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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 99ème jour de séance, 236ème séance

SÉANCE DU JEUDI 23 JUIN 2005

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

Sommaire

      LOI D'ORIENTATION SUR L'ÉNERGIE (CMP) 2

      EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 6

      ORDRE DU JOUR DU LUNDI 27 JUIN 2005 18

La séance est ouverte à neuf heures trente.

LOI D'ORIENTATION SUR L'ÉNERGIE (CMP)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation sur l'énergie.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP.

M. Serge Poignant, rapporteur de la CMP - La commission mixte paritaire réunie mardi est parvenue à élaborer un texte de compromis. Nous sommes donc à l'aboutissement d'un processus législatif, engagé avec le dépôt du projet de loi en mai 2004.

Ce texte a permis l'ouverture d'un débat démocratique sur notre politique énergétique et un large consensus est apparu sur la nécessité de relancer la maîtrise de la demande d'énergie, de développer les énergies renouvelables et de maintenir l'option nucléaire ouverte. Sur ce dernier point, toutefois, les avis divergent sur le calendrier de la construction du réacteur EPR.

Ce débat s'est déroulé au Parlement à l'occasion de deux lectures du texte dans chacune des chambres. A la demande du président Ollier, le Gouvernement a renoncé à provoquer la réunion d'une CMP au terme des premières lectures. Je l'en remercie à nouveau. Le déroulement de la navette a permis d'enrichir le texte : le projet de loi initial comprenait 13 articles, il en compte aujourd'hui 106, dont 39 adoptés conformes au cours de la navette et 67 restant en discussion.

Le texte de la CMP traduit un compromis sur l'articulation du texte : il comprend une annexe comme le souhaitait le Sénat, mais conserve dans le corps du texte les dispositions relatives aux objectifs - notamment les grands objectifs chiffrés à atteindre en matière d'énergies renouvelables, de biocarburants ou d'efficacité énergétique ainsi que les mesures relatives à la recherche - et aux axes de la politique énergétique comme l'Assemblée l'avait décidé.

S'agissant du titre premier, relatif à la maîtrise de la demande d'énergie, la CMP est également parvenue à une rédaction conciliant le souci du Sénat de ne pas pénaliser excessivement les acteurs durant la mise en place des certificats et la préoccupation de l'Assemblée de conserver un dispositif fortement incitatif. Par ailleurs, la CMP a retenu les dispositions relatives aux collectivités locales issues des travaux du Sénat dans une rédaction nouvelle qui clarifie leurs compétences en matière de maîtrise de la demande d'énergie.

Le titre II, qui concerne les énergies renouvelables, comprend les dispositions relatives aux éoliennes. Contrairement à la présentation qui en a été faite, les positions de l'Assemblée et du Sénat n'étaient guère éloignées.

M. François Brottes - C'est la méthode Coué !

M. le Rapporteur - Le Sénat a accepté de créer des zones de développement de l'éolien en reprenant la période transitoire de deux ans que nous avions proposée. En revanche, nous restions divisés sur l'opportunité d'un plancher national de puissance : le Sénat souhaitait laisser une large de manœuvre aux collectivités territoriales et aux préfets, nous estimions que ce plancher permettait de lutter contre le mitage des paysages et de favoriser des économies d'échelle.

M. Jean-Pierre Nicolas - Exactement !

M. le Rapporteur - Nous avons finalement retenu d'autres solutions pour atteindre ces objectifs - le regroupement par le préfet des éoliennes et le plafonnement des tarifs - et accepté, dans un esprit de compromis, la rédaction du Sénat. Par ailleurs, la commission mixte a également décidé de permettre l'institution par les communautés de communes d'une taxe professionnelle de zone pesant sur ses installations et de réformer les critères de déclenchement de l'enquête publique. Ce cadre juridique équilibré permettra enfin un développement apaisé de l'éolien.

S'agissant du titre III, nous sommes également parvenus à un consensus sur le renforcement des prérogatives de la Commission de régulation de l'électricité, la CRE. Dans des conditions définies par un décret en Conseil d'Etat, la CRE surveillera les marchés organisés en matière électrique et gazière et les échanges aux frontières, c'est-à-dire les mécanismes d'allocation par enchères des capacités d'interconnexion en matière électrique et les transits de gaz en matière gazière. La CRE voit également ses prérogatives renforcées en matière d'exécution de ces décisions par l'article 17 quater, adopté par le Sénat et repris par la commission mixte.

Toujours dans le titre III, le Sénat a accepté la suppression d'une large part de l'article 13 quater A, car le nouveau dispositif de financement des raccordements électriques défini dans par la loi « urbanisme et habitat » vient à peine d'entrer en application. A l'article 13 quater, une rédaction de compromis, de nature à renforcer l'indépendance du gestionnaire du réseau public de transport d'électricité, a été adoptée.

Au titre IV, l'article 14 bis A, introduisant un nouveau plafonnement de la contribution au service public de l'électricité, a fait l'objet d'un large débat : la préoccupation des sénateurs, que nous partagions, était de ne pas pénaliser excessivement certaines entreprises mais la rédaction adoptée par le Sénat posait des difficultés d'application. Les explications du ministre nous permettront aujourd'hui de nous prononcer. L'article 17 n'a fait l'objet que de modifications rédactionnelles par le Sénat. Nous pouvons donc saluer aujourd'hui la naissance du Conseil supérieur de l'énergie.

Toujours dans le titre IV, le Sénat a accepté la suppression des articles 17 bis BA et 24 bis. Mais, la commission a retenu de nombreuses dispositions adoptées par le Sénat en procédant à quelques ajustements rédactionnels : celles relatives à la sécurité des installations gazières et à l'information en matière gazière et celles ayant trait au financement des retraites des personnels des industries électriques et gazières et au fonctionnement de la caisse nationale de retraite de ces personnels. L'article 17 bis C, qui concerne l'alignement des tarifs de l'électricité à Mayotte sur ceux de la métropole, a également été retenu sous réserve d'ajustements rédactionnels.

Sur la proposition de Patrick Ollier, la commission a modifié le dispositif adopté par le Sénat modernisant le statut de l'Institut français du pétrole pour conserver la souplesse de gestion de cet organisme.

Enfin, s'agissant du titre du projet de loi, la CMP a retenu l'intitulé proposé par le Sénat de « loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique » afin de tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel, intervenue le 21 avril 2005, après la seconde lecture par l'Assemblée.

En effet, selon cette jurisprudence, des dispositions relatives aux objectifs de l'action de l'Etat dans le domaine économique et social ne peuvent trouver place que dans une loi de programme. Or, jusqu'au 1er janvier 2005, date d'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances, une loi de programme devait nécessairement comprendre des éléments de programmation budgétaire. Le présent projet de loi, déposé avant cette date à la différence de celui sur lequel s'est prononcé le Conseil constitutionnel dans la décision que j'évoquais, ne pouvait donc avoir le caractère d'une loi de programme puisqu'il ne comprenait pas ces éléments de programmation budgétaire.

Compte tenu de la modification résultant de la loi organique qui s'impose aux lois ordinaires, et de la précision par le Conseil de sa jurisprudence, il est désormais nécessaire de donner au projet de loi ce caractère d'une loi de programme. C'est ce que la CMP, suivant le Sénat, vous propose.

Globalement, le texte de la commission mixte est encore enrichi par rapport à celui adopté par notre Assemblée et n'en dénature pas l'esprit sur les deux principaux points ayant fait l'objet d'un compromis, l'articulation du texte et la question de l'éolien.

L'accord a été possible grâce à l'esprit d'ouverture de M. Henri Revol, rapporteur pour le Sénat, que je remercie en notant que le travail commun que nous avons conduit pour préparer la CMP s'est déroulé dans des conditions exemplaires.

Je remercie encore les deux présidents de commission, de l'Assemblée et du Sénat, MM. Ollier et Emorine.

Je rends enfin hommage à M. le ministre, mais aussi à ses prédécesseurs, M. Devedjian et Mme Fontaine, qui avaient lancé le débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Ollier, vice-président de la commission mixte paritaire -Permettez-moi tout d'abord de remercier le Gouvernement , car ce texte revient de loin. Je me souviens en effet avoir demandé avec M. Poignant, et le soutien de l'ensemble des députés, notamment de l'opposition, qu'il n'y ait pas de déclaration d'urgence sur ce texte. En l'acceptant, le Gouvernement a permis au débat de se tenir. Personne ne peut dire que le Gouvernement a essayé de passer en force.

Monsieur Loos, vous avez su prendre ce texte en main avec efficacité, ce qui n'était pas évident. Votre ouverture d'esprit a permis à la commission mixte paritaire d'aboutir à un compromis.

Je rends encore hommage à M. Poignant qui a eu le courage de ne pas céder aux pressions qui ont pu s'exercer sur lui, dans sa circonscription. C'est l'honneur des élus d'aller jusqu'au bout de leurs convictions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Le compromis porte sur plusieurs points, mais je m'attarderai plus particulièrement sur la question de l'éolien. Qu'il n'y ait pas de malentendu : personne n'a jamais eu l'intention de supprimer l'éolien. J'ai entendu parler d'éolicide, certains se sont même permis des jeux de mots sur mon nom...

M. François Brottes - C'était amical.

M. le Vice-président - Cela ne m'en a pas moins chagriné. En l'espèce, parce que 95% de notre électricité est produite sans gaz à effet de serre, alors qu'au Danemark 82% sont produits avec gaz à effet de serre,...

M. Daniel Paul - Le modèle danois n'est pas bon !

M. le Vice-président - ...nous pouvons prendre le temps de la réflexion. Nous avons voulu maîtriser la mise en œuvre de l'énergie liée aux éoliennes, au nom d'un autre principe écologique, celui de la préservation de nos paysages. Il fallait légiférer en la matière, et nous sommes parvenus à une solution équilibrée.

Je voudrais lever un malentendu. M. Queyranne, président de la région Rhônes-Alpes, nous explique dans un courrier que la position de l'Assemblée empêche la réalisation de grands parcs et que, dans sa région, aucun projet ne dépasse les 20 mégawatts. Mais c'est que le bénéfice de l'obligation d'achat est limité aux projets de moins de 12 MW : pour atteindre 60 MW, on construit cinq parcs différents, ce qui conduit au mitage du territoire. C'est là ce qui nous a amenés à imaginer un dispositif qui permette de mieux réguler l'installation des éoliennes. Il y a le schéma régional mais, surtout, la commission mixte paritaire a décidé que le préfet veillerait au groupement des installations afin de protéger les paysages.

Cet équilibre est satisfaisant, et je remercie le Gouvernement de l'avoir accepté.

Reste le problème de l'obligation d'achat, et nous devons nous pencher sur les conclusions de la commission de régulation de l'énergie, chargée d'un rapport dans lequel elle estime que les tarifs sont très excessifs, et qu'ils aboutissent à des retours sur fonds propres après impôts pouvant atteindre 20 ou 30% par an. On comprend pourquoi nous en arrivons à une telle prolifération, sans pourtant atteindre de résultats satisfaisants - en Allemagne ou au Danemark, certains parcs sont démantelés par manque de rentabilité. L'Espagne, en pleine canicule, a fait fonctionner au maximum son parc éolien, mais la production s'est bornée à 5% !

M. François Brottes - C'est un début.

M. le Vice-président - C'est que les éoliennes fonctionnent grâce au vent, lequel se fait rare en période de grosse chaleur.

Je vous demande, Monsieur le ministre, de réfléchir à cette question. La commission a prévu de plafonner la rémunération des capitaux investis dans des installations bénéficiant de l'obligation d'achat. Je rappellerai à ceux qui ne se satisfont pas de la rédaction, que la formule de « juste rémunération » a été retenue dans d'autres textes sans que cela suscite de réactions. Il appartiendra au ministre de déterminer ce niveau de rémunération, sous le contrôle du juge.

Merci, Monsieur le ministre, d'être parvenu à un équilibre sur la question des industriels. Je pense que votre amendement améliorera le dispositif visé à l'article 14 bis A du texte de la CMP. Il fallait en effet tenir compte de ces petites industries qui risquaient de se retrouver dans une situation délicate.

Enfin, je me réjouis de l'adoption de mon amendement relatif à l'Institut français du pétrole, qui permet d'aboutir à un juste équilibre.

Je rends hommage à tous ceux qui nous ont permis d'arriver à cette conclusion équilibrée et je remercie la majorité de son soutien sans faiblesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie - Me voilà devant vous pour entendre les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation sur l'énergie, devenu projet de loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique du Gouvernement.

Je veux tout d'abord remercier tous ceux qui ont travaillé sur ce texte, en particulier les membres de la commission mixte paritaire, le président de la commission des affaires économiques et le rapporteur. Je suis moi-même un arrivé tardif sur ce projet, mais j'ai pu constater combien ces derniers jours ont été productifs. Le Gouvernement n'ayant pas demandé l'application de la procédure d'urgence, le projet a pu être largement débattu, au cours des deux lectures, et fortement enrichi.

Le débat sur la politique énergétique de la France est essentiel pour l'avenir à long terme de notre économie et la place de notre pays dans le monde. Le niveau de prix du pétrole, comme le niveau du thermomètre, confirme la pertinence des objectifs que nous nous sommes fixés : contribuer à l'indépendance énergétique nationale et garantir la sécurité d'approvisionnement ; assurer un prix compétitif de l'énergie ; préserver la santé humaine et l'environnement, en particulier en luttant contre l'aggravation de l'effet de serre ; garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l'accès de tous à l'énergie.

Je me réjouis qu'un compromis ait été trouvé par la commission mixte paritaire sur un sujet délicat comme l'éolien. Il permettra à la fois de faire plus d'éolien, avec la suppression du plafond de 12 mégawatts, qui limitait la taille des parcs et conduisait à une dispersion des mâts, et de le faire mieux, avec la création des zones de développement de l'éolien.

Je note également que la commission mixte paritaire a enrichi le texte sur les conditions d'achat de l'électricité produite à partir des énergies renouvelables. S'agissant de l'éolien, je rappelle qu'un arrêté du 8 juin 2001 prévoit que les tarifs baissent de 3% par an et qu'ils baisseront de 10% dès que 1 500 MW auront fait l'objet de contrats. Cet arrêté devra être réexaminé pour tenir compte des évolutions apportées par la loi, notamment de la disparition du plafond. A mon sens, les tarifs doivent être attractifs - d'où la prime à l'énergie renouvelable prévue par la CMP - sans pour autant offrir des rentes de situation, payées par les consommateurs.

M. le Vice-président de la CMP - Très bien !

M. le Ministre délégué - Nous prendrons le temps d'examiner les choses dans la sérénité et avec les industriels concernés avant de réviser l'arrêté.

M. le Vice-président de la CMP - Très bien !

M. le Ministre délégué - Seule la question du double plafonnement de la contribution pour le service public de l'électricité pose encore quelques difficultés rédactionnelles. Bien qu'une telle mesure représente environ 7% de l'enveloppe de la CSPE au vu de premiers chiffrages, l'impact sur la facture d'un consommateur moyen n'est que de 0,3% de la facture, soit 1 € par an TTC, ce qui apparaît supportable. Nous y reviendrons en examinant l'amendement du Gouvernement.

Une adoption rapide du présent projet permettra de mettre en œuvre dans les meilleurs délais les mesures qu'il contient. Je suis sûr que vous partagez ce souci et que cette journée permettra d'aboutir au vote des deux assemblées sur un texte définitif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. François Dosé - Paraphrasant Voltaire, je veux tout d'abord dire à M. le rapporteur que je ne partage pas ses convictions, mais que je me battrai pour qu'il puisse les exprimer, car c'est cela, la République.

La maison brûle et nous regardons ailleurs, a dit Jacques Chirac à Johannesburg. Oui, elle brûle et en 502 000 après Jésus-Christ, les déchets nucléaires que nous produisons aujourd'hui devront encore être traités avec la plus extrême prudence par nos descendants - ou ce qu'il en restera.

Oui, la maison brûle. En 2200, les immenses quantités de dioxyde de carbone que nous émettons aujourd'hui commenceront seulement à disparaître, en supposant que le volume total rejeté dans notre atmosphère n'ait pas excédé les capacités d'absorption des puits de carbone que sont les océans et les forêts.

En 2200, les réserves mondiales en énergies primaires connues aujourd'hui seront épuisées et certaines énergies fossiles - pétrole, gaz - auront cessé d'être exploitées : trop rares, trop chères.

Oui, notre maison brûle. En 2100, si nous n'intervenons pas avec fermeté aujourd'hui, dès ce matin, le changement climatique s'imposera. La température aura augmenté selon les latitudes et les altitudes de 1 à 8 degrés. Le niveau de la mer aura monté de 40 centimètres à 1 mètre. Qu'adviendra-t-il alors de la Camargue, de la Somme ou de la baie du Mont-Saint-Michel ? Des pays pauvres seront endeuillés. En 2100, la population mondiale s'approchera de 10 milliards d'habitants et la demande énergétique sera ingérable selon les modalités d'aujourd'hui.

Oui, notre maison brûle. Pour qu'en 2050 les émissions à effet de serre soient divisées par quatre, comme nous l'avions envisagé à Kyoto, il faudrait dès aujourd'hui à la fois baisser la consommation énergétique et maîtriser la production. Mais même en prolongeant cet effort pendant quatre décennies, nous ne ferions que contenir le phénomène du réchauffement climatique.

Oui, la maison brûle. En 2010, selon une directive européenne validée par la France, 21% de notre électricité devait être d'origine renouvelable. A 18% en 1990, l'objectif était à notre portée. Avec les 15% atteints en 2000, le défi se compliquait déjà. En s'en tenant aujourd'hui à 13%, la France transforme son propre engagement en chimère.

Ni mon tempérament ni mon éducation ne me portent au catastrophisme, mais taire ces perspectives là serait pure esquive, car elles ne s'imposeront que trop vite.

Quand l'énergie nous est comptée, les orientations législatives se sauraient se réduire à des commentaires ou à des annexes. Certes, il y a eu des avancées, le principe de précaution par exemple, mais ce texte n'est pas à la hauteur des enjeux. Il n'oriente pas suffisamment notre pays vers ces deux priorités incontournables que sont la sobriété et la mixité énergétiques.

Notre consommation énergétique augmente aujourd'hui plus rapidement que notre croissance. Il est donc urgent de faire la chasse au gaspi et de privilégier les technologies sobres et performantes. Le gâchis énergétique constituent une injustice à la fois économique, territoriale, sociale et intergénérationnelle.

Un exemple : chaque année en France, 100 millions de tonnes de CO2 sont rejetés dans l'atmosphère par 30 millions de bâtiments mal chauffés, mal isolés ; ce texte n'empêchera pas que ces émissions poursuivent leur croissance et atteignent 125 millions en 2015.

La mixité énergétique, hier prudente recommandation, est devenue un impératif vital. Or nous régressons dans ce domaine : il fallait favoriser vraiment la diversification des sources, refuser le tout-nucléaire, promouvoir les énergies renouvelables sans les cantonner à l'appoint, encourager et accompagner la recherche et l'expérimentation pour aider au développement de la cogénération, du solaire, de la géothermie, de la biomasse.

Mes collègues du groupe socialiste apporteront tout à l'heure d'autres précisions sur notre position, mais je voudrais d'abord appeler l'attention sur les dispositions de ce texte, notamment aux articles premier, 10, 12 et 13, qui ne nous paraissent pas conformes à nos principes constitutionnels.

Principe d'égalité, tout d'abord. L'égalité des prestations est rompue, notamment au détriment de l'énergie éolienne, phagocytée par des contraintes qui sont étrangement épargnées à d'autres types de production.

Principe de solidarité, ensuite. D'une part, les modalités de répartition fiscale des produits financiers issus de l'éolien - non dépourvues de légitimité - doivent s'imposer aussi aux produits financiers issus des autres sources d'énergie : solidarité fiscale, oui, mais partout et pour tous. D'autre part, la solidarité de la nation envers nos concitoyens confrontés aux besoins élémentaires est affaiblie : il fallait inscrire l'obligation d'une mise à disposition minimum d'énergie.

Principe de subsidiarité, en troisième lieu. La Constitution affirme désormais que la France dispose d'une organisation décentralisée et que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre des décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent mieux être mises en œuvre à leur échelon ». Nos collègues sénateurs ont insisté sur le rôle des communes dans le développement des énergies renouvelables, en particulier l'éolien, et dans la protection des paysages. L'établissement préalable de zonages pertinents par l'Etat ne s'imposait pas.

Principe de clarté, aussi. Les notions de « rémunération normale des capitaux » et de « sites remarquables » qui figurent aux articles 10 bis et 10 ter mériteraient d'être clarifiées.

Enfin, la Charte de l'environnement a validé le principe de précaution. Or, nous élargissons le périmètre du nucléaire civil en donnant le feu vert à l'EPR sans avoir assuré préalablement la gestion des déchets, sujet dont on renvoie l'examen au printemps 2006. Ce calendrier désoriente nos concitoyens ; il faut remettre de l'ordre dans le processus démocratique.

Pour toutes ces raisons, j'invite mes collègues à adopter notre exception d'irrecevabilité, en précisant par honnêteté intellectuelle et politique que le groupe socialiste est déterminé à saisir le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué - Reprenons point par point.

La solidarité fiscale : il est tout à fait normal que la CSPE soit progressive mais qu'il y ait un plafonnement. Le double plafond est un progrès par rapport au plafond simple car il rend le système moins brutal.

La subsidiarité : nous pensons qu'il est de la responsabilité de l'Etat de mener une politique de l'énergie. A ce titre, il n'y a rien d'inconstitutionnel à établir un zonage ; c'est une mesure pratique qui permettra de développer l'éolien. A ce sujet d'ailleurs, vous avez dit qu'il aurait été plus facile de passer à 21% d'énergies renouvelables en 1990, mais ce sont vos amis qui étaient alors au pouvoir !

La clarté : d'autres textes ont déjà fait référence à la « rémunération normale des capitaux ».

Le principe de précaution : un projet de loi sur la gestion des déchets radioactifs sera déposé en 2006, conformément au calendrier prévu par la loi Bataille, et après un large débat national.

Je ne vois donc rien dans ce texte qui soit contraire à la Constitution et j'invite l'Assemblée à rejeter votre exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur - Reprenant l'argumentation du ministre à mon compte, je ne reviens pas sur la question de l'irrecevabilité, mais je ferai néanmoins quelques observations.

Tout d'abord, Monsieur Dosé, je vous remercie de votre défense de la liberté démocratique d'expression, eu égard à des actes physiques isolés inacceptables.

Oui, la maison brûle, et pas seulement en France, mais dans le monde entier. Dans mon rapport sur les énergies renouvelables, j'affirmais la nécessité de les développer, non seulement pour la production d'électricité, mais aussi et peut-être surtout pour la production de chaleur et dans les transports. Il y a bien sûr l'éolien, mais aussi l'hydraulique, la biomasse, la géothermie...

Enfin, ce projet porte sur la politique énergétique dans son ensemble, avec notamment l'affirmation de l'option nucléaire ouverte et du choix de l'EPR. Si nous n'avions pas le courage de prendre nos responsabilités dans ce domaine, où irions-nous en termes d'effet de serre ? D'autres éléments de ce projet sont très importants, en particulier ce qui concerne les économies d'énergie.

Mme la Présidente - Nous en venons aux explications de vote.

M. Claude Gatignol - Heureusement qu'une motion d'irrecevabilité a été déposée : cela nous a donné l'occasion d'entendre François Dosé, qui selon son habitude nous a fait entendre un discours de haut niveau, philosophique et humaniste ; nous pouvons tous partager son analyse.

Nous ne pouvons en revanche accepter sa contestation de la constitutionnalité du texte. Son propos tendait du reste plus à définir une politique de l'énergie, et les souhaits qu'il a exprimés - efficacité énergétique, diversification des sources - sont indéniablement pris en considération par le texte.

La notion de subsidiarité est également présente : le texte mentionne explicitement l'interconnexion entre les réseaux des Etats de l'Union, et nous appliquons les directives européennes, par exemple celle sur les taux d'incorporation des biocarburants dans les carburants fossiles.

L'inégalité ne peut pas davantage être alléguée. Les collectivités locales prendront toute leur part dans les domaines de l'urbanisme, des transports ou de l'aide sociale - par le biais des fonds de solidarité pour le logement. L'ensemble du texte est bien sous-tendu par la volonté de maîtriser la demande et d'économiser l'énergie, avec les certificats d'économies d'énergie.

Notre collègue a également évoqué la Charte de l'environnement et le principe de précaution pour contester les décisions prises sur l'EPR. Ce type de réacteur est pourtant validé par l'ensemble des autorités de sûreté internationales et européennes. Ce n'est d'ailleurs pas la France qui a ouvert la voie en ce domaine, mais la Finlande, exemple même de la rigueur environnementale. Saisie du projet, la Commission nationale du débat public a intitulé sa commission particulière « débat sur la tête de série dite EPR ».

En matière de lutte contre l'effet de serre, la France montre bien la voie à l'heure où la planète entière s'inquiète de la hausse prévisible de la production de gaz carbonique. Le groupe UMP ne votera donc pas cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Brottes - François Dosé a parfaitement expliqué les raisons qui nous conduisent à saisir le Conseil constitutionnel. Permettez-moi simplement, Monsieur le ministre, de préciser son propos s'agissant de la solidarité fiscale. Il n'y a aucune raison de traiter différemment le nucléaire ou l'hydroélectrique et l'éolien. Les communes voisines d'une centrale nucléaire, d'où l'on aperçoit le nuage de vapeur d'eau, ne touchent pas davantage la taxe professionnelle que celles qui sont contraintes de mobiliser du terrain inondable parce qu'elles sont situées en aval d'un barrage hydroélectrique. Un dispositif existe, celui de l'écrêtement de la taxe professionnelle au profit d'un fonds de péréquation départemental : pourquoi en inventer un autre pour l'éolien ?

Cette précision apportée, je vous invite à voter cette exception d'irrecevabilité pour éviter la saisine du Conseil constitutionnel.

M. Daniel Paul - Je suis d'accord avec M. Dosé, la maison brûle.

Mme Bérengère Poletti - En ex-URSS !

M. le Vice-président de la CMP - Vous êtes contre le nucléaire !

M. Daniel Paul - Toutes les informations dont nous disposons sur l'évolution des réserves, notre consommation d'énergie et nos modes de vie, montrent en effet que des précautions auraient dû être prises depuis longtemps. Celles qui le sont aujourd'hui ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Timidité des mesures, en effet, et d'abord dans le domaine du logement. Alors que l'Etat, les collectivités locales et l'Union européenne soutiennent financièrement la rénovation et la réhabilitation de dizaines de milliers de logements dans nos quartiers, on ne prend même pas la peine de les mettre aux normes adéquates ! Dans le domaine des transports, ensuite : au moment même où nous entamions l'examen de ce texte, le Gouvernement supprimait les aides d'Etat aux collectivités locales qui lancent des projets de transports en commun !

J'ai en revanche deux réticences sur cette exception d'irrecevabilité, que je n'ai pas cachées à son auteur. D'abord sur le rôle de l'autorité publique dans le choix des terrains d'implantation des parcs éoliens - il faut trouver une solution qui associe les collectivités locales, mais aussi l'Etat -, ensuite sur celui du nucléaire.

M. le Vice-président de la CMP - Ah !

M. Daniel Paul - A l'évidence, notre pays a fait le bon choix dans les années 1970 en se dotant d'un important parc électro-nucléaire. Entre autres avantages, ce choix a contribué à renforcer notre avantage concurrentiel. Mais la filière a trop tardé à se développer : l'EPR vient un peu tard. Je ne suivrai donc pas notre collègue Dosé sur ce terrain-là, estimant pour ma part que le développement du nucléaire doit impérativement se poursuivre.

Pour ces deux raisons, je m'abstiendrai sur cette exception d'irrecevabilité.

M. le Vice-président de la CMP - Mes compliments : c'est courageux !

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

Mme la Présidente - Nous en venons à la discussion générale.

M. Claude Gatignol - Nous voici saisis pour la troisième fois de ce texte qui fixe les orientations énergétiques de la France. C'est dire l'ampleur du sujet et de la réflexion conduite par nos deux Assemblées. Pouvait-il d'ailleurs en être autrement, alors que cette loi est la première du genre et que nos concitoyens oublient souvent que l'énergie sous-tend toute notre économie ? Il fallait être persévérant, Monsieur le ministre : le Gouvernement l'a été, c'est bien.

Le texte de la commission mixte paritaire est le fruit d'un lourd travail de proposition et d'évaluation, conduit par les présidents Ollier et Emorine et les rapporteurs Serge Poignant et Henri Revol : qu'ils en soient remerciés et félicités. Il retrouve une architecture mixte : grands principes de valeur normative et rapport annexe détaillant les fondamentaux de notre politique énergétique. La clarté y trouve son compte et la réécriture des articles a permis d'alléger et de simplifier la rédaction.

Dès l'article premier, il est réaffirmé que le service public de l'énergie garantit l'indépendance stratégique de la nation. Il est assuré par des entreprises publiques - nationales et locales - aux côtés d'autres acteurs, puisque le marché sera bientôt libre et ouvert.

Notre politique vise à assurer l'indépendance et la sécurité d'approvisionnement nationales aux prix les plus compétitifs, à éviter tout impact sur la santé humaine et l'environnement, et à assurer l'accès de tous à l'énergie.

Le rapport annexe reconnaît le rôle des collectivités locales en matière d'urbanisme, de transports, d'économie de la demande et d'aide sociale, par l'intermédiaire des fonds de solidarité pour le logement. Il prend en compte une dimension européenne, avec la volonté de faire partager aux autres membres de l'Union des principes compatibles avec la législation communautaire garantissant l'interconnexion à haut niveau des réseaux européens.

Nous entendons d'autre part que le marché intégré permette le lissage des différences de prix intracommunautaires, certains Etats étant peu soucieux de compétitivité et de sécurité d'apport d'électricité au particulier.

En second lieu, le rapport annexe porte sur la maîtrise de la demande dans chaque secteur. Le premier concerné est le bâtiment. On peut y réaliser beaucoup d'économies, notamment dans les logements anciens, et il serait bon que, dans la prochaine loi de finances, on englobe tous les bâtiments et non pas seulement l'habitation principale. Pour l'emploi dans les PME comme pour le pouvoir d'achat des ménages modestes, c'est un élément important, auquel nous serons très attentifs. Quant au secteur des transports, il est le premier émetteur de CO2. Diverses mesures, dont les normes Euro IV, visent à limiter les émissions des voitures neuves à 120 grammes de CO2 par kilomètre en 2012. C'est bien, mais le comportement des conducteurs reste déterminant. Enfin, l'industrie est le secteur qui fait le plus d'efforts de productivité. Il faut l'accompagner par un système d'échange de quota d'émission au sein de l'Union européenne.

La troisième partie de l'annexe porte sur la diversification des sources d'énergie. En France, électricité d'une part, carburants et combustibles d'autre part sont un apport en gros équivalent. C'est une chance, quand le pétrole frôle les 60 dollars le baril, et nous le devons à nos 58 réacteurs nucléaires, qui de plus n'émettent pas de CO2, et qu'Allemands et Italiens nous envient. Il faut donc développer cette filière, et le réacteur n° 1 de Flamanville doit être le premier d'une longue série. Dès 2008, nous serons déficitaires en électricité ! Il n'y a pas de retard à prendre, car un chantier de construction prend six ans, plus la préparation du dossier. Mais il faut également développer l'hydraulique, qui ne pollue pas et répond parfaitement aux besoins en période de pointe. La consommation d'électricité s'est accrue de 3,4% en 2003, de 2,2% en 2004 et le 22 février à 19 heures 15, on a atteint le niveau record de 86 024 MWh. Le constat vaut partout, notamment dans les pays en développement.

Pour autant, il ne faut pas négliger les énergies dites renouvelables, tout en sachant que leur faible puissance, leur bas rendement, leur caractère aléatoire n'en font que des compléments. Il faut développer en particulier le solaire et la géothermie, qui produisent de la chaleur, et tous les produits issus de la biomasse qui peuvent remplacer les carburants fossiles à un coût acceptable -il faut néanmoins améliorer leur productivité.

Les articles qui développent les moyens de parvenir à ces objectifs n'apportent pas de bouleversement. Par l'article premier septies J, la CMP a fixé pour objectif à l'agriculture de contribuer de façon substantielle à la production d'énergie en 2010. L'article 3 institue, pour l'utilisation d'énergies renouvelables dans un bâtiment, des certificats d'économie d'énergie valides plus de cinq ans. L'article 10 porte sur l'éolien, source d'énergie controversée et dont les fondements techniques et économiques ne sont pas toujours sûrs. La CMP a accepté un compromis qui n'entrave pas le développement de la filière s'il est accepté localement mais limite les conséquences de l'obligation d'achat par EDF instaurée par la loi de 2000. La surprime qui résulte de cette obligation contribue à l'augmentation de la CSPE pour les ménages. Le plus simple aurait été de supprimer l'obligation d'achat et le certificat vert. La CMP ne l'a pas fait, mais nous ne pouvons accepter la dérive de la CSPE qui pourrait s'accroître en 2010 - 2,6 milliards par rapport aux 1,8 milliard de 2005. Je souhaite que la commission des finances se penche sur cette situation inquiétante.

Le Sénat a confié au préfet, sur proposition des communes, la définition de zones de développement éolien qui devront prendre en compte toutes les caractéristiques et contraintes locales, le code de l'environnement s'appliquant en particulier pour les mats de plus de 50 mètres. La taxe professionnelle profitera à l'ensemble de la zone de développement, comme le souhaitaient les collectivités locales.

Par ailleurs, les pouvoirs de contrôle de la CRE pour l'électricité et le gaz sont mieux définis ; d'une véritable régulation dépend en partie la facture acquittée par le consommateur. Nous souhaitons aussi que RTE France joue pleinement son rôle. Notre réseau de lignes électriques est bon ; l'améliorer encore peut assurer plus de sécurité et jouer sur les coûts.

Enfin, l'article 27 donne à l'Institut français du pétrole, dont nous apprécions les compétences, un statut d'EPIC. Etant donné le rôle qu'y jouent conjointement chimie et mécanique, j'aurais bien envie de le rebaptiser Institut français des propulsions...

M. le vice-président de la CMP - Du moment qu'il reste l'IFP !

M. Claude Gatignol - Ce texte forme donc un ensemble cohérent couvrant toutes les énergies. Mais le succès en ce domaine dépend d'un effort important dans la recherche sur les nouveaux matériaux et les nouvelles technologies. Nous avons une bonne base, publique et privée. L'agence nationale de la recherche, l'agence pour l'innovation industrielle, certains programmes communautaires doivent la consolider. Nous vous demandons d'y veiller.

Les orientations sont claires, les moyens précis, les objectifs ambitieux : le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Bataille - A l'occasion de ce texte, nous avons beaucoup débattu de la production de l'énergie. Je voudrais insister aujourd'hui sur son marché et son prix. C'est l'importation de produits énergétiques qui déséquilibre notre balance des paiements, malgré le cours de l'euro. Le transport routier joue un rôle écrasant et les solutions de remplacement se développent difficilement ; nous sommes donc de plus en plus gourmands d'un pétrole de plus en plus cher. Certes, nous n'en sommes pas aux 80 dollars le baril - en valeur actuelle - de 1980, mais à 60 dollars, nous en prenons le chemin. Et l'augmentation de 17% du super sans plomb et de 35% du gazole en deux ans pèse sur les ménages. Le Gouvernement aurait d'ailleurs pu alléger la charge en ne renonçant pas à la TIPP flottante.

Cette semaine, un mouvement national de protestation s'est développé contre l'ouverture du capital de GDF, présenté comme un grand progrès. Peu de Français semblent intéressés par ces actions, mais tous pâtissent de l'augmentation de 14% du prix du gaz en un an, augmentation que M. Sarkozy avait refusée avec la dernière énergie en son temps. On nous fait valoir que nous subissons l'évolution du cours mondial de produits importés. Mais l'électricité est produite en France à 95% et dans le rapport que j'ai cosigné avec Claude Birraux, nous avons montré que l'allongement de la durée de vie des centrales est une excellente affaire financière pour EDF. Comment dès lors justifier le doublement du prix du MWh en trois ans, son augmentation de 50% en un an ? Est-ce un alignement cynique sur le cours du pétrole ou fait-on payer au consommateur le rachat, discutable, d'Edison ? Les docteurs Diafoirus du libéralisme peuvent bien vanter les effets bénéfiques de la concurrence et de la privatisation, l'effet est détestable pour les ménages et les industries grosses consommatrices.

La papeterie, la sidérurgie, l'acier, l'aluminium, le verre sont menacés. Alcan, Arcelor, Saint-Gobain, Air Liquide attirent l'attention sur leur situation et menacent de délocaliser. Pour Jean-Louis Beffa, président de Saint-Gobain, quatrième consommateur de courant, la France est en train de perdre un de ses principaux avantages comparatifs - le prix relativement bas de l'énergie. Et M. Beffa d'envisager de partir vers la Russie... Quant à la SNCF, d'après Louis Gallois, sa facture s'est alourdie de 200 millions en 2004, avec les conséquences que cela implique sur le prix du billet, et donc sur le caddie de la ménagère cher à M. Breton ! Pour les particuliers, les prix restent stables sur le marché régulé, mais nous savons que cela ne durera pas...

Il est donc grand temps que le Gouvernement reprenne la main et joue son rôle en réglementant les tarifs. La hausse de ces derniers traduit la volonté d'offrir aux actionnaires un revenu élevé, mais elle est contraire à toute politique industrielle et catastrophique pour notre économie. L'Etat est toujours le maître du jeu. Je vous exhorte à arrêter cette hausse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Daniel Paul - Les questions énergétiques sont au cœur d'enjeux sociaux, économiques et environnementaux déterminants : il y va en effet de la sécurité et du confort de nos concitoyens comme de l'équilibre écologique de la planète. L'énergie n'est pas un produit comme les autres. Elle appelle donc l'intervention des pouvoirs publics, en matière de recherche, de production, de transport et de sécurité.

Un changement majeur est intervenu avec le changement de statut de l'opérateur historique EDF-GDF. Accélérant le processus, vous prévoyez l'ouverture du capital de ces deux entreprises et d'AREVA. Vous avez pris l'immense responsabilité de faire entrer l'énergie dans la jungle de la bataille financière, rompant avec les principes de vos aînés et bafouant toutes les règles de prudence qui s'imposent dans des secteurs aussi importants. Nous vous avons demandé de lancer des audits et d'examiner les erreurs commises dans d'autres pays, pour ne pas refaire les mêmes. Au lieu de cela, vous accélérez la financiarisation, vous vendez une partie du patrimoine national sans débat public avec les usagers et sans écouter les protestations des salariés et du front uni des syndicats, comme si le 29 mai ne traduisait pas, aussi, le rejet de cette politique ! Si l'opération financière est juteuse pour l'Etat, et lui permettra d'accorder de nouveaux cadeaux tout aussi inefficaces pour l'emploi, elle ne répond à aucun projet industriel ambitieux. Comment une gestion concurrentielle, sur laquelle pèse l'obligation d'une rentabilité à court terme, permettrait-elle de relever les défis environnementaux, sociaux et économiques qui se posent ? Le changement de statut d'EDF-GDF, contrairement à ce que vous avez laissé croire, n'était pas une obligation européenne : Mario Monti lui-même l'a confirmé.

Votre texte réaffirme certains principes auxquels nous ne pouvons que souscrire, sur l'indépendance énergétique par exemple, mais l'absence de moyens politiques pour y parvenir est inquiétante. On sait que la diversification des sources énergétiques est indispensable pour affronter la raréfaction des énergies fossiles. La guerre entre les énergies n'est donc pas de mise, car toutes seront nécessaires. En revanche, il est nécessaire de privilégier autant que possible les énergies renouvelables, afin de lutter contre l'effet de serre et d'économiser les énergies fossiles. Mais comment y parvenir, et tenir les engagements de Kyoto, quand le Gouvernement fait la part belle au transport routier face au fret ferroviaire et au transport combiné ?

Ce que vous proposez est aux antipodes d'une politique de responsabilité publique, nationale, voire européenne, visant à la sécurité des approvisionnements, du transport et du stockage dans tous les pays de la Communauté et assurant l'interconnexion des réseaux pour exclure la pénurie. Une telle politique ne peut s'accommoder de la mainmise du privé et de la financiarisation du secteur. D'autres questions essentielles se posent, à propos de la sécurité de la filière nucléaire et du renouvellement du parc de production, auxquelles votre texte n'apporte aucune réponse. Comment ne pas être inquiet des conséquences qu'aura l'irruption d'intérêts privés sur le fonctionnement et l'entretien des centrales, quand des problèmes se posent déjà du fait d'une gestion similaire à celle du privé ? Avec la question des tarifs, la sécurité est une des conditions majeures du soutien de nos concitoyens à l'énergie nucléaire. Or, ces deux points sont aujourd'hui en cause.

L'entretien des installations implique un engagement financier. L'explosion meurtrière de conduites de gaz rappelle qu'avec cette énergie aussi, la sécurité des personnes est en jeu. Les investissements nécessaires doivent être réalisés. Comment ne pas craindre que la privatisation de GDF conduise à des reculs importants ? Aujourd'hui déjà, les conditions d'astreinte sont remises en cause et les délais d'intervention sur le réseau, qui étaient jusqu'à présent de 20 minutes à une demi-heure, sont passés, dans le contrat de service public signé entre l'Etat et GDF, à une heure...

Dans l'optique d'une diversification énergétique, il faut également encourager la recherche pour développer une énergie plus propre dans les filières existantes et développer des technologies innovantes, comme les carburants alternatifs et les énergies renouvelables. Mais les impératifs de compétitivité d'EDF et de GDF ne feront pas bon ménage avec la rentabilité faible et souvent tardive des investissements dans la recherche ! Ces entreprises ont d'ailleurs réduit de façon importante leur budget en la matière...

Autre enjeu : la nécessaire augmentation des moyens de production, à tous les niveaux. La consommation d'énergie augmente même en période de stagnation économique : il faut bien prévoir le jour où nous renouerons avec la croissance, d'autant que les moyens actuels ne suffiront bientôt plus pour faire face à la demande. Quant aux mesures d'économies d'énergie, elles sont très insuffisantes, tant dans le logement que dans les transports, et peuvent même se révéler contreproductives.

Alors que le développement des transports en commun dans les villes devrait devenir un objectif national, vous avez supprimé les aides de l'Etat ! Alors que tout montre que la France comme l'Europe ont besoin d'une grande politique de transport ferroviaire de fret, partout, le rail est mis en difficulté, laissant la part belle au routier ! La question du financement du secteur est au cœur des défis énergétiques, mais la seule réponse qu'y apportent le Gouvernement et l'Union européenne, c'est la loi des marchés ! Nous défendons pour notre part une réorientation des investissements, du court terme vers le long terme, dans le cadre d'un pôle public de l'énergie et d'une agence européenne de l'énergie. Rien de cela ne nécessite de mettre une nouvelle fois les usagers à contribution !

Certes, il est facile de se cacher derrière l'explosion des tarifs du pétrole pour tenter de justifier celle des prix de l'essence, du fuel et du gaz, et faire ainsi oublier le jackpot que ces augmentations représentent pour les grandes compagnies. Reconnaissez-le : l'Etat et les actionnaires de ces groupes remplissent leurs caisses et ce sont nos concitoyens qui paient, en même temps que notre économie est fragilisée ! L'exemple de GDF, qui relève ses tarifs pour allécher les actionnaires futurs, est édifiant. Chauffer un pavillon au gaz pendant une année coûtait 630 euros en 1999, coûte 811 euros aujourd'hui et en coûtera 940 après le 1er juillet 2005 ! La justification de la direction de GDF, fondée sur l'augmentation des coûts d'achat du gaz, n'est pas convaincante : elle oublie de rappeler que la marge de l'entreprise a augmenté d'un milliard entre 2001 et 2003, grâce à l'évolution des tarifs !

Pour 2005, ses résultats devraient être supérieurs aux prévisions, avec une bonne progression du résultat net. La marge se porte donc bien sans hausse de tarifs ! Le bénéfice net devrait progresser de plus de 50% en un an, et les dividendes, qui sont aujourd'hui de 420 millions contre 94 en 1999, devraient atteindre 820 millions en 2007 ! GDF affiche en effet l'objectif d'un doublement de la rémunération des actionnaires entre 2005 et 2007. La masse salariale de l'entreprise, en revanche, stagne depuis plusieurs années... Avec 700 millions, elle pèse moins que les dividendes annoncés ! La privatisation du secteur, loin de contribuer aux activités industrielles, laisse donc en suspens les défis énergétiques.

En dépit des objectifs qu'il affiche, votre texte n'assure pas notre indépendance énergétique, ni la sécurité de nos approvisionnements. Il ne répond pas aux défis environnementaux. Je ne peux m'empêcher de citer M. Mestrallet, PDG de Suez : « Jusqu'à présent, en matière énergétique, la Commission européenne s'est plus préoccupée de concurrence que de sécurité des approvisionnements à long terme. La question de la dépendance énergétique doit être posée en Europe, dans une démarche collective, visant à nous doter de capacités de production et de transport de gaz et d'électricité. Je ne parle même pas de la dimension géostratégique du problème, mais simplement de compétitivité et d'efficacité de l'économie européenne ! ». Comme votre texte est loin du souffle des gouvernements de la Libération, qui avaient compris l'importance de l'énergie et avaient su préserver l'électricité et le gaz des intérêts financiers ! Comme il est loin, même, de la vision de vos prédécesseurs des années 1970, qui avaient su doter le pays d'un parc de centrales nucléaires. Aujourd'hui, vous vendez les bijoux de famille. Pire, vous bradez l'intérêt national. La privatisation du secteur s'inscrit dans la droite ligne de quinze années de déréglementation. Les salariés et les usagers en sont les premières victimes. Les questions environnementales et sociales restent éludées. Nous voterons une nouvelle fois contre ce texte.

M. François Brottes - Ce projet de loi d'orientation sur l'énergie a certes le mérite d'exister mais il est déjà dépassé. Lorsqu'il a été déposé voici plus d'un an de cela, comme en lever de rideau avant le texte organisant le changement de statut d'EDF-GDF, il visait surtout à amorcer la construction de l'EPR, de sorte que j'étais fondé à vous dire : « Votre bouquet énergétique ne comporte qu'une seule fleur : celle du nucléaire ».

De fait, ce texte n'est pas encore adopté qu'il date déjà : il ne prend pas en compte les canicules à répétition, les glaciers qui fondent, le baril de pétrole à plus de 60 dollars et la proche perspective d'un épuisement des ressources pétrolières, le pic de production devant intervenir dès 2006 selon certains experts. Face à l'accélération du réchauffement de la planète et à l'aggravation de l'effet de serre, votre Gouvernement se conduit comme ce pilote qui se contente de klaxonner en fonçant droit dans le mur ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Daniel Paul vient de rappeler en quels termes M. Mestrallet a stigmatisé la faiblesse de la politique énergétique européenne. Est-ce un eurosceptique ou un écologiste ? Non, c'est un acteur éminent de l'économie de marché et le dirigeant d'un des principaux opérateurs du secteur !

Depuis l'ouverture à la concurrence, les prix de l'énergie ont tant augmenté que les entreprises grosses consommatrices s'inscrivent ouvertement dans une logique de délocalisation et, selon certains, la privatisation d'EDF et de GDF fragilisera le maillage de proximité de ces entreprises publiques.

La situation est délicate et l'on ne peut plus se contenter de promouvoir et de sensibiliser. Il faut prendre des mesures fortes, car ce que nous n'imposerons pas aujourd'hui nous sera imposé demain au prix fort.

Or, hormis les certificats d'économie d'énergie pour les industriels, quelques incitations fiscales et un taux de TVA réduit pour l'accès à l'énergie bois distribuée en réseau, votre texte n'est qu'un catalogue des objectifs de la bonne conscience énergétique. Vous avez beau citer toutes les énergies renouvelables, vous rendez leur développement impossible. S'il faut enterrer les éoliennes pour qu'elles n'enlaidissent pas le paysage et recouvrir les capteurs solaires pour ne pas éblouir les oiseaux, comment bâtirons-nous des filières alternatives d'énergie crédibles ?

Avec les éoliennes, nous avons frôlé la caricature. Ceux qui se dressent « vent debout » contre l'implantation des mâts éoliens, seront-ils également contre les pylônes qui relieront la centrale de Flamanville au reste du réseau ? Comment imaginer que le principe de « valeur de l'obligation d'achat » qui pèsera désormais sur l'éolien ne porte pas préjudice aux autres énergie renouvelables ? Le nucléaire a bénéficié de temps pour se développer. Donnons aux autres filières des moyens comparables.

L'énergie la plus vertueuse est celle que l'on ne consomme pas. Vous abandonnez pourtant toute politique d'économie : vous n'avez pris aucune mesure pour imposer la norme HQE - haute qualité environnementale - dans la construction neuve ou dans la réhabilitation, et vous ne faites rien pour accélérer la réalisation d'infrastructures de transport en commun. Certes, l'Etat élabore un « plan climat », mais le débat sur les voitures à quatre roues motrices ou sur le transport ferroviaire a montré les limites de votre volontarisme. D'après ce texte, la France soutient l'objectif d'une division par deux des émissions mondiales de gaz à effet de serre d'ici à 2050. Malheureusement, s'agissant des énergies renouvelables, vous vous en tenez à un catalogue à la Prévert. Or, en la matière, l'heure n'est plus à la poésie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Tourtelier - Ma première remarque aura trait au rythme chaotique imposé pour l'examen de ce texte. Trois gouvernements différents se sont succédé durant la préparation et l'examen de ce projet de loi ! Le gouvernement Raffarin II est passé outre le débat public lancé au premier semestre 2003 pour faire voter au pas de charge un texte annonçant la construction de l'EPR avant la loi sur le changement de statut d'EDF. Une fois ce point acquis, il a fallu attendre un an pour que soit organisée la deuxième lecture. Qu'ont retenu nos concitoyens de cette loi ? Certes pas qu'il s'agissait d'une grande loi sur l'énergie mais bien plutôt l'image d'un texte « éolicide » ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Tout au long du processus législatif, ce projet a été instrumentalisé pour servir des objectifs de court terme.

J'en viens à la portée de ce projet de loi. Ce texte n'est pas crédible car vous vous en tenez à des déclarations d'intention, quitte à décevoir ceux qui ont participé au grand débat. Vous avancez des objectifs chiffrés sans vous donner les moyens de les atteindre. Après avoir refusé l'insertion d'un chapitre « Energie et effet de serre » comme si vous refusiez toute responsabilité de l'Etat, vous n'avez pas su associer les collectivités territoriales à la politique de maîtrise de l'énergie alors même que les intercommunalités sont compétentes dans les domaines de l'habitat et du transport, deux secteurs « énergétivores ».

Vous avez par ailleurs refusé de rendre obligatoires les travaux d'amélioration du bilan énergétique dans les appartements anciens à l'occasion de leur revente. De même, s'agissant des transports, vous n'avez retenu que les biocarburants. Ils sont certes utiles mais reste encore à en établir le bilan énergétique et à adapter notre système de raffinage. Et vous ne faites aucune proposition pour remédier aux difficultés du fret ferroviaire...

Comment croire que vous atteindrez votre objectif de 21% de la consommation d'électricité issue des énergies renouvelables quand vous négligez l'énergie photovoltaïque et tentez de mettre à mort l'éolien ? Nous avons pourtant besoin de ce dernier pour atteindre le but fixé mais comment exploiter cette source sans régler la question du raccordement au réseau électrique ? Le vent peut souffler dans une zone peu habitée, et donc située loin des postes sources. Le coût de la ligne de raccordement peut être dissuasif, surtout si l'on y ajoute les frais de renforcement du réseau. Certaines régions au réseau ancien, comme la Bretagne, auront des difficultés à monter de tels projets, à moins qu'on ne mutualise les frais d'équipement, comme c'est le cas pour d'autres équipements publics. Mais vous êtes muet sur ce point.

Cette absence d'une réelle volonté de soutenir le développement des énergies renouvelables se ressent également dans la modestie de vos propositions sur la recherche : 90% des fonds restent consacrés à l'énergie nucléaire !

En définitive, la démocratie ne ressort pas grandie de ce débat. Vos gouvernements successifs n'ont pu faire en sorte que le Parlement discute de la totalité des enjeux. Malgré nos demandes, le ministre de l'écologie n'a pu participer à nos discussions. Par ailleurs, comme l'avaient laissé attendre les travaux sur la loi relative aux responsabilités locales, vous avez multiplié les signes de défiance à l'égard des collectivités locales. Ainsi, vous confiez aux préfets, et non aux élus locaux, le pouvoir de déterminer les zones de développement éolien. Sans doute êtes-vous trop habitués à ce que les questions énergétiques relèvent uniquement de l'Etat central, et c'est sans doute pour les mêmes raisons que vous n'avez pas pris en compte les résultats de la mobilisation populaire dans la définition de notre politique.

Cette loi est décevante et trop souvent incantatoire. Nous ne la voterons pas.

M. Jean-Pierre Nicolas - Je me réjouis que nous votions, pour la première fois, une loi programme fixant les orientations de la politique énergétique de la France.

Assurer la sécurité d'approvisionnement de notre pays à des prix compétitifs tout en garantissant la cohésion sociale et territoriale et en préservant l'environnement, voilà l'objectif que nous nous sommes fixé.

Etant entendu que la plus abondante des énergies est celle que nous ne consommons pas, ce texte consacre la nécessité d'un bouquet énergétique pour agir sur les trois secteurs les plus énergétivores : le chauffage, les transports, la production d'électricité.

S'agissant de l'éolien, j'ai bien noté que des amendements de compromis avaient été trouvés, en vue d'assurer son développement sans dégrader les paysages, et dans des conditions économiques satisfaisantes.

Concernant l'article 10 B, sa rédaction peut laisser perplexe. Il s'agit en effet de prévoir un plafonnement afin d'éviter tout abus de rémunération résultant du système de l'obligation d'achat. Chacun sait que les tarifs fixés dans ce cadre tiennent compte d'un certain nombre de critères, dont les coûts d'investissement et d'exploitation évités. Or, la CRE a établi qu'il n'existait aujourd'hui aucune étude démontrant que le développement de l'éolien pourrait économiser la construction de centrales électriques.

Cette rémunération, à plus du double du prix du kilowattheure nucléaire, contribue à augmenter les charges du service public de l'électricité, dont le montant prévisionnel pour 2005 est de l'ordre de 1,7 milliard, dont 994 millions pour l'obligation d'achat !

La maturité de la filière doit permettre d'abaisser ce prix, sinon la charge des ménages s'en trouvera d'autant alourdie. Comment expliquer à un ménage qui paie avec difficulté ses factures d'électricité qu'il contribue à financer un rendement plutôt confortable des capitaux investis dans l'énergie éolienne, laquelle ne restera toujours qu'une énergie d'appoint ?

L'article 10 ter résulte également d'un compromis, en vue de favoriser le développement de l'énergie éolienne en évitant de dégrader les sites et les paysages.

La création de zones de développement de l'éolien est intéressant, mais en ne fixant ni plancher ni plafond, le législateur abandonne une part de ses responsabilités à l'administration, puisque le pouvoir de décision reviendra au préfet. Ce volet éolien risque bien de se résumer à une politique énergétique départementale.

De surcroît, en ne déterminant pas de plancher pour l'obligation d'achat, le législateur se prive des moyens d'orienter l'intervention des investisseurs.

S'agissant de l'article 10 quater B, je me réjouis que les EPCI puissent percevoir et redistribuer les produits de la taxe professionnelle correspondant aux installations éoliennes implantées sur les communes. Il s'agit là d'une mesure de solidarité intercommunale dans l'esprit de l'amendement que M. Gatignol et moi-même avions déposé lors du débat à l'Assemblée.

Globalement ce texte va dans le bon sens, même s'il y aurait quelques ajustements à opérer, notamment à propos de l'énergie éolienne. Et je me réjouis de votre promesse de réfléchir à un retour sur l'arrêté du 8 juin 2001. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - Catalogue à la Prévert ? Non, ce texte est au contraire une grande loi qui a le mérite de relever tous les enjeux de la politique énergétique et de répondre à vos nombreuses interrogations.

Monsieur Paul, Claude Gatignol a répondu à votre question sur ces enjeux : il y a bien une politique pour le transport, puisque nous allons développer les biocarburants, mais aussi une politique pour le bâtiment, grâce à l'article 6. Et les moyens suivent : en 2004, 200 millions ont ainsi été débloqués pour l'éolien. Multiplié par quatre depuis 2001, le nombre d'éoliennes le sera par six en 2006 ! Deux cents millions ont par ailleurs été consacrés aux biocarburants et 50 aux réseaux de chaleur.

Vous affirmez que rien n'est fait pour la recherche, alors que c'est une priorité ! L'ANR vient ainsi de lancer des appels à projets dans des domaines comme l'hydrogène, le photovoltaïque ou les bioénergies.

Cela étant, il est exact que se pose un problème de prix, du fait de la flambée des cours du pétrole. Nous avons lancé cinq initiatives pour tenter de mieux maîtriser ces prix au niveau européen, et j'aurai encore l'occasion lundi, au Conseil compétitivité pour l'énergie, de rappeler les propositions de la France à Luxembourg.

Quant au gaz, ne vous étonnez pas s'il coûte plus cher. Le contrat de service public entre l'Etat et Gaz de France prévoit en effet l'ajustement des tarifs, lesquels sont liés au cours du pétrole. La commission de régulation de l'énergie a du reste approuvé cette augmentation.

Vous me répondrez que les conséquences ne sont pas les mêmes pour l'électricité. C'est vrai, et d'ailleurs nos prix n'ont pas augmenté depuis 2003 - ils ont même baissé en janvier 2004. Cela étant, les prix sur le marché libre européen sont plus élevés et à l'échelle de l'Union, on constate la nécessité de construire de nouvelles installations, pour les contenir. La France donne l'exemple en la matière, avec l'EPR.

Si la construction de ce dernier commence en 2007, son exploitation pourrait débuter en 2012. Nous pourrons alors voir s'il tient toutes ses promesses, ce qui bien sûr sera déterminant pour le renouvellement de notre parc nucléaire ainsi que pour la réponse aux besoins nationaux - et européens - en électricité.

M. le Vice-président de la CMP - En effet.

M. le Ministre délégué - Tous ces enjeux sont pris en compte dans le présent texte, ainsi que les moyens et l'organisation qui doivent aller de pair. Je vous appelle donc à voter ce projet, en vous remerciant pour la haute valeur ajoutée que vous avez apportée au texte du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

Mme la Présidente - Sur le texte de la CMP, je suis saisie par le Gouvernement de deux amendements.

M. le Ministre délégué - L'amendement 2, qui se rapporte à l'article 10 bis B, répare un oubli en fixant une date limite : le 31 mars 2006.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre délégué - J'ai déjà présenté l'amendement 1, 2e rectification.

M. le Rapporteur - Cet amendement répond à une question que nous nous étions posée en commission mixte paritaire, où nous étions confrontés à des chiffres contradictoires pour ce qui est du double plafonnement de la CSPE. Compte tenu de ce que nous a dit le ministre au sujet de l'incidence réelle du dispositif pour le consommateur - une hausse de 0,3 point seulement -, nous pouvons accepter cette nouvelle rédaction.

M. François Brottes - Le plafonnement s'appliquera-t-il site par site ?

M. le Ministre délégué - Non, car on ne peut parler, stricto sensu, de la valeur ajoutée d'un site. Il s'appliquera à la société industrielle concernée, dans son ensemble.

L'amendement 1 2e rectification, mis aux voix, est adopté.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements qui viennent d'être adoptés, est adopté.

Prochaine séance, lundi 27 juin 2005, à 16 heures.

La séance est levée à 11 heures 50.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU LUNDI 27 JUIN 2005

À 16 HEURES : 1ère Séance publique

- Discussion du projet de loi relatif aux concessions d'aménagement.

À 21 HEURES 30 : 2ème Séance publique

- Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers.


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