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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du vendredi 8 septembre 2006

Séance de 15 heures
2ème jour de séance, 5ème séance

Présidence de M. Maurice Leroy
Vice-Président

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La séance est ouverte à 15 heures.

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Énergie (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie.

rappel au règlement

M. François Brottes – À l’issue de la séance de ce matin, j’ai dû me rendre dans le bureau de M. le président de la commission des affaires économiques afin de recopier la lettre envoyée par le commissaire européen à M. le ministre. M. Breton a indiqué depuis qu’il était possible d’en avoir une copie, ce qui m’aurait évité deux pages d’écriture, mais ce n’est pas très grave. Selon certains, l’opposition ferait de l’obstruction. Or, elle est dans son rôle lorsqu’elle demande des éclaircissements fondamentaux s’agissant du cœur même de notre débat : la privatisation de GDF. Selon la majorité, l’entreprise peut être privatisée tout en gardant la maîtrise de l’entité fusionnée grâce à la minorité de blocage et à l’action spécifique, laquelle a été approuvée hier par M. le commissaire McGreevy, comme l’a précisé M. le ministre de l’économie. M. Breton a ajouté que, s’agissant des actifs stratégiques de l’entreprise constitués pour l’essentiel par les terminaux méthaniers et par les réserves et stockages stratégiques, il est prévu de donner à l’État un véritable droit de veto, M. McGreevy ayant confirmé qu’un tel dispositif n’était pas incompatible avec le droit communautaire et ne susciterait pas de réserves de la part de la Commission européenne. Nous devons quant à nous connaître les éléments qui justifient les décisions gouvernementales concernant la compatibilité avec le droit européen, et c’est pourquoi nous avons demandé à lire cette lettre, non de griefs, mais de remarques. M. le commissaire écrit ainsi que ses services ont eu l’opportunité d’examiner le projet de décret envoyé par la France le 5 juillet 2006. Celui-ci vise à introduire au sein du capital de GDF une action spécifique au bénéfice de l’État lui conférant le droit de s’opposer à la cession d’actifs stratégiques essentiels à la sécurité de l’approvisionnement et de distribution de GDF. Selon M. McGreevy, les droits spéciaux que les gouvernements s’attribuent afin de contrôler les entreprises privées créent des obstacles aux investissements directs visant à influencer la gestion de ces entreprises et sont donc contraires au marché unique. Il est néanmoins conscient, poursuit-il, que la Cour européenne de justice a reconnu que certains pouvoirs peuvent se justifier lorsqu’il s’agit d’assurer la sécurité d’approvisionnement et de distribution de gaz qui constituent des objectifs légitimes de sécurité publique. La Cour avait en l’occurrence constaté que, dans le cas de Distrigaz, le système visait à protéger des intérêts généraux essentiels. Il s’agissait en outre d’un système d’opposition a posteriori devant intervenir dans des délais stricts, les actifs spécifiques concernés étaient clairement définis et les décisions, enfin, étaient susceptibles de recours. Au vu des ces éléments, les services du Commissaire ont conclu que dans son état actuel, le projet de décret ne contenait pas d’éléments contentieux qui mèneraient la Commission à ouvrir une procédure à l’encontre de la France. M. McGreevy précise que cet avis est fondé sur l’état actuel de la législation et de la jurisprudence. Des modifications pourraient donc mettre en cause cette conclusion. Je précise quant à moi que la commission discutera au mois de décembre d’un « paquet énergétique » qui pourrait fort bien modifier la législation en vigueur. M. le commissaire considère également que d’éventuelles modifications du projet de décret ou l’adoption d’autres mesures complémentaires ne peuvent évidemment pas être prises en compte à ce stade dans l’évaluation du projet de décret. Enfin, il suggère des modifications et demande à M. le ministre de mieux préciser le détail des actifs qui seraient concernés par le décret.

En ce qui nous concerne, nous souhaitons obtenir ce projet de décret et connaître précisément quels sont les actifs concernés par l’action spécifique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Vous avez cité la lettre : au vu des éléments fournis, M. le commissaire estime que le projet de décret ne contient pas d’éléments contentieux qui amèneraient la Commission à ouvrir une procédure d’infraction à l’encontre de la France. C’est l’essentiel. Je suis par ailleurs tout à fait d’accord pour vous communiquer le texte du projet de décret. Nos débats peuvent donc continuer dans la sérénité.

Mme Marie-Anne Montchamp – Je soutiens ce projet avec détermination.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - Bravo !

Mme Marie-Anne Montchamp – Il permet en effet de transposer intégralement la directive européenne, laquelle est parfaitement respectueuse de l'intérêt des consommateurs français. Ce texte offre en outre à la grande entreprise qu'est GDF une nouvelle marge de manœuvre ainsi qu’un haut niveau de protection de sa gouvernance, de ses missions de service public et du consommateur.

Le projet prévoit le maintien des tarifs réglementés après le 1er juillet 2007. L'évolution de la structure du capital de GDF est de plus sans incidence sur la régulation des prix, GDF achetant son gaz principalement en Norvège, en Russie et en Algérie, dans le cadre de contrats indexés sur le prix du pétrole. Il est dès lors particulièrement choquant de tenter de déstabiliser les Français à grands coups de contrevérités, comme ce fut le cas lors d’une émission de radio matinale. Ce projet, enfin, est vertueux car il garantit la sécurité d'approvisionnement de notre pays. Aujourd'hui, il faut aller chercher le gaz de plus en plus loin et il convient également de diversifier les sources d'approvisionnement face à des entreprises offensives qui s'organisent par concentration en Europe. Tout cela nécessite des investissements lourds, ce qui suppose de pouvoir mobiliser une force de frappe financière à l'échelle de l'évolution de ces entreprises. Soixante-cinq milliards, telle est la cible pour GDF-Suez. Pouvons-nous, compte tenu de la dette publique, apporter une réponse capitalistique de ce niveau ? Telle est la question que nous devons également nous poser. Il convient tout autant de garantir le transport et la distribution. Il faut investir, notamment dans la liquéfaction, afin de garantir notre indépendance et il faut soutenir la collaboration fructueuse de GDF avec EDF dans le domaine de la distribution. C'est ce que le projet confirme par la transposition de la directive. De plus, et c’est essentiel, le statut des salariés de GDF est préservé. Grâce à l'essor de nouvelles marges de manœuvre, c'est la culture même de l'entreprise gazière qui sera préservée, une culture de service public, qui garantit le respect des obligations de service public définies par les lois de janvier 2003 et d’août 2004 – obligations que précise le contrat de service public qui lie GDF à l'État. Le projet de loi renforce ces obligations pour l'offre sociale de tarifs, mais aussi pour ce qui concerne le développement équilibré du territoire.

Permettre l'essor de GDF, c'est aussi redire notre confiance à ses salariés ; c'est refuser l'immobilisme, car les entreprises concurrentes, Gazprom et Sonatrach, n'attendent pas.

Le dogmatisme, c'est le refus de construire l'avenir et la croissance de GDF en créant aux côtés d'EDF, d'Areva et de Total le quatrième pilier énergétique français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Cochet – Le présent projet de loi est inadapté au contexte énergétique mondial. Le pétrole représente en effet 40 % de l’énergie – le gaz et le pétrole représentant chacun 22 %, le charbon 6 %, le nucléaire 6 %, et l’hydroélectricité et la biomasse 10 %. 84 % de l’énergie est donc d’origine fossile, et c’est le pétrole qui oriente l’ensemble des marchés. Je me souviens avec émotion de notre débat sur la loi d’orientation sur l’énergie : heureuse époque où le prix du baril oscillait encore entre 35 et 38 dollars ! Aujourd’hui, il est à 65,70, voire 75 dollars, et on nous assure que la hausse ne se poursuivra pas, ce qui est faux. Non seulement nous ne reviendrons pas à des prix raisonnables, mais les prix augmenteront encore, pour trois raisons que le Gouvernement se refuse à admettre. D’abord une raison géologique : la source commence à se tarir. C’est le peak oil – nous y sommes. Le peak gaz est pour bientôt – 2008 ou 2010. Croire que l’on peut garantir l’approvisionnement par une politique de l’offre est donc une illusion, d’autant que les États producteurs ont tendance à surévaluer leurs réserves – les réserves gazières de la Russie n’atteindraient ainsi que la moitié de ce qu’elle déclare. Ensuite une raison économique : alors que nous avons longtemps vécu dans un monde d’abondance énergétique, la demande est devenue structurellement supérieure à l’offre en janvier 2002, et cela ne changera plus. Enfin, une raison géopolitique : le pétrole, c’est la guerre ! Là où il y a des hydrocarbures, les États sont déstabilisés. C’est le cas en Irak et bientôt, je le crains, en Iran, sans parler du Liban.

Pour la préparation du budget 2005, M. Sarkozy et M. Devedjian avaient retenu l’hypothèse d’un baril de pétrole à 35,5 dollars. Il a terminé l’année à 58 dollars ! Quel aveuglement ! Quelle ignorance des mécanismes de marché dans le secteur énergétique !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiquesM. Cochet a une boule de cristal !

M. Yves Cochet - Pour la préparation du budget 2006, vous avez retenu un prix moyen de l’ordre de 60 dollars. À combien terminera-t-on l’année ? Beaucoup plus ! Quelle prévision faites-vous donc pour 2007 ?

M. le Rapporteur – Heureusement qu’il y a le nucléaire !

M. le Président de la commission – Merci de Gaulle !

M. Yves Cochet - Ne parlons pas du nucléaire : il est marginal dans cette affaire.

Vous dites qu’il faut garantir l’indépendance énergétique de la France. Mais nous sommes dépendants de l’extérieur à 100 % ! Nous n’avons ni pétrole, ni gaz, ni uranium ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Dès lors, que faire ? On peut certes fusionner Suez et GDF pour créer une entité plus importante. J’observe d’ailleurs qu’on se réjouit que GDF achète la SPE en Belgique ou que Suez achète Electrabel, mais que lorsque ENEL veut acheter Suez, on invoque soudain le patriotisme économique ! La pensée énergétique de la France, c’est « monopole à l’intérieur, monopoly à l’extérieur » ! (Exclamations sur divers bancs) C’est ridicule !

Notre responsabilité est de garantir l’intérêt général de nos consommateurs et de nos entreprises, en économisant l’énergie – et le potentiel est considérable…

M. le Rapporteur – Très bien !

M. Yves Cochet - Ce n’est pas la loi d’orientation sur l’énergie qui le fera : elle est affligeante. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Il faut d’autre part développer les énergies présentes dans notre pays – vent, biomasse, énergie solaire. Voici donc deux missions nouvelles pour Gaz de France : s’intéresser aux biogaz – c’est beaucoup mieux que d’aller chercher des contrats en Russie et transformer les 5 millions de chaudières au fuel qui existent encore en France en chaudières à bois. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste)

MM. François Brottes et Jean Dionis du Séjour - Très bien !

M. Dominique Strauss-Kahn - Vous nous avez fait un bien mauvais projet. Les circonstances se prêtaient pourtant bien à un projet énergétique de grande ampleur. La hausse des prix rend en effet encore plus essentielle la question de l’énergie. Le besoin d’une politique énergétique se fait d’autant plus sentir que cette question a, comme l’a rappelé M. Cochet avec l’emphase qui est la sienne – et que nous apprécions – un impact environnemental et géopolitique. Bref, c’est un sujet majeur, qui aurait déjà pu être traité puisqu’en quatre ans, nous avons connu cinq projets de loi et deux déclarations du Gouvernement sur sa politique énergétique. Le bilan est assez mince. Il s’agit principalement de l’ouverture des réseaux, avec les résultats contestés que l’on connaît : beaucoup de ceux qui sont entrés dans ces réseaux ouverts veulent aujourd’hui en sortir. Aussi chacun ne songe-t-il, depuis le début de cette discussion, qu’à renvoyer la responsabilité aux autres.

M. le Rapporteur – Qui a commencé ? C’est vous !

M. Dominique Strauss-Kahn - Le débat est pourtant plus grave. Le vrai problème est de savoir où nous en sommes dans la procédure d’ouverture des réseaux, ce que l’on peut faire pour corriger le tir. Votre projet est ici inefficace. Après la marche arrière de beaucoup d’entreprises, qui ont considéré que les prix du marché auxquels elles étaient soumises étaient insupportables, vous nous proposez un habillage qui durera tout au plus deux ans – vraisemblablement moins, puisque la Commission européenne a démenti votre propre déclaration assurant que le problème du retour était réglé. Je souhaite donc avoir des précisions sur ce point.

Il serait bon que l’on sache exactement ce qu’il en est. Une chose est certaine en tout cas : si l’on veut être sûr que les prix diminuent, il faut éliminer une série de dysfonctionnements. De ces dysfonctionnements, M. Pierre Méhaignerie avait dressé une longue liste. Or, quelle attention leur est-il porté dans ce projet ? Aucune, ou si peu. Contrairement à ce qui a été avancé ici ou là, la Commission de régulation de l’énergie n’est ni un nain ni géant, mais ses pouvoirs doivent être renforcés et revus ; rien, dans le texte, ne va dans ce sens. Pourtant, en l’état, les dispositions prévues sont insuffisantes pour garantir le maintien du pouvoir d’achat des consommateurs, mais aussi la compétitivité des entreprises. Les libéraux que vous êtes, qui savent bien qu’un marché, ce sont des règles – devraient donc être logiques avec eux-mêmes et en instaurer d’efficaces. Je pensais, Monsieur le ministre, que l’objectif de votre nomination était de vous faire transformer le paysage énergétique français. Vous auriez pu, ainsi, vous faire un nom, mais l’occasion est manquée, et je ne suis pas sûr que vous en aurez une autre au cours de la présente législature, ni, a fortiori, de la suivante.

Sur la régulation et le renforcement de la surveillance, le projet dit donc très peu de choses. J’en viens au second sujet, à savoir la privatisation de Gaz de France par le biais de sa fusion avec Suez, question que j’ai l’intention d’évoquer car je considère qu’il ne revient pas au ministre des finances de décider ce dont entend parler le Parlement (Approbation sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

On s’emploie à nous faire apparaître, Laurent Fabius et moi-même, dans une sorte de pantomime, en rappelant sans cesse les positions que nous avons prises sur les privatisations. Je parlerai bien sûr en mon nom seulement, pour dire que je n’ai pas changé d’avis…

M. le Rapporteur – Il vous a fallu longtemps pour le dire !

M. Dominique Strauss-Kahn - …et que je continue de penser que s’il en va de l’intérêt d’une entreprise, de ses salariés, des consommateurs, bref si l’intérêt national l’exige, je ne vois pas d’obstacle à une privatisation, à condition qu’elle s’appuie sur un bon projet industriel…

M. le Président de la commission – C’est le cas.

M. Dominique Strauss-Kahn - Or, le projet industriel qui nous est présenté est mauvais. Cessez donc d’intervenir pour prétendre que j’aurais changé d’avis : ce n’est pas le cas, c’est que le projet industriel n’est pas bon.

Contrairement à ce qui nous est dit, la sécurité énergétique du pays ne serait en rien renforcée. Personne ne peut prétendre qu’en passant, avec le nouveau groupe, de 16 % à 20 % du marché gazier, on crée un géant – tout au plus grossit-on un peu. Ce pourrait, certes, n’être qu’une première étape, prélude à d’autres alliances. Seulement, si l’État ne conserve que 34 % des parts du nouveau groupe, il n’y a plus d’autres alliances possibles puisque, impécunieux comme il l’est, il ne pourra suivre d’éventuelles augmentations de capital. De nouvelles alliances sont donc exclues dans cette configuration, sauf à ce que l’État descende en dessous de ce seuil – mais, après tout, vous acceptez désormais de ne garder que 34 % d’un capital dont vous aviez affirmé vouloir conserver 70 %...

Pour que des alliances ultérieures soient concevables, l’État doit garder bien davantage que 34 % des parts. En l’état, le texte ne garantit aucunement la sécurité énergétique. Faute de renforcer le secteur gazier, le projet en conforte-t-il un autre ? Tout au contraire, la constitution du nouveau groupe affaiblira EDF, balayant d’un coup la politique qu’ont menée pendant des décennies tous les gouvernements, droite et gauche confondues, en empêchant Suez de pénétrer sur le marché de l’électricité. L’affaiblissement d’EDF sera manifeste.

M. le Rapporteur – Qui, sinon vous, a donné la CNR à Suez ?

M. Dominique Strauss-Kahn - La CNR est une petite chose…

M. le Rapporteur – Une « petite chose », le deuxième producteur d’électricité français ?

M. Dominique Strauss-Kahn - Le ministre des finances a affirmé – avec quelle naïveté ! – qu’une concurrence s’exercerait. Mais dans quelles conditions, alors que le nouveau groupe disposera du fichier commercial des 12 millions de clients de GDF ? C’est un cheval de Troie que vous introduisez dans le marché de l’électricité, dont vous modifiez entièrement la donne.

Y a-t-il, alors, autre chose dans ce projet ? Permettra-t-il, par exemple, que les missions actuellement confiées au secteur public soient mieux remplies ? D’abord, pourquoi y a-t-il un secteur public de l’énergie, sinon parce qu’existe un monopole naturel ? Certes, ce n’est pas une chose formidable qu’un monopole public, mais un monopole privé est encore beaucoup moins bien. À ce sujet, les concessions fixées dans la loi de 1946 seront-elles remises en cause ? Le texte n’en dit rien, mais le rapporteur a posé la question, et je ne suis pas certain qu’il ait obtenu une réponse… Sur le fond, peut-on sérieusement penser que les missions de service public seront mieux remplies par le secteur privé qu’elles ne le sont par le secteur public ? Allons donc ! Les collectivités territoriales pratiquent quotidiennement la délégation de services publics à des entreprises privées, mais il ne s’agit pas de monopoles naturels. Il n’y a aucune raison de préférer un monopole privé à un monopole public.

Serait-ce, alors, que l’intérêt des salariés est en jeu ? Consultés, 94 % d’entre eux se sont déclarés hostiles au projet…

On pourrait encore imaginer que le projet, tout mauvais qu’il est, vise à créer l’Europe de l’énergie. Mais l’on sait bien qu’il n’en est rien, et que le Gouvernement a sorti cette idée de son chapeau dans la fébrilité pour contrer l’intérêt qu’ENEL portait à Suez. D’ENEL, il n’est plus question, mais le Gouvernement poursuit sur sa lancée… et personne ne trouve rien à redire à la situation ubuesque qui veut que l’on en soit à discuter d’éventuelles cessions du nouveau groupe à ENEL…

Le projet, explique-t-on encore, mettrait le nouveau groupe à l’abri d’une OPA. Personne ne peut croire un instant cette plaisanterie. La seule manière de se protéger efficacement, c’est de conserver un capital majoritairement public. L’État avait une part, minoritaire, du capital d’Arcelor ; a-t-on vu que cela ait empêché la fusion avec Mittal ? Des moyens doivent être inventés qui mettent à l’abri d’OPA inamicales, mais ce n’est pas celui qui est proposé, et qui mettrait le nouveau groupe en grand danger – d’ailleurs, les grands gaziers mondiaux se frottent les mains, et il y a malheureusement peu de doute : un jour ou l’autre, un prédateur se présentera qui s’emparera du groupe ainsi valorisé.

Comment, enfin, ignorer le grand risque qu’il y a à délibérer sans connaître les contreparties massives exigées par la Commission dans les 200 pages de la lettre de griefs dans laquelle elle expose tout le mal qu’elle pense du projet ?

On se demande vraiment ce qui pousse le Gouvernement à persister, sinon un entêtement dont le CPE a déjà donné un exemple. L’idée est lancée et, au nom d’un patriotisme franco-français, on ne veut plus s’arrêter. L’opposition est contre, mais l’UDF aussi, et beaucoup de députés UMP (Protestations sur les bancs du groupe UMP). C’est bien pourquoi d’ailleurs, on évoque l’idée d’un 49-3,qui permettrait de ne pas aller au bout du débat… (Mêmes mouvements) …et nullement à cause du nombre de nos amendements. Souvenez-vous, sur les trente-cinq heures, le débat fut mené jusqu’à son terme, malgré des dizaines de milliers d’amendements, parce que Lionel Jospin était sûr de sa majorité.

Il est des députés socialistes – dont je suis – qui ont le courage de dire qu’il peut parfois être utile d’ouvrir le capital d’une entreprise publique lorsqu’il y va de l’intérêt national. Il pourrait y avoir des députés de l’UMP qui aient le courage de dire qu’il vaut mieux parfois conserver une entreprise publique dans ces mêmes circonstances. Je vous invite aujourd’hui à faire preuve de ce courage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gilles Carrez - Je tiens à saluer le travail remarquable de réflexion et de concertation auquel a donné lieu ce projet de loi depuis deux mois : c’est assez rare dans la procédure parlementaire pour être souligné.

M. le Président de la commission – Tout à fait.

M. Gilles Carrez - La commission des affaires économiques a conduit des auditions du plus haut intérêt tout au long de l’été, qui ont nourri notre réflexion. J’en remercie le président Patrick Ollier, le rapporteur Jean-Claude Lenoir ainsi que notre collègue Serge Poignant. La commission des finances, quant à elle, qui ne s’était saisie que de quatre articles du projet, a soulevé plusieurs questions de fond, par la voix en particulier de son rapporteur pour avis, Hervé Novelli, qui s’est interrogé sur la place de l’État-actionnaire dans une entreprise du secteur concurrentiel…

Plusieurs députés socialistes – Quelle a été sa réponse ?

M. Gilles Carrez - …et par celle de son président, Pierre Méhaignerie, qui, convaincu, comme nous tous, que le coût de l’énergie doit demeurer un facteur de compétitivité de nos entreprises, a évoqué la question des tarifs de retour. Une seule préoccupation a guidé notre réflexion : protéger le mieux possible tous les consommateurs d’électricité et de gaz, les entreprises comme les ménages, en particulier les plus vulnérables d’entre eux.

Je tiens aussi à remercier le ministre et son équipe…

Mme Claude Greff - On le peut en effet !

M. Gilles Carrez - …qui ont accepté d’étudier avec nous d’autres pistes que celle tracée dans le projet de loi et pris le temps de nous démontrer les avantages de celle retenue. Les propositions alternatives formulées par notre rapporteur en juillet m’ont, pour ma part, beaucoup éclairé dans la compréhension de ces enjeux complexes. Tout ce temps de réflexion a donc été extrêmement profitable. Et lorsque Dominique Strauss-Kahn prétend qu’il n’existe pas de majorité au sein de l’UMP pour voter ce texte, il oublie simplement qu’à l’UMP, nous réfléchissons, nous débattons et ne nous arc-boutons pas sur des positions idéologiques (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Positions idéologiques le plus souvent de principe d’ailleurs car combien de fois, entre 1997 et 2002, au cours des entretiens privés que j’ai pu avoir avec eux, M. Strauss-Kahn et M. Pierret ne m’ont-ils pas entretenu des difficultés de l’État-actionnaire à remplir son rôle ! Nous acceptons, nous, de discuter et savons faire évoluer nos positions, si bien qu’aujourd’hui, nous sommes quasi-unanimes sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Je suis donc sincèrement déçu qu’une démarche aussi constructive n’ait recueilli en retour chez nos collègues de l’opposition qu’obstruction aveugle. Les enjeux de fond sont pourtant considérables. Je n’en évoquerai qu’un : les conséquences économiques de l’ouverture du marché européen de l’énergie sur une entreprise comme Gaz de France. Dans ce nouveau contexte, GDF devra, pour demeurer compétitif, pouvoir proposer aux particuliers comme aux entreprises une offre complète d’électricité et de gaz, opérer à l’échelle européenne au moins, consolider ses capacités d’approvisionnement, notamment en gaz par le biais de contrats de long terme, développer les services liés à la fourniture d’énergie, renforcer ses équipements en matière de liquéfaction et de transport. Tout cela exigera des investissements considérables auxquels, à l’évidence, l’État-actionnaire à hauteur de 70 % ne pourrait pas faire face, cet État impécunieux, en déficit depuis vingt-cinq ans, surendetté, qui s’est progressivement résigné à sacrifier ses capacités d’investissement. Et il est ici quelqu’un qui le sait mieux que quiconque, c’est Dominique Strauss-Kahn lui-même qui, entre 1997 et 1999, a conduit à la quasi-faillite la belle entreprise France Télécom (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) en l’obligeant à s’endetter au-delà de toute mesure. Et, hélas, qu’avez-vous fait des milliards d’excédents de recettes fiscales de l’automne 1999, que l’opposition d’alors demandait d’affecter à la recapitalisation des entreprises publiques, à des investissements dans l’innovation, la recherche et les infrastructures ? Vous les avez utilisés à financer les 35 heures (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Voilà le sort que vous réserveriez de la même façon à la belle entreprise Gaz de France, voilà pourquoi nous ne pouvons pas vous faire confiance. Je suis, pour ma part, convaincu qu’abaisser le seuil de participation de l’État, tout en lui conservant une minorité de blocage renforcée par une action spécifique, c’est donner à Gaz de France les moyens de son développement à l’horizon de l’ouverture totale du marché européen de l’énergie le 1er juillet 2007.

Concluant, je m’aperçois que je n’ai pas évoqué le groupe Suez. Il est en effet un temps pour tout, et ce temps viendra. Pour l’heure, notre seule préoccupation doit être de renforcer Gaz de France au service du bien-être et du pouvoir d’achat de nos concitoyens, ainsi que de la compétitivité et de l’emploi de nos entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Nicolas - La guerre du feu au cours de laquelle Naoh et les siens échappèrent aux mammouths, aux aurochs, aux lions géants, à la tigresse, aux dévoreurs d'hommes et aux nains rouges n'était peut-être qu'un prélude très lointain à la guerre énergétique qui se profile. La disparition annoncée des surcapacités mondiales de production d'hydrocarbures conjuguée à l'accroissement des besoins énergétiques modifient considérablement la donne énergétique mondiale. Dans ce nouveau contexte, la politique énergétique de la France devient essentielle pour sa politique économique et stratégique. Les ressources hexagonales sont en effet limitées même si l'on doit se féliciter de la réussite de notre programme nucléaire et des décisions prises en faveur de l'EPR.

La politique énergétique de notre pays ne peut prendre tout son sens qu'en s'appuyant sur des entreprises capables de relever les nouveaux défis du secteur énergétique. C'est le cas d'EDF qui, avec la filière nucléaire, peut développer une stratégie de producteur dans un cadre juridique où l'État est et doit rester largement majoritaire. Il en va différemment dans le domaine du gaz où nous ne sommes quasiment pas producteurs. Gaz de France développe depuis longtemps déjà une stratégie de négociant dont la performance est à mettre à l'actif de tous ses personnels, au savoir-faire unanimement reconnu, qui constituent des partenaires appréciés notamment des collectivités locales. Le gaz, d’énergie encore marginale il y a quelques années, est devenu stratégique.

Dans ce nouveau contexte, accentué encore récemment par l'entente entre Gazprom et Sonatrach, il est indispensable de renforcer Gaz de France ainsi que notre amont gazier. Comment y parvenir ? L'État doit-il rester majoritaire ou conserver seulement une minorité de blocage dès lors que sont garantis la pérennité du service public, la sécurité de nos approvisionnements au meilleur coût, le maintien du statut des personnels ainsi que de tarifs réglementés, fixés par l’État, pour les clients qui le souhaitent, l’instauration d’un tarif social du gaz pour les personnes en difficulté ? Il n’est pas inutile ici de rappeler que les tarifs du gaz ont augmenté de 30 % sous le gouvernement Jospin alors même que l’État détenait 100 % du capital de Gaz de France (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe UMP).

Certains objecteront que la question de la part de l'État a été tranchée en 2004 mais l’évolution rapide du contexte énergétique mondial nous invite à l'humilité et au pragmatisme en dehors de toute idéologie. En 2004, le baril de pétrole valait 28 dollars, contre plus de 70 aujourd’hui et la concentration très rapide des producteurs énergétiques exige d’agir et de rechercher la meilleure solution pour la stratégie énergétique de la France et de l'Europe.

La privatisation de GDF n'est d’ailleurs pas une idée nouvelle. Nicole Bricq, auteur d'un rapport pour le gouvernement socialiste, ainsi que MM. Fabius et Strauss-Kahn en ont en leur temps avancé l’idée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Le projet de fusion avec Suez ne peut qu’apparaître séduisant dès lors qu'une fusion entre EDF et GDF conduirait Bruxelles à exiger des compensations de nature à affaiblir considérablement notre électricien national. L'exemple récent du Portugal est à cet égard éclairant. Ce projet de fusion, si séduisant soit-il, et qui, nous dit-on, ne comporte pas de plan B, soulève quand même quelques interrogations.

Ainsi les contreparties exigées par Bruxelles seront-elles acceptées par les actionnaires ? Ceux-ci ont-ils intérêt à accepter la fusion au détriment de l'intégrité des actifs énergétiques de Suez ? Ne vaudrait-il pas mieux, pour eux, valoriser ces actifs en évitant tout démantèlement ? Selon certains experts financiers, les conditions de la fusion, avec la minorité de blocage prévue pour l’État, pénaliseraient les actionnaires de Suez d’environ 15 %. D’autres risques existent, comme le fait qu’une révision de la parité Suez-GDF pourrait être demandée lors de l’assemblée générale de Suez. Certains craignent également que les conditions posées par Bruxelles rendent la fusion trop coûteuse. Voilà pourquoi, même si dans le contexte énergétique actuel, il faut être particulièrement réactif et savoir légiférer à temps, j’aurais souhaité que le Parlement n’ait eu à se prononcer sur ce projet de fusion qu’après que les actionnaires de Suez auront donné au moins leur engagement de principe (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe UMP).

Je souhaite donc, Monsieur le ministre, que ces incertitudes soient levées au plus vite afin de faire de Gaz de France un champion européen en matière gazière, avec un amont renforcé au bénéfice de notre économie et de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Léonce Deprez – Nous avons passé des dizaines d’heures en juillet et en août, sous l’autorité du président Ollier, à analyser ce projet. Mon sentiment est qu’il répond bel et bien à l'évolution du monde : en ce début de siècle, il n’est pas anormal de chercher des solutions nouvelles pour des temps nouveaux. Il s'agit de permettre à la France de faire face au problème essentiel des ressources énergétiques. Nous sommes tous attachés à Gaz de France : ce projet veut précisément lui donner les capacités d'investissement dont toute entreprise – trente ans de direction d’entreprise m’en ont convaincu –, a besoin pour demeurer compétitive. Ce n'est certes pas l'État français, dont l'endettement ne peut plus être aggravé, qui est en mesure de financer les énormes investissements que Gaz de France doit réaliser pour garantir les ressources énergétiques de la France. Comment M. Strauss-Kahn peut-il oublier que le budget pour 2006 de la France prévoit un déficit de 46,9 milliards ?

Le but de ce projet est donc que Gaz de France dispose d’un capital suffisant pour faire face à la puissance des grands groupes pétroliers et notamment de l’Allemand E.ON. Le gaz transporté par gazoduc ne pourra plus satisfaire nos besoins à l'avenir, d’autant que la demande est croissante, le gaz étant l’énergie fossile la moins polluante. Pour transporter le gaz des sources de production aux lieux de consommation, la France va donc, comme les autres, devoir utiliser le gaz naturel liquéfié. En partenariat, par exemple, avec des pays du Moyen-Orient, il va falloir prospecter, acquérir de nouveaux gisements de gaz et renforcer l'intégration de toute la chaîne gazière, en passant par la fonction industrielle de la liquéfaction du gaz. Le partenariat avec des pays tels que le Qatar ou l’Égypte est possible, devant aboutir à valoriser leurs nappes gazeuses et à substituer progressivement le gaz naturel liquéfié au pétrole.

Il faut mieux expliquer aux Français que GDF uni à Suez pourra poursuivre cette ambition, qui présente un aspect industriel important. Le procédé est en effet de sortir le gaz du sol, de le comprimer en le refroidissant jusqu'à ce qu'il devienne liquide, puis de le transporter par mer, dans des bateaux méthaniers, jusqu'à des terminaux méthaniers. Tout cela demande d’énormes investissements. Or la France ne dispose à ce jour que de deux terminaux : en Bretagne et sur la côte méditerranéenne. Les groupes pétroliers, eux, ont dès à présent les moyens de peser sur le marché du gaz naturel liquéfié. Exxon, par exemple, a déjà les moyens financiers de devenir le leader du transport et du négoce du gaz naturel liquéfié. Gaz de France doit donc grandir pour faire face à ces menaces. L'alternative est claire : soit l’entreprise doit s'endetter terriblement et obérer ses capacités d’action pour l’avenir, soit elle fusionne et conserve une capacité d'investissement progressif, tout en devenant dès maintenant un acteur majeur du gaz naturel liquéfié. Nous devons permettre à Gaz de France de conserver des capacités à l'échelle de celles de ses grands concurrents, surtout d’E.ON.

Avec Suez, GDF passera de 30 à 70 milliards de capitalisation. Cela préservera sa capacité de remplir des missions de service public, notamment avec le tarif social, et garantira le maintien du statut de son personnel. J'insiste sur le fait que, pour demeurer dans la première division, GDF doit être en mesure de supporter le coût d'investissements énormes. Le gaz naturel liquéfié permet à présent de contourner la puissance de Gazprom. Il nous permet de retrouver des capacités de négociation avec la Russie, l'Algérie et avec les Norvégiens, principaux fournisseurs de gaz à GDF, en diversifiant nos sources d'approvisionnement. GDF dispose de 8 bateaux méthaniers et de deux terminaux, Suez d’autant de bateaux et de trois terminaux. En additionnant le tout, on arriverait à concurrencer les grands groupes pétroliers et à peser sur les marchés.

Cette analyse est menée d’un point de vue industriel, avec pour objectif de se mettre en mesure de gagner les compétitions, plutôt que de rester dans les divisions inférieures sur le plan mondial et européen (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. René Couanau – Je voudrais faire entendre une voix différente, au sein d'un groupe où le débat a été plus vif qu'on ne le dit. Nous ne sommes pas ici dans un domaine législatif ordinaire. D’abord, parce que l'énergie n'est pas un bien comme les autres. Ensuite parce que le marché, et notamment le marché financier, échappe presque totalement à l'intervention des responsables politiques et que personne ne peut dire ce que donneront les quelques précautions aléatoires prises par le législateur pour éviter les dérives – la démonstration du rapporteur pour avis a été probante. Enfin, parce que l’expérimentation est exclue : il n'y aura pas de retour possible si nous nous soumettons par la loi aux lois du marché et à des intérêts qui nous échappent.

La question centrale n'est pas celle de l’avenir du groupe Suez. Elle est de savoir si l'État, au service des intérêts supérieurs de la nation, peut et doit conserver la maîtrise directe des grands secteurs énergétiques dans notre monde fluctuant.

M. Jacques Myard – Excellent !

M. René Couanau - Elle est de savoir si la présence majoritaire de l'État dans le capital de Gaz de France garantit mieux ces intérêts supérieurs qu’une majorité d’actionnaires privés, même avec une minorité de blocage, dont nous savons qu’elle diminuera, et divers garde-fous.

J'ai le regret de dire qu'aucun des nombreux – et variables – arguments présentés ne m'a convaincu du contraire. En effet, ce sont surtout les circonstances qui ont dicté ce projet.

Plusieurs députés socialistes – Eh oui !

M. René Couanau - Sans l'occurrence simultanée des directives européennes – qu’il faut bien sûr appliquer – et des difficultés rencontrées par Suez, la question de la structure du capital de Gaz de France ne serait pas posée aujourd'hui. Au moins, elle aurait été précédée d'un débat de fond sur la stratégie énergétique nationale et européenne. Cette décision de long terme a donc été prise sous la pression d'éléments extérieurs de court terme. D'ailleurs, on disait encore fin 2005 que GDF avait désormais les moyens de se développer seul.

J'entends, bien sûr, les reproches sur mon immobilisme et mon attachement suranné au service public. Bien sûr, pour être puissant, et dans tous les domaines, il faut nouer les alliances nécessaires et être capable de tenir tête aux autres puissances. Mais l'on ne peut dire à la fois que les prix de l'énergie sont totalement indépendants de la structure financière du groupe et que la fusion avec Suez permettrait de faire bénéficier les consommateurs des tarifs obtenus par le nouveau groupe dans les négociations ! Quant aux investissements, pourquoi ne seraient-ils pas consentis par un organisme public ? Il s’agit de notre indépendance énergétique ! À force de stigmatiser, avec raison d’ailleurs, un endettement déraisonnable, on en oublie qu'il est aussi du devoir de l'État d'investir pour les générations à venir et de ne pas s'en remettre entièrement aux mécanismes du marché. Il est par ailleurs un peu facile, pour les responsables politiques, d’affirmer que le service public n'est pas approprié à la gestion des entreprises quand ils se sont en fait révélés incapables d'en maîtriser l’évolution !

J'ajoute qu'à mon sens, tout incite aujourd’hui, notamment le déficit d'Europe, à réviser nos conceptions concernant la force et les alliances du secteur public dans certains domaines essentiels. Il faut être flexible, mobile, certes : la survie est à ce prix. Mais cela ne signifie pas se lancer dans le premier courant venu lorsque la réversibilité n'est pas assurée et sans envisager les alternatives ! Nous aurions aimé connaître les autres projets qui se présentaient. Nous aurions souhaité, dans des délais compatibles avec les échéances politiques, disposer des éléments essentiels, concernant par exemple les conditions de l'indépendance énergétique, les perspectives énergétiques européennes, la capacité de financement par GDF des investissements nationaux indispensables ou encore l'impact des diverses options envisageables. Si nous étions à l’assemblée des actionnaires de Suez, nous réclamerions au moins cela !

Bref, nous aurions aimé disposer, à propos de tels enjeux, de la simple capacité de choix. À défaut, et dans l'incertitude grandissante concernant les réactions européennes, celle des actionnaires de Suez ou l’évolution des prix, je choisis, pour ma part, de ne pas donner suite à la proposition de privatisation et ne voterai donc pas ce texte (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Michel Diefenbacher – Libéré de la contrainte des 70 %, Gaz de France aurait-il d’ores et déjà noué des alliances avec des partenaires français ou européens ? À l’évidence, oui ! D’abord, parce que le marché du gaz n'est plus national mais européen, et que, pour y être présent, il n'y a pas d'autre solution que de passer des alliances. Ensuite, parce que la demande est mondiale. Enfin parce que, pour peser face aux grands fournisseurs – notamment russe et algérien –, il faut disposer d’une surface financière, technologique et commerciale à laquelle aucun opérateur isolé ne peut prétendre.

Les concurrents de Gaz de France ne s'y sont pas trompés : tous recherchent des partenariats, en Europe et dans le reste du monde. Le rapprochement de Gazprom et de la Sonatrach donne du reste la mesure de ce mouvement de concentration. Alors, Gaz de France peut-il rester à l'écart de ce processus ? Ou, pour poser la question autrement, faut-il donner la priorité au maintien des garanties statutaires ou s’engager dans la voie d’une privatisation en vue de nouer de nouveaux partenariats ?

Lorsque les frontières de nos États étaient aussi des barrières commerciales, le statut d'entreprise publique était le plus sûr atout de développement. Mais lorsque ces frontières tombent et que les marchés s'ouvrent, ce qui compte, ce n'est plus la garantie de l'État mais l'expansion internationale et la protection statutaire devient une entrave.

La question n'est donc pas de savoir s'il faut ou non assouplir le statut de Gaz de France mais dans quelles proportions le faire. C'est donc un débat technique qui devrait nous réunir. Las, une fois encore, la polémique politique prend le dessus. Pour les communistes – et pour absurde qu’elle soit, leur position est constante –, seule une entreprise publique peut exercer une mission d’intérêt général. Quant aux socialistes, ils ont, dans l’opposition, pris l’habitude d’« oublier » ce qu’ils avaient fait lorsqu’ils étaient au pouvoir. Hier, au Sommet de Barcelone, Lionel Jospin donnait son accord à l'ouverture du marché…

M. Jean Gaubert - Pas sans conditions !

M. Michel Diefenbacher - Aujourd'hui, à cette tribune, François Hollande dénonce une évolution vers l’ultralibéralisme. Lorsqu’une élection approche, il est plus facile de crier avec les loups que de défendre l’intérêt supérieur du pays.

Monsieur le ministre, j'ai longtemps hésité à soutenir votre projet de loi car il soulève des questions difficiles…

M. le Ministre – C’est vrai.

M. Michel Diefenbacher - Mais je suis à présent bien décidé à le voter car seule la privatisation permet de bâtir un vrai projet industriel, à même d’ouvrir à Gaz de France des perspectives européennes et de garantir la sécurité de nos approvisionnements. En ce domaine comme en d’autres, la sécurité, ce n’est pas le statu quo mais bien plutôt l’adaptation permanente au contexte dominant. Dans un monde qui change, rien n’est pire que l’immobilisme.

Mon vote en faveur de ce texte vous étant acquis, je souhaite, Monsieur le ministre, faire deux remarques. La première concerne ENEL, car j’ai été choqué par la façon dont il a été éconduit lors de son OPA sur Suez. Si nul n'est tenu d’approuver une OPA hostile, il semble difficile d’encourager nos entreprises à prendre des participations en Europe tout en fustigeant, dans le même temps, leurs concurrentes européennes qui font de même en France. La construction européenne, à laquelle nous sommes très attachés, comporte des risques dont il faut tenir compte.

Ma deuxième observation porte sur la manière dont les salariés de Gaz de France ont été informés du projet gouvernemental. Après soixante ans de service public, ils ont appris en quelques minutes, par une communication publique, que leur entreprise allait être non seulement privatisée mais aussi fusionnée. Il faut mesurer le choc d'une telle annonce et les conséquences qu'elle emporte dans une entreprise. Ce qui est fait est fait. Mais il importe à présent de veiller à ce que les partenariats que Gaz de France pourra nouer avec Suez ou avec d'autres soient équilibrés et qu'ils préservent la culture et l'identité de l'entreprise. Contrairement à ce qu’ont affirmé les orateurs de gauche qui se sont succédé à la tribune, il n’est en aucun cas question de démanteler Gaz de France, mais, bien au contraire, de valoriser son potentiel, notamment humain.

Je conclus en rappelant à l'opposition que, dans la vie politique comme dans la vie elle-même, lorsqu'on prend une décision, il faut en assumer les conséquences. Lorsqu'on ouvre un secteur à la concurrence, il faut donner aux entreprises concernées les moyens de l’investir. C'est ce que propose le présent texte et puissent les quelque 140 000 amendements déposés ne pas jeter un voile sur cette lumineuse évidence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Gaubert – Je suis contraint de relever la contre-vérité que vient de proférer M. Diefenbacher au sujet du Sommet de Barcelone de 2002. Je rappellerai ce que disait l’un des prédécesseurs de M. Loos, Mme Nicole Fontaine, à l’automne de la même année…

M. le Rapporteur – Barcelone, 16 mars 2002 : c’est là qu’a été fixé le cap !

M. Jean Gaubert - Mme Fontaine déclarait donc à cette tribune : « Nous serons de bons Européens. Nous ne mettrons aucun frein à la transposition des directives visant à libéraliser les marchés de l’énergie. »

M. le Rapporteur – Assumez ! C’est Lionel Jospin qui a engagé le processus à Barcelone.

M. Jean Gaubert - S’agissant du tarif régulé, la question n’est pas de savoir s’il faut le conserver – tout le monde en est d’accord – mais à quel niveau ? Bruxelles et la CRE s’accordent sur le fait qu’il tend à se rapprocher du prix du marché. Comment ne pas tenir compte de cette donnée ?

En ce qui concerne le tarif social, la majorité se plaît à rappeler que la gauche aurait tardé à finaliser le dispositif…

M. le Rapporteur – Vous n’avez rien fait !

M. Pierre Cohen - Si, nous l’avons créé dans la loi de 2000 !

M. Jean Gaubert - Le nœud du problème, c’est que le tarif régulé tendant à se rapprocher du prix de marché, le tarif social risque de devenir inopérant pour la majorité de nos concitoyens. S’y ajoutent des effets de seuil, puisqu’en le réservant aux titulaires des minima sociaux, s’en trouvent exclus des travailleurs à bas revenus – 1 000 à 1 500 euros mensuels –, lesquels sont donc soumis à un tarif régulé qui va augmenter. À quel niveau fixer le tarif social, que seule la puissance publique peut contrôler ?

Le comble de mon incompréhension est atteint lorsque j’entends nos collègues libéraux, qui, il est vrai, ne sont guère représentés cet après-midi…

M. le Rapporteur – En effet, puisque M. Strauss-Kahn nous a déjà quittés !

M. Jean Gaubert - La doctrine libérale – est-ce à moi de le rappeler ? – se fonde sur l’idée que les prix sont fixés par la confrontation de l’offre et de la demande, le marché apportant naturellement les correctifs nécessaires. Si le prix de revient est inférieur au prix de vente, l’entreprise réalise des bénéfices ; dans le cas contraire, elle en tire les conséquences. Alors, bien sûr, on peut agir sur l’offre et la demande et depuis les premières vagues de libéralisation des marchés de l’énergie, certains pays ne s’en sont pas privés. M. Novelli affirmait hier de manière péremptoire qu’aucune corrélation ne pouvait être établie entre la libéralisation qui est intervenue dans plusieurs pays et l’augmentation des prix. Dans les premières années de libéralisation, dans des États tels que la Norvège, le Royaume-Uni, le Canada ou la Californie, les prix ont en effet eu tendance à baisser. Le constatant, les entreprises concernées ont procédé à un ajustement de l’offre pour les faire remonter. Ainsi, la Norvège, qui dispose de réserves extraordinaires, a différé tous ses investissements pour ne pas brader la ressource. La conclusion que nous en tirons est simple : on ne peut s’en remettre au marché pour assurer la nécessaire régulation de l’offre.

Quant à l’amendement visant à introduire, à titre temporaire pour une durée de deux ans, une correction de 30 % applicable au tarif régulé, outre le fait qu’il a été dicté par des groupes de pression, nous demandons qui va payer. Pour être franc, nous connaissons déjà la réponse : ce sont les consommateurs finaux, eux-mêmes assujettis aux tarifs régulé – voire social, puisque le dispositif sera financé par une taxe sur les barrages déjà amortis…

M. le Rapporteur – Vous n’avez pas lu l’amendement en question !

M. Jean Gaubert - Nous l’avons parfaitement compris : c’est aux petits consommateurs que vous faites porter la charge du tarif de retour !

M. le Rapporteur – Vous n’avez pas lu cet amendement !

M. Jean Gaubert - J’en viens à la fusion Gaz de France-Suez, même si le ministre – tout en y revenant sans cesse – prétend qu’il ne faut pas en parler…

M. le Ministre – Ce n’est pas la question qui est posée au Parlement.

M. Jean Gaubert - C’est pourtant l’une de celles dont il a envie de débattre.

M. le Ministre – Vous en avez tout à fait le droit.

M. Jean Gaubert - Le Premier ministre, au nom du patriotisme économique, a prétendu qu’il était impératif de sauver l’entreprise française qu’était Suez. Mais M. Gérard Mestrallet, son président, n’avait-t-il pas lui-même admis quelques mois auparavant que son entreprise n’était plus française mais européenne ? Peut-on, au gré de ses intérêts, être une entreprise française un jour et européenne le lendemain ?

Si le processus que vous souhaitez va à son terme, on aura une société dont la part de capital privé dépassera 50 %, et qui restera donc « opéable » ; si tel n’est pas le cas, c’est Gaz de France que vous aurez rendu « opéable » en le privatisant. Au lieu d’un « opéable », nous en aurons donc deux ! Si c’est cela que vous voulez, Monsieur le ministre, il faudra nous dire pourquoi.

Certains estiment que l’opération coûtera 5 milliards d’euros à Gaz de France, du fait de la conversion un pour un : que leur répondez-vous ? Et que dites-vous à ceux qui expliquent que la fusion se solderait par 3 milliards de recettes en moins pour l’État ? Pour aider Suez, vous auriez simplement pu monter une opération comme celle qui a été menée pour Veolia. Cette solution méritait en tout cas d’être étudiée. Vous ne l’avez pas fait, par pure idéologie.

Vous parlez toujours de créer un « champion ». Mais un champion de quoi ? Du gaz ? Vous savez bien qu’il faudra abandonner des positions dans le gaz, qui correspondent peu ou prou au supplément que Suez apporte dans l’opération. Dans l’électricité ? Non, car Suez n’est pas un champion dans ce domaine. Dans les services ? Suez a certes là des positions importantes, mais il n’est pas le premier. Vous ne nous proposez donc guère qu’un champion régional du décathlon !

Et que deviendra l’opérateur commun à EDF et à Gaz de France ? Pensez-vous que Suez, qui a un peu partout des équipes capables, moyennant une formation, de s’occuper de la maintenance du réseau, fera longtemps appel aux 60 000 salariés de l’opérateur commun plutôt qu’à ses propres salariés ?

Enfin, que penser du Monopoly européen auquel vous vous livrez par avance, en expliquant qu’il faudra sans doute céder certains actifs en Belgique, peut-être même des parts dans les centrales de la Meuse, et en promettant aux Italiens qu’on leur donnera un petit bout de ce qui sera vendu en Belgique ? Mais enfin, les Belges ont peut-être leur mot à dire ! Vous ne rendez pas service à l’image de notre pays en construisant une structure qui n’a d’autre avantage que de sauver quelques intérêts, sans d’ailleurs que l’on sache très bien lesquels… (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Nicolas Dupont-Aignan – Permettez-moi d’exprimer ici le point de vue des députés de la majorité profondément hostiles à ce projet de loi. Accepter le projet de fusion Suez-GDF, ce serait tout d’abord renier la parole politique, à quelques mois d'élections cruciales pour l'avenir du pays.

« Les entreprises EDF et GDF sont de grands services publics. Elles le resteront, ce qui signifie qu’elles ne seront pas privatisées » – Jacques Chirac, Président de la République, 19 mai 2004.

« Je le redis avec force : conformément aux engagements du Président de la République et du Gouvernement, EDF et Gaz de France ne seront pas privatisées » – Nicolas Sarkozy, 16 juin 2004.

Je m’étais abstenu, en 2004, parce que j’avais fait confiance au ministre de l’économie et des finances sur la barre des 70 %.

Accepter ce projet de fusion Suez-GDF, ce serait – et c’est déjà – placer le Parlement dans une étrange situation. On lui demande de délibérer avant la décision de la Commission de Bruxelles, qui interviendra le 25 octobre, et sous la pression des dirigeants de GDF et Suez, ainsi que du 49-3.

Accepter ce projet de fusion, ce serait rendre « opéable » GDF. Non seulement on ne protègerait pas Suez d’OPA hostiles, mais on y exposerait GDF.

Accepter ce projet, c’est affaiblir EDF, cœur de cible inavoué de cette politique ; c’est enterrer définitivement le mariage de cœur et de raison entre GDF et EDF, seul capable de refonder le service public de l'énergie en France selon le pacte voulu par le général de Gaulle en 1946.

Accepter ce projet, c’est rendre inéluctable l'alignement par le haut des tarifs de GDF et d’EDF sur ceux de leurs concurrents européens (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe socialiste), conformément aux accords insensés de Barcelone, signés aussi par la gauche (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). L'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie en Europe implique la disparition en France des tarifs réglementés, dont la modicité – fruit de notre effort en faveur de l’industrie électronucléaire – rend impossible l'intervention des opérateurs européens sur le marché français. Les garanties données sur le maintien des tarifs réglementés ne pourront être que transitoires, comme l'ont d’ailleurs rappelé la Commission de Bruxelles, les PDG de GDF et EDF, ainsi que le président de la Commission de régulation de l'énergie. Ne pensez-vous pas qu’il est temps d’arrêter cette politique qui consiste à ne pas parler de la même façon à Bruxelles et à Paris ?

Accepter ce projet, ce serait affaiblir la compétitivité de nos entreprises : d'ores et déjà, celles qui se sont laissé piéger par le prétendu marché libre ont vu leur facture exploser.

Accepter ce projet, c’est oublier qu’il existe d’autres solutions, comme par exemple celle de conserver une majorité de 51 % dans GDF, avec des croisements de participations comme le proposent certains collègues de la majorité et les syndicats raisonnables. Mais la solution qui préparerait le mieux l’avenir serait bien sûr la fusion entre EDF et GDF.

Ce projet de loi est totalement contraire à l’esprit du temps : rareté de l’énergie et réchauffement climatique. La France a un atout énorme avec ces deux entreprises publiques qui ont collaboré ensemble pendant cinquante ans ; et l’on veut détricoter tout cela pour le seul profit de quelques lobbies d’affaires ! Ce n’est pas une question gauche-droite, c’est l’intérêt national qui est en jeu ! La majorité ferait donc bien d’écouter la voix de ceux qui prônent une suspension de ce débat et de bien réfléchir avant l’élection présidentielle au service public de l’énergie qu’il nous faut bâtir, sans se coucher devant les maîtres qui règnent à Bruxelles.

MM. Daniel Paul et Jacques Myard - Très bien !

M. Jean-Yves Le Déaut - Le groupe socialiste est résolument opposé au présent projet, derrière lequel se cache non seulement la privatisation de Gaz de France mais un véritable démantèlement de cette entreprise nationalisée, et qui constitue un reniement des engagements pris au plus haut niveau de l'État, et par M. Sarkozy quand il était ministre des finances. Nous y sommes hostiles parce qu’il déstabilise EDF et ouvre la porte à une privatisation de cette entreprise ; parce qu'il est dangereux pour les consommateurs mais aussi pour les entreprises, surtout les petites. D’ailleurs, les particuliers ont vu déjà leur facture de gaz augmenter de 200 euros cette année.

Ce texte soulève I’opposition de l'ensemble des syndicats et de toute la gauche. Il suscite également l’opposition de nombreux députés dans les rangs de l’UMP, même si la plupart d’entre eux se sont résolus, pendant l’été, à avaler cette couleuvre.

Je suis allé chez M. Ollier pour lire la fameuse lettre de griefs et je l’ai trouvée très sévère. Le ministre minimise cette sévérité, mais la conclusion de la lettre est tout de même celle-ci – je peux la citer puisque le ministre l’a déjà fait : « L'opération de concentration entre Suez et Gaz de France n'est pas compatible avec le Marché commun et avec le fonctionnement de l'accord EEE. »

M. le Rapporteur – C’est la formule d’usage.

M. le Président de la commission – Et ce n’est pas une décision.

M. Jean-Yves Le Déaut - Qui nous garantit que, demain, Bruxelles ne demandera pas, en contrepartie de la fusion, la vente des réseaux de transport et de distribution du gaz ou encore des infrastructures de stockage ? Quels moyens aurez-vous de refuser ? Vous prenez le risque de brader ce qui fait réellement partie du service public de l'énergie.

Dans ce document, je dois dire, bien que j’aie voté oui au référendum, que l’on ne sent guère la volonté de la Commission de se battre pour renforcer la politique européenne de l'énergie. Il n’y est question que de « contraintes », de « barrières » et « d'entraves à la concurrence », alors qu'il faudrait dépasser l'application restrictive des règles de concurrence au niveau de chaque État membre pour prendre en compte un marché de référence à l'échelle européenne. Car ce qui nous intéresse, c’est de pouvoir résister à des OPA du type de celle de Mittal sur Arcelor et d’être compétitifs vis-à-vis des États-Unis.

Il est aberrant de commencer l'examen de ce texte sans connaître les contreparties demandées, ni la réponse que va faire le président de Gaz de France à cette lettre de griefs, ni les intentions du Gouvernement. Quel mépris pour le Parlement !

Et où est la morale politique quand, deux ans après avoir affirmé avec force dans cet hémicycle qu’il n’y aurait pas de privatisation, un membre du Gouvernement, futur candidat à l’élection présidentielle, soutient le projet contraire ? Qui pourra croire à ses promesses ?

Nous voulons, quant à nous, que l’État contrôle non seulement les centrales nucléaires mais aussi les réseaux de transport et de distribution de gaz et d’électricité. Vous prétendiez vouloir protéger Suez de l’OPA d’ENEL, mais la meilleure protection, c’est encore de garder le capital des entreprises dans le secteur public ! Même les actionnaires de Suez, dans une page publicitaire, disent que l’actuelle structure du projet est défaillante et contraire à leurs intérêts. À l’inverse de ce que certains prétendent, le seuil de 34 % ne permettra pas de contracter des alliances. Le parti socialiste, lui, est favorable à un pôle public de l’énergie et à la fusion d’EDF et de GDF, qu’aucune règle européenne n’interdit. L’essentiel du chiffre d’affaires de ces entreprises est en effet réalisé en France, ce qui constitue un critère essentiel pour déterminer la compétence de la Commission. J’ajoute que les parts de marché dans les secteurs du gaz et de l’électricité ne sont pas additionnées par la Commission, celle-ci considérant que ce sont deux marchés différents.

Nous sommes donc opposés à cette privatisation. Comme l’a dit M. Gaubert, non seulement ce nouveau groupe restera opéable mais les prix ne baisseront pas. Enfin, le Gouvernement aurait dû d’abord élaborer des règles contre les OPA sur les entreprises publiques. Ce texte organise l’abandon d’une partie de nos intérêts stratégiques, et c’est pourquoi nous menons en effet une bataille de fond, et non d’obstruction. Le rôle d’un parlementaire, c’est de défendre les intérêts de la nation, et nous continuerons à le faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Claude Gaillard – Nous disons tous ce que nous croyons être bon pour la France. Je salue à ce propos la présence de M. Strauss-Kahn, qui a eu le courage de venir s’exprimer publiquement sur un dossier important.

M. Jean-Yves Le Déaut - Très bien.

M. Pierre Cohen - En revanche, nous n’avons pas vu M. Sarkozy !

M. Claude Gaillard – Il a ainsi repris une partie de son argumentation en expliquant que l’évolution de GDF affaiblirait EDF. Mais c’est si l’on ne faisait rien, précisément, que GDF serait affaiblie !

M. le Ministre - Voilà !

M. Claude Gaillard - En outre, nous sommes dans une période d’énergie chère et le fait qu’EDF et GDF soient des entreprises publiques ne change rien. C’est bien la preuve que le statut d’une entreprise ne résout pas les problèmes qui se posent. Enfin, nous sommes au seuil d’une période où nous risquons de connaître une pénurie de l’offre. La tergiversation de la précédente majorité, notamment en ce qui concerne le lancement du troisième réacteur nucléaire…

M. François Brottes - Quel rapport avec le gaz ?

M. Claude Gaillard - …a d’ailleurs considérablement retardé notre production énergétique (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Pendant dix ans, j’ai eu l’honneur d’être administrateur de GDF et nous avons sans cesse parlé de la nécessité d’adosser…

M. François Brottes - Pas de brader !

M. Claude Gaillard - …GDF à une autre entreprise. M. Strauss-Kahn a lui-même reconnu que le seuil de 50 % de participation de l’État n’était pas inscrit dans le marbre. Aujourd’hui, nous devons favoriser le développement en amont, à travers la prospection et la production. GDF travaille en ce sens, mais ne dispose pas des moyens d’aller plus vite. Sa situation doit donc évoluer.

Quant à la solution proposée, je l’ai dit, deux choses ne m’ont pas plu au départ. D’abord, le mauvais signal que nous avons donné lorsqu’une entreprise italienne a lancé une OPA : le patriotisme économique n’a de sens que s’il est européen. En outre, affirmer qu’il fallait sauver Suez ne me semblait pas de bonne méthode. M. le ministre l’a bien précisé : l’enjeu, aujourd’hui, est de savoir comment nous pouvons permettre à GDF de saisir les opportunités qui se présenteront dans le cadre de l’accélération du regroupement énergétique que nous connaissons. Enfin, l’essentiel, dans ce texte, est ce que j’appellerai la parité financière. Nous légiférons sur GDF, et non sur la fusion avec Suez.

M. le Ministre – Absolument.

M. Claude Gaillard – Il nous appartiendra, en fonction des réponses de l’Europe et de l’avis des actionnaires, d’examiner si elle est profitable ou non à notre pays…

M. le Ministre – Tout à fait d’accord.

M. François Brottes - C’est un chèque en blanc !

M. Claude Gaillard – Mais il va de soi que la parité financière constitue un élément essentiel et que nous ne devons en rien dépendre de la seule volonté des actionnaires.

M. François Brottes - Quelles garanties ?

M. Claude Gaillard – Je vous fais confiance, Monsieur le ministre.

La parité du management est également fondamentale. Je sais combien les salariés de GDF sont compétents et ils doivent avoir toute leur place dans le nouveau groupe.

M. le Ministre – Absolument.

M. Claude Gaillard – Je ne souhaite pas que l’on polémique sur la Commission européenne ou sur les déclarations du groupe Suez. Il importe de voir d’abord comment faire de GDF un grand groupe européen.

M. le Ministre – Très bien.

M. Claude Gaillard – Là encore, je vous fais confiance, Monsieur le ministre. Vous avez l’autorisation de baisser la participation de l’État dans le capital mais vous n’avez pas l’autorisation de fusionner avec Suez.

M. le Ministre – Absolument.

M. Jean-Yves Le Déaut - Ne soyons pas naïfs !

M. Claude Gaillard – Je suis heureux que des décisions soient enfin prises. À l’UMP, nous pouvons débattre et j’apprécie que M. Couanau se soit exprimé comme il l’a fait. Ceux qui ont des certitudes peuvent être dangereux, parce que l’assurance est parfois une forme d’arrogance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Oui, je vous fais confiance, Monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Auberger – Ce projet était absolument nécessaire en raison de la transposition de la directive…

M. François Brottes - C’est venu après !

M. Philippe Auberger – Celle-ci s’appliquant dès le 1er juillet 2007, le Parlement devait délibérer.

Premier point important dans le texte : le maintien des tarifs réglementés, essentiels pour les entreprises qui n’ont pas opté pour le système concurrentiel, comme pour les consommateurs.

Second point : l’introduction du tarif social pour les plus démunis, garantissant l’accès de tous au service public.

Troisième point : l’accroissement des garanties contractuelles concernant l’information, au moment de l’offre, sur la durée de l’engagement, sur les formalités de résiliation et sur les modifications contractuelles concernant les prix.

Nous avons beaucoup parlé de l’ouverture du capital de GDF. L’article 34 de la Constitution dispose qu’il y a lieu de délibérer lorsque l’on modifie la propriété du capital des entreprises publiques, mais ce n’est pas le cas dans le cadre d’une fusion. Or, il s’agit bien de permettre à GDF d’ouvrir son capital plus largement, avec un seuil minimum de 34 %.

Lorsque la question s’est posée, j’étais néanmoins particulièrement hésitant et je remercie M. le président de la commission des affaires économiques, ainsi que les collègues des autres commissions, d’avoir organisé d’importants débats. Mon point de vue, de ce fait, a changé. Le marché évolue constamment. Au mois d’août, un accord est intervenu entre le Russe Gazprom et l’Algérien Sonatrach, qui représentent ensemble 36 % de notre approvisionnement – la Russie pour 20 % et l’Algérie pour 16 %. Il est donc important que Gaz de France puisse être plus réactif.

D’autre part, le Gouvernement a prévu une minorité de blocage, une action spécifique et le maintien des obligations de service public, qui sont autant de garanties.

J’exprimerai néanmoins deux regrets. Les obligations de service public auraient dû être mieux affirmées.

M. Pierre Cohen - Nous proposerons des amendements !

M. Philippe Auberger – Il n’y en a pas suffisamment, à mon sens, en ce qui concerne l’égalité d’accès, la continuité et la sécurité.

Un problème se pose également quant aux réseaux de transport. Nous avons voté la filialisation des opérateurs en matière de transport. Pour l’électricité, il s’agit de RTE, qui doit ouvrir son capital à d’autres entités publiques qu’EDF. Or, il y a un blocage en ce domaine. Si l’on veut que la concurrence soit respectée, l’accès aux réseaux de transport doit pourtant être égal pour tous les opérateurs. EDF a d’ailleurs besoin de capitaux pour financer ses investissements. Le même problème se posera immanquablement pour le gaz.

Beaucoup d’entre nous déplorent l’absence de politique énergétique européenne.

M. le Président de la commission – Eh oui !

M. Philippe Auberger - Il faut aller plus loin que le Livre vert de la Commission. Une véritable politique européenne ne peut reposer que sur des opérateurs européens. L’ouverture de son capital permettra justement à Gaz de France de devenir un opérateur européen : ne lui refusons pas cette chance ! C’est une raison de plus de voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Cohen – Voilà plus de quatre ans que nous dénonçons votre politique d'inspiration libérale et le déni de démocratie auquel vous vous livrez en imposant des lois iniques qui cassent les services publics et remettent en cause des acquis sociaux.

La triste expérience du CPE n'aura donc pas suffi. Ce projet va au-delà de tout ce que nous avons connu : contesté par nombre de Français, y compris dans votre majorité, il l’est aussi par les syndicats et par les personnels de GDF. Il ne trouve pas davantage de justification sur le fond. Il n'est donc pas acceptable pour l'opposition.

Nous ne sommes pas prêts à recevoir des leçons de votre part et à vous entendre dénoncer une soi-disant obstruction. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Vous n'êtes vous mêmes pas convaincus par la méthode Villepin-Breton : laissez donc l'opposition faire son travail !

M. le Président de la commission – Ce n’est pas du travail ! C’est de l’obstruction !

M. Pierre Cohen - Cette opération hasardeuse menace les intérêts des entreprises en question, et surtout ceux de la France et des Français. Ce projet n'est pas imposé par les directives européennes ouvrant le marché de l'électricité et du gaz à la concurrence. Rien ne vous oblige en effet à faire passer la participation de l'Etat dans le capital de GDF de 70 à 34 %, rendant ainsi effective la privatisation de GDF, d'autant que Nicolas Sarkozy avait pris l’engagement solennel de ne pas toucher au statut public d'EDF et de GDF.

M. Jean-Yves Le Déaut - Il est amnésique !

M. Pierre Cohen - Que s'est-il donc passé pour que, dans l'improvisation la plus totale, vous mettiez tant d'acharnement à faire adopter ce projet contre l'avis des Français ? Ce n'est pas l'éventuelle OPA de l'italien ENEL sur SUEZ, qui ne s'est d'ailleurs pas confirmée. Le résultat de l’opération est incertain : nul ne peut garantir que la fusion des deux entreprises ne fasse pas naître de convoitises. Vous prenez donc le risque de les fragiliser et de créer un concurrent de poids à EDF sur le marché de l'électricité. Cette stratégie industrielle est bien hasardeuse.

Ce projet n'est pas davantage le résultat d'une stratégie énergétique. Personne n'adhère à votre argumentation sur le grand pôle gazier qui permettrait, avec les 20 % du marché du gaz européen, de négocier les prix : nous ne produisons presque pas de gaz et le prix d'achat est déterminé sur le marché international. La privatisation, la libéralisation et la dérégulation feront d’ailleurs augmenter les tarifs. Le dernier argument en date de M. le rapporteur – décidément bien gêné pour assurer sa mission – ne nous convainc pas plus : contraint et forcé, il aura tout essayé, au point d'avancer que cette loi n'est pas le fait de cette majorité, mais du gouvernement précédent !

M. le Rapporteur – Elle est la conséquence de vos choix.

M. Pierre Cohen - Laissons au vestiaire les arguments malhonnêtes. (« Ah oui ! » sur les bancs du groupe UMP) Ceci s'adresse à vous, Monsieur le ministre : en interrompant le débat général, vous avez repris ce faux argument. Le Sommet de Barcelone de mars 2002 a acté l'ouverture du marché aux entreprises et amorcé une réflexion sur sa généralisation. Lionel Jospin, qui y était défavorable, avait posé deux conditions : une étude d'impact – qui n'a jamais été réalisée – et l'adoption d'une directive cadre sur les services d'intérêt général. En novembre 2002, en revanche, c'est bien Mme Fontaine qui a autorisé, sans condition, la généralisation et l'ouverture totale du marché du gaz et de l'électricité. Nous sommes donc en présence d'une opération idéologique qui peut faire perdre à l'État, de façon irréversible, le contrôle de l'énergie et de la politique tarifaire.

Pas d'hypocrisie : assumez ce projet de loi, ou bien retirez-le. Si toutes les conséquences ne sont pas encore perceptibles sur le plan industriel et stratégique, nous savons que la privatisation de GDF portera atteinte aux missions de service public, M. Auberger ne s’y est pas trompé. Nous y reviendrons lors du débat sur nos amendements, qui montreront aux Français en quoi votre projet est dangereux.

Je prendrai deux exemples, qui ne peuvent vous laisser indifférents. Tout d'abord celui de la continuité du service. Nul ne peut nier les insuffisances des entreprises privatisées britanniques ou américaines lors des grandes catastrophes. En France, nous avons su faire face, avec nos entreprises publiques, à la tempête de 1999 ou à la catastrophe d'AZF à Toulouse.

M. François Brottes - Très juste.

M. Pierre Cohen - Le second, et non des moindres, c'est le désengagement dans les investissements à long terme, surtout dans le domaine de l'innovation et de la recherche. France Télécom en est hélas le parfait exemple.

L’avenir du monde se jouera sur la diversité des sources et la maîtrise de l'énergie. Quelle erreur que de se fragiliser, voire de se désengager du défi du savoir et de la connaissance, qui ont fait notre développement au cours des cinquante dernières années !

Monsieur le ministre, vous êtes dans l'erreur. Il est encore temps de retirer ce projet N'attendez pas que les Français vous y obligent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Frédéric Soulier - En juin dernier, je faisais partie des parlementaires qui demandaient du temps pour comprendre l'enjeu de l'ouverture du capital de GDF et les défis énergétiques auxquels notre pays devra faire face.

Quel avenir pour Gaz de France ? Peut-il rester seul, et combien de temps ? Face aux mutations des métiers de l'énergie, tous les opérateurs cherchent à renforcer leur position stratégique. ENDESA, E.ON, l'OPA d'ENEL sur Suez ou l'alliance entre Gazprom et Sonatrach font l'actualité. L’ouverture du capital de Gaz de France est donc une décision de gouvernance sur le marché de l'énergie, qui permettra de donner naissance à un énergéticien stratège pour notre pays et pour l'Europe. Elle ouvre en effet l'opportunité d'un projet industriel qui, en s'appuyant sur des prérogatives fortes, renforcerait notre sécurité d'approvisionnement.

Comment assurer la difficile maîtrise du coût de l'énergie ? Nous voilà face à une préoccupation totalement indépendante de la question de l'ouverture du capital. Lors d'un récent colloque, le directeur de la branche commerce d'EDF indiquait que la hausse de 20 % sur la période 1973-1983 était liée au programme nucléaire, tandis que la baisse qui a suivi provenait de l’amortissement de ce programme. Or, le marché est aujourd’hui en Europe dans une phase d'investissement.

L'ouverture du capital est totalement indépendante de la maîtrise des coûts et des différents scénarii évoqués – privatisation des seules activités concurrentielles, rapprochement SUEZ-GDF avec la part de l'Etat à 51 %, participations minoritaires croisées, fusion EDF-GDF –, voire de la logique du 100 % public. M. Jospin, alors patron à 100 % de Gaz de France, n’avait-il pas augmenté le prix du gaz de 34 % en 2000 ?

Que faire quand les producteurs, comme Gazprom et Sonatrach – qui satisfont à eux seuls 36 % des besoins de l'Union européenne – s’organisent, si ce n'est permettre aux acheteurs de s'organiser eux aussi face aux appétits des nouveaux producteurs qui veulent devenir des fournisseurs sur le marché européen, mais aussi face aux groupes qui accèdent aux ressources gazières situées hors d'Europe ?

Que pouvons-nous attendre de l'ouverture du capital ? Le projet d'entreprise – devenir le premier gazier européen et le premier opérateur mondial du gaz naturel liquéfié, et le second groupe mondial d'énergie, entre la production et la commercialisation – est séduisant, d’autant que le projet sera créateur d'emplois. La fusion des deux entreprises mobiliserait leur pleine capacité d’investissement, sans endettement. Cette stratégie devrait permettre une meilleure maîtrise des coûts à moyen terme et garantir ainsi le pouvoir d'achat des consommateurs français. En effet, l'État, qui ne céderait aucune action de Gaz de France, valorise bien son patrimoine : mieux vaut posséder 34 % de 70 milliards que 80 % de 20 milliards. Cet actionnariat devrait peser fortement dans le cadre du nouveau contrat que l'État sera amené à signer, et c’est d’une importance majeure. Il faudra veiller à ce que la pleine capacité financière née de la fusion soit prioritairement consacrée aux investissements nécessaires à la maîtrise de la chaîne des coûts. À l’ouverture du capital doit correspondre en priorité cet engagement, et j'attends du Gouvernement qu’il soit très entreprenant et vigilant sur ce point, préoccupation essentielle des Français.

La politique énergétique mérite un débat de fond, et je m'étonne de l'entêtement de l'opposition, qui en tient invariablement pour une fusion entre GDF et EDF, fusion à 100 % publique, censée garantir le service public. Pour moi, un contrat de service public n'entraîne pas systématiquement la pleine propriété de l'État. Dans le cadre du projet qui nous est soumis, l’État conservera ses prérogatives quant à la définition des missions de service public – qui évolue dans le cadre de l'ouverture des marchés – avec le maintien des tarifs régulés au-delà du 1er juillet 2007, la création d'un tarif social pour le gaz naturel et la création d'un tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché.

La privatisation et la nationalisation, ce sont deux cultures qui s'opposent. Dans le cas de GDF, l'ouverture du capital permet à l'État de rester propriétaire en valorisant son capital à plus du tiers, alors que les nationalisations avaient fait tanguer l'industrie française dans les années 80. L'environnement du secteur de l'énergie a beaucoup évolué depuis 1946, et les directives européennes nous rappellent les engagements des gouvernements français, notamment celui de M. Jospin. Si, aujourd'hui le « 100 % public » redevenait une référence économique et politique en Europe et dans le monde, cela se saurait ! Souvenons-nous comment le gouvernement Jospin, en s'opposant à l'ouverture du capital de France Télécom, a failli mener au pire, en conduisant l’entreprise à financer sa croissance extérieure par l'endettement, ce que la direction actuelle continue de payer.

« Pourquoi persister ? » nous demande une opposition couchée en travers du chemin, et qui joue les mascarades, alors que l’ouverture du capital permettrait avant tout de porter un projet industriel qui s'inscrit dans un cadre européen. Dans ce domaine, l'Europe doit davantage peser, car la guerre du prix de l'énergie concerne tous les Européens. La construction européenne passe aussi par la définition d’une politique énergétique commune. C'est une question stratégique, au moment où l’on estime que la consommation d'énergie dans le monde pourrait être multipliée à terme par deux ou cinq, sous l'effet de la croissance démographique et économique.

L'Europe ne doit pas se cantonner dans son rôle de gendarme de la concurrence ; les autorités européennes doivent être plus actives pour maîtriser la chaîne des coûts de l'énergie, et plus cohérentes dans le choix des moyens.

La France a souvent été à l'initiative d’actions communes, le ministre l’a rappelé. Elle doit inciter l'Union européenne à peser comme régulateur, qu’il s’agisse de soutenir de nouvelles sources d'énergie ou d’exercer sa vigilance sur le coût imposé aux usagers.

C'est enfin la manifestation de la volonté politique d'un pays que de permettre à des industriels de répondre aux enjeux énergétiques, et personne ne peut rester indifférent à l'occasion de faire d’un projet industriel un atout pour l'Europe du gaz. Je considère comme un devoir de permettre aux entrepreneurs européen tels que Gaz de France de porter les ambitions d'une nation pour les générations futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques Myard - La privatisation partielle de GDF pour permettre sa fusion avec Suez, groupe privé, tout en présentant des atouts indéniables, soulève des questions légitimes, d’ordre économique, politique et stratégique auxquelles on ne doit pas apporter des réponses idéologiques.

Les atouts existent, c’est vrai. Il faut en effet doter GDF d’une structure plus souple pour lui permettre de s’adapter à un marché changeant, et la muscler par un projet industriel cohérent. Il est exact que des complémentarités existent entre GDF et Suez, et les deux entreprises ont d’ailleurs engagé de longue date des discussions pour se doter d’une capacité d’achat renforcée, aux meilleures conditions.

Tout cela serait bel et bon si l’on ne traitait pas du marché international de l’énergie, et si la sécurité d’approvisionnement ne constituait pas un objectif géostratégique constant de l’État, qui doit en conserver la maîtrise, directement ou indirectement. Cet objectif peut-il être atteint avec les moyens ordinaires d’un État simple régulateur ? Malheureusement, ce n’est pas le cas. En matière d’électricité, il n’existe pas de marché international réel, car l’électricité est difficilement transportable sur de longues distances, et seul le nucléaire permettra de faire face à des besoins grandissants. Cela implique un fort engagement de l’État, et une politique industrielle qui n’a rien à voir avec le simple jeu des marchés. Quant au gaz, il n’est plus guère produit en Europe sinon en Norvège. Un oligopole mondial s’est constitué, que Russes et Algériens domineront toujours plus.

Et c’est alors que l’offre d’énergie se raréfie que la Commission de Bruxelles, donnant suite aux accords unanimement acceptés par les gouvernements européens à Barcelone, exige l’ouverture des marchés et tient à limiter la marge d’action des États membres. Jamais l’on n’a constaté un tel décalage entre une idéologie – celle du « tout marché » – et la réalité économique, politique et géostratégique. Il est patent que là n’est pas la solution pour assurer l’indépendance énergétique de la France et garantir les meilleurs prix aux consommateurs. En un mot, l’État a-t-il encore les moyens de maîtriser l’évolution de ce secteur, et le projet le lui permet-il ? A-t-il les moyens de ne pas subir, mais d’agir, dans un secteur vital pour l’économie nationale ?

À cet égard, diverses questions se posent, que je vous soumets. En premier lieu, le futur groupe sera-t-il opéable ? Vous considérez, Monsieur le ministre, qu’il ne l’est pas, l’État conservant une minorité de blocage. Mais que se passera-t-il en cas d’augmentation, vraisemblable, du capital ? Par ailleurs, l’action spécifique est-elle « euro-compatible » ? Une étude de la Commission de Bruxelles a conclu que non, mais je prends acte que le commissaire McCreevy a précisé, sans enthousiasme excessif, qu’elle pouvait être maintenue pour l’instant. Enfin, les tarifs régulés pourront-ils être maintenus après que l’ouverture à la concurrence sera totale, en juillet 2007 ? J’en doute. J’attends vos réponses et, si elles sont favorables, l’État pourra peut-être conserver la maîtrise du secteur.

Toutefois, une question fondamentale demeure. À supposer que la tension baisse, que nos collègues de l’opposition soient touchés par la grâce, que le projet soit voté, tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, si ce n’est que rien n’empêcherait Gazprom de faire irruption sur ce marché libéralisé en fournissant du gaz à un prix très bas. Cela aurait pour effet de mettre Suez-GDF hors course, et de faire perdre à l’État tout pouvoir de régulation. Ce scénario est d’autant plus concevable que les Russes ont parfaitement compris qu’ils peuvent substituer la dissuasion énergétique à la dissuasion nucléaire.

En bref, le problème ne tient pas tant à votre projet qu’aux conceptions idéologiques de la Commission de Bruxelles, où l’utopie du « tout marché » règne en maître. Les règles européennes doivent être révisées, en tenant compte de la nécessité d’une politique énergétique française et européenne, car le secteur de l’énergie ne peut être laissé aux foucades du marché. Vous recherchez la quadrature du cercle, vous ne la trouverez pas. Il faut tenir compte du « non » exprimé par les Français, et en tirer les conclusions. Pour ma part, je m’abstiendrai sur le projet.

M. Claude Gatignol – L’examen de ce texte ne saurait se réduire à une dérive de procédure du fait du déluge d’amendements auxquels il a donné lieu. Nos collègues de l’opposition seraient d’ailleurs bien inspirés de se souvenir du célèbre mot de Talleyrand : « Tout ce qui est excessif est insignifiant. »

Il s’agit de transposer en droit interne une directive européenne et pour tous ceux qui ont le souci du pouvoir d’achat des ménages comme de la facture énergétique des entreprises, ce projet de loi représente une pierre angulaire. En effet, l’échéance du 1er juillet 2007 approche à grands pas, et il convient d’ici là de légiférer afin que les consommateurs ne soient pas pénalisés. Je souhaiterais d’ailleurs, Monsieur le ministre, que vous expliquiez dans votre réponse les risques considérables qu’il y aurait à rester, par faiblesse coupable, dans le statu quo.

Le premier devoir du Gouvernement et du Parlement, en matière énergétique, est de garantir la sécurité d’approvisionnement du pays. Nous avons un grand producteur électrique sur le sol national, même s’il nous arrive parfois de manquer d’électricité – auquel cas les interconnexions européennes sont fort utiles. Chacun sait ici que les investissements dans la production électrique sont très lourds et exigent des délais incompressibles. Toutes les sources d’approvisionnement sont bienvenues, à la condition d’être compétitives et de ne pas accroître l’effet de serre. Le nucléaire et l’hydraulique, mais aussi le gaz dont la part dans le paysage énergétique va croître, sont particulièrement bien placés de ce point de vue. EDF s’est engagé à investir quarante milliards d’euros sur cinq ans, montant qui sera vraisemblablement augmenté, ce qui ne pourra être sans incidence sur le coût du kilowattheure.

Pour ce qui est du gaz, les informations qui nous parviennent sur les manœuvres internationales en cours en Russie, en Algérie, au Turkménistan, au Qatar, au Yémen, en Iran même, sont préoccupantes. En effet, nous importons presque tout notre gaz, par gazoduc. Le gaz liquéfié constitue donc une assurance contre certains aléas géopolitiques et contre les mouvements d’humeur des pays contrôlant les vannes. À cet égard, les méthaniers de GDF sont précieux mais l’entreprise doit trouver du renfort auprès d’un partenaire sérieux, avec lequel il puisse établir des synergies. Nous en connaissons un, et je n’ai pas besoin de détailler davantage le projet cohérent qui est en cours, qui apportera d’ailleurs à GDF des mégawatheures de la meilleure origine, nucléaire et hydraulique.

Il faut libérer GDF, lui donner des « chaussures de course », propres à stimuler son dynamisme et ses compétences. Il faut revoir la part de l’État dans son capital afin de lui permettre de conclure des accords avec d’autres entreprises, et dont elles auront décidé elles-mêmes. N’oublions jamais le mauvais coup porté à France Télécom contraint de s’endetter outre mesure, et ce qu’il en a coûté au contribuable !

M. le Président de la commission – Et heureusement qu’il y a eu ensuite un excellent président de France Télécom !

M. Claude Gatignol - Monsieur le ministre, comment GDF, qui n’est pas aujourd’hui producteur de gaz, peut-il améliorer son potentiel industriel ? Quels ajustements pourra demander la Commission européenne ? Quelles assurances avez-vous quant à la fusion des entreprises ?

Alors que de partout émanent des signaux inquiétants quant au prix de l’énergie, l’immobilisme serait la pire des solutions. Notre seul objectif à l’UMP est de défendre le consommateur, de lui permettre de choisir entre des fournisseurs sérieux, et de lui éviter des hausses de prix permanentes. L’approvisionnement sur le marché spot doit demeurer l’exception. Au-delà du maintien des obligations de service au public, la fourniture d’énergie faisant partie des services d’intérêt général, une régulation et une transition sont indispensables. Gaz de France doit acquérir une dimension internationale suffisante et avoir les moyens d’investir à la hauteur nécessaire, dans l’intérêt de ses clients.

Je suis convaincu que le texte proposé, amendé avec lucidité, sagesse et volonté par la commission des affaires économiques, en particulier son président et son rapporteur, permettra à la France et à ses entreprises énergétiques de faire face aux mutations qui s’annoncent. Le général de Gaulle avait pour habitude de dire qu’il fallait « s’adapter à son temps ». Avec ce texte, nous traitons d’avenir, nous travaillons au bénéfice des générations futures. C’est pourquoi nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Jacques Guillet - Le général de Gaulle disait également qu’il ne fallait pas « regretter le temps de la marine à voile et des lampes à huile ». (Sourires)

En 2002, j’avais à cette tribune appelé de mes vœux le rapprochement entre Gaz de France et Suez. En 2004, je m’y étais inquiété des dispositions législatives nécessaires pour préparer l’échéance du 1er juillet 2007. C’est dire que ce projet de loi me convient parfaitement.

Je ne traiterai ici que du contexte mondial dans lequel évolue GDF – à la différence d’EDF, cantonnée au marché européen, à sa seule partie occidentale même. Plus que par l’annonce en février dernier du projet de fusion entre GDF et Suez, les esprits ont été frappés cette année par la crise russo-ukrainienne qui a mis en lumière la dépendance de l’Europe en matière de gaz naturel, énergie appelée pourtant à prendre une place croissante du fait de l’importance des réserves et de son caractère moins polluant que le pétrole. Ensuite, il y a eu la hausse des prix de l’énergie, la demande croissante de la Chine et de l’Inde tirant vers le haut les prix du pétrole, sur lesquels sont aujourd’hui indexés ceux du gaz.

À l’exception du Qatar, les principaux pays producteurs sont appelés à devenir eux-mêmes des consommateurs, raréfiant encore davantage l’offre dans l’avenir. Il est aujourd’hui impératif pour les pays consommateurs – l’Europe mais aussi les États-Unis, la Chine, voire l’Inde –, d’investir dans l’amont gazier, l’exploration-production des gisements, le transport et la distribution. Les Russes ont besoin des opérateurs occidentaux pour l’exploitation de plusieurs de leurs gisements. Les Algériens de même, en particulier pour la mise en place du futur gazoduc entre leur pays et le Nigeria, destiné à l’approvisionnement de l’Europe.

Les pays producteurs possèdent en général des compagnies nationales, aujourd’hui contrôlées par l’État – mais qu’en sera-t-il demain ? –, comme Gazprom ou Sonatrach. Celles-ci, sans sous-estimer les besoins d’investissement sur leurs infrastructures, souhaitent également maîtriser l’ensemble de la chaîne gazière, et donc être présentes dans la distribution, comme Gazprom en a le projet en Grande-Bretagne. Gazprom peut-il, comme notre collègue Myard en a exprimé la crainte, mettre en péril nos propres opérateurs en vendant son gaz à prix très bas ? Je ne le pense pas car il risquerait alors de se mettre lui-même en difficulté, sans compter que le consommateur ne pourrait que retirer profit du jeu d’une saine concurrence.

Il nous faut être vigilants et tenir compte des orgueils nationaux. Avant d’être une arme stratégique, le gaz est d’abord pour les pays producteurs un outil économique et commercial. De même que nous souhaitons sécuriser nos approvisionnements, ils souhaitent, eux, assurer leurs ventes.

M. Daniel Paul - Très bien.

M. Jean-Jacques Guillet - Un véritable marché mondial du gaz commence donc à émerger. Le mémorandum conclu récemment entre Gazprom et Sonatrach vise deux objectifs. Le premier est de permettre à la Russie d’accéder à la technologie du GNL, mieux à même de répondre à la structure de ce marché et à la demande des États-Unis, devenus importateurs. Le second est de parvenir à créer un marché spécifique du gaz, où les prix se formeraient indépendamment de ceux du fioul. Pays producteurs et consommateurs ont donc un intérêt commun à entrer dans une logique de marché, qui d’ailleurs bénéficiera à la croissance mondiale et à la qualité des relations internationales. Tous ont intérêt à conclure des contrats de long terme qui, en dépit des possibilités de révision, ont l’avantage de stabiliser les prix.

L’essentiel aujourd’hui, pour les États, n’est pas de posséder les ressources ni les moyens de les exploiter, mais de faire en sorte que le marché mondial de l’énergie fonctionne de manière satisfaisante. Des tensions géopolitiques demeureront sans nul doute, mais les règles d’un marché équitable permettront d’en atténuer les effets.

Dans ce contexte, les obligations de service public pour le gaz, qui concernent essentiellement le réseau de transport et de distribution, ont un strict caractère national et local. Le projet de loi les conforte, permettant à GDF de se développer sur le marché mondial, de nouer des alliances, d’investir et de sécuriser ses approvisionnements, tout en préservant un service public régulé au niveau national. Toute autre approche privilégiant la confrontation entre États, la logique de la possession sur celle du marché, serait archaïque et dangereuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Marc Laffineur – Comment s’adapter au nouvel environnement concurrentiel résultant de l’ouverture complète des marchés ? Comment y préparer Gaz de France et sécuriser nos approvisionnements ? Voilà les deux principales questions qui méritent d’être soulevées. L’ouverture des marchés de l'électricité et du gaz, commencée au 1er juillet 2004, va donc être étendue aux particuliers, qui seront désormais libres de choisir leur fournisseur, en vertu des directives européennes directement issues du Sommet de Barcelone. Dans ce marché européen unifié, les États peuvent instaurer des garde-fous destinés à protéger les consommateurs des effets d'une concurrence non maîtrisée. Le présent projet renforce donc les obligations de service public de chaque opérateur qui souhaiterait s'installer sur le marché français ; instaure une tarification spéciale sociale pour les plus démunis ; et maintient les tarifs réglementés pour les ménages qui le souhaitent, dont la fixation demeurera de la compétence de l'État. Ces tarifs sont un instrument pour contenir la hausse irréversible du prix du gaz, indexé sur le pétrole – dont le cours a plus que triplé en trois ans – et qui ne dépend en aucun cas du statut public ou privé de l'entreprise. Sous le gouvernement Jospin, le prix du gaz avait d’ailleurs bien augmenté de 30 % en un an !

M. Guy Geoffroy - Eh oui !

M. Marc Laffineur - Mais une telle libéralisation du marché de l'énergie ne va pas sans des adaptations chez les opérateurs historiques : il faut s’adapter au nouvel environnement mondial – envolée des cours des matières premières, raréfaction des gisements – et sécuriser les approvisionnements. C’est pourquoi on donne l’autorisation à Gaz de France de nouer des partenariats extérieurs afin de renforcer sa capacité d'achat.

Pour faire face au renchérissement, depuis deux ans, du pétrole et du gaz, dû à l'augmentation de la demande et à celle du coût de l’extraction, un mouvement de concentration sans précédent s’est produit parmi les principaux acteurs de la filière. En Europe, notamment, les rapprochements entre producteurs et distributeurs se multiplient. Le montant colossal des investissements nécessaires, pour construire un terminal de gaz naturel liquéfié ou un méthanier par exemple, rend indispensable de nouer des partenariats stratégiques pour atteindre une taille critique permettant de peser sur les prix. Si Gaz de France bénéficie déjà d'une place enviable et respectée dans le secteur du gaz – premier transporteur et distributeur en Europe, deuxième stockeur et deuxième opérateur pour le gaz naturel liquéfié – il reste un acteur de taille moyenne sur la scène mondiale, et son développement est forcément freiné par son statut d'entreprise au capital majoritairement public. La fin des années 1990 a connu un cas similaire : pour faire face au mouvement de concentration dans le secteur des télécommunications, France Télécom, compte tenu de son statut, avait dû massivement s'endetter pour le rachat d'Orange. Mais, dans des secteurs à l'intensité capitalistique aussi forte, trop s'endetter revient à diminuer sa capacité à investir pour préparer l'avenir.

Aujourd'hui l'une des réponses à la hausse des coûts de l'énergie est de susciter des investissements dans l'exploration et la production. Gaz de France doit donc pouvoir développer des alliances industrielles. Une fusion avec EDF n’étant pas envisageable, l’abus de position dominante qui en résulterait obligeant à la vente de centrales nucléaires…

M. François Brottes - Affirmation sans preuves !

M. Marc Laffineur - …il ne reste que deux solutions : s’endetter, sachant que France Télécom a failli ne pas y survivre, ou procéder à un échange d'actions avec un partenaire de poids équivalent. C’est ce qu’a choisi le texte en ramenant la part de l'État à 34 % dans le capital de GDF, soit la minorité de blocage, et en créant une action spécifique qui confère à la puissance publique un droit de veto sur toute décision affectant la cession d'actifs stratégiques.

M. François Brottes - Cela reste à prouver !

M. Marc Laffineur - Cette nouvelle répartition répond au triple problème de la hausse du prix du pétrole, de la sécurité d'approvisionnement et du mouvement de concentration.

Ce débat est extrêmement intéressant, et l’on ne peut que regretter les manœuvres d’obstruction de l’opposition (Approbation sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Bien que l’opposition use d’artifices perpétuels pour éviter de débattre sur le fond, la grande majorité du groupe UMP votera ce texte, car c’est l’intérêt de la France, de Gaz de France et de ses salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie  Je voudrais remercier les orateurs pour la qualité de cette discussion générale et souligner la relative unanimité qui s’est exprimée à propos du diagnostic : tout le monde est bien conscient que la sécurité d’approvisionnement est en jeu et que la situation internationale est bien différente de celle d’il y a deux ou trois ans. Les solutions proposées sont certes diverses, mais le point de départ est partagé.

Il faut donc assurer la sécurité d'approvisionnement en gaz, qu’il s’agisse de la quantité, du prix ou de la disponibilité. En ce qui concerne la quantité, l’enjeu est simple : la France ne doit pas être dépendante, ce qui implique qu’elle puisse supporter la défaillance d’un de ses fournisseurs. Pour cela, il lui faut un acteur de premier plan dans le secteur, qui puisse conclure plus de contrats d’achat que ce dont elle a strictement besoin, peser sur les opérations internationales et lui fournir les quantités nécessaires à tout moment. Un tel acteur est également bien placé, dans les négociations, pour obtenir un bon prix et garantir la disponibilité. Ce sont là des obligations de service public, qui sont organisées et renforcées par le texte, lequel permet également à GDF de devenir un grand acteur international.

Mme Montchamp a eu raison de récuser le dogmatisme. Alors que certains s’accrochent à des solutions irréalistes, elle nous a rappelé de rester pragmatiques, sur de tels sujets, et de bien comprendre les enjeux. M. Cochet, lui, a affirmé que nous étions à 100 % dépendants et qu’il fallait d’urgence obliger les cinq millions de foyers qui utilisent le fuel à passer au gaz. La caricature est aisée, mais nous avons l’obligation de mener une politique basée sur la réalité ! Quant à M. Strauss-Kahn, il a posé de nombreuses questions dont nous traiterons lors de la discussion des articles. Il a aussi réussi à dire à la fois que la fusion valoriserait tellement le groupe qu’un prédateur se présenterait forcément et que cette fusion était un mauvais projet industriel. Il faudrait savoir !

Nous pensons que c’est un bon projet, et que nous avons pris les dispositions nécessaires pour nous prémunir contre les prédateurs éventuels. Par ailleurs, il paraît difficile de nier l’existence de l’obstruction avec quelque 140 000 amendements (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Vous avez multiplié par treize le record précédent, atteint lors de la loi postale et de celle sur les retraites ! Je suis donc heureux de pouvoir répondre à la question de M. Strauss-Kahn : à l’époque des 35 heures, l’opposition avait déposé 1 569 amendements, dont 806 du groupe RPR et 524 de l’UDF ! La différence se mesure en termes de respect du travail parlementaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Daniel Paul a évoqué les augmentations de prix qu’ont connues les entreprises. Nous avons déjà mis en place pour les plus gros consommateurs d’électricité un dispositif leur permettant de négocier avec les producteurs dans de très bonnes conditions.

M. Daniel Paul - Pas très bonnes !

M. le Ministre délégué – La commission a également retenu des amendements pour répondre aux problèmes des PME en la matière. Pour les particuliers, nous proposons la mise en place d’un tarif social du gaz et le maintien des tarifs réglementés. Nous sommes très soucieux de faire le mieux possible dans ce domaine.

Je remercie M. Carrez d’avoir rappelé le précédent de France Télécom : il a bien mis en évidence le fait que la fusion de Gaz de France avec une autre entreprise permet son développement sans l’obliger à un endettement excessif. La méthode employée pour France Télécom a fait la démonstration de son inefficacité (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Brottes - Cela n’a rien à voir !

M. le Ministre délégué – M. Nicolas a beaucoup insisté sur la nécessité de renforcer l’amont gazier. C’est une des priorités du texte. Pour être un acteur international de premier plan, il faut être capable de faire face aux défaillances éventuelles des fournisseurs et de peser dans les négociations malgré la cartellisation du secteur. M. Deprez, lui, a parfaitement présenté l’enjeu du gaz naturel liquéfié.

On ne dit pas assez que le GNL présente l’avantage déterminant de pouvoir se stocker et qu’il arrive par bateau et non dans une canalisation. Il faut savoir qu’aujourd’hui la Russie ne produit pas de GNL, et c’est l’une des raisons de son accord avec Sonatrach, qui possède cette technique. Le GNL est un atout prépondérant. Il faut donc tout faire pour rester très actifs dans cette branche. Associés, Gaz de France et Suez deviendraient les premiers producteurs mondiaux de GNL.

Je remercie René Couanau d’avoir très concrètement démontré que le débat sur ces enjeux essentiels était réel au sein de l’UMP et n’y était pas étouffé. Je ne partage pas ses vues et je suis à sa disposition pour tenter de lui démontrer que Gaz de France a tout à gagner à se fondre dans un ensemble plus large.

Michel Diefenbacher a rendu hommage au travail d’explication et de persuasion qui a été accompli au cours des derniers mois et je l’en remercie.

Jean Gaubert nous a fait un cours intéressant mais incomplet sur la fixation des prix, en passant sous silence le rôle de la concurrence. L’écart parfois constaté entre le prix de vente et le prix de revient ne peut être analysé qu’en tenant compte du contexte concurrentiel. Quant à la nécessaire régulation, il n’est pas question d’y renoncer et le projet de loi ne revient pas sur les prérogatives de la puissance publique en la matière, non plus que pour ce qui concerne la politique des prix.

Tout en faisant part de ses réserves, Nicolas Dupont-Aignan a plaidé pour l’option consistant à fusionner Gaz de France et EDF. Thierry Breton et votre rapporteur ont déjà eu l’occasion de rappeler qu’elle était impossible, les autorités chargées du respect du droit de la concurrence imposant, dans cette hypothèse, un découpage d’EDF que nul ne souhaite.

Jean-Yves Le Déaut est longuement revenu sur la lettre de griefs de la Commission européenne, pour s’étonner notamment de sa longueur. Il faut savoir que deux entreprises telles que Suez et Gaz de France sont présentes sur de très nombreux marchés – particuliers, entreprises, distribution, fourniture en gros… Dès lors, la longueur de la communication s’explique par l’analyse détaillée de ces différents marchés à laquelle elle procède. L’autorité de concurrence est dans son rôle normal et il n’y a pas lieu de s’en alarmer. Au surplus, la prise en compte de ces remarques interviendra dans une étape ultérieure, après que le cadre législatif aura été fixé par le présent texte et que les opérateurs se seront positionnés sur le marché.

Je remercie Claude Gaillard de son analyse sur la nécessité de se développer dès l’amont. Le Gouvernement est pleinement en phase avec ces conclusions.

M. le Ministre – Tout à fait !

M. le Ministre délégué – Merci, également, à Philippe Auberger d’avoir analysé l’accord entre Gazprom et la Sonatrach. Comme je l’ai dit précédemment, Gazprom ne dispose pas d’installation de GNL et il est arrivé, dans un passé récent, que Gaz de France dépanne l’opérateur russe pour livrer du gaz liquéfié aux États-Unis.

Curieusement, Pierre Cohen pose la question des acquis sociaux alors que rien, dans ce projet, ne les remet en cause. Je garde espoir de l’en convaincre au cours du débat sur les articles.

Frédéric Soulier a évoqué les missions de service public de Gaz de France et rappelé qu’il ne fallait pas financer la croissance par l’endettement. Je le remercie de son analyse pertinente.

Jacques Myard s’est interrogé sur les risques liés aux augmentations de capital. Avec le golden share

M. Jacques Myard - Parlons plutôt d’action spécifique, en français dans le texte !

M. le Ministre délégué – Je crois que nous disposons de la parade adaptée.

Claude Gatignol s’est légitimement soucié des conséquences d’un éventuel statu quo : que se passerait-il si rien ne bougeait ? Je pense pour ma part que c’est la sécurité de l’approvisionnement qui risquerait d’en être affectée. Je rappelle que l’hiver dernier, mon homologue italien a dû se rendre plusieurs fois à Moscou pour garantir la continuité de l’approvisionnement de son pays. Au reste, tous nos partenaires européens suivent avec la plus grande attention l’opération que nous sommes en train de mener.

Jean-Jacques Guillet a eu raison de rappeler que les économies d’énergie et la promotion des énergies renouvelables ne suffisaient pas et qu’il fallait aussi veiller à la sécurité de notre approvisionnement en énergies fossiles, alors que les conditions d’acquisition sont plus serrées que jamais et que le contexte géostratégique demeure contraint.

Enfin, tout en déplorant les manœuvres d’obstruction, Marc Laffineur nous a annoncé une suite de débat passionnante et je ne peux que partager son point de vue. J’ai cru comprendre que certains des 140 000 amendements se répétaient un peu… (Sourires) Quoi qu’il en soit, je souhaite que chacun puisse s’exprimer et faire part de ses propositions et c’est dans cet esprit que nous aborderons l’examen des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J’ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des députés communistes et républicains une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Daniel Paul – Messieurs les ministres, l'heure est déjà presque venue de tirer un bilan du mandat de votre gouvernement et de votre majorité parlementaire. Durant cinq ans, vous avez décidé d'une série de mesures, que vous avez pudiquement appelées « réformes », alors qu'elles ont été synonymes de coups durs pour nos concitoyens. Réforme des retraites, du système de santé, compression du nombre de fonctionnaires dans les hôpitaux et les écoles, démantèlements en tous genres du code du travail, autant d'attaques contre la justice sociale et l'égalité, dont vous aurez du reste à répondre au printemps prochain.

Dans le secteur énergétique non plus, vous n'y êtes pas allés de main morte avec vos « réformes » : transformation du statut et ouverture du capital de l'ancien opérateur historique EDF-GDF, ouverture à la concurrence des marchés électriques et gaziers, dépossession partielle de l'État du contrôle des enjeux stratégiques, etc. Autant d'éléments qui concourent à la perte de la maîtrise publique d'un bien commun et tendent à faire primer les intérêts de quelques groupes privés sur l'intérêt commun.

Nos concitoyens ont pu constater, ces derniers mois, l’incidence de ces évolutions sur les tarifs. En effet, si la consommation énergétique a pratiquement stagné dans notre pays, en 2005, la facture, elle, s'est considérablement alourdie : plus 35 %, après une hausse de 25 % en 2004. De nombreux salariés et syndicalistes mettent également l'accent sur la réorganisation générale du secteur et la difficile compatibilité de la perte de la maîtrise publique avec les missions de service public.

En dépit de ces différents éléments, vous refusez d'ouvrir le débat sur le bilan de ce double processus d'ouverture à la concurrence et de privatisation dans le secteur énergétique. Pis, vous faites un pas de plus dans votre fuite en avant en ouvrant totalement les marchés du gaz et de l'électricité, en privatisant l'ancien opérateur historique gazier et en organisant le démantèlement de l'ancienne entreprise intégrée.

Par là, vous livrez aux intérêts privés un pan supplémentaire de l'économie nationale, alors que l'énergie concentre des enjeux économiques, environnementaux et sociaux cruciaux. Et ce mouvement s’opère dans un contexte de mutation du capitalisme, le capitalisme industriel laissant la place à un capitalisme financier, dans lequel la financiarisation de l'économie conduit à mettre entre les mains d'agents boursiers des intérêts industriels, économiques et sociaux gigantesques.

Les conséquences des « réformes » que vous conduisez risquent d’en être encore aggravées : non seulement vous privatisez un bien public, mais le capitalisme financier auquel vous le cédez rend sa gestion des plus incertaines.

Vous avez bien tenté de justifier le projet de fusion entre Gaz de France et Suez. Au mois de mars dernier, à l'annonce du projet de rapprochement entre les deux entreprises, vous n’avez pas hésité à brandir l’argument du patriotisme économique pour défendre Suez face à une menace d'OPA hostile par l'italien ENEL. Sans doute ce dernier avait-il des vues sur Suez, mais, comme je l'avais mentionné dans le débat sur la politique énergétique de juin, il existe d'autres façons de le défendre. Sa direction avait ainsi envisagé l'émission de bons de souscription d'action. Une version plus proche de nos convictions consistait à faire monter dans le capital de Suez des actionnaires publics tels que la Caisse des dépôts.

En outre, quel crédit accorder à l’argument du patriotisme économique ? Difficile de croire les ardents défenseurs d'une construction européenne éminemment libérale et capitaliste lorsqu'ils invoquent la défense par l’État des intérêts économiques ! L'audition de MM. Cirelli et Mestrallet avait d'ailleurs révélé que le projet de fusion était dans les têtes depuis longtemps, sans lien avec la menace d'OPA. Difficile d'être plus clair que Gérard Mestrallet dans Le Monde du 12 juin 2006, lorsqu’il déclare : « Ce projet n'est dirigé contre personne et n'a pas été inventé contre la menace d'ENEL. » Manier l'argument du patriotisme économique, c’était faire un coup de communication, monté pour justifier une opération dont les motivations étaient autres que celles publiquement annoncées.

Par la suite, vous avez prétendu que la fusion Gaz de France-Suez ouvrirait la voie à de nouveaux projets industriels, alors que, dans ses activités gazières, Suez investit avant tout dans le GNL, avec les terminaux méthaniers de Zeebrugge et de Boston. Son expérience industrielle est limitée et Suez n’a ni contrats d’approvisionnements classiques, ni structure intégrée d’amont en aval. Dans ces conditions, parler de leader mondial de l’énergie est un peu exagéré.

L’argument de la sécurité d’approvisionnement n’est guère plus convaincant, car Suez est un distributeur marginal en France et achète trois fois moins de gaz que GDF.

Permettez-moi aussi de douter que la fusion soit faite pour sauvegarder les intérêts économiques du pays. Je ne vois pas pourquoi l’entreprise privée Suez, qui serait majoritaire dans le capital du nouveau groupe, pourrait davantage défendre les intérêts économiques du pays qu’une entreprise publique. L’exemple de grands groupes français qui délocalisent ou qui adoptent des plans sociaux est à cet égard éclairant. Faut-il rappeler le comportement du groupe EADS, issu de la fusion d’un groupe public, Aérospatiale, et d’un groupe privé, Matra, dans l’affaire de la Sogerma ?

La production d’électricité en cycle combiné gaz-électricité aurait été possible dans un autre cadre juridique : celui de la fusion entre EDF et GDF. Si vous êtes vraiment soucieux des synergies industrielles pouvant être profitables à GDF, pourquoi ne pas étudier cette solution au lieu de balayer d’un revers de main la simple éventualité de la soumettre à la Commission ? Vous invoquez par avance les contreparties qui seraient demandées, alors que vous refusez de nous faire connaître celles qui sont liées à la fusion GDF-Suez !

Devant les inquiétudes d’une partie de votre majorité, vous avez dû à nouveau changer votre fusil d’épaule en expliquant qu’il s’agissait de sauver GDF. Comme si cette entreprise, peu endettée et qui a des bénéfices et un chiffre d’affaires en hausse, était en mauvaise santé !

On peut certes se poser des questions sur l’avenir de GDF dans le paysage énergétique actuel – raréfaction des énergies fossiles, incertitudes liées au contexte géopolitique de certains pays producteurs – mais la réponse que vous voulez y apporter ne fait qu’alimenter la machine de guerre qui semble se mettre en route dans ce secteur. Une guerre que vous avez largement contribué à organiser en livrant à la concurrence et aux capitaux privés des entreprises publiques qui avaient su faire preuve de leur efficacité ! Vous avez préféré suivre aveuglément le dogme libéral, sans vous soucier de la capacité de ce marché à assurer une répartition équitable des ressources, un prix modéré pour les consommateurs, des relations stables avec les pays producteurs, une continuité d'approvisionnement et une sécurité des installations.

Il faudra nous expliquer en quoi des entreprises privées seraient mieux à même de négocier avec Gazprom que le gouvernement français ; nous dire pourquoi des entreprises soumises aux pressions de leurs actionnaires investiraient plus dans la maintenance et la sécurité du réseau de transport qu'une entreprise publique ; et en quoi des entreprises privées assureraient une meilleure gestion à long terme des ressources ! Nous pensons pour notre part que toutes ces missions sont difficilement compatibles avec les caractéristiques d'un marché privatisé et concurrentiel.

Les discussions autour de l'existence même d'une minorité de blocage détenue par l'État dans le capital du nouveau groupe Suez-GDF en disent d'ailleurs long sur les nouveaux rapports de force qui vont s'installer chez GDF. N'a-t-on pas lu que l'État pourrait renoncer à cette minorité de blocage sous la pression des actionnaires de Suez ? Aux yeux des chantres de l’ultralibéralisme, 34 %, c’est encore trop ! Pourtant, la détention de 34 % du capital ne protège même pas contre une OPA !

Le flou qui règne sur les raisons profondes du projet de fusion GDF-Suez oblige donc à poser la question des intérêts en jeu dans cette fusion. Celui de Suez et de ses salariés ? Celui de GDF et du service public gazier ? La sécurité des approvisionnements ou le portefeuille des actionnaires ? Ces derniers se sont d’ailleurs déjà livré bataille sur les termes de l'échange, qui pourraient évoluer d'ici la fin de l'année dans un sens plus favorable à Suez.

Vous avez eu recours à toute une série d'artifices pour tenter de faire passer une fusion purement capitalistique et financière pour un projet économique et industriel. En fait, toute la gestion du dossier souffre d’un grand manque de transparence, puisque le Gouvernement soumet son projet de loi au vote des parlementaires français avant que les conclusions de la Commission soient connues ! Vous voulez que les députés se prononcent sur l'avenir de l'opérateur historique gazier, alors même que les termes du débat évolueront après le vote de la loi ! Vous grillez les étapes, Monsieur le ministre, sans vous soucier de la couleur du feu qui sera donné par la Commission.

Que penser de l'impossibilité faite aux députés d'avoir accès à la lettre de griefs notifiée par la Commission européenne ? Pourquoi les élus du peuple doivent-ils batailler pour être tenu informés de l'avenir de l'entreprise gazière ? Les intérêts commerciaux prévaudraient-ils sur les intérêts politiques et économiques ? Le groupe communiste a écrit à Jacques Chirac pour lui demander d’intervenir dans ce débat.

M. Maxime Gremetz - Très bien !

M. Daniel Paul - Quant au conseil d'administration de GDF, il a fallu une décision de justice pour qu’il se tienne et que les représentants des salariés soient informés de la nature des griefs communautaires.

La réponse à la lettre de griefs sera faite entre le 6 et le 20 septembre. Autant dire que si le Gouvernement avait souhaité que les députés sachent réellement à quoi s’en tenir, il suffisait de retarder le débat de quelques jours. Ces graves entorses à la transparence du débat démocratique sont intolérables ! Au nom de la confidentialité, qui ne sert qu'à protéger les intérêts des actionnaires, on a voulu priver les citoyens, leurs représentants et les élus des salariés de leur légitime droit à l'information sur le sort d'un service public.

Il est vrai que les intérêts privés et la transparence font rarement bon ménage. Que nous proposez-vous donc si ce n'est l'accaparement par une minorité de cette ressource vitale qu'est l'énergie ?

S’agissant des contreparties que pourrait exiger la Commission européenne en échange de l'autorisation de fusion, nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Vous déclarez, Monsieur le ministre, n'être « pas inquiet sur le fond ». Ces contreparties pourraient pourtant être considérables et les abandons d'actifs requis pourraient conduire à une réelle restructuration de l'ancien opérateur historique. L'entreprise risque en effet d'être contrainte de mettre d'importants volumes de gaz à disposition de ses concurrents. On évoque aussi la sortie pure et simple des activités de transport de gaz, ce qui priverait GDF de son cœur de métier, et la remise en cause des tarifs réglementés. Dans ces conditions, faire croire à un renforcement de l'ancien opérateur historique relèverait du mensonge d'État !

Nous savons que certains services de la Commission brûlent de franchir de nouvelles étapes dans la libéralisation du secteur énergétique. Après avoir cherché à « libérer l'amont », c'est-à-dire à ouvrir à la concurrence les activités d'extraction et de traitement du gaz, ils voudraient modifier l'organisation de l'aval du secteur, à savoir le transport. Ces préoccupations semblent largement relayées par la Commission de régulation de l'énergie, dont le président juge essentielle la séparation des activités de réseau. Il est vrai que les activités de transport de gaz constituent un bastion plutôt lucratif, qui intéressera sans aucun doute des capitaux privés. En effet, le gros des investissements a déjà été réalisé.

Certes, MM. Mestrallet et Cirelli cherchent à calmer le jeu. Mais à la mi-août, M. Cirelli expliquait dans la presse qu’il ne voulait pas perdre le contrôle – et non la propriété – du réseau de transport. Pourquoi y a-t-il lieu de s'inquiéter ? Parce que nous ne pouvons négliger les risques importants que constituent les installations de gaz naturel liquéfié, qui jouent en outre un rôle essentiel dans l’approvisionnement énergétique du pays. Accepter d'ouvrir aux capitaux privés le réseau de transport de gaz, ce serait lâcher du lest sur une activité hautement stratégique.

Des contrats à long terme pourraient également être remis en cause par la fusion GDF-Suez. La Commission européenne voudrait en effet qu’une partie des contrats d’approvisionnement soient cédés aux fournisseurs concurrents du nouveau groupe. Le Gouvernement a pourtant clamé dans la presse que la fusion ne pouvait que renforcer l'opérateur historique et lui ouvrir de nouveaux horizons pour ses achats de gaz. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les conclusions de la Commission compromettent largement cet objectif ! Vous pourrez toujours dire, Monsieur le ministre, que le nouveau groupe pourra se fournir en gaz sur le marché spot. L’objectif serait-il de remplacer des contrats de long terme par un marché dont on connaît la volatilité et les hausses récentes ?

La lettre de griefs remet également en cause les tarifs réglementés, qui vont, je cite, « contre le marché ». Selon la Commission européenne, la modération des tarifs de GDF est un obstacle à l'entrée sur le marché français. Elle est donc anticoncurrentielle. Faudra-t-il augmenter les tarifs pour favoriser la concurrence ?

Vous noterez d'ailleurs que l'existence de ces tarifs n'a pas de lien direct avec la fusion envisagée, qui devrait constituer l'objet exclusif des griefs de la Commission. Votre projet donne à celle-ci une occasion supplémentaire de casser un peu plus l'ancien opérateur historique.

La Commission s’en prend aussi aux infrastructures de stockage et aux terminaux méthaniers de GDF, qui lui assureraient une position dominante. Ce qui se profile, c'est donc l'apparition d'acteurs privés, soucieux avant tout de rendements financiers, dans le secteur du stockage de gaz, secteur pour le moins sensible et dangereux… Faut-il rappeler le triste épisode des rails anglais ou les dangereuses évolutions en cours dans la gestion du trafic aéroportuaire ?

Ce sont tous ces risques que vous refusez de voir portés à la connaissance de l'opinion, raison pour laquelle le Gouvernement n’a mis à la disposition des parlementaires qu’une version expurgée de la lettre de griefs.

Ce projet de fusion GDF-Suez pêche sur bien des points. Vous ne proposez qu’une opération financière aux conséquences industrielles et économiques incertaines, qui ouvre la porte à une déstructuration de l’entreprise gazière sur laquelle la représentation nationale n’aura plus son mot à dire une fois le texte voté. M. le ministre a dit qu’il s’opposerait à un projet de fusion insatisfaisant : chiche, mais nous verrons bien !

Les contreparties que pourrait exiger la Commission européenne en échange de l’autorisation de fusion entre GDF et Suez risquent fort de sceller le sort de l’entreprise gazière publique et verticalement intégrée. Ce qui se trame, c’est le découpage de GDF en centres de profit sous forme de filialisation ou d’ouvertures des capitaux des entreprises gestionnaires de réseaux. Or, cela entraînerait une perte de cohérence de l'ensemble de l'organisation du secteur gazier français, car ce démantèlement de l'entreprise signifierait inévitablement la perte de synergies industrielles reposant sur le caractère intégré de l'entreprise et la mise à mal de la péréquation.

En outre, le choix de la fusion avec Suez ne manquera pas d'entraîner un autre changement majeur dans le domaine énergétique : la privatisation d'EDF. En effet, dans le nouveau contexte économique que vous créez, l'entreprise publique cherchera un partenaire gazier. L'offre duale en énergie constitue un atout considérable pour les entreprises énergétiques, mais GDF ne sera plus un candidat possible. Il est donc prévisible que si aucune décision politique n'est prise, c'est avec un acteur privé qu'EDF s'alliera. Qui sera-t-il ? Qui s'offrira la possibilité de faire main basse sur un fleuron de notre économie nationale ? On vous entendra alors dire qu'il convient de modifier la loi dont nous sommes en train de débattre. Ainsi, même si l'article 10 de votre texte actuel fixe législativement la part de l'État dans le capital d'EDF à 70 %, il est difficile d'être rassuré sur la garantie que cet article apporte pour l'avenir de l'énergie électrique.

D'ailleurs, le Gouvernement et la majorité ont déjà témoigné de l’importance qu’ils accordent à la parole de l’État. M. Sarkozy a eu beau s'engager personnellement…

M. François Brottes - Et au nom du Gouvernement !

M. Daniel Paul - …sur la non-privatisation des deux entreprises énergétiques publiques en 2004, vous avez à peine attendu vingt-quatre mois pour revenir sur ces engagements.

Les incertitudes qui planent sur l'avenir de l'ancien opérateur historique rendent nécessaire un renvoi en commission afin d’analyser le document de la Commission européenne et les réponses de GDF et de Suez. Le black-out organisé autour de ce projet de fusion nous conforte dans notre opposition à la privatisation de GDF et à la fusion avec Suez. Il renforce également notre détermination afin de réorienter la construction européenne : la priorité, en matière énergétique, ne doit pas être donnée à la concurrence et à la captation par les marchés de l'activité énergétique. Je l'ai souvent dit, l'énergie est un bien commun de l'humanité. À ce titre, elle doit être gérée publiquement et collectivement, à rebours de ce que vous faites. Non à la privatisation des ressources I

M. Maxime Gremetz - Absolument !

M. Daniel Paul – Enfin, sur la base d’un document de la CGC dont nous avons pris connaissance aujourd’hui, d’autres questions se posent : est-il vrai, Monsieur le ministre, que la fusion entre GDF et Suez coûterait 5,2 milliards à GDF ? Est-il vrai que GDF aurait pour mission d’absorber une partie de l’endettement de Suez qui s’élève à 16 milliards ? Est-il vrai que GDF devrait aussi participer au démantèlement des centrales nucléaires belges ? Est-il vrai que cette fusion permettrait au nouveau groupe, que j’appellerai Gaz de Suez, de réaliser un bénéfice fiscal de 3 milliards ? Ce sont-là autant de questions qui nécessitent un renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Maxime Gremetz – Très bien.

M. le Président de la commission – Vous avez défendu avec conviction un autre projet, Monsieur Paul, mais je n’ai rien entendu qui pourrait justifier un renvoi en commission.

Je prends à témoin MM. Poignant et Gatignol : depuis 2002, jamais une commission de l'Assemblée nationale n’avait travaillé aussi longtemps que sur l’élaboration de ce projet, à la demande de l’ensemble des parlementaires d’ailleurs, et afin que tous les éclaircissements nécessaires puissent être apportés. C’est à l’honneur du Parlement d’avoir favorisé un tel débat pendant le mois de juillet. Ces travaux ont donné lieu à la publication d’un rapport d’étape qui a permis de résoudre bien des problèmes. La commission a en outre repris ces travaux pendant la deuxième quinzaine du mois d’août, ce qui représente un total de près de quarante heures d’auditions. J’ajoute que l’opposition a déposé près de 137 000 amendements, ce qui n’a pas facilité notre travail. Nous avons pu en revanche sérier précisément les différents problèmes, comme l’opposition l’a souhaité. MM. Brottes, Daniel Paul, Poignant et Charié ont fait des propositions très constructives, ce dont je les remercie, et neuf thèmes de discussion ont été choisis : tarif règlementé et modalité de retour, mission de service public, part de l’État au capital de GDF, tarifs sociaux, politique européenne de l’énergie, sécurité d’approvisionnement, protection des consommateurs, organisation des réseaux de transport et de distribution, pouvoirs du régulateur.

Enfin, je rappelle que la lettre de griefs est à votre disposition depuis une semaine dans mon bureau et que six députés seulement sont venus la lire, même s’ils ont sans doute pris suffisamment de notes pour informer leurs collègues. L’Assemblée me semble donc largement informée.

M. Maxime Gremetz - C’est une version caviardée, il y manque l’essentiel !

M. le Président de la commission - La commission des affaires économiques, son président et son rapporteur vous demandent de rejeter cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

explications de vote

M. Jean Dionis du Séjour – L’UDF votera la motion de renvoi en commission. Il ne s’agit pas pour nous de retarder le débat : nous avons dit tout le mal que nous pensions des 136 000 amendements déposés et du cercle vicieux « obstruction, 49-3 », mais nous retenons un point dans le plaidoyer de M. Paul : par nos hésitations et nos maladresses, nous avons réussi encore une fois à diaboliser les institutions européennes. Il suffit de lire la presse d’aujourd’hui : c’est réussi. L’opération « lecture expurgée » de la lettre de griefs a été mal vécue, même si je remercie le président Ollier d’avoir fait son possible. Si la lettre était confidentielle, on ne devait certes pas la lire, mais que dit-elle en fait ? Que la fusion met à mal la concurrence ! Voilà qui n’est pas vraiment ultraconfidentiel ! Nous aurions donc dû en disposer intégralement. L’UDF veut un débat sérieux et suggère que le président de l'Assemblée nationale demande à la Commission sa transmission in extenso. On évoque souvent la nécessité de partenariats entre les institutions européennes et les parlements nationaux. Voilà une bonne occasion de leur donner un nouveau visage ! Bref, une nouvelle réunion de travail de la commission en disposant de l’ensemble des documents européens – la lettre de griefs, la lettre du commissaire McCreevy et l’avis de la Commission sur le projet de décret – ne serait pas du luxe. Dans le cas contraire, nous donnons à nos collègues de l’opposition un os à ronger qu’ils ne se priveront pas de ronger jusqu’au bout.

M. Maxime Gremetz - Vous êtes donc dans la majorité ? (Sourires)

M. Jean Dionis du Séjour - C’est une question difficile ! (Sourires)

Parce que nous ne voulons pas que la méfiance s’installe sur la question européenne, nous voterons la motion de renvoi en commission.

M. Maxime Gremetz - Très bien !

M. François Brottes – Je regrette que M. Loos ait lui aussi soufflé sur le nuage de fumée allumé par le Président de l'Assemblée nationale et ait développé avec une mauvaise foi qui caractérise plutôt d’habitude M. Breton la question de l’obstruction. L’opposition, comme l’ensemble de l’Assemblée, a le devoir de clarifier ce texte, et ce n’est qu’en vous interrogeant, amendement après amendement, que nous y parviendrons. Permettez-moi d’ailleurs de revenir sur cette question des amendements – car on ne peut pas raconter n’importe quoi, Monsieur le ministre. Nous avons déposé, dès le mois de juillet, environ un millier d’amendements. Mais quand on n’est pas sûr d’avoir de réponses, autant les déposer plusieurs fois. Les députés peuvent ainsi compléter leur argumentation (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP). Il y a donc trois possibilités. Soit le Président de l’Assemblée nationale considère, comme il l’a fait pour la Poste, qu’ils ne sont pas recevables. Vous saurez bien trouver le moyen de déclarer un certain nombre de nos amendements irrecevables, à moins que vous ne les fassiez tomber par des techniques bien connues.

M. Daniel Paul - C’est déjà commencé !

M. François Brottes - Quand nous déposons un amendement, vous n’êtes du reste pas tenus de répondre sur le fond. Très souvent, c’est le mutisme absolu. Pour obtenir une réponse, il faut donc reprendre l’argumentation jusqu’à ce que le ministre veuille bien répondre (Exclamations et applaudissements ironiques sur les bancs du groupe UMP). Il y a cependant une troisième possibilité, Messieurs les ministres : répondre clairement dès que la question vous est posée. Compte tenu des accusations que vous avez portées, je vous mets au défi : à quel moment depuis deux jours avons-nous fait de l’obstruction sur ce texte ? À aucun moment ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Nous avons exigé ce matin le texte intégral de la lettre que vous a envoyée le commissaire, dont nous avons finalement pu obtenir une copie. Nous avons exigé, sans demander d’ailleurs de suspension de séance, d’avoir le décret auquel cette lettre faisait allusion : nous l’avons eu. À quel moment avons-nous fait de l’obstruction ?

M. Pierre-Louis Fagniez - Pour trois socialistes, cela fait beaucoup d’amendements !

M. François Brottes - La transparence n’est pourtant pas au rendez-vous, et il y a des questions qui justifient un renvoi en commission. Que répondez-vous à la lettre de griefs sur les actifs que devra céder Gaz de France ? Nous l’ignorons. Le commissaire vous demande de préciser plus clairement les actifs qui sont concernés par l’action spécifique. Nous n’avons pas de réponse ! Avez-vous un accord de la Commission européenne pour le fameux tarif de retour ? Là encore, pas de réponse ! Que vont devenir les fichiers clients d’EDF, qui détaillent les consommations d’énergie des entreprises et des ménages ? On ne peut tout de même pas s’approprier, au détour d’une fusion, tout le travail de relations commerciales effectué par les entreprises publiques ! D’autres questions se posent sur le coût de la transaction et sur les obligations qui pèseraient sur Gaz de France concernant les centrales nucléaires en Belgique. Sur tous ces points importants, pas de réponses ! C’est pourquoi il faut renvoyer le texte en commission.

D’après nos calculs, enfin, 100 millions de pages ont déjà été imprimées pour faire la promotion de cette opération dans la presse. Qui donne les mêmes moyens aux syndicats, qui sont tous opposés au projet ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Personne ! Face au pouvoir de la pub, nous opposons donc le droit à la parole ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Maxime Gremetz - Le problème n’est pas de savoir si la commission a bien travaillé ou non : il est que nous n’avons pas les éléments d’information, à savoir la lettre de griefs et les réponses que le Gouvernement envisage de donner aux questions qui lui sont posées. Pour nous, ce projet est en réalité un projet de société, qui pose des questions graves – celles de l’indépendance énergétique de notre pays, du nucléaire, de l’environnement, de l’eau. En réalité, et vous l’avez dit, s’il faut à tout prix privatiser GDF, c’est pour aller chercher un électricien, et surtout un financier.

J’ai écouté toutes les interventions. J’ai particulièrement apprécié celle de M. Couanau. Je n’ai pas manqué de constater la diversité des opinions – et des inquiétudes – qui se sont exprimées dans la majorité. J’ai beaucoup lu M. Paillé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) L’avez-vous donc déjà exclu ? Vous êtes pires que chez nous, car moi, je ne suis pas encore exclu ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP) J’ai aussi relu toutes les déclarations de M. Sarkozy : impressionnant, pour un ministre d’État, qui engage le gouvernement de la France ! Ce n’est plus une contradiction, c’est un revirement total, et chez un homme qui prétend diriger la France ! Ne s’était-il pas engagé solennellement à ne pas privatiser GDF ? Ce n’est pas tout : il faut, a aussi dit M. Sarkozy, envisager la nationalisation d’EDF-GDF ! Il est vrai qu’il parle souvent ; mais quand on parle, mieux vaut se répéter que se contredire ! Si nous avions parlé de nationalisation, quels sarcasmes n’aurions-nous pas entendus ! Mais si c’est M. Sarkozy, vous l’écoutez bouche bée ! Troisième déclaration : il faut utiliser la complémentarité entre GDF et EDF, pour aller vers un grand pôle public de l’énergie.

M. le Président – Merci, Monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz - Attendez !

M. le Président – Vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Maxime Gremetz - Sûrement pas ! Je termine. Comme les 143 000 amendements, le renvoi en commission se justifie par…

M. le Président de la commission – Il recommence ! Ce n’est pas acceptable !

M. Maxime Gremetz - Si le Gouvernement avait organisé un grand débat national… (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président de la commission – Ce n’est pas acceptable ! M. Gremetz pouvait s’inscrire dans la discussion générale ! Je demande qu’on passe au vote !

M. Maxime Gremetz - …comme les organisations syndicales ont eu le courage de le faire. C’est pourquoi nous proposons d’entendre M. Sarkozy… (M. le Président interrompt l’orateur)

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu le lundi 11 septembre, à 15 heures.
La séance est levée à 19 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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ordre du jour
du lunDI 11 SEPTEMBRE 2006

QUINZE HEURES - 1re SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au secteur de l'énergie (no 3201).

Rapport (no 3278) de M. Jean-Claude LENOIR, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Avis (no 3277) de M. Hervé NOVELLI, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE - 2e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
www.assemblee-nationale.fr

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