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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 94ème jour de séance, 226ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 15 JUIN 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

        SOUHAITS DE BIENVENUE
        À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE 2

        DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT
        SUR LE CONSEIL EUROPÉEN
        ET DÉBAT SUR CETTE DÉCLARATION 2

        DÉVELOPPEMENT DES SERVICES
        À LA PERSONNE ET COHÉSION SOCIALE (suite) 14

        MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 16

        AVANT L'ARTICLE PREMIER 24

        ARTICLE PREMIER 25

        NOMINATION DE QUATRE DÉPUTÉS
        EN MISSION TEMPORAIRE 33

La séance est ouverte à quinze heures.

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de l'assemblé nationale du Gabon, conduite par le président de cette assemblée (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT SUR LE CONSEIL EUROPÉEN
ET DÉBAT SUR CETTE DÉCLARATION

L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur le Conseil européen et un débat sur cette déclaration.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Les crises ne sont pas nouvelles en Europe. Elle ont rythmé la vie des institutions européennes depuis leur création. Il est naturel qu'un projet politique de cette envergure ne puisse grandir qu'en franchissant une à une des étapes difficiles. Le succès est à ce prix : la mise en place de la monnaie unique ou notre capacité à garantir la paix dans les Balkans en sont deux témoignages exemplaires.

L'Europe résulte d'un compromis entre des Etats liés par l'histoire et par la volonté, mais qui ne partagent pas toujours les mêmes intérêts ni la même vision. L'Europe ne se réinvente pas chaque jour : elle se construit sur la base d'accords et de traités qui engagent chacun de ses membres. Elle est un destin négocié et voulu.

Au cours des dernières années, nous avons voulu franchir trois étapes : l'élargissement, la réforme des institutions, l'affirmation de valeurs de l'Europe. Au regard des bouleversements historiques qu'a connus le continent européen, l'ambition était légitime. Au début des années 90, les peuples décidaient de leur destin. Ils affirmaient leur volonté de vivre ensemble dans un continent unifié, démocratique, pacifié. Il était de notre devoir de répondre à leurs attentes en repoussant les frontières vers l'Est. Cela exigeait de doter l'Union européenne de nouvelles règles de fonctionnement : à 25, nous ne pouvions continuer à travailler sur la base des mêmes textes. Nous avions besoin de pouvoir dégager plus facilement des majorités et prévoir des dispositifs appropriés pour permettre aux Etats qui l'auraient souhaité d'aller plus loin. Enfin, le nouvel ensemble européen devait entrer dans l'âge politique en définissant un corps de valeurs cohérent : la Charte des droits fondamentaux.

Toutes ces étapes ont trouvé leur aboutissement dans le projet de traité constitutionnel soumis le 29 mai dernier à référendum. Ce projet a été rejeté : c'est le choix souverain du peuple français. Cela nous fait obligation de répondra rapidement aux interrogations de nos concitoyens, en veillant à préserver l'unité européenne.

Le Conseil européen est le premier rendez-vous. Deux questions sont à son ordre du jour : les perspectives financières et l'avenir du processus de ratification du traité. Sur chacun de ces sujets, voici la position qui sera défendue par la France.

Aux difficultés politiques, nous ne devons pas ajouter une crise financière. Nous soutenons donc tous les efforts de la présidence luxembourgeoise en vue d'un accord sur les perspectives financières lors du Conseil européen, tout en estimant que pour parvenir à un accord raisonnable et équitable, chacun doit faire une part du chemin.

Dans cette négociation, comme l'a rappelé le Président de la République, nous défendons quatre principes. Tout d'abord, le respect de la discipline budgétaire, qui s'impose à tous. En deuxième lieu : la solidarité, qui doit permettre de financer la modernisation et le décollage économique des nouveaux Etats membres dans l'intérêt de chacun. Ensuite, le respect des engagements. En octobre 2002, nous avons adopté une décision qui garantit le financement de la PAC jusqu'en 2013. C'est un acquis majeur pour nos agriculteurs, sur lequel personne ne saurait revenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Enfin, l'équité : chacun doit contribuer à l'effort européen à hauteur de ses moyens. Le Royaume-Uni notamment doit prendre toute sa part au financement de l'Europe élargie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Sur la base de ces quatre principes, je souhaite que nous parvenions à un accord satisfaisant pour tous.

La deuxième question qui sera abordée à partir de demain à Bruxelles est l'avenir du projet de traité. Douze pays se sont déjà prononcés, dont trois par référendum. L'Espagne a largement dit oui, la France et les Pays-Bas ont dit non. Treize pays doivent encore rendre leur décision, dont certains ont déjà annoncé le report ou la suspension de leur procédure. Dès lors, faut-il interrompre le processus de ratification ou le poursuivre ? La France s'est déjà prononcée. Il appartient désormais à chaque Etat de s'exprimer à son tour suivant les modalités qu'il aura choisies. C'est le respect de la démocratie. C'est aussi le signe le plus clair de notre volonté de préserver l'unité européenne et l'expression de chacun.

Au-delà du Conseil européen, des questions importantes se posent auxquelles nous ne pouvons pas aujourd'hui apporter toutes les réponses. Devant la représentation nationale, je ne veux cependant rien éluder des difficultés et des choix qui se présenteront à nous dans un avenir proche. Nous Français, qui avons répondu non au projet de texte, portons une exigence particulière de vérité et de lucidité. Aujourd'hui, j'ouvre le débat avec vous. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

La première question est celle des institutions. A 25, nous devons inventer de nouvelles règles de fonctionnement. En rester au compromis de Nice ne peut pas être une solution durable. Très vite nous nous heurterons à des difficultés majeures dans la prise de décision et dans la définition des grandes orientations de l'Union. J'ajoute que ce n'est pas l'intérêt de notre pays. Un travail considérable a été accompli sur ce sujet au cours de ces dernières années. Il doit contribuer à éclairer notre réflexion.

La deuxième question est celle du modèle économique et social européen. La Charte des droits fondamentaux fixe un certain nombre de principes essentiels auxquels la France est particulièrement attachée : je pense à la défense des services publics (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), au respect de l'égalité hommes-femmes, à la reconnaissance de la diversité culturelle ou au rejet de toute forme de discrimination. Mais nos concitoyens n'y ont pas trouvé les réponses suffisantes à leurs interrogations sur le modèle de développement économique et social que nous leur proposons. L'Europe est-elle d'inspiration purement libérale, comme le craignent certains ? («Oui ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Doit-elle renforcer sa dimension sociale ? En France comme en Europe, je crois que la vérité réside plutôt dans le dépassement de ce clivage, dans la fidélité à un héritage universaliste et humaniste. L'exigence d'initiative n'est pas contradictoire avec le besoin de solidarité, elle lui est complémentaire.

L'insatisfaction qui s'est exprimée dans le non européen ne porte donc pas la marque d'une résignation. Elle exprime au contraire une certaine ambition européenne. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et plusieurs bancs du groupe socialiste) Pour y répondre, il faudra rapidement avancer des propositions concrètes. (« Ah ! » sur les mêmes bancs)

Renforcer la politique sociale est un premier défi à la hauteur des enjeux. La mise en œuvre sans délai de la clause sociale horizontale sera un moyen d'affirmer notre volonté d'avancer dans cette voie : aucun texte ne pourra être adopté sans que ses incidences dans le domaine social n'aient été évaluées et publiquement présentées.

Coordonner les politiques budgétaires et économiques au sein de l'Eurogroupe est un autre défi majeur : nous devons être plus forts, plus confiants dans nos capacités à fixer de grandes orientations économiques pour notre continent.

Revenir à la préférence européenne, qui a toujours été au cœur de notre projet commun, est une troisième orientation fondamentale : pourquoi abandonnerions-nous aujourd'hui un principe fondateur plus utile que jamais et que nos concurrents américains ou asiatiques appliquent largement ? Pourquoi hésiterions-nous à défendre nos intérêts dans le respect de nos engagements internationaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Développer les outils de l'innovation et de la connaissance grâce à des budgets de recherche conformes aux orientations du sommet de Lisbonne et à de grands projets industriels communs, est enfin une voie d'avenir qui touche à l'essence même du génie européen : génie de savoir, génie de curiosité, génie d'ouverture au bénéfice de tous.

La troisième question est celle de l'élargissement. La rapidité de l'élargissement, si elle a répondu à un impératif historique, n'en a pas moins heurté beaucoup de nos concitoyens. Ce sentiment s'est exprimé le 29 mai : nous devons en tenir compte. Nos concitoyens veulent savoir dans quelle Europe ils construiront leur avenir et quelles seront ses frontières. (« Exactement ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Pour répondre à leurs questions, nous devons en priorité apprendre à nous connaître et approfondir les relations avec les nouveaux Etats membres. Les engagements pris à l'égard de la Bulgarie et de la Roumanie seront tenus, en veillant avec une attention particulière au respect des critères fixés. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Mais au-delà, nous devons certainement ouvrir une réflexion, dans le respect de nos engagements, sur les modalités des élargissements futurs. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UDF, sur certains bancs du groupe UMP et sur certains bancs socialistes) En l'absence d'institutions adaptées pour faire fonctionner une Europe élargie, la question du lien entre élargissement et approfondissement est désormais posée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Il appartiendra aux Européens d'en tirer ensemble les leçons.

Les progrès de la construction européenne seront d'autant mieux acceptés qu'ils auront été compris par nos concitoyens et qu'ils se les seront appropriés. L'association plus étroite des parlements nationaux à la prise de décision européenne me semble donc une priorité. L'article 88-4 de notre Constitution fait obligation au Gouvernement de transmettre au Parlement toute proposition d'acte qui relèverait du domaine de la loi au sens national du terme. A l'entrée en vigueur du traité constitutionnel, il était prévu que ce dispositif soit élargi à toute proposition d'acte relevant du domaine de la loi au sens européen du terme. Je prendrai les dispositions nécessaires pour que cette clause soit appliquée dans les meilleurs délais. Au-delà, toutes les Françaises et tous les Français doivent être mieux associés aux décisions européennes et à leur préparation. Je m'y emploierai.

Le vote du 29 mai a fixé une double exigence : défendre les intérêts de notre pays en prenant en compte les inquiétudes et les aspirations des Françaises et des Français, défendre l'unité et le rassemblement des Européens. J'en tiendrai le plus grand compte. Le débat référendaire a été un premier pas dans la voie d'une réappropriation de l'Europe par chacun de nos compatriotes. Il doit être poursuivi à l'échelle européenne pour tenir compte des attentes de tous les peuples. La France veut faire entendre sa voix et défendre une vision exigeante de l'Europe. Le Président de la République le fera bien sûr au prochain Conseil européen, mais aussi à l'occasion de tous les rendez-vous qui permettront la réconciliation de l'Europe et du citoyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Marc Ayrault - Le groupe socialiste avait demandé ce débat et l'a obtenu. Je m'en félicite. Mais ce débat à la va-vite, sans vote, n'est pas à la hauteur de l'événement. Le référendum a été un séisme ; ne lui consacrer qu'une heure, quelle légèreté devant l'Histoire !

Pour la première fois, les Français ont dit non à un traité européen, pour la première fois, ils ont pris le risque de porter un coup d'arrêt à l'Europe (« Non ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Je le regrette, car la constitution pouvait être une refondation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et quelques bancs du groupe UMP)

J'assume le « oui » de combat du parti socialiste. Malgré l'exaspération qu'engendrait la politique du pouvoir, la déception que suscitaient les insuffisances réelles de l'Europe, nous avons la conviction que la nouvelle architecture institutionnelle, la charte des droits fondamentaux, la reconnaissance du modèle d'économie sociale de marché offraient la meilleure réponse européenne à la mondialisation.

Mais il serait vain, et injurieux, de contester la décision de nos compatriotes, de l'imputer à la méconnaissance d'un texte trop touffu. Ils ont tranché en connaissance de cause, après un débat qui honore notre démocratie.

Ce refus vient de l'incurie du pouvoir, mais aussi de l'absence de réponse de l'Europe face à la montée de l'insécurité économique et sociale. Ceux qui ont toujours combattu l'Europe, qui n'ont jamais signé un traité...

MM. Maxime Gremetz et Jacques Desallangre - Avec raison !

M. Jean-Marc Ayrault - ..ont trouvé matière à étayer leurs thèses. Ce n'est pas l'idée européenne que nos concitoyens ont sanctionnée, c'est la difficulté à trouver une perspective claire qui entraîne les peuples. Nous tous ici qui avons été aux affaires avons participé à ce divorce.

Mais comment ignorer la responsabilité particulière de Jacques Chirac ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

De nombreux députés UMP - Fabius !

M. Jean-Marc Ayrault - Sa politique a dressé la France contre l'Europe. Depuis dix ans, ni il n'a porté de projet européen, ni il n'a eu la volonté de s'en expliquer devant les Français. A chaque difficulté, il s'est défaussé sur l'Europe pour excuser ses virevoltes et ses renoncements.

Aujourd'hui, sa seule réponse relève plus du calcul d'épicier que d'une vision de chef d'Etat. J'en suis triste pour notre pays : Jacques Chirac est devenu l'un des problèmes de l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; huées sur les bancs du groupe UMP)

Comment reconstruire ? Comment rendre un élan à une Europe minée par les replis nationaux ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) J'ai été choqué, Monsieur le Premier ministre, que, dans votre discours de politique générale, vous ne consacriez qu'un bref passage à cette question, comme si le cours normal des choses allait reprendre.

Non, rien n'est plus comme avant. Poursuivre la ratification est sans espoir. Certes, la France ne décide pas pour tous. Mais le non de la France, et des Pays-Bas, a provoqué un effet de souffle dévastateur. S'acharner serait le meilleur moyen de paralyser l'Europe.

De même faut-il écarter tout espoir de renégociation. Nulle part n'existe de plan B ou de volonté d'en concevoir un. Sur quelles bases d'ailleurs ? Le non porte des aspirations contradictoires, des Etats membres ont le sentiment d'avoir été au bout des concessions. Il n'existe aucune formule miracle de remplacement.

La seule voie praticable, aux yeux des socialistes,....

Plusieurs députés UMP - Lesquels ?

M. Jean-Marc Ayrault - ...serait que le Conseil européen décide unanimement de mettre en œuvre les dispositions constitutionnelles qui font consensus, comme la nouvelle architecture institutionnelle ou la possibilité de coopérations renforcées.

C'est la première urgence (« Non ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) : éviter le délitement, quand - voyez les attaques contre l'euro, le contentieux budgétaire - tous les piliers de l'Union sont fragilisés. L'Europe est en danger. Les nationalismes relèvent la tête. Face à ce défi, les dirigeants français et européens écrivent le pire scénario, celui d'un marchandage boutiquier sur la contribution financière de chacun. Où est le souffle, où est la vision ? Monsieur le Premier ministre, vous êtes au pied du mur. L'absence de traité constitutionnel ne justifie pas l'inertie. Il est trop commode de demander aux Anglais un geste de solidarité et de le refuser soi-même (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Le rabais britannique n'a plus de raison d'être. Mais le supprimer, c'est verser une goutte d'eau pour éteindre la maison en feu. L'entêtement de votre gouvernement à s'opposer à l'augmentation des ressources financières de l'Union est suicidaire. Vous la privez des moyens d'obtenir les résultats concrets que nos concitoyens attendent.

Nous vous demandons des engagements nets. Acceptez la proposition de la Commission d'augmenter le budget de l'Union d'un quart de point. Ce sera 200 milliards pour financer des initiatives de croissance, consolider la solidarité entre régions, financer les investissements liés à l'élargissement, investir dans les nouvelles compétences de l'Union, recherche, innovation, transports. Ayez le courage de rompre avec le dogme de la compression des dépenses. Pour favoriser cet effort, nous proposons que les contributions des Etats membres ne soient pas prises en compte dans le calcul des déficits publics.

M. René André - C'est irresponsable pour la PAC !

M. Jean-Marc Ayrault - En second lieu, il faut en finir avec les directives néo-libérales sur les services ou le temps de travail, la mise en cause du service public. On n'évitera pas une Europe à deux vitesses par les seules règles du marché. Il faut un plan de rattrapage pour aider les nouveaux adhérents à combler leur retard. Si le Conseil européen marque une réelle volonté de transcender les intérêts nationaux, l'Europe pourra repartir !

Au-delà de ces décisions d'urgence, la France et l'Europe doivent faire leur examen de conscience. Nous avons trop cédé au mythe d'une intégration où chaque étape en appelle une autre. Il faut marquer une pause dans les élargissements, si l'on veut qu'ils soient compris et que le fossé économique entre les membres se comble. Sur le plan politique, il faut avoir le courage de tourner la page du traité constitutionnel. La construction de l'Europe par le haut a atteint ses limites.

De nombreux députés UMP - Respectez votre temps de parole !

M. Jean-Marc Ayrault - Il nous faut revenir aux origines, à des projets concrets, quantifiables, assortis de calendriers, dont les peuples peuvent mesurer les effets dans leur vie quotidienne.

Monsieur le Premier ministre, aucun traité ne vous en empêche. Alors assumez votre responsabilité, Monsieur le Premier ministre, car l'Europe est en danger. (Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP)

Des choix que le Président de la République et vous-même ferez à Bruxelles dépendra une grande partie de son avenir. (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP)

On dirait qu'il est difficile à la majorité d'accepter un débat sur l'Europe ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Vous n'en vouliez pas, mais nous l'avons exigé ! (Mêmes mouvements)

Pour rendre possible une reconstruction, il vous faudra rechercher les voies d'un compromis audacieux. Paraphrasant John Kennedy, je vous invite à ne pas vous contenter de demander ce que l'Europe peut faire pour la France. Demandez-vous aussi ce que la France peut faire pour l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Anne-Marie Comparini - Face à une Europe qui vit l'une des crises les plus graves de son histoire, les Européens convaincus que nous sommes ressentent aujourd'hui une grande déception.

Car le « non » français a débouché malheureusement sur une succession d'événements que nous avions annoncés : le « non » des Pays-Bas, puis l'annonce du report du référendum par les Britanniques, sans qu'à aucun moment ce « plan B » imaginaire qu'on nous promettait n'ait connu la moindre ébauche d'amorce. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF) En outre, des voix se sont élevées pour demander l'abolition de l'euro et la fin de ses disciplines, ou pour remettre en cause le financement de l'Union et de la politique agricole commune. Bref, les intérêts et les égoïsmes nationaux se sont réveillés et ont pris le dessus sur la solidarité européenne, pourtant si nécessaire. L'Europe court aujourd'hui le risque d'un retour en arrière.

A l'UDF, nous restons cependant plus que jamais convaincus que l'Europe est une nécessité vitale pour notre pays et nous voulons donc tout mettre en œuvre pour initier une nouvelle dynamique crédible. C'est un acte de foi de militants européens qui ne se découragent jamais.

Même si les questions de politique intérieure ont pesé lourd dans les résultats français et néerlandais, sachons reconnaître que c'est aussi une façon de faire l'Europe qui a été sanctionnée. Depuis des années, nos concitoyens ont eu le sentiment que l'Europe se faisait en dehors d'eux, parfois même contre eux, que son projet n'était pas maîtrisé dans son identité et dans ses frontières, et qu'il ne les protégeait pas contre la mondialisation. Bref, le projet européen a inspiré plus d'inquiétudes que d'espoirs.

Alors, que faire ? Il faut d'abord sortir rapidement des incertitudes actuelles. La première porte sur le processus de ratification. La France doit insister auprès du Conseil européen pour qu'il aille jusqu'à son terme.

M. Pierre Lellouche - Cela n'a pas de sens !

Mme Anne-Marie Comparini - A ce jour, dix pays ont déjà ratifié la constitution. Les non français et néerlandais ne doivent pas faire oublier ces dix oui...

M. Maxime Gremetz - Parlementaires !

Mme Anne-Marie Comparini - ...et priver les autres Etats membres d'un débat démocratique. Ce serait faire preuve d'un mépris insultant à l'égard de nos partenaires, et notamment des peuples de l'Est qui nous ont récemment rejoints et qui savent le prix de la démocratie.

La seconde porte sur les perspectives budgétaires. L'Allemagne, en signe de bonne volonté, a déjà accepté de revoir sa position sur le futur budget européen. La France doit suivre cette voie inspirée par la sagesse et la maturité, car il faut éviter un échec qui serait le signe d'un blocage supplémentaire. N'oublions pas que 2005 doit être l'année de la relance de la stratégie de Lisbonne et de la mise en place de l'espace de liberté, de sécurité et de justice. Faisons en sorte que ce calendrier soit respecté !

Mais sortir des incertitudes ne suffit pas. La réflexion au Conseil européen ne pourra se limiter à des questions de procédure quand les attentes des citoyens sont d'abord économiques et sociales. Mettons donc à profit les mois à venir, non pas pour faire une pause inspirée par le renoncement, mais pour travailler à une nouvelle stratégie, qui démontrera la capacité des institutions européennes à rebondir malgré un échec.

Dans cette perspective, nous proposons qu'un conseil extraordinaire soit rapidement réuni et propose un plan d'action qui réponde aux trois sources du non, à savoir : un pouvoir européen lointain et jamais expliqué, une crise économique et sociale, des frontières non définies.

Donnons d'abord la direction de la démocratie et de la transparence. Il est indispensable que le double assentiment des gouvernements et du Parlement européen soit requis pour tous les textes importants, afin que la voix des citoyens prenne enfin tout son poids.

Donnons ensuite celle de l'efficacité, avec une véritable gouvernance économique et sociale. Nous ne pouvons pas réussir durablement avec l'euro et le Pacte de stabilité tout en menant des politiques économiques différentes. Décidons donc d'urgence de coordonner nos politiques économiques, faute de quoi nous ne serons jamais en mesure de créer notre propre croissance.

Enfin, il faut montrer à nos concitoyens que l'Europe a des frontières claires et sûres. L'Europe n'est pas illimitée. Trop étendue, son action sera diluée et sa puissance réduite. Définissons les relations d'entraide réciproque que nous pouvons avoir avec les voisins de l'Europe. Je fais ici référence au partenariat privilégié que nous devons construire avec nos voisins du Maghreb à Israël. Ce partenariat permettra de résoudre la question de la Turquie dans l'Europe. Nous voulons une Europe qui s'assume, qui avance, dans des frontières bien définies. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Il y a urgence à agir, Monsieur le Premier ministre, dans un monde en pleine transformation. Deux générations de bâtisseurs de l'Europe n'ont pas ménagé leurs efforts. J'espère au nom du groupe UDF que leur expérience et leur persévérance sauront inspirer les acteurs du prochain Sommet de Bruxelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme Marie-George Buffet - Le 29 mai dernier, malgré une pression inouïe en faveur du oui, notre peuple a rejeté massivement le traité établissant une constitution pour l'Europe. Il a affirmé clairement que l'Europe telle qu'elle s'était construite ne lui convenait pas. Il a repoussé un texte qui plaçait en son cœur le règne de « la concurrence libre et non faussée » et par là même constitutionnalisait le libéralisme. Il a lancé un appel à une autre Europe, bâtie sur d'autres fondements : le progrès social, les droits, la démocratie, la coopération, le co-développement et la paix. Ce vote traduit un profond rejet des politiques libérales, il doit conduire les dirigeants européens et les chefs d'Etat et de gouvernement à de profondes remises en cause. Et ce d'autant plus que les Pays-Bas ont rendu le même verdict et que, dans de nombreux pays de l'Union européenne, le rejet du texte continue de monter.

Le président de la Convention peut bien expliquer, avec un mépris d'un autre temps, que le peuple n'aurait pas dû être consulté, les faits sont là et lui donnent tort. Une situation nouvelle est créée en Europe. Et franchement, cette séance de l'Assemblée nationale, limitée, sans véritable débat et sans vote sur un mandat clair pour les représentants de la France au Conseil européen est en complet décalage avec la force et la qualité du débat populaire.

Le peuple français s'est prononcé. La signature de notre pays doit donc être retirée au bas du document officiel. C'est le premier geste à faire. Il tarde à venir. Il ne saurait pourtant y avoir de faux-fuyants : la voix de la France, cette grande voix courageuse qui a dit non, doit être portée par ses représentants au cœur des instances concernées. Notre peuple a délivré un mandat clair qui ne saurait être trahi : il faut entamer un processus démocratique pour redéfinir les fondements de l'Union européenne.

Le deuxième geste doit être la suspension immédiate des directives inscrites à l'agenda de Lisbonne, qui constituent rien moins qu'une mise en œuvre du traité rejeté : celle sur la libéralisation des services, celle sur l'allongement de la durée légale du temps de travail... Toutes les directives imposant la mise en concurrence des services publics doivent être suspendues, celle sur les sites portuaires, celle sur la libéralisation du fret ferroviaire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Les cheminots vous ont fait connaître leur position, cette semaine, en manifestant contre la mise en circulation du premier convoi privé de transport de marchandise. Vous devez également arrêter immédiatement la casse du secteur public de l'énergie et renoncer à la privatisation de Gaz de France. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) L'Europe doit exiger le retrait de l'éducation, de la santé et de la culture du champ des négociations de l'accord général sur le commerce des services.

Monsieur le Premier ministre, soutenir les politiques désavouées par notre peuple dans les instances européennes, ce serait poursuivre cette fuite en avant libérale qui conduit l'Europe à la ruine.

Depuis plusieurs mois, la conjoncture économique dans la zone euro se dégrade : ralentissement de la consommation des ménages, récession de l'industrie, chômage massif et extension de la précarité. Dans ce contexte, il faut mettre radicalement en cause les principes du pacte de stabilité et concevoir un pacte pour l'emploi. La Banque centrale européenne doit soutenir une politique de relance des dépenses publique et avoir pour priorité l'emploi et la croissance réelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Une baisse sélective des taux d'intérêt s'impose pour favoriser des investissements plus créateurs d'emploi et de formation, et combattre la spéculation financière et les délocalisations - celles de Facom, Nestlé, Timing, STMicroelectronics ou encore Selestica. Parallèlement, il est urgent de prendre des mesures sociales et fiscales afin de lutter contre le dumping. Voilà toute votre feuille de route pour le Conseil européen.

Comment relancer l'Europe ? D'abord, en prenant acte que ce traité a été rejeté parce qu'il gravait dans le marbre constitutionnel une politique libérale et ne comportait aucune avancée démocratique. Le 29 mai ne peut être mis en parenthèse. Le débat doit désormais s'engager sur la refondation de l'Europe, les droits fondamentaux et nos valeurs communes. (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés UMP - L'URSS, c'était tellement mieux !

Mme Marie-George Buffet - Ensuite, nous devons trouver un autre cadre pour effectuer ce travail essentiel que celui d'une convention restreinte et dépourvue de légitimité. Le Parlement européen, les parlements nationaux et les citoyens doivent prendre leur part à ce processus. Quel bouillonnement démocratique ce sera pour l'Europe ! Puis, nous établirons un texte établissant les droits et les grands principes de l'Union, revenant sur l'épine dorsale actuelle de la construction européenne : le libéralisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Enfin, le nouveau traité sera ratifié par consultation dans chaque pays. Un tel processus consolidera l'Union car elle sera construite avec et pour les peuples.

Nous pourrons alors nous doter d'institutions adéquates et mettre au coeur des politiques de l'Union des systèmes de protection sociale de haut niveau, des services publics, des institutions plus participatives et proches des peuples, des garanties véritables pour les droits sociaux, une politique économique favorisant l'emploi plutôt que les marchés financiers. L'Europe pourra ensuite s'engager pour le désarmement et la paix, l'annulation totale de la dette des pays pauvres, le co-développement planétaire, la régulation équitable des échanges et le progrès social.

Notre peuple attend que sa voix soit entendue mais le Gouvernement fait la sourde oreille et poursuit la casse du code du travail en proposant une période d'essai de deux ans, c'est-à-dire la précarité longue durée ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Richard Mallié - Quel rapport avec l'Europe ?

Mme Marie-George Buffet - Suite au cinglant désaveu du 29 mai, vous avez choisi la provocation en imaginant une politique de quotas, de sélection des étrangers à nos portes inspirée du colonialisme ! Vous vous entêtez, après M. Raffarin, à mener une politique de régression sociale ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) C'est prendre une lourde responsabilité que de gouverner contre le peuple !

La majorité de nos compatriotes veulent que leur vote soit enfin respecté, que l'on bâtisse une autre Europe. Le 16 juin prochain, date d'ouverture de ce Conseil, des rassemblements se tiendront partout en France pour montrer que la mobilisation des urnes se poursuit. Déjà, une pétition circule pour changer de politique en Europe.

Monsieur le Premier ministre, votre discours, plein de vagues généralités, ne comportait aucun engagement. Le peuple français saura vous rappeler qu'il est porteur d'un autre projet européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Edouard Balladur - L'Europe est en crise : le traité constitutionnel a été rejeté par deux pays fondateurs, la procédure de ratification est compromise, les perspectives financières 2007-2013 sont contestées, l'élargissement reste à réaliser, la croissance est faible et l'emploi mal assuré.

Dans ce moment décisif, vous avez bien fait, Monsieur le Premier ministre, de solliciter l'avis de l'Assemblée nationale.

MM. Henri Emmanuelli et Jacques Desallangre - Sans vote !

M. Edouard Balladur - S'agissant des institutions européennes, inutile de s'étendre sur la poursuite du processus de ratification. Nous serons fixés dans les semaines qui viennent. Que le Conseil européen prenne une décision unanime ou non sur ce point, le traité institutionnel ne saurait être appliqué.

Pour autant, faut-il se résigner à voir l'Europe se déliter ? Non. En attendant que vienne l'heure de la renégociation globale, les principes de notre action doivent être simples. En premier lieu, défendre les traités antérieurs. Malgré leurs lacunes, ils permettent à l'Europe de fonctionner. En second lieu, défendre l'existence de l'euro. Cela ne sera possible que si, face à la Banque centrale européenne, s'affirme une autorité économique intergouvernementale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) : l'eurogroupe qui réunit les ministres des finances. Son existence doit être confirmée et sa compétence étendue afin d'améliorer la coordination des politiques sans lesquelles la zone euro risque d'être fragilisée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Pour parvenir à la convergence des prélèvements fiscaux et sociaux, des moyennes par rapport auxquelles les Etats seraient autorisés à varier dans certaines limites doivent être définies. En somme, il s'agit de créer à l'image de l'ancien serpent monétaire européen, un serpent fiscal et social. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Henri Emmanuelli - Cela ne veut rien dire, un « serpent social » !

M. Edouard Balladur - Comment faire avancer l'Europe ?

Les dispositions du projet de traité constitutionnel sur lesquelles existe un consensus - l'élection pour une période de deux ans et demi du Président du Conseil européen, la limitation du nombre de commissaires ou encore la pondération des voix dans les institutions communautaires - pourraient être mises en vigueur, mais elles nécessiteraient l'adoption d'un traité nouveau.

Sans relancer une procédure lourde de ratification, les Etats membres pourraient adopter une déclaration commune avec la Commission et le Parlement européen. Ainsi, on nommerait une personnalité ministre des affaires étrangères de l'Union,...

M. Jacques Desallangre - Giscard d'Estaing ?

M. Henri Emmanuelli - Ou Balladur ?

M. Edouard Balladur - ...de façon à mettre en œuvre la transparence des travaux du conseil des ministres et le rôle des Parlements nationaux dans le fonctionnement de l'Union pourrait être accru.

Dans un cadre intergouvernemental, il est également possible de laisser les Etats qui le souhaitent conclure des coopérations spécialisées dans des domaines tels que la défense et la sécurité.

Par ailleurs, l'Europe ne peut s'élargir indéfiniment. Son extension actuelle a suscité déjà trop de craintes. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Une fois intégrés les Etats envers lesquels des engagements précis ont été pris, sous réserve qu'ils remplissent eux-mêmes les conditions prévues, il faut différer pour longtemps tout nouvel élargissement et préférer la formule du contrat de partenariat privilégié. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Nous devons tenir compte des résultats du référendum sans renoncer à l'Europe. L'Union européenne peut reprendre sa marche en avant mais elle doit désormais respecter la nécessaire diversité des situations et des intérêts. L'Europe uniforme doit céder la place à une Europe plus diversifiée. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

La deuxième préoccupation concerne les perspectives financières pour la période 2007-2013. L'Europe doit-elle se limiter à n'être qu'un grand marché assorti des quelques politiques communes ? Non. Doit-elle se fixer pour but de rapprocher les niveaux de vie et la compétitivité des économies ? Nous le pensons.

Notre projet consiste à donner à l'Europe un contenu plus large, notamment en matière de politique extérieure et de défense. Aux objectifs traditionnels - grand marché, politique agricole, aide aux régions - doivent s'ajouter de nouveaux, pour favoriser l'investissement, la recherche et donc la croissance.

M. Henri Emmanuelli - Et la démocratie ?

M. Edouard Balladur - Comment financer l'aide aux nouveaux membres et assurer la solidarité entre les 25 ? Chacun doit donner et recevoir en équité. La France a pris toute sa part en acceptant un rééquilibrage progressif entre les autres politiques communes et la PAC, dont la part va passer de plus de la moitié à moins d'un tiers. Rappelons que grâce à cette politique, l'Europe assure non seulement son autosuffisance alimentaire, mais aussi sa place sur les marchés mondiaux. Dans le contexte économique actuel, nous approuvons la limitation du budget européen à 1% du produit national ainsi que la volonté d'allouer les ressources le plus efficacement possible, ce qui suppose un examen des dépenses actuellement engagées. La répartition des charges entre les pays telle qu'elle existe aujourd'hui n'est plus équitable. Aucun rabais ne peut être établi ou maintenu pour l'éternité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Que le Conseil européen parvienne demain à apporter des réponses à toutes ces questions serait pour tous une heureuse surprise. Nous devons rester fermes sur les principes, ne pas abandonner les politiques communes qui ont fait le succès de l'Europe, et accepter l'idée que tout doit évoluer, mais dans le respect des intérêts fondamentaux de chacun, y compris de la France. Sur ces bases, nous faisons confiance à nos représentants au Conseil européen pour parvenir aux meilleures solutions.

Troisième objectif : améliorer la croissance économique. Ne nous voilons pas la face : la croissance de l'Europe est insuffisante par rapport à celle des Etats-Unis et plus encore des pays asiatiques. La situation n'est pas tenable : à terme, l'ensemble de nos équilibres économiques et sociaux sont menacés. Rien ne sera possible si nous ne poursuivons pas la politique de réforme nécessaire (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) et si nous n'appelons pas au changement, un changement négocié, maîtrisé, équitable, mais indispensable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Ne nous décourageons pas devant l'échec, poursuivons la marche en avant, au besoin dans d'autres voies, et faisons preuve d'imagination, en tenant compte des inquiétudes de nos concitoyens. La France a été à la tête de la construction européenne depuis un demi siècle. Cette ambition doit demeurer sa ligne directrice. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président - Le débat est clos. La parole est au Premier ministre.

M. Henri Emmanuelli - Et après, on s'en va ?

M. Maxime Gremetz - Ou on vote ?

M. le Premier ministre - Je voudrais vous remercier pour vos interventions, qui témoignent de la gravité de la situation, mais aussi de l'attachement de l'Assemblée nationale à la construction européenne. Nous devons répondre aux attentes exprimées par les Français le 29 mai. Ils n'ont pas remis en question la construction européenne, mais réclamé une Europe plus sociale, plus démocratique (« Voilà ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), mieux à même de défendre leurs intérêts, une Europe plus solidaire. Vos interventions traduisent une autre conviction : celle que l'Europe doit aller de l'avant et affirmer son destin. A l'heure où de grandes puissances émergent, où la stabilité paraît fragile, où les cartes du monde sont redistribuées, l'Europe doit plus que jamais résister à la tentation de la division. L'unité du continent est notre meilleur atout.

C'est cette double exigence que la France entend défendre lors du prochain Conseil, comme des rendez-vous suivants. Monsieur Ayrault, ne cherchons pas de bouc émissaire ! Dans l'épreuve que nous traversons, il faut être responsables, justes et courageux. Que chacun assume sa part ! Assumez comme nous le faisons, faites votre examen de conscience ! A l'instar de John Kennedy, que vous avez cité, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour que toutes les leçons du 29 mai soient tirées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

La première question à débattre au Conseil est la suite à donner au processus de ratification constitutionnelle. Il n'est pas question de faire comme si rien ne s'était passé : la campagne du référendum a permis à nos concitoyens de se réapproprier le débat européen, il appartient désormais à ceux des autres Etats de se prononcer à leur tour. Monsieur Ayrault, nous ne pouvons pas démanteler le traité morceau par morceau ! Certes, il a été rejeté par les Français, mais les autres pays doivent exprimer leur position et le Conseil européen doit apprécier la situation. La seconde question est celle du budget de l'Union : il est essentiel de déboucher sur un consensus. La meilleure façon, pour l'Europe, de surmonter la crise est de continuer à avancer. Je tiens à saluer le travail effectué par Jean-Claude Junker, président de l'Union, pour rapprocher les points de vue. J'ai bien entendu les propositions faites en faveur de l'augmentation du budget européen, mais les montants en jeu sont considérables : passer de 1% à 1,06% du revenu national brut peut paraître minime, mais représente ne fait un coût supplémentaire pour la France de un milliard et demi par an entre 2007 et 2013 !

Plusieurs députés socialistes - Et alors ?

M. le Premier ministre - Il est facile de faire des promesses, de jongler avec les chiffres, mais il faut voir la réalité !

Il faut rassurer ceux qui pensent que le compromis financier se fera au détriment de l'esprit de solidarité qui a toujours guidé la construction européenne. Le soutien financier que nous apportons aux nouveaux pays membres est la seule manière d'engager au plus vite la modernisation de leur système économique et social. Lors de l'entrée de la Grèce, du Portugal ou de l'Espagne, nous redoutions la libre circulation des personnes. Non seulement ces craintes se sont révélées sans fondement, mais le rattrapage économique s'est fait au bénéfice de l'ensemble des pays ! Nos relations commerciales avec les nouveaux membres sont d'ores et déjà un atout pour notre économie et nos emplois. Nous sommes les premiers investisseurs en Pologne, nous sommes très présents dans l'est, et il est de notre intérêt d'aider ces pays à rejoindre le niveau de développement des autres pays européens.

Il n'est pas question non plus de revenir sur les engagements financiers pris il y a moins de trois ans en matière de politique agricole commune. Les accords de Bruxelles d'octobre 2002 ont fixé jusqu'à 2013 le montant des dépenses agricoles de marché. Ils ont été difficiles à atteindre et doivent être préservés. L'Europe ne doit pas oublier ce qu'elle doit à la politique agricole commune, qui lui a permis de conquérir son indépendance alimentaire. Elle est la politique la plus ancienne et la plus intégrée de l'Union.

M. Henri Emmanuelli - La plus injuste !

M. le Premier ministre - Grâce à elle, nos paysans peuvent faire tous les efforts nécessaires pour rester compétitifs et garantir aux consommateurs une alimentation de qualité. Nous sommes la première puissance agricole en Europe, et l'Europe une des toutes premières du monde. C'est un atout que nous devons préserver à tout prix, et le compromis de 2002, acceptable par tous, ne saurait donc être remis en question (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). En revanche, Monsieur Ayrault, nous pouvons attendre que chaque pays membre contribue au budget européen à la hauteur de ses moyens. Chacun sait les circonstances dans lesquelles le Royaume-Uni a pu obtenir, il y a plus de vingt ans, une diminution de sa contribution, mais rien ne saurait justifier aujourd'hui le maintien de cette exception. Tous les pays doivent assumer leur part du coût de l'élargissement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Enfin, nous devons d'ores et déjà réfléchir à la relance de l'Europe, qui sortira fragilisée de l'épreuve actuelle. Nous ne pouvons pas accepter que l'Europe renonce à son destin. Nous devons garder intacte l'ambition d'une Europe forte et respectée. Trois questions se posent, qui étaient au cœur de la campagne du référendum. La première est celle des institutions : comment garantir efficacité et transparence dans une Europe à 25 ? Nous ne pouvons pas prendre le risque de la paralysie, à l'époque où il faut unir nos forces. Nous ne pouvons pas prendre celui d'un recul démocratique. Les avancées prévues par le projet de constitution, telles que la transparence accrue des travaux du Conseil, le rôle des parlements nationaux et le droit de pétition méritent d'être retenues, (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) parce qu'il s'agit d'outils de la démocratie. Nous allons, dans les mois qui viennent, continuer à fonctionner sur la base du traité de Nice, mais il faut dès maintenant réfléchir à son amélioration, à la lumière du travail accompli depuis deux ans. Je souhaite que votre Assemblée joue un rôle clef dans cette réflexion.

La deuxième question est celle des politiques économiques et sociales de l'Europe. Certains ont exprimé des inquiétudes au sujet de la proposition de directive sur les services. Comme la France l'a demandé, elle a été remise à plat.

M. Henri Emmanuelli - Non !

M. le Premier ministre - Le rapporteur du texte au Parlement européen a fait des propositions qui vont dans notre sens.

M. Henri Emmanuelli - Non !

M. le Premier ministre - Un débat aura lieu à l'automne au Parlement européen. Le Conseil se prononcera ensuite sur les propositions que la Commission aura faites sur cette base. En Europe, l'harmonisation sociale doit se faire par le haut. C'est vrai également, en dépit de ce que vous prétendez, Madame Buffet, de la directive sur le temps de travail. Nous veillerons, à Bruxelles, à ce que les régimes dérogatoires consentis à certains disparaissent. Les Français ont estimé que le traité constitutionnel ne permettait pas de répondre suffisamment à leurs aspirations. Nous continuerons donc de nous battre pour faire progresser l'Europe sociale et aller plus loin sur chacune des avancées qui avaient été proposées, en matière de services publics, de dialogue social ou de défense du modèle de société européen face à la mondialisation. L'Europe a déjà montré qu'elle en était capable en parvenant à un accord avec les Chinois sur les textiles. Elle doit poursuivre dans cette voie. Chaque fois que l'Europe est unie, elle montre sa force.

Mais répondre aux inquiétudes des Français, ainsi que des autres Européens, c'est aussi permettre à l'Europe de renouer avec une croissance dynamique. L'euro est un outil formidable, que personne ne songe à remettre en question. Comment comprendre alors que nous ne nous dotions pas d'une politique économique plus cohérente et plus ambitieuse ?

Il y a aujourd'hui une impatience européenne partagée par tous les peuples du continent. Ils savent quels sont nos atouts, nos richesses, nos capacités. Ils veulent que l'Europe occupe le rang qui est le sien. Cela implique d'inventer et de promouvoir les grands projets industriels de demain, comme Iter et Galileo. La recherche, l'innovation, la compétitivité : c'est cela aussi que les Français et les autres peuples attendent de l'Europe.

La troisième question est celle des frontières de l'Europe. Il reste à cet égard un important travail pédagogique à faire sur l'élargissement de 2004 et son impact économique et social. Plus nous travaillerons avec les nouveaux pays membres, plus leur place dans l'Union sera confortée et comprise. Comment envisager les étapes suivantes ? Il faudra trouver un équilibre entre le respect de nos engagements, notamment envers la Roumanie et la Bulgarie, et la consolidation de l'Europe telle qu'on la connaît. Il faut également concrétiser - comme l'a rappelé M. le président de la commission des affaires étrangères - les liens que l'Union doit nouer avec ses voisins à l'Est, et je pense en particulier à l'Ukraine, mais aussi aux pays du Sud.

En 1954, après l'échec de la communauté européenne de défense, le projet européen semblait dans l'impasse. Seule la CECA portait alors l'ambition des pères fondateurs. Or, dès l'année suivante, l'Europe des Six franchissait une nouvelle étape en décidant d'étendre les principes d'intégration européenne à toute l'économie. Dès 1957, l'idée d'une communauté économique européenne fut arrêtée. Dans une période de doute et d'incertitude comme celle que nous vivons, il importe de tirer les leçons du passé : l'Europe rebondit toujours à travers des avancées concrètes, des projets précis qui répondent aux attentes immédiates des citoyens. Il est donc indispensable de poursuivre avec une détermination accrue nos efforts de coopération avec tous nos partenaires européens. Je songe en particulier au domaine de la sécurité et de la lutte contre les grands réseaux mafieux, mais aussi aux grands projets culturels, comme la bibliothèque européenne en ligne, à l'Europe des transports et des grands axes de communication, ou encore à l'Europe de la recherche et de l'innovation que nous devons continuer de bâtir dans la logique du processus de Lisbonne. Il est urgent de prouver aux Français, comme aux autres peuples européens, qu'avec l'Europe ils sont plus forts, mieux protégés, et aussi mieux préparés pour l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 16 heures 20, est reprise à 16 heures 30 sous la présidence de M. Eric Raoult.

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

DÉVELOPPEMENT DES SERVICES À LA PERSONNE
ET COHÉSION SOCIALE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au développement des services à la personne et à diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Je remercie M. le rapporteur Giro pour son excellent travail ainsi que le président Dubernard pour la qualité des débats menés au sein de la commission des affaires sociales et sa présentation synthétique du projet. Je remercie également Mme Guinchard-Kunstler et M. Daniel Paul pour leurs propos liminaires qui ont éclairé l'ensemble de notre débat.

M. Dubernard a rappelé les atouts du secteur des services à la personne, qui constitue un formidable gisement d'emplois non délocalisables. 79 000 emplois sont d'ailleurs d'ores et déjà créés chaque année. M. Paul a quant à lui souligné que ce secteur vise à combler d'importants besoins.

La discussion a également fait apparaître plusieurs préoccupations légitimes. Ce projet vise d'abord à étendre le champ des activités concernées pour satisfaire les besoins croissants de la population en matière de services de proximité, compte tenu des évolutions sociodémographiques. Il ne tend pas, Madame Hoffman-Rispal, à confondre les services médico-sociaux avec les autres services. Un droit d'option sera proposé aux structures prestataires intervenant pour les publics fragiles et les dispositions de la loi de 2002 en direction de ces publics ne seront pas modifiées : l'autorisation vaudra « agrément qualité », celui-ci permettant aux structures qui le souhaitent de conserver les caractéristiques imposées par la loi de 2002. Par ailleurs, la validité de l'agrément simple sera nationale.

Le projet vise ensuite à mieux structurer l'économie de ce secteur en développant des enseignes nationales et en s'attaquant au travail clandestin. M. Perrut a souhaité que ce développement ne constitue pas, pour certains artisans, une concurrence déloyale. Les artisans qui le souhaitent pourront développer, en plus de leur activité traditionnelle, une activité de services à la personne : il leur suffira de constituer une entité juridique distincte de leur entreprise classique et exclusivement dévolue aux services à la personne pour bénéficier de l'ensemble des avantages du projet.

M. Patrice Martin-Lalande - C'est très important.

Mme la Ministre déléguée - Les représentants des artisans considèrent d'ailleurs ce projet favorablement. Ce secteur souffre d'une demande non solvabilisée, d'un éclatement des structures ainsi que de freins réglementaires. Son développement permettra de dynamiser l'ensemble des services de proximité. La concurrence des grandes enseignes, à laquelle Mme Lignières-Cassou a fait allusion, n'empêchera pas le développement des petites structures tant le secteur est actuellement parcellisé.

Le projet vise à renforcer la professionnalisation : plusieurs orateurs l'ont souligné, à l'instar de Mme Guinchard-Kunstler, il existe actuellement un manque patent de reconnaissance de ces métiers, qui, comme l'a dit M. Vercamer, souffrent d'une très mauvaise image. Je rappelle que ce projet s'accompagne de mesures non législatives parmi lesquelles figure le développement de la négociation collective, appelée de ses vœux par M. Vercamer. La négociation qui a été engagée vise à conclure une convention collective unique pour tout le secteur.

Mme Guinchard-Kunstler a parlé un peu vite de « détricotage du droit du travail ».

M. Daniel Paul - C'est la réalité.

Mme la Ministre déléguée - C'est l'inverse. Si l'on a assoupli les délais de prévenance dans le cadre du temps partiel, comme vous le rappeliez, Monsieur Paul, c'est pour tenir compte de certaines situations particulières...

M. Daniel Paul - C'est déjà le cas.

Mme la Ministre déléguée - ...qui ne permettent pas d'avoir une répartition du temps de travail figée dans le marbre : que se passe-t-il par exemple quand le jeune enfant gardé à domicile est malade ? Qu'arrive-t-il si la maladie qui impose la surveillance à domicile d'un parent s'aggrave ? Le texte prévoit, chaque mois, la communication écrite mensuelle des horaires au salarié et la définition par accord ou convention collective des cas définis comme une véritable urgence et rendant nécessaire cette dérogation.

Quant à la dispense de contrat de travail écrit, à laquelle Mme Génisson faisait allusion, chacun sait que c'est la règle pour l'ensemble du droit du travail.

Plusieurs parmi vous ont évoqué la question du travail à temps partiel subi. Votre remarque me touche, Monsieur Paul, et d'autant plus que ces temps partiels concernent souvent les femmes. C'est néanmoins mal comprendre l'esprit de notre projet qui vise précisément à faire sortir ce secteur de la précarité. Pour ce faire, il s'agit d'abord de s'attaquer au travail illégal : les exonérations de charges et le crédit d'impôt visent à inciter nombre de particuliers-employeurs à déclarer leur salarié. Il s'agit ensuite d'inciter à déclarer la rémunération du salarié sur une base réelle plutôt que forfaitaire. La convention du 29 mars 2002 va également dans ce sens avec une revalorisation des salaires. Il s'agit enfin d'accroître les efforts de formation, comme l'a demandé avec raison M. Beaudouin, afin d'assurer une meilleure professionnalisation.

Le plan de services à la personne présenté par M. Borloo le 16 février dernier comprend des mesures qui ne sont pas de nature législative mais qui seront essentielles au renforcement de ces métiers. De même, j'ai récemment signé deux accords cadres pour assurer la formation des aides-soignantes.

Mme Génisson, avec raison, a insisté sur le risque que les métiers les moins rémunérés et les plus précaires soient réservés aux femmes. C'est tout l'enjeu du projet de loi que vous avez examiné et qui sera débattu les 12 et 13 juillet au Sénat.

Enfin, ce projet vise à simplifier le plus possible les démarches des particuliers. Grâce au CESU, qui fusionne le chèque et le titre emploi service, il sera désormais possible d'embaucher et de payer un salarié aussi bien dans le cadre du gré à gré que d'une association mandataire ou d'un prestataire. Une entreprise pourra également l'utiliser afin d'aider ses salariés à bénéficier de services comme la garde d'enfants ou le bricolage. Enfin, le CESU pourra être employé pour le versement de l'APA. Vous avez souligné, Monsieur Colombier, l'inquiétude des départements à l'égard de ce versement direct de l'allocation. Nous en avons tenu compte puisque l'article 4 du projet maintient la possibilité de versement direct aux intervenants sous réserve de l'accord de la personne âgée ou de sa famille. Une fois acquis cet accord, les conseils généraux pourront continuer de verser cette allocation aux associations qu'ils estiment devoir aider et auxquelles ils font confiance.

Ce projet permettra ainsi de créer, d'ici à 2009, plusieurs centaines de milliers d'emplois.

M. Gremetz considère que ce texte augmentera les inégalités au motif bien connu que la réduction d'impôt ne touche que ceux qui le paient. Nous tenons à aider les classes moyennes afin qu'elles puissent mieux concilier leurs vies familiale et professionnelle. Un ensemble de mesure est également prévu pour ceux qui ne paient pas l'impôt afin qu'ils puissent aussi bénéficier des avantages de ce secteur.

Mme Boutin a évoqué le projet de dividende universel : je lui propose de nous retrouver pour en discuter. Enfin, M. Perrut s'est inquiété des moyens des caisses en matière d'action sociale. Bien qu'il ne s'agisse pas ici de discuter de ce problème, je rappelle que le Gouvernement sera très attentif à la négociation des contrats d'objectifs et de moyens des caisses : j'y suis personnellement très attachée, tout comme M. le ministre de la santé.

Tels sont les objectifs de ce projet et les réponses que nous pouvions apporter à vos préoccupations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy - Très bien.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91 alinéa 4 du Règlement.

M. Gaëtan Gorce - Mme Guinchard-Kunstler a remarquablement exposé hier soir le point de vue du groupe socialiste, tout comme Mme Hoffman-Rispal et les autres orateurs de notre groupe. Je souhaite pour ma part insister sur le contexte dans lequel ce texte est présenté. Il est en effet paradoxal que nous en soyons saisis quelques jours à peine après le changement de Gouvernement et, nous dit-on, de priorités - puisque l'emploi, semble-t-il, en serait devenu une. Il aurait été logique que nous puissions préalablement dresser un état des lieux de la situation de l'emploi et débattre des mesures les plus pertinentes pour lutter contre le chômage. Notre groupe, qui avait réclamé un grand débat au Parlement sur le sujet, n'a, hélas, pas été entendu.

Au-delà du texte qui nous est soumis, je dirai donc ici notre sentiment sur la situation de l'emploi et les pistes exposées la semaine dernière par le Premier ministre. Notre sentiment, hélas partagé par beaucoup de Français, est que, depuis 2002, vous avez toujours raté le rendez-vous de l'emploi et que vous allez encore le rater en 2005. « Trop tard, trop mal, trop peu, » aurais-je en effet envie de répondre s'agissant des propositions du Premier ministre.

La situation économique et sociale actuelle de notre pays résulte en effet directement de l'accumulation des erreurs par vous commises ces trois dernières années. Depuis juin 2002, tous vos choix ont joué contre l'emploi. Jamais vous n'avez entendu, à peine les avez-vous écoutées, nos mises en garde, pourtant répétées à cette tribune. Ainsi dès le 30 juillet 2002, j'avais ici dénoncé « l'ambition perdue du plein emploi ». De même, lors du débat sur le projet de budget pour 2003, je dénonçais l'insuffisance manifeste des moyens, le budget de l'emploi diminuant de 6% tandis que le chômage avait, lui, augmenté dans les mêmes proportions. Je vous invitais de nouveau lors du débat budgétaire suivant, avec d'autres de mes collègues, dont Jean Le Garrec, à mobiliser des moyens nouveaux, étant donné l'aggravation de la situation de l'emploi. Hélas, toujours sans écho ! Encore à l'automne dernier, alors que nous posions le même diagnostic, vous avez continué à faire la sourde oreille. C'est fort regrettable, car faute d'avoir entendu nos appels, vous avez maintenant à gérer une situation économique et sociale dramatique, qui se double désormais de conséquences politiques, comme nous l'avons vu le 29 mai.

Ce bilan accablant, l'opposition n'est pas seule à le dresser. M. Borloo l'avait d'une certaine façon lui-même fait quand il avait présenté son plan d'urgence et demandé une mobilisation particulière en faveur de l'emploi, constatant que rien n'avait été fait dans les mois précédents. Quelques mois plus tard, M. de Villepin peut tenir exactement le même discours, le plan d'urgence de M. Borloo semblant avoir été avalé comme l'eau par le sable. Le sursaut et la mobilisation auquel a appelé le Premier ministre sonnent comme une lourde condamnation des politiques précédemment menées.

Vous n'avez su, hélas, ni anticiper, ni analyser, ni a fortiori mettre un terme à la situation actuelle de l'emploi. Les premières mesures prises à l'été et à l'automne 2002, loin d'êtres inspirées par un souci d'efficacité dans la lutte contre le chômage, l'étaient d'abord par un esprit de revanche contre les années Jospin au cours desquelles pourtant le chômage avait reculé et l'emploi marchand s'était fortement accru. Dès juillet 2002, alors même que les premiers signaux d'alerte apparaissaient concernant l'emploi, vous supprimiez les emplois jeunes, remplacés par les contrats jeunes en entreprise. Et à l'automne, rebelote, avec la remise en question des 35 heures, comme si votre objectif avait été d'abord de porter un coup d'arrêt au processus de négociation qui avait abouti à la signature de plus de 150 000 accords et à la création de 350 000 emplois, selon le constat même de la mission d'information sur les 35 heures. Jamais M. Fillon, au cours de ce débat, n'a apporté la moindre réponse à mes questions, notamment quand je lui demandais combien de créations d'emplois il escomptait de la remise en question des 35 heures. Et pour cause, puisque l'objectif poursuivi n'était ni économique ni social, mais seulement politique, pour ne pas dire idéologique.

Cette situation, que vous n'avez pas su anticiper, vous ne l'avez pas non plus comprise. Vous n'avez tenu aucun compte de la dégradation de la situation de l'emploi, pourtant sensible depuis la mi-2001. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) En effet, le taux de chômage avait alors recommencé à augmenter pour passer de 8,6% en juin 2001 à 8,9% en janvier 2002 et 9% en juin 2002. Loin d'en tirer les conséquences, vous avez au contraire cassé les outils existants sans les remplacer et vos choix budgétaires ont encore aggravé la situation. Réduire les moyens accordés aux emplois aidés au moment même où des emplois marchands étaient supprimés ne pouvait qu'accentuer la montée du chômage, comme j'en avais exprimé la crainte, et c'est hélas ce qui s'est produit. L'OFCE impute à votre politique budgétaire la destruction de 40 000 à 60 000 emplois en 2003 et en 2004 : « La réorientation de la politique de l'emploi du secteur non marchand vers le secteur marchand - suppression des emplois jeunes, diminution du nombre d'emplois aidés... -, engagée depuis 2002, s'est révélée insuffisante pour améliorer la situation de l'emploi. Pis, dans un contexte de ralentissement économique, cette politique a amplifié respectivement de 0,2 et 0,1 point en 2003 et 2004 la montée du chômage en France. » Par vos choix purement idéologiques, vous avez laissé filer le taux chômage de 9% en juin 2002 à 9,3% en janvier 2003, 9,8% en juin 2003, 10% en janvier 2004 et 10,2% aujourd'hui. Voilà votre triste bilan !

N'ayant su ni l'anticiper ni la comprendre, vous n'avez bien sûr pas su porter un coup d'arrêt à cette dégradation de l'emploi. J'ai entendu M. Fillon dire avec tout le ressentiment qu'il pouvait éprouver à quitter un gouvernement où il avait brillé aux ministères de l'emploi puis de l'éducation, qu'il ne resterait rien lorsqu'on ferait le bilan de M. Chirac, si ce n'est les propres réformes qu'il avait conduites. Mais que restera-t-il du bilan de M. Fillon, sinon ses échecs en matière d'emploi ? 283 000 chômeurs de plus en trois ans contre 900 000 de moins en cinq ans lorsque nous étions au pouvoir, un taux de chômage aujourd'hui de 10,2% contre 9% en juin 2002, un taux de chômage des jeunes de 23,5%, 210 000 chômeurs de longue durée de plus et 100 000 femmes de plus au chômage : il n'est pas besoin d'en dire davantage.

Un député UMP - Et la croissance pendant ce temps ?

M. Gaëtan Gorce - Voilà le bilan dont vous êtes aujourd'hui comptables et qui vous rend difficilement crédibles quand vous prétendez avoir les moyens d'inverser la situation. Le plus grave, ce ne sont pas les choix idéologiques qui ont conduit à cette situation, ni même que vous soyez ensuite restés inertes, tel Néron jouant de la lyre tandis que Rome brûlait, car c'est bien à cela que me faisaient penser MM. Raffarin et Fillon, avec M. Borloo à leurs côtés ; c'est d'avoir aggravé cette situation par vos choix budgétaires. Si j'avais l'esprit polémique (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), je dirais que s'il existait une Haute cour de justice économique et sociale dans notre pays, MM. Raffarin et Fillon, et leur complice M. Borloo, devraient y être traduits. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Les mesures aujourd'hui proposées viennent trop tard : les Français n'ont plus confiance en vous, ils l'ont dit à chaque échéance électorale. Vous n'avez plus aucun crédit pour remobiliser le pays autour d'une nouvelle politique. Trop tardives, les mesures annoncées ne sont pas non plus les bonnes. Quoi que ce soit pourra-t-il changer ? Pour reprendre les références napoléoniennes si chères au Premier ministre, votre politique de l'emploi, sera-ce le pont d'Arcole ou la Bérésina ? Je crains, hélas, que votre Gouvernement ne doive se préparer aux grands froids...

Là où il aurait fallu marquer une rupture et tirer toutes les leçons de vos échecs précédents, nous ne voyons que continuité : continuité des hommes puisque M. Borloo est toujours aux responsabilités pour l'emploi et la solidarité, mais aussi continuité des moyens. En dépit de l'onde de choc qui s'est produite fin mai, vous refaites les mêmes mauvais paris et les mêmes mauvais choix que MM. Raffarin et Fillon.

Pour lutter contre le chômage des jeunes, vous misez sur les contrats jeunes, lesquels sont pourtant un échec, comme en témoigne l'augmentation de 61 700 du nombre de chômeurs de moins de 25 ans depuis deux ans et demi. Vous avez substitué ces contrats aux emplois jeunes. Et si l'on en est à 130 000, c'est qu'ils représentent un effet d'aubaine pour les entreprises qui touchent 225 euros par jeune et par mois. D'ailleurs le nombre total des contrats en alternance a diminué. On ne compte aujourd'hui que 23 000 contrats de qualification et de professionnalisation alors qu'en 2004, il y avait encore 50 000 contrats jeunes avec notre système. Inutile de dire que votre dispositif n'apporte aucun remède et a même des effets ravageurs.

Echec de la lutte contre le chômage des jeunes, échec aussi de la lutte contre le chômage de longue durée, qui a touché 210 000 personnes de plus en deux ans et demi. Les CES et CEC souffraient d'insuffisances, de dysfonctionnements. Au lieu d'y remédier, vous avez choisi de les remplacer par des contrats de même nature, mais avec des procédures et des financements différents. Dès lors, pendant le temps d'adaptation nécessaire aux employeurs, le chômage augmente. En outre, vous avez diminué les moyens consacrés à ce type de dispositif. Je ne citerai pas de chiffres qui pourraient vous démoraliser...

M. Guy Geoffroy - Chez nous, le moral est bon !

M. Gaëtan Gorce - Ne comptez pas sur les difficultés de la gauche pour 2007, étant donné l'état dans lequel le Président de la République a mis la droite ! Et attention, si ce n'est pas nous et pas vous, ce seront d'autres, moins recommandables.

Mme la Ministre déléguée - C'est gentil de nous trouver recommandables.

M. Gaëtan Gorce - En tout cas, le recul est certain. En avril 2002, il y avait 167 000 CES et 136000 CEC, en avril 2005, 124 000 CES et 81 000 CEC. Mais, pour ce qui est de vos mesures, on compte seulement 6 700 contrats d'accompagnement dans l'emploi, et 1 500 CIVIS, ce contrat phare selon le Président de la République. Quelle efficacité ! De plus, cette politique en accordéon a démobilisé le service public de l'emploi.

Mauvais pari pour le chômage des jeunes, pour le chômage de longue durée et aussi pour le chômage tout court. M. Fillon attendait la solution d'un retournement démographique qui devait entraîner moins d'arrivées sur le marché du travail et plus de départs. Mais en 2004 vous avez déjà tiré la moitié des bénéfices attendus des départs en retraite anticipés, et ce n'est qu'en 2010 que la baisse du nombre d'actifs sera vraiment sensible. De toute façon, rien ne dit que les entreprises remplaceront ceux qui partent, et de ce point de vue l'administration donne le mauvais exemple. En outre, il se pose un problème de qualification sur lequel il est regrettable que les branches professionnelles ne négocient pas. Et avoir remis en cause les 35 heures et augmenté le contingent d'heures supplémentaires n'encourage pas à recruter. Finalement, il n'y a aucun changement par rapport au discours et surtout à la pratique du gouvernement précédent.

Le plan Villepin traduit aussi une erreur de jugement sur les causes du chômage. Selon vous, il tient d'abord à la rigidité du code du travail, à l'excès de garanties. En réalité, 70% des embauches sont déjà des CDD et 20% du temps de travail correspondent à des contrats de moins d'un an. La flexibilité existe déjà dans les faits, mais vous prenez ce prétexte pour réduire encore les protections des salariés. Cette précarité, cette incertitude accrues n'ont pour effet que de décourager ces salariés qu'il faudrait plutôt mieux former pour affronter la concurrence. Quant aux effets de seuil, dont M. de Villepin a expliqué qu'ils freinent l'embauche au-delà de dix salariés, vous ne faites que les déplacer.

Une autre cause du chômage selon vous est la difficulté à embaucher pour les petites entreprises. En réalité, elles dépendent de donneurs d'ordre et donc d'un contexte économique plus général. C'est lui qu'il faudrait améliorer ; votre politique n'y contribue pas.

Last but not least, selon vous les chômeurs ne seraient pas assez incités à travailler. Vous voulez donc introduire plus de contrôles dans la convention de l'Unedic. C'est mal connaître le terrain. La réalité que vous visez existe certes de façon marginale, mais en général, ceux qui n'ont pas de travail ne demandent qu'à en retrouver un. Les contrôler plus, c'est les stigmatiser. Vous justifiez ainsi la mise en concurrence de l'ANPE et d'organismes de placement privés qui pourront bien sûr se vanter de meilleurs résultats puisqu'ils laisseront à l'agence publique les cas les plus difficiles.

Mauvais paris, mauvais choix, mais aussi mauvaise méthode et erreur psychologique de votre part, erreur majeure même, que de laisser de côté les syndicats. Il faudra bien qu'un gouvernement dise un jour au MEDEF que son rôle ne peut se réduire à celui d'un lobby, et qu'il doit aussi être un partenaire social dans la négociation. Or, depuis 2002, il la refuse et demande l'intervention de la loi, alors que de 1997 à 2002, il faisait l'inverse ! Si l'on veut qu'il y ait un dialogue social, il faut que chaque partenaire joue le jeu, et le Gouvernement doit lui rappeler quelle est sa responsabilité. Mais vous ne tenez aucun compte de l'avis des partenaires sociaux. Pour préparer sa déclaration de politique générale, M. de Villepin les a « entendus » sur des mesures dont ils ne connaissaient pas le contenu, et depuis, plus rien. Est-ce ainsi que vous comptez remobiliser la société autour d'une politique de l'emploi ?

Quant au Parlement, il subit le même sort. Il est vrai qu'il a l'habitude d'être humilié depuis 2002. A quoi ont servi tous les débats sociaux que nous avons eus, justifiés par l'urgence bien sûr ? Et maintenant, vous allez procéder par ordonnances. Le Parlement ne pourra s'exprimer que sur les grands objectifs. Cela me semble grave, en particulier dans le contexte politique actuel. Je regrette que nos collègues de la majorité et le Président de l'Assemblée nationale, que l'on a connu plus offensif, aient renoncé en cette occasion à défendre les droits du Parlement.

Comme le destin biologique est inscrit dans les gènes, le résultat de votre politique est inscrit dans votre projet : ce sera l'échec. Je n'ai pas grand mérite à le prédire, ni de satisfaction à l'annoncer, mais il est évident qu'en suivant la méthode de M. Juppé et en faisant le même genre de promesses que M. Chirac, vous aurez le bilan de M. Raffarin ! Malheureusement, c'est le pays qui paiera le prix de vos erreurs à répétition.

Pour accompagner la politique voulue par M. de Villepin, on nous annonce 4,5 milliards d'euros. Pour l'emploi, ce n'est évidemment pas assez. D'abord, parce qu'ils n'y sont pas ! M. de Villepin nous dit que toutes les marges budgétaires iront à l'emploi. Toutes les marges budgétaires ! Mais où sont-elles ? La dette publique atteint près de 65% du PIB, soit sept points de plus qu'en 2002 et les comptes sociaux sont dans le rouge ! Comme M. de Villepin le sait, il nous dit aussi que la mobilisation budgétaire pour l'emploi se fera au prix d'une pause dans la baisse de l'impôt sur le revenu, ce qui d'ailleurs ne réjouit pas tout le monde sur les bancs de la majorité. Le problème est que la baisse de l'impôt sur le revenu n'était de toute façon pas financée, ni dans le budget 2005, ni dans les prévisions pour 2006. Il n'y a donc là aucune économie à réaliser, aucune ressource à affecter. Alors peut-être financera-t-on les promesses qui ont été faites en remettant en cause des crédits votés ? Cela ne pourrait qu'accentuer l'effet récessif qu'exerce notre budget sur la conjoncture économique.

Nous assistons ici au même tour de passe-passe que pour le plan Borloo : on nous annonçait 1,4 milliard d'euros en 2005 pour des mesures nouvelles en faveur du plan d'urgence pour l'emploi, mais lorsque l'on faisait le décompte des mesures réaffectées, on arrivait à 112 millions d'euros, soit dix fois moins. A cette aune, ce ne seront plus que 450 millions d'euros qui seront mobilisés pour l'emploi !

Je n'ai aucun plaisir à dresser ce réquisitoire, mais qui peut se satisfaire d'une telle situation ? Et surtout qui peut se satisfaire de voir que rien ne change, ni dans l'analyse, ni dans les propositions, ni dans les moyens ? Il n'y a rien à attendre, car vous n'arrivez pas à retisser le fil magique de la confiance, qui fait la croissance, qui elle-même fait l'emploi.

La confiance, vous ne l'avez pas, à cause du bilan du gouvernement Raffarin, et vous ne l'aurez pas, car vous ne faites rien pour la susciter. En 1997, nous avons su la recréer grâce aux emplois jeunes, qui ont rassuré les familles sur la possibilité pour leurs enfants d'obtenir un contrat sur cinq ans, avec un salaire minimum garanti, grâce aussi au soutien apporté au pouvoir d'achat, via le transfert des cotisations sociales sur la CSG, les mesures sur les minima sociaux et sur les salaires les plus faibles. Aujourd'hui, nos concitoyens, qui l'an passé ont déjà entamé leur épargne pour financer leur consommation, n'ont aucune raison de penser qu'ils pourraient consacrer plus à consommer. Ils voient en effet que le chômage augmente, que les retraites ne sont pas financées, que les prélèvements fiscaux augmentent - car, oui, les libéraux que vous êtes ont augmenté les prélèvements d'au moins 0,3 point depuis 2002 !

Et vous ne pouvez pas compter sur l'Europe pour recréer la confiance, compte tenu de ce qui s'est passé le 29 mai, des incertitudes qui en résultent, de l'affaiblissement de la France et des difficultés des partenaires européens à se mettre d'accord.

La croissance, vous ne l'avez pas non plus. Elle avait pourtant atteint l'an dernier un taux de 2,3, voire 2,4%, ce qui était exceptionnel, mais avec ce taux, vous n'avez réussi à créer que 17 000 emplois. Alors que les économistes nous expliquent que pour créer de l'emploi, il faut à peu près 1,5% de croissance, vous avez en somme inventé la croissance sans emploi ! Rappelons qu'entre 1997 et 2002, il se créait environ 250 000 emplois par an et vous comprendrez que j'éprouve une certaine nostalgie pour cette période...

Le soutien à la recherche et à l'innovation va peut-être trouver un début de commencement de financement, suite aux propositions qui avaient été faites par le PDG de Saint-Gobain, mais à part cela, vous ne faites rien pour susciter la croissance : rien pour le pouvoir d'achat, rien pour l'investissement, rien pour soutenir la demande !

Je crains donc que la situation en fin d'année soit aussi grave que celle que nous constatons aujourd'hui, voire plus grave, car l'effet de curiosité qu'a pu susciter ce nouveau gouvernement se sera émoussé et les Français se diront qu'ils ne peuvent rien attendre de ceux qui les gouvernent.

On aurait pu espérer que le discours général de M. de Villepin soit prolongé par une vraie discussion sur l'emploi et la croissance. Nous n'aurons pas ce débat, parce que vous n'en avez ni les moyens ni la volonté. Nous avons assisté à un simple replâtrage d'une équipe qui essaie de survivre tant bien que mal. Ce Gouvernement, c'est un peu le radeau de la Méduse ! Vous avez d'ailleurs commencé à vous manger entre vous. J'espère que la France pourra se relever de ce vilain festin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'intervention brillante de M. Gorce, où confiance et conscience s'entremêlaient en rimes élégantes, mais qui ressemblait moins à une demande de renvoi en commission qu'à un discours de politique générale - que l'on aurait aimé entendre dans la bouche de votre président de groupe après le discours de M. de Villepin.

Permettez-moi de vous rappeler, Monsieur Gorce, que ce projet porte sur le développement des services à la personne, c'est-à-dire un domaine qui a été négligé depuis vingt ans, alors qu'un simple regard sur les pays voisins montre qu'il est gros d'un grand nombre d'emplois et alors qu'il est porteur d'une meilleure qualité de vie pour les personnes qui bénéficieront de ces services.

En tant que président de la commission, je dois dire que rien ne justifie un renvoi en commission. Le projet y a en effet fait l'objet d'une discussion approfondie. Quelque 250 amendements ont été déposés au cours des trois séances que nous lui avons consacrées et une cinquantaine ont été adoptés. Je remercie d'ailleurs tous ceux qui ont ainsi enrichi le texte. Je remercie aussi le rapporteur pour la qualité de son travail.

Je souhaite que la discussion des articles se fasse dans le même esprit constructif et j'invite l'Assemblée à repousser cette motion de renvoi. Pensons avant tout à l'homme !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Et à la femme !

M. le Président de la commission - Je veux dire : aux personnes auxquelles ces services sont destinés.

Mme la Ministre déléguée - Chacun son bilan, Monsieur Gorce. Vous dressez un bilan catastrophique de la situation, mais je voudrais rappeler l'état dans lequel nous avons trouvé le pays en 2002 : l'insécurité sociale, la menace pour le pacte républicain, des finances publiques exsangues... Nous pourrions nous aussi dénoncer des mauvais choix et des mauvais paris. Les emplois jeunes, par exemple, étaient mal ciblés. Combien de « bac plus cinq » se sont retrouvés en emplois jeunes puis sans rien au bout de cinq ans ! La sortie du dispositif n'était pas préparée ! Quant aux 35 heures, vos annonces de créations d'emplois n'ont pas été suivies d'effets !

Nos concitoyens attendent une vraie mobilisation pour l'emploi et un accompagnement des jeunes, qu'ils soient qualifiés ou non. C'est dans cet esprit que le Gouvernement travaille. Aujourd'hui, nous avons passé des accords dans plus de cent branches. Suite à l'adoption du plan de cohésion sociale, 57 000 jeunes sont entrés en apprentissage ces quatre deniers mois et, grâce aux contrats jeunes en entreprises, 130 000 jeunes non qualifiés ont trouvé un métier. Le crédit d'impôt, présenté par le Premier ministre la semaine dernière, permettra d'orienter ces jeunes vers des secteurs difficiles.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - A vous écouter, la France va bien !

Mme la Ministre déléguée - Monsieur Gorce, vous n'avez pas jugé utile de commenter le projet de loi que nous examinons aujourd'hui.

Plusieurs députés UMP - C'est vrai !

Mme la Ministre déléguée - J'y vois une marque de confiance dans notre démarche. Il n'est plus temps de renvoyer ce texte en commission, les jeunes attendent ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Perrut - Monsieur Gorce, comme le disait Lamennais, « le pire de tous les états de l'âme est l'indifférence » ! Comment pouvez-vous défendre une motion de renvoi en commission quand ce projet de loi touche à la vie de nos concitoyens, des familles et des personnes dépendantes ? Vous avez déployé votre talent oratoire pour défendre la cause de l'immobilisme et du statu quo ! Aucune proposition nouvelle sinon une énième défense des emplois jeunes ! Après les réformes destinées à sauver nos retraites et la sécurité sociale, le gouvernement de M. de Villepin, à la suite de celui de M. Raffarin, travaille à cette grande réforme pour la cohésion sociale.

Comment enrayer le chômage ? En reconnaissant les rigidités qui constituent des freins et en exploitant les gisements d'emploi, et sûrement pas en poursuivant la politique des 35 heures qu'aucun pays n'a jugé bon d'imiter !

Plusieurs députés UMP - Et pour cause !

M. Bernard Perrut - Notre politique est volontariste : chercher les emplois là où ils se trouvent. Les contrats jeunes en entreprises, que vous décriez, ont permis de créer 200 000 emplois. Du 1er mai au 15 juin, l'ANPE a signé 17 813 contrats d'accompagnement. Quant aux contrats d'avenir, 54 conseils généraux ont déjà passé des conventions sur ce point avec pour objectif 75 000 emplois pour les érémistes et 20 000 pour les titulaires de l'allocation spécifique de solidarité. Au lieu d'évoquer le travail accompli sur le terrain par les associations d'aide à domicile, vous avez préféré le débat politicien.

Parce que ce projet est porteur, parce qu'il créera des emplois et suscitera de nouvelles vocations, le groupe UMP rejettera cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Francis Vercamer - Monsieur Gorce, à force de vous faire procureur et de dénoncer la majorité, vous oubliez que rien n'est tout bleu ou tout rose !

Mmes Danièle Hoffman-Rispal et Paulette Guinchard-Kunstler - Si ! Rien que du bleu sous ce gouvernement !

M. Francis Vercamer - Le dispositif des emplois jeunes était intéressant, mais vous n'avez pas su le rendre pérenne. A Lille, Mme Aubry avait installé 3 000 emplois jeunes. J'aimerais savoir combien elle en a prolongé !

Les 35 heures étaient une riche idée, mais cela a été un fiasco à l'hôpital, où les malades ne sont plus soignés correctement.

Plusieurs députés UMP - Eh oui !

M. Francis Vercamer - On a eu tort de ne pas plus écouter le groupe UDF, et je parle aussi pour l'UMP. Quelques mois après la défaite des élections régionales, le Président de la République n'a-t-il pas décidé de rétablir l'allocation spécifique de solidarité qu'il avait supprimée malgré nos mises en garde ? De même pour le RMI-RMA : M. Borloo a dû modifier, à peine quelques mois après leur mise en place, des dispositions que nous avions critiquées..

Pour gouverner la France, rien de tel que la troisième voie, celle de l'UDF ! (Sourires)

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - A vous entendre, Madame la ministre déléguée, la France va bien ! Dans ce cas, pourquoi avoir changé de Premier ministre ? Pourquoi cette mobilisation pour l'emploi ?

Monsieur Perrut, le débat porte sur la manière d'utiliser ce que l'on appelle, même si je n'aime guère ce terme, des gisements d'emplois, l'intervention de M. Gorce n'était donc nullement hors sujet.

Mme la Ministre déléguée - Si !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Mon collègue s'est interrogé, comme je l'avais fait hier, sur le nombre des emplois susceptibles d'être créés et sur la qualité de ces emplois.

Monsieur Vercamer, certes, l'ensemble du secteur mérite être soutenu mais nous devons offrir aux femmes qui occupent ces emplois, souvent précaires, de meilleures conditions de travail.

Quant à prétendre, Monsieur le président de la commission, que rien n'aurait été fait depuis vingt ans pour le développement des services à la personne, le rapport publié par le Commissariat au Plan le mois dernier montre le contraire en dressant la liste des travaux faits et décisions prises avant 2002 : avec l'APA, 120 000 emplois à temps plein ont été créés (Protestations sur les bancs du groupe UMP) ; la validation des acquis a renforcé la professionnalisation ; et le maintien à domicile a été facilité.

La question est maintenant de faire en sorte que l'emploi créé soit du bon emploi. Ce sont souvent des femmes seules qui exercent ce type d'activité, et je ne pense pas que vos propositions leur assurent un bon emploi.

Lors du dernier conseil des ministres, la disposition concernant la mise en location de chambres inférieures à 9 mètres carrés à été retirée ; on a évoqué à ce propos des malentendus. Sans doute M. Borloo, dont je ne veux pas dire qu'il saisirait trop vite toutes les idées qui passent, a-t-il été influencé par des gens qui étaient éloignés de la réalité. Nous étions nombreux, sur tous les bancs, à demander au Gouvernement de revenir sur cette disposition. Le fait qu'il ait changé d'avis sur un tel point montre bien que le renvoi en commission peut être profitable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Daniel Paul - L'évolution de notre société est caractérisée par le vieillissement de la population, l'augmentation du nombre de personnes souffrant de handicaps et la demande de services liés à la petite enfance. Le problème est de savoir comment répondre à ces trois questions. Cela peut être en laissant jouer le marché : des structures publiques ou privées se créent, et le gré à gré se développe. Mais l'on peut aussi estimer nécessaire, surtout si l'on affiche un objectif de centaines de milliers d'emplois, d'organiser les choses dès le départ pour éviter de grandes difficultés pour les années suivantes.

Tout cela rejoint les inquiétudes exprimées à diverses reprises par l'opinion publique ces dernières années, et en particulier le 29 mai. Vous devez entendre le message qui vous a été lancé : ras-le-bol de la précarité, des petits boulots et des salaires qui ne permettent pas de vivre ! Or, c'est à ça que nous conduisent les emplois que vous êtes en train de créer... sans compter que vous voulez encourager le dispositif en y consacrant des fonds publics. Vous utilisez l'argent des contribuables pour développer un système fondé sur la précarité !

Plusieurs députés UMP - C'est extraordinaire ! Et les emplois jeunes ?

M. Daniel Paul - Et tout cela se passe au moment où les grandes entreprises se portent pour le mieux. Dans ma région, il y a Total, ATO et Lafarge. Total n'a jamais fait autant de profit qu'actuellement, sapristi ! Dix milliards l'an dernier ! Ces groupes font appel à de petites entreprises, qui font appel à des sous-traitants... Au bout de la chaîne, vous pouvez être sûrs que les travailleurs ne comptent jamais leurs heures et que s'ils ne sont pas contents, ils partent ! Toutes les semaines, on entend parler de scandales de cette nature et vous continuez dans cette voie, malgré les appels de détresse du 29 mai !

En outre, vous comptez procéder par ordonnances.

M. le Président - Veuillez conclure, Monsieur Paul.

M. Daniel Paul - Il est assez scandaleux que la période d'essai de deux ans soit mise en place par ordonnance ! Faut-il vous rappeler que ces sujets sont réglés par les conventions collectives, et non par la loi ? Est-ce à dire que l'ordonnance va modifier l'intégralité des conventions collectives dans notre pays ?

M. le Président de la commission - Le débat sur les ordonnances, ce n'est pas aujourd'hui !

M. le Président - Monsieur Paul, il faut conclure.

M. Daniel Paul - Même si le Gouvernement refuse d'écouter, je suis heureux que, le 29 mai, la majorité des Français, et en particulier le monde du travail, ait fait savoir son refus de la poursuite d'une telle politique.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

Mme Martine Billard - L'amendement 91 a pour but de faire figurer dans la loi une définition des services à la personne, ou tout du moins un cadre général. Le texte, en l'état actuel, se borne à faire référence à la convention signée entre l'Etat et les acteurs du secteur. Or, cette loi va multiplier les possibilités d'embauche directe par des particuliers, et donc les cas d'emploi à temps partiel peu payés et sans garantie de formation, et va introduire de nouvelles exonérations fiscales et de cotisations sociales. L'argent public étant utilisé pour développer le dispositif, on peut trouver normal qu'un certain contrôle soit organisé sur ce type d'emplois créés.

Or, la convention nationale évoque certes les services à la famille - garde d'enfants, soutien scolaire - ou l'assistance aux personnes dépendantes, mais va aussi beaucoup plus loin. Si les services à la personne incluent la coiffure à domicile, ils représenteront une concurrence importante pour les artisans coiffeurs et risquent de casser l'artisanat local. On peut convenir de la nécessité du portage de repas pour des personnes qui ne peuvent se les préparer, mais qu'en est-il des services associés à la vie quotidienne sur le lieu de travail - conciergerie, assistance à la vie pratique... - du gardiennage, des conseils ponctuels en aménagement ? Le coût du conseil pour refaire sa cuisine pourra-t-il ouvrir droit à réduction d'impôt ? Si la loi ne définit pas les services à la personne, on risque d'aboutir à de tels extrêmes. Même si le décret se concentrera sans doute, pour le début, sur les secteurs les plus utiles, on sait déjà que la coiffure, le bricolage et le jardinage feront l'objet d'un avantage fiscal. Cet amendement a donc pour but de limiter le champ du dispositif aux services contribuant à l'autonomie des personnes ou relatifs à la garde d'enfants et au soutien scolaire, pour éviter que l'argent public ne soit gaspillé au détriment d'actions plus utiles.

M. Maurice Giro, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Si vous relisez, Madame Billard, l'article L. 129-1 du code du travail, vous vous rendrez compte que votre amendement est inutile. Cet article, qui définit le champ de l'agrément des associations et des entreprises, suffit, et sera complété par le décret fixant le contenu précis des activités. Il recouvre la garde d'enfants, l'assistance aux personnes âgées ou handicapées, l'aide personnelle à domicile, l'aide à la mobilité ou les tâches ménagères ou familiales. Avis défavorable.

Mme la Ministre déléguée - Le Gouvernement estime également que la définition fournie par l'article L. 129-1, qui mentionne bien la garde d'enfant, l'assistance aux personnes âgées et aux personnes handicapées, ou aux autres personnes qui ont besoin d'une aide personnelle à leur domicile, est plus précise et plus complète que celle de votre amendement. Avis défavorable.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Vous avez fait le choix, Madame la ministre, et je l'approuve, de sortir de ce dispositif tout ce qui est de l'ordre de la santé dans le champ du domicile. Mais le problème que vise cet amendement est complexe et se posera à nous encore longtemps, comme nous voyons qu'il se pose un peu partout en Europe. C'est aussi le problème que soulèvent les artisans et l'UPA. La proposition de Mme Billard tend à cerner ce qui relève réellement de l'autonomie et de l'accompagnement des personnes fragiles, et je pense que c'est un des critères sur lesquels il faut travailler. C'est pourquoi je suis favorable à cet amendement.

Mme Martine Billard - On pourrait s'en tenir à l'article 129-1, s'il n'y avait ensuite des amendements qui tendront à inclure le jardinage, le bricolage et la maintenance informatique...

L'amendement 91, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. Patrice Martin-Lalande - Ce projet de loi est un volet supplémentaire de l'application du plan de cohésion sociale, et doit être apprécié après les étapes importantes qu'ont été, à l'automne, la signature de la convention nationale et, en janvier, le vote de la loi de programmation sociale. Il répond à une évolution profonde de la société, marquée par l'augmentation du taux d'activité des femmes, le développement des familles monoparentales, la recherche du maintien à domicile des personnes dépendantes et celle d'un meilleur accompagnement des personnes handicapées. Comme l'a dit fortement Jean-Louis Borloo, les services à la personne sont un enjeu essentiel pour notre société. Chacun de nous est concerné dans sa vie quotidienne, et il est urgent de s'attaquer aux questions de la dépendance, de l'isolement, du lien social.

Avant-hier, dans ma circonscription du Loir-et-Cher, j'ai organisé une concertation sur ce projet avec les principaux partenaires locaux, et voici les points essentiels qui en sont ressortis. Le premier est la nécessité de mieux répondre aux besoins des plus fragiles. Collectivités et associations - et je veux saluer le travail exemplaire des bénévoles, sans qui bien des services n'existeraient pas - se sont tout d'abord inquiétées du développement des relations de gré à gré. Pour les bénéficiaires les plus fragiles, il faut - et le projet le permettra - valoriser le recours à une association ou à une entreprise, qui ont la capacité de former et de sélectionner les personnels, d'évaluer la qualité des services rendus, d'assurer les remplacements. Ce recours permet aussi de tirer le meilleur parti des simplifications qu'apporte la loi.

Toujours dans le souci de répondre aux besoins des plus fragiles, un autre point important est le coût des services. Le projet allégera ce coût grâce au CESU, au crédit d'impôt et à l'exonération de charges patronales. Mais un autre avantage est attendu de cette loi : le développement de l'offre de services réduira le temps d'attente et le contingentement de certaines prestations, dont la rareté pénalise particulièrement ce public.

La deuxième préoccupation qui s'est dégagée de cette concertation concerne la nécessité de donner au salarié un vrai métier. Les salariés sont trop souvent pénalisés et démotivés par des droits sociaux au rabais, des rémunérations trop basses, des horaires précaires et limités, et une formation professionnelle embryonnaire - quand elle existe. Il faut revaloriser fortement les conditions d'exercice de ces métiers. Les salaires tout d'abord : le projet de loi permettra de mieux solvabiliser la demande en allégeant les charges, ce qui va dans le bon sens. Le temps de travail ensuite : le renforcement des associations et des entreprises dans les services favorisera la constitution de groupements d'employeurs, seuls capables d'assurer un volume de travail suffisant. Les droits sociaux également seront significativement renforcés grâce au projet.

La formation enfin est un enjeu central pour revaloriser ces métiers. La concertation que j'ai conduite a montré que les financements existants sont très difficiles à mobiliser ; seulement 50% du fonds de modernisation ont d'ailleurs été utilisés. Comment se former, d'autre part, quand l'emploi du temps change chaque semaine, ou quand les lieux de cette formation sont trop éloignés ? Je souhaite que soit expérimentée une plateforme commune de formation entre les métiers du tourisme et ceux des services à la personne : les uns et les autres impliquent en effet des aptitudes relationnelles, qui peuvent donner lieu à la constitution d'un tronc commun. Cela aurait l'avantage d'offrir aux candidats une plus large palette d'emplois possibles, ce qui accroîtrait le nombre des demandeurs d'emploi prêts à s'engager dans ce secteur.

Une troisième observation a été exprimée par les partenaires que j'ai consultés : c'est la nécessité d'éviter la concurrence déloyale. Les activités artisanales ne doivent pas être les perdantes de cette réforme. Certains artisans redoutent que les travaux à domicile réalisés dans ce cadre ne supportent pas les mêmes charges fiscales, sociales, ni les mêmes charges de sécurité que leurs propres entreprises. M. Borloo m'a indiqué hier que les mêmes obligations devraient être respectées, notamment en matière de sécurité : pouvez-vous, Madame la ministre, nous le confirmer publiquement ? Le projet permettra certes aux entreprises artisanales d'intervenir dans de meilleures conditions, et je me réjouis de l'amendement de notre rapporteur qui tend à plafonner l'activité chez un employeur.

En favorisant l'établissement de la relation de confiance, primordiale dans les emplois de services, et la création d'une véritable filière professionnelle, ce projet et les autres volets du plan de cohésion sociale permettront d'améliorer le quotidien de chacun, et de créer des centaines de milliers d'emplois. La France pourrait dans ce domaine réussir une véritable révolution et devenir, comme le disait hier notre ministre, une référence mondiale : une telle ambition devrait tous nous mobiliser. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Daniel Paul - Dès son article premier, ce projet montre ses limites. Tout d'abord, il fait silence sur ce qui est propre à ce secteur d'activité : les bas et très bas salaires, les temps partiels subis, les journées à rallonge et le manque d'accès à la formation continue. En ne subordonnant pas l'agrément accordé aux entreprises prestataires de services à leur action en faveur de la qualification de leurs salariés et de l'accès au temps plein, conditions nécessaires pour obtenir une rémunération décente et des droits sociaux entiers, en ne centrant pas les missions de l'Agence nationale des services autour de ces mêmes actions, en créant des enseignes nationales qui ignoreront ces problèmes de fond, il laisse aux salariés de ce secteur bien peu de chances d'accéder à des salaires décents et à des droits sociaux complets ! Tout au plus comporte-t-il une mesure incitant les employeurs à cotiser sur la base des rémunérations réelles qu'ils offrent aux salariées pour étendre leurs droits sociaux trop réduits ; mais cela ne changera pas la situation actuelle, puisque le dispositif présent n'est pas annulé.

En fait, pour échapper au discrédit, votre objectif est de vous attaquer aux statistiques du chômage, au prix de la pérennisation et du développement d'emplois précaires et partiels. Ainsi se trouve entérinée la situation d'une partie de la main-d'œuvre féminine et renforcée la division sexuée du marché du travail : on est loin de la citoyenneté sociale...

Mais ce n'est pas tout. Le développement des services à la personne répond à un réel besoin social, en particulier pour les personnes âgées, les personnes en situation de handicap et les parents, mais la concentration des moyens publics servira pour l'essentiel à un petit nombre de personnes solvables - on constate en effet que, sur 34 millions de ménages, deux seulement recourent aujourd'hui à ces services.

Et il n'est envisagé, pour solvabiliser les populations moins aisées, ni d'instaurer un crédit d'impôt, ni d'améliorer les prestations aux personnes dépendantes, telle l'APA, ni d'augmenter salaires et pensions. Faute de crédit d'impôt, seules les personnes imposables sur le revenu bénéficieront des déductions fiscales qui existent dans le secteur, et surtout les 10% des ménages les plus aisés. De fait, ce texte fait l'impasse sur la question fondamentale : la démocratisation de l'accès à ces services.

Autre point contestable : pour développer le secteur des services à domicile, l'arrivée d'entreprises privées est encouragée par l'exonération totale de cotisations sociales pour les employeurs. Or il n'est guère à espérer que ces entreprises pourront concilier des emplois de qualité, rémunérés convenablement, avec des prix de services accessibles à tous... C'est pourquoi je souhaite, pour assurer ces services à la personne, un secteur public et associatif fort, subventionné par la puissance publique.

Ce texte accentue la logique d'une société à deux vitesses, toujours plus soumise aux contraintes liées à l'emploi : horaires de travail flexibles, à rallonge, aussi bien pour les ouvriers que pour les cadres. Pour organiser leur vie privée, une partie de la population aura recours à des services marchands fournis par un salariat précaire, essentiellement des femmes qui elles-mêmes n'auront pas les moyens de s'offrir ces services à domicile... Une telle précarité n'est pas acceptable. Nul ne nie le développement de la demande de services, liée aux évolutions de notre société ; dès lors, les défauts actuels auraient dû être corrigés et les bases posées pour construire un secteur attirant les salariées et donnant des garanties aux bénéficiaires et à leurs familles. Ce n'est pas le choix qui a été fait avec ce texte.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Nous avons écouté attentivement vos réponses après la discussion générale, Madame la ministre, et je souhaite revenir sur certains points où elles ne nous satisfont pas entièrement. C'est tout d'abord la question de l'agrément. Prenons un cas concret : un conseil général, dans le cadre de son schéma gérontologique, a donné un agrément à certaines associations ou même à des entreprises, pour lesquelles nous élaborons désormais des cahiers des charges. Voilà qu'ensuite une entreprise veut s'installer sur le territoire concerné. Mais le conseil général ne souhaite pas lui donner l'agrément, car il sait qu'elle n'assure pas un service de qualité. Est-ce que votre agrément simple aura valeur contraignante pour les départements et pourra les conduire à accepter une entreprise qui n'est pas compétente en matière d'aide à domicile ? Qui tranchera ? Je crains que des conflits ne surgissent entre les deux types d'agréments. J'ajoute que l'agrément « simple » est indifféremment dévolu au bricolage ou au gardiennage et à l'aide à domicile alors qu'il importe précisément, selon nous, de ne pas mélanger les deux domaines.

Enfin, si nous comprenons votre souci de résorber le chômage grâce à l'extension du chèque emploi-service, je demeure inquiète quant à son attribution aux personnes effectivement les plus fragiles. De même, le montant de l'APA devrait être relevé si nous voulons développer une prise en charge digne de ce nom.

Mme Martine Billard - Ce texte est volontairement flou, même s'il part de besoins réels. Vous proposez en fait une généralisation du gré à gré, avec la multiplication des emplois à temps partiel et peu payés qu'elle suppose. Le rapport fait état, actuellement, de 965 000 à 1,5 million d'emplois dans le secteur des services de proximité à domicile mais en équivalent temps plein, le chiffre n'est que de 383 750. Le nombre moyen d'heures utilisées par les particuliers employeurs se situant en outre entre 11,7 et 9,6 par semaine, ce n'est pas ainsi que les salariés, majoritairement des femmes, pourront vivre dignement. De plus, une personne fragile a intérêt à ce que la prestation dont elle a besoin soit garantie, ce qui est le cas en faisant appel à une association. En est-il de même dans le cadre du gré à gré ?

Il fallait plutôt développer un secteur d'utilité sociale, par exemple sous une forme associative, afin de créer de véritables emplois à temps plein et mensualisés. Vous faites l'inverse ; ce projet est une occasion manquée.

M. Jean-Marie Le Guen - M. le ministre a voulu remédier à l'explosion du chômage, sans doute due à vos propres choix politiques, car la majorité, pour des raisons idéologiques, a mis à mal différents dispositifs, dont les emplois jeunes. Comme notre société a besoin de ce type d'emplois, vous essayez aujourd'hui de relancer les emplois aidés à travers la baisse des charges et la concentration des aides en direction des foyers les plus favorisés, mais ce n'est pas ainsi que vous atteindrez vos objectifs. Vous n'avez en effet aucune politique sociale : ce n'est pas en contraignant les chômeurs que vous parviendrez à mobiliser les énergies et à rendre attractives un certain nombre de professions. Et vous auriez dû tirer les leçons de ce qui s'est passé dans le secteur de la restauration : vous lui avez accordé des aides substantielles mais les emplois attendus n'ont pas été créés. Les mesures strictement économiques ne suffisent pas : l'attractivité suppose de vrais parcours professionnels, la valorisation des professions médico-sociales, le développement de la formation et des transferts de compétences. Nous ferons des propositions pour que l'Agence nationale des services à la personne développe une telle politique de l'emploi. Mais, pour l'instant, vous allez à l'échec et c'est dommage car beaucoup de retard sera pris tant en matière de services à la personne que d'actions en faveur de l'emploi.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Avec l'amendement 209, nous sommes au cœur d'un problème qui a été soulevé sur tous les bancs, à savoir la référence que devrait explicitement faire ce texte à la loi du 2 janvier 2002. Je m'étais battue personnellement pour que les services de maintien à domicile soient inclus dans le champ de cette loi. Cela n'a pas été facile, car les associations elles-mêmes ne le souhaitaient pas nécessairement, mais nous savions, nous, combien cela était important pour améliorer tant l'offre de services que sa qualité. Et nous avions raison. L'intégration dans le champ de cette loi a ainsi permis à une association de maintien à domicile bretonne - j'ai en mains un courrier en émanant - d'élaborer un projet de service, auquel ont été associés les usagers, de proposer de nouveaux services, de modifier en profondeur son organisation du travail.

Cette référence à la loi de 2002 aidera à mieux structurer les services et à garantir leur professionnalisation. Nous demandons donc par notre amendement que les associations et entreprises d'aide à domicile soient autorisées selon les dispositions des articles L. 313-1 du code de l'action sociale et des familles et que l'autorisation délivrée par le président du conseil général vaille agrément pour l'Etat. J'ai bien entendu la ministre nous expliquer tout à l'heure qu'une ordonnance de simplification administrative donnait le choix à ces services d'opter entre l'agrément qualité et la procédure prévue par la loi de janvier 2002. Si nous militons pour la seconde hypothèse, c'est parce que nous sommes convaincus qu'en dépend la qualité même du service rendu. Si nous ne devions pas être entendus, nous serions très inquiets.

M. le Rapporteur - Il ne vous aura pas échappé que cette majorité n'a jamais remis en question la loi du 2 janvier 2002...

Je répondrai un peu longuement sur cet amendement car beaucoup d'autres portent sur le même sujet. Le champ des services à la personne ne recoupe pas celui de l'action sociale et médico-sociale défini par le livre III du code de l'action sociale et des familles. L'agrément de l'Etat prévu à l'article L. 129-1 n'est pas de même nature que l'autorisation de création ou de transformation des établissements sociaux et médico-sociaux prévue à l'article L. 313-1.

Le problème soulevé par Mme Guinchard-Kunstler ne peut se poser que pour l'agrément de qualité concernant la fourniture de services de garde d'enfants ou d'assistance à des personnes vulnérables. L'agrément simple n'est pas, en effet, une condition préalable à l'exercice de services d'aide, ménagère ou familiale, à la personne.

Ensuite, seuls les établissements et services apportant au domicile des personnes âgées une assistance dans les actes quotidiens de la vie interviennent dans un champ d'activité pouvant recouper celui des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Mais cela ne pose pas de problème. En effet, ces structures exercent également, la plupart du temps, une activité d'accueil des personnes âgées ou de prestation de soins. Or, l'agrément qualité ne peut être délivré qu'aux associations et services exerçant leur activité exclusivement dans le champ défini à l'article L. 129-1 du code du travail et un agrément de l'Etat au titre des services à la personne ne pourra donc pas leur être délivré, à la seule exception, déjà prévue dans la législation en vigueur, des établissements publics hébergeant des personnes âgées. Les activités médicales étant exclues du champ des services à la personne, les associations et entreprises sollicitant un agrément au titre de l'article L. 129-1 ne peuvent proposer de prestations de soins.

Dès lors, la coexistence des deux procédures de l'agrément de qualité et de l'autorisation médico-sociale ne soulève pas de difficulté. Afin de sécuriser la situation des services sociaux et médico-sociaux, le Gouvernement a annoncé son intention de considérer toute autorisation délivrée en application du code de l'action sociale et des familles comme valant agrément de qualité pour offrir des prestations de services à la personne dans le département. Cette simplification et cette clarification devraient permettre un apaisement, étant entendu que les autorités chargées de délivrer l'agrément de qualité et l'autorisation médico-sociale restent différentes. Pour les services à la personne, il s'agit du préfet. Pour les services sociaux et médico-sociaux, il s'agit tantôt du préfet, tantôt du président du conseil général, tantôt des deux conjointement.

Je ne nie pas que certains services à la personne agréés pourront proposer des prestations également offertes par des établissements médico-sociaux. Mais il n'y aura là que saine émulation qui devrait profiter aux bénéficiaires. Cette situation n'est d'ailleurs pas nouvelle : elle va seulement se développer.

Pour toutes ces raisons, la commission a repoussé tous les amendements tendant à adosser le régime d'agrément des services à la personne sur celui de l'autorisation de création des établissements et services sociaux et médico-sociaux.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Je souscris totalement à la position du rapporteur. Ne nous trompons pas de sujet ! Ce texte ne change rien aux dispositions régissant les établissements et services sociaux et médico-sociaux, dont, soit au dit passage, nous n'avons absolument pas à rougir par rapport à ce qui existe dans les autres pays européens.

Il vise à permettre à tous, et plus seulement au PDG qui le peut parce que sa secrétaire a le temps d'effectuer les démarches à sa place, d'accéder à des services à la personne fournis à domicile. Savez-vous que pour déboguer un ordinateur, ce qui prend une heure, il faut la plupart du temps passer quelque quatorze heures à trouver la personne qui pourra le faire ! Pour développer ces services à la personne, il faut professionnaliser cette activité, mieux la rémunérer - les salaires des assistantes maternelles ont été il y a peu revalorisés de 23% - et surtout réduire la précarité pour les personnes qui l'exercent. Il faut notamment qu'elles puissent travailler à temps plein, comme c'est le plus souvent leur souhait. Deux heures par semaine de services à domicile par foyer fiscal, cela représente deux millions d'équivalents temps plein !

Il ne s'agit pas de créer une grande distribution dans le domaine des services, comme M. Paul en a exprimé la crainte, mais de permettre à chacun de nos concitoyens de s'adresser à la structure de proximité qu'il connaît - caisses d'épargne, mutuelles... - pour obtenir le service dont il a besoin, étant entendu que ces enseignes s'adresseront aux associations, aux entreprises ou aux artisans susceptibles de fournir sans délai un service de qualité.

Comment prétendre que le chèque emploi service universel est fait pour les riches ? C'est la même chose que le chèque restaurant. Il s'agit d'offrir aux salariés un service moins cher, car abondé par l'entreprise, et l'accès aux mêmes prestations qu'un cadre par exemple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Je suis défavorable à l'amendement.

M. Jean-Marie Le Guen - Je ne doute pas de votre bonne volonté. Mais s'il s'agit ainsi de répondre à la précarité, j'ai peur que la demande soit insuffisante. Sortir de la précarité, pour un travailleur, cela signifie avoir un statut qui vous protège, des perspectives de carrière, un parcours qu'on peut valoriser. S'agissant ensuite de l'offre de travail, j'ai entendu le président de l'UMP dire, ce week-end, que toute personne qui reçoit une allocation de solidarité doit en échange un travail à la collectivité. Or je crains que vous n'arriviez pas à motiver assez de gens - il est vrai que vous envisagez désormais le recours à la contrainte - pour enclencher une dynamique suffisante.

Surtout, j'ai peur qu'il ne soit un peu naïf de penser que le patronat va développer ce nouveau chèque comme l'a été le chèque restaurant. En réalité, le Medef donne pour consigne stricte de reprendre en main les structures paritaires assurant des bénéfices complémentaires, afin de réduire et le champ de couverture et le coût. En effet, la réforme de l'assurance maladie ayant entraîné un transfert vers les complémentaires, il n'est pas question pour lui d'augmenter encore ses charges indirectes. J'apprécie votre optimisme, mais à moins de contraintes dans les conventions collectives et de pressions du Gouvernement sur le patronat, je ne crois pas que ces promesses seront tenues.

Mme Martine Billard - La comparaison avec le chèque restaurant n'est pas très pertinente. Il s'agit là de couvrir un besoin élémentaire, ce qui n'est pas le cas pour le recours à une femme de ménage. Je ne suis d'ailleurs pas sûre que tous les salariés en aient envie. Beaucoup préféreraient le maintien de la réduction du temps de travail pour accomplir eux-mêmes un certain nombre de tâches. En tout cas, s'il y vraiment des possibilités de développer l'emploi dans ces secteurs, il faut réserver les aides au secteur associatif pour qu'il offre des emplois stables et bien rémunérés. Ce n'est pas ce que fait la loi.

L'amendement 209, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Georges Colombier - A côté des associations et entreprises qui assurent des services à la personne, les centres communaux et intercommunaux d'action sociale ont développé depuis longtemps des activités de maintien à domicile, qui vont de l'aide ménagère au portage de repas et de médicaments en passant par la téléassistance. Il convient donc de les soumettre également aux dispositions de l'article premier. Tel est le sens de notre amendement 107 rectifié.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Notre amendement 221 a le même objet. Les CCAS ont en effet été parmi les premiers à organiser les services de maintien à domicile, dans un sens très large.

Mais je veux surtout redire au ministre que, si je comprends sa volonté de développer l'emploi, il me semble aussi absolument nécessaire de faire référence à la loi du 2 janvier 2002. La commission, consciente du danger, a d'ailleurs adopté un amendement de clarification.

M. le Rapporteur - Les CCAS sont soit des services communaux en régie, soit des établissements publics administratifs, soit des associations. Dans les deux premiers cas, ils n'ont pas la personnalité morale et ne sont pas soumis au code du travail - sauf les établissements publics d'hébergement de personnes âgées - ni à une procédure d'agrément. Dans le troisième cas, ils peuvent être agréés. La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la Ministre déléguée - Les CCAS et CIAS jouent en effet un rôle remarquable, mais dans un champ qui excède largement celui des services à la personne, et ils bénéficient déjà d'exonérations de charges sociales au titre de leurs activités. Avis défavorable.

Les amendements 107 rectifié et 221, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - L'amendement 138 est défendu.

L'amendement 138, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Un agrément de l'Etat est exigé pour fournir certaines prestations d'assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées et, dit l'article L. 129-1, « aux autres personnes qui ont besoin d'une aide personnelle à leur domicile ». L'amendement 11 de la commission précise que les autres personnes visées sont celles qui « n'ont pas la capacité en raison de leur état d'accomplir certaines tâches. Le besoin d'aide personnelle à domicile ne doit pas simplement résulter d'une indisponibilité liée par exemple à une surcharge de travail.

Mme la Ministre déléguée - Cet amendement restreint trop le champ du dispositif. Au-delà des personnes fragiles, d'autres personnes sont susceptibles d'avoir besoin d'une aide personnelle à domicile dans les domaines visés ici et l'esprit du projet est bien de permettre un large accès à ces services. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable.

M. le Rapporteur - Je retire l'amendement 11.

M. Daniel Paul - Je le reprends, car la commission s'est montrée sage en ne souhaitant pas trop élargir le recours à ce type d'emplois et aux aides qui vont avec... On pourrait même aller plus loin qu'elle ne le propose, mais il faut en tout cas une limite. Et il serait tout de même étonnant que les membres de la commission, et le rapporteur de celle-ci, se déjugent si peu de temps après l'adoption de cet amendement.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - J'invite mes collègues à regarder ensemble l'amendement 11 et l'amendement 204 rectifié, puisqu'ils étaient en discussion commune...

M. le Président - Il semble que personne ne défende l'amendement 204 rectifié.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Regardez néanmoins son exposé des motifs ! Mme Boutin voudrait élargir le champ de l'article L. 129-1 aux cavaliers propriétaires de chevaux de selle à qui leur activité professionnelle ne laisse pas le temps d'entretenir leurs chevaux ! Il faudra lui parler de la possibilité, qui existe en agriculture et dans les domaines connexes, de constituer des GIE. On voit là un exemple du danger de dérive dont je parlais tout à l'heure et auquel la meilleure réponse aurait consisté selon moi en une référence à la loi de 2002.

L'amendement 11, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Frédéric Soulier - Mon amendement 195, 2e rectification, tend à inclure dans le champ de l'article L. 129-1 l'accompagnement scolaire hors domicile. La mesure serait créatrice d'emplois et pourrait intéresser de nombreux vacataires de l'Education nationale. Elle irait dans le sens d'un renforcement de l'égalité des chances.

Enfin, ce serait bénéfique pour les finances publiques dans la mesure où l'accompagnement scolaire à domicile, essentiellement assuré par des étudiants - qui n'ont d'ailleurs peut-être pas toute la compétence pédagogique requise -, est taxé à 5,5%, tandis que l'accompagnement scolaire hors domicile est taxé à 19,6%, et ce dans la transparence qu'assure la facturation. On mettrait ainsi fin à une certaine distorsion de concurrence et on assainirait le marché de l'accompagnement scolaire.

M. le Rapporteur - La commission est défavorable à cette trop grande extension de l'agrément de qualité.

Mme la Ministre déléguée - L'article L. 129-1 vise expressément l'aide au domicile. L'aide hors domicile est limitée à l'aide à la mobilité dans l'environnement proche dans la mesure où elle favorise le maintien des personnes à domicile. Avis défavorable.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Cet amendement illustre les dérapages possibles et les pressions auxquelles vous allez être confrontée, Madame la ministre, au cours de l'examen de ce texte. Il faut absolument éviter une « marchandisation » de domaines tels que l'éducation et songer d'abord à bien y organiser l'intervention publique.

L'amendement 195, 2e rectification, est retiré.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - L'amendement 139 tend à substituer le mot « soutien » au mot « maintien ».

M. le Rapporteur - Avis défavorable. L'agrément de qualité vise le maintien à domicile, et donc le soutien à domicile - c'est évident ! -, des personnes ayant des difficultés de mobilité.

Mme la Ministre déléguée - Le terme de « maintien à domicile » est communément admis par nos concitoyens. Pour la clarté du débat, il convient de le conserver. Avis défavorable.

L'amendement 139, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - L'amendement 92 est défendu. Concernant l'amendement 139, le terme de « soutien » suppose que la personne dépendante est maintenue à son domicile dans de bonnes conditions, ce que n'implique pas la terminologie actuelle.

Mme la Ministre déléguée - C'est exact ! Dans ce cas, je préfère parler d'accompagnement !

L'amendement 92, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Par l'amendement 141, il s'agit de mieux articuler ce projet de loi avec les lois de décentralisation et les lois relatives au champ médico-social et à l'égalité des chances. En effet, nous ne pouvons pas séparer la question de la structuration des emplois de service de celles de l'organisation du territoire et de la responsabilité publique.

Il serait logique de donner aux conseils généraux, qui se sont déjà fortement investis dans le champ médico-social, la possibilité de délivrer eux aussi l'agrément aux associations et entreprises ayant pour activité le maintien à domicile des publics fragiles.

L'amendement 141, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Dans l'amendement 225, nous désignons l'outil dont disposent les conseils généraux pour structurer le secteur des services à la personne : les schémas départementaux concernant les personnes âgées, la petite enfance et les personnes fragiles. Ces schémas sont indispensables pour organiser l'agrément et la tarification et c'est votre majorité, Madame la ministre déléguée, qui est à l'origine de leur création.

Ne pas reconnaître aux conseils généraux cette mission d'organisation des services ne peut que fragiliser votre loi.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Ministre déléguée - Il n'est nullement question de mettre en cause le rôle des départements. Lors de l'instruction des demandes d'agrément, le président du conseil général est consulté et se détermine en fonction du schéma départemental. Il en tiendra compte plus que jamais !

Votre amendement est donc satisfait. Avis défavorable.

L'amendement 225, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - L'amendement 140 est défendu.

L'amendement 140, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - Pourquoi les activités de service bénéficieraient-elles de la TVA à taux réduit, d'exonérations de cotisations sociales et de réductions d'impôts ? Cela se justifie lorsqu'il s'agit de maintien à domicile des personnes fragiles ou de garde d'enfants dans les quartiers où on manque de crèches, mais non pour l'ensemble du secteur. Pourquoi utiliser les deniers publics à aider des gens qui n'en ont pas besoin à se payer une femme de ménage ? D'autant que la délocalisation de ces emplois est improbable : ce sont des emplois locaux ! En période de crise, mieux vaudrait consacrer ces fonds à la recherche !

Tel est le sens de l'amendement 93.

Plusieurs députés UMP - Avec votre proposition, c'est le retour du travail au noir !

M. le Rapporteur - Je regrette que vous n'ayez pas compris la philosophie de ce projet de loi : créer des emplois. La notion de « tâches ménagères ou familiales » est ancienne et bien connue et une liste des activités entrant dans ce champ a été dressée.

Mme la Ministre déléguée - L'objectif est bien d'exploiter des gisements d'emplois. Défavorable !

L'amendement 93, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Lors d'un débat précédent, M. Paul avait défendu un amendement visant à faire bénéficier le transport des personnes fragiles des exonérations de charges découlant de l'article L. 129-1 du code du travail. Par l'amendement 220, je défends la même position pour les accueils de jour.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cela reviendrait à étendre de manière excessive le champ des services à la personne. Ils doivent se limiter à l'aide à domicile.

Mme la Ministre déléguée - Même avis. Mais, autant je suis défavorable à ce que l'accueil de jour bénéficie de ce dispositif, autant il me paraît souhaitable d'approfondir le débat, lors de la navette parlementaire, sur le transport des personnes fragiles, étant entendu qu'il ne s'agit que du transport favorisant l'insertion dans l'environnement proche.

M. Daniel Paul - Lorsque M. Fillon était ministre des affaires sociales, j'avais défendu l'idée que le transport des personnes fragiles fait partie du maintien à domicile, le conditionne. Quand une personne âgée veut aller voir un spécialiste souvent éloigné de son domicile, elle peut certainement prendre un taxi mais le chauffeur la déposera en bas de l'immeuble, sans s'assurer qu'elle a bien tous les papiers nécessaires dans son sac et qu'elle a pu atteindre sans difficulté la salle d'attente. Il faut pouvoir lui assurer ce service.

Mme la Ministre déléguée - Exact !

L'amendement 220, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

NOMINATION DE QUATRE DÉPUTÉS EN MISSION TEMPORAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant qu'il a chargé MM. Laurent Wauquiez, Pierre Lasbordes, Marc Bernier et Francis Saint-Léger de missions temporaires.

Prochaine séance, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 30.

                    Le Directeur du service
                    des comptes rendus analytiques,

                    François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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