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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 87ème jour de séance, 212ème séance

1ère SÉANCE DU LUNDI 9 MAI 2005

PRÉSIDENCE de M. Maurice LEROY

vice-président

Sommaire

DÉCLARATION D'URGENCE 2

RÉUNION D'UNE COMMISSION
MIXTE PARITAIRE 2

ADAPTATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE DANS LE DOMAINE
DE LA JUSTICE 2

ARTICLE PREMIER 10

ART. 2 11

ART. 3 11

ART. 4 11

APRÈS L'ART. 4 11

ART. 5 11

APRÈS L'ART. 5 12

AVANT L'ART. 6 15

ART. 6 15

AVANT L'ART. 6 (suite) 15

ART. 7 15

La séance est ouverte à dix-sept heures.

DÉCLARATION D'URGENCE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.

RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le Président - J'ai reçu du Premier ministre une lettre m'informant qu'il avait l'intention de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation sur l'énergie.

ADAPTATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE DANS LE DOMAINE DE LA JUSTICE

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Ce projet de loi a pour principal objectif de transposer dans notre droit quatre directives et décisions-cadre du Conseil de l'Union européenne.

L'article premier tend à transposer la directive du 27 janvier 2003 qui vise à améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières par l'établissement de règles minimales communes relatives à l'aide judiciaire. Toute personne, quelle que soit sa nationalité, dès lors qu'elle réside dans un Etat membre de l'Union, ou qu'elle y a son domicile, pourra obtenir l'aide juridictionnelle de l'Etat membre dans lequel elle souhaite agir en matière civile ou commerciale, au stade pré-contentieux ou juridictionnel, ou pour obtenir l'exécution d'une décision de justice.

La demande sera examinée suivant les critères d'admission de l'Etat dans lequel siège la juridiction compétente. Ainsi, un Français qui veut agir en Pologne transmettra, le cas échéant, sa demande au service central du ministère de la justice chargé de l'expédition, qui la vérifiera avant de l'envoyer en Pologne où elle sera étudiée selon les critères polonais.

Cependant, cette aide n'est pas accordée lorsque les frais de la procédure peuvent être pris en charge au titre d'un contrat d'assurance de protection juridique ou par d'autres systèmes de protection.

Lorsqu'elle est accordée en France, l'aide juridictionnelle assure à son bénéficiaire le concours des auxiliaires de justice et la prise en charge des frais afférents à l'instance.

L'article 2 du projet de loi vise à transposer la décision-cadre du 6 décembre 2001 afin de renforcer par des sanctions pénales la protection contre le faux monnayage.

En l'état actuel de notre droit, et selon une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation, « seule une condamnation prononcée par une juridiction française peut constituer l'un des termes de la récidive ». Reconnaître comme premier terme de la récidive une décision étrangère constitue donc une avancée juridique d'importance.

La reconnaissance d'une telle récidive est le prolongement de l'initiative que nous avons engagée en 2003 avec l'Allemagne, l'Espagne et la Belgique, pour faciliter et accélérer la transmission des condamnations par l'interconnexion de nos casiers judiciaires nationaux. Opérationnel à la fin de cette année, ce dispositif donnera les moyens aux autorités judiciaires françaises d'avoir connaissance des condamnations étrangères.

J'ajoute enfin que cette question de la récidive internationale est devenue d'une grande actualité, la Commission européenne venant de déposer, sur ce thème, un projet de décision-cadre plus ambitieux.

Les articles 3 et 4 du projet visent à transposer la décision-cadre du 22 juillet 2003 relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé, qui a pour objet de réprimer tous les faits de corruption, active ou passive, commis « dans le cadre d'activités professionnelles », de « personnes qui exercent une fonction de direction ou un travail, à quelque titre que ce soit, pour une entité du secteur privé, à but lucratif ou non lucratif ».

Par ailleurs, le texte vise à harmoniser les sanctions en obligeant les Etats membres à prévoir des peines maximales d'au moins un à trois ans d'emprisonnement et la possibilité de prononcer une mesure de déchéance temporaire d'exercer certaines activités ou de diriger une entreprise.

Enfin, l'article 5 de cette décision-cadre oblige les Etats membres à prévoir un régime de responsabilité des personnes morales.

La transposition de cette décision-cadre est d'autant plus importante que nos concitoyens sont attentifs à tout ce qui touche à la probité, qu'elle soit ou non publique.

En l'état actuel de notre droit, seule la corruption des dirigeants ou des salariés qui commettraient un acte à l'insu de leurs employeurs est réprimée en droit français, les autres formes de corruption étant sanctionnées au titre de l'abus de biens sociaux ou de confiance, du recel, du faux et usage de faux. Ce texte élargit donc la définition de la corruption dans le secteur du travail en allant au-delà de la relation employeur-salarié et en supprimant le caractère secret de cette corruption.

Enfin, les nouveaux articles 445-3 et 445-4 du code pénal prévoient les peines complémentaires encourues par les personnes physiques, ainsi que la responsabilité pénale des personnes morales, selon les modalités habituelles.

Dans un souci de coordination, l'article 4 du projet de loi abroge le chapitre relatif à la corruption dans le code du travail.

L'article 5 du projet de loi vise à transposer la décision-cadre du 22 juillet 2003 relative à l'exécution dans l'Union européenne des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve, et une nouvelle section cinq est à ce titre insérée dans le chapitre II du titre X du livre IV du code de procédure pénale.

Cette nouvelle section est divisée en trois parties.

La première - les dispositions générales -, regroupe les règles relatives aux conditions de fond et de forme d'une décision de gel de biens ou d'éléments de preuve. Elles ont vocation à s'appliquer aux décisions émises par les juridictions françaises mais également à celles rendues par les juridictions des autres Etats membres de l'Union européenne, dont les juridictions françaises devront vérifier la régularité formelle de la demande d'entraide avant leur exécution.

Les dispositions relatives à l'émission d'une décision de gel d'un bien ou d'un élément de preuve par les juridictions françaises sont contenues dans les futurs articles 696-9-7 à 696-9-9 du code de procédure pénale.

Le projet de loi confie aux autorités compétentes - le Procureur de la République, le juge d'instruction, le juge des libertés et de la détention ou les juridictions de jugement - la faculté de rendre des décisions de gel visant des biens ou des éléments de preuve qui se trouvent sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne, dès lors qu'elles auraient été compétentes pour le faire si le bien ou l'élément de preuve dont il s'agit avait été situé sur le territoire français.

Les dispositions relatives à l'exécution d'une décision de gel d'un bien ou d'un élément de preuve par les juridictions françaises figurent, pour leur part, aux futurs articles 696-9-10 à 696-9-30 du code de procédure pénale.

Le projet de loi organise la procédure d'exécution des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve rendues par les juridictions des autres Etats membres de l'Union européenne dans les conditions les plus proches possibles de celles qui seraient mises en œuvre si la saisie était effectuée dans le cadre d'une procédure pénale française.

Le mécanisme prévu par le projet de loi encadre la procédure d'exécution d'une décision de gel dans des délais très brefs afin de se conformer à ceux impartis aux Etats membres de l'Union européenne par la décision-cadre.

Enfin, l'article 6 du projet de loi introduit un nouvel article 465-1 dans le code de procédure pénale destiné à renforcer l'efficacité des amendes et des confiscations prononcées en matière délictuelle par les juridictions pénales en reconnaissant à ces dernières la faculté d'ordonner des mesures conservatoires sur les biens de la personne condamnée.

Je crois que l'ensemble du dispositif assure une transposition fidèle des textes de droit européen considérés et permet à notre législation d'effectuer certaines avancées substantielles.

Je ne doute pas, Mesdames, Messieurs les députés, que vous adopterez le projet de loi qui vous est soumis, enrichi des propositions de la commission des lois et de son rapporteur, que je remercie très vivement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Emile Blessig, rapporteur de la commission des lois - Formulée pour la première fois en 1977, la notion d'espace judiciaire européen tarde à se concrétiser en dépit de son incontestable nécessité.

En effet, si la construction européenne en matière économique et financière est aujourd'hui parachevée grâce à la libre circulation des hommes et des biens et à l'adoption d'une monnaie unique, il n'en est pas de même en matière policière et judiciaire, malgré le développement de la criminalité organisée.

L'Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants rapporte ainsi en 2003 que « les infractions à la législation sur les stupéfiants ont enregistré une augmentation de 24,39 % par rapport à l'année 2002, le phénomène connaissant une amplification préoccupante ». En outre, poursuit l'Office, « le contexte international fait craindre une arrivée croissante de substances stupéfiantes sur le territoire national ».

Quant à l'Office central pour la répression du faux monnayage, il estime « qu'avec 30 % du total des faux euros mis en circulation en Europe en 2004, la France apparaît comme le pays de la zone euro le plus touché devant l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne. »

S'agissant des condamnations prononcées pour association de malfaiteurs, elles sont passées d'une centaine en 1994 à 254 en 2002, alors que les condamnations sanctionnant un crime ou un délit commis en bande organisée sont passées de 29 en 1994 à 486 en 2002.

Face à ces nouvelles formes de criminalité organisée transnationale, l'Union européenne tente d'apporter des réponses dont l'efficacité reste limitée en raison du cadre institutionnel dont elles sont issues. En effet, la construction de l'espace pénal européen procède du « troisième pilier » de l'Union européenne créé par le traité de Maastricht en 1992, et se caractérise par une logique intergouvernementale, et non communautaire.

Les progrès en ces matières ne peuvent donc qu'être difficiles et progressifs. C'est ainsi que les conventions du 10 mars 1995 et du 27 septembre 1996 relatives à l'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne ne sont toujours pas entrées en vigueur. De même, Europol et Eurojust, acteurs intégrés de la coopération judiciaire, ne sont pas encore pleinement identifiés en tant que partenaires habituels par les services nationaux d'investigation compétents.

Pour remédier à ces lenteurs, le traité d'Amsterdam a rénové les instruments de la coopération judiciaire civile et pénale. En matière civile, la coopération judiciaire a été communautarisée : c'est donc la procédure législative européenne ordinaire qui s'applique. Grâce à cette base légale, les mesures relatives à l'aide judiciaire dans les affaires transfrontalières ont été fixées par une directive du 27 janvier 2003, qui est transposée par l'article premier du projet de loi. Cette directive étend notamment le bénéfice de l'aide juridictionnelle aux litiges transfrontaliers de nature civile ou commerciale. La coopération judiciaire en matière pénale a été, elle, favorisée par la mise en place de la procédure de la décision-cadre, qui lie les Etats membres quant aux résultats à atteindre, les instances nationales restant compétentes quant à la forme et aux moyens. La décision-cadre représente un progrès par rapport aux conventions internationales, mais est loin d'être la solution idéale : il s'agit d'une procédure lourde, car la décision ne peut être adoptée qu'à l'unanimité, et elle ne bénéficie pas de la force contraignante habituellement attachée au droit communautaire puisqu'elle ne peut entraîner d'effet direct.

Cependant, le traité établissant une constitution pour l'Europe propose des avancées significatives. Est d'abord inscrit pour la première fois dans un traité le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires : une décision de justice rendue dans un Etat membre doit être exécutée par les autorités d'un autre Etat membre comme si elle avait été rendue par lui, compte tenu de la confiance réciproque existant entre eux. Ensuite, la décision-cadre est supprimée : la coopération judiciaire sera régie par la procédure législative ordinaire, c'est-à-dire à la majorité qualifiée, avec un pouvoir de codécision du Parlement européen. Enfin, ont été édictées des règles minimales en matière de droit pénal matériel dans des domaines tels que le terrorisme, la traite des êtres humains, l'exploitation sexuelle des femmes et des enfants ou la criminalité informatique et de la criminalité organisée.

En attendant ces avancées, le présent projet de loi transpose plusieurs décisions-cadres. Son article 2 transpose celle du 6 décembre 2001, selon laquelle les condamnations définitives prononcées par un autre Etat membre en matière de faux monnayage sont génératrices de récidive. Le développement de cette activité criminelle sur notre sol donne une importance toute particulière à cette disposition. L'article 3 transpose en droit interne la décision-cadre du 22 juillet 2003 relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé. Deux points ont donné lieu à débat en commission. D'abord, son champ d'application ne devrait-il pas englober le monde associatif, au lieu de se limiter à celui de l'entreprise ? Ensuite, les personnes titulaires d'un mandat électif public, qui sont bien entendu soumises aux dispositions relatives à la corruption dans le domaine public, le sont aussi aux présentes mesures, contrairement aux personnes investies d'une autorité publique ou chargées d'une mission de service public. En cas de corruption dans le cadre de l'exercice de leur mandat, ce sont les règles publiques qui s'appliquent, mais si la corruption relève de l'exercice professionnel de l'élu, elle devrait être régie par les présentes dispositions. Néanmoins, les deux incriminations se chevauchent, et il faudra faire preuve de beaucoup de discernement et de précision dans la qualification juridique des faits, car les peines prévues en matière de corruption publique sont infiniment plus sévères. Nos débat devront clairement indiquer les priorités du législateur.

L'article 5 porte transposition de la décision-cadre relative à l'exécution dans l'Union européenne des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve. Ces décisions, qui correspondent à des mesures de saisies conservatoires, seront directement transmises de juridiction à juridiction et ne transiteront donc plus par les autorités centrales selon une procédure conventionnelle longue et complexe. Cet article a été approuvé par la commission, car il promet une efficacité nouvelle, tant en matière de délais - la réponse doit en règle générale être donnée dans les 24 heures - que de voies de recours. Ainsi, les autorités françaises saisies d'une demande de gel pourront la refuser si la personne a déjà été condamnée pour les mêmes faits, en application de l'adage non bis in idem, ou si la personne est poursuivie en raison de sa race, de sa religion, de son origine ethnique ou de ses opinions politiques.

L'article 6, lui, ne procède d'aucun texte européen. Il donne la possibilité au tribunal correctionnel de prononcer des mesures conservatoires sur les biens de la personne concernée afin de garantir le paiement de l'amende ou l'exécution de la confiscation prononcées. Ces dispositions introduisent une modification substantielle dans notre droit, qui subordonne le prononcé de ce type de peines à la double condition qu'une peine de prison soit encourue et prononcée. La commission des lois proposera donc qu'elles soient examinées ultérieurement, dans le cadre de la réflexion d'ensemble annoncée par le Garde des Sceaux sur les mesures conservatoires et d'exécution provisoire en matière de procédure pénale.

Enfin, l'article 7 rend les dispositions applicables dans les collectivités d'outre-mer régies par le principe de spécialité législative.

J'indique pour finir qu'un amendement de Jérôme Bignon visant à dépénaliser les amendes de stationnement et à confier aux municipalités la compétence d'en fixer le montant et de les recouvrer a été approuvé par la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Vaxès - Ce projet de loi vise à transposer dans notre droit quatre actes communautaires dérivés - une directive et trois décisions-cadre - qui n'ont que peu de liens entre eux.

L'article premier modifie la loi du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique, pour transposer la directive du 27 janvier 2003 visant à améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières par l'établissement de règles minimales communes sur l'aide judiciaire. Sont visés les litiges transfrontaliers en matière civile et commerciale. Certes, nous apprécions que l'on veuille ainsi améliorer l'accès à la justice, mais nous regrettons que la transposition introduise dans notre droit le principe de la subsidiarité du dispositif d'aide juridictionnelle au profit des contrats d'assurance. Rien ne nous y obligeait. La nouvelle rédaction est on ne peut plus claire : « L'aide juridictionnelle n'est pas accordée lorsque les frais couverts par cette aide sont pris en charge, soit au titre d'un contrat d'assurance, soit par d'autres systèmes de protection ». La subsidiarité n'est pas prévue dans la législation actuelle : et pour cause ! La question fait débat depuis le rapport Bouchet, du 10 mai 2001, qui proposait notamment de développer l'assurance de protection juridique. La question est donc tranchée, sans débat, au détour d'un texte de transposition... Certes, l'assurance responsabilité juridique existe déjà en France, mais on nous fait franchir une nouvelle étape dans la substitution progressive du marché privé de l'assurance au service public de l'aide sociale, sans que les concertations aient été menées à leur terme.

L'article 2 transpose une décision-cadre du 6 décembre 2001 qui renforce la répression du faux monnayage. Il prévoit que les condamnations prononcées par les autres Etats membres de l'Union seront prises en compte au titre de la récidive. Cet article est donc contraire à une jurisprudence constante de la Cour de cassation, selon laquelle le premier terme de la récidive doit émaner d'une juridiction française. Ce serait d'ailleurs, selon l'exposé des motifs, pour cette raison que cette décision-cadre n'aurait pas été transposée plus tôt. Il faudra nous expliquer depuis quand une jurisprudence de la Cour de cassation peut empêcher la transposition d'un acte communautaire ! Je croyais que seule notre Constitution pouvait faire obstacle à la transposition d'un texte européen, comme ce fut le cas pour le mandat d'arrêt européen. Ceci dit, nous accueillons favorablement ces dispositions qui devraient nous permettre de lutter plus efficacement contre le faux monnayage.

Il en va de même des articles 3 et 4, relatifs à la lutte contre la corruption dans le secteur privé. Ce phénomène s'intensifie avec la mondialisation des échanges, et il est donc essentiel que l'Europe s'attaque à ce fléau. La transposition de la décision-cadre du 22 juillet 2003 modifie notre législation, notamment en élargissant le champ de la corruption privée au-delà de la relation entre employeur et salarié. Nous y sommes favorables. En revanche, l'intérêt de l'article 4 nous échappe. Pourquoi ne pas faire figurer les infractions créées par l'article 3 dans le code du travail ? Ne serait-ce pas le moyen d'écarter l'inspection du travail de la lutte contre la corruption ? Les inspecteurs du travail sont chargés de veiller à l'application des dispositions du code du travail et de constater les infractions. Aujourd'hui, ils sont compétents pour constater les faits de corruption : ils ne le seront plus une fois la décision-cadre transposée. Nous ne pensons pas que la lutte contre la corruption en soit améliorée. Certes, les inspecteurs et les contrôleurs du travail ne sont pas suffisamment nombreux pour accomplir au mieux les tâches qui leur sont confiées, mais en supprimant de leur champ de compétence les constatations de corruption, nous nous privons d'un moyen efficace de contrôle.

Si nous n'avons pas de remarque particulière à faire sur l'article 5, nous sommes en revanche en total désaccord avec l'article 6. Sous prétexte d'une transposition, le ministère introduit un article qui vise à modifier le code de procédure pénale en prévoyant que lorsque le tribunal prononce une peine d'amende ou la confiscation d'un bien de la personne condamnée, des mesures conservatoires non susceptibles d'appel peuvent être ordonnées. Le second alinéa prévoit que ces mesures sont exécutoires nonobstant opposition, appel ou pourvoi en cassation. Ainsi, une personne condamnée en première instance - notamment à une peine d'amende ou à la confiscation d'un bien - pourra être privée de ses biens selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution alors même que sa condamnation n'est pas devenue définitive et qu'elle pourrait être annulée en appel. Nous soutenons donc les amendements 21 et 22 de la commission qui tendent à supprimer cet article inacceptable.

En revanche, nous nous opposons à l'amendement-cavalier de M. Bignon visant à instituer un service public décentralisé du stationnement payant. Une mission interministérielle réfléchit en ce moment même à une éventuelle réforme et devrait rendre son rapport dans deux mois : pourquoi, dès lors, tant de précipitation? Ces méthodes ne sont pas dignes d'un législateur respectueux de son mandat.

Compte tenu de ces réserves, le groupe communiste et républicain s'abstiendra sur ce texte.

Puisque le rapport fait une référence élogieuse au projet de Constitution européenne, vous comprendrez que nous l'évoquions. La seule justice dont il question dans ce traité est celle qui garantit la liberté du commerce et de la concurrence. En effet, le traité ne s'attache nullement à renforcer la coopération des appareils répressifs nationaux et européens pour assurer l'effectivité des droits civils et sociaux ou garantir le respect des libertés publiques et individuelles, alors que cela aurait été fondamental pour la construction d'une justice européenne de qualité au service des peuples. Voilà un argument supplémentaire pour voter contre ce traité et me rendre dès ce soir, après la réponse de M. le ministre aux orateurs inscrits dans la discussion générale, à la manifestation qui se tient Place de l'Europe pour exiger un débat honnête et pluraliste sur l'Europe.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Quel rapport ?

M. Guy Geoffroy - L'espace judiciaire européen avance, et avancera encore plus vite lorsque le traité constitutionnel aura été adopté : il avance sur le plan de la lutte contre la grande criminalité, mais aussi de la justice pénale, civile et commerciale comme en témoigne le projet dont nous débattons.

Ce texte constitue une étape essentielle en matière de transposition. J'ai été l'un des rapporteurs des projets autorisant le Gouvernement à transposer par voie d'ordonnance certaines directives ou décisions-cadre. J'ai alors souvent entendu dire qu'il fallait aller encore plus loin sur le plan parlementaire : c'est-là une raison supplémentaire de nous réjouir d'une transposition relativement rapide.

Les quatre textes en question sont d'une grande importance. Le premier vise à transposer une directive du 27 janvier 2003 qui apportera à notre législation des éléments nouveaux complétant le dispositif de la loi de 1991 : les citoyens européens concernés par des juridictions qui ne sont pas celles de leur pays d'origine seront ainsi mieux défendus et pourront mieux faire valoir leur point de vue. Cette directive permet une prise en charge de toute la procédure, de la phase pré-contentieuse jusqu'à l'exécution de la décision de justice, y compris sur un plan financier en tenant compte par exemple des frais de déplacement. Elle doit être transposée dans notre droit positif sans modification substantielle.

Au nom de l'UMP, je salue le travail engagé au sein de l'Union européenne par les quatre pionniers que sont la France, la Belgique, l'Allemagne et l'Espagne concernant le renforcement de l'interconnexion des casiers judiciaires. La directive de décembre 2001, elle, permet de faire jouer sous une forme nouvelle la notion de récidive pour le faux monnayage, ce dont je me félicite puisque cela permettra de renforcer la directive du 29 mai 2000 transposée dans notre droit en décembre 2001. Cette deuxième décision mérite également d'être transposée dans notre droit positif.

Les deux dernières décisions, qui datent de juillet 2003, portent sur la corruption privée et le gel de biens ou d'éléments de preuve. Le texte présente en particulier l'avantage de définir précisément le terme de « corrompu privé » et, plus globalement, de faire progresser la coopération judiciaire, de mieux définir le rôle de l'ensemble des magistrats en matière de gel de biens. C'est une raison de plus pour le voter.

Nous avons beaucoup avancé depuis trois ans, Monsieur le Garde des Sceaux, et nous savons combien vous oeuvrez pour renforcer cette dynamique, y compris en défendant le traité constitutionnel. Nous avons apporté notre concours à la mise en œuvre du mandat d'arrêt européen, de même qu'à la mise en place d'un procureur européen. Nous irons plus loin sur la piste suggérée, passant par une transformation progressive d'Eurojust : en adoptant le traité, les Français comprendront que l'Union européenne est au service de l'ensemble de ses citoyens.

Pour faire d'ores et déjà des pas en direction d'une Europe qui fonctionne mieux, nous vous proposons - et l'UMP le fera sans hésitation - d'adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christophe Caresche - Je veux à mon tour souligner l'apport à la législation française que représente la construction d'un espace judiciaire européen. Nous en avons, avec ce projet, une nouvelle illustration, dans des domaines aussi importants que celui de la corruption, par exemple. Je souhaite aussi, à l'heure où notre pays est engagé dans une campagne référendaire décisive sur le traité constitutionnel, souligner l'importance des dispositions de ce dernier qui concernent l'espace judiciaire, et le pas important qui serait franchi en la matière s'il était adopté. Vous l'avez écrit, Monsieur le rapporteur : le traité constitutionnel apporte dans ce domaine des éléments particulièrement importants, du fait notamment que les décisions européennes à ce sujet seraient prises à la majorité qualifiée. Quand on voit les difficultés que rencontrent tous les gouvernements successifs, depuis des années, pour progresser vers la création d'un véritable espace judiciaire européen, on mesure combien l'adoption du traité serait un formidable accélérateur.

Pour l'heure, il s'agit de transposer dans notre droit un certain nombre de directives et de décisions-cadre, et je soulignerai leur apport dans deux domaines. Le premier est l'extension du champ d'application de l'aide juridictionnelle aux litiges transfrontaliers. Elle résulte directement de la Charte des droits fondamentaux : ceux qui se demandent à quoi sert cette charte ont là une réponse concrète. Une autre avancée due à l'Europe concerne la corruption. La législation française concernant la corruption dans le secteur privé était en effet très imparfaite, et ne permettait pas de poursuivre tous ceux qui devraient l'être. La transposition entraîne la création d'une incrimination nouvelle : nouvelle illustration - à l'heure, encore une fois, de la campagne référendaire - de l'apport européen à notre pays et à notre législation.

Ce projet va donc dans le bon sens. Je n'ai qu'un regret : nous n'y trouvons pas la transposition de la décision-cadre du Conseil européen du 29 janvier 2003 sur la protection de l'environnement, qui prévoit la généralisation de la responsabilité pénale des personnes morales. J'avais cru comprendre qu'il était question de l'inclure dans ce texte, mais cela n'a pas été fait ; je me permets donc, Monsieur le ministre, de vous en demander l'explication.

Le projet prévoit une extension de l'aide juridictionnelle pour faciliter l'accès au droit des usagers engagés dans des litiges transfrontaliers. Cette aide juridictionnelle ne jouera qu'à titre subsidiaire, à défaut d'une prise en charge par un autre biais, notamment par les assurances. On comprend la raison de cette règle ; elle n'en posera pas moins des problèmes de preuves et de délais, et je souhaite savoir ce qui est envisagé pour éviter que les bénéficiaires, par définition les plus démunis, subissent la pression de la loi ou l'inertie des compagnies d'assurance.

Dans le domaine de la corruption, vous proposez une mise à niveau salutaire pour ce qui est des peines encourues, qui ne devrait pas poser de problèmes, étant admis que le loi la plus douce s'appliquera aux affaires en cours. La clarification des qualifications, qu'évoque notre rapporteur, laisse entrevoir une possible redéfinition des domaines de l'abus de biens sociaux et du blanchiment, plus étroitement entendus, et de la corruption, qui reste plus générale. Si c'est le cas, la nouvelle incrimination aura-t-elle des conséquences pour les affaires en cours ?

Un mot enfin sur l'amendement de M. Bignon, adopté par la commission, sur la décentralisation du stationnement payant. J'ai bien compris que certains cherchaient un « véhicule » (Sourires ) législatif pour que ce texte, auquel nous sommes attachés, puisse voir le jour. Nous avons donc voté cet amendement. Mais j'observe que ce débat dure depuis des mois, alors même qu'il s'agit d'une préconisation du rapport commandé par le Premier ministre à M. Philip ; et depuis des mois nous avons du mal à conclure sur une question dont les conséquences ne paraissent pourtant pas si dramatiques... Nous avons eu le sentiment que ce problème prenait une importance démesurée au sein de certaines administrations. De quoi s'agit-il ? De donner aux communes la maîtrise du stationnement payant. Nous devons être le dernier pays en Europe où ce domaine relève de l'Etat ! Il est clair que l'amendement va dans le bon sens. Il peut poser ici où là des problèmes budgétaires, et je comprends que certains chefs de bureau craignent pour leur cassette ; mais ce n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Il y a là une demande légitime des collectivités locales. D'autant que l'amendement a tenu compte de beaucoup des critiques formulées. Il propose un plafonnement de la sur-redevance, et un système optionnel pour les collectivités : il entoure donc de beaucoup de garanties cette mesure, qu'approuve le groupe socialiste.

M. Michel Hunault - Ce projet a pour objet de transposer des directives et décisions-cadre qui entraînent une modification du code pénal, du code de procédure pénale et de la loi sur l'aide juridictionnelle. Cette transposition permet d'établir des règles communes à tous les Etats de l'Union européenne concernant l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières ; l'instauration d'une infraction relative à la récidive internationale en matière de faux monnayage ; et de poser des règles relatives à la lutte contre la corruption dans le secteur privé. Elle permet enfin de fixer les règles à partir desquelles un Etat de l'Union reconnaît et exécute sur son territoire une décision de gel de biens ou d'éléments de preuve émise par une autorité judiciaire d'un autre Etat de l'Union dans le cadre d'une procédure pénale. Je veux, comme l'orateur précédent, saluer l'opportunité de débattre d'un tel projet en plein débat sur l'Europe : il démontre la nécessité, au regard des défis que rencontre aujourd'hui l'efficacité judiciaire, de contribuer à la construction d'un espace européen de justice et de liberté.

Le projet facilite d'autre part, grâce à des règles communes, l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières, ces litiges de plus en plus nombreux aujourd'hui, en matière civile mais aussi commerciale. En conséquence, la loi sur l'aide juridictionnelle, qui date de 1991, doit être modifiée par cette transposition. Celle-ci prend en compte les différences de niveaux de vie entre les Etats membres pour ce qui est des conditions de ressources déterminant l'éligibilité à l'aide juridictionnelle. Elle permet également une définition des frais pris en charge par l'aide juridictionnelle.

Quant à l'instauration d'une infraction relative à la récidive internationale en matière de faux monnayage, la transposition permet la reconnaissance du principe de récidive par chaque Etat membre après une condamnation définitive prononcée par une juridiction de l'un d'entre eux. Ceci permettra de renforcer la lutte contre le faux monnayage à l'échelle de l'Union européenne. Cette transposition est par ailleurs conforme aux travaux en cours au niveau européen sur la reconnaissance mutuelle des décisions de justice. Elle converge avec le souci de faciliter la coopération entre les casiers judiciaires des différents pays, première étape vers un casier judiciaire européen.

Avec l'élaboration de règles de lutte contre la corruption dans le secteur privé, le principal objet de la transposition est d'obtenir que tous les Etats membres instaurent une incrimination pénale et des sanctions efficaces contre les faits de corruption commis, à quelque titre que ce soit, dans le domaine privé. Car la corruption dans ce secteur, comme dans le secteur public, met en péril l'Etat de droit, crée des distorsions de concurrence et nuit au développement économique.

La décision-cadre que vous nous demandez de transposer vise donc à réprimer tous les faits de corruption, active ou passive, commis dans le cadre d'activités professionnelles de personnes qui exercent une fonction de direction ou un travail, à quelque titre que ce soit, pour une entité du secteur privé à but lucratif ou non lucratif.

Conformément aux conclusions du Conseil européen de Tampere, le texte oblige les Etats membres à prévoir des peines minimales et à harmoniser les sanctions.

La portée de la transposition est double. Elle élargit le champ d'application de la notion de corruption et elle fait obligation aux Etats membres de prévoir un régime de responsabilité des personnes morales.

Cette transposition s'inscrit dans un vaste mouvement législatif pour l'éthique. Notre assemblée a déjà transposé les conventions de lutte contre la corruption adoptées par le Conseil de l'Europe, et plus récemment une convention de l'OCDE.

Enfin, le texte donne aux autorités françaises actuellement habilitées à décider du gel d'un bien ou d'un élément de preuve à procéder aussi à de tels gels lorsque ces biens ou éléments de preuve se situent sur le territoire d'un autre Etat de l'Union européenne. Il contribue ainsi à la création d'un espace de justice et de sécurité intérieure.

A un moment où notre pays doit se prononcer sur le traité constitutionnel européen, nous nous réjouissons de discuter de textes concourant à la création d'un espace européen pour une justice plus efficace. Le groupe UDF votera donc ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. le Président - J'appelle maintenant les articles du projet dans le texte du Gouvernement.

ARTICLE PREMIER

M. le Rapporteur - L'amendement 1 de la commission corrige une erreur de référence.

M. le Garde des Sceaux - Avis favorable.

Pour répondre à M. Caresche, je précise que la transposition en matière d'environnement a été adoptée en conseil des ministres le 20 avril dernier et devrait être prochainement présentée au Parlement dans un DDAC.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 2 est un amendement de clarification rédactionnelle.

M. le Garde des Sceaux - Favorable.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Les amendements 3 et 4 sont rédactionnels.

Les amendements 3 et 4, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

M. le Rapporteur - Afin que le délit de corruption dans le secteur privé corresponde bien aux peines complémentaires qui lui sont applicables, l'amendement 5 précise que le champ d'application de ce délit concerne également les personnes exerçant une « activité sociale » dans le cadre de laquelle elles ont été corrompues ou corruptrices. Extension, donc, au secteur associatif.

M. le Garde des Sceaux - Avis favorable.

L'amendement 5, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 6 est de coordination.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 7 est rédactionnel.

L'amendement 7, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

L'article 4, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 4

M. le Rapporteur - L'amendement 8 est un amendement de cohérence avec la suppression de l'article L. 152-6 du code du travail.

L'amendement 8, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

M. le Rapporteur - L'amendement 9 est rédactionnel.

L'amendement 9, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 10 rectifie une inexactitude : le procureur de la République ne constitue pas une juridiction au sens de notre code de procédure pénale.

L'amendement 10, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Le 11 est un amendement de précision.

L'amendement 11, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 12 est un amendement de coordination.

L'amendement 12, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 13 évite une redite.

L'amendement 13, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 14 rectifié est rédactionnel.

L'amendement 14 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - Le 15 est un amendement de cohérence rédactionnelle : partout ailleurs dans l'article, il est fait mention de taxes « ou » impôts.

L'amendement 15, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 16 est rédactionnel.

L'amendement 16, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Saisie d'un recours contre l'exécution d'une décision de gel d'un élément de preuve, la chambre de l'instruction peut autoriser l'Etat d'émission à intervenir à l'audience par l'intermédiaire d'une personne habilitée par lui à cet effet. Afin de simplifier la procédure tout en garantissant son caractère contradictoire, l'amendement 17 permet à cet Etat d'intervenir également directement grâce au recours à la visioconférence.

L'amendement 17, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Le 18 est un amendement de précision.

L'amendement 18, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 19, de cohérence, permet de recourir de même à la visioconférence pour les décisions de gel portant sur des biens.

L'amendement 19, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 5 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 5

M. le Rapporteur - Je laisse M. Philip présenter l'amendement 20.

M. Christian Philip - Chargé par la Délégation auprès de l'Union européenne d'un rapport annuel sur la transposition des directives et des décisions cadres, je tiens à féliciter le ministre de la justice de nous présenter ce projet, qui participe de la politique active que mène l'actuel Gouvernement pour rattraper le retard pris par la France dans ladite transposition.

Il y a deux ans, la situation difficile de nos finances publiques n'a pas permis de maintenir dans le budget de l'Etat la ligne de subvention aux investissements des collectivités locales dans le secteur des transports urbains. Partant de là, j'ai émis, à la demande du Premier ministre, un certain nombre de propositions pour trouver des solutions de remplacement. La dépénalisation du contrôle du stationnement payant sur voirie en faisait partie. Le Gouvernement ayant souhaité que cette réforme soit rapidement mise en œuvre, elle fait l'objet d'un amendement à ce projet, le 20.

Cette réforme vise à donner à nos collectivités une maîtrise complète de la politique du stationnement, élément clé d'une politique des déplacements urbains. Elles pourront soit organiser elles-mêmes le contrôle, soit y pourvoir par voie de délégation de service public. Et la question jusqu'ici non résolue du financement des transports publics dans nos agglomérations trouvera ainsi une réponse.

M. le Rapporteur - Cet amendement a donné lieu à un débat animé en commission avant d'être adopté. Je souhaite, pour ma part, répondre à ses auteurs, à titre personnel.

Il s'agit de dépénaliser le système des amendes du stationnement payant sur voirie. Intéressante pour les grandes communes, cette mesure mérite d'être regardée de plus près pour les petites : elle peut en effet avoir une incidence financière pour elle, puisque les conseils généraux assurent actuellement une certaine redistribution du produit des amendes.

S'agit-il, d'ailleurs, d'un problème de décentralisation ou d'un problème financier ? S'il s'agit de substituer une recette à des subventions, il ne faut pas présenter cela comme une avancée de la décentralisation. Certaines communes auront certes les moyens d'organiser un système de contrôle et de recouvrement de ces redevances supplémentaires, mais ce ne sera pas le cas de toutes. Or l'objectif de la décentralisation n'est pas de multiplier les services. Nous avons d'ailleurs, déjà, un service de recouvrement qui peut sans doute être amélioré, mais qui a le mérite d'exister sur l'ensemble du territoire.

L'idée mérite donc d'être approfondie. Elle ne peut, à mon sens, l'être dans le cadre de ce texte, d'autant qu'une mission interministérielle doit rendre dans les deux mois un rapport qui s'imposait au vu de la complexité du sujet. A titre personnel, je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le Président de la commission - Au-delà de l'idée - louable - de favoriser une politique des transports plus dynamique grâce à des recettes nouvelles, cet amendement marquerait, s'il était adopté, une évolution très importante du droit : le passage de l'amende à ce que ses auteurs appellent redevance - qualification qui me paraît sujette à caution, la redevance étant liée à un service, dont l'existence est discutable en l'espèce.

Vous êtes d'autant plus suspect de flou sur ce point, Monsieur Philip, que vous vous référez pour fixer le plafond de cette redevance - « au plus égal à 50 fois le tarif horaire maximal de la redevance, sans pouvoir excéder le montant des contraventions de la 1ère classe » - à l'amende.

Mieux vaut attendre les propositions de la mission nommée par le Gouvernement pour réfléchir au mode de recouvrement des amendes. Peut-être alors ce troisième essai pourra-t-il se transformer en coup de maître, Monsieur Philip !

M. le Garde des Sceaux - Je comprends fort bien la préoccupation de M. Philip et des auteurs de cet amendement. La politique du stationnement souffre d'une certaine incohérence, et rassembler dans une seule main la responsabilité de l'ensemble des décisions qui concourent à l'organisation de l'espace public est une idée intéressante.

L'amendement n'en soulève pas moins quelques questions. Il y a tout d'abord un vrai risque d'inconstitutionnalité, les cavaliers étant systématiquement invalidés par le Conseil constitutionnel. Je m'interroge d'autre part sur le passage du pénal au civil. Alors que l'amende maximale encourue est de 11 €, on passerait en effet à un système dans lequel l'aide juridictionnelle serait due par l'Etat pour 377 € par recours. L'enjeu n'est pas mince. La difficulté doit pouvoir être résolue en termes de droit, et l'objectif de cohérence de M. Philip être atteint autrement. Aussi souhaiterais-je qu'il retire son amendement dans l'attente des conclusions de la mission diligentée par le Gouvernement, afin d'arriver à une décision mûrement réfléchie.

M. Guy Geoffroy - Très bien.

M. Michel Hunault - Je rejoins pleinement le Garde des Sceaux. Ce projet de loi portant adaptation au droit communautaire transpose un certain nombre de directives, dont les orateurs n'ont pas manqué de rappeler l'apport dans le domaine de la justice à quelques jours de l'échéance historique que sera la ratification du traité constitutionnel.

L'amendement de M. Philip pose un vrai problème - les subventions aux investissements des collectivités locales en matière de transports, sujet qu'il connaît bien - mais il est fort éloigné du texte dont nous débattons. Il aurait en outre des conséquences non négligeables pour les petites communes, en compromettant la redistribution actuellement opérée au niveau départemental.

M. Christophe Caresche - Que je sache, l'article 6 de ce projet de loi ne transpose pas de directive européenne : je ne vois donc pas pourquoi cette disposition ne pourrait pas être également intégrée à ce texte.

Sur le fond, gardons-nous de réduire ce débat à un débat entre petites communes et grandes villes, ou entre villes et campagnes, tentation toujours forte ici et art que l'Etat manie avec une particulière dextérité en matière de décentralisation.

Permettez à un élu de grande ville de vous faire partager son expérience : le système actuel du stationnement payant dans les grandes villes est victime d'un véritable naufrage. Le montant peu dissuasif de l'amende - 11 € - et l'insuffisance des contrôles rendent la fraude plus rentable que le paiement du stationnement. Les tribunaux de police sont d'ailleurs engorgés du fait du système, à tel point que près de 30% des amendes ne sont même pas perçues.

On nous oppose le cas des petites villes. Mais elles trouveront aussi leur compte dans la proposition de M. Philip. Dans ces communes, c'est en effet le problème inverse qui se pose, puisque les maires hésitent à faire appliquer des amendes de 11 €, manifestement disproportionnées par rapport à la réalité de l'infraction. Une simple « sur-redevance » de 4 ou 5 € semblerait mieux adaptée.

Pour toutes ces raisons, le dispositif proposé par M. Philip semble digne d'intérêt : il témoigne d'une approche bien comprise de la décentralisation et apporte enfin à ce problème une solution qui, pour n'avoir que trop tardé, ne justifie pas un branle-bas de combat interministériel ou la production de multiples rapports ! Enfin, après que le Gouvernement a sabré l'essentiel des subventions aux transports urbains collectifs, le système préconisé par Christian Philip s'impose d'autant plus qu'aucune des propositions de son rapport n'a pour le moment été suivie d'effet.

M. Hervé Mariton - La question mérite en effet d'être traitée et Christian Philip la pose bien. En novembre dernier, nous l'avons soulevée dans le débat sur le budget des transports et il nous a alors été répondu que les inspections générales compétentes avaient été saisies, leur rapport devant être disponible avant la fin de l'année : six mois après, où en est-on ? La résolution du problème n'a que trop tardé, et l'on ne peut se satisfaire de la perpétuation d'un système contraire au principe d'égalité entre collectivités territoriales, dans la mesure où il laisse aux conseils généraux le soin de répartir des subventions d'Etat - au moins entre les communes ou EPCI de moins de dix mille habitants.

M. Guy Geoffroy - La contribution de M. Philip est extrêmement intéressante et le problème appelle en effet une solution rapide. Le groupe UMP est cependant hostile à tout cavalier législatif - c'est d'ailleurs à ce titre qu'il demande la suppression de l'article 6 dont nous allons débattre. Nous sommes par conséquent favorable au retrait de cet amendement.

M. Christian Philip - Considérons-le comme une piqûre de rappel, s'agissant d'une question restée trop longtemps en suspens. Ce qui distingue cet amendement des propositions antérieures, c'est qu'il permettrait aux communes ne souhaitant pas entrer dans le nouveau système de maintenir le statu quo. Quant au fondement juridique de la redevance, il est à rechercher dans l'occupation du domaine publique générée par le stationnement d'un véhicule plutôt que dans un hypothétique service rendu. Le dispositif proposé n'est sans doute pas à l'abri de toute critique, mais il avait le mérite d'apporter un début de réponse au problème non résolu du financement des transports urbains collectifs. La situation actuelle n'est bonne ni pour l'économie française ni pour nos villes : faute de moyens, les communes sont obligées de différer les investissements et les difficultés de circulation tendent à s'aggraver. Enfin, qu'il me soit permis de relever que les arguments opposés à nos suggestions ne se caractérisent pas par leur constance. La mission d'inspection générale promise hier s'éternise au point qu'elle n'est plus guère évoquée... Le problème est sérieux et il faut s'attacher à le résoudre sans plus tergiverser.

Pour répondre à la demande du Gouvernement, je préconise cependant le retrait de cet amendement au présent texte.

M. le Rapporteur - Puisqu'il me revient formellement de le retirer, je m'associe à la décision de M. Philip.

L'amendement 20 est retiré.

AVANT L'ART. 6

M. le Rapporteur - L'amendement 22 étant de cohérence avec la suppression de l'article 6 demandée par l'amendement 21, je propose que nous en débattions après l'examen de cet amendement.

M. le Président - Cela semble en effet plus logique.

ART. 6

M. le Rapporteur - L'amendement 21 demande donc la suppression de cet article, qui introduit un article 465-1 nouveau dans le code de procédure pénale, afin de permettre au tribunal correctionnel, lorsqu'il condamne une personne à une peine d'amende ou à une confiscation, d'ordonner des mesures conservatoires immédiatement exécutoires sur ses biens, en vue de garantir l'exécution de la décision de justice. Une telle novation juridique exige un débat approfondi, d'autant qu'il n'est pas démontré qu'elle soit conforme au principe de la proportionnalité des peines, auquel le Conseil constitutionnel est légitimement attaché. Compte tenu de son incidence sur les libertés publiques, il nous semble donc beaucoup plus opportun que la représentation nationale se saisisse de cette question dans le cadre de la réforme des mesures conservatoires et des procédures d'exécution provisoire annoncée par le Garde des Sceaux, plutôt que d'en décider à la faveur d'un texte qui n'a rien à voir. Prenons le temps d'aller au fond des choses.

M. le Garde des Sceaux - Les arguments de votre rapporteur - nécessité d'un débat approfondi et choix d'un véhicule législatif plus adapté - sont recevables et je m'en remets à la sagesse de votre Assemblée. J'insiste cependant sur la nécessité pour l'institution judiciaire de se doter de ce type de moyens conservatoires, de sorte que les décisions de justice soient effectivement suivies d'effets, même en cas d'appel.

M. Michel Hunault - Nous avons en effet tout intérêt à nous en tenir à la directive et à supprimer cet article, étant entendu qu'il s'agit d'une question sur laquelle nous devrons revenir. En tout état de cause, ce nouvel article 465-1 innove par trop, aussi est-il plus prudent d'y renoncer.

L'amendement 21, mis aux voix, est adopté et l'article 6 est ainsi supprimé.

AVANT L'ART. 6 (suite)

M. le Président - L'Assemblée peut maintenant se prononcer sur l'amendement de conséquence.

L'amendement 22, mis aux voix, est adopté.

ART. 7

M. le Rapporteur - L'amendement 23 est également de conséquence.

L'amendement 23, mis aux voix, est adopté.

L'article 7 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

Prochaine séance, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 18 heures 50.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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