Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session extraordinaire 2005-2006)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit

Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

3ème séance du mardi 12 septembre 2006

Séance de 21 heures 30
4ème jour de séance, 10ème séance

Présidence de M. Maurice Leroy
Vice-Président

Consulter le sommaire

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

Retour au haut de la page

Énergie (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie.

M. François Brottes - Rappel au Règlement. Nos débats sont ponctués d’événements extérieurs qui ne nous facilitent pas l’analyse. Alors que l’énoncé des motifs du projet de loi évoque la dilution sans condition de la part de l’État dans une nouvelle entité Gaz de France-Suez, le brouillard entourant les modalités de cession des actifs aussi bien que le calcul de la parité des actions ne laisse pas de nous inquiéter. Il nous inquiète d’autant plus qu’il semble y avoir un enjeu de pouvoir, une contradiction entre le numéro un et le numéro deux – M. Sarkozy –du Gouvernement, et j’ai le sentiment qu’on nous a rejoué cet après-midi le film « Trois hommes et un couffin », le couffin étant la fusion. Le premier homme, M. Fillon, ancien ministre des affaires sociales puis de l’éducation, a indiqué que, contrairement à l’engagement qu’avait pris M. Sarkozy, le régime de retraite des salariés des industries électriques et gazières serait remis en cause. Le président Ollier nous a bien dit que c’était une position personnelle mais nous avons du mal à le croire, dans la mesure où M. Fillon, qui a exercé des responsabilités importantes, est aujourd’hui le conseiller politique de M. Sarkozy.

Le deuxième homme est votre prédécesseur, Monsieur le ministre. M. Devedjian a indiqué à la télévision qu’il était favorable à ce que le réseau de GDF reste à 100 % public, en sorte que l’État puisse conserver 70 % du capital de l’entreprise. Cette déclaration, dont nous prenons acte, nous semble en contradiction avec le présent projet.

Enfin, je ne nommerai pas le troisième homme, mais disons qu’il pourrait s’agir du président de Gaz de France. La rumeur prétend qu’il aurait un intérêt personnel à ce que la fusion se réalise. Je ne souhaite porter atteinte à l’honneur de personne, mais il serait important que vous nous fassiez connaître quelles ont été les augmentations de rémunérations de M. Cirelli depuis qu’il est à la tête de Gaz de France et quels sont les enjeux personnels pour lui dans la fusion à venir. Certains dans les couloirs ont parlé de « golden très très chère » !

Nous avons besoin de réponses : M. Fillon a-t-il l’aval de la majorité ? M. Devedjian a-t-il évoqué une sorte de solution de repli par rapport aux termes actuels de notre débat ? Le président de GDF a-t-il des intérêts personnels dans la fusion ? GDF est une entreprise avec un actif considérable et des milliers d’employés, une entreprise qui remplit des missions de service public auxquelles nous sommes attachés, et je ne veux pas croire qu’il y ait des dissentiments au sein de la majorité sur la voie à suivre, ou qu’il y aurait en jeu des intérêts autres que l’intérêt général. Encore une fois, je ne fais aucun procès d’intention…

Plusieurs députés UMP – Mais non !

M. François Brottes - …mais il vous incombe de faire taire la rumeur.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie - M. Brottes doit savoir que nous sommes un parti où le débat existe. Même au cours de la discussion générale, plusieurs députés UMP ont fait valoir des arguments qui n’étaient pas ceux du Gouvernement. Le débat dans cette grande formation est vivant, et c’est tout à son honneur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). J’imagine d’ailleurs qu’au sein du parti socialiste, tous n’ont pas non plus le même avis sur tout !

Vous demandez si l’un ou l’autre a des intérêts personnels dans la fusion. Notre conviction, c’est que ce projet de loi est dans l’intérêt de tous les Français, que ces dispositions sont de nature à garantir la sécurité de leur approvisionnement en énergie. Nous en souhaitons donc la discussion : non seulement la discussion des amendements avant l’article premier, mais aussi celle des articles.

M. François Brottes - Nous ne sommes pas rassurés !

avant l'article premier

M. le Président – Nous en venons à la discussion des amendements 2343 à 2375, identiques.

M. Didier Migaud - Il est un peu regrettable que le ministre recoure à la méthode Coué plutôt qu’à des arguments convaincants ! S’il pense que ce projet de loi répond aux intérêts des Français, nous nous efforçons quant à nous de démontrer, par nos amendements, qu’il répond manifestement aux intérêts de quelques-uns, mais aucunement aux intérêts de Gaz de France, des consommateurs et des salariés.

Ce dossier dépasse d’ailleurs les clivages politiques, puisque l’opposition n’est pas la seule à s’opposer au texte. Des voix discordantes s’expriment dans votre majorité, et l’on ne peut que regretter la culture de démission et de soumission qui s’impose à l’UMP.

M. Franck Gilard - Reniement !

M. Didier Migaud - Reniement de qui ?

M. Franck Gilard - De Strauss-Kahn et de Fabius !

M. Didier Migaud – Reniement plutôt de M. Sarkozy et du Président de la République, qui avaient pris l’engagement de ne pas réduire la participation de l’État dans GDF à moins de 70 % !

M. Michel Bouvard - Vous avez vendu la CNR, un bien national !

M. Didier Migaud - Ces réactions montrent que certaines vérités sont bien gênantes pour vous, et cette gêne est compréhensible : devoir se soumettre aux consignes de silence n’est guère agréable pour un député qui se fait une haute idée de sa fonction ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) ! Je regrette d’ailleurs cette situation car cela nous empêche d’aller au fond des choses, et je suis même persuadé que, si vous aviez licence de vous exprimer, certains d’entre vous nous rejoindraient sur nos positions !

Mais venons-en à l’amendement 2343 qui pose pour principe que « le service public de l’énergie assure aux citoyens des tarifs péréqués et abordables ».

Sur cette question cruciale des tarifs, la directive européenne considère que les clients ont droit à un approvisionnement en gaz d’une qualité définie et d’un prix raisonnable, affirmation qui est certes sympathique, mais qui ne saurait dissimuler la dérive libérale et dogmatique de la Commission. En effet, la garantie d’un « tarif raisonnable » n’est qu’une belle intention, puisque l’essentiel est, pour la Commission, d’assurer un fonctionnement libre et non faussé du marché, grâce à la rencontre entre l’offre et la demande. Nous devrions donc nous en remettre à la « main invisible » du marché, prétendument raisonnable.

La réalité n’est, hélas, jamais conforme à la théorie libérale, en laquelle seuls croient encore les théoriciens : chacun a pu constater que le prix de l’électricité a explosé alors qu’il devrait être moins cher sur le marché libre. Ce matin même, Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, ancien conseiller du président Clinton, vice-président de la Banque mondiale et auteur d’Un autre monde, contre le fanatisme du marché, dénonçait à la radio le fiasco de la libéralisation de l’énergie aux États-Unis, qui a conduit à de gigantesques pannes de courant et à un scandale financier sans précédent.

M Stiglitz nous déconseille donc de privatiser GDF, opérateur public dont l’efficacité n’est plus à prouver. Écoutons-le et évitons les ravages causés par l’idéologie libérale, hélas illustrés par notre expérience en matière d’électricité : reconnaissez que la libéralisation du marché conduit inéluctablement à de fortes hausses des prix, particulièrement préjudiciables pour le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité de nos entreprises !

Pour tenter de nous rassurer, le Gouvernement se réfugie derrière le tarif réglementé, qui n’est, hélas, qu’un rideau de fumée et ne sera que transitoire. Comme le soulignait le rapport déposé en mai dernier par M. Lenoir, la CRE estime en effet qu’il sera extrêmement difficile de faire coexister un tarif régulé et des prix de marché, analyse confirmée par de nombreux opérateurs ainsi que par le président d’EDF.

C’est pourquoi l’amendement précise que le tarif offert à nos concitoyens devra être abordable. Nous établissons ainsi un lien entre le prix de l’énergie et le pouvoir d’achat, afin de garantir l’accès à l’énergie, que seule l’existence d’un tarif national peut assurer.

M. Jean Gaubert – Nous vivons dans un pays où l’on a pour particularité de refuser de se nourrir de l’expérience et où l’on croit que, si un système a échoué, ce n’est pas nécessairement parce qu’il est mauvais, mais plutôt parce qu’il a été mal appliqué.

Quand nous inspirerons-nous donc des exemples que nous offrent la Grande-Bretagne, le Canada ou la Californie ? Quand cesserons-nous de nous croire plus forts que les autres ? Chacun sait qu’en Norvège, par exemple, premier pays à avoir libéralisé l’énergie, les prix ont d’abord baissé, avant de remonter faute d’investissements suffisants de la part des opérateurs. Vous croyez pourtant que vous ferez mieux, grâce à un système théoriquement régulé par la CRE.

Or, qu’a déclaré cette dernière ? Que les prix ne peuvent qu’augmenter à l’avenir, ce qui signifie qu’elle ne cherchera pas à les tenir, au prétexte que la confrontation de l’offre et de la demande doit prévaloir.

M. Xavier de Roux - Expliquez-nous donc comment tenir ces prix !

M. Jean Gaubert – C’est oublier que la rencontre entre l’offre et la demande n’est satisfaisante que dans l’hypothèse où l’une croît en même temps que l’autre. Or on sait que l’offre énergétique augmente moins vite que la demande, les coûts d’extraction étant croissants.

Pour éviter cet écueil, l’amendement 2345 rappelle le principe de péréquation, qui existe depuis 1946, mais qui ne s’applique plus aujourd’hui qu’à la moitié du tarif pour les artisans. S’il existe déjà une différenciation, notamment en fonction des quantités achetées, ce phénomène s’accentuera lorsque les consommateurs, séduits par les sirènes des opérateurs, feront jouer le principe d’éligibilité : les prix pourront donc varier selon la distance.

Nous demandons, à l’inverse, le retour à un tarif complètement « péréqué et abordable », correspondant aux moyens financiers des consommateurs et au prix de revient de l’énergie.

M. Xavier de Roux - Mais comment le définir ?

M. Jean Gaubert - Cela fait cinquante ans que les entreprises publiques y parviennent !

M. Pierre Ducout - L’amendement 2346 tend à consacrer la spécificité des services publics en France, qui garantissent des tarifs péréqués et abordables, acquis fondamental que nous entendons défendre.

L’ouverture totale du marché de l’énergie, à laquelle conduira la transposition de la directive européenne, est en effet grosse de dangers, la direction de la concurrence de la Commission s’en tenant à une approche purement formelle, sans prendre en compte le fait qu’il n’existe pas en l’espèce de véritable marché.

Le rapporteur pour avis le disait clairement : « Il n’est pas certain que le marché de l’électricité fonctionne de façon concurrentielle et le manque de transparence des marchés de l’électricité et du gaz est souvent dénoncé ».

M. Michel Bouvard - Exactement !

M. Pierre Ducout - Je poursuis la lecture : « Lors de son audition par la commission des finances, le président de la CRE évoquait ainsi d’importants risques d’ententes et de manipulations des prix. »

La lettre de griefs de la Commission indiquait de même que le fonctionnement des marchés de l’énergie n’est pas nécessairement satisfaisant : une dizaine de marchés différents coexistent ainsi en Belgique du fait des variations entre les régions, les producteurs et les distributeurs.

Voilà pourquoi nous voulons rappeler en préambule de ce texte le principe de la péréquation tarifaire, qui est un élément essentiel de la solidarité territoriale.

La péréquation permet en effet à tous les Français, où qu’ils se trouvent sur le territoire, de bénéficier d’un prix sécurisé. Elle connaît des limites, en particulier pour le gaz, et il est nécessaire d’aller plus loin pour toujours mieux l’assurer dans toutes les régions.

Nous insistons aussi sur la nécessité de tarifs abordables. On sait qu’une entreprise privée, sur un marché d’oligopole, maximisera ses bénéfices et choisira les clients les plus rentables. Les tarifs abordables que la France a connus jusqu’à maintenant grâce au choix courageux du nucléaire et aux contrats à long terme – lesquels sont remis en cause par Bruxelles dans sa lettre de griefs au prétexte qu’ils entraveraient la libre concurrence – sont donc menacés de disparaître. Face aux risques que courent donc ces acquis fondamentaux que sont les tarifs péréqués et abordables, tant pour les particuliers que pour les entreprises, il n’est pas inutile de rappeler ce que doit être le service public de l’énergie.

M. Jean-Yves Le Déaut – L’amendement 2347 insiste justement sur ce qui est menacé par le démantèlement de Gaz de France. Cette année, une famille doit déjà payer son gaz 200 euros plus cher.

Plusieurs députés UMP – Ça ne veut rien dire !

M. Franck Gilard - 30 % d’augmentation sous Jospin !

M. Jean-Yves Le Déaut – Comment cela, ça ne veut rien dire ? La libéralisation des marchés a déjà fait sentir ses effets sur le prix du gaz, et maintenant, il faudrait rémunérer les actionnaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Bouvard - Le prix du gaz est déterminé par une formule mathématique !

M. le Président – Ce débat n’est pas un dialogue…

M. Jean-Yves Le Déaut – Mais je suis heureux que mes collègues s’expriment enfin ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Un seul d’entre eux est entré dans le débat de fond hier soir, c’est M. Piron.

Aujourd’hui, le coût de l’énergie augmente : c’est une donnée objective. Or, d’ici quelques années, nous n’aurons plus d’entreprise nationale dans le secteur de l’énergie : EDF aura été déstabilisée, Suez aura dû céder de nombreux actifs et Gaz de France aura été dépecé.

M. Michel Bouvard - C’est vous qui avez vendu la Compagnie nationale du Rhône à Suez !

M. Jean-Yves Le Déaut - Vous nous expliquez toujours que tout est de notre faute mais une chose est sûre : nous sommes pour le service public de l’énergie et vous êtes pour la privatisation.

M. Franck Gilard - Barcelone !

M. Jean-Yves Le Déaut - Barcelone, c’est l’ouverture, souhaitée par l’Europe, du marché pour les entreprises.

M. Michel Bouvard - Jospin revient !

M. le Président – M. Le Déaut défend son amendement et lui seul a la parole.

M. Jean-Yves Le Déaut – Mais je préférerais qu’on nous réponde ! La majorité est muette, sauf lorsque nous parlons ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) M. Couanau, lors de la discussion générale, a émis les mêmes réserves que nous. Il s’est exprimé en faveur d’un grand pôle public de l’énergie, qui permettrait de conserver des tarifs péréqués et abordables.

M. René Couanau - Vous nuisez à votre propre cause, remontez le niveau !

Mme Marie-Anne Montchamp - Ce n’est pas sérieux !

M. Jean-Yves Le Déaut - Ce pôle public de l’énergie, constitué de deux grandes entreprises nationales, EDF et GDF, serait un grand acteur européen. Au lieu de cela, vous avez pris prétexte de l’OPA d’Enel pour lancer une fusion qui n’a aucun intérêt industriel et n’améliorera pas notre accès aux ressources, comme vous l’avez vous-même admis. Ce pôle public pourrait desservir les entreprises à la fois en gaz, en électricité et en services. Vous préférez dépecer Gaz de France. De ce fait, vous pouvez être sûrs que, dans quelques années, les augmentations du prix du gaz seront bien plus fortes que celles qui sont simplement dues au marché.

À propos de dépeçage, en juillet, en commission, Jean-Claude Lenoir avait proposé un plan B…

M. Michel Bouvard – En la matière, vous avez des références !

M. Jean-Yves Le Déaut - Ce plan a fait long feu. Quant à M. Devedjian, il a souhaité ce soir même à la télévision que les infrastructures de transport ne soient jamais privatisées. Nous sommes donc dans une situation surréaliste.

Mme Marie-Anne Montchamp - C’est le moins qu’on puisse dire.

M. Jean-Yves Le Déaut - Cette fusion est tout simplement une erreur, et il faut au moins garantir des tarifs péréqués et abordables.

M. Xavier de Roux - Cela ne veut rien dire !

M. le Président – Monsieur Le Déaut, il faut conclure.

M. Jean-Yves Le Déaut - Après deux jours de débat, mes collègues de la majorité commencent à bouillir comme dans une marmite. Il est vrai que le président de leur groupe leur a demandé de ne pas s’exprimer (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Piron - C’est méprisant ! Ce n’est pas acceptable !

M. Jean-Yves Le Déaut – Nous voulons un pôle public de l’énergie qui évite à nos concitoyens de subir une flambée des prix.

M. le Président – Je crois qu’un petit rappel du Règlement est nécessaire. Lorsque des amendements sont identiques, ils sont présentés en commun et chacun des auteurs, qu’il y en ait deux ou trente-deux, peut s’exprimer – pour la série que nous sommes en train d’examiner, ils sont quatorze à être présents pour l’instant. Ensuite, je demanderai l’avis de la commission et du Gouvernement, puis vous pourrez vous exprimer dans les explications de vote.

M. François Brottes - Merci de ce rappel. J’aurais voulu m’adresser avant qu’il ne quitte l’hémicycle à M. de Roux, dont la suffisance manque parfois d’élégance (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Votre projet menace à la fois les tarifs péréqués et les prix abordables. Les tarifs péréqués, c’est la capacité que donne le service public de faire payer le même tarif à tout le monde sur l’ensemble du territoire.

M. Serge Poignant - Vous nous prenez vraiment pour des idiots !

M. François Brottes – Vous n’aviez certainement pas besoin de cette petite révision, Monsieur Poignant, mais tous nos collègues ne sont pas forcément des spécialistes du sujet. À côté des tarifs péréqués, il existe des prix libres, qui ont été plus intéressants à une époque mais sont devenus plus élevés – sachant que lorsqu’on a quitté les premiers, on ne peut plus y revenir. Le rapporteur va bientôt nous proposer une baisse des prix, mais qui sera financée par une augmentation du tarif réglementé. C’est une grave menace.

Quant au prix abordable, il est constitué d’éléments qu’il est exclu de ne pas prendre en compte : le coût d’approvisionnement (« Ah, enfin ! » sur les bancs du groupe UMP), celui du transport, du stockage et de la distribution. Selon la terminologie des directives européennes, il est donc « orienté vers les coûts ». Mais avec la privatisation de Gaz de France, vous rajoutez à ces coûts les dividendes et les rémunérations des actionnaires ! Les tarifs abordables sont donc, eux aussi, menacés d’une augmentation importante. C’est la raison pour laquelle je défends l’amendement 2349.

Par ailleurs, M. Auberger a souligné en commission des finances que, si le niveau de participation de l’État est fixé à 33,33 %, comme prévu par le Gouvernement, GDF ne pourra pas distribuer de stock-options puisque l’augmentation de capital qui en résulterait diminuerait mécaniquement la part de l’État dans le capital. Il a raison. M. le ministre devra donc tout à l’heure s’engager à ce qu’aucun plan de stock-options ne soit mis en œuvre dans le nouveau groupe car, dans le cas contraire, la part de l’État serait encore amoindrie.

M. Maxime Bono – Il est vrai, Monsieur le président, que nous assistons à un curieux débat. Cet après-midi, nous avons abordé des questions de fond dans un bon climat et voilà qu’en début de soirée, certains, qui ne se sont pas inscrits, souhaitent s’exprimer en dépit du Règlement, que vous avez bien fait d’ailleurs de rappeler.

M. Brottes a excellemment montré à quel point les tarifs péréqués sont menacés et mon amendement 2355 vise également à parer cette menace. Le projet de fusion que vous prévoyez entraînera la disparition de GDF et l’ouverture totale des marchés en 2007 suscite l’inquiétude des Français. Il faut donc leur donner des garanties. La péréquation n’étant jamais qu’une illustration du principe d’égalité, fondement du service public, la loi doit explicitement le mentionner.

M. Brottes a également bien montré comment le dispositif proposé rapprochera tarifs péréqué et libre, ce qui les rendra l’un et l’autre fort peu abordables.

M. le ministre a dit quant à lui que ce texte était attendu. Par qui ? La Commission n’en veut pas, pas plus que les actionnaires de Suez, une partie de votre majorité, les agents d’EDF, les cadres de GDF et les Français dans leur majorité. Pourquoi une telle précipitation alors que vous êtes bien seuls ?

M. Pierre Cohen – Depuis hier, nous essayons d’expliquer que le service public sera mis à mal par la privatisation de GDF. Nous nous sentons obligés d’établir point par point toutes les mesures selon nous indispensables pour le préserver.

M. le ministre a évoqué les augmentations de tarifs sous la précédente majorité. Elles s’expliquaient par la conjoncture (Murmures sur les bancs du groupe UMP) et par la hausse des matières premières (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Or, après la privatisation, il faudra compter en outre avec la rémunération des actionnaires. Que s’est-il donc passé ces six derniers mois, sachant que nous ne sommes plus dans le premier cas de figure, et pas encore dans le second ? Le coût du gaz ne justifie pas une hausse des profits de 1,4 milliard. Selon moi, vous avez accepté des augmentations de tarifs en vue de la privatisation de GDF. Vous savez fort bien que la négociation avec les actionnaires de Suez est particulièrement dure et que vous devez les appâter en montrant combien la mariée est belle.

En ce qui nous concerne, nous pensons que seul un pôle public permet de maîtriser les tarifs tout en assurant aux plus défavorisés un accès à l’énergie. Tel est le sens de mon amendement 2356.

Mme Claude Darciaux - Mon amendement 2357 vise aussi à ce que le service public assure aux citoyens des tarifs péréqués et abordables. Avec la fusion, vous priverez l’État de tout contrôle réel des politiques tarifaires et de la maîtrise de la politique énergétique nationale. Vous vous en remettez aux seules lois du marché au détriment de notre modèle social qui garantissait, à des tarifs abordables, l’accès de tous à des biens essentiels. Alors que le pouvoir d’achat est le problème numéro un des Français, ce sont eux qui paieront l’addition. Cette fusion ne pourra non seulement plus assurer à nos industriels des prix compétitifs, mais les consommateurs seront les grands perdants de la réforme, alors que la facture énergétique des familles a augmenté de plus de 30 % depuis 2002. Votre seule réponse ? Le désengagement de l’État et l’absence de contrôle de la politique tarifaire.

Mme Geneviève Gaillard – L’énergie n’est pas un bien comme les autres : c’est un bien essentiel qui doit être proposé aux consommateurs, aux usagers et aux industriels à des prix abordables. C’est le sens de mon amendement 2363. J’ai, hélas, l’impression que la majorité ne fait pas de différence entre secteurs public et privé alors que leurs règles ne sont pas les mêmes. Vous avez oublié que les Français mesurent parfaitement les effets de cette privatisation : ils savent que le prix de l’énergie augmentera, comme ont augmenté l’essence et les biens de consommation.

Ce que nous demandons, c’est un pôle public de l’énergie qui permette de proposer à nos concitoyens, comme aux industriels, des tarifs péréqués et abordables.

M. Philippe Martin - Je reprends l’amendement 2365 de Mme Génisson…

M. le Président – Mais Mme Génisson est là, cher collègue !

Mme Catherine Génisson - L’amendement 2365 est identique. La fusion que vous nous proposez va réduire à néant le rôle de l’État dans le maintien du service public, tant en matière de choix stratégiques qu’en matière de politique tarifaire. Nous avons tous reçu un jour ou l’autre des particuliers ou des industriels qui n’arrivent plus à payer leurs factures d’énergie. Dans ma circonscription, une entreprise papetière a dû fermer deux lignes de production – et licencier 400 personnes – à cause du coût de l’énergie.

M. Yves Simon - Et c’est avec GDF !

Mme Catherine Génisson - Il est donc indispensable que l’État puisse assumer sa fonction de régulation.

M. le Président – Mes chers collègues, je fais respecter le Règlement et tout le Règlement. Pour reprendre un amendement, il faut qu’il ait été défendu, puis retiré. Il m’est arrivé, dans ma jeunesse, de faire de la flibuste parlementaire, et je suis un tant soit peu expert en la matière. Vous avez choisi de déposer 31 amendements identiques : chacun doit être là pour exposer son amendement, faute de quoi celui-ci ne peut être défendu (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Ne vous fâchez pas : je ne fais qu’appliquer le Règlement.

M. Michel Vergnier - Le président s’est trompé !

M. François Brottes - Rappel au Règlement ! Le débat s’est jusqu’ici déroulé de manière courtoise et constructive, y compris avec le Gouvernement. Vous remarquerez, Monsieur le président, que les signataires d’un amendement ne s’expriment jamais tous sur celui-ci. De même, nous n’avons pas abusé des demandes de suspension de séance. Jusqu’à présent, la présidence a considéré que, lorsqu’un des signataires n’était pas en séance, un autre collègue pouvait défendre son amendement à sa place. Si la pratique change, ce qui est tout à fait dans vos prérogatives, notre comportement devra bien évoluer (« Chantage ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Je laisse toujours les débats se dérouler, et parfois bien au-delà de ce qu’autorise le Règlement, Monsieur Brottes. Je comprends évidemment que des collègues qui sont là mais ne se sont pas inscrits souhaitent intervenir, et je suis à la disposition de l’Assemblée. Mais quelles qu’aient pu être les pratiques antérieures, le Règlement est formel : il faut être là pour défendre ses amendements.

M. Jean Launay – Les tarifs, c’est à la fois le prix payé par l’usager et le coût pour le citoyen. C’est ainsi que la diminution du pouvoir d’achat des plus modestes est en partie due à l’augmentation de la facture énergétique.

Nous sommes attachés à la péréquation dans tous les domaines. Or elle ne pourra qu’être remise en cause si le démantèlement de GDF se confirme, car c’est alors la rémunération des actionnaires qui prévaudra. Il faut donc maintenir un pôle public de l’énergie, afin de garantir aux citoyens ces tarifs péréqués et abordables. L’amendement 2370 se fonde à la fois sur le service public tel que nous le concevons, et sur notre conviction que votre manœuvre va déréguler encore davantage un mécanisme de fixation des prix déjà complexe.

Mme Marylise Lebranchu - L’amendement 2371 est identique. J’avoue ne pas comprendre les protestations de nos collègues. Nous débattons d’un sujet grave, et la décision que nous prendrons sera irrévocable. Nous avons donc le devoir de nous poser les questions les plus importantes, à commencer par celle des prix. « Le problème consiste à convaincre l’opinion que le service public sera respecté, voire amélioré, par une entreprise composée majoritairement de capitaux privés. Cela n’aura-t-il pas des incidences sur le prix, dont dépendent les dividendes versés et sur la continuité du service public, qui nécessite des milliards d’euros d’investissements ? » C’est M. Auberger que je cite. Nul ne peut aujourd’hui assurer que la rémunération de l’actionnariat n’aura pas d’incidence sur la détermination des prix. On ne peut pas affirmer à la fois que l’on décide cette fusion pour trouver un actionnaire intéressé, donc bien rémunéré, et que les prix n’augmenteront pas, que le service public sera assuré et que les investissements seront maintenus au même niveau. Personne n’investit sans retour ni ne vend à perte ! L’actionnaire que vous cherchez n’existe pas, ou alors il ne peut être que public. Si l’actionnariat privé est majoritaire, nous n’aurons pas le pouvoir d’assurer à nos concitoyens que la rémunération de l’actionnaire passera après le service public. Ne nous moquons pas des Français : il existe un risque réel. Certains choisissent, en toute bonne foi, de le prendre parce qu’ils l’estiment mesuré. Pour notre part, nous pensons que ce risque est trop important pour être pris. N’oublions pas que ce sont les citoyens qui paieront les conséquences de notre décision ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. François Brottes - Sur le fondement de l’article 58, alinéa 3, du Règlement, je demande une brève suspension de séance pour réunir mon groupe, afin d’analyser les conséquences de l’évolution de la pratique de la présidence, cela sans remettre en cause, bien entendu, les termes du Règlement.

M. le Président – Je maintiens pour ma part qu’il n’y a pas eu d’évolution de la pratique.

La séance, suspendue à 22 heures 45, est reprise à 22 heures 55.

M. Michel Vergnier - Quel vent mauvais a soufflé cet été ? On avait cru comprendre, à la fin du printemps, que le Gouvernement avait renoncé à présenter son projet – un texte inabouti et sans majorité (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Quelques semaines plus tard, tout serait donc réglé ? Tout irait bien, alors que les sondages d’opinion montrent que le pays est vent debout contre ce texte ?

Je n’ose croire que vous avez sciemment décidé de sacrifier des pans entiers du territoire en libéralisant entièrement le secteur gazier au seul bénéfice des actionnaires. Les exemples ne manquent pourtant pas des dégâts causés, à l’étranger, par ces libéralisations et, en France même, les cas abondent de collectivités territoriales contraintes de trouver des solutions – les délégations de service public par exemple – pour compenser ce qui avait été fait et pour éviter que ces abandons ne soient fatals aux zones les plus fragiles. Mais il y a des départements riches et des départements pauvres, des régions riches et des régions pauvres, en bref des collectivités qui ont les moyens d’agir et d’autres qui ne les ont pas – et entre elles le déséquilibre est déjà terrible. Considérez-vous donc que l’on ne prête qu’aux riches ? L’archaïque indécrottable que je suis sans doute à vos yeux a, lui, la faiblesse de croire que le service public est le seul garant de l’égalité des chances. Voilà le sens de l’amendement 2375 : laisser un avenir aux zones les plus fragiles en faisant assurer par le service public de l’énergie des tarifs péréqués et abordables. Si ce n’est plus le cas, comment les entreprises installées dans ces zones et qui, confrontées aux pires difficultés, s’accrochent par patriotisme, pourront-elles continuer de se refuser à délocaliser leurs activités ? Il faut admettre que, sur tous les bancs, des erreurs ont été commises et, pour ne pas les répéter, adopter l’amendement, sans quoi il sera trop tard ; le mal aura été fait, et l’on ne pourra revenir en arrière.

M. Philippe Martin - Merci, Monsieur le président, de convenir que l’esprit compte autant que la lettre en me donnant la parole. S’il fallait s’en tenir à la lettre, nous ne serions d’ailleurs pas ici car M. Sarkozy aurait été pris au mot lorsqu’il déclarait dans cet hémicycle, la main sur le cœur, il y a deux ans à peine, que jamais Gaz de France ne serait privatisé. En outre, je sens bien,ce soir, que nos collègues de l’UMP ont envie de se lâcher et de participer à nos débats, après que nous les avons convaincus de la pertinence de nos amendements… (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des financesPince-sans-rire !

M. Philippe Martin - Aujourd’hui même, à Rennes, le ministre de l’agriculture vient d’annoncer qu’en vue de compenser la flambée des prix de l’énergie, l’État allait continuer de rembourser 90 % de la taxe sur le gaz naturel acquittée par les agriculteurs, ce qui représente une charge de 140 millions pour le budget de l’État. Cette annonce illustre l’importance de l’intervention publique pour rendre supportables les coûts de l’énergie. Si demain, après la privatisation, les actionnaires sont libres de fixer les prix comme ils l’entendent, c’est encore au contribuable que l’on demandera de compenser la facture. Intervenir à bon escient, réguler, compenser les fluctuations de tarifs : tel est le rôle de la puissance publique tel que nous l’entendons. C’est pour le garantir que l’adoption de notre amendement s’impose absolument. Et nous souhaitons, je le redis, que nos collègues de l’UMP prennent enfin part à nos travaux !

M. Gilles Cocquempot - J’ai sous les yeux un tableau du Nouvel Observateur selon lequel le cumul des chiffres d’affaires de Gaz de France et de Suez en 2005 représente 63,9 milliards, cependant que celui des bénéfices d’EDF et de Gaz de France s’établit à 63,4 milliards, soit un montant un peu inférieur. Dès lors, je ne vois pas pourquoi la fusion entre EDF et Gaz de France serait impossible. Derrière notre amendement, il y a, on l’aura compris, la volonté d’édifier un pôle énergétique public très fort, que l’entité réunifiée EDF-Gaz de France aurait naturellement vocation à constituer. J’ai lu la lettre de griefs, dans une version édulcorée mais tout de même explicite. La phrase de conclusion semble suggérer qu’une fusion entre EDF et Gaz de France poserait problème à la Commission européenne. Pourtant, en droit, rien ne la rend impossible par principe et, selon certaines analyses, un tel projet ne serait probablement pas soumis à l’accord de Bruxelles dans la mesure où le chiffre d’affaires de chacune des entreprises est essentiellement réalisé en France. Au surplus, les résultats respectifs des deux entités ne seraient pas forcément cumulés dans la mesure où elles agissent dans des domaines distincts.

Ces différents éléments conduisent à considérer que l’interprétation a priori des règles applicables par les différentes institutions et juridictions communautaires doit être menée avec prudence. Les cessions exigées dans le cadre d’une fusion EDF-Gaz de France ne seraient pas forcément supérieures à celles qui pourront être demandées en cas d’alliance entre Gaz de France et Suez. Au reste, selon les administrateurs de Gaz de France, le président Cirelli n’a pas voulu dire dans quelles conditions il comptait engager les négociations avec Bruxelles à ce sujet.

Sur ce point comme sur plusieurs autres, c’est donc dans le brouillard que l’on demande au législateur de se prononcer, sur des choix qui engagent la stratégie énergétique de notre pays pour le long terme.

Mme Geneviève Gaillard - Très bien.

M. Patrick Roy - Le sens de notre amendement, c’est de garantir aux consommateurs des tarifs péréqués et abordables. Tout à l’heure, le ministre a indiqué que le service public devait être modernisé en vue d’être efficace. Nous en sommes tout à fait d’accord, sous réserve que les changements induits ne lèsent pas nos concitoyens, dans un contexte de baisse chronique du pouvoir d’achat liée à l’explosion des prix de l’énergie. Élu du Nord, je connais bien les conséquences désastreuses de la déréglementation sauvage qui a frappé le Royaume-Uni. Est-ce le modèle à suivre ?

La logique du privé, c’est d’assurer des dividendes aux actionnaires. À cet effet, les tarifs augmentent et les ménages les plus modestes souffrent encore plus cependant qu’une minorité s’enrichit. Dois-je rappeler que le nombre d’érémistes continue d’augmenter et que l’écart entre les plus riches et les pauvres augmente ? Dès lors, il est impératif de préserver la péréquation et de faire en sorte que les tarifs proposés restent supportables et tel est le sens de notre amendement.

Enfin, je tiens à rendre hommage au respect que Gaz de France a toujours manifesté envers l’ensemble des territoires, qu’ils soient ou non considérés comme rentables a priori. La donne changera radicalement lorsque le privé aura pris les rênes : les zones les moins directement rentables seront abandonnées et la solidarité territoriale n’existera plus.

M. Henri Nayrou - M. Sarkozy avait raison de promettre, le 15 juin 2004, que jamais la participation de l’État au capital de Gaz de France ne descendrait en dessous de 70 %. C’est qu’il connaît bien les vallées perdues de notre territoire ou de nos zones de montagne, où la solidarité territoriale doit s’exercer lorsque les opérateurs ne manifestent pas un empressement particulier à les desservir ! Vous aurez compris l’ironie de mon propos. Tous les députés des zones rurales mesurent chaque jour ce qu’apporte la péréquation et les autres mécanismes de solidarité territoriale dont l’État est le garant. Or, pour avoir voix au chapitre, l’État doit rester majoritaire dans le capital des entreprises chargées de la fourniture des services universels. C’est une vérité d’évidence, que M. Sarkozy avait raison de rappeler fortement.

M. Michel Vergnier - Aujourd’hui, il a tout faux !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques – Je relis l’amendement en discussion : « Le service public de l’énergie assure aux citoyens des tarifs péréqués et abordables. » Permettez-moi de dire d’abord qu’en ne faisant référence qu’aux « citoyens », vous excluez une part importante des consommateurs… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Brottes - Pour nous, les entreprises aussi sont citoyennes !

M. le Rapporteur – Il y a là une forme de discrimination sur laquelle j’appelle l’attention de l’Assemblée. Vous auriez pu parler simplement de clients, comme EDF et Gaz de France le font depuis belle lurette. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Ensuite, les tarifs péréqués ne sont pas remis en cause…

M. François Brottes - Cela ne va pas durer !

M. le Rapporteur - Pour l’électricité, c’est une péréquation nationale, avec des tarifs d’acheminement identiques sur l’ensemble du territoire. Pour le gaz, la péréquation, conformément à la loi de 1946, obéit à un zonage, avec cinq zones déterminant des prix différents.

Un de nos collègues n’a pas bien saisi la loi de 2004…

M. Maxime Gremetz - Nous vous écoutons, Monsieur le professeur !

M. le Rapporteur – Il a affirmé que, pour les artisans, la péréquation ne jouait que pour l’acheminement et non pour la fourniture. C’est une erreur : la loi de 2004 a modifié la loi de 2000, que la majorité socialiste et communiste avait votée, pour instaurer un tarif national pour les professionnels. Ce tarif national est en vigueur aujourd’hui.

M. Maxime Gremetz - Aujourd’hui ! Mais demain ?

M. le Rapporteur – D’une façon générale, les interventions montrent une confusion entre les tarifs et les prix…

M. Alain Bocquet - La facture est la même !

M. le Rapporteur - Le tarif est régulé par l’autorité publique, à savoir le ministre. Pour le tarif d’acheminement, cela se fait sur proposition du régulateur, reprise par le ministre ; pour le tarif de fourniture, il est fixé par le ministre, après avis du régulateur.

M. Maxime Gremetz - Pas quand ce sera privé !

M. le Rapporteur – Quel que soit le caractère, public ou privé, de l’opérateur.

M. Maxime Gremetz - Merci, Monsieur le professeur !

M. le Rapporteur - Monsieur le président, je vois que M. Gremetz a fait un bon repas, mais il conviendrait qu’il cesse de m’interpeller.

M. Maxime Gremetz - Mon repas était sans doute moins bon que le vôtre ! Nous n’avons pas été invités par le Président de l'Assemblée nationale, nous !

M. le Rapporteur – Le groupe privé Suez-GDF sera soumis aux mêmes conditions de régulation. Les tarifs régulés resteront les mêmes pour le client qui aura choisi de rester au tarif. En revanche, pour les prix, des propositions privées seront faites au client qui décidera de quitter le tarif pour entrer sous le régime d’un autre contrat. Il faut éviter d’entretenir la confusion, et informer les consommateurs…

Quant aux tarifs « abordables », ce sont les tarifs d’acheminement et de fourniture tels que fixés par l’autorité publique. Cet été, ils ont été augmentés de 1,7 %…

M. François Brottes - Le 15 août !

M. le Rapporteur – La dernière augmentation remontait à 2003.

M. le Ministre délégué – J’arrive avec des chiffres…

M. Maxime Gremetz - La leçon continue !

M. le Ministre délégué – MM. Brottes, Gaubert et Migaud nous ont expliqué comment fonctionnait le système des tarifs en France, en disant que les tentatives de privatisation faites aux États-Unis avaient eu des résultats exécrables. Or, aux États-Unis, en même temps que des privatisations ont eu lieu dans certains États, sont intervenues des sur-régulations qui ont imposé des prix bas, en conséquence desquels les entreprises ont cessé d’investir. De sorte qu’au final, en raison des sous-capacités induites, les prix ont augmenté.

M. Maxime Gremetz - C’est la loi du marché !

M. le Ministre délégué – Notre dispositif est, quant à lui, suffisamment élaboré pour que la régulation se fasse dans de bonnes conditions. Nous avons une CRE, dont vous avez signalé qu’elle disait parfois que les prix ne sont pas suffisamment élevés, preuve s’il en était besoin que le Gouvernement sait prendre les décisions qui conviennent pour que les prix restent abordables.

Passer au privé entraînerait une rémunération du capital qui n’existerait pas dans le public, dites-vous.

M. François Brottes - C’est l’appât du gain !

M. le Ministre délégué – Or, GDF verse déjà un dividende. Sur l’exercice 2004, celui-ci a été de 460 millions d’euros, et en 2005 de 680 millions d’euros.

M. Maxime Gremetz - On a compris : privatisons tout !

M. le Ministre délégué – Regardons à présent ce qui se passe chez nos voisins européens, qui sont soumis aux mêmes directives. Si le privé était plus cher que le public, cela devrait se voir dans les chiffres. Voyons le prix moyen domestique pour l’électricité, pour un foyer qui consomme 3 500 kilowattheures annuels. En France, ce prix est respectivement de 421 euros. En Allemagne, où règne le privé, il est de 641 euros. Mais en Angleterre, autre pays ayant privatisé, il n’est que de 357 euros.

M. Alain Bocquet - Évidemment, c’est tout le temps coupé ! (Rires)

M. le Ministre délégué - Ça marche quand même la plupart du temps. Mais si vous voulez me faire dire que c’est mieux chez nous qu’en Angleterre : oui, et ça le restera !

Dans un autre pays resté public, l’Italie, ce prix est de 763 euros (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Votre démonstration est donc contredite par les chiffres.

En ce qui concerne le gaz, je prends le prix moyen industriel d’une consommation annuelle de 41 860 gigajoules. En France, il est de 346 000 euros, en Angleterre de 385 000 euros, en Allemagne de 485 000 euros. Ces deux derniers pays, qui ont privatisé, sont donc plus chers que la France, mais en Belgique, ce prix est de 298 000 euros…

M. Alain Bocquet - Ils payent au noir !

M. le Ministre délégué - …avec un opérateur entièrement privé qui s’appelle Suez. Voilà la réalité, elle ne corrobore pas vos arguments. C’est pourquoi je vous demande de ne pas voter ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Brottes - Heureusement que l’Italie a la France pour lui fournir de l’électricité ! Ensuite, le prix moyen ne veut rien dire, parce qu’en matière de desserte du territoire, de qualité de service, les situations sont incomparables. En France, nous avons pour réguler l’offre et la demande d’énergie le système EJP. Cette pratique, qui consiste à atténuer l’impact des périodes de pointe avec le concours des industriels, est propre à notre pays, ce qui réduit sensiblement l’intérêt des comparaisons internationales. Autre spécificité, la façon dont nous assurons la desserte de certaines régions, le Massif central par exemple, ou encore les Pyrénées et la Corse.

S’agissant de la situation actuelle aux États-Unis, c’est bien parce que l’ensemble du réseau a été privatisé que la situation est si catastrophique : les difficultés ne tiennent pas à une régulation inefficace, mais aux excès de la libération. Pourquoi voudrions-nous donc nous défaire d’un système qui marche si bien dans notre pays ?

M. Maxime Gremetz - Tout le monde le reconnaît !

M. François Brottes – Au Canada, par exemple, on a dû réinstaurer un tarif réglementé qui s’applique à un volume prédéfini d’énergie, volume au-delà duquel la liberté des prix peut jouer. Au lieu de suivre cet exemple intelligent, qui combine tarif et prix, vous voudriez instaurer une séparation stricte ces deux éléments, en vous contentant d’offrir un tarif de retour dont le seul effet sera la hausse du tarif réglementé. Vos bricolages vont nous précipiter dans une situation inextricable !

Et puisque vous nous reprochez de nous gargariser de mots dépourvus de tout rapport avec la réalité, répondez à cette question : qui avait écrit dans un rapport que, selon M. Sarkozy, l’engagement de ne pas privatiser GDF n’était pas remis en cause ? Que, selon M. Ollier, l’amendement tendant à empêcher les investisseurs privés de disposer d’une minorité de blocage préserverait la maîtrise de l’État sur les décisions de l’entreprise ? Et enfin que ce même amendement assurerait une protection supplémentaire ? C’est… Jean-Claude Lenoir !

M. Jean Dionis du Séjour - Une fois encore, le parti socialiste fait de l’obstruction (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Nous avançons au rythme de trente amendements à l’heure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Je suis surpris que M. Brottes, Mme Lebranchu ou encore M. Gaubert se prêtent à ce jeu ridicule !

Les amendements qui ont été défendus sont en effet inutiles : aux termes de l’article premier de la loi du 9 août 2004, EDF et GDF contribuent déjà à la péréquation nationale, notamment grâce à la péréquation nationale des tarifs de vente de l’électricité au consommateur domestique, l’harmonisation des tarifs pour le gaz et la péréquation des tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution. La péréquation est d’ores et déjà inscrite dans la loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Quant au prix « abordable » de l’électricité, vos amendements se contentent de formuler des vœux pieux ! Mieux vaudrait transposer l’article 3, alinéa 3, de la directive européenne, comme l’ont déjà fait certains de nos voisins – je cite : « Les États membres veillent à ce que tous les clients résidentiels bénéficient du service universel, c’est-à-dire du droit d’être approvisionnés, sur leur territoire, en électricité d’une qualité bien définie, et ce à des prix raisonnables, aisément comparables et transparents ».

M. Maxime Gremetz - Des prix raisonnables !

M. Jean Dionis du Séjour – Oui, mais vous vous contentez de l’énoncer, contrairement aux amendements que l’UDF a déposés à l’article premier et auxquels nous aimerions bien arriver ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Serge Poignant – Étant de formation scientifique, j’ai l’esprit cartésien, et j’avoue que je suis perdu. Vous parlez de débat, mais vous refusez de débattre vraiment. Vous nous forcez à répéter mille fois les mêmes vérités, et ce que vous proposez figure déjà dans les lois en vigueur !

Nous n’avons examiné que 350 amendements, et le pire reste à venir. Certes, il y a matière à débat, et les enjeux sont de taille, mais nous n’en finirons jamais si vous continuez ainsi ! Il faudra que vous en assumiez les conséquences ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Didier Migaud - Qu’est-ce que ça veut dire ?

M. François Asensi - Le droit d’amendement est garanti par la Constitution, et nous l’utilisons pour éclairer le Parlement. Notre pays va-t-il conserver la maîtrise de son énergie ? Allons-nous assurer à chaque Français un égal accès aux ressources ? Voilà nos questions. Nous sommes dans notre rôle et nous y passerons le temps qu’il faudra.

Je voudrais souligner que les propos que le ministre a tenus sur les États-Unis sont bien spécieux : les pannes en Californie seraient dues, selon lui, à une baisse trop importante des prix, qui aurait empêché par la suite les entreprises d’investir. J’ai pourtant entendu M. Stiglitz, prix Nobel d’économie, expliquer le contraire ce matin : les faillites qui ont été constatées résultent au contraire d’une hausse considérable des prix de l’énergie !

S’agissant maintenant de la péréquation, vous nous dites que son principe est déjà inscrit dans le projet de loi…

M. Jean Dionis du Séjour - Et dans les textes en vigueur !

M. François Asensi - Faut-il rappeler que la loi de 2004 contenait la promesse que la part de l’État ne tomberait pas en dessous de 70 % ? On sait ce que deviennent les lois quand vous voulez les changer ! C’est pourquoi nos amendements visent à consacrer le principe de péréquation, qui garantira à tous nos concitoyens un accès égal à l’énergie.

Quant aux résultats de GDF, un communiqué de la CGT nous indique que le résultat d’exploitation a augmenté de plus de 40 %, passant de 1,2 à 1,7 milliard d’euros cette année, grâce à la progression de la marge sur le prix du gaz. Voilà ce qui se cache derrière votre projet ! Et vous allez pousser à la hausse les tarifs en les alignant sur les prix libres du marché, afin d’augmenter encore les résultats financiers de GDF ! Votre « rupture » ne consiste qu’à se fondre dans la mondialisation. Ce que nous voulons, nous,c’est préserver la cohésion sociale et l’héritage culturel qui a donné à ce pays un service public utile et indispensable (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Alain Bocquet - Je voudrais faire un rappel au Règlement. J’invite d’abord mes collègues à se rendre dans le bureau du président Ollier pour y lire la fameuse lettre de griefs de Bruxelles, dont 133 feuillets sur 195 sont noircis. On pourrait presque dire que sur certains de ces feuillets, « le noir » est partout ! (Rires) Quoi qu’il en soit, on ne peut rien y comprendre et je réclame à nouveau que l’Assemblée puisse disposer d’une version intégrale pour délibérer en toute connaissance de cause.

Ensuite, nous avons beaucoup entendu parler d’un ministre de l’intérieur, ancien ministre de l’économie et des finances, autrement dit « Monsieur 70 % ».

Il serait souhaitable qu’il vienne dans cet hémicycle donner une version actualisée de la participation publique dans le capital de Gaz de France, accompagné d’ailleurs de M. de Villepin : le Premier ministre ne peut pas rester silencieux dans un tel débat.

Enfin, il faut bien noter que les députés de la majorité opposés à ce texte – même si certains anciens ministres comme MM. Devedjian ou Daubresse, qui s’y disent opposés sur certains tréteaux, ne sont pas présents ici – sont presque aussi nombreux, et proportionnellement en tout cas mieux représentés, que ceux qui le défendent ! J’ai bien compris dans les propos irrités de M. Poignant que la fatigue allait augmentant. Je me tourne donc vers le président afin qu’il puisse vérifier le quorum. 

M. le Président – Je suis saisi par le président du groupe communiste et républicain d’une demande faite en application de l’article 61, alinéa 2, du Règlement, tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur les amendements 2343 à 2375. Je constate que le quorum n’est pas atteint. Compte tenu de l’heure, je vais renvoyer ce vote à la prochaine séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu demain, mercredi 13 septembre, à 9 heures 30.
La séance est levée à 23 h 50.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Retour au haut de la page

ordre du jour
du MercreDI 13 SEPTEMBRE 2006

NEUF HEURES TRENTE - 1re SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au secteur de l'énergie (no 3201).

Rapport (no 3278) de M. Jean-Claude LENOIR, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Avis (no 3277) de M. Hervé NOVELLI, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

QUINZE HEURES - 2e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE - 3e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

© Assemblée nationale