figurant initialement dans une annexe, fixer des objectifs chiffrés de développement des biocarburants et souligner l'importance de la production de chaleur d'origine renouvelable. Elle a également assoupli certaines procédures relatives aux ouvrages hydroélectriques, ouvert le bénéfice des certificats d'énergie aux personnes substituant une source de production de chaleur renouvelable à une source non renouvelable, créé le plan Face-Sud pour promouvoir le solaire thermique et photovoltaïque et le plan Terre-Energie en faveur des biocarburants, défini plus précisément les énergies renouvelables, incité à l'évaluation des conséquences énergétiques des décisions des départements et des régions et prévu que les collectivités locales contribuent à la lutte contre l'effet de serre par la maîtrise et l'utilisation rationnelle de l'énergie. Nous nous sommes également attachés à instituer une programmation pluriannuelle des investissements de production de chaleur, à renforcer le crédit d'impôt pour l'acquisition d'équipements de production d'énergie d'origine renouvelable ou d'équipements contribuant à l'efficacité énergétique ou à l'isolation des bâtiments, à créer un Conseil supérieur de l'énergie, à moderniser le droit électrique et gazier, à prôner une stratégie pluriannuelle de la recherche énergétique, et, enfin, à susciter un « jaune budgétaire » consacré à la politique énergétique. On le voit, un travail considérable a été accompli sur tous nos bancs et des amendements de tous les groupes ont été adoptés.

Puis, le Sénat a sensiblement modifié le texte et notre commission porte un jugement contrasté sur les évolutions apportées par nos collègues.

S'agissant du titre premier A, la commission des affaires économiques regrette que les sénateurs aient remis en cause la décision, pourtant largement consensuelle, de faire figurer l'annexe dans le corps du texte en vue de donner une valeur normative aux objectifs de la politique énergétique.

Ce désaccord formel ne doit toutefois masquer ni la large convergence de vues entre nos deux assemblées quant au fond, ni l'intérêt des compléments apportés par le Sénat sur un certain nombre de points, par exemple pour souligner la nécessité d'une coopération renforcée avec les pays en voie de développement.

En ce qui concerne le titre premier consacré à la maîtrise de la demande d'énergie, le Sénat a modifié le texte adopté par notre assemblée tant pour ce qui concerne les certificats d'économies d'énergie que la maîtrise de l'énergie dans les bâtiments. Il a surtout profondément amélioré les dispositions relatives au rôle des collectivités locales.

Dans le titre II relatif aux énergies renouvelables, la principale modification consiste en la création de l'article 8 bis A, lequel dispose que les documents d'urbanisme pourront recommander l'usage de sources d'énergies renouvelables dans les constructions neuves. Nous avions eu un large débat à ce sujet, en considérant qu'une telle évolution pouvait entraîner un surcoût important pour le constructeur, et qu'une telle mesure bouleverserait la valeur des droits à construire dans les périmètres concernés, au risque d'introduire de fortes inégalités entre propriétaires. Cette obligation n'avait, en conséquence, pas été retenue et le dispositif incitatif proposé par le Sénat constitue à nos yeux un point d'équilibre satisfaisant.

Le Sénat a ajouté quatre articles nouveaux au titre III, relatif à l'équilibre et à la qualité des réseaux de transport et de distribution d'électricité. Trois d'entre eux - les articles 12 A, 12 B et 12 C - font évoluer le droit électrique de manière opportune et, sous réserve de quelques ajustements formels, la commission vous propose de les adopter. Elle souhaite en revanche supprimer l'article 12 D, car il rompt avec la logique de péréquation nationale des tarifs d'utilisation des réseaux.

Enfin, au titre IV, la principale modification apportée par le Sénat - que la commission propose d'adopter - concerne la création d'un code de l'énergie.

Notre position sur les modifications apportées par le Sénat conduit à vous présenter deux catégories d'amendements. La première répond à la nécessité de tenir compte des évolutions intervenues depuis les premières lectures du texte, en juin dernier, et, en particulier, de l'entrée en vigueur de plusieurs lois reprenant des dispositions figurant, à l'heure actuelle, dans le présent texte.

Ainsi, la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, en modifiant profondément le droit électrique et gazier, rend nécessaire des ajustements de coordination du présent texte. En outre, deux des articles du présent projet - l'article 6 bis relatif au diagnostic de performance énergétique et l'article 14 réformant le crédit d'impôt pour l'acquisition de certains équipements - sont devenus sans objet compte tenu de la reprise de leurs dispositions, respectivement par la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit et par la loi de finances pour 2005.

Après l'adoption de ces textes, un seul ajustement relatif aux dispositions qu'ils comprennent est apparu nécessaire à la commission. Il concerne le rétablissement du bénéfice du crédit d'impôt à toutes les résidences principales, sa limitation actuelle à la résidence principale du contribuable n'incitant évidemment pas à la réalisation des dépenses éligibles dans les logements loués.

Une seconde catégorie d'amendements correspond à des propositions nouvelles. Nombre d'entre elles traduisent des initiatives intéressantes mais techniquement perfectibles formulées en première lecture, sur lesquelles il avait été convenu de poursuivre le travail au cours de la navette. Au reste, je souhaite inscrire la deuxième lecture de ce texte dans la continuité de l' important travail accompli en première lecture en mai 2004.

Ainsi, un sujet très important sur lequel le travail n'avait pu être mené à son terme en première lecture concerne la promotion de l'énergie hydroélectrique. Chacun connaît son importance dans notre pays en termes de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et d'ajustement constant de l'offre d'électricité à la demande. Plusieurs dispositions relatives à l'hydroélectricité concernent le droit de la police de l'eau, que le projet de loi sur l'eau et la protection des milieux aquatiques propose de réformer. Néanmoins, des mesures spécifiquement énergétiques sont envisageables dans le cadre du présent projet et il ne serait pas compris que l'Assemblée nationale se désintéresse, dans ce cadre, de la principale source d'électricité d'origine renouvelable. Une série d'amendements à ce sujet portant des articles additionnels après l'article 10 bis vous sera donc soumise.

De même, le débat a été nourri en première lecture sur le développement de l'énergie éolienne. Dans les conditions actuelles, il se fait de façon anarchique, sans respecter suffisamment les paysages, ni permettre d'atteindre les objectifs nationaux de programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité.

Il faut bien faire des éoliennes, mais pas n'importe ou.

Plusieurs députés UMP - Très bien.

M. le Rapporteur - Un amendement après l'article 10 vous propose de réserver l'obligation d'achat en métropole aux projets de plus de 20MW dans des zones appropriées. De tels parcs comprendront huit ou dix éoliennes, puisque la puissance est de 2 à 2,5 MW par installation. Les projets déjà engagés continueront à bénéficier du régime actuel. La commission vous propose d'autres amendements, notamment pour associer l'office parlementaire d'évaluation des choix technologiques à l'évaluation de la stratégie nationale de recherche énergétique ; soumettre au taux réduit de TVA les abonnements et livraisons de chaleur provenant des énergies renouvelables et du bois ; autoriser l'installation de production d'énergie renouvelable sur le domaine public ; faire que les tarifs d'achat des énergies renouvelables tiennent compte de leur apport à la réalisation des objectifs de la politique énergétique. Nous proposons également de renforcer les compétences de la commission de régulation de l'énergie sur la formation des prix de l'électricité et du gaz naturel, de favoriser par une rémunération du capital suffisante la construction d'installations dans des zones non interconnectées au réseau métropolitain comme la Corse et d'inciter, par les tarifs, à modérer la consommation aux heures de pointe.

La commission vous propose donc de reprendre les modifications pertinentes apportées par le Sénat et d'enrichir encore le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président de la commission - Monsieur le ministre, je veux d'abord vous remercier. Tous, nous avions demandé qu'il n'y ait pas de CMP et que l'urgence ne soit mise en œuvre sur ce texte. C'est ce que vous avez fait, et la commission y est sensible.

En première lecture nous avons fait un travail important, auquel tous ont contribué, en particulier sous l'impulsion de M. Poignant et vous avez accepté les améliorations apportées par notre commission. Pour la première fois, le Parlement a donc inscrit dans la loi les objectifs de la politique énergétique, et c'est une avancée démocratique. L'objectif fondamental est de limiter la consommation d'énergie fossile, importée et contribuant à l'effet de serre.

M. Yves Cochet - Il faut s'en donner vraiment les moyens.

M. le Président de la commission - ...La défense des énergies renouvelables est l'objectif que la majorité s'est fixé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Qui pourrait le contester face à l'envolée des prix du pétrole et alors que le protocole de Kyoto vient d'entrer en vigueur ?

Pour y parvenir, il faut d'abord soutenir très fortement les énergies renouvelables pour la production directe de chaleur ou sous forme de biocarburants. La commission souhaite les faire sortir de leur ghetto. Qu'on cesse donc les faux procès contre de prétendus « méchants ».

M. Philippe Tourtelier - Nous faisons un constat.

M. le Président de la commission - En première lecture, la majorité a fixé comme objectif pour 2007 le triplement de production de biocarburants. D'autre part, le crédit d'impôt pour le solaire thermique passera de 25 % à 40 %. Ce sont des progrès significatifs. Rappelons aussi que, pour les énergies primaires, la France est à 6,8 % d'énergies renouvelables, contre 2,1 % pour l'Allemagne, 1,1 % au Royaume-Uni.

M. Yves Cochet - C'est une contre-vérité !

M. le Président de la commission - Nous sommes les bons élèves de l'Europe. Alors, Monsieur Cochet, pas de procès d'intention !

Chacun en conviendra, la meilleure énergie est celle qu'on ne consomme pas.

Plusieurs députés socialistes et M. Yves Cochet - Très bien !

M. le Président de la commission - Nous avons donc aussi pour priorité une relance vigoureuse de la politique d'économies d'énergie. M. Devedjian s'y est engagé, alors que la majorité précédente l'avait laissée en jachère !

M. Yves Cochet - Comment ? Regardez les budgets de l'ADEME !

M. le Président de la commission - Je me félicite aussi de la création des certificats d'énergie.

En troisième lieu, il faut produire de l'électricité sans gaz à effet de serre, et de façon indépendante des fluctuations de prix de l'énergie fossile. Il faut donc prévoir le remplacement de nos centrales nucléaires en lançant dès à présent la construction d'une tête de série de réacteur EPR et en promouvant les énergies renouvelables produisant de l'électricité, y compris l'éolien, même si nous n'avons pas la même approche, Monsieur Cochet.

M. Yves Cochet - C'es simple : vous êtes contre, nous sommes pour.

M. le Président de la commission - La principale de ces énergies est l'énergie hydraulique qui, en 2003, a assuré 87 % de la production d'énergie d'origine renouvelable. De ce point de vue également, la France est exemplaire, puisque nous ne produisons que 5 % d'énergie avec gaz à effet de serre. En Allemagne et en Espagne, c'est 50 % !

M. Yves Cochet - Mais ils ont moins de radioactivité !

M. le Président de la commission - Et si nous étions Danois, avec 90 % d'énergie produite avec gaz à effet de serre, nous aurions lieu de nous inquiéter. En France, grâce à la politique de toute les majorités depuis que le général de Gaulle a lancé le programme nucléaire, nous pouvons affronter avec sérénité le problème de l'énergie renouvelable. Lors de la prochaine lecture de la loi sur l`eau, je serai donc très attentif à la place de l'hydroélectricité, qui, avec le tourisme, peut encore se développer au profit de nos montagnes. Dans les Hautes-Alpes, sans Serre-Ponçon, la désertification aurait progressé.

En dehors de l'électricité, l'énergie renouvelable qui peut se développer fortement dans les prochaines années est l'énergie éolienne. Mais, Monsieur Cochet, dans ce domaine, la précédente majorité n`a rien fait.

M. le Ministre délégué - Rien !

M. Yves Cochet - C'est une plaisanterie !

M. le Président de la commission - En 2002, les éoliennes produisaient 140 mégawatts...

M. le Ministre délégué - Cent !

M. le Président de la commission - Pire encore ! Aujourd'hui nous en sommes à près de 400 mégawatts.

M. Yves Cochet - Grâce à nous !

M. le Président de la commission - Arrêtez de faire croire que nous sommes contre les éoliennes. Simplement, nous n'acceptons pas leur développement anarchique, sans respect pour les paysages. Il faut une solution réfléchie et équilibrée. Nous amendements la proposent et permettront d'éviter la confrontation quotidienne entre les associations qui défendent l'environnement et d'autres qui prônent les éoliennes. Mais on ne peut sacrifier le principe écologique de protection des paysages à un autre principe écologique, le développement des énergies renouvelables. Nous qui ne produisons que 5 % d'énergie avec gaz à effet de serre, nous pouvons bien essayer de protéger nos paysages. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Ce que nous proposons, c'est de substituer au plafond de 12 MW un plancher de 20MW

M. Yves Cochet - Et vous tuez l'éolien !

M. le Président de la commission - Quand pour produire 60 mégawatts on installe cinq parc d'éoliennes de 12 MW, on fait du « mitage ». On pourra faire un seul parc de 60 MW, dans une zone choisie par le préfet après consultation de la commission des sites et des communes voisines. Mais tous les projets déjà lancés pourront se poursuivre. L'ancienne majorité n'avait rien prévu pour protéger les paysages, ni permis de construire ni enquête publique pour les éoliennes ! Nous avons amélioré les choses en première lecture avec l'accord du ministre.

Il y a quinze jours, dans le Pas-de-Calais, 31 permis de construire ont été annulés ! on ne peut pas se satisfaire d'une telle situation. (Exclamations ) Faisons en sorte que la raison l'emporte sur la passion !

Avant de conclure, je voudrais évoquer le financement de la compensation des charges de service public de l'électricité. Un mécanisme assez pervers fait que plus l'électricité est respectueuse de l'environnement, plus elle est chère. Nous avions déposé en première lecture un amendement à ce sujet et vous aviez dit, Monsieur le ministre, que vous étiez prêt à faire des propositions concrètes. Pensez-vous pouvoir les présenter bientôt ?

Autre point : l'accès aux tarifs réglementés du gaz et de l'électricité. L'ouverture à la concurrence des marchés du gaz et de l'électricité a été décidée dans le cadre européen. Elle ouvre notamment aux consommateurs le droit de choisir leur fournisseur. Mais dans notre esprit, et dans celui des directives, personne ne doit être contraint de renoncer au tarif réglementé s'il ne le souhaite pas. Or, selon certaines interprétations, un consommateur nouveau - une nouvelle usine, par exemple, ou un consommateur changeant de lieu de consommation - n'aurait plus le droit au tarif réglementé. On lui imposerait en quelque sorte le choix de la concurrence, qui présente des avantages mais aussi des risques. Telle n'est pas notre conception de l'ouverture du marché. C'est pourquoi nous vous présenterons, avec MM. Gonnot et Lenoir, un amendement qui devrait régler le problème.

Voilà, en quelques mots, comment nous appréhendons ces problèmes délicats de l'énergie : dans la sérénité et avec le souci de dépassionner le débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. François Dosé - Par honnêteté politique, mais aussi par conviction et par tempérament, je commencerai par évoquer les apports que nous apprécions.

Même imparfait, ce texte met fin à l'étrange silence qui a malheureusement prévalu pendant des décennies s'agissant de notre politique énergétique. Il appelle bien sûr des modifications, mais il a le mérite d'exister. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe UMP)

Nous apprécions aussi qu'il n'y ait plus déclaration d'urgence. S'agissant d'une loi d'orientation, cette procédure était totalement inadaptée.

En troisième lieu, nous prenons acte du fait que ce texte contient des dispositions budgétaires ou fiscales en faveur des biocarburants, de l'énergie bois, de la biomasse... Elles sont insuffisantes, sans doute, mais font figure de commencements.

Nous devons maintenant nous demander si ce projet relève les défis majeurs auxquels nous sommes confrontés.

Le premier est celui de la sobriété et de l'efficacité énergétiques. Actuellement, dans le monde, la consommation énergétique augmente plus vite que la croissance. D'un côté les besoins augmentent, de l'autre les ressources s'épuisent. Il est donc très urgent de privilégier la sobriété, la chasse au gaspi, disions-nous il y a quelques années...

M. Yves Cochet - Très bien.

M. François Dosé - ...et le développement de technologies performantes. « La maison brûle », nous dit-on. Malheureusement, ce projet n'en tient pas suffisamment compte et n'oriente pas assez les différents acteurs vers ces deux priorités que sont la sobriété et l'efficacité, que ce soit dans les transports, le logement ou l'industrie. Et les amendements qui lui donnaient un tour plus volontariste ont été repoussés. Il y a pourtant urgence, car il y a en France 30 millions de bâtiments mal chauffés, mal isolés, qui rejettent chaque année dans l'atmosphère 100 millions de tonnes de CO 2. Si l'on n'agit pas, ces émissions continueront d'augmenter.

Il faut une loi de programmation pluriannuelle ayant à la fois pour objectif une maîtrise de la consommation et une amélioration des rendements de la production ainsi que de la distribution. Le gâchis énergétique est une injustice économique, territoriale, sociale et générationnelle.

Le deuxième défi à relever est celui de la mixité énergétique. Ce n'est aujourd'hui qu'une prudente recommandation, ce sera demain une obligation vitale. Oui, il faut diversifier les sources d'énergie : favoriser les énergies renouvelables, sans les cantonner à l'appoint ; refuser le « tout nucléaire », sans revendiquer la sortie du nucléaire...

M. Yves Cochet - Si !

M. François Dosé - ...Il faut favoriser, par la recherche, le développement de la cogénération, de la géothermie, de la biomasse, mais aussi, par des technologies renouvelées, du charbon. Ne diabolisons pas le nucléaire, mais ne méprisons pas pour autant les autres sources d'énergie.

Alors que la France s'est engagée à ce que la part des énergies renouvelables atteigne 21 %, nous observons une tendance à la baisse - 18 % en 1990, 13,5 % en 2003 - que ce projet ne fait rien pour corriger. La diversité des sources énergétiques n'est pas une argutie idéologique ou un alibi destiné à une opinion inquiète depuis Tchernobyl, mais une réponse adaptée aux contraintes techniques et aux aléas climatiques. Nous savons tous que les centrales nucléaires fourniront la base, mais il est tout aussi clair qu'il faudra disposer d'un autre potentiel pour ne pas être, lors des pics de consommation, obligés de délester ou d'acheter à l'extérieur.

Troisième défi : la justice sociale. Nous avons - en vain - tenté d'introduire dans le texte la notion de service universel, afin de garantir aux familles en situation précaire une prestation minimale garantie pour le chauffage et l'électricité. Ce serait d'autant plus nécessaire que la mise en concurrence des opérateurs conduit déjà ces derniers à ne plus vouloir assumer quelques obligations de solidarité.

Quatrième défi : le risque sanitaire. La France s'est engagée à diminuer par quatre ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050. Cela supposerait de prendre des initiatives probantes en matière de transports et de logements, qui sont, contrairement à une idée reçue, plus polluants que l'industrie.

Le cinquième défi est le risque environnemental. D'un côté, la filière du nucléaire civil amoindrit la problématique du réchauffement climatique.

D'autre part, la gestion des déchets radioactifs pose des problèmes particulièrement graves, du fait de leurs effets à très long terme. Il eût été raisonnable de se déterminer sur l'EPR après une décision du Parlement dans ce domaine, conformément à la charte de l'environnement - que, moi aussi, j'ai votée.

Sixième point : quel espace pertinent ?

Le monde est un village. Le nuage radioactif de Tchernobyl ne s'est pas dissipé dans le ciel d'outre-Rhin, pas plus que ne se dissiperont dans le ciel asiatique les nuages de CO2 sortis des usines chinoises ou indiennes. Le réchauffement atmosphérique est principalement provoqué par l'activité de puissances économiques de l'hémisphère Nord, mais les premières victimes en seront les habitants des pays pauvres de l'hémisphère Sud. Les dix-neuf réacteurs de type soviétique installés dans cinq des dix nouveaux membres de l'Union européenne ont sans doute évité des rejets de CO2, mais leur fragilité inquiète désormais toute l'Europe - qui devra, pour conjurer le danger, passer à la caisse.

Evidemment, en Chine ou en Inde, la filière nucléaire peut se substituer avantageusement aux énergies combustibles...

M. Yves Cochet - Non !

M. François Dosé - ...mais les instances internationales seront confrontées aux difficultés de la gestion d'importants stocks de déchets radioactifs et au risque de prolifération nucléaire.

Il faut absolument concilier efficacité économique, utilité sociale, pertinence environnementale et solidarité entre les territoires. Cela nous impose une veille, laquelle doit s'appuyer sur une réelle politique énergétique européenne. Montrons à ceux qui ricanent de la « vieille Europe » qu'elle est capable d'avoir un projet énergétique fort et cohérent. Considère-t-on que l'indépendance nationale suppose de disposer chez soi du potentiel nécessaire, ou bien qu'il suffit d'avoir de l'argent pour acheter de quoi satisfaire nos besoins ?

Par ailleurs, pourquoi ce gouvernement, qui prétend réaliser une nouvelle étape de la décentralisation, a-t-il refusé d'élargir à l'énergie les compétences des communes ? Dans ce domaine, une gestion de proximité serait particulièrement justifiée.

M. Yves Cochet - Bien sûr.

M. François Dosé - Septième point : les réalités budgétaires. Qui paiera quoi, quand et comment ?

L'Etat doit être exemplaire. Nous avons dû rappeler cette évidence en commission car il prétendait parfois s'exonérer de ce qu'il impose aux autres. Un Etat exemplaire, cela signifie par exemple que les recherches prévues soient financées - alors que la loi de finances pour 2005 confirme une tendance à la baisse des crédits. Cela veut dire aussi que le souci de rentabilité pour les actionnaires ne conduise pas demain les activités d' EDF et de GDF hors de l'intérêt de la nation.

M. Daniel Paul - C'est déjà fait !

M. François Dosé - Un Etat exemplaire, c'est aussi un Etat qui ne se défausse pas sur les collectivités et sur certaines entreprises ou associations, et qui demande chaque année au Parlement de valider le bilan des programmes en cours et les projets envisagés.

Avant de conclure, je veux évoquer les débats suscités ces derniers jours par les amendements.

Monsieur le ministre, il faut respecter la parole donnée. Si 31 propositions d'implantation d'éoliennes n'ont pas été retenues, il y a dans certains départements des projets qui ont fait l'objet d'une enquête publique et qui ne posent aucun problème.

M. le Ministre délégué et M. le Président de la commission - Il faut les valider.

M. François Dosé - Le patrimoine paysager appartient à tous, et tout le monde veut le défendre ; mais quand il n'y a pas de problème, il faut avancer : chez nous, sur vingt-cinq projets, quinze ont obtenu la signature du préfet.

M. le Président de la commission - Notre amendement répond à votre souci.

M. François Dosé - Tant mieux.

Par ailleurs, s'il faut évidemment protéger les paysages, il n'y a pas de règle absolue. Parfois une seule éolienne peut défigurer le paysage, mais il est aussi des espaces qui peuvent accueillir sans problème trois fermes éoliennes et peuvent même en être embellis. Il faut donc rediscuter de tout cela sans se jeter des anathèmes. Les élus locaux n'agissent pas sans réfléchir... Quant aux effets d'aubaine, nos amis du Cotentin ou de la région de Cattenom n'y sont-ils pas également sensibles ?

Certes, mes investigations ne m'ont pas conduit à discréditer ce projet au nom de la Constitution. Mais j'observe plusieurs fragilités au regard de nos principes républicains.

Tout d'abord, l'égalité des prestations peut être rompue, notamment dans les seuils de rachat.

Ensuite, alors que la charte de l'environnement a validé le principe de précaution, nous élargissons le périmètre nucléaire à l'EPR sans avoir assuré la gestion des déchets.

Enfin, la solidarité de la nation envers nos concitoyens est affaiblie. Il nous faut inscrire l'obligation d'une mise à disposition d'un minimum d'énergie.

Acceptez mon intervention comme une nouvelle contribution au débat, mais aussi comme une invitation, en votant cette exception d'irrecevabilité, à reprendre ce texte en hiérarchisant les objectifs et en prévoyant des moyens à la hauteur des ambitions déclarées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François-Michel Gonnot - Nous avons été touchés par les propos honnêtes et équilibrés de M. Dosé. Oui, c'est un texte nécessaire, qui représente une avancée importante car, après un débat dans le pays, le Parlement grave dans la loi des orientations importantes, ce que peu de pays au monde ont fait. Nous sommes aussi pleinement d'accord sur l'importance à donner aux économies d'énergie, et à cet égard ce texte donne une existence juridique aux certificats d'économie d'énergie, dispositif très innovant. D'accord, aussi, sur l'importance de la maîtrise de l'énergie dans le bâtiment et les transports, comme sur la nécessité d'une diversité des formes d'énergie utilisées. C'est dire que ce projet est loin d'être irrecevable.

Vous avez néanmoins esquissé trois critiques juridiques, dans les dernières trente secondes de votre intervention. La rupture d'égalité d'abord, avec certaines initiatives prises par la commission. Mais il s'agit d'amendements : vous utiliserez vos arguments au cours du débat ! Ils ne peuvent être pris en considération pour l'instant. Vous avez ensuite évoqué le principe de précaution, qui a désormais valeur constitutionnelle, à propos de l'EPR et de la gestion des déchets. Mais le Gouvernement a pris des initiatives législatives et ouvert des débats publics qui répondent à vos préoccupations. Enfin, vous avez voulu remettre d'actualité le débat sur les minima d'énergie : nous attendons vos amendements, mais il n'y a rien ici qui puisse mettre en cause la constitutionnalité du texte.

Bref, si j'ai bien compris, le groupe socialiste considère qu'il s'agit d'un bon texte, utile et nécessaire, même s'il n'est pas parfait, et il ne soulève aucun motif d'irrecevabilité. Le groupe UMP votera donc contre cette motion.

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe communiste et républicain une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Daniel Paul - Les questions énergétiques engagent l'avenir de nos sociétés. Dès la Libération, les responsables politiques avaient estimé, au-delà de leurs différences, que l'énergie n'était pas un bien comme les autres, qu'il fallait en assurer la maîtrise publique pour permettre le développement économique et social de la France et se doter d'organismes de recherche dédiés. Bref, il fallait construire des entreprises publiques dégagées de l'emprise de la finance. On sait le succès de ces orientations, qui permirent à notre pays, dans les années 1970, de s'engager dans le nucléaire dans des conditions de sécurité et de prix sans aucun doute uniques au monde. (M. Yves Cochet éclate de rire) Notre pays bénéficie encore aujourd'hui de la pertinence de ces choix.

Les évolutions mondiales justifient-elles de les modifier ? Ne sommes-nous pas toujours confrontés aux problèmes de la sécurisation des approvisionnements, de l'indépendance énergétique, du maintien de tarifs supportables par nos concitoyens, du droit à l'énergie pour tous ? Bien sûr que si : les problèmes restent les mêmes, mais les politiques libérales les rendent sans doute plus complexes. Ces problèmes sont nombreux, et parfois contradictoires. L'indépendance énergétique demeure une condition essentielle de la maîtrise par les peuples de leur développement : le développement de la filière nucléaire, qui diminue notre dépendance vis-à-vis du pétrole, est ainsi un atout pour notre pays.

M. Yves Cochet - Mais non !

M. le Rapporteur - Il a raison !

M. Daniel Paul - Renforcer son indépendance énergétique, c'est aussi développer ses filières industrielles, car la ressource n'est pas seule en cause : il faut aussi être capable d'industrialiser la production et d'utiliser efficacement l'énergie. Une politique énergétique doit donner priorité à la réduction des inégalités et à l'accès de tous à l'énergie. L'accès aux énergies fossiles multiplie les conflits, qu'il s'agisse de contrôler les lieux de production ou de passage des oléoducs ou des gazoducs. Il faut donc sortir des rapports de force et favoriser la coopération internationale en matière d'accès à l'énergie comme en matière de recherche et de développement. Les ressources fossiles doivent être économisées, mais aussi faire l'objet d'une rémunération négociée et d'une juste redistribution envers les pays en voie de développement. La réduction des gaz à effet de serre étant une priorité, il faut à la fois privilégier les énergies les moins polluantes et favoriser la diversification, notamment par un effort plus important en matière d'énergies renouvelables et d'économies d'énergies.

M. Yves Cochet - Excellent !

M. Daniel Paul - L'Europe, qui est majoritairement importatrice d'énergie, devrait relever l'intérêt d'une politique de l'énergie concertée et ambitieuse.

Intégrons encore de nombreuses données : les ressources fossiles facilement accessibles, par exemple, se raréfient. La production de pétrole devrait atteindre son maximum entre 2015 et 2030, pour régresser ensuite...

M. Yves Cochet - Bien avant ! C'est déjà le cas aujourd'hui !

M. Daniel Paul - ...décrochant de la courbe de la demande, avec les tensions économiques et géopolitiques que cela implique. Les importations des pays européens viennent de pays de plus en plus éloignés et qui connaissent souvent des tensions dangereuses. Les décisions prises à Kyoto pour lutter contre l'effet de serre imposent de limiter les rejets et de produire 21 % d'énergies renouvelables, contre 16 % aujourd'hui : il faut donc renforcer la recherche. C'est la diversification des sources d'énergie qui permet le mieux de lutter contre la dépendance énergétique. Relevons encore l'évolution des besoins : si la part des pays de l'OCDE dans la consommation énergétique globale est en diminution relative, elle progresse malgré tout, en valeur absolue, de 2 % par an, malgré le contexte de crise que nous connaissons. Cela signifie que la lutte pour économiser l'énergie n'en est qu'à ses balbutiements, mais surtout que la reprise économique entraînera une demande plus forte ! Enfin, les prix se maintiennent à des niveaux élevés...

M. Yves Cochet - C'est faux ! L'énergie n'est pas chère !

M. Daniel Paul - ...en particulier à cause de la croissance de la Chine et de l'Inde, de la situation internationale et des stratégies des compagnies pétrolières.

L'été 2003, comme février 2005, ont montré la fragilité de notre situation et la nécessité de développer des moyens de production supplémentaires.

M. Yves Cochet - Et voilà ! Toujours plus !

M. Daniel Paul - Sans cela, notre pays, traditionnellement excédentaire, risque de connaître la pénurie. Dans la majorité, certains proposent comme solution une « meilleure rémunération des investissements ». Sans doute une nouvelle façon d'assurer le droit à l'énergie ! L'irruption des règles du marché capitaliste a d'ailleurs des conséquences lourdes : son objectif premier, la rentabilité financière et la rémunération des capitaux, est difficilement conciliable avec les investissements requis par la production énergétique, qui n'a de rentabilité, au sens libéral du terme, qu'à long terme.

Tous ces éléments doivent être intégrés dans la réflexion sur la politique énergétique. Votre projet de loi répond-il aux enjeux ? Notre sentiment est qu'il est décalé du contexte, dépourvu d'ambition et qu'il ne répond pas aux exigences de notre époque. Nous ne considérons pas l'irruption du privé dans le domaine de l'énergie comme une bonne chose. Avec les précautions verbales que vous impose l'attachement des Français à EDF et GDF, Monsieur le ministre, vous avez quand même décidé la libéralisation du secteur. Les faillites historiques qui ont défrayé la chronique - 64 milliards de dollars de pertes pour Enron, 75 milliards pour l'économie californienne, dont la compensation est à la charge des populations, auraient pourtant dû vous faire réfléchir. Et, même sans ces faillites spectaculaires, on connaît les conséquences de la création d'un « marché de l'énergie » sur notre continent ! Au cours des deux dernières années, les grands groupes européens ont employé 90 milliards d'euros pour conquérir des parts de marché ; 90 milliards d'euros qui n'auront pas créé un seul mégawatt supplémentaire sur notre continent ! Quel gaspillage, alors que les moyens de la recherche, dans tous les domaines de l'énergie, restent insuffisants!

L'on nous explique que c'est inéluctable : pour exister dans ce monopoly, il faut faire appel aux marchés financiers, donc ouvrir le capital de nos entreprises publiques. Le statut d'EDF et de GDF a donc été modifié en 2004, en attendant, après le référendum sur le traité constitutionnel, l'ouverture du capital de GDF, puis de celui d'EDF, d'AREVA et d'autres. Compte tenu des particularités du secteur, la mise à mal des groupes publics ouvre la voie à la constitution de groupes privés sur lesquels il est faux de penser que les pouvoirs publics, quels qu'ils soient, conserveront une capacité de contrôle dès lors que les mouvements de concentration les auront transformés en géants. Les monopoles publics seront remplacés par des groupes privés à l'échelle mondiale. Comptons que, rentabilité à court terme oblige, les tarifs augmentent et les emplois diminuent, comme c'est déjà le cas partout où cette orientation a prévalu. Avant même que l'ouverture du capital d'EDF ait eu lieu, on sait que l'augmentation du tarif du kilowatt est à l'ordre du jour, parce qu'il faut renflouer les fonds propres, mais aussi parce que les prix bas permis par la filière nucléaire empêchent nos concurrents d'accéder au marché national !

L'ouverture à la concurrence risque d'avoir d'autres conséquences que sur les prix et l'emploi : là où une politique nationale avait permis d'avoir des capacités de production d'électricité et de stockage de gaz garantissant la sécurité de notre pays, la logique libérale impose d'autres règles. Ainsi, le froid très vif de février 2005 comme la canicule de l'été 2003 ont mis en évidence l'insuffisance de nos capacités de production. Quelques degrés en plus ou en moins, et des délestages sont nécessaires : voilà qui en dit long sur les risques encourus ! Mais une certaine pénurie permet d'augmenter les tarifs alors que des moyens de production sous-utilisés, même s'ils garantissent un approvisionnement suffisant en toutes circonstances, coûtent. Dans votre logique, il convient donc de limiter ces moyens. Et tant pis si s'ensuivent délestages et interruptions de fourniture, ou si l'on est obligé de louer des groupes électrogènes à l'étranger !

Quant au gaz, aucune recherche de partenariat de service public n'a eu lieu depuis 2000 pour investir dans le développement de stockages alors que dans la même période, la consommation a augmenté de 10 % dans notre pays. Il se dit même que GDF a dû réduire ses livraisons dans certaines régions en février dernier...

Depuis près de soixante ans, la politique énergétique de notre pays repose sur la diversification des énergies. Vous avez bien fait de rappeler la place que doit conserver dans ce mix énergétique la filière nucléaire qui a permis à notre pays de bénéficier du kilowatt le moins cher d'Europe,...

M. Yves Cochet - C'est normal : il est ultra-subventionné !

M. Daniel Paul - ...de diminuer nos rejets de gaz à effet de serre, de réduire notre dépendance énergétique et de développer une véritable filière industrielle. Nous soutenons bien évidemment le lancement d'une première tranche de l'EPR à Flamanville - encore faut-il que le projet se concrétise rapidement et que les nouvelles tranches ne tardent pas à suivre...

M. Yves Cochet - Surtout pas !

M. Daniel Paul - ...afin d'assurer le renouvellement du parc et la jonction, vers le milieu du siècle, avec les nouvelles énergies que nous permettent d'espérer les recherches actuelles.

Or, les perspectives sont inquiétantes. La confiance de la population dans le nucléaire suppose que celui-ci soit exploité par une entreprise publique, elle-même maillon d'une chaîne de compétences industrielles, que les installations soient entretenues par des personnels compétents, salariés de l'entreprise publique et disposant des moyens nécessaires à leurs missions, enfin que la filière permette d'obtenir des tarifs moins élevés. Or, cette triple condition n'est plus réunie aujourd'hui : le capital d'EDF va s'ouvrir au privé et l'entreprise fait d'ores et déjà appel à des sous-traitants, à tel point que l'on parle de « nomades du nucléaire » pour désigner les personnels de maintenance des centrales. EDF avait pourtant su créer une filière industrielle complète, reposant sur des entreprises fortes aux savoir-faire reconnus. Qu'est devenue cette chaîne de compétences ? Qu'en est-il des partenariats envisagés un temps avec le Japon et le Mexique par exemple ? Les exigences des marchés l'ont par ailleurs emporté sur les considérations d'emploi et d'aménagement du territoire. Ce n'est pas ainsi que la population retrouvera confiance dans le nucléaire, surtout si le kilowatt d'origine nucléaire est devenu aussi cher que le kilowatt gazier ! Il conviendrait de dresser un bilan précis des compétences existant toujours dans notre pays, de reconstituer celles qui ont disparu, d'assurer la transparence totale de la filière, d'améliorer les conditions de travail de ses salariés et de renforcer les liens entre les commissions locales d'information et les organismes statutaires dans les centrales, car il y va aussi de la sécurité.

Voua avez annoncé la relance de l'hydroélectricité avec, en particulier, la construction de petites centrales. Nous approuvons cette idée. Il n'en faut pas moins investir immédiatement dans les moyens de production. Toutes les études confirment en effet le besoin de nouveaux moyens de pointe entre 2006 et 2010 et de moyens de semi-base avant la fin de la décennie. Or, il n'y a dans notre pays aucune volonté d'investir dans le thermique à flamme par exemple, malgré la précieuse expérience acquise avec la technique du « charbon propre ». Si rien n'est fait, des coupures tournantes sont possibles dès 2008, avec à la clé une remontée brutale des prix de l'électricité. On nous expliquera alors, sans doute, qu'il faut d'urgence construire quelques centrales à fioul, en dépit des engagements pris à Kyoto.

Tout milite pour l'accroissement des moyens de production...

M. Yves Cochet - Mais non !

M. Daniel Paul - ...mais il faut dans le même temps diversifier les sources d'énergie et lancer une grande politique d'économies d'énergie - laquelle ne doit pas se confondre avec le rationnement. Il faut développer toutes les énergies renouvelables - solaire, biomasse, éolien... -, non pas de façon concurrente car on sait les effets négatifs qui en résultent, mais en privilégiant au contraire les synergies. Le développement de l'éolien ne peut aller de pair qu'avec celui des moyens de production classiques pour assurer la continuité d'approvisionnement...

M. Yves Cochet - Mais non !

M. Daniel Paul - Quand il n'y a pas de vent, il ne saurait y avoir d'électricité d'origine éolienne ! Autrement dit, cette énergie ne permet que d'économiser des combustibles fossiles et de réduire les rejets de carbone dans l'atmosphère. Les parcs éoliens, dont nous approuvons l'idée, devraient être exploités dans le cadre public d'un parc de production intégré, à l'échelle régionale, voire nationale. Toute une filière industrielle française pourrait d'ailleurs en naître. Nous ne concevons pas, pour notre part, le développement de l'éolien en France avec des matériels importés du Danemark ou d'Espagne !

Seule l'intégration des énergies renouvelables comme de la cogénération, qui constitue actuellement une rente indécente pour le privé, supportée par EDF...

M. Jean-Claude Lenoir - Très juste !

M. Daniel Paul - ...Seule cette intégration dans une économie générale de service public permettrait d'éviter les gaspillages et les décisions incohérentes.

La diversification des sources d'énergie doit aller de pair avec une politique forte d'économies d'énergie. Vous avez l'intention de diviser par quatre les rejets de gaz à effet de serre d'ici à 2050. Chiche ! Votre proposition de certificats est, hélas, inadaptée à l'enjeu, d'autant qu'elle se situe dans le cadre du marché.

Votre objectif, louable, est de plus en totale contradiction avec votre politique en matière de transports. Ce secteur étant celui qui contribue le plus à l'effet de serre, il conviendrait de privilégier les transports collectifs les moins polluants et de développer notamment le fret ferroviaire. Or, parce qu'elle doit équilibrer sa branche fret sans recourir à la péréquation, la SNCF est contrainte de concentrer son activité marchandises sur les seules lignes rentables. Quant à l'aide de 1,5 milliard d'euros, elle n'a été finalement acceptée par la Commission européenne qu'à condition qu'elle serve exclusivement au fret et qu'elle soit bien la dernière. Le fret routier a donc encore de beaux jours devant lui, d'autant que l'allègement des taxes dont il bénéficie lui donne déjà un avantage certain. Si l'on veut vraiment donner la priorité au ferroviaire, il convient de faire supporter au transport routier ses coûts réels et de développer le transport combiné.

De même, ce gouvernement a décidé de ne plus aider les projets de transports collectifs urbains, ce qui va à l'encontre des objectifs qu'il affiche par ailleurs.

M. Yves Cochet - Tout à fait.

M. Daniel Paul - Les maires des villes engagées dans de tels projets, toutes tendances politiques confondues, ont d'ailleurs dénoncé cette décision.

De même, les grands projets de rénovation urbaine ont été autant d'occasions manquées de poser de façon sérieuse la question de l'isolation des logements, et partant, des économies d'énergie potentielles.

En première lecture, le groupe communiste et républicain s'était prononcé contre ce projet de loi d'orientation, entre autres raisons parce qu'allait suivre le projet de loi portant modification du statut d'EDF et de GDF. Nous avions alors vivement dénoncé votre décision d'ouvrir le capital de ces entreprises et de les mettre en concurrence, après avoir si rapidement rendu les armes devant la Commission européenne. Nous nous inquiétions aussi du respect du droit à l'énergie. La proposition de loi de notre collègue Jean-Claude Sandrier, visant à interdire les coupures d'électricité aux familles les plus démunies et à parvenir à un traitement plus humain de ces situations, a, hélas, été récemment repoussée.

Plus que jamais, il convient de préserver ce que nos prédécesseurs avaient su mettre en place il y a bientôt soixante ans. Les questions énergétiques ne sauraient relever d'intérêts privés. La mise en concurrence sur notre territoire d'EDF et de GDF est une aberration économique et sociale, mais aussi financière et scientifique.

C'est pourquoi, à rebours de votre politique, nous proposons de créer un pôle public de l'énergie qui permettrait d'assurer une réelle maîtrise du secteur. Cela suppose des ambitions techniques et scientifiques pour mettre à disposition des peuples les technologies du futur ; des ambitions sociales pour les salariés du secteur, à l'opposé de la précarité qui s'y généralise ; des ambitions sociétales avec la volonté de lutter contre les inégalités entre les hommes, mais aussi entre les territoires. Cela suppose aussi des coopérations européennes : une véritable Europe de l'énergie, qui ne se fonderait pas sur la concurrence mais les synergies, rassurerait tous les citoyens européens. C'est, hélas, l'inverse que l'on nous propose aujourd'hui. Il appartient à la gauche de proposer une alternative pour sortir notre pays et l'Europe de la mainmise libérale. Cela suppose encore des ambitions d'égalité entre les peuples : la majorité des pays de la planète ne peut pas continuer de subir la loi des autres, plus puissants, ou de grandes compagnies et être condamnée à ne consommer que l'énergie dont nous disposions en France en 1950.

Cela suppose également des ambitions environnementales, avec le souci d'utiliser les sources d'énergie gratuites - l'eau, le vent, le soleil - ou celles qui ne peuvent être utilisées à d'autres fins, comme l'uranium, et d'économiser celles qui ne sont pas remplaçables - le gaz, le pétrole ou le charbon. Cela suppose enfin les moyens financiers qu'exige un secteur hautement capitalistique, afin d'éviter que l'énergie entre en concurrence avec des besoins comme la santé, l'éducation ou l'eau. Rappelons-nous que toutes les sources d'énergie ne sont pas interchangeables, mais complémentaires.

Parce que vos propositions encouragent les groupes financiers à mettre la main sur le secteur énergétique, source de nouveaux profits, parce que nous refusons cette emprise libérale sur un secteur vital pour nos concitoyens, notre économie et nos territoires, parce que votre loi n'est pas à la hauteur des défis lancés à l'humanité, parce que vous cassez délibérément des outils qui avaient fait leurs preuves, nous invitons nos collègues à adopter cette question préalable.

M. Jean-Claude Lenoir - Il y a un an, le Gouvernement nous proposait ce projet de loi d'orientation sur l'énergie. Nous y avons longuement travaillé au printemps 2004. A l'époque, certains soupçonnaient le Gouvernement de vouloir s'en tenir à une seule lecture avant de renoncer au texte. Preuve est donnée qu'il souhaite aller jusqu'au bout, puisqu'il nous propose aujourd'hui de prendre nos responsabilités.

Ce texte fixe des orientations claires qui permettent d'assurer nos approvisionnements et notre indépendance énergétique, et d'asseoir une production importante fondée essentiellement sur le nucléaire. Il maintient les droits acquis aux territoires pour ce qui est de la péréquation des tarifs, ainsi qu'un acquis social auquel nous sommes très attachés, le droit à l'énergie pour tous. Un volet important concerne la protection de notre environnement, avec des mesures en faveur du développement des énergies renouvelables.

Or qu'avons-nous entendu ? Notre collègue Daniel Paul s'est dit attaché à la sécurité des approvisionnements, à l'indépendance énergétique, au droit à l'énergie pour tous, à la protection du consommateur, à la péréquation tarifaire, au développement des énergies renouvelables. Il a particulièrement insisté sur l'attachement de son groupe à la place du nucléaire dans la production d'électricité.

M. Yves Cochet - C'est une erreur !

M. Daniel Paul - Le résumé est un peu rapide, Monsieur Lenoir !

M. Jean-Claude Lenoir - Je ne vois pas ce qui distingue les objectifs du groupe communiste de ceux que sert ce projet. Certes, la défense d'une question préalable est un exercice difficile sur un tel texte, et c'est sans doute pour quoi le groupe communiste a désigné un orateur de talent, mais que penser de l'opposition de principe que vous affichez en vous abritant derrière des tirades empruntées à des manuels qui n'ont plus cours ? Il faut vraiment se tenir à son banc pour ajouter foi à de telles sornettes.

Vous êtes contre le projet de loi à cause de l'ouverture des marchés, de la libéralisation du secteur et du changement de statut d'EDF-GDF. Soyons sérieux : le Gouvernement n'a fait que mettre en œuvre les décisions que vous aviez prises quand vous étiez au pouvoir, et M. Cochet était ministre. Qui a décidé de l'ouverture des marchés jusqu'à 70 % ? C'est M. Jospin !

M. le Ministre délégué - Vous êtes un ultralibéral, Monsieur Paul ! (Sourires)

M. Jean-Claude Lenoir - Autre contradiction : vous réclamez des moyens pour développer nos outils de production, mais vous n'avez pas apporté le moindre centime à EDF et à GDF pour développer ces outils et leurs réseaux de transport. Il a donc fallu ouvrir le capital...

M. Daniel Paul - C'est une rente au privé !

M. Jean-Claude Lenoir - ...pour permettre la relance de l'industrie électro-nucléaire et la consolidation de notre politique énergétique.

La vérité, c'est que pour la première fois, le Parlement va voter une loi sur la politique de l'énergie.

M. Daniel Paul et M. Yves Cochet - Une mauvaise loi !

M. Jean-Claude Lenoir - Pour la première fois, nous sommes invités à prendre nos responsabilités, en particulier quant à la place que le nucléaire doit occuper dans la production d'électricité.

Ces responsabilités, vous préférez nous laisser les prendre. Eh bien, nous le faisons avec détermination et fierté, en invitant l'Assemblée à rejeter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Dionis du Séjour - M. Paul s'est livré à un grand écart entre le soutien appuyé à la filière électronucléaire et l'opposition à la privatisation.

On retrouvait d'ailleurs dans les commentaires de l'opposition et dans les manifestations d'humeur de notre collègue Yves Cochet, les clivages de la gauche plurielle. Reste que cette loi est la première en son genre et que son examen en deuxième lecture se déroule dans de bonnes conditions.

Sera-t-elle à la hauteur des enjeux et des défis de la nation ? Il faut en tout cas y traailler. Quand la maison brûle, on ne laisse pas les pompiers à la caserne. Rejetons la question préalable et mettons-nous à la tâche !

M. le Rapporteur - Très bien !

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La séance, suspendue à 11 heures 25, est reprise à 11 heures 35.

M. le Président - Nous abordons la discussion générale.

M. Claude Gatignol - La discussion de ce texte était très attendue et nous vous remercions, Monsieur le ministre, d'avoir tenu votre promesse de lever l'urgence en vue de permettre un examen approfondi. Le sujet revêt en effet la plus haute importance, et sans doute serait-il plus rigoureux de parler des énergies plutôt que de l'énergie, tant en varient les sources, les formes et les usages.

Nécessaire, cette loi d'orientation l'est d'abord parce que le niveau de développement de nos sociétés et le progrès social sont intimement liés à l'abondance et à la disponibilité de la ressource en énergie. Pour un pays développé tel que le nôtre, la politique énergétique prend une valeur réellement stratégique : l'énergie doit être disponible dans des conditions compétitives, sans peser de manière excessive sur le pouvoir d'achat des acteurs économiques. Cependant, il n'est plus envisageable de produire et de consommer de l'énergie sans se préoccuper de l'impact sur l'environnement, et la réduction des émissions fait partie de nos objectifs prioritaires, dans l'esprit du protocole de Kyoto.

Il serait absurde de ne pas mieux utiliser ce qui est mis à notre disposition et l'effort de maîtrise sera soutenu. L'efficacité énergétique est pour la première fois réellement programmée dans ce texte. Or le premier gisement d'économies réside très certainement dans l'habitat, source du quart des émissions de gaz à effet de serre. Nous pouvons progresser en élargissant la cible des incitations fiscales - en crédit d'impôt ou par l'application du taux réduit de TVA - adoptées dans la loi de finances pour 2005. Mais il est essentiel que tous les projets, dans tous les logements - qu'il s'agisse de la résidence principale ou non, en pleine propriété ou en location -, soient directement concernés. A ce gisement écologique facilement exploitable s'ajoute un gisement d'emplois, et telles sont du reste les principales conclusions des dernières rencontres parlementaires auxquelles vous avez bien voulu participer. Les systèmes d'énergies renouvelables, complémentaires et individualisés, y gagneront un effet de grande série susceptible de faire baisser les prix.

S'agissant des transports, l'application de la dernière norme - Euro IV - a permis d'améliorer la performance de nos véhicules. En dix ans, la recherche a réduit sensiblement les émissions polluantes et le parc français, constitué pour 70 % de véhicules diesel, se distingue tout particulièrement. A ce sujet, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques prépare un rapport sur la voiture de demain qui sera rendu public en juin.

Par ailleurs, l'objectif de tripler la production de carburants d'origine végétale d'ici à 2010 mérite d'être salué car il ne peut que contribuer au renforcement de notre indépendance énergétique. Je rappelle en effet que nous importons 80 % du gazole distribué et que la sensibilité de ce secteur aux prix doit nourrir notre réflexion. En mai dernier, j'avais évoqué la possibilité d'un baril à 50 dollars : il cotait 56 dollars avant-hier et, au sein de la direction générale de l'énergie, le chiffre de 75 dollars est désormais considéré comme plausible... La recherche sur les moteurs a donc de beaux jours devant elle, qu'il s'agisse de développer la voiture à faible émission, la voiture électrique ou les hybrides, en attendant qu'un nouveau saut technologique ne fasse sortir la pile à hydrogène des laboratoires. A cet égard, je réitère mon vœu de voir s'installer en France une Agence nationale de l'hydrogène, à l'image de celles qui existent dans la plupart des pays avancés pour assurer la veille et l'initiative technologiques.

Le présent texte découle d'un long processus démocratique : débat public en 2003, première lecture l'année dernière, deuxième cette année. Il contient tous les éléments de la politique énergétique du pays pour les prochaines décennies, et son volontarisme tranche avec l'immobilisme du gouvernement socialiste, empêtré dans ses atermoiements avec les Verts qui ont fragilisé notre pays dans les négociations européennes. Il vise pour l'essentiel à garantir la sécurité des approvisionnements, à préserver l'environnement, à créer des conditions favorables à la compétitivité des prix et à garantir l'accès de tous à la ressource. Il prévoit des moyens efficaces pour atteindre ces objectifs : lutte contre les gaspillages et recherche de l'efficacité énergétique, développement de la recherche - à laquelle l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques sera associé -, confirmation de la diversité des sources, politique fiscale incitative.

Avec réalisme, le Gouvernement s'appuie sur l'excellence de la filière nucléaire française, confirmée - s'il en était encore besoin ! - par les dernières auditions de nos collègues Birraux et Bataille et par la conférence de l'AIEA de cette semaine. Le choix d'une nouvelle série de réacteurs de troisième génération doit être considéré comme un nouveau tournant industriel, dans la continuité de la politique nationale menée de longue date. Le record de consommation établi le lundi 21 février à 19 heures - 86 024 mégawatts - témoigne de nos besoins de production, en France et en Europe, et de la nécessité d'assurer les interconnexions préconisées par la commission de régulation et par le RTE. Ces besoins sont estimés à 1 000 MW supplémentaires par an à compter de 2008, et ils ne pourront être couverts que par des centrales à gaz ou à fioul. Telle est la situation dans laquelle nous a placés l'attentisme de certains, alors même que notre consommation d'électricité - à 95% sans gaz carbonique - a progressé de 3,9 % en 2003 et de 2,2 % l'année dernière.

Au terme d'une réflexion sereine, l'hydraulique, deuxième source d'électricité sans gaz carbonique, est maintenue dans son potentiel, sans que ses perspectives de développement fassent obstacle à une gestion raisonnée de la ressource en eau.

Enfin, un véritable espace industriel est ouvert aux autres sources d'énergie renouvelable - qu'elles soient végétales, géothermiques, solaires ou éoliennes -, lesquelles ne peuvent s'exonérer des contraintes paysagères ou architecturales. A cet égard, le président Ollier, qui, dans son cœur reste un élu de la montagne,...

M. le Président de la commission - C'est vrai.

M. Claude Gatignol - ...a tenu avec sagesse un discours de vérité, suivi par le rapporteur, et il a indiqué la voie d'un consensus.

Sur la forme, la commission a préféré l'architecture du texte établie en première lecture, tout en reprenant les judicieux apports du Sénat.

Face à l'ouverture des marchés du gaz et de l'électricité, la France doit être en état d'éviter toute pénurie et de tenir ses engagements en matière de respect de l'environnement. Sur ce point, nous n'avons de leçon à recevoir de personne, ni de quelque pays que ce soit, puisque notre bilan global est le meilleur au monde.

Cette loi d'orientation sur l'énergie est une première et je m'en félicite. Elle est d'autant plus nécessaire qu'il n'y a malheureusement pas de politique européenne en la matière, malgré les efforts de Mme Fontaine à la tête du Parlement et de Mme Loyola de Palacio au sein la Commission. La France doit donc montrer la voie.

Le groupe UMP soutient ce texte, qu'il veut améliorer et simplifier, en espérant que la partie réglementaire sera rapidement mise en œuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Bataille - Le temps du politique, c'est cinq ans, celui d'un mandat ; le « temps » de la physique, de la décision à la mise en service des installations, est au moins de cinquante ans : ils sont difficilement conciliables mais il n'empêche : à l'évidence, la politique énergétique doit se concevoir sur le long terme. Dans cette perspective il faudra, le moment venu, apporter des correctifs au processus de privatisation d'EDF et de GDF.

Le secteur énergétique, parvenu à la fin d'un cycle, a pu, depuis dix ans, réduire ses investissements productifs sans conséquences majeures. Mais dès 2006, et jusqu'en 2045, voire 2080 ! - de grands rendez-vous l'attendent, qu'il faut préparer.

Au début de 2006, comme le prévoit la loi du 30 décembre 1991, le Gouvernement adressera au Parlement un rapport d'évaluation sur la gestion des déchets radioactifs, et proposera éventuellement de créer un centre de stockage souterrain pour les déchets à vie longue.

En 2010, pour appliquer la directive européenne du 27 septembre 2001, 21 % de notre consommation d'électricité devront provenir de sources d'énergie renouvelable. Ce pourcentage était de 17,3 % en 2003. Il faut donc accélérer ce développement, et obtenir de Bruxelles que la production de chaleur figure dans le total pris en compte. En 2010 toujours, pour satisfaire aux engagements du protocole de Kyoto, nous devrons avoir stabilisé les émissions de gaz à effet de serre au niveau de 1990. En 2002, elles avaient diminué de 6 % mais les rejets dus aux transports et au parc résidentiel compromettent les efforts entrepris.

En 2015, et compte tenu des délais de construction, nous devrons être en état de décider si nous remplaçons la première génération de réacteurs nucléaires à eau pressurisée, qui seront obsolètes vers 2020. Le plus important est de disposer d'un nouveau réacteur à tester en vraie grandeur pendant trois ans.

M. Yves Cochet - Surtout pas !

M. Christian Bataille - Nous devrons donc avoir un réacteur EPR en état de fonctionner.

En 2020, il faudra pouvoir commercialiser des piles fonctionnant à l'hydrogène.

M. Yves Cochet - Mais non !

M. Christian Bataille - Les transports consomment près du tiers de notre énergie, à partir de produits importés à 97 % et à l'origine de 30 % des émissions de gaz à effet de serre. La pile à combustible embarquée alimentant des moteurs électriques est la solution idéale pour les transports terrestres, dès lors que l'hydrogène est produit sans émission de gaz à effet de serre.

En 2025, nous parviendrons au pic de la production pétrolière.

M. Yves Cochet - Bien avant !

M. Christian Bataille - En 2003, les réserves prouvées étaient de 47 ans et n'avaient pas augmenté depuis 1991 ; celles de gaz naturel étaient de 67 ans. Pour ces deux produits, des pénuries artificielles seront organisées bien avant. Pour le charbon, les réserves prouvées égalent 192 ans de consommation.

M. Yves Cochet - Cela n'a aucun sens !

M. Christian Bataille - Pour 2045, même si les réacteurs à eau légère l'ont pour l'instant emporté, avec les trois-quarts des 442 unités en service dans le monde, il faudra être en état de disposer d'autres types de réacteurs utilisant une gamme plus large de combustibles nucléaires, dont des déchets, et produisant, outre de l'électricité, de la chaleur, par exemple pour la désalinisation de l'eau de mer. Une coopération internationale intense est engagée pour mettre au point ces réacteurs de génération IV.

Enfin, on pourrait produire en 2080 de l'énergie nucléaire de fusion, si le projet ITER réussit. Il coûtera plus de dix milliards et il faudra, selon les meilleurs spécialistes, vingt ans pour le construire, vingt ans pour mettre au point un démonstrateur industriel et dix ans pour construire la première centrale. L'humanité entrera alors dans le XXIIe siècle !

Comme on le voit, pour mener une politique énergétique à long terme, il faut prendre des décisions dès maintenant. D'ailleurs, les pays développés ne doivent pas croire que leur approvisionnement en énergie est définitivement assuré. Il y a peu encore, nous exportions de l'électricité. En 2003 et 2004, la consommation a atteint des sommets, climat aidant. Le RTE - réseau de transport de l'électricité - prévoit un déficit de production, avec les conséquences que l'on imagine sur les prix et la compétitivité de notre industrie. Le réalisme s'impose donc.

De 1973 à 1990, par une politique judicieuse et déterminée, nous avons multiplié par vingt notre production d'électricité nucléaire pour la porter à 75 % de la production totale. Depuis quinze ans, malgré des efforts considérables, l'Allemagne n'a réussi qu'à doubler sa production d'énergies renouvelables, qui représente moins de 3 % du total.

Dans les prochaines années, il faudra réaliser des investissements très importants pour le raffinage des produits pétroliers, le transport du gaz, les réseaux de transport et la production de l'électricité.

C'est malheureusement dans ce contexte que le Gouvernement a décidé d'aller au-delà de ses obligations européennes en transformant EDF et GDF en sociétés anonymes. Notre groupe s'est opposé à ce funeste projet, dont je redis ici qu'il débouchera inéluctablement sur une privatisation d'EDF et GDF, avec vente par appartements de leurs activités les plus rentables.

La loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du secteur public de l'électricité, dont j'avais été le rapporteur, s'inscrivait évidemment dans une tout autre démarche : loi d'orientation sur l'énergie pour le présent, programmation pluriannuelle des investissements pour le long terme. C'est avec cela qu'il faudra renouer, le moment venu, afin de réconcilier le temps énergétique et le temps politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Dionis du Séjour - En première lecture, j'avais salué, au nom du groupe UDF, l'heureuse initiative du Gouvernement de proposer au Parlement un projet de loi d'orientation sur l'énergie. C'est une démarche novatrice qu'aucun gouvernement n'avait eu jusque là le courage d'entreprendre, alors que s'il y a un domaine où l'action publique exige d'être planifiée en fonction d'objectifs à long terme, c'est bien celui de l'énergie. Mais chacun se souvient des positions divergentes, sur ce sujet sensible, au sein du gouvernement et de la majorité de Lionel Jospin.

Cependant, nous avions aussi regretté que la raison d'être de ce texte fût d'équilibrer une décision majeure, à savoir le lancement du programme EPR, et qu'il eût progressivement fait figure d'élément de négociation avec les syndicats, le but étant de mieux faire passer la loi sur le changement de statut d'EDF et de GDF.

Or, la situation énergétique de la France exige une démarche d'une autre ampleur. Comme le reste du monde, nous sommes en effet confrontés à l'épuisement prévisible des réserves en hydrocarbures. Ne nous battons pas sur quelques années. Le fait énorme, massif, compte tenu de la place du pétrole dans notre société, est là : la production mondiale de pétrole commencera à décliner dans quelques années. Dans quarante, cinquante ans, le pétrole exploitable aura disparu de la planète, nous obligeant à une véritable révolution de nos comportements.

Dans le même temps, la croissance mondiale est très élevée. C'est l'effet vertueux de la mondialisation, qui accélère les échanges et permet le décollage économique de nombreux pays, mais qui a pour corollaire un accroissement extrêmement fort de la demande énergétique.

Par ailleurs, les enjeux environnementaux sont devenus majeurs, qu'il s'agisse du réchauffement climatique ou de la santé publique.

Ce contexte appelait une loi de changement et de rupture.

C'est l'honneur du mouvement écologiste français que d'avoir posé un juste diagnostic - et je tiens à saluer ici la contribution d'Yves Cochet à nos travaux. La plupart des familles politiques françaises ont depuis fait leur ce diagnostic, comme en témoigne la récente adoption de la charte de l'environnement. Mais, à partir de là, que faire ? Les réponses divergent. Les écologistes retrouvent le confort de discours malthusiens et très antinucléaires, tandis que d'autres basculent dans des positions outrageusement pro-nucléaires.

M. Yves Cochet - Et vous, vous êtes pour ou contre ?

M. Jean Dionis du Séjour - Dans ce débat, l'UDF s'efforcera de son côté d'apporter une contribution à la fois conforme à l'enjeu et raisonnable.

Nous pensons tout d'abord, et nous l'avons dit dès la première lecture, qu'il faut élever la santé des Français au rang des objectifs de notre politique énergétique. Les pollutions, conséquences directes de nos choix énergétiques, ont en effet une incidence certaine sur le développement de certaines maladies cardiovasculaires et cancers - je pense tout spécialement au cancer du poumon chez les non-fumeurs en milieu urbain. Le ministre et le président de la commission s'étaient engagés à travailler avec nous sur ce point en deuxième lecture. Cette parole a été tenue et nous les en remercions. La politique énergétique française se doit de prendre en compte les nouveaux droits et besoins que la charte de l'environnement proclame. Nous proposerons des amendements en ce sens.

Nous pensons ensuite qu'il faut une nouvelle gouvernance énergétique L'action publique dans ce domaine réclame l'orientation et la planification à long terme. Et ce d'autant que la France a engagé sa parole, à long terme, en signant le protocole de Kyoto, mais aussi à moyen terme, en signant les directives sur la part d'énergies renouvelables à atteindre en 2010 ou en souscrivant l'objectif d'incorporer, à la même date, 75 % de biocarburants dans les essences.

Alors, je demanderai comme Francis Cabrel : est-ce que ce monde est sérieux ? Avons-nous décidé d'être sérieux avec la parole de la France ? Avons-nous décidé d'être sérieux en matière énergétique et environnementale ? Si oui, alors, il nous faut une planification à long terme, détaillant le chemin à emprunter pour honorer nos engagements internationaux. Où est-elle aujourd'hui ? Il nous faut aussi une articulation entre cette planification et notre gestion budgétaire annuelle. Où est-elle aujourd'hui ? Il nous faut enfin un contrôle parlementaire, assurant le respect de la parole donnée. Où est-il aujourd'hui ?

Force est de constater que ce projet ne propose aucun instrument pour orienter de manière volontariste les besoins énergétiques du pays dans le sens de nos engagements à moyen et long terme. Le Parlement a certes voté en première lecture l'amendement du rapporteur qui crée un jaune budgétaire sur les moyens consacrés à cette politique, mais ce n'est qu'un timide début et le groupe UDF vous proposera un dispositif plus ambitieux et plus lisible.

Nous défendrons aussi l'exigence d'un vrai régulateur dans ce secteur, désormais largement ouvert à la concurrence. Nous avons à cet effet déposé une série d'amendements qui renforcent les pouvoirs de contrôle et d'intervention de la CRE.

La question du nucléaire et du lancement du nouveau réacteur EPR a focalisé l'essentiel de nos débats en première lecture. Il aurait fallu, selon nous, commencer par le calibrage de la demande. A partir de cette expression des besoins, nous aurions pu définir politiquement le bouquet énergétique voulu pour notre nation et répartir les rôles entre la production électronucléaire, les énergies fossiles et les énergies renouvelables.

Si nous avons approuvé la construction d'un démonstrateur EPR, qui servira de solution de remplacement d'ici à 2015 en cas de dysfonctionnement structurel des centrales les plus anciennes, nous pensons que la question de fond concernant la filière électronucléaire française ne trouve pas de réponses dans ce texte. Combien de centrales devrons-nous reconstruire pour satisfaire aux besoins de la nation, et pour quelle puissance de production ? Nous l'ignorons encore.

Pour notre part, nous reconnaissons le rôle positif et central du nucléaire dans l'offre énergétique française, mais nous sommes opposés, a priori, à un renouvellement à l'identique de notre parc nucléaire, qui contribue aujourd'hui pour 78,2 % à la production brute totale d'électricité. Ce secteur doit être consacré à satisfaire la base de notre demande énergétique, le gaz naturel et les énergies renouvelables devant monter en puissance pour satisfaire les besoins exprimés en semi-base et en pointe.

S'agissant des énergies renouvelables, les amendements adoptés en commission sur l'énergie hydraulique vont dans le bons sens. Quant à la dernière proposition, en faveur de « zones de développement de l'éolien », nous lui reconnaissons des avantages, mais nous déposerons des amendements pour compléter ces avancées, notamment en faisant obligation au conseil général de produire un schéma directeur départemental d'implantation des éoliennes, opposable aux tiers. En matière d'obligation d'achat, nous ne voyons pas l'intérêt de passer d'un plafond de 12 mégawatts à un plancher de 25, qui compromettra de nombreux projets déjà réalisés ou en cours. Nous vous proposerons donc de supprimer ces seuils.

Enfin, faire des économies d'énergies dans le secteur du logement ancien doit devenir une priorité nationale. Trente millions de bâtiments sont mal chauffés et mal isolés. Il existe pourtant des technologies fiables qui nous aideraient à réduire ces émissions de gaz à effet de serre et donc à nous rapprocher des objectifs fixés à Kyoto.

En conclusion, le groupe UDF souhaite que cette deuxième lecture permette un vrai débat, plus approfondi que celui de la première lecture, qui se faisait sous pression. L'énergie n'est pas un secteur comme un autre. Les enjeux et les risques sont énormes pour notre nation. Je suis d'ailleurs désolé de voir si peu de monde dans cet hémicycle. Osons être sérieux, osons être audacieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. François-Michel Gonnot - Presque un an s'est écoulé depuis la première lecture et le paysage a beaucoup évolué. Le prix du brut a augmenté de façon considérable et, semble-t-il, durable. Le protocole de Kyoto est entré en application. Nous avons observé sur le marché français et européen des tensions, voire des menaces de rupture dans l'approvisionnement électrique et gazier. Nous avons procédé au changement de statut d'EDF et GDF. Et depuis le 1er juillet, le marché du gaz et de l'électricité est ouvert à la concurrence, pour les professionnels. Cette deuxième lecture va donc nous permettre de procéder aux ajustements nécessaires.

Même si nous sommes vertueux en matière d'économies et de maîtrise de l'énergie, nous avons besoin, pour garantir notre indépendance et notre capacité d'exportation, de nouvelles capacités de production. Toutes les filières doivent être mises à contribution : celle de l'EPR, sur laquelle des décisions très importantes ont déjà été prises, mais aussi le gaz et, bien sûr, l'ensemble des énergies renouvelables.

A cet égard, nous devrons veiller à ce que la loi sur l'eau ne soit pas une entrave au développement de l'hydroélectricité, et je remercie le rapporteur d'avoir voulu introduire dans cette loi d'orientation des dispositions sur le sujet. Il faudra aussi conforter les décisions qui ont été prises sur l'énergie solaire et sur la biomasse, qui font l'objet d'un consensus. L'éolien, en revanche, fait débat ; certes il pose parfois problème pour la sauvegarde de nos paysages, mais il ne faut pas oublier pour autant que beaucoup de dossiers ont pu aboutir à la satisfaction de tous. Il ne faut pas oublier non plus que cette filière fait vivre des dizaines de petites entreprises, certes souvent étrangères, mais parfois françaises ; ayons la volonté de construire une filière française de l'éolien. Nous savons bien qu'il ne produira jamais qu'une petite partie de notre électricité, mais nous devons avoir la volonté de le développer là où c'est possible.

Les débats que nous avons eus à ce sujet en commission ont conduit au dépôt par le rapporteur d'un amendement qui conjugue deux systèmes, avec la création de zones de développement éolien, à l'initiative de l'Etat et des élus, alors que le système actuel a encouragé le mitage. Le rapporteur a tenu compte d'un certain nombre de nos remarques et nous ne doutons pas que nous parviendrons à un accord lorsque nous en arriverons à ce point du texte. Il faut sur ce sujet envoyer des signaux positifs à l'opinion, aux industriels de la filière, aux élus et aux riverains qui acceptent ces projets, et ne pas donner le sentiment que nous privilégierions une forme d'énergie plutôt qu'une autre, alors que ce projet pose le principe d'un bouquet énergétique diversifié.

C'est cette diversité qui permettra à la France de continuer à assurer son indépendance et de maintenir ses capacités d'exportation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Cochet - Lorsque cette majorité est arrivée au pouvoir, en 2002, le prix moyen du baril était de 26 dollars. En 2003, année d'un prétendu « débat national » sur l'énergie, il était de 31 dollars. L'an dernier, il était de 41 dollars. Cette année, le prix du baril n'a jamais été inférieur à 44 dollars et, actuellement, il avoisine 55 dollars.

Sur cette évolution, dont j'imagine qu'elle va continuer, vous paraissez dans ce projet bien aveugles.

M. le Ministre délégué - Mais non, c'est la raison pour laquelle nous poussons le nucléaire !

M. Yves Cochet - Par ailleurs, vous reconnaissez l'existence de facteurs géopolitiques et économiques dans les tensions actuelles sur le marché des hydrocarbures. Mais leur importance est beaucoup plus grande que vous ne le dites ! Du point de vue géopolitique, le pétrole, disons-le, c'est la guerre ; j'y reviendrai. Du point de vue économique, nous entrons dans une ère d'excès structurel de la demande sur l'offre, ce qui n'était jamais arrivé.

Enfin, il est une dimension qui vous a totalement échappé : le déclin géologique. Les optimistes aveugles imaginent un pic de production vers 2020-2025, alors qu'il sera atteint avant 2010 : le compte à rebours est lancé. Ne pas en tenir compte dans cette loi d'orientation, c'est être irresponsable !

Ce projet est en fait un leurre pour masquer la volonté de relancer le nucléaire en France, avec un démonstrateur EPR. EDF a déjà annoncé le choix du site de Flamanville, dans la Manche, et la Commission nationale du débat public est saisie, alors que nous n'avons pas achevé d'examiner ce texte ! On lance l'opération avant que le législateur ait pris sa décision. Quel déni du rôle du Parlement !

La situation énergétique, au niveau mondial comme au niveau de l'Europe et de notre pays, nous impose une responsabilité historique qui appelait un texte d'une tout autre ambition. C'est une politique différente que je m'efforcerai de présenter à travers mes amendements.

M. Jean-Pierre Nicolas - Nous abordons cette seconde lecture à un moment où l'évolution du prix du pétrole, la polémique sur l'approvisionnement de la France en gaz naturel ou encore sur la production d'électricité en Corse démontrent l'impérieuse nécessité d'une politique énergétique servant quatre objectifs fondamentaux : la sécurité d'approvisionnement, la préservation de l'environnement, la garantie de prix compétitifs et l'accès de tous nos concitoyens à l'énergie.

Alors que nous nous rapprochons inexorablement du fameux « peak oil », c'est-à-dire du point culminant dans l'extraction des produits pétroliers, il est donc impératif, comme le fait ce texte, de mettre l'accent sur la maîtrise de l'énergie.

De très gros efforts ont été réalisés dans l'industrie à la suite du choc pétrolier de 1974. Désormais, nous devons les concentrer sur les secteurs des transports et du logement. A cet égard, le développement des biocarburants et les certificats d'énergie sont des pistes intéressantes, mais s'agissant de ces derniers, il conviendrait de s'interroger, au moins pendant la période de démarrage, sur le niveau de la pénalité et la durée de validité.

Le recours aux énergies renouvelables est indispensable. On peut penser que le soutien au solaire portera ses fruits à terme tant il est vrai que, dans le domaine énergétique, les conséquences des décisions prises n'apparaissent que très progressivement dans les bilans énergériques.

Pour concourir, comme vous affichez le souhait à couvrir 21 % de la production d'électricité avec des énergies renouvelables à l'horizon 2010, l'éolien doit faire l'objet de dispositions permettant un véritable changement de braquet. En effet, si 76 % des Français se déclarent favorable à l'énergie éolienne, force est de constater qu'elle se heurte à l'opposition déterminée d'élus et de citoyens qui considèrent que la législation actuelle favorise le mitage de nos paysages ruraux et du littoral et renchérit sensiblement le coût de l'électricité. C'est pourquoi il me paraît de bon sens de nous diriger vers la création de véritables parcs nationaux éoliens, en intéressant fiscalement non pas seulement les communes d'implantation, mais toutes les communes concernées. Cette stratégie pourra ainsi se prévaloir de l'intérêt général, alors que les rentes de situation actuelles sont vivement critiquées.

Dans cet esprit, l'obligation d'achat pourrait être réservée aux installations d'une puissance supérieures à 20 mégawatts. Cela réduirait sensiblement le coût de raccordement au réseau de transport et pousserait à une diminution de la contribution au service public de l'électricité, afin que son prix ne devienne pas dissuasif pour les utilisateurs.

Quant au nucléaire, il faut être lucide : il est indispensable, non seulement en France, mais aussi dans l'ensemble du monde développé, y compris en Chine et en Inde.

M. Yves Cochet - Et en Iran ?

M. Jean-Pierre Nicolas - Il n'y a pas d'autre solution pour faire la soudure avec les énergies abondantes mais encore lointaines que sont la fusion ou l'hydrogène. Certes, le nucléaire ne règle pas tous les problèmes et, compte tenu des réserves mondiales et de leur diversification géopolitique, pour ne pas parler de la dimension de l'opérateur national, la part du gaz naturel ira grandissant. Mais partout dans le monde se fait jour une vraie réflexion sur le nucléaire, qui semble le mieux à même de préserver notre niveau de vie.

Donnons à notre pays l'impulsion nécessaire pour qu'il occupe la place qui doit être la sienne dans l'industrie électronucléaire : la première. Je souhaite que ce débat, fondamental tant pour notre économie que pour notre société, fasse l'objet sur ces bancs d'un large consensus. Connaissant, Monsieur le ministre, votre ambition pour notre pays, je sais que vous saurez prendre les décisions à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. le Ministre délégué - Tous les orateurs ont exprimé des préoccupations tournées vers l'avenir, et qui ne sont d'ailleurs pas si éloignées les unes des autres. Hormis M. Cochet, qui apporte dans ce débat l'élément d'originalité, mais dont la voix est fort utile, je note un relatif consensus. Mais comment s'en étonner : les gouvernements successifs ont toujours travaillé dans la même ligne, à quelques nuances près.

Je remercie le rapporteur, M. Poignant, de son excellent travail de synthèse, ainsi que le président Ollier, bien qu'il ait démontré une fois de plus que la question des éoliennes soulevait les passions.

M. Dosé s'est exprimé avec la plus grande honnêteté intellectuelle et a fait valoir ses idées avec une modération qui a encore donné plus de poids à ses arguments. J'ai été très impressionné par son objectivité. L'exception d'irrecevabilité était un genre obligé mais l'artificialité de l'exercice n'a pas brouillé le message qu'il avait à faire passer.

Quant à M. Paul, nous sommes d'accord sur beaucoup de choses. Il est simplement quelque peu sorti du sujet en revenant sur l'ouverture du capital d'EDF, dont nous comprenons bien qu'elle ne peut être acceptée par le parti communiste.

Les orateurs de la majorité ont apporté un soutien sans faille au Gouvernement. Je retiens deux sujets de débat. Le premier concerne l'extension du crédit d'impôt : pour les bailleurs, ils peuvent déjà le déduire des recettes de loyer qu'ils perçoivent ; quant aux résidences secondaires, il faut considérer, outre le fait qu'elles sont par définition occupées de façon temporaire, le coût de la mesure.

Le deuxième sujet est naturellement l'éolien. J'espère que nous arriverons à trouver un compromis par amendements, car il me semble que tout le monde partage deux préoccupations : développer notre capacité - car personne ne demande la suppression de l'éolien -, tout en préservant nos paysages. Tout est une question de jugement : il est des endroits où plusieurs éoliennes ne sont pas gênantes et d'autres où une seule est de trop. Au début de 2002, il y avait 100 mégawatts installés, et 405 au début de 2005. Pour l'instant, 363 projets sont déposés, pour 2 525 mégawatts. Ils sont en attente de permis de construire. Entre 2002 et 2004, 175 permis ont été délivrés, pour 825 mégawatts, dont 80 font l'objet d'un contentieux, et 95 ont été refusés. L'éolien est donc en progression, même si ce développement se heurte à des obstacles. Il faut trouver un équilibre pour éviter le risque de mitage, auquel l'opinion est très sensible. Le Parlement doit être capable de trouver une solution : nos compatriotes ne comprendraient pas qu'on empêche le développement de l'éolien, et pas plus qu'on ne garantisse pas la préservation des paysages.

En ce qui concerne l'EPR, je rappelle qu'il s'agit d'un démonstrateur, pas d'une tête de série. La question du renouvellement du parc ne se posera qu'en 2015, les installations devant être construites en 2020. M. Cochet se scandalise que la Commission nationale du débat public soit déjà à l'œuvre, mais le Parlement n'a - qu'il n'y voie pas d'offense - aucune raison d'intervenir dans ce sujet ! C'est au conseil d'administration d'EDF de prendre la décision !

M. Yves Cochet - Il est un peu forcé !

M. le Ministre délégué - Dans cette affaire, le Gouvernement a pris toutes ses responsabilités. En tout état de cause, ce n'est pas dans la loi d'orientation pour l'énergie que la décision doit être prise.

M. Yves Cochet - C'est fort dommage !

M. le Ministre délégué - Le choix du nucléaire, Monsieur Cochet, a été fait dans les années 1970. Il n'y a plus de décision historique à prendre : il faut rester dans la continuité, sauf à décider, comme vous le souhaiteriez, d'abandonner le nucléaire. C'est la voie que vous avez essayé de suivre avec l'arrêt malheureux de Superphénix, faisant prendre du retard à la recherche française qui avait une génération d'avance. Vous l'avez lourdement handicapée et risqué de lui faire perdre son avantage compétitif. Je regrette, à ce propos, que vous ne soyez pas venu au forum qui s'est tenu à Bercy à l'initiative de l'Agence internationale pour l'énergie atomique. Vous auriez vu la communauté internationale, avec 74 pays, dont 26 représentés par des ministres, rendre hommage à la France et exprimer leur admiration devant le choix historique des années 1970 et devant le consensus politique remarquable qui s'est ensuivi. Vous avez évoqué le prix du pétrole : il est évident qu'il s'envole, et je pense, comme vous, que cette tendance va se maintenir. Mais nous n'en tirons pas les mêmes conséquences. Selon vous, la France a le devoir de faire le maximum pour développer toutes les énergies alternatives, renouvelables ou autres, y compris le nucléaire, qui est tout de même la meilleure solution en matière de rejets.

M. Yves Cochet - Mais non !

M. le Ministre délégué - Nous pensons, comme vous, que le prix du pétrole risque de devenir inabordable un jour et que cette source d'énergie, au-delà de la pollution qu'elle entraîne, fait courir un véritable risque de guerre. Simplement, nous en tirons toutes les conséquences quand vous n'en tirez aucune, vous contentant de réclamer le développement de l'éolien...

M. Yves Cochet - Pas du tout !

M. le Ministre délégué - Avouez que c'est un peu court ! L'ensemble des parlementaires, à votre exception notable, pense, comme nous, qu'il convient de diversifier notre approvisionnement énergétique et de développer toutes - je dis bien toutes - les sources d'énergie alternatives au pétrole. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 45.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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