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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 101ème jour de séance, 240ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 28 JUIN 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

IMPLANTATION D'ITER À CADARACHE 2

RENTRÉE SCOLAIRE 2005 3

SITUATION DE LA CHIRURGIE FRANÇAISE 3

INSERTION DES JEUNES
DES QUARTIERS DIFFICILES 4

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE 5

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT
(suite) 5

SÉCURITÉ ROUTIÈRE 5

RESPONSABILITÉ DES JUGES 6

CODE DU TRAVAIL 6

CONTREFAÇONS 7

FISCALITÉ RÉGIONALE ET TAXE PROFESSIONNELLE 8

HÔPITAUX PUBLICS 8

LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE
OUTRE-MER 9

POLITIQUE FAMILIALE 10

MODERNISATION DE L'ÉCONOMIE
(suite) 10

EXPLICATIONS DE VOTE 13

HABILITATION À PRENDRE PAR ORDONNANCE DES MESURES
D'URGENCE POUR L'EMPLOI 16

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 23

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

IMPLANTATION D'ITER À CADARACHE

M. Bernard Deflesselles - Monsieur le Premier ministre, il y a trois heures à peine, à Moscou, l'Union européenne, le Japon, les Etats-Unis, la Russie, la Chine et la Corée du sud ont choisi leur champion pour accueillir le plus grand projet scientifique mondial des trois prochaines décennies, ITER. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Ce champion, c'est la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) C'est en effet dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, sur le site de Cadarache, que sera implanté ce futur réacteur qui vise à reproduire l'énergie du soleil et qui devrait permettre, à terme, de répondre aux besoins énergétiques de la planète. Cette victoire - car c'en est une, diplomatique, scientifique et économique - est une victoire collective.

M. Maxime Gremetz - Du peuple !

M. Bernard Deflesselles - Qu'il me soit permis de saluer l'extraordinaire travail mené par les différents gouvernements sous l'autorité du Président de la République, mais aussi par mes collègues parlementaires, en particulier ceux de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur - au premier rang desquels Mme Joissains-Masini, députée-maire d'Aix -, sans oublier notre collègue et ami Pierre Lellouche. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) Comment ne pas saluer, de même, l'engagement humain et financier des collectivités locales de la région ? Comment ne pas remercier la communauté scientifique du CEA qui, par son expertise et sa mobilisation sans faille, a contribué à ce succès ?

Si ce projet est fondamental pour l'Europe et pour la France, il l'est tout autant pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Avec 5 milliards d'euros d'investissements pour la construction sur dix ans, autant pour l'exploitation sur vingt ans, plusieurs milliers d'emplois créés et 3 milliards de retombées économiques, c'est pour elle l'aboutissement d'efforts constants et partagés. Comment, dans un esprit de candidature olympique, entendez-vous transformer ce succès de la France en le mettant au service de tous les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Ne boudons pas notre plaisir. ITER à Cadarache, c'est un grand succès pour notre pays. Ce succès a été porté pendant plus de deux ans par le Président de la République, qui se rendra sur place jeudi prochain. Il illustre notre capacité à relever des défis technologiques et scientifiques de haut niveau. Nous l'avons fait dans le domaine aéronautique et spatial, avec Concorde, avec Ariane, avec Airbus, nous le faisons aujourd'hui dans le domaine des énergies nouvelles. ITER, c'est une garantie de dynamisme pour toute la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Grâce au partenariat avec les collectivités locales, ce sont près de 4000 emplois qui seront créés dans la région. La France, j'en suis certain, saura se montrer à la hauteur de sa réputation, de son savoir-faire technologique et de sa tradition d'accueil des chercheurs du monde entier.

ITER, c'est aussi un succès pour l'Europe - et nous en avons besoin. Nous venons de montrer que le rassemblement des Etats européens était la clé du succès : lorsque nous sommes unis, nous avançons. ITER doit donc servir d'exemple pour d'autres grands projets tels que Galileo. Enfin, ITER est un succès pour toute la communauté internationale. Les Etats-Unis, la Russie, la Chine, le Japon, la Corée du sud, l'Union européenne se sont tous rassemblés à Moscou pour faire le choix de l'union pour un projet qui représente près de 10 milliards d'euros. ITER fait partie des grands projets du futur pour l'humanité. Cette énergie du futur est une énergie propre, renouvelable, qui économisera les ressources de la planète. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

RENTRÉE SCOLAIRE 2005

M. Serge Blisko - Ces jours-ci se tiennent dans les académies les conseils départementaux de l'éducation nationale, qui présentent les mesures de carte scolaire pour la prochaine rentrée. Des milliers de postes sont supprimés. Dans des académies comme Lille, ce sont 1 000 postes qui disparaissent tandis qu'à Paris, des dizaines de fermetures de classes sont prévues en primaire. Est également programmée la fin du dispositif d'aide aux élèves en difficulté créé par Jack Lang : ces lycées qui accueillaient les élèves « décrocheurs » ont vu leurs crédits diminuer fortement depuis 2002, jusqu'à devenir quasiment inexistants. Alors que le Gouvernement avait promis de placer au cœur de son action les 60 000 élèves qui sortent chaque année du système sans diplôme ni qualification, vous supprimez insidieusement les crédits de structures innovantes comme le lycée Jean Lurçat du XIIIe arrondissement de Paris. Vous réduisez les dotations horaires globales dans les collèges : beaucoup d'options intéressantes, notamment dans les collèges de quartiers en difficulté, sont supprimées. Le groupe socialiste a demandé un collectif budgétaire : le Gouvernement a choisi d'ignorer cette demande. Maintenez-vous cette position ? L'éducation nationale reste-t-elle une priorité du Gouvernement ? Etes-vous certains que votre politique prépare l'avenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - L'éducation nationale est évidemment une priorité du Gouvernement.

M. Patrick Roy - C'est ce que nous voulons entendre !

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - C'est une priorité de la nation, et elle le restera, car c'est le meilleur investissement que nous puissions faire pour l'avenir. Pour la rentrée 2005, 1 000 postes d'instituteurs supplémentaires sont prévus, sans compter les redéploiements et les ajustements qui pourront être opérés sur l'ensemble du pays : nous aurons donc, avec l'aide de la communauté éducative, une bonne rentrée ! Quant aux classes de l'académie de Paris, elles verront renforcer leur encadrement pour la troisième année consécutive, car, depuis trois ans, alors que le nombre d'élèves baisse, nous maintenons les effectifs dans l'académie de Paris. Certains annoncent que le nombre des élèves va augmenter, mais il faut envisager cette hypothèse avec prudence ; au reste, si elle se confirmait, l'académie aurait les moyens de faire face. Le rectorat de Paris vient ainsi de prendre 110 mesures d'ajustement pour tenir compte des évolutions prévisibles et des observations formulées par les élus comme par les parents d'élèves. Quant à la répartition des effectifs entre arrondissements centraux et « difficiles », les moyens sont là encore renforcés, puisque quinze classes promises à la fermeture si l'on appliquait une logique strictement arithmétique seront maintenues ouvertes. C'est dire, Monsieur Blisko, à quel point ce gouvernement est attentif aux problèmes scolaires. Enfin, s'agissant du soutien scolaire, c'est l'honneur de la majorité d'avoir voté la réforme qui va enfin apporter aux élèves en difficulté l'aide dont ils ont besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

SITUATION DE LA CHIRURGIE FRANÇAISE

M. Claude Leteurtre - Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et j'y associe mon collègue Olivier Jardé. L'UDF s'inquiète de la prise de position de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie relative à l'accès au secteur 2 des chirurgiens. Cette ouverture avait été promise pour le 30 juin de cette année par l'accord signé en août 2004. Aujourd'hui, pour la refuser, l'assurance maladie s'abrite derrière le prétexte de la nouvelle classification commune des actes médicaux, à ce point inutilisable en l'état qu'une nouvelle codification est en cours d'élaboration. La position de l'UNCAM est grave, car elle remet en cause la parole donnée et met en péril l'avenir de la chirurgie, déjà en grande difficulté. Ne nous y trompons pas : si de nouveaux espaces de liberté tarifaire ne lui sont pas ouverts, la chirurgie française sera condamnée. Faut-il rappeler que l'on ne devient chirurgien qu'à l'issue de quinze années d'études post-baccalauréat et que l'exercice de cet art emporte des contraintes majeures et une prise de risque quotidienne ? Nous pouvons tous avoir besoin d'un chirurgien un jour ou l'autre : celui-ci a droit à une rémunération juste et équitable. (« Très bien ! » sur divers bancs)

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre - et dans quel délai - pour que soit respectée la parole donnée en vue d'assurer l'avenir de la chirurgie française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités - La chirurgie française a un avenir et la parole donnée sera bel et bien respectée... (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF) L'accord du 26 août 2004, déclinée en neuf points, sera intégralement respecté. Signé par les syndicats représentatifs, par le ministre Philippe Douste-Blazy au nom du Gouvernement et par l'assurance maladie, ses différents points obligent l'ensemble des parties. Si nous croyons à l'avenir de la chirurgie française, c'est parce que nous nous attachons à régler l'un après l'autre chacun des problèmes soulevés par l'accord, qu'il s'agisse de la responsabilité civile professionnelle, de la revalorisation progressive des actes, de la mise en place d'une nouvelle nomenclature technique correspondant à la juste rémunération de l'acte médical, du relèvement du nombre d'internes - de 306, en 2003, nous arrivons à 550 cette année - ou du désormais célèbre « point n°9 ». Celui-ci traite du devenir de la chirurgie de secteur 1, promise à disparaître si nous n'agissons pas. Les chirurgiens du secteur 2 pratiquent, chacun le sait, les honoraires libres. Or, nous entendons faire en sorte que l'égalité d'accès aux soins, telle qu'elle a été rappelée par la Cour de cassation en juin, demeure effective dans notre pays... (M. Maxime Gremetz s'exclame). Soit on laisse filer, et l'égalité d'accès aux soins ne sera plus garantie, soit on met en place, conformément à l'accord, un secteur optionnel chirurgical, vraiment attrayant pour tous les chirurgiens. Songez en effet qu'en quinze ans, nous sommes passés de 63 % à 80 % de chirurgiens exerçant en secteur 2. Mais il n'y a pas de fatalité en la matière et j'ai demandé à l'assurance maladie de veiller aux respect des engagements : c'est à ce prix que l'avenir de la chirurgie française sera assuré. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

INSERTION DES JEUNES DES QUARTIERS DIFFICILES

M. Patrick Braouezec - Le Gouvernement a découvert récemment que le problème majeur de notre société, c'était la situation de non emploi - ou de sous-emploi - des six millions de précaires et d'exclus, qu'ils vivent ou non dans des quartiers populaires. C'est cette réalité qui sape la cohésion sociale depuis vingt ans et elle appelle des réponses responsables. Or, promettre à l'emporte-pièce, à la suite de la visite largement médiatisée d'un quartier, quarante emplois à des jeunes d'une cité n'est pas responsable. Cela décrédibilise le travail de long terme des élus locaux et des services de l'Etat. En un an, le chômage des moins de 25 ans a augmenté de 12 % dans les huit villes de la communauté d'agglomération que je préside, qui comprend La Courneuve. Le nombre de demandeurs d'emplois y a augmenté de plus de deux mille unités depuis avril 2002, et le taux de chômage de ce territoire placé au cœur de la région la plus riche d'Europe atteint désormais 16,3 % de la population active. Les quartiers qualifiés de difficiles ont été en fait mis en difficulté : ils ont désormais soif d'égalité dans l'accès aux droits, qu'il s'agisse du droit au travail, au logement, aux soins, à l'éducation ou à la culture. Mme Jacquaint vous a du reste interrogé à ce sujet ce matin même.

Monsieur le ministre de l'emploi et de la cohésion sociale, comment justifiez-vous vos annonces sur l'emploi alors que la majorité , non contente d'avoir mis fin aux emplois-jeunes, projette de supprimer cinq mille emplois de plus dans la fonction publique et qu'elle demeure impuissante face à la multiplication des plans sociaux et des délocalisations qui mettent sur le carreau des milliers de salariés du privé ? Etes-vous en mesure de confirmer que les subventions aux associations d'insertion présentes dans les quartiers seront maintenues à leur niveau de 2004, alors qu'elles sont aujourd'hui gelées et que beaucoup s'inquiètent de leur possible suppression ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur de nombreux bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Monsieur le député, vous avez fait allusion à une visite à La Courneuve qui s'est déroulée à la suite d'un drame particulier. L'ordre public doit être respecté dans ce pays cependant que les quartiers et cités de nos banlieues méritent le respect républicain le plus total. Ce gouvernement démontre tous les jours qu'il a du respect et de l'affection pour les quartiers dits en difficulté... (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

Un député communiste - Je croyais qu'il était plutôt question de les « nettoyer »...

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Je me dois d'abord de rappeler que le programme de rénovation urbaine des quartiers a commencé par celui de La Courneuve, 240 millions ayant été mobilisés pour refaire la barre Balzac. De même, alors qu'ils ont été délaissés depuis vingt ans, les ensembles du site de Plaine Commune doivent bénéficier d'un programme de rénovation doté de 1,5 milliard, la décision financière finale devant intervenir le 4 juillet prochain. Mais la revitalisation de l'habitat ne suffit pas. Il faut prendre en compte les hommes, et, au premier chef, les plus jeunes. Vous savez que le Premier ministre a décidé que tout jeune demandeur d'emploi serait reçu par l'ANPE... (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) ...de manière rapide et privilégiée. Chacun de ces jeunes se verra proposer un contrat d'apprentissage public ou privé, un contrat de professionnalisation - pour les 16-24 ans - ou un contrat d'accompagnement vers l'emploi, le Premier ministre ayant libéré 100 000 contrats sur l'ensemble du territoire.

Quant aux aides aux associations, elles ne sont évidemment pas gelées. C'est au contraire cette majorité qui a voté une révolution des financements locaux. La ville de la Courneuve a touché cette année 1,3 million d'euros de plus et la DSU augmentera de 300 % dans les quatre ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du groupe parlementaire d'amitié Laos-France, conduite par son président. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

SECURITÉ ROUTIÈRE

M. Thierry Mariani - Dans quelques jours, Monsieur le ministre de l'intérieur, notre pays va connaître les grandes migrations estivales habituelles, qui sont hélas la période où l'on déplore le plus grand nombre de victimes sur la route. Sur des sujets aussi sensibles que la récidive, vous avez montré qu'il était fondamental de remettre les victimes au centre de nos préoccupations et vous avez donné des directives en ce sens. Pouvez-vous donc nous dire quelles sont les consignes que vous avez données aux policiers et aux gendarmes pour faire face au risque routier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés socialistes - Le karcher !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire - La sécurité routière est l'une des priorités du Président de la République. Les résultats sont là, et je veux y associer Gilles de Robien et Dominique Perben : en trois ans, il y a eu 6 000 vies épargnées et 100 000 blessés de moins. (Applaudissements sur les bancs du groupe bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Ces vies épargnées sont beaucoup plus importantes que les agacements de tels ou tels devant la multiplication des contrôles et des radars. Il faut savoir ce que l'on veut : des familles décimées par des assassins de la route ou des résultats.

Cela ne veut pas dire que ces résultats soient suffisants. On compte encore en effet chaque jour 14 tués et 300 blessés. En Grande-Bretagne, il y a 3 500 tués par an, avec 6 000 radars. Nous allons passer en 2005, je l'espère, sous la barre des 5 000 tués, avec 1 000 radars. Les consignes que j'ai données sont des consignes de très grande fermeté à l'endroit des comportements dangereux. Il faut savoir que la moitié des victimes de la route sont totalement innocentes. Leur seul tort est d'avoir croisé la route d'un assassin !

Je souhaite que le programme d'installation de radars soit poursuivi au-delà de 2005. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Notre devoir est de penser aux victimes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

RESPONSABILITÉ DES JUGES

M. Jacques Remiller - Monsieur le Garde des Sceaux, quatre années d'enquête sur le milieu du banditisme grenoblois, soit plus de 25 000 pages de procédures, ont purement et simplement été annulées à la suite d'un vice de forme soulevé par la défense et confirmé vendredi dernier par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Lyon. Plus aucune charge ne pèse désormais sur les 22 personnes mises en examen dans ce dossier et les suspects encore placés en détention provisoire ont été libérés d'office.

La complexité de la procédure est indéniable, mais aucune institution ne saurait être au-dessus de tout contrôle. Les juges aussi doivent rendre des comptes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et ce d'autant plus qu'ils jouent un rôle de plus en plus important. N'oublions pas qu'ils jugent au nom du peuple français !

Comprenez, Monsieur le ministre, l'émotion des Français, qui voient dans cette affaire le signe d'une grande défaillance de notre système judiciaire. Nos concitoyens sont indignés par cette relaxe pour vice de procédure, qui nie le travail accompli par les gendarmes, les policiers, les douaniers, et par la justice elle-même. Quand la sécurité est en jeu, un juge n'a pas le droit de méconnaître les limites de sa saisine. Il ne s'agit pas d'une erreur, mais d'une faute. Si un comptable ou un médecin commet une faute, il doit rendre des comptes. Que comptez-vous donc faire, Monsieur le Garde des Sceaux, pour rassurer les Français sur la responsabilité des magistrats ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice - Toute la France comprend votre émotion, mais vous me permettrez - c'est mon rôle - de rappeler très exactement les faits. Sur les quinze « caïds », ce sont seulement trois qui ont été remis en liberté (Exclamations) à partir d'un problème de procédure, qui aujourd'hui n'est pas tranché puisque, si la chambre d'instruction a annulé la procédure qui était celle de deux juges d'instruction, le procureur général de Lyon a cru de son devoir - dès lors qu'il y a dispute juridique - de former un pourvoi devant la Cour de cassation. Vous ne pourrez donc dire qu'il y a faute que quand la Cour de cassation se sera prononcée.

Quant au problème difficile de la responsabilité des juges, il est ouvert dans toute démocratie - et donc dans la nôtre. La responsabilité des juges peut être pénale, comme pour tout citoyen. Elle peut être disciplinaire : c'est le Conseil supérieur de la magistrature qui est alors compétent. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Enfin, elle est professionnelle : les juges sont notés, et de ces notations dépend le déroulement de leur carrière. (Exclamations) Pour autant, la question est posée. Elle l'a été sous la gauche, qui a fait des propositions. Aujourd'hui, il m'apparaît qu'il ne serait pas de mauvaise politique de se remettre à y réfléchir, sereinement, avec les magistrats et avec le Conseil supérieur de la magistrature.

CODE DU TRAVAIL

M. Germinal Peiro - Je souhaiterais savoir, avant d'en venir à ma question, s'il convient de croire M. Sarkozy ou M. Perben en ce qui concerne la programmation du nombre de radars sur nos routes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Après le meurtre de deux contrôleurs du travail, Sylvie Trémouille et Daniel Buffière, le 2 septembre 2004 en Dordogne, un rapport sur l'inspection du travail a été remis au ministère du travail en janvier 2005. Celui-ci fait état de la fragilisation et de la stigmatisation du droit du travail alors qu'il est pourtant indispensable de le respecter quand trois salariés meurent chaque jour sur leur lieu de travail et que plus de 200 sont victimes d'accidents. Depuis trois ans, pourtant, la majorité n'a cessé d'attaquer le code du travail qu'elle désigne conne un frein à l'emploi ; depuis trois ans, elle n'a cessé de réduire la protection des salariés - dénaturation des 35 heures, libération des heures supplémentaires, réduction du nombre des visites obligatoires à la médecine du travail, suppression des emplois-jeunes, justification de l'élargissement du travail de nuit aux apprentis mineurs - ; depuis trois ans, elle n'a cessé d'accuser le droit du travail : M. Larcher a même affirmé que nous en faisions une lecture salafiste !

M. Richard Mallié - Il a raison.

M. Germinal Peiro - Aujourd'hui même, vous vous apprêtez à affaiblir une nouvelle fois les droits des salariés en légiférant par ordonnances, au mépris des élus (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Comment s'étonner, dès lors, que le droit du travail soit sans cesse contesté ? Savez-vous que les fonctionnaires de l'inspection du travail sont chaque jour victimes de pressions et de menaces ? Allez-vous enfin cesser de stigmatiser le code du travail et donner aux inspecteurs du travail les moyens nécessaires à l'accomplissement de leur mission ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes - L'inspection du travail veille au respect de l'ordre public social et nous avons eu l'occasion, avec Jean-Louis Borloo, de le rappeler solennellement après le double meurtre de Saussignac certes, mais aussi à l'occasion d'autres agressions perpétrées par des chefs d'entreprises ou par des demandeurs d'emploi faisant l'objet de contrôles. J'ai confié à Jean Bessières une mission sur le devenir et l'organisation de l'inspection du travail. Un large débat a eu lieu et j'aurai l'occasion de revenir sur ses conclusions cette semaine lors de ma visite à l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle à Charbonnières. Néanmoins, si l'inspection du travail est nécessaire à l'ordre public social, elle doit également dire le droit que le législateur élabore : le code du travail, dans une démocratie, n'est pas intangible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

CONTREFAÇONS

M. Marc Laffineur - La contrefaçon est un fléau qui représente entre 5 % et 10 % du commerce mondial, soit environ 500 000 milliards d'euros, et cause la perte de 300 000 emplois en Europe dont 40 000 en France. Elle touche le luxe, les médicaments, les pièces détachées d'avions et d'automobiles. Les principaux contrefacteurs sont en Chine, en Russie, en Asie du Sud-Est et leurs gains sont énormes puisqu'un euro investi en rapporte dix. Désormais, la grande criminalité et le terrorisme en sont les principaux bénéficiaires. Nous devons réagir : si la France bénéficie, grâce à la majorité, d'une législation douanière et pénale en avance sur ses partenaires européens, une prise de conscience de tous les gouvernements est également nécessaire, de même qu'une formidable volonté politique internationale. Que comptent faire la France et l'Europe pour lutter efficacement contre ce fléau ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat - Votre rapport l'a parfaitement montré, Monsieur le député : la contrefaçon fait des ravages et un renforcement de la mobilisation est impérativement nécessaire. J'ai assigné aux douanes une augmentation de 10 % des objectifs de saisies. Je vais en outre reprendre les propositions que vous avez formulées en renforçant nos moyens juridiques dans le cadre d'un bref projet de loi, présenté à l'automne, sur la propriété intellectuelle et les brevets ; nous renforcerons également le service national de la douane judiciaire et nous investirons dans l'achat de scanners et de moyens mobiles. Nous associerons en outre à la lutte contre la contrefaçon les entreprises victimes en organisant des stages de formation de douaniers et nous informerons le grand public, selon les préconisations de la mission de Bernard Brochand. Enfin, nous travaillerons au renforcement de la coopération internationale.

Je vous remercie, Monsieur Laffineur, pour votre contribution : nous agirons ensemble, et ensemble nous réussirons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

FISCALITÉ RÉGIONALE ET TAXE PROFESSIONNELLE

M. Gilles Carrez - En 2005, les 20 régions dirigées par le parti socialiste ont augmenté leurs dépenses de 13 % en moyenne (Huées sur les bancs du groupe UMP) par rapport à 2004. L'Alsace, région dirigée par une majorité de droite et du centre, n'a augmenté ses dépenses que de 2,8 % (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Cette explosion des dépenses régionales n'a rien à voir avec la décentralisation puisque quasiment aucune compétence n'a été transférée. En revanche, ce sont les dépenses de communication, de représentation et de réceptions qui dérapent dans les régions gérées par la gauche. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Augustin Bonrepaux - C'est faux ! Vous mentez !

M. Gilles Carrez - Contestez-vous les chiffres ? Pas moins de 176 % d'augmentation en Bourgogne et 53 % en Languedoc-Roussillon ! Conséquence de cette envolée des dépenses : dans les régions socialistes, la taxe professionnelle augmente en moyenne de 24 % en 2005, et même de 80 % en Languedoc-Roussillon et de 75 % en Bourgogne, contre 2,5 % en Alsace. (« Hou ! » sur les bancs du groupe UMP) Nul doute que cette explosion irresponsable de la taxe professionnelle provoquera délocalisations et pertes d'emplois. (Huées persistantes sur les bancs du groupe UMP ; vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) On ne peut à la fois dénoncer les délocalisations et les encourager par des hausses de fiscalité inconsidérées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Au moment où est envisagée une réforme de la taxe professionnelle, les collectivités qui ont cédé à de telles facilités bénéficieront-elles d'une compensation totale de la part de l'Etat, c'est-à-dire du contribuable national ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP) Autrement dit, les contribuables d'Alsace, dont les élus ont été vertueux, seront-ils ponctionnés pour assurer le train de vie fastueux des régions Languedoc-Roussillon et Bourgogne ? Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que la réforme aura bien pour principe de récompenser la vertu et de décourager l'inconscience, en l'espèce l'irresponsabilité fiscale des régions socialistes ? (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP ; vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat - A gauche comme à droite, tous dénoncent les ravages provoqués par les délocalisations, dont certaines sont bel et bien motivées par l'augmentation de la taxe professionnelle. Mais il n'y a que dans les régions de gauche que celle-ci a explosé ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Les principes de la réforme, à laquelle nous travaillons activement, avec mon collègue Brice Hortefeux, seront simples. Tout d'abord, la réforme de cet impôt, qui pénalise aujourd'hui lourdement l'investissement industriel, ne doit pas se faire au détriment d'autres secteurs économiques. Il faut ensuite en appeler à la responsabilité de tous : l'ensemble des contribuables nationaux ne peut être sollicité au bénéfice exclusif de certaines régions. Enfin, le plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée doit être la norme, alors que ce n'est plus le cas aujourd'hui, notamment dans certaines régions de gauche. Soyez donc assuré, Monsieur le rapporteur général, qu'un cliquet sera bien prévu, de façon que l'irresponsabilité de certaines collectivités ne soit pas supportée par le contribuable national et ne nuise pas à l'emploi dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

HÔPITAUX PUBLICS

M. Michel Vergnier - La question précédente a été posée de manière totalement caricaturale. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) Nous dresserons le bilan dans quelque temps car, voyez-vous, les chiffres sont têtus. (Mêmes mouvements)

Ma question s'adresse au ministre de la santé. L'hôpital public traverse aujourd'hui une grave crise liée à son financement et aux difficultés de la mise en œuvre de la tarification à l'activité.

Plusieurs députés UMP - Et les 35 heures ?

M. Michel Vergnier - Le secteur public hospitalier s'alarme quand vos services prévoient une hausse de 3,5 % seulement de ses dépenses alors que, selon la Fédération hospitalière de France, la simple reconduction de ses activités conduit à un besoin de financement supérieur d'au moins 5 %, à celui de l'an passé.

Avec la tarification à l'activité, les hôpitaux publics subiront, à activité constante, des baisses de ressources considérables. Cela est vrai des centres hospitaliers moyens comme celui de Guéret, dont je préside le conseil d'administration, mais aussi des CHU, qui doivent pourtant faire face à leurs obligations de service public de soins, de formation et de recherche. Cette « rationalisation » budgétaire condamne les hôpitaux de proximité et remet en question des partenariats pourtant indispensables. A ce sujet, en examinant le dossier de l'hôpital d'Arras, nous nous sommes interrogés, avec ma collègue Catherine Génisson, sur les logiques de coopération public-privé éligibles au plan Hôpital 2007. Si ces coopérations peuvent être intéressantes, elles ne sauraient avoir d'autre objectif que l'amélioration de l'offre de soins. (Manifestations d'impatience sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Posez votre question, je vous prie.

M. Michel Vergnier - Les personnels sont profondément découragés. Les réponses apportées par les ARH ne sont pas satisfaisantes. Les malades ne sont ni une marchandise, ni des « clients ». Quelles réponses pouvez-vous apporter, Monsieur le ministre de la santé, car nous sommes bien décidés à ne pas laisser faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités - La réponse réside dans la modernisation de l'hôpital public. Pourquoi n'avez-vous donc pas voté le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 qui a lui donné 1,8 milliard d'euros de plus qu'en 2004 ? Les réformes engagées sont indispensables, vous le savez aussi bien que moi. Le plan Hôpital 2007 comporte dix milliards d'investissements ; la gouvernance du secteur répond désormais à une véritable logique médicale et la tarification à l'activité se met peu à peu en place. Celle-ci permet à l'hôpital de Guéret, que vous connaissez bien, de bénéficier d'environ 100 000 euros de plus que l'an passé.

Soyez assuré, Monsieur le député, que, des moyens, l'hôpital public en a et en aura. Comme vous l'avez dit, les malades ne sont ni une marchandise ni des clients. Nous militons clairement en faveur de l'hôpital public. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Et nous allons conduire les réformes nécessaires avec l'ensemble des personnels, que je suis en train de rencontrer. Lorsque des partenariats public-privé s'écartent de la logique qui devrait être la leur, j'y mets immédiatement bon ordre. Je l'ai fait hier même pour ce qui concerne Arras. L'hôpital public doit se moderniser. Je tiens à assurer ses personnels que je suis à leurs côtés pour conduire cette modernisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE OUTRE-MER

M. Mansour Kamardine - L'immigration clandestine constitue la principale entrave au développement des collectivités d'outre-mer. Le 22 juin dernier, vous avez, Monsieur le ministre de l'outre-mer, présenté en Conseil des ministres un projet d'ordonnance précisant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Quels résultats en escomptez-vous, notamment pour mieux garantir le respect des intérêts de l'Etat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Baroin, ministre de l'outre-mer - Cette ordonnance s'inscrit dans le cadre de la loi du 26 juillet 2004. Suite à l'affaire de l'imam de Vénissieux, sous l'impulsion de Dominique de Villepin, alors ministre de l'Intérieur, et dans le cadre de la proposition de loi de Bernard Accoyer et Pascal Clément, nous avions mis en place l'instrument juridique permettant de reconduire à la frontière des étrangers au comportement agressif ou incitant à la violence, la haine ou la discrimination.

Vous soulignez un problème important outre-mer, celui de l'immigration clandestine, en particulier à Mayotte, en Guadeloupe et en Guyane. Pour lutter contre ce phénomène à Mayotte, dès vendredi prochain une vedette sera mise à disposition de la police de l'air et des frontières. Celle-ci compte 102 agents dont 17 à la disposition de la brigade maritime. Deux radars seront mis en place pour intercepter les clandestins y compris au-delà du lagon.

Au-delà des moyens matériels et humains, je formulerai des propositions lors du comité interministériel de lutte contre l'immigration clandestine pour nous doter de moyens juridiques nécessaires. En Guyane, le représentant de l'Etat prend des arrêtés non suspensifs de reconduite à la frontière dans le cas de flagrant délit. C'est une action dont on pourrait s'inspirer. Je rencontrerai les députés de la Guadeloupe, M. Beaugendre et Mme Louis-Carabin, qui ont fait des propositions utiles. Nous allons mener l'action et tous les trois mois nous ferons le point sur l'application de cette politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

POLITIQUE FAMILIALE

M. Georges Colombier - La politique familiale, qui est au cœur du pacte social, est une priorité du Gouvernement. L'Etat et la caisse nationale d'allocations familiales négocient actuellement la convention d'objectifs et de gestion pour la période 2005-2008. Mais les négociations achoppent. Alors qu'on encourage le développement des services aux personnes, les caisses départementales craignent une réduction de l'intervention du fonds national d'action sociale qui finance les services de proximité comme les crèches ou les équipements de loisir. Si l'évolution des ressources du fonds ne permet pas de poursuivre la politique dynamique engagée de longue date, des projets locaux pourraient être gelés, notamment la création de crèches. Un désengagement des CAF se ferait au détriment des collectivités locales et des familles. Quelles sont les mesures envisagées pour conforter la CNAF dans sa mission de service public ?

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille - La France mène une politique familiale dynamique unique en Europe. Il faut l'adapter pour permettre aux jeunes couples d'élever le nombre d'enfants qu'ils souhaitent et donc augmenter le nombre de places de crèches. Ainsi, le Premier ministre a-t-il annoncé la création de 15 000 places en plus des 57 000 places réalisées ou en cours de réalisation pour la période 2002-2008. Cet effort sans précédent sera mis en œuvre par les caisses d'allocations familiales et par les communes. La convention que je veux conclure avec la CNAF permettra de tenir intégralement cet engagement, et je m'en entretiendrai cette semaine avec sa présidente, Mme Prudhomme.

La politique familiale est un investissement d'avenir. C'est pourquoi nous avons mis en place la prestation pour l'accueil du jeune enfant, et fait voter le statut des assistantes maternelles et la réforme de l'adoption, issue d'une proposition de votre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 20.

MODERNISATION DE L'ÉCONOMIE (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je tiens à rendre hommage au travail de l'Assemblée et des trois commissions concernées par les différents points du projet - la commission des finances, la commission des lois et la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques - Merci.

M. le Ministre - La présence des trois présidents de ces commissions, MM. Méhaignerie, Houillon et Ollier, au cours de la discussion est un honneur auquel le Gouvernement est sensible. Je salue le travail collectif et fructueux de l'Assemblée nationale, sur un texte multidisciplinaire.

Encourager la croissance de nos entreprises, tel est l'objectif de ce texte qui a fait largement consensus. A cette fin, le projet de loi vise à simplifier l'environnement juridique de leur gouvernance pour favoriser des réunions plus fréquentes de leurs conseils d'administration et assemblées générales. Surtout, il aménage des voies d'accès simplifiées aux marchés financiers, en rendant plus cohérentes et progressives les obligations d'information demandées aux entreprises, en fonction de la maturité des marchés auxquels ils s'adressent et des investisseurs qu'ils y trouvent.

Permettez-moi de rendre un hommage particulier à votre rapporteur général Gilles Carrez, qui a senti les opportunités de ce projet initial et nous a poussés à aller plus loin. Sur ses conseils avisés, le texte s'est enrichi d'un titre nouveau consacré à l'encouragement de nos concitoyens à la détention durable d'actions. Grâce à un régime fiscal adapté, l'orientation de l'épargne vers les entreprises se fera mieux. De même, je remercie M. Fourgous de son initiative qui permettra une « activation » de l'assurance vie en rendant contractuellement possible la transformation de contrats obligataires en contrats multi-supports comprenant une composante investie en actions. Bien entendu, le Gouvernement sera attentif au respect par la profession de son devoir d'information de l'assuré lorsqu'elle sera amenée à proposer une modification contractuelle en ce sens.

Le débat s'est également concentré sur les questions de transparence de l'information délivrée aux actionnaires, et de rémunération des dirigeants. La conjugaison des amendements du Gouvernement, de la commission des lois et du rapporteur général aboutit à un ensemble clair d'obligations, à la fois complet et juridiquement sécurisé.

M. Jean-Pierre Brard - C'est un salmigondis ?

M. le Ministre - Les rémunérations différées seront soumises au vote de l'assemblée générale à titre de conventions réglementées et en suivront le statut juridique. La vigilance de M. de Courson m'a permis d'en clarifier les conséquences au cours de nos débats.

M. Jean-Pierre Brard - Une vrais sentinelle !

M. le Ministre - Parallèlement, la transparence de l'information délivrée dans le rapport annuel a été significativement renforcée.

Troisième point important du projet de loi : la recherche d'un plus grand dynamisme de nos entreprises dans l'investissement en recherche et en innovation. Je me félicite de l'intérêt porté au projet d'agence de l'innovation industrielle par l'ensemble des orateurs, et plus particulièrement de l'intervention de M. Dubernard, sur laquelle Mme Comparini a d'ailleurs rebondi. Je retiens nombre de ses orientations comme une véritable feuille de route.

Autre point de satisfaction, l'intérêt avec lequel cette Assemblée a accueilli ma proposition d'une mesure exceptionnelle destinée à encourager le développement de partenariats entre les grandes entreprises et les laboratoires privés ou publics, ou encore avec les PME innovantes. L'intervention de votre rapporteur a élargi le champ de cette mesure, en l'étendant aux sous-traitants.

Enfin, la discussion a été particulièrement intéressante s'agissant du développement de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise, dont le Premier ministre a rappelé dans son discours de politique générale qu'il s'agissait d'une priorité du Gouvernement. Les différents orateurs, au premier rang desquels Patrick Ollier, ont souscrit à la démarche pragmatique du projet de loi, qui visait à faire jouer plusieurs leviers pour développer l'intéressement dans les PME, qui n'y recourent pas suffisamment aujourd'hui. A cet égard, la proposition d'une prime d'intéressement exceptionnel permettra de faire découvrir les avantages de cette formule aux PME qui ne la connaissent pas, en offrant une « session de rattrapage » pour 2005. Patrick Ollier a rappelé le souhait que nous allions plus loin, en réfléchissant aux axes stratégiques de la participation des salariés et en appelant de ses vœux un texte consacré à ces questions. D'autre part, tout en adoptant le principe d'un déblocage ponctuel de la participation 2004, le Parlement a rappelé son attachement aux principes qui régissent l'épargne salariale. Les enjeux respectifs de ces questions justifient que le temps de la concertation soit pris : à cet égard, MM. Godfrain et Cornut-Gentille, sont pleinement mobilisés.

Ce texte sort de l'Assemblée singulièrement renforcé, grâce au large consensus qu'il a rencontré, et à vos amendements qui l'ont enrichi. Dans l'intérêt des entreprises françaises, je vous serai reconnaissant de le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - La commission des finances vous invite à adopter cet excellent projet de loi qui favorisera la relance de la croissance et de l'emploi. Il améliore le financement des entreprises, en particulier des PME, consacre des moyens nouveaux à la recherche et à l'innovation, et conforte le pouvoir d'achat.

La modernisation du financement des entreprises passe par l'harmonisation des règles du marché financier européen que permet la transposition de plusieurs directives, dont la directive « prospectus ». Surtout, pour faciliter l'accès direct des PME à l'épargne publique, le marché organisé Alternext bénéficiera d'une sécurité juridique renforcée et d'incitations fiscales : des amendements du Gouvernement vont permettre de supprimer dès cette année la fiscalité au titre des plus-values de cession de titres de participation et d'aménager la réduction d'impôt Madelin.

Un amendement de notre collègue Jean-Michel Fourgous permettra d'autre part d'adapter les produits d'assurance-vie, pour mieux orienter l'épargne vers le financement de nos entreprises.

Deuxième volet de ce projet, l'action pour l'innovation, avec la création de l'Agence de l'innovation industrielle préconisée par Jean-Louis Beffa. Le Gouvernement a annoncé deux bonnes nouvelles : cette agence sera immédiatement dotée d'un milliard d'euros prélevés sur les recettes de privatisation, et les entreprises qui financent des recherches auprès de petites et moyennes entreprises innovantes ou de laboratoires publics bénéficieront, grâce à un amendement dû à l'initiative du ministre, d'un crédit d'impôt.

Le renforcement du pouvoir d'achat passe par la prolongation de la mesure sur les donations en franchise de droits, à hauteur de 30 000 euros - et non plus 20 000 - jusqu'à la fin de l'année, par la possibilité de verser une prime d'intéressement en 2005 au titre des bons résultats de 2004, y compris dans les entreprises qui n'ont pas d'accord d'intéressement, et enfin par le déblocage ponctuel de la participation de 2004. L'Assemblée a montré à cette occasion son attachement à la participation et à l'épargne salariale.

Je voudrais enfin souligner la qualité de la concertation qui a prévalu avec vous-même, Monsieur le ministre, et avec vos collaborateurs. Elle a permis d'améliorer sensiblement le texte, grâce aux amendements du Gouvernement comme aux nôtres. Je tiens donc à saluer votre sens du dialogue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Richard Mallié - Ce premier projet de loi que vous nous avez présenté répond à l'objectif de relance de la croissance et de l'emploi, en favorisant le financement des entreprises, notamment des PME, en consacrant de nouveaux moyens à la recherche et à l'innovation et en améliorant le pouvoir d'achat. Autant le dire d'emblée: le groupe UMP le votera, en raison de son intérêt tout à la fois économique, social et humain.

Les objectifs sont à la fois ambitieux et réalistes : ambitieux, car il s'agit de remédier aux faiblesses de notre économie ; réalistes, car ce texte ne prétend pas apporter toutes les réponses - rien ne remplacera la mobilisation des acteurs de notre économie -, mais vise simplement à fournir des outils et à lever des blocages pour tracer de nouvelles pistes.

M. Jean-Pierre Brard - Comme le 29 mai !

M. Richard Mallié - Je ne puis donc que saluer votre courage et votre audace. Votre mission n'est pas facile, tant les 35 heures et la faiblesse de la croissance ont mis à mal les capacités d'investissement de nos PME et de nos PMI.

M. Nicolas Perruchot - Très bien !

M. Richard Mallié - Vos propositions doivent permettre à la France de retrouver sa place en Europe - celle d'un pays à l'économie dynamique, tourné vers l'avenir.

Plusieurs des dispositions que nous avons adoptées, issues pour certaines d'amendements de la majorité que vous avez bien voulu accepter, ont pour ambition d'entraîner une vigoureuse modernisation de notre pays. Il en est ainsi des mesures tendant à faciliter l'accès des PME aux marchés boursiers.

Il faut aussi assurer aux entreprises une base d'investisseurs solide et durable. Ainsi avez-vous accepté, à la demande du Rapporteur général et du président de la commission des finances, de compléter le texte par un nouveau titre pour encourager la détention durable d'actions. Vous avez également accepté, suite à un amendement de notre collègue Fourgous, d'orienter davantage l'assurance vie vers l'investissement en actions, en permettant aux épargnants, sur une base contractuelle, de transformer leurs contrats obligataires en euros en contrats multisupports pouvant comporter des actions.

Conformément aux vœux du Président de la République, nous avons eu un débat constructif sur le régime d'imposition des plus-values réalisées sur la vente d'actions détenues pendant une longue période. Il est en effet souhaitable que la détention durable d'actions bénéficie d'avantages comparatifs par rapport à une démarche à court terme, plus spéculative.

Le texte donne également une impulsion nouvelle aux sociétés de revitalisation économique. Autre point essentiel, la création de l'Agence industrielle de l'innovation qui, en finançant un nombre restreint de programmes ciblés sur les technologies dites de rupture - que le marché peine à financer seul - ouvrira les marchés de l'avenir à nos entreprises.

Le développement de la participation et de l'intéressement des salariés est un objectif essentiel de notre majorité. Ainsi avons-nous adopté une série de mesures qui visent à développer l'intéressement en dehors des grandes entreprises. Dans le même esprit, une prime exceptionnelle d'intéressement de 15 % ou 200 euros pourra être accordée en 2005, même dans les entreprises qui n'ont pas d'accord. Il s'agit d'inciter les PME à entrer dans une logique de dialogue social.

Comme l'a souligné le Garde des Sceaux, ce texte s'inspire enfin, de façon pragmatique, de dispositifs en vigueur à l'étranger, comme le crédit hypothécaire rechargeable. La réforme du droit des sûretés par ordonnance permettra de réactualiser notre arsenal juridique.

A ceux qui, comme toujours, se disent progressistes mais prônent l'immobilisme (Murmures sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains), le Gouvernement et le groupe UMP prouvent une fois de plus qu'ils poursuivent avec détermination la modernisation de notre pays. Notre groupe invite donc l'Assemblée à voter avec enthousiasme ce texte porteur d'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Balligand - Ce projet de loi est un dispositif en trompe-l'œil, grandiloquent quand il s'agit d'exposer les ambitions mais pauvre dans le détail. Il convoque la « confiance », alors qu'il ne règle que peu des questions laissées en suspens par la loi de sécurité financière. Il prône la « modernisation », alors qu'il rechigne à introduire dans notre droit des dispositifs que les Anglo-saxons eux-mêmes ont mis en place dans le domaine du gouvernement d'entreprise.

De nombreux problèmes sont laissés en suspens : le contrôle des agences de notation, la lutte contre le blanchiment des capitaux, la promotion de l'investissement socialement responsable, les besoins en fonds propres des entreprises, l'amélioration de la gestion des risques, l'implication des salariés, actionnaires ou non, dans la gouvernance des entreprises.

En ce qui concerne la participation et l'épargne salariale, le Gouvernement et la majorité ont fait preuve d'une incohérence flagrante. Nous ne saurions dire aujourd'hui - et M. Mallié s'est bien gardé d'aborder la question - si le pragmatisme du ministre Breton a totalement suppléé les velléités de feu le Premier ministre Raffarin, ou dans quelle mesure la ligne Ollier s'est inclinée devant la ligne Méhaignerie... (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Soisson - Est-il nécessaire de dire cela ?

M. Jean-Pierre Balligand - Cher collègue Soisson, vous n'avez participé à aucune séance : le mieux serait donc de vous taire (Protestations sur les bancs du groupe UMP). En réalité, nous ne connaissons toujours pas le véritable avis du ministre : enthousiaste à l'idée du déblocage anticipé de la participation - comme il le disait quelques jours après l'annonce de ce projet par Jean-Pierre Raffarin - ou plus réservé, comme il a semblé l'être devant la commission.

Quelle cohérence y a-t-il d'ailleurs à permettre ce déblocage au moment où les entreprises vont avoir besoin d'abonder leurs fonds propres et où on incite les Français à préparer leur retraite ? Aucune ! Alors qu'une mission a été confiée à deux parlementaires sur le sujet, on libère d'ores et déjà la participation 2004 ! Cette mesure, inspirée du dispositif que Nicolas Sarkozy avait déjà appliquée de manière totalement contradictoire dans la loi relative au soutien à la consommation et à l'investissement, est une faute au regard de la pédagogie qui s'impose auprès des salariés les plus pauvres, ceux qui auraient le plus besoin d'épargner dans leur entreprise. Le blocage de la participation, dois-je le rappeler aux gaullistes s'il en reste (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)...

M. Richard Mallié - C'est un scandale !

M. Jean-Pierre Balligand - ...a au moins la vertu de protéger l'épargne du salarié tout en finançant la petite et moyenne entreprise. C'est en fait la volonté de substituer un contre-feu temporaire à la réflexion sur l'augmentation des salaires directs qui vous a conduits au grand écart, car la question des salaires et du pouvoir d'achat aurait dû figurer en tête de vos propositions.

Aux Etats-Unis, le rapport entre les rémunérations moyennes des salariés et celles des PDG est passé de un à 40 dans les années 1980 à un à 400 dans les années 2000. Les « mesurettes » que vous nous proposez sont à des années-lumière de ce qu'il faudrait et, qui avait pourtant à voir et avec la confiance, et avec la modernisation de l'économie. Le groupe socialiste votera donc contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Nicolas Perruchot - Dans la discussion générale, nous avions apporté notre soutien à ce projet de loi, en estimant qu'il pouvait entrer dans une stratégie propre à favoriser la croissance des entreprises, la modernisation de leur fonctionnement et un meilleur accès à des outils de financement modernes. Nous avions cependant émis certaines réserves et, à l'issue des débats, les réponses obtenues ne nous donnent pas entière satisfaction.

D'abord, l'amendement du Gouvernement sur la rémunération des dirigeants manque d'ambition, car il ne soumet que certains éléments de cette rémunération au régime des conventions réglementées. Il n'est plus temps d'en débattre, mais au vu des récentes affaires qui ont terni l'image des entreprises, les réponses apportées ne sont pas à la mesure de l'enjeu. Le groupe UDF aurait préféré que l'ensemble de la rémunération des dirigeants soit soumise à l'approbation de l'assemblée générale. Cela aurait contribué à une plus grande transparence, valeur à laquelle nous sommes éminemment attachés.

Ensuite, si la création de l'Agence pour l'innovation industrielle représente une initiative intéressante, il faudra s'assurer de son ouverture à l'Europe et aux autres pôles de compétences, afin de prévenir la multiplication d'entités sans liens entre elles. A l'heure où le déficit français continue de s'alourdir, il convient de rester vigilant quant à la bonne utilisation de l'argent public.

Enfin, notre groupe a voté contre l'article 6 visant à réformer le droit des sûretés par ordonnance. S'il est indispensable de moderniser cette législation, la méthode retenue n'est pas la bonne ; faire l'impasse d'un débat parlementaire constitue une grave erreur, car la réforme du droit des sûretés mérite une réflexion de fond. Hypothéquer demeure en effet un acte grave et il convient de s'entourer de précautions afin d'éviter aux emprunteurs d'entrer dans le cycle pervers du surendettement. Au reste, la décision de réformer le droit des sûretés avait été prise il y a deux ans sans que rien soit fait depuis : comment justifier dès lors le recours aux ordonnances ?

En dépit de ces réserves, et parce que l'UDF estime que l'urgence de la crise actuelle justifie que l'on multiplie les mesures d'accompagnement des entreprises en vue de retrouver une croissance forte et un marché du travail assaini, notre groupe votera ce texte... tout en se permettant de rester vigilant sur son application. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-Claude Sandrier - Après le vote du 29 mai sanctionnant une nouvelle fois vos échecs, nos concitoyens étaient fondés à espérer que vous alliez enfin proposer d'autres choix. Hélas ! Le projet de loi sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer témoigne de l'autisme qui vous a gagné depuis trois ans. Du reste, n'est-il pas cosigné par M. Raffarin, démontrant s'il en était besoin que rien n'a changé, ce que confirme du reste un éditorialiste économique à propos de vos mesures : « les propositions du ministre sont très classiques ». En fait, elles sont éculées !

Ainsi, proposer de nouvelles réductions d'impôts aux actionnaires, étendre l'exonération de plus-values de cession de titres de participation - qui nous coûte déjà un milliard -, étendre l'exonération des droits de mutation, permettre aux marchés financiers de pénétrer encore plus le terrain économique pour y imposer une exigence totalement irresponsable de rentabilité, soumettre toujours davantage les salariés aux objectifs financiers en privilégiant l'actionnariat au détriment des salaires, et enfin - pour couronner le tout ! - ne pas accorder à ces mêmes salariés les droits qu'exigerait une vraie démocratie économique au sein des conseils d'administration : voilà l'expression d'une politique en forme de fiasco que les Français ont déjà condamnée, car ils n'en veulent ni chez eux ni dans le reste de l'Europe.

Comme le relève la Cour des Comptes, en trois ans, vous avez augmenté les exonérations de charges sociales de 41 %, mais cela n'a eu qu'un effet « très incertain » sur le chômage. Voilà une appréciation bien indulgente pour qualifier votre bilan ! Les résultats de votre action, ce sont en fait 230 000 chômeurs de plus et la diffusion de la précarité dans l'ensemble de la société ! Parallèlement, les mesures fiscales dérogatoires - en clair, les cadeaux fiscaux - représentent 20 % des recettes de l'Etat sans qu'il y ait la moindre contrepartie en termes d'emplois, d'investissements productifs ou de formation. Vous jetez l'argent dans un tonneau sans fond, sans vous préoccuper des résultats, et vous venez expliquer aux Français que si cela ne va pas, c'est parce qu'ils ne travaillent pas assez ! En réalité, vous ne manquez pas de culot...

Ce « capitalisme qui perd la tête » pour reprendre l'expression d'un Prix Nobel américain est en train de casser la croissance, l'emploi et le progrès social. Il y a, du fait de vos choix politiques et économiques, huit fois plus d'argent dans la sphère financière que dans la sphère productive. En exigeant des rendements d'actions de l'ordre de 20 % alors que la croissance atteint à peine 2 %, le capital détruit le travail.

La « France qui vit au-dessus de ses moyens », c'est là qu'il faut la rechercher ! Pendant que chômage, précarité et pauvreté augmentent, les groupes du CAC 40 ont réalisé 57 milliards d'euros de bénéfices nets et les cinq plus grandes compagnies pétrolières du monde 60 milliards de dollars nets de bénéfices ; manifestement, le pétrole ne coûte pas cher pour tout le monde et, comme vous le reconnaissez vous-même dans l'exposé des motifs de votre texte, « la situation financière des entreprises françaises a rarement été aussi bonne ». Alors, qui empoche les résultats ? En tout cas, ni les chômeurs, ni les salariés, ni les sept millions de pauvres que compte notre pays !

Vous voulez « mettre les Français au travail » mais qu'avez-vous fait depuis trois ans ? Vous en avez mis 230 000 de plus au chômage ! Vous voulez faire comme en Angleterre ? Mais dans ce pays, une fois ajouté le million de personnes qui touchent une allocation d'invalidité et qui sont, comme le gouvernement britannique l'admet lui-même, des chômeurs de longue durée déguisés, le taux de chômage est identique au nôtre...

M. Yves Bur - Tu parles !

M. Jean-Claude Sandrier - Là-bas, on travaille plus longtemps, on a moins de temps libre, les pauvres représentent 22 % de la population et la productivité du travail est sensiblement inférieure à la nôtre... Est-ce cela votre modèle ? En réalité, tout le monde sait que le moteur de notre économie, c'est la consommation. Pour créer des emplois, il faut accroître le pouvoir d'achat de nos concitoyens, aider les PME en instituant un crédit sélectif à taux réduit en échange de la création d'emplois et orienter l'argent vers l'emploi et l'investissement productif, en encadrant enfin le système irresponsable de rentabilité des dividendes, qui ne s'obtient qu'en cassant des emplois. Bref, il est urgent que l'exigence de rentabilité financière cède devant l'impératif de développement humain. Las, vous faites exactement le contraire et c'est pourquoi le groupe des député-e-s communistes et républicains votera contre votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

A la majorité de 355 voix contre 136 sur 491 votants et 491 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 55, est reprise à 17 heures.

HABILITATION À PRENDRE PAR ORDONNANCE DES MESURES D'URGENCE
POUR L'EMPLOI

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Je suis venu cet après-midi vous dire ma détermination. Pour vous parler d'action et de responsabilité. En accord avec le Président de la République, j'ai fait le choix des ordonnances. Et ce pour une raison simple : l'urgence. Nous ne pouvons plus attendre quand le taux de chômage se maintient à 10%.

Le chômage représente une injustice inacceptable. Nous avons consacré beaucoup de temps et d'énergie aux analyses et aux réflexions. Nous devons désormais entrer dans le temps de l'action et du résultat, car nous n'avons pas tout essayé. Certains craignent que nous ouvrions la voie à la précarité, mais la vraie précarité, c'est le chômage, c'est l'absence de toute perspective d'embauche, c'est l'alternance de petits CDD et de longues périodes d'inactivité. Regardons la réalité du marché de l'emploi : aujourd'hui, plus de 70 % des embauches dans les très petites entreprises se font sous contrat à durée déterminée ; pour la moitié, ces CDD durant moins d'un mois et, pour l'autre moitié, quatre mois et demi en moyenne.

J'entends certains s'inquiéter d'une remise en cause des droits sociaux. Mais où sont les propositions ? Tous ceux qui plaident pour l'immobilisme portent une lourde responsabilité, car si nous persistons à ne pas bouger, tout ce que nous avons construit depuis des décennies sera emporté. L'histoire se fera sans nous.

J'ai fait le choix des ordonnances dans un esprit de dialogue et de concertation : notre débat d'aujourd'hui en est la preuve, comme les concertations que le ministre de l'emploi et le ministre délégué au travail ont eues avec les partenaires sociaux. Le dialogue social doit nous permettre de trouver ensemble les meilleures solutions, sans retarder les décisions qui s'imposent : l'honneur de la politique, c'est aussi de savoir trancher dans le sens de l'intérêt général.

M. Jean-Pierre Brard - Sans anesthésie !

M. le Premier ministre - J'ai fait ce choix en conscience : les ordonnances ne sont pas l'arbitraire, mais la tradition républicaine lorsque les circonstances l'exigent. Elles ont été utilisées par la gauche comme par la droite depuis le début de la Ve République.

M. Jean-Pierre Brard - Les turpitudes des uns n'excusent pas celles des autres !

M. le Premier ministre - La création des comités d'entreprise et de la sécurité sociale en 1945, la participation en 1967, les 39 heures et la cinquième semaine de congés payés en 1982, les réformes de la sécurité sociale de 1967 à 1996 ont été adoptées par ordonnances. Le champ des ordonnances sera strictement limité à l'emploi et aux mesures que j'ai annoncées dans ma déclaration de politique générale.

J'ai fait ce choix avec une conviction : nous avons aujourd'hui entre nos mains l'une des dernières chances de sauver le modèle social français. Soit nous retrouvons le chemin de la confiance et de l'emploi, et nous pourrons continuer de promouvoir en France comme en Europe un modèle social de justice et de solidarité ; soit nous nous laissons miner par le chômage, et alors nous n'aurons plus aucune arme, plus aucun argument, plus aucun atout contre un système économique mondialisé dépourvu de règles et de respect. Ce choix est le choix de l'avenir pour tous les Français : ceux qui ont un emploi et ceux qui n'en ont pas ; ceux qui n'ont pas les qualifications nécessaires et ceux que leur expérience ne protège pas du licenciement et du chômage de longue durée ; les femmes isolées qui n'arrivent pas à faire garder leurs enfants et les allocataires de minima sociaux qui ont perdu les réflexes du travail.

Le projet de loi que je soumets aujourd'hui à votre examen vise à habiliter mon Gouvernement à prendre six ordonnances.

La première met en place le contrat « nouvelles embauches ». Il facilitera l'embauche dans les très petites entreprises, qui constituent le principal gisement d'emplois dans notre pays. Ces entreprises hésitent trop souvent à embaucher alors même que leur carnet de commandes le permettrait.

J'ai voulu que ce contrat repose sur un équilibre fondamental : plus de souplesse pour l'employeur pendant les deux premières années, et plus de garanties pour le salarié en cas de rupture. Pendant des semaines, j'ai entendu ceux qui voulaient faciliter la vie des employeurs et ceux qui voulaient, à juste titre, garantir les droits des salariés. Je veux réconcilier l'employeur et le salarié. Arrêtons d'opposer l'un à l'autre ! C'est jouer contre l'économie. C'est jouer contre l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Le contrat que je propose est un contrat à durée indéterminée. Il instaure une période d'embauche, qui est un temps de consolidation de l'emploi. Pendant les deux premières années, il pourra être rompu à l'initiative du salarié ou de l'employeur au prix de formalités simplifiées. En contrepartie, le salarié bénéficiera de plusieurs garanties : tout d'abord d'un préavis dès le deuxième mois de travail - il sera de deux semaines au cours des six premiers mois, puis il augmentera avec l'ancienneté. En outre, l'employeur devra verser au salarié, avant la rupture du contrat, une indemnité qui sera fonction des salaires versés. A cette indemnité pourra s'ajouter une contribution de reclassement. Par ailleurs, les salariés qui n'auraient pas cotisé suffisamment longtemps pour bénéficier d'une couverture chômage auront droit à une allocation financée par l'Etat.

Outre des droits renforcés à la formation, les salariés qui sortiront du contrat « nouvelles embauches » pendant les deux premières années pourront bénéficier d'un accompagnement adapté. Les partenaires sociaux pourront, s'ils le souhaitent, étendre à ces salariés le dispositif de la convention de reclassement personnalisé. En attendant, le Gouvernement se dotera de moyens pour mieux les accompagner vers un nouvel emploi. Bien entendu, les règles relatives au licenciement des salariés protégés s'appliqueront à ce nouveau type de contrat.

Il devra être évalué au fur et à mesure de sa mise en œuvre, en liaison avec les partenaires sociaux. Nous verrons alors s'il y a lieu de l'adapter. Mais pour débloquer dès maintenant le plus d'emplois possible, je souhaite qu'il soit disponible dans toutes les entreprises jusqu'à 20 salariés dès le 1er septembre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La deuxième ordonnance instaurera le chèque emploi pour les entreprises les plus petites. Il servira à la fois de déclaration unique d'embauche, de contrat de travail, de déclaration des données sociales et de fiche de paie. Il permettra au chef d'entreprise de se consacrer pleinement au développement de son entreprise.

La troisième ordonnance neutralisera le surcoût financier lié au franchissement du seuil de dix salariés, et ce pour les dix salariés suivants. L'Etat prendra ainsi en charge la participation au financement de la formation professionnelle continue, la contribution destinée au Fonds national d'aide au logement et la contribution à l'effort de construction.

Cette ordonnance instaurera également un crédit d'impôt de 1 000 euros pour les jeunes de moins de 26 ans qui reprennent un emploi dans un secteur en pénurie de main-d'oeuvre. Ils pourront toucher cette prime après six mois de travail, grâce à un versement anticipé du crédit d'impôt sur le revenu. La mesure pourrait s'appliquer à tous les jeunes qui commencent leur activité à partir du 1er juillet. Le Gouvernement mettra aussi en place une prime de 1 000 euros pour les chômeurs de longue durée bénéficiaires de minima sociaux qui reprennent un emploi stable.

La quatrième ordonnance fera en sorte que les jeunes embauchés de moins de 26 ans n'entrent dans le décompte des seuils qu'à leur vingt-sixième anniversaire, pour les obligations sociales et financières des entreprises. Cette mesure étend les règles valables aujourd'hui pour les contrats aidés. Avec plus de 20 % de jeunes au chômage, nous avons aujourd'hui une obligation de résultat. Je souhaite que, demain, embaucher un jeune soit pour toutes les entreprises de France une chance, un atout.

La cinquième ordonnance mettra en place un dispositif d'insertion sur le modèle du service militaire adapté, qui fonctionne avec succès dans les départements d'outre-mer. Ce dispositif sera proposé à des jeunes sortis du système scolaire sans diplôme ni qualification.

La sixième ordonnance porte sur le recrutement dans l'ensemble de la fonction publique. En supprimant le principe des limites d'âge, elle permettra aux seniors d'y accéder plus facilement. Elle créera également un nouveau mode de recrutement pour les jeunes de 16 à 25 ans sortis du système éducatif sans diplôme ou ayant des difficultés d'insertion professionnelle. Ils pourront bénéficier d'une formation en alternance rémunérée et intégrer la fonction publique à l'issue d'un examen professionnel, en qualité de fonctionnaires titulaires.

Vous le voyez, la philosophie de ce plan ne répond à aucune idéologie (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Il n'est dicté que par le pragmatisme et par le souci du résultat. Là où il y a des difficultés, nous voulons apporter des solutions. Là où il y a des gisements d'emplois inexploités, nous voulons nous donner les moyens d'aller chercher ces emplois. Là où il y a du dynamisme et de la volonté d'embaucher, nous voulons lever les appréhensions pour donner toute sa chance à l'emploi.

Ce plan d'action pour l'emploi est la première étape vers le retour à la confiance et à la croissance. Nous devons partir d'un diagnostic clair et lucide : la baisse du dollar et la hausse du pétrole ont freiné la reprise économique de 2003 sans la remettre en cause. Notre économie est toujours portée par le dynamisme des créations d'entreprises, le bas niveau des taux d'intérêt et la consommation. Mais notre capacité à transformer la croissance mondiale en croissance française et en emplois reste insuffisante. Face à la mondialisation, notre pays souffre d'un manque de confiance dans ses atouts et dans ses moyens.

Pour permettre le retour de la confiance, le Gouvernement se fixe trois objectifs majeurs. Le premier est de garantir aux entreprises la stabilité des règles fiscales et sociales. Le dispositif d'allégement des charges voté par le Parlement sera pérennisé : le coût du travail n'augmentera pas. Le deuxième est de mobiliser d'ici à la fin de l'année notre potentiel de créations d'emplois. Je compte pour cela sur le contrat « nouvelles embauches », sur le projet relatif aux services à la personne et sur les 100 000 contrats d'accompagnement vers l'emploi disponibles dès maintenant dans les associations, les maisons de retraites et le secteur de l'éducation. Cette mobilisation permettra une amélioration du pouvoir d'achat des Français, qui est une condition essentielle d'un retour de la croissance. Troisième objectif : l'affirmation d'un nouveau volontarisme industriel. Celui-ci reposera sur une logique de projet dont l'Etat prendra l'initiative. Mais pour retrouver une politique industrielle innovante, nous avons besoin de tous : collectivités locales, universités, organismes de recherche, entreprises, chacun devra jouer son rôle.

A travers ces ordonnances, j'exprime l'engagement de tout le Gouvernement sur le front de l'emploi, un Gouvernement de service public dans lequel chaque ministre se mobilise. Je vous demande de juger ces ordonnances à travers l'urgence qui les motive. Que veut-on pour la France ? L'immobilisme ou le mouvement, l'attentisme ou la responsabilité ? Avec bonne volonté, je cherche un chemin pour tous les Français. Mon Gouvernement demande à être jugé sur ses résultats (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Guy Geoffroy - Très bien !

M. Claude Gaillard, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Nous apprécions votre engagement personnel et votre présence, Monsieur le Premier ministre, au moment où il s'agit de lancer énergiquement le combat en faveur de l'emploi.

M. Jean-Pierre Brard - L'amour est aveugle ! (Sourires)

M. le Rapporteur - En tant que rapporteur, j'ai mené une réflexion...

M. Richard Mallié - A la différence de M. Brard, qui ne réfléchit jamais ! (Sourires)

M. le Rapporteur - ...sur les ordonnances, les lois d'habilitation et de ratification, afin d'apprécier la possibilité d'expression laissée au Parlement. Les lois d'habilitation doivent préciser les matières législatives concernées, fixer le délai dans lequel le Gouvernement peut prendre des ordonnances ainsi que celui dont il disposera pour déposer devant le Parlement le projet de loi de ratification. En outre, il doit indiquer précisément la finalité des mesures envisagées. Le présent projet répond à ces conditions : les mesures viseront à favoriser l'emploi des jeunes et des seniors par les PME et les très petites entreprises. Le champ de l'habilitation est précis !

M. Leroy remplace M. Debré au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Maurice LEROY

vice-président

M. le Rapporteur - Ces ordonnances ne tombent pas du ciel...

M. Jean-Pierre Brard - Nous sommes laïques ! (Sourires)

M. le Rapporteur - ...puisque le Premier ministre les a annoncées lors de sa déclaration de politique générale et que le Parlement a voté majoritairement la confiance. Elles ne sont pas en apesanteur...

M. Jean-Pierre Brard - C'est un mystique ! (Sourires)

M. le Rapporteur - ...et s'inscrivent dans le champ du travail déjà accompli : contrats jeunes en entreprise, assouplissement des 35 heures, relèvement de 17,5 % du SMIC en trois ans, reconnaissance du droit universel à la formation continue pour tous les salariés, loi de cohésion sociale, amélioration de l'insertion des personnes handicapées.

M. Maxime Gremetz - Eh bien, que renoncez-vous à légiférer ?

M. le Rapporteur - Ces mesures ont été guidées par quelques grands principes : simplifier le droit, ne pas décourager l'emploi...

M. Maxime Gremetz - Ni les députés ! (Sourires)

M. le Rapporteur - ...par des risques de contentieux, faire confiance au dialogue social, garantir la promotion et l'employabilité par la formation, valoriser le travail et le rendre attractif, explorer les nouveaux gisements d'emplois.

Je rappelle que le recours aux ordonnances est motivé par deux types de considérations : l'urgence - et c'est le cas - ou la technicité de leur objet. Depuis la Ve République, il y a eu quelque 250 ordonnances et 76 sous la seule législature précédente : voilà pour clarifier quant aux méthodes de gouvernement des uns et des autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Les mesures préconisées permettront le déclic psychologique dont nous avons besoin en faveur de l'emploi. En effet, la France n'a qu'une faible culture entrepreneuriale.

M. Maxime Gremetz - Oh la la !

M. le Rapporteur - Nous avons tendance à alourdir les contraintes qui ne protègent d'ailleurs pas les salariés mais affaiblissent l'économie, et nous survalorisons la formation initiale qui pénalise un peu plus ceux dont le parcours scolaire a été médiocre. Le contrat « nouvelles embauches », lui, permettra aux chefs d'entreprise qui pourraient créer des emplois de le faire en surmontant la crainte naturelle qu'ils peuvent ressentir. Que l'on pense au 1,5 million d'entrepreneurs non employeurs : le frein psychologique est bien là. En outre, 26 000 entreprises ont huit salariés, 26 000 en ont neuf, mais 13 000 seulement en ont dix : l'effet négatif du seuil est patent, et l'on peut comprendre le malthusianisme de certains chefs d'entreprises : nous, nous voulons les aider à embaucher ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Plus de 70 % des jeunes ayant leur premier emploi en CDD ou en intérim, il est urgent de changer la donne. Les mesures que propose le Gouvernement sont cohérentes.

M. Maxime Gremetz - Oh oui !

M. le Rapporteur - Je souhaite vous faire part d'une réflexion, Monsieur le Premier ministre : les experts comptables assumant une fonction importante dans les petites entreprises, n'est-ce pas avec eux qu'il conviendrait de discuter des seuils ?

En cas d'erreur de recrutement et donc de rupture de contrat, des mesures innovantes permettront d'accompagner le salarié. Le contrat « nouvelles embauches » ne doit pas être comparé à un CDI des moments où tout va bien, mais à un CDD ou à un intérim (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) : le pire des statuts, selon nous, c'est celui de chômeur ! (Même mouvement)

Dans le cadre du dispositif d'insertion des jeunes dans les institutions de défense, 30 % du temps sera affecté à la formation militaire et civique et 70 % à la formation professionnelle : c'est là une deuxième chance pour ceux qui connaissent le plus de difficultés.

M. Richard Mallié - Très bien.

M. le Rapporteur - Le dispositif simplifié de déclaration d'embauche conforte les autres mesures et permettra de tirer profit des chèques emploi-service et du relatif échec du titre emploi-entreprise. Le chèque emploi-entreprise sera à la fois une déclaration d'embauche, un bulletin de salaire et un titre de paiement.

La suppression de la limite d'âge favorisera l'accès à la fonction publique.

M. Maxime Gremetz - Cessez de la détruire !

M. le Rapporteur - La création du parcours d'accès à la fonction publique territoriale, hospitalière et d'Etat permettra enfin, dans le cadre de la formation en alternance, d'intégrer de nombreux jeunes en leur donnant une deuxième chance.

Les mesures fiscales pour les personnes en grande difficulté et les secteurs qui ont du mal à recruter permettront également de relancer l'emploi. Je viens du BTP : il est normal de soutenir ceux qui acceptent de faire un beau mais difficile métier. Il s'agit donc d'éliminer les freins à la création d'emplois et d'offrir une nouvelle chance aux plus démunis de nos concitoyens. Il est intolérable que le chômage frappe 23 % de nos jeunes de moins de 25 ans, et jusqu'à 50 % dans les zones urbaines sensibles.

M. Maxime Gremetz - Parfois plus encore !

M. le Rapporteur - C'est cela même qui justifie le recours aux ordonnances. Celles-ci s'inscrivent dans une démarche plus globale visant à faire évoluer le rapport des Français aux entreprises et au monde du travail.

Les ordonnances, ce sont l'action !

M. Maxime Gremetz - Et le Parlement, l'inaction !

M. le Président - Si vous pouviez rester inactif un instant, Monsieur Gremetz, nous vous en saurions gré. (Sourires)

M. le Rapporteur - A ceux qui crient à gauche, dois-je rappeler que c'est par voie d'ordonnance qu'en 1982, a été instituée la cinquième semaine de congés payés, fixée la durée hebdomadaire légale du travail à 39 heures et abaissé l'âge de la retraite à 60 ans ? Y avait-il pourtant urgence de recourir aux ordonnances sur ces sujets ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Les ordonnances dont il est aujourd'hui question ont pour ambition essentielle de redonner du travail à nos jeunes, dont la situation appelle en effet des mesures urgentes. Je vous demande de soutenir l'ambition qu'elle porte. Osons regarder l'avenir en face ! Ce faisant, nous le changerons déjà ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Ce plan d'urgence, qui vise à permettre le retour à l'emploi, le plus rapidement possible, de milliers de Français, en particulier de jeunes, répond à la principale préoccupation de nos concitoyens aujourd'hui, à savoir le chômage. (M. Brard s'exclame) Cher collègue, savez-vous qui a écrit : « Il est des lieux où meurt l'esprit pour que naisse une vérité qui est sa négation même. » ? Reportez-vous à votre livre de citations. Vous y apprendrez que c'est Albert Camus dans Noces.

J'en reviens à mon propos. Ces mesures d'urgence s'inscrivent dans la continuité du plan de cohésion sociale, voté en janvier dernier et qui porte déjà ses fruits comme en atteste le grand nombre de conventions d'objectifs signées par les départements pour conclure des contrats d'avenir et celui des conventions d'apprentissage. Mais il faut aller plus vite et de manière encore plus déterminée. Il nous faut absolument gagner la bataille de l'emploi dans les mois qui viennent. Et c'est dans les plus petites entreprises que celle-ci se joue.

Tel est le sens des mesures proposées, qui répondent à un souci d'équilibre entre les préoccupations des petites entreprises et la nécessaire protection des salariés. Elles visent toutes à lever les freins psychologiques ou réglementaires à la création d'emplois durables. D'où l'institution d'un contrat de travail à durée indéterminée (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains), dont les conditions de rupture sont seulement assouplies. La formule libérera l'employeur de la crainte des procédures liées à la rupture d'un CDI, sans pour autant en faire supporter le risque par le salarié. Ce nouveau contrat sera ainsi assorti de garanties supérieures à celles qu'offre un CDI de droit commun : outre d'un préavis dont la durée sera proportionnelle à celle de la période de travail, le salarié bénéficiera, en cas de rupture du contrat, d'une indemnité égale à 10 % des rémunérations brutes qu'il aura touchées et d'un véritable dispositif d'accompagnement. Il ne s'agit donc absolument pas d'un contrat précaire de plus. La palette d'outils plus large ainsi offerte aux employeurs devrait permettre de limiter le recours aux CDD, souvent utilisés à mauvais escient, je le reconnais - 80% des embauches dans les très petites entreprises se font aujourd'hui sous CDD !

Alors que les contrats jeunes en entreprise, les contrats d'apprentissage et les contrats du secteur non marchand issus de la loi de cohésion sociale montent en puissance, et que l'ANPE a commencé de recevoir les jeunes actuellement au chômage afin de leur proposer une solution adaptée, d'autres mesures d'aide à l'emploi des jeunes sont prévues. La prime de mille euros - également ouverte aux chômeurs de plus d'un an bénéficiaires de minima sociaux -, constitue une incitation à sortir rapidement du chômage à un âge où se joue l'insertion professionnelle.

La non-prise en compte des jeunes embauchés dans le calcul des seuils n'est absolument pas dirigée contre les institutions représentatives du personnel, comme certains en ont exprimé la crainte, mais doit atténuer les réticences des employeurs, que l'insécurité juridique fait hésiter à embaucher. Trop d'entreprises qui auraient pourtant besoin d'embaucher en sont aujourd'hui dissuadées par peur des nouvelles obligations qui découleraient pour elles du franchissement de ce seuil. D'où l'importance de sa neutralisation, qui ne pénalisera toutefois pas les salariés en matière de formation professionnelle.

Le chèque emploi-service pour les TPE constitue un autre outil de simplification qui, sans nullement porter atteinte aux droits des salariés, allège considérablement les procédures administratives pour les employeurs.

Tout l'objectif de ce plan d'urgence est d'agir vite. Il ne se substitue pas à la politique de long terme du plan de cohésion sociale. Il en est le complément et l'accélérateur.

Alors que le coût des dispositifs de soutien à l'emploi a augmenté dans notre pays de 75 % ces dix dernières années, le nombre de chômeurs, lui, n'a pas diminué. Trop de nos concitoyens, cumulant les handicaps, vivent dans la pauvreté et l'exclusion - nous sommes quotidiennement confrontés dans nos permanences à cette situation intolérable sur le plan humain comme sur le plan économique. Or, force est de constater que depuis plus de vingt ans nos politiques de l'emploi ont échoué. D'où la progression du sentiment de l'impuissance publique et d'une société bloquée. Notre système est à bout de souffle. Les fortes attentes qui se sont manifestées lors des dernières élections nous imposent d'agir vite et bien.

Il nous faut notamment moderniser notre droit du travail et notre marché de l'emploi. La tâche n'est pas facile, tout débat sur le sujet débouchant dans notre pays sur des affrontements répondant, dans chaque camp, d'abord à des stratégies politiciennes. Nous ne nous sommes toujours pas débarrassés en France du schéma manichéen selon lequel la droite mesquine, arrogante et égoïste...

M. Jean-Pierre Brard - Quelle autocritique !

M. le Président de la commission - ...s'acharnerait à défendre les intérêts du grand capital tandis qu'une gauche généreuse, éprise de justice sociale, n'aspirerait qu'à construire une France plus juste. Le thème du droit du travail est propice à toutes les manipulations et l'émotion l'emporte souvent sur la raison en la matière. L'opinion éclairée, de droite comme de gauche, a rechigné jusqu'à présent à aborder certains sujets, de peur de légitimer les caricatures de ses adversaires.

Notre pays est malade de son incapacité chronique à se remettre en question...

M. Jean-Pierre Brard - Traitant de maladie, vous êtes meilleur à l'hôpital qu'à l'Assemblée !

M. le Président de la commission - ...alors que notre système fabrique plus d'inégalités et d'injustices qu'ailleurs. Pourtant, nous ne pouvons espérer lutter efficacement contre le chômage si nous continuons de louvoyer, non sans désinvolture, entre idéologie et réalités économiques. Le temps est venu de briser certains tabous. Faute de quoi, nos concitoyens, déçus et las de nos vaines promesses, se réfugieront sur l'Aventin.

La lutte contre le chômage ne passe pas par la disparition du modèle social européen, ce fameux modèle rhénan défendu par Michel Albert, mais il nous faut en finir avec les politiques inspirées par des réflexes idéologiques. Trop de nos concitoyens paient aujourd'hui trop cher le conservatisme, les blocages et l'entretien des illusions qui ont si longtemps prévalu. Cessons de nous payer de mots, osons dépasser les discours dogmatiques, modernisons le discours politique : c'est impératif si nous souhaitons préserver nos acquis économiques et sociaux. Notre pays doit apprendre le pragmatisme et s'attacher enfin à l'obtention de résultats. Je serais même tenté de dire que seul désormais le résultat compte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Gaëtan Gorce - J'observe que le Premier ministre, qui n'a déjà, semble-t-il, pas beaucoup envie d'écouter le Parlement, n'a pas du tout envie d'écouter l'opposition dans ce débat puisqu'il vient de quitter l'hémicycle...

La France est aujourd'hui plongée dans un malaise profond. Dans ce contexte de crise, auquel n'échappe pas non plus l'Europe, nous aurions pu espérer que la réponse de ce gouvernement serait à la hauteur de l'enjeu.

M. Guy Geoffroy - Elle l'est !

M. Gaëtan Gorce - Comme l'a dit M. Brard, l'amour est aveugle, cher collègue ! Je ne vous en veux donc pas.

Hélas, le Président de la République, une fois de plus, a refusé d'assumer les conséquences politiques de ses décisions, ce qui aurait été la seule attitude digne, surtout de la part d'un gaulliste. Ne restait donc plus que l'espoir d'un changement de politique, d'un sursaut. Or, que nous proposez-vous ? Quelles ambitions ? Quelle mobilisation ? Rien, décidément rien si ce n'est une morne plaine, un catalogue de mesures sans âme que le Premier ministre n'a même pas pris la peine de défendre au-delà de quelques minutes devant nous. Où sont le souffle, l'élan sur lequel vous appuyer pour redonner confiance à nos concitoyens, aux salariés et aux entreprises de notre pays ? Alors qu'on nous annonçait La charge de la brigade légère, nous n'assistons qu'au Bal des lanciers. En lieu et place du vol de l'aigle, voici le retour d'un roi podagre. Un discours pour Chambre des Pairs, voilà ce qui vient de nous être servi ! A peine M. Raffarin parti vers le Sénat, nous avons le sentiment que M. de Villepin y postule déjà, à son tour ! Celui qui devait chanter comme Pavarotti a-t-il perdu la voix ou a-t-il préféré le registre de Luis Mariano ? Le Premier ministre serait-il essoufflé avant même le départ ou at-il déjà conscience qu'on lui a confié une mission perdue d'avance ? S'agit-il seulement de tenir ? Ne se serait-on finalement pas résigné, à l'Elysée comme à Matignon, à gagner du temps, à limiter les dégâts, à « attendre et à voir » ?

On s'expliquerait mieux alors la faiblesse du plan sur l'emploi, fait de grands mots et de petites mesures, et sans cohérence aucune. Car au fond, comment croire qu'en cent jours on renverserait une tendance de trente ans ? Il aurait fallu aussi discuter avec cette assemblée, et avec les partenaires sociaux. Cela n'a pas été le cas et ce ne le sera pas. Avec Jacques Chirac, la Ve République est passée de l'opéra gaullien à l'opérette, et désormais chaque plan d'action tient du catalogue de la Redoute. Comment dès lors donner du coeur à l'ouvrage à une France qui doute profondément ? N'était-il pas temps de mettre un terme à cette pantomime, et de saisir de nouveau les Français pour rendre une légitimité à ceux qui aspirent à gouverner ? Fallait-il prendre le risque d'approfondir la crise civique en jouant un nouvel acte de la tragicomédie de 2002 ? La République de M. Chirac est devenue un théâtre d'ombres et nous sommes sans illusion sur le dénouement.

Voici donc, Monsieur Borloo, que vous nous présentez un « nouveau » plan « d'urgence » A la décréter tous les six mois, l'urgence devient chez vous une habitude ! Elle a du moins l'avantage de se passer de l'intervention du Parlement et des partenaires sociaux. Ce « nouveau plan » confirme que le précédent n'a pas atteint son but. A moins qu'il ne s'agisse d'ajouter au plan Borloo un plan Villepin-Breton, avant demain le plan de liquidation ? Ce serait déjà reconnaître qu'il y a dans ce gouvernement deux lignes politiques, l'une plus sociale, l'autre plus libérale.

En réalité, cette nouvelle urgence est une fois de plus un constat d'échec. Depuis 2002, vous présentez l'emploi comme une priorité, mais vous ne faites rien pour renverser la tendance. Ce plan vient trop tard, il est trop court et offre trop peu.

Il vient beaucoup trop tard car jamais la situation économique et sociale n'a été aussi grave depuis 1993, suite à l'accumulation de vos maladresses, malgré nos mises en garde répétées. Aujourd'hui, le Premier ministre ne peut justifier son action qu'en prétendant avoir pris la mesure de l'échec qui est le vôtre depuis trois ans. Vous n'avez su ni anticiper, ni comprendre la situation, ni y mettre fin.

Anticiper ? A votre arrivée, à l'été 2002, vous avez démantelé les emplois-jeunes, pour y substituer des contrats jeunes dont l'impact est bien moindre, et à l'automne, inspirés par le même esprit de revanche, vous avez gelé les 35 heures au profit des heures supplémentaires. Combien d'emplois en escomptez-vous, ai-je demandé à M. Fillon à l'époque. Je n'ai jamais eu de réponse.

Ne comprenant pas le phénomène, vous l'avez aggravé par vos mesures. Soyons clairs : le chômage a recommencé à progresser au printemps de 2001, on pouvait s'attendre à ce que vous en teniez compte. Or non seulement vous avez supprimé les mesures que nous avions prises, mais le budget de l'emploi a diminué de 6 % en 2002, de 6 % encore en 2003. Selon les experts de l'OFCE, la réorientation des emplois vers le secteur marchand à partir de 2002 a été insuffisante et, dans un contexte de ralentissement de l'activité, cette politique est responsable de la montée du taux de chômage de 0,2 % en 2003 et de 0,1 % en 2004, avec la suppression de 80 000 emplois aidés.

Ce processus, bien sûr, vous ne pouviez l'interrompre puisqu'il était la conséquence même de vox choix. Les chiffres accusent : en trois ans, plus 283 000 chômeurs, contre 500 000 de moins sous la législature précédente ; un taux de chômage qui passe de 9 % à 10,2 %, le chômage des jeunes à près de 25 %, avec 62 000 chômeurs de moins de 25 ans en plus, contre 200 000 en moins sous la législature précédente ; pour les femmes, ce sont 100 000 chômeuses en plus contre 491 000 de moins ; 35 000 chômeurs de longue durée supplémentaires contre 90 000 de moins ; 215 000 emplois supprimés dans l'industrie, dont 32 000 rien qu'au premier trimestre de 2005. Ce bilan est tout simplement catastrophique. Il est la conséquence de vos choix, et c'est lui qui vous conduit à nous parler d'urgence tous les trois mois. Mais ce que vous proposez est trop court.

On nous promet le changement. Mais comment changer en conservant les mêmes orientations, les mêmes hommes ? Après le petit jeu de chaises musicales, ils chanteront la même chanson. A défaut de leur demander de se faire hara-kiri en tirant les leçons des scrutins précédents et de ce 29 mai qui vous a vus désavoués,...

M. le Rapporteur - Et le parti socialiste ?

M. Gaëtan Gorce - ...puisqu'on a changé de Premier ministre, il fallait au moins y aller avec enthousiasme. Mais vous faites les mêmes mauvais paris, reprenez les mêmes mauvaises méthodes. Mauvais pari par exemple que de s'en tenir aux seuls contrats jeunes pour endiguer le chômage des jeunes. Il restait 210 000 emplois jeunes lorsque nous avons quitté les responsabilités en 2002. C'était encore mieux que les 110 000 contrats jeunes que vous avez créés, d'autant que vous avez supprimé l'exonération sur le premier salarié qui concernait 92 000 emplois, et que vous n'avez pas vu que ce nouveau contrat se substituait aux formations en alternance - ainsi il y a aujourd'hui à peine 28 000 contrats de qualification contre 52 000 en 2004. Vous avez conforté les effets d'aubaine : 225 euros par emploi et par mois, c'est d'autant plus tentant pour les entreprises qu'elles n'ont aucune obligation de formation.

Et pour combattre le chômage de longue durée, vous avez commis la même erreur de perspective, en vous contentant de remplacer les CES et les CEC par de nouveaux contrats qui présentent les mêmes caractéristiques ! Du reste, au cours de ces trois dernières années, vous n'avez fait que jouer au yoyo avec ces contrats aidés, perturbant complètement les employeurs potentiels, et désespérant le service public de l'emploi.

En tout état de cause, si on ne signe plus de CES ni de CEC, on ne signe pas encore de contrats d'avenir ou de contrats d'accompagnement à l'emploi, et ce sont autant de mois de perdus.

Comme MM. Fillon ou Raffarin, vous n'avez cessé de repousser la promesse d'une prétendue baisse du chômage. Ce serait maintenant pour 2006 ! Et pourquoi pas pour le lendemain des présidentielles, quand vous ne serez plus aux affaires ? Cette perspective apparaît bien plus probable...

Et que penser de l'analyse de M. Fillon, escomptant une baisse du chômage du seul fait de l'évolution démographique, comme si le plus faible nombre de jeunes entrant sur le marché du travail allait suffire à résorber ce fléau. Outre que d'autres personnes sans emploi aujourd'hui pourraient décider d'en rechercher un, un emploi ne se remplace pas automatiquement par un autre. Il faut la qualification adaptée. Se prépare-t-on du reste, avec les partenaires sociaux, à remplacer les départs à la retraite ? Je n'en ai pas l'impression. Du reste, vous avez si généreusement accru les contingents d'heures supplémentaires, que les entreprises préfèreront y recourir que d'embaucher.

Bref, aucune de vos propositions n'ayant permis de réduire le chômage, il serait temps de changer de cap.

Malheureusement, vous faites de mauvais choix, qui sont autant d'erreurs de jugement, parce que vous imputez le chômage à de mauvaises causes.

Vous prétendez ainsi qu'il serait dû en partie à la rigidité du code du travail. Mais c'est oublier que la précarité est déjà là ! 70 % des embauches se font aujourd'hui avec des contrats à durée déterminée. Avions-nous réellement besoin d'un contrat précaire de plus ? Ce n'est pas ainsi que vous allez restaurer la confiance des salariés !

Vous affirmez encore que les entreprises, en particulier les petites, rencontreraient des difficultés, administratives ou financières, pour embaucher, ce qui vous conduit à différencier les règles applicables aux petites entreprises de celles des grandes. Déjà que les salariés des petites entreprises n'avaient pas la même durée de travail que les autres, non plus que le même salaire, ils n'auront plus désormais les mêmes droits sociaux ! Je pense en particulier aux modalités de décompte des seuils sociaux. C'est un choix grave ! Croyez-vous rendre ainsi les petites entreprises attrayantes pour les salariés ? Elles n'en auront que plus de difficultés à recruter !

Enfin, vous répandez l'idée que les chômeurs ne cherchent pas du travail avec suffisamment d'énergie, ou renoncent à reprendre un emploi, faute d'y trouver un avantage financier suffisant. Allez donc expliquer cela aux chômeurs de plus de 40 ans de ma commune, licenciés par Epeda voici un peu plus de deux ans !

Vous stigmatisez les entreprises, le droit du travail, les chômeurs. Comment restaurer la confiance en opposant les petites entreprises aux grandes, les chômeurs à ceux qui ont un emploi ? Comment nier à ce point l'équilibre entre l'économie et le social ? L'économie permet de financer le social, et inversement.

Et que dire de vos méthodes qui sont autant d'erreurs psychologiques ! Vous ne cessez de contourner les organisations syndicales alors même que vous avez fait inscrire dans la loi de M. Fillon le principe d'une concertation préalable ?

M. Guy Geoffroy - Cela a été fait.

M. Gaëtan Gorce - Nullement et un parlementaire de la majorité devrait être irrité que le Gouvernement ne respecte pas un principe qu'il a précisément fait voter par cette majorité ! Vous vous êtes contentés d'une pseudo-concertation, une fois les décisions prises contre l'avis des syndicats. Ce faisant, vous donnez le sentiment que la parole de l'Etat ne compte pas. Comment, dans ces conditions, espérez-vous pouvoir engager des réformes ?

J'en profite pour rappeler qu'il serait temps que le Medef ne soit plus simplement le lobby des entreprises, mais qu'il consente enfin à jouer son rôle de partenaire social.

Non contents d'ignorer les syndicats, vous dites que les seuils sociaux seraient eux-mêmes un obstacle à l'emploi, et proposez de ne pas prendre en compte les jeunes de moins de 25 ans dans le décompte des effectifs qui imposent l'élection de délégués du personnel et la mise en place des instances représentatives, comme le comité d'entreprise. Que les jeunes ne soient pas considérés comme des salariés à part entière est choquant, et paradoxal si l'on s'en tient à votre discours.

Si des seuils ont été fixés à 10 ou à 50 salariés, c'est bien parce qu'ils ont une utilité. La création d'un comité d'hygiène et de sécurité à 50 salariés concerne aussi bien les jeunes que les autres salariés ! Dès lors, pourquoi cette inégalité de traitement ? Vous passez par pertes et profits le dialogue social, mais aussi la représentation sociale. Cela nous promet des discours éplorés dans quelques mois sur la faiblesse des syndicats et le peu d'intérêt qu'ils portent à vos propositions : vous aurez récolté ce que vous semez !

Non contents d'ignorer les partenaires sociaux, vous contournez aussi le Parlement. Le plus amusant est que les parlementaires s'en réjouissent : le rapporteur ne nous a-t-il pas expliqué qu'il était ravi que le Parlement n'ait pas à aller plus avant dans la discussion ?

M. le Rapporteur - Ce n'est pas vraiment ce que j'ai dit !

M. Gaëtan Gorce - On invoque l'urgence. La discussion parlementaire ne serait donc qu'une longue et pénible procédure dont le Gouvernement redouterait l'issue ? Bref, écartons le débat pour aller vite ? Il s'agit de mesures phare, nous a dit le Premier ministre. Et le Parlement n'y serait pas associé ?

M. Guy Geoffroy - Vous avez des références en la matière !

M. Gaëtan Gorce - M. Gaillard rappelait tout-à-l'heure que nous avons recouru aux ordonnances pour instaurer la cinquième semaine de congés payés et la retraite à 60 ans. Si les mesures que vous proposez étaient des mesures de progrès social aussi importantes que celles-là, sans doute accepterions-nous le procédé. Mais l'objectif est tout autre : il s'agit de remettre en question les règles de notre droit du travail, de créer une nouvelle forme de contrat, d'éliminer la représentation syndicale dans certaines entreprises !

Ce gouvernement ne sait légiférer que dans l'urgence. En janvier 2007, il sera toujours temps de s'y mettre. Mais deux ans à l'avance ! Il est vrai que c'est une habitude. Loi du 29 août 2002 : urgence - pour créer, nous dit M. Fillon, un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes...

M. Guy Geoffroy - Et ça marche !

M. Jean-Paul Anciaux - 200 000 jeunes !

M. Gaëtan Gorce - Résultat, plus de 200 000 chômeurs de moins de 25 ans en plus ! Loi du 3 février 2003 : urgence, invoque encore le Gouvernement par la voix de M. Fillon, pour la relance de la négociation collective. On sait ce qu'il en est advenu ! Loi du 17 janvier 2003 : urgence - M. Fillon remonte à la tribune - sur les salaires, le temps de travail et le développement de l'emploi. Il s'agit simplement de porter un deuxième coup aux 35 heures... Loi du 18 décembre 2003 : urgence encore, pour la décentralisation du RMI et la création du RMA ! Loi du 4 mai 2004 : urgence encore, sur la formation professionnelle et le dialogue social ! Loi du 30 juin 2004 : urgence, toujours, sur la journée de solidarité ! Encore l'urgence, toujours l'urgence, et pour les mêmes résultats dramatiques ! Ce n'est plus un gouvernement, c'est un SAMU ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Paul Anciaux - Vous avez rendu la France malade : il faut bien la soigner !

M. Gaëtan Gorce - Encore faudrait-il que vous acheviez vos études de médecine pour y parvenir !

Le destin biologique est hélas inscrit dans les gènes : ces erreurs d'inspiration et de méthode ne peuvent conduire qu'à l'échec. Vous avez la méthode de M. Juppé - pas de concertation -, vous faites les promesses de M. Chirac - cela, c'est facile - et vous aurez les résultats de M. Raffarin.

Si c'est trop tard, si c'est trop court, c'est aussi trop peu. On nous promet, toujours dans l'urgence, des mesures et des moyens. M. Borloo nous annonçait déjà des montants importants il y a quelques mois. Cette fois-ci, ce sont 4,5 milliards d'euros qui seront mobilisés en 2006. L'argent se faisant rare, comment faire ? Toutes nos marges budgétaires iront à l'emploi, a assuré le Premier ministre dans son discours de politique générale. C'est décidément un humoriste distingué que M. de Villepin - car enfin, où sont ces marges budgétaires ? Faut-il rappeler votre bilan ? La dette publique est passée de 58,2 % du PIB en 2002 à près de 65% aujourd'hui : la charge de la dette absorbe quasiment le produit de l'impôt sur le revenu. Les comptes sociaux ? 13,6 milliards de déficit en 2004, plus de 10 en 2005 malgré les mesures annoncées. L'assurance chômage ? 4 milliards en 2004, soit 15 milliards cumulés depuis 2002 - près de la moitié des prestations servies aux chômeurs chaque année ! Le déficit public ? 3,6 % du PIB en 2004. Avec un taux de croissance manifestement inférieur à ce qui avait été annoncé, comment atteindrez-vous votre objectif ?

Quelles marges de manœuvre budgétaires pourrez-vous donc consacrer à l'emploi ? Il y a une solution de secours, celle-là même qu'a annoncée le Premier ministre : une pause dans la baisse de l'impôt sur le revenu. Mais ces baisses d'impôt n'étaient pas prises en considération dans le budget qui nous est présenté. Bref, c'est le même tour de passe-passe que pour le plan de M. Borloo : alors qu'il nous avait annoncé 1,4 milliard pour 2005, nous avions 112 millions de mesures nouvelles. On nous parle aujourd'hui de 4,5 milliards : pouvons-nous seulement espérer 450 millions ?

Il y a donc peu à attendre des mesures que vous annoncez. Mais si elles ne sont de nature ni à faire baisser le chômage, ni à recréer la confiance, elles posent de sérieux problèmes juridiques. Le contrat nouvelles embauches, mesure phare du dispositif, a été celui de toutes les hésitations. Le Premier ministre a d'abord évoqué un contrat avec une période d'essai de deux ans. Il n'en est plus question aujourd'hui ! En effet, les périodes d'essai ne relèvent pas de la loi, mais des conventions collectives. Le principe de faveur aurait donc joué. Du reste, selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, l'objet des périodes d'essai n'est pas de pouvoir rompre facilement le contrat de travail, mais d'apprécier la capacité professionnelle du salarié, et le juge exerce en la matière un contrôle sévère.

Après celui de toutes les hésitations, ce contrat est devenu celui de toutes les précarités. On ne pouvait ni rester dans le cadre du CDI, ni adapter la période d'essai : il fallait donc inventer un nouveau type de contrat. C'est ce que vous faites, contre l'avis des partenaires sociaux et sans demander, ou si peu, son sentiment au Parlement. Ce nouveau contrat donnera inévitablement à l'employeur une facilité de licenciement les deux premières années - c'est bien là votre objectif. Vous créez ainsi, à côté du CDI et du CDD, un troisième type de contrat, privé des principales garanties qui devraient lui être applicables, le choix des ordonnances vous évitant une explication sur ce point.

M. Jean-Paul Anciaux - C'est mieux que les emplois-jeunes, ou la période d'essai était de cinq ans !

M. Gaëtan Gorce - Vous les avez supprimés pour renvoyer au chômage les jeunes qui en profitaient !

Qu'advient-il des garanties telles que la règle de l'entretien préalable, obligatoire en cas de licenciement disciplinaire comme de licenciement économique, qu'il soit individuel ou collectif ?

M. Jean-Paul Anciaux - Avec les emplois-jeunes, il n'y avait ni ASSEDIC, ni entretien, ni formation !

M. Gaëtan Gorce - ...Il s'agit là d'un principe fondamental de notre droit social, dont le respect est contrôlé par la Cour de cassation. Ecarter l'entretien, c'est écarter le principe du contradictoire et mettre en cause nos engagements internationaux. Selon l'article 7 de la convention 158 de l'OIT, « un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu'on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées, à moins que l'on ne puisse pas raisonnablement attendre de l'employeur qu'il lui offre cette possibilité. »

Vous méconnaissez également le principe de la motivation. Un licenciement ne peut en principe intervenir sans cause réelle et sérieuse.

Au fond, votre objectif ne fait aucun doute : autoriser le licenciement sec, sans s'encombrer d'un quelconque motif à justifier devant le juge. Et tant pis si cela contrevient au pilier de l'ordre public social introduit par la loi de 1973 que constitue l'exigence d'une cause réelle et sérieuse pour que le licenciement soit licite ! Faisant fi de la norme de travail - nationale, communautaire ou internationale -, vous contournez le contrôle du juge sur le motif du licenciement et, au-delà, les règles de base du droit civil qui sanctionnent tout abus de droit.

L'on peine à dresser la liste de toutes les incertitudes que votre projet fait peser sur le maintien des droits et garanties des salariés : que deviennent les garanties procédurales entourant ordinairement toute procédure de licenciement ou celles tendant à interdire les CDD en cascade en les requalifiant de droit en CDI ? Le titulaire du nouveau contrat - fragile CDI en fait limité à deux ans - est-il censé accepter toute modification de son contrat de travail ? Attendez-vous de lui qu'il exécute n'importe quel ordre, même lorsque celui-ci se situe hors du champ de son activité normale ? Les garanties particulières afférentes au licenciement économique seront-elles applicables ? Qu'en sera-t-il des protections spécifiques dues aux femmes enceintes, aux salariés grévistes, aux syndicalistes ou aux victimes de discriminations avérées ? Les dispositions de l'article L. 122-45 du code du travail seront-elles applicables ?

A la vérité, il semble que vous soyez décidés à faire fi de toute la jurisprudence de la Cour de cassation et à ne vous soucier d'aucun des grands principes de l'ordre public social, qu'il s'agisse, je le répète, de la motivation de la rupture du contrat de travail ou de l'égalité entre salariés d'une même entreprise.

Ces questions - dont la liste n'est pas exhaustive - appellent des réponses précises. Le dispositif qui nous est soumis reste très vague et donne l'impression - au mieux - que toutes les situations n'ont pas été envisagées ou - au pire - que votre souci essentiel et paradoxal est bien de faciliter le licenciement par tous les moyens en vous abritant derrière le prétexte - à dire vrai peu convaincant - de la relance de l'emploi. Et je ne reviens pas à ce stade sur les questions techniques en suspens, qu'il s'agisse de la correction des effets de seuil ou des modalités de décompte des effectifs de l'entreprise tendant à élargir le champ de la formule.

S'il n'y a rien à attendre de votre politique, l'on ne peut s'empêcher de se demander sous quels auspices vont se dérouler les deux prochaines années ?

M. Guy Geoffroy - Le parti socialiste fait une fixation sur cette échéance !

M. Gaëtan Gorce - Disons que les Français sont impatients de se priver de vos talents ! A l'évidence les problèmes majeurs auxquels notre pays s'affronte ne seront pas résolus par telle ou telle nouvelle formule juridique. Chacun sait que pour créer l'emploi, il faut d'abord restaurer la confiance en vue de soutenir la croissance. Or la confiance, vous ne l'avez pas plus sur le terrain politique qu'en matière économique et sociale !

M. Michel Piron - Vous non plus !

M. Gaëtan Gorce - Victimes de vos échecs successifs et de votre flagrant manque d'écoute depuis trois ans, vous n'êtes absolument pas en situation de susciter la confiance, et moins encore de relancer la croissance. Le pouvoir d'achat de nos compatriotes reste désespérément stable, et la consommation a encore moins progressé au premier trimestre de cette année que durant la même période de l'année dernière. Las, vous semblez n'en avoir cure et votre plan ne contient aucune mesure propre à relancer la consommation.

Quant à la confiance, elle s'est évanouie. Les emplois-jeunes, que certains décrient, ont redonné confiance à des milliers de jeunes et à leur entourage : cinq ans d'activité, cela permet de se reconstruire, de faire des projets et de prendre son autonomie. Du reste, nombre d'élus de la majorité les ont embauchés dans leurs collectivités et je m'en réjouis ! Rien de tel dans vos propositions, et vous ne pouvez pas non plus compter sur l'Europe pour rétablir la confiance. Dans le contexte actuel, l'heure n'est pas aux coopérations renforcées, seules à même de soutenir la conjoncture, (« Merci Fabius ! » sur les bancs du groupe UMP) et Jacques Chirac a lui-même sonné le réveil des égoïsmes nationaux. Or l'équation est simple : sans confiance, pas de croissance et sans croissance, pas d'emploi. Il est vrai qu'en 2004, vous avez réussi le tour de force de ne pas susciter la création d'un nombre significatif d'emplois malgré un taux de croissance « miraculeux » par rapport aux prévisions - plus 2,4 % au lieu des 1,5 % attendus. Tout au plus peut-on saluer vos efforts - limités - pour soutenir la croissance et l'innovation en vue de mettre à niveau notre politique industrielle, dont les lacunes ont été utilement relevées dans le rapport Beffa.

Ni confiance, ni croissance, ni emploi : tel est le résumé de la situation présente et à venir dans les deux prochaines années et l'on ne peut attendre de vos mesures partielles que des corrections marginales. Tel l'horizon, le moment où s'amorcera la décrue du chômage s'éloigne à mesure que vous croyez vous en rapprocher... Au reste, à la différence de M. Raffarin, MM. de Villepin et Borloo se gardent bien de s'engager sur le moindre chiffre ou sur une quelconque date : on est loin de l'engagement de 10 % de chômeurs de moins avant la fin de l'année !

C'est une tout autre politique qu'il faut mener pour stimuler la croissance et mobiliser nos incontestables atouts. Las, vous vous cantonnez dans les limites du strict nécessaire et le plan Borloo de cohésion sociale ne propose finalement que des dispositifs de portée limitée - maisons de l'emploi, rapprochement UNEDIC-ANPE - assortis de moyens nouveaux chichement octroyés. L'urgence de la situation et l'ampleur de la crise commanderaient que l'on mobilise des moyens considérables. L'on ne peut se contenter de dire que l'on va recevoir dans les ANPE tous les jeunes en recherche d'emploi ! Ceux-ci ont droit à une vraie politique d'accompagnement. A l'échelon territorial, le service public de l'emploi doit se coordonner, les agences se rapprochant des maisons de l'emploi pour mener une action concertée. Dans le droit fil des avancées obtenues grâce à la consécration du principe de la formation tout au long de la vie, il convient aussi de relancer la dynamique de mobilité dans l'emploi.

Il faudrait aussi recréer la possibilité d'une promotion sociale. Aujourd'hui, un salarié n'a guère de perspectives, que ce soit en termes de pouvoir d'achat ou d'évolution de carrière. Il a aussi parfois de bonnes raisons de s'inquiéter pour ses enfants. Comment s'étonner dans ces conditions de la colère qui s'exprime à chaque élection ? Combattre ce sentiment d'injustice qu'ont tant de nos concitoyens exigerait des mesures autrement plus fortes que celles que vous proposez.

Les Français voient qu'avec vous rien ne change, en tout cas dans un sens qui leur soit favorable. Rien n'a changé en 2002, 2003, 2004. Rien ne changera non plus en 2005, 2006 et 2007. Vous êtes en train d'accompagner ce pays vers un gouffre, qui est celui du chômage et de la désespérance sociale. Si vous n'en prenez pas la mesure, alors nous aurons tous à gérer une situation encore plus préoccupante dans les prochains mois.

Ce pays a des forces vives extraordinaires et une formidable capacité à relever les défis. Mais encore faut-il qu'il ait à sa tête des responsables politiques ayant le courage et de lui dire la vérité et de mobiliser les moyens nécessaires. Ce n'est pas avec vous que cette perspective pourra être tracée. A nous donc de nous y préparer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - C'est toujours un bonheur de vous écouter, Monsieur Gorce, car il y a de l'intelligence, de la brillance, de la mémoire et de la mise en perspective dans tout votre propos...

M. René Dosière - Des faits, aussi !

M. le Ministre - On peut simplement regretter que l'élève France ne vous ait pas entendu plus tôt et qu'un certain manque d'humilité transparaisse sous votre aimable persiflage.

Vous nous parlez de confiance, mais on s'étonne, compte tenu de toutes les leçons d'économie que vous donnez si volontiers, que les Français ne vous aient pas accordé la leur il y a trois ans.

M. Alain Vidalies - Il y a eu une campagne indigne sur la sécurité !

M. Gaëtan Gorce - Consultez à nouveau les Français !

M. le Ministre - Peut-être ont-ils vu que les trois ou quatre années de croissance à 4 % dont vous aviez bénéficié, suivant en cela le train européen, n'avaient pas servi à faire les réformes nécessaires, en particulier celle des retraites, n'avaient pas empêché que la crise du logement soit la plus forte connue depuis vingt-cinq ans, que des quartiers entiers soient abandonnés, que les plus pauvres soient de plus en plus pauvres... Peut-être se sont-ils émus que des responsables politiques leur disent : pour être compétitifs, travaillez moins, les finances publiques se chargeront du surcoût !

Franchement, Monsieur Gorce, transmettre le témoin à 9 % sans avoir fait tout ce que vous venez de nous expliquer qu'il faudrait faire, et ce après avoir bénéficié de quatre années de croissance à 4 %, il n'y a pas de quoi se féliciter ! Les Français ont sans doute estimé qu'il fallait faire des réformes et remettre en marche ce pays.

Au fond du fond, je crois que vous vous dites que ce n'est pas une si mauvaise idée que de prévoir un nouveau contrat pour les très petites entreprises, qui n'ont pas vraiment les mêmes besoins de recrutement que Renault ou Siemens. Car vous savez comme nous qu'il y a là de gros gisements d'emplois et que les nouvelles dispositions permettront de transformer en CDI un bon nombre de CDD, tout en donnant aux salariés concernés de nouveaux droits tels que le droit à l'assurance chômage avant 180 jours d'activité.

Trop peu ou trop tard, dites-vous à propos de tout ce que nous proposons. Mais si le CNE et les autres mesures du plan pour l'emploi fonctionnaient ne serait-ce qu'un peu, si le plan apprentissage, les contrats de professionnalisation, les contrats d'avenir, le programme de rénovation urbaine, les services à la personne, si tout cela fonctionnait, même un peu, il est évident que le taux de chômage baisserait. On dirait que vous le redoutez ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Oui, votre principale inquiétude semble être que l'ensemble de ces dispositifs, ajoutés les uns aux autres avec humilité, et que la réforme du service public de l'emploi que nous menons marchent, même un peu !

Pour notre part, c'est en tout cas tout le mal que nous souhaitons à notre beau pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Liebgott - Quel numéro ! Le ministre veut nous faire croire que nous sommes en train d'examiner le plan Marshall de l'emploi et de sonner la mobilisation générale, alors que nous entendons depuis trois ans ce même ministre annoncer, au mépris de tous les chiffres, que le chômage va baisser !

En réalité, ce plan est dans la continuité de ce que vous faites depuis des années. Il n'y a pas de rupture, sinon de méthode, puisque vous avez décidé cette fois, Monsieur le ministre, de procéder par ordonnances. Vous évitez ainsi le débat dans l'hémicycle et, peut-être, la mobilisation dans la rue.

Vous évitez de faire trop de publicité à un plan qui n'est pas meilleur que les autres. Certes, vous laissez entendre, pour la forme, que vous dialoguerez avec les syndicats, mais ils sont presque tous opposés à ce démantèlement du droit du travail. Nous avons l'habitude d'être échaudés : ainsi le plan de cohésion sociale comprenait-il un certain nombre d'idées en cours de maturation qu'il était nécessaire de formaliser, avez-vous dit, mais en fait, malgré quelques décrets, rien n'a été appliqué.

Il est de plus paradoxal de vous voir défendre un texte inspiré par des ministres de l'économie qui, de Francis Mer à Thierry Breton, ne sont pas des hommes politiques mais des représentants du patronat prisonniers de leur logique libérale alors que vous ne réussissez pas par ailleurs à obtenir des crédits pour votre plan dit de cohésion sociale.

Enfin, vous avez mentionné les élections de 2002 mais je vous rappelle que la gauche était majoritaire au premier tour de l'élection présidentielle, même si nos voix, il est vrai, étaient dispersées. Sans doute les Français regrettent-ils aujourd'hui leur choix car ils ne sont pas dupes : ils savent que seuls les gouvernements de Michel Rocard et de Lionel Jospin ont réussi à faire significativement baisser le nombre de chômeurs.

Le nouvel outil que nous proposez ne vise en fait qu'à accroître la flexibilité.

Comme pour le RMA ou le CIVIS, vous pratiquez la méthode Coué, mais nous non plus, nous ne sommes pas dupes : nous combattrons vivement ce projet, sans doute le plus libéral qui ait été présenté depuis très longtemps, et nous voterons bien entendu l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Guy Geoffroy - Plus de deux millions de Français sont sans emploi et vivent une situation dramatique.

M. René Dosière - Qu'avez-vous fait en trois ans ?

M. Guy Geoffroy - Comme le discours de M. Gorce ne contenait aucun argument démontrant l'inconstitutionnalité de ce texte, mon propos pourrait être bref. Néanmoins, plusieurs points ont été abordés sur lesquels je tiens à répondre.

Quelle est la réalité que les Français nous renvoient ? Depuis vingt-cinq ans, malgré l'engagement solennel de François Mitterrand que le seuil des deux millions de chômeurs ne serait jamais atteint, ce seuil est constamment dépassé. Nous sommes tous responsables de cette situation, et nous devrions faire preuve d'humilité, vous comme les autres, Monsieur Gorce. Votre discours, si habile soit-il, n'est qu'un écran de fumée pour taire vos propres responsabilités en la matière. Vous n'échappez pas à la règle : quand la croissance n'est pas au rendez-vous, l'emploi stagne ou diminue ; à l'inverse, lorsque la croissance progresse, le nombre de chômeurs baisse. Avec parfois une certaine malhonnêteté intellectuelle, vous avez ainsi commis quelques oublis.

Ce n'est pas après la réélection de Jacques Chirac en 2002 que le chômage a soudainement augmenté : vous savez que cela a été le cas dès 2001, alors que vous étiez au pouvoir.

M. Alain Vidalies - Parlez plutôt de votre bilan !

M. Richard Mallié - On peut aussi parler de l'héritage.

M. Guy Geoffroy - Vous évoquez également les emplois-jeunes, et toujours de façon scandaleuse. On peut être ou non d'accord avec un dispositif qui a permis de donner du travail à un certain nombre de jeunes...

M. René Dosière - Pourquoi les avez-vous supprimés ?

M. Guy Geoffroy - ...mais la question n'est pas là : les emplois-jeunes étaient en fait un dispositif de droit privé dans le secteur public. Qu'est-ce qui vous aurait empêchés de créer des emplois de droit public ? Rien. Lionel Jospin, dans son programme de 2002...

M. Alain Vidalies - Nous sommes en 2005.

M. Guy Geoffroy - ...faisait une seule référence aux emplois-jeunes et il en parlait au passé : c'est vous qui avez créé les emplois jeunes dans un souci électoraliste, et c'est vous qui les avez supprimés. Dès que la croissance a diminué, le chômage est reparti à la hausse. Le Gouvernement, lui, essaie de trouver des solutions.

Comme vous voulez taire vos propres errances alors que nous voulons discuter d'un plan qui fera gagner la France, et dont vous n'avez nullement démontré l'inconstitutionnalité, nous ne voterons pas cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Rochebloine - Les motions de procédure de l'opposition ne sont pas adaptées à la gravité de la situation de l'emploi : l'opposition, en effet, se limite à une critique systématique sans jamais formuler de propositions pour résorber le chômage. En outre, dès lors qu'elle a déposé une motion de censure, elle privilégie les effets de tribune. Pour toutes ces raisons, le groupe UDF ne votera pas cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP) .

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à19 heures 15.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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