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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du mercredi 13 septembre 2006

Séance de 15 heures
5ème jour de séance, 12ème séance

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann
Vice-Président

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La séance est ouverte à quinze heures.

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énergie (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie.

AVANT L'ARTIcle Premier (suite)

M. le Président – Nous en venons à l’examen des amendements identiques 5700 à 5732.

M. Christian Bataille – L’amendement 5701 pose le principe de régulation du secteur de l’énergie, en rappelant que l’État peut imposer des obligations de service public aux opérateurs, comme l’avait d’ailleurs souligné en 2003 le ministre de l’économie et des finances.

Si nous avons créé en 2000 un régulateur, la CRE, nous avons veillé à limiter ses pouvoirs, car il nous semble que le Gouvernement et le Parlement doivent jouer tout leur rôle en dépit de la mode regrettable des instances prétendument indépendantes. Or, la CRE n’a pas cessé d’étendre ses pouvoirs, allant même jusqu’à outrepasser la mission qui lui était confiée : celle de veiller à la transparence du marché et à la régularité des opérations sans se substituer au pouvoir politique.

L’amendement 5701 tend donc à rappeler que, dans notre République, le dernier mot doit rester à la puissance publique.

M. François Brottes – Je précise tout de suite que nous ne serons que deux à intervenir sur ces amendements, car la pluralité de nos interventions ne tient qu’à la complémentarité de nos points de vue dans certains cas. Il n’est donc pas toujours nécessaire que tous les auteurs des amendements s’expriment.

M. Serge Poignant - Vous voilà devenu raisonnable !

M. François Brottes – L’amendement 5707 tend à consacrer la notion de subsidiarité, en précisant que les États conservent leur capacité de fixer des obligations de service public et des tarifs réglementés, approche qui vaut d’ailleurs non seulement pour le secteur de l’énergie mais aussi pour les transports, le courrier et les télécommunications. Ce problème concerne non seulement le présent texte, mais son contexte. En effet, M. Barroso vient d’indiquer son intention d’étendre la régulation de l’énergie à l’échelle du continent, où seuls quatre ou cinq opérateurs devraient subsister selon lui. Il s’agirait donc de casser les monopoles et les oligopoles nationaux avant de construire un nouveau système. J’aimerais connaître votre position sur ce sujet, Monsieur le ministre, puisque j’ai appris que vous avez fait part de certaines observations à M. Barroso

La situation du secteur postal offre à cet égard un parallèle intéressant. Si la Poste a été mise en concurrence dans la plupart de ses métiers, elle conserve encore un « secteur réservé », les lettres de moins de 50 grammes, ce qui autorise la péréquation des tarifs : l’existence d’un marché captif lui permet en effet d’étaler la charge sur l’ensemble du territoire et de vendre le timbre au même prix partout.

Or, qu’entend faire la future directive postale de 2009 ? Supprimer ce « secteur réservé » ! Dans chaque domaine, la Commission souhaite démanteler tous les filets de sécurité qui permettent une péréquation des tarifs ! Neuf opérateurs postaux européens, qui desservent plus de 50 % de la population de l’Union, viennent donc d’appeler la Commission à adopter une démarche plus équilibrée dans l’élaboration de la future directive. Où en sommes-nous en effet ? Sur la base d’une étude prospective qui vient d’être publiée et dont nous regrettons l’absence dans le secteur de l’énergie, la Commission européenne présentera avant le 31 décembre 2006 un rapport au Parlement et au Conseil, qui devra être assorti d’une proposition confirmant la date de 2009 pour l’achèvement de l’ouverture des marchés postaux ou définissant une autre étape. Qu’est-ce à dire ? Que, dans la mesure où l’étude constate que l’ouverture du marché aura un impact significatif sur le prestataire du service universel – la Poste en l’occurrence, mais plus tard aussi bien GDF ou EDF – ainsi que sur le service universel lui-même, elle conclut à la nécessité de mettre en place des mesures spécifiques d’accompagnement destinées à assurer la pérennité du service universel dans un environnement libéralisé. Or, de quoi s’agirait-il ? De réduire la densité des bureaux de poste, d’aligner les coûts salariaux de l’opérateur historique sur ceux de ses concurrents, de limiter l’offre de service public universel afin d’en réduire le coût, et enfin d’en augmenter le prix pour les petits utilisateurs. Voilà ce que dit l’étude, voilà ce que risque de proposer la Commission.

Il y a donc péril en la demeure : le tarif unique du timbre sera supprimé en 2009, et nous ne pourrons plus assurer de péréquation en faveur des usagers les plus modestes si la Commission supprime le seul mode de financement efficace du service universel, c’est-à-dire la préservation d’un monopole dans le « secteur réservé ». Voilà ce qui arrivera en 2009 dans le domaine postal, et bientôt dans le secteur de l’énergie, et vous ne pourrez pas dire que vous ne le saviez pas ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques – La commission a repoussé ces amendements, car leur rédaction est insatisfaisante. Comme je le rappelais ce matin, l’article 34 de la Constitution nous impose en effet de fixer des règles précises et non d’énoncer des assertions générales sans portée juridique.

M. François Brottes - Répondez plutôt sur le fond !

M. le Rapporteur – Si j’ai écouté avec intérêt les propos de M. Bataille, je me permettrai de le renvoyer aux explications que j’ai déjà fournies hier.

Quant à l’intervention de M. Brottes, je rappelle que nous examinons depuis lundi des amendements déposés avant l’article premier. Au rythme actuel, nous n’arriverons pas à examiner cet article avant quinze jours. Voilà à quoi nous contraignent les manœuvres de l’opposition !

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Il fallait effectivement le rappeler !

M. le Rapporteur – Je constate toutefois que la source commence à se tarir : si vous avez d’abord commencé à parler de GDF, ce qui n’était pas illégitime, vous évoquez de plus en souvent EDF…

M. Christian Bataille - Rappelez-nous le titre du projet de loi !

M. le Rapporteur - …et vous passez maintenant au secteur postal. J’ai donc quelques inquiétudes : allez-vous demain nous donner lecture du bottin, puis des cartes postales que vous avez échangées pendant les vacances ? Vous allez finir par nous lire des dépliants touristiques ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Plusieurs députés du groupe UMP – Très bien !

M. François Brottes - C’est une honte !

M. le Rapporteur – Vos interventions sont donc en décalage total avec le texte dont nous débattons et j’appelle la majorité à repousser à l’unanimité les amendements du groupe socialiste ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie  Vous pourrez lire sur le site internet du ministère le Mémorandum de la France pour une relance de la politique énergétique européenne dans une perspective de développement durable.

S’agissant du secteur postal, j’ai pris bonne note que M. Brottes était opposé au projet de directive européenne que la Commission déposera en … 2009. Il a bien de la chance d’avoir connaissance d’un texte dont j’ignore encore tout ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Daniel Paul - On nous accuse sans cesse de freiner les débats (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP). Ce reproche n’est pas seulement excessif, il est mensonger !

Plusieurs députés du groupe UMP – Quel culot !

M. Daniel Paul – Nous avons effectivement déposé un certain nombre d’amendements, mais c’est que le texte est très dense. Excusez du peu : en 17 articles, vous privatisez une entreprise publique, qui plus est dans le domaine énergétique, alors que l’on connaît la raréfaction et la cherté des ressources fossiles, l’effet de serre et la hausse des prix ! La moindre des choses serait d’y regarder de plus près. M. le ministre a indiqué tout à l’heure que les principales réserves planétaires de gaz se trouvent en Russie, en Iran et au Qatar. Or, dans ces trois pays, les entreprises gazières sont largement sous contrôle public. Et c’est dans un tel contexte que nous, pays consommateur, démuni de ressources gazières, nous nous apprêtons à privatiser nos outils énergétiques !

M. le Ministre – Il n’y a plus de gaz à Lacq ! C’est fini !

M. Daniel Paul – Raison de plus pour ne pas plonger dans le gouffre, pour refuser le « big bang », comme on dit, et conserver la maîtrise de GDF ! Mais cette opération vient de loin : vous avez commencé par décrier le service public, et aujourd’hui, vous agissez. Quelques milliers d’amendements sur 17 articles qui impliquent la privatisation de GDF, l’ouverture à la concurrence, la mise à mal des réseaux ? Mais certains textes comportent des dizaines d’articles qui contiennent bien moins que cela ! Il est donc essentiel de défendre ces amendements.

L’entreprise Duralex, qui fabrique des verres, se trouve dans la circonscription de mon collègue André Gerin. Elle a choisi de quitter le système des tarifs régulés et le coût du kilowatt a augmenté de 175 % ! La voici en péril. L’entreprise Yara, voisine de ma circonscription, fabrique quant à elle de l’ammoniaque. Le gaz représentant 87 % du coût de production contre 8 % pour les salaires, l’abandon du tarif régulé a entraîné une hausse des coûts de 50 %, et 130 emplois sont menacés. Voilà ce que nous nous devons d’expliquer ! Et vous voudriez que l’on se privât de la possibilité de démontrer la nocivité de votre décision ! Nous continuerons tant que vous ne reconnaîtrez pas cette évidence, tant que vous vous obstinerez, pour des raisons dogmatiques, à affirmer contre toute évidence que les règles du marché sont les meilleures, dans le secteur de l’énergie.

Votre bilan, Monsieur le rapporteur, n’en est pas un. Vous vous êtes contenté de réunir les différents acteurs sociaux, vous les avez écoutés, mais vous n’avez tiré aucun bilan. Or c’est cela, précisément, que nous vous demandons. Nous continuerons donc à vous poser les questions qui nous semblent pertinentes.

M. François Brottes – Je suis indigné par les propos de M. le rapporteur. Comme il ne sait ni ne veut répondre sur le fond, il n’a de cesse de dire : « obstruction ! », « obstruction ! » – à la différence notable de M. le ministre – et quand il en a assez, il tente de ridiculiser ou de caricaturer notre argumentation. Je le répète : nous ajustons nos propos en fonction de la nature des amendements. J’ai dit tout à l’heure que nous ne serions que deux à prendre la parole sur cette liasse d’amendements, et voilà que M. le rapporteur ridiculise notre exposé ! Ce n’est pas convenable. Je vous répète que l’engagement d’élaborer rapidement une directive sur les services d’intérêt économique général a été pris en 2002 à Barcelone ; or, l’énergie, la Poste, les télécommunications en font partie. L’Union et la Commission européennes régulent en outre ces secteurs d’une manière le plus souvent identique. La différence, c’est que le démantèlement et la dérégulation sont plus avancés dans certains que dans d’autres. Le parallèle avec le secteur postal se justifie donc tout à fait.

Monsieur le ministre, je tiens à votre disposition le communiqué de presse que j’évoquais, signé par la Poste, secteur dont vous avez la tutelle.

Compte tenu de l’attitude de M. le rapporteur, je vous demande une suspension de séance, Monsieur le président.

Les amendements 5700 à 5732, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
La séance, suspendue à 15 heures 25, est reprise à 15 heures 30.

M. le Ministre – Les diverses interventions qui ont lieu avant la suspension de séance m’amènent à rappeler que la raison essentielle pour laquelle nous siégeons est de définir les modalités qui nous permettront de garantir à nos compatriotes le maintien de tarifs régulés pour le gaz et pour l’électricité après l’ouverture compète de ces marchés. Si nous ne faisons rien, le vide juridique dans lequel nous nous trouverons le 1er juillet 2007 empêchera que des tarifs régulés puissent demeurer, ce que nous ne voulons pas. C’est ce que nous ne cessons de dire depuis cinq jours qu’a commencé ce débat, cinq jours au cours desquels treize amendements ont été discutés, avec talent parfois, imagination toujours. Cela est très bien, mais il faut maintenant en venir plus vite au cœur du sujet, pour inscrire dans la loi que les tarifs régulés demeureront.

Le deuxième objet de nos débats est l’avenir de Gaz de France. Il s’agit de savoir comment faire puisque GDF ne possède pas de champs gaziers, pour lui permettre de nouer les partenariats qui lui permettront de remplir ses missions de service public. Ce sont là les deux seules questions dont nous devons débattre. Mais il nous faut auparavant venir à bout des 4 000 amendements déposés par l’opposition avant l’article premier. Dans l’intérêt des Français, je demande que, dans un esprit de responsabilité, le cours du débat s’accélère (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Brottes – L’esprit de responsabilité est une chose, le devoir d’honnêteté en est une autre. Je comprends que vous tentiez de recadrer le débat à votre avantage, Monsieur le ministre, mais je me dois de rappeler que le vide juridique auquel vous avez fait allusion aurait pu être comblé par la loi de 2004. Le Gouvernement de l’époque n’en a rien fait. Il est exact qu’il y a urgence à transposer la directive, et nous avons, en commission, voté certaines dispositions en ce sens. Mais par le voile de la transposition vous recouvrez la privatisation de GDF, qui est votre objectif véritable. C’est d’ailleurs sous la contrainte du Conseil d’État que ce projet de privatisation est aussi un projet de transposition ! Ce dernier point ne figurait pas dans votre projet initial.

Par ailleurs, où sont donc les champs gaziers de Suez ? S’ils existent, que l’on nous en donne la liste ! Loin de conforter GDF, on va pomper une partie de ses fonds propres pour favoriser la fusion, ce qui empêchera précisément l’entreprise d’acquérir des champs gaziers. Ce n’est pas ainsi que l’histoire se raconte, et je ne suis pas certain que vos arguments soient de nature à justifier votre projet.

M. Daniel Paul – Ce projet finira par être adopté, puisque vous êtes majoritaires. Mais puisque votre intention est, nous dites-vous, de préserver les ménages en maintenant les tarifs régulés, je vous propose, lorsque le texte aura été voté, de lancer un appel aux particuliers et aux entreprises, les incitant à en rester à ces tarifs. Au lieu de conduire le pays dans une impasse, comme vous le faites actuellement, vous aurez ainsi pris vos responsabilités : le texte aura été voté, et vous aurez mis chacun – familles et entreprises – en garde contre le danger qu’il y aurait à choisir d’autres tarifs, puisqu’il n’y a pas d’exemples que les prix dérégulés aient baissé.

Il est vrai que GDF ne possède pas de champs gaziers. Mais, selon Les Échos, l’entreprise tire profit des relais de croissance, à commencer par l’exploitation–production…

M. le Ministre – C’est exactement ce que nous disons !

M. Daniel Paul - …domaine dans lequel son résultat opérationnel s’est envolé de 139 % – tout autre chose que le rendement des livrets de caisse d’épargne… GDF n’a pas eu besoin de Suez pour cela. Enfin, Monsieur le ministre, en faisant votre mise au point, vous avez oublié de dire que, comme notre collègue François Brottes l’a rappelé, c’est le Conseil d’État qui vous a contraint à transposer la directive. Ne l’eût-il pas fait que le texte aurait uniquement porté privatisation de GDF.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Vous pourrez, chers collègues, poser quatre cents fois la même question, nous y répondrons quatre cents fois en disant la vérité. Dans un débat de fond, je ne peux accepter ce qui m’apparaît comme de l’obstruction.

M. Alain Bocquet - Ce n’est pas de l’obstruction, c’est de la résistance !

M. le président de la commission – Le marché mondial de l’énergie connaît une nouvelle donne, et le ministre a souligné la nécessité pour notre pays de s’organiser pour faire face à cette mutation. Comment prétendre, Monsieur Brottes, que le nouveau groupe GDF-Suez serait « insignifiant » ? En passant de 66 à 106 milliards de mètres cubes, il deviendra le premier acheteur européen, traitant 20 % du marché, avec une capacité de négociation considérablement renforcée au plan mondial.

M. François Brottes - De combien baissera donc le prix du gaz ?

M. le Président de la commission – De surcroît, le nouveau groupe sera doté d’une des deux premières flottes mondiales de méthaniers. Or Suez est aussi le premier acteur mondial du gaz naturel liquéfié, solution d’avenir, d’une importance particulière puisque l’on a vu, en Ukraine, que les vannes de gaz naturel peuvent se fermer. D’autre part, Suez a des contrats de long terme avec le Qatar, qui a l’une des trois premières réserves mondiales, et avec le Yémen. D’évidence, en constituant ce groupe européen – puisque Suez est une entreprise franco-belge – nous assurons l’avenir.

Quant à vous, Monsieur Paul, vous confondez capital et tarifs, prix mondial et prix payé par le consommateur. De ce dernier, c’est le Gouvernement qui décide… (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) …et qui continuera d’en décider (Exclamations sur les mêmes bancs)…

M. François Brottes - Soyons sérieux ! Le Gouvernement ne peut peser sur les prix du marché mondial !

M. le Président de la commission – Les tarifs n’ont rien à voir avec la constitution du capital. M. Jospin, en 2000, a augmenté de 34 % le prix du gaz…

M. François Brottes - Parce que le prix de la matière première avait augmenté !

M. le Président de la commission - …et il n’a rien pu faire d’autre. Demain, le Gouvernement veillera à ce que le prix du gaz n’augmente pas trop… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Plusieurs députés socialistes et plusieurs députés communistes et républicains – Nous y voilà ! Qu’il n’augmente pas trop !

M. le Président de la commission – Ce serait mentir que de dire aux Français qu’il pourrait baisser. Je ne pense pas qu’il le puisse puisqu’il est indexé sur le cours du baril de pétrole. Et je répète qu’il n’est pas bien de mentir par omission aux Français en « oubliant » de le rappeler ! Si les groupes socialiste et communiste connaissent le moyen d’agir sur la formation du prix du baril de pétrole, qu’ils ne se gênent surtout pas pour le dire !

M. le Ministre – Très bien !

M. Pierre Ducout - Vous vous contredisez ! Vous venez de dire que c’était le Gouvernement qui fixait les prix !

M. le Président de la commission – Alors que le prix du baril a doublé en deux ans – et triplé en deux ans et demi, vous voudriez que la France reste l’arme au pied alors que tous ses concurrents s’organisent pour faire face à cette crise majeure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Nous préférons agir et aborder les problèmes de fond, plutôt que de déposer 100 000 amendements pour bloquer le Parlement… (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jacques Brunhes - Ne criez pas !

M. le Président de la commission – Oh, je ne parle pas plus fort que vous ce matin ! Déposer 4 000 amendements qui n’ont rien à voir avec le texte avant même l’article premier : est-ce raisonnable ?

Plusieurs députés UMP - Non ! C’est honteux !

M. le Président de la commission – Pour notre part, nous avons hâte de débattre au fond des différents articles de ce texte essentiel. Alors, de grâce, renoncez à l’obstruction ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. François Brottes - Le président Ollier perd encore son sang-froid. Ce matin, il nous a expliqué avec la même véhémence…

M. le Président de la commission – Avec la même conviction !

M. François Brottes - …qu’EDF n’était pas visée par le projet de loi et qu’il n’y avait pas lieu d’en débattre. Maintenant, …

M. Jean-Pierre Soisson - Ça va ! On a entendu ! (Murmures)

M. François Brottes - …il tente de nous convaincre que la fusion entre Gaz de France et Suez permettra d’acheter le gaz moins cher, tout en reconnaissant, dans la même phrase, que l’on ne peut finalement pas faire grand-chose puisque les prix du gaz sont indexés sur ceux du pétrole… Comment accorder du crédit à un raisonnement fondé sur autant de contradictions ?

M. Alain Bocquet - Emporté par son élan, le président Ollier conteste l’utilité de nos amendements. La vérité, c’est que s’il n’y avait pas d’amendements, il n’y aurait pas de débat…

M. Jean Leonetti - Tu parles ! S’il n’y avait pas d’obstruction, nous pourrions débattre utilement des questions de fond ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Bocquet - Le vrai scandale, c’est que le législateur ne dispose pas de tous les éléments du dossier pour dire la loi dans de bonnes conditions. À plusieurs reprises, sur ce dossier brûlant, nous avons demandé que viennent s’expliquer M. Sarkozy – qui doit être rentré de son voyage chez M. Bush –, le Premier ministre et tous ceux qui, dans la majorité, anciens ministres ou non, expriment les plus vives réserves sur ce texte. C’est à croire que vous les avez assignés à résidence ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Où est le maire de Lambersart, dont la critique de ce projet est au moins aussi virulente que la nôtre ? Nous aimerions entendre son point de vue !

Le président Ollier m’ayant chaleureusement accueilli dans son bureau hier soir, j’ai enfin pu prendre connaissance de la fameuse lettre de griefs de la Commission européenne. J’indique au passage que j’ai adressé un courrier au président Debré pour déplorer que l’Assemblée ne soit pas mieux informée. Quoi qu’il en soit, la lecture de ce document m’a pris plus de deux heures, et elle est rendue presque impossible par l’abondance des ratures : 133 pages partiellement censurées sur un total de 195, cela fait tout de même beaucoup ! Je passe sur les 300 lignes rayées, sur les 1 553 mots et chiffres noircis et sur les 34 tableaux supprimés. On se croit revenus au bon vieux temps du tsar Nicolas 1er !

M. le Ministre – Tiens, ce n’est plus Mao !

M. Alain Bocquet - Monsieur le ministre, n’étant pas Champollion, je réitère ma demande de traduction car certains passages, abondamment caviardés, sont proprement incompréhensibles ! Les fluctuations du HHI ne sont déjà pas faciles à lire, mais lorsque les paragraphes qui en traitent sont incomplets, c’est à y perdre son latin. L’ensemble du document étant de cette veine, nous considérons que l’on se moque du monde en général et de la représentation nationale en particulier ! J’invite tous nos collègues à se rendre dans le bureau du président Ollier pour feuilleter ce document en forme de provocation pour notre assemblée. Je me demande quel fonctionnaire a été sollicité pour procéder à cette censure mais il n’a pas lésiné sur le feutre noir.

Je demande officiellement à ce que le texte intégral de la lettre de griefs de la Commission européenne – évidemment non raturé – soit communiqué à chaque groupe.

M. le Président de la commission – Monsieur le président Bocquet, l’indice HHI auquel vous avez fait référence – soit le « Hirschmann Herfindhal Index » – est l’indicateur que manient les économistes pour mesurer l’état de concentration d’un marché. Lorsqu’il augmente, c’est que la concurrence tend à diminuer.

M. le Ministre – Monsieur Bocquet, vous m’avez posé exactement la même question hier et votre intervention comme ma réponse figurent au compte-rendu analytique des débats. Une lettre de griefs n’a pas vocation à enjoindre à un État de suivre telle ou telle ligne de conduite. En l’espèce, elle analyse les conséquences prévisibles d’un projet industriel et ses conclusions sont communiquées à chaque partie intéressée. Nous avons été destinataires de la part de l’étude concernant Gaz de France et le président Ollier vous l’a transmise…

M. Jacques Brunhes - Censurée !

M. le Président de la commission – Pas par moi !

M. le Ministre – Au demeurant, cette lettre de griefs n’intervient qu’à l’ouverture de la procédure, sans préjuger de la suite. La Commission européenne entre en dialogue avec l’ensemble des acteurs et donne son éclairage sur les conséquences d’un rapprochement éventuel de Gaz de France avec une autre entreprise. L’objet du projet de loi est tout autre puisqu’il s’agit, je le redis une nouvelle fois, de donner à Gaz de France les moyens d’aller de l’avant en nouant des partenariats dont les effets profiteront directement aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Daniel Paul - Monsieur le ministre, je vous redis ce que j’ai déjà dit… (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés UMP – Cessez de fonctionner en boucle ! C’est sans fin.

M. Daniel Paul – Vous confirmez que la lettre de griefs est illisible, ou, pour le moins, difficile à comprendre dans la mesure où plusieurs passages essentiels à la compréhension de l’ensemble ont été escamotés, au-delà même de ce qu’exigeait la protection des secrets commerciaux.

M. le Ministre – Je le reconnais. Nous sommes d’accord là-dessus.

M. Daniel Paul - Vous indiquez ensuite que cette lettre se situe au tout début du processus. Convenez qu’il serait intéressant de connaître la fin !

M. le Ministre – La fin justifie les moyens… que nous vous demandons de voter !

M. Daniel Paul - Avant de décider du devenir de Gaz de France, ne croyez-vous pas qu’il serait sage de savoir comment la Commission européenne propose d’écrire la fin de l’histoire ? Si, au bout du bout, en décembre, les conditions posées par les actionnaires de Suez en préalable à la fusion sont inacceptables – ou inenvisageables à quelques semaines d’une élection présidentielle – et si le Gouvernement les refuse, on aura ouvert le capital de Gaz de France pour rien…

M. le Ministre – Mais non ! Il ne s’agit que de donner à l’entreprise les moyens d’aller de l’avant.

M. Daniel Paul - Il serait sage – et je suis sûr que nombre de parlementaires du groupe majoritaire partagent ce point de vue – de connaître les décisions de la Commission européenne et les prétentions des actionnaires de Suez avant de prendre des décisions sur lesquelles il sera difficile de revenir.

M. Émile Zuccarelli - Je n’avais pas l’intention d’intervenir mais les propos du ministre me font réagir : dans quelle enceinte sommes-nous ? N’avons-nous pas été élus par nos concitoyens pour légiférer en pleine connaissance de cause ? M. Breton nous dit : «Votez la loi d’abord et vous aurez ensuite des éclaircissements sur la lettre de griefs de Bruxelles ». C’est assez incroyable !

Dans la même veine, l’orateur de l’UDF, Jean Dionis du Séjour, nous dit qu’il ne sert à rien de débattre de nos amendements puisque la presse n’en parle pas. Débattons-nous donc pour la presse, ou pour résoudre des questions essentielles ? Le ministre invoque les prétendues attentes des Français, mais les sondages disent bien autre chose : nos compatriotes n’éprouvent aucune hâte d’ouvrir le secteur énergétique à la concurrence, dont les industriels savent déjà qu’elle est un piège, à tel point qu’il vous faut les appâter avec des mesures transitoires. Les Français se méfient, à raison : ils savent que le prétendu maintien des tarifs règlementés ne vous empêchera pas de tranquillement relever ceux-ci au niveau du marché.

Enfin, vous nous accusez de faire de l’obstruction : nous, au moins, posons nos questions ! Ce n’est pas le cas de la majorité qui les tait, bien qu’elle s’en pose aussi…

M. le Président – Nous en venons à l’examen des amendements identiques 31848 à 31869.

Mme Muguette Jacquaint - Le ministre nous dit qu’il répondra à nos questions réitérées en répétant les mêmes vérités. Permettez-nous de douter de ces vérités ! En 2004, on nous assurait que GDF ne serait pas privatisée ; aujourd’hui, pourtant, nous y sommes ! Quelques secondes vous suffisent même pour énoncer une vérité et son contraire – à preuve, vos déclarations sur l’augmentation des tarifs.

Vous nous reprochez des milliers d’amendements d’obstruction, mais le débat est nécessaire et notre rôle est de le nourrir ! De même que M. Loos trouve normal que GDF commande des audits, le Parlement ne devrait-il pas faire un audit du Gouvernement pour enfin savoir à quelle sauce GDF sera dévorée ?

Au début de l’été, les députés communistes ont lancé une pétition afin d’informer nos concitoyens des conséquences de cette privatisation. Depuis une semaine, nous alertons l’opinion sur l’évolution du prix du gaz, car le prétendu maintien de tarifs règlementés n’a pas empêché son augmentation inquiétante dans un contexte de précarité croissante. Dans ma circonscription, c’est tous les jours que je constate les méfaits de la politique gouvernementale !

M. Maurice Giro - On ne vous a pas attendus pour augmenter le SMIC !

Mme Muguette Jacquaint – Aujourd’hui, ce sont des centaines de pétitions qui nous arrivent chaque jour ! Ne limitons pas le débat : la représentation nationale doit être informée de toutes les conséquences de cette opération. L’énergie n’est pas une simple marchandise, comme le stylo à bille !

Mme Janine Jambu - Si nous souhaitons réaffirmer dans ce texte les missions fondamentales du service public de l’énergie, c’est parce que les restructurations que vous envisagez les compromettent. En matière de sécurité de l’approvisionnement, notamment, la fusion entre GDF et Suez a été présentée comme la panacée.

Pourtant, la continuité de notre approvisionnement en gaz dépend avant tout de nos relations avec les pays producteurs. Or, je ne crois pas au patriotisme économique d’actionnaires privés : l’État doit garder la main sur les contrats de long terme avec les fournisseurs, a fortiori quand ceux-ci se trouvent dans des zones instables.

Elle repose également sur une gestion à long terme de la ressource gazière. Cependant, les entreprises privées ont intérêt à privilégier le marché Spot à court terme, plus rentable, mais où l’incertitude est plus grande.

Enfin, la sécurité des installations de transport et de stockage exige d’importants investissements : ne sont-ils pas incompatibles avec l’objectif de rentabilité du nouveau groupe ?

Je ne m’attarde pas sur les acquis – égalité de traitement des usagers garantie par la péréquation tarifaire, meilleures conditions de sécurité, de qualité et de coût et dispositions sociales en faveur des familles les plus modestes – que votre projet de fusion remet en cause, car nous y reviendrons au fil des amendements.

M. Daniel Paul - Vous ne cessez de parler de transparence ; nous ne cessons d’en déplorer le manque, au Parlement comme à GDF. À preuve, cette lettre adressée en juillet à M. Cirelli par des administrateurs salariés, délégués de la CGT, que je résume : l’entreprise, depuis l’annonce de sa transformation en société anonyme, n’a pas créé les conditions du maintien des prix à leur niveau le plus bas. En effet, sa marge brute a augmenté de 964 millions d’euros entre 2001 et 2003, dont huit cents sur le dos des petits consommateurs : la baisse concomitante des coûts d’importation du gaz après 2001 n’a pas été répercutée. En outre, l’entreprise refuse de tenir un conseil d’administration au sujet des coûts d’approvisionnement à long terme et de leur répercussion sur les tarifs, malgré l’obligation légale qui lui en est faite : voilà de quoi douter de sa crédibilité en la matière ! L’évolution de ces coûts est pourtant le seul élément pertinent pour expliquer l’évolution des tarifs. Or, la Commission de régulation de l’énergie rapporte, dans son audit sur la période 2003-2005, que le coût d’approvisionnement utilisé dans la formule tarifaire est supérieur de 240 millions d’euros au coût réel ! L’entreprise a d’ailleurs toujours demandé d’importantes hausses de tarifs – jusqu’à 17 % en 2004, alors que la CRE conseillait 8 % et que le Gouvernement en autorisait 4 %. Enfin, l’entreprise milite ouvertement en faveur de la suppression des tarifs règlementés, qui laisserait les clients seuls face au marché ; elle l’anticipe même en recommandant à ses représentants de refuser des tarifs régulés à ses clients éligibles, et ce malgré la loi.

Voici donc ce que cette lettre nous apprend sur le fonctionnement de ce qui est encore à ce jour une entreprise publique. Qu’en sera-t-il lorsqu’elle aura été privatisée et absorbée par Suez ? Nous sommes en droit de douter que le Gouvernement puisse alors décider des tarifs, comme vous nous l’assurez !

M. le Président – L’avis de la commission est défavorable, je suppose ?

M. le Rapporteur – Vous avez devancé mon propos, Monsieur le président. Je loue toutefois la synthèse opérée par ce premier amendement communiste que nous examinons. Il reprend en effet à peu près tout ce que contenaient les quatorze amendements socialistes, à chaque fois déposés par de nombreux auteurs, dont l’examen a mobilisé l’Assemblée deux journées entières.

S’agissant de la péréquation, cet amendement va bien au-delà de ce qu’il est possible de faire pour le gaz. D’une part, il n’existe pas, comme pour l’électricité, d’obligation de desserte de l’ensemble du territoire en gaz ; d’autre part, il n’existe pas un tarif national unique mais cinq tarifs selon les zones.

M. Paul a rappelé que les prix du gaz avaient diminué en 2001 et que cette baisse n’avait pas été répercutée sur les tarifs. Il a raison. Le gouvernement de l’époque n’avait rien fait, c’est celui issu des élections de 2002 qui a diminué les tarifs de 8 %.

Mmes Jacquaint et Jambu ont souligné les difficultés des ménages les plus modestes. Je rappelle à cet égard que c’est le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui a pris le décret d’application permettant l’instauration effective d’un tarif social de l’électricité et que le présent projet de loi prévoit un tarif social du gaz. Hâtons-nous donc de l’examiner.

M. Paul enfin a évoqué la position des syndicats. Nous avons, avec le président Ollier et plusieurs membres de l’UMP, reçu les syndicats de Suez qui sont tous favorables au projet de fusion.

M. Daniel Paul - C’est faux !

M. le Ministre – Avis défavorable. Cet amendement contient certes des éléments importants, si importants d’ailleurs qu’ils figurent déjà dans les textes existants, notamment l’article 17 de la loi de 2003 sur le gaz où il est déjà question de sécurité des personnes et des installations, de continuité d’approvisionnement, de protection de l’environnement, d’efficacité énergétique de développement du territoire et d’action sociale. Il est donc satisfait.

Je doute d’arriver à vous convaincre, sachant l’opiniâtreté avec laquelle vous défendez vos positions – que je respecte. Le souhait du Gouvernement est d’entrer le plus vite possible dans le vif du sujet. Ne resteraient plus que 4 000 amendements à examiner avant l’article premier, me dit-on. J’espère que la raison va l’emporter et que nous allons enfin pouvoir parler des sujets qui concernent les consommateurs français.

M. Henri Emmanuelli - Le président de GDF en parle très bien dans la presse de ce matin !

M. Daniel Paul - Monsieur le rapporteur, nous aussi avons reçu les responsables syndicaux de Gaz de France et de Suez, ainsi d’ailleurs que des autres entreprises concernées par ce projet.

Un député UMP - Vous les avez manipulés !

M. Daniel Paul – Ils sont unanimes contre ce projet (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Il y a bien eu une tentative de division des salariés car en ce domaine, les patrons sont habiles, je crois même qu’on le leur apprend dans les écoles ! Une intersyndicale a été mise sur pied au siège de Suez, lequel ne regroupe que quelques centaines de salariés quand le groupe en compte des centaines de milliers de salariés de par le monde. Nous avons rencontré cette intersyndicale…

M. le Rapporteur - …Favorable au projet !

M. Daniel Paul - En effet. Mais tous les syndicats nous ont expliqué que cette intersyndicale, mise sur pied pour les besoins de la cause par la direction de Suez et composée pour l’essentiel de représentants de cadres, n’avait absolument aucune représentativité. Arrêtez donc de prétendre que les salariés de Gaz de France ou de Suez en l’espèce seraient favorables au projet de fusion car ils ne le sont pas !

M. François Brottes - Monsieur le rapporteur, que les arguments de l’opposition soient présentés de manière synthétique ou détaillée, vous répondez toujours avec la même mauvaise foi et le même cynisme.

Je demande une suspension de séance d’un quart d’heure pour réunir mon groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – La suspension est de droit. Je mets auparavant aux voix les amendements que nous venons d’examiner.

Les amendements identiques 31848 à 31869, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
La séance, suspendue à 16 heures 20, est reprise à 16 heures 40.

M. le Président – Nous en arrivons aux amendements 31914 à 31979.

M. Serge Poignant – Je regrette que mes collègues du groupe socialiste ne soient pas là, alors que la séance a repris, pour entendre mon rappel au Règlement. Eux-mêmes les ont multipliés, sous un prétexte ou sous un autre. J’avais cru, au début de l’après-midi, lorsque M. Brottes a fait remarquer que son groupe s’était limité à deux orateurs pour une série d’amendements – M. Paul a fait d’ailleurs de même – que le débat s’annonçait sous de bons auspices. Depuis, de nombreux orateurs ont défendu, quoique avec des mots différents, des amendements identiques. J’ai fait le compte : au bout de cinq jours pleins de discussion, nous en sommes toujours aux amendements avant l’article premier, qui ont pourtant été précédés d’une discussion générale dans laquelle chacun a pu faire part de ses convictions. Nous avons examiné 14 amendements, déclinés chacun jusqu’à 32 fois, et donc voté en tout 417 amendements. Vous nous direz que ce n’est pas de l’obstruction. J’attends plutôt de vous des actes pour faire réellement avancer la discussion, parce que ces 417 amendements, sur 137 000, et sachant qu’il en reste encore plus de 3 000 avant même l’article premier, ne suffisent pas à nous convaincre.

M. Maxime Gremetz - On perd du temps, en ce moment !

M. Serge Poignant - Je reconnais bien là votre mauvaise foi, Monsieur Gremetz. Je n’ai parlé que deux minutes.

M. Maxime Gremetz - Avançons !

M. Serge Poignant - Je ne demande que cela, et les Français seront témoins !

M. Daniel Paul - Je ne peux pas accepter une telle analyse. Nous n’avons pas l’intention de bloquer les débats, mais d’exposer nos observations et nos demandes dans la plus grande transparence.

M. Xavier de Roux - Mais sans esprit de synthèse !

M. Daniel Paul – Je note d’ailleurs que les ministres s’efforcent de nous répondre, attitude dont je me félicite même si je ne partage généralement pas leur point de vue.

La vérité, Monsieur Poignant, c’est que nous avons déposé environ 3 900 amendements et que le Règlement nous donne le droit de défendre chacun d’entre eux. Puisqu’il y a cet après-midi trois représentants de notre groupe, nous défendrons à chaque fois trois amendements. Voilà la réalité ! Ne tentez pas de la déformer pour manipuler l’opinion.

M. Xavier de Roux - C’est ridicule !

M. Daniel Paul - On finirait presque par croire que vous espérez vraiment que nous fassions de l’obstruction et qu’on oublie ainsi le contenu de votre texte.

Permettez-moi d’en venir à l’amendement 31914 : « Le service public de l’énergie a pour objet de garantir l’approvisionnement en électricité et en gaz sur l’ensemble du territoire national, dans le respect de l’intérêt général ».

Vous répondrez peut-être qu’il s’agit d’une simple déclaration de principe, mais un tel rappel ne nous semble pas inutile sur un sujet aussi important : l’énergie est un bien vital, que chacun utilise de sa naissance à sa mort.

Cet amendement nous semble d’autant plus justifié que vous ne cessez de mettre en accusation le service public, tantôt en pointant ses dysfonctionnements, tantôt en dénonçant le statut dont jouissent ses salariés. Vous ne reculez devant rien pour discréditer nos services publics et préparer leur liquidation.

C’est oublier tout l’attachement que portent nos concitoyens aux entreprises publiques : ils n’y voient pas un archaïsme juridique, mais le socle même de la justice et de l’égalité. Chacun doit pouvoir bénéficier d’une ligne téléphonique, du gaz, de l’électricité, de l’eau et d’un service postal digne de ce nom ; chacun doit avoir la possibilité de se faire soigner dans l’hôpital ou le médecin de son choix et de bénéficier d’une éducation de qualité ; chacun doit enfin avoir accès aux arts et à la culture.

Or, dans chacun de ces domaines, votre politique a toujours été d’amputer le service public parce que vous souffrez d’obsessions de nature idéologique. J’aimerais en effet qu’on m’explique dans quel but vous proposez de privatiser GDF et de le fusionner avec Suez ! Car qui décidera demain de la politique de notre pays ? Le gouvernement français n’aura plus son mot à dire quand il faudra fixer les prix !

Vous vous contentez d’obéir à votre nocive logique libérale, sans apporter la moindre justification économique et industrielle de vos actes, tant vous êtes aveuglés par votre idéologie. Nous devons, pour notre part, alerter l’opinion publique : ce projet va signer la mort d’une entreprise publique sans le moindre motif !

M. Maxime Gremetz - Pourquoi répéter sans cesse que nous faisons de l’obstruction ?

M. Serge Poignant - Parce que c’est la vérité !

M. Maxime Gremetz - C’est pourtant vous qui avez voulu étouffer le débat en décidant, en plein milieu des vacances, de convoquer une session extraordinaire ! Pourquoi refusez-vous de consulter les Français sur un sujet d’une telle importance ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Si vous refusez de m’entendre, écoutez donc la Banque de France, qui vient de rappeler, dans un récent rapport, que les profits ont atteint un niveau sans précédent dans notre pays, sans que pour autant les entreprises se décident à investir : tout part aujourd’hui dans la finance ! Et ce n’est pas moi qui l’affirme !

Écoutez également Joseph Stiglitz, qui dénonce votre projet de privatisation de GDF comme inutile et stupide. Selon lui, la France jouit un effet d’un bon système, qui fonctionne avec efficacité et à bon prix. Pourquoi vouloir réparer un outil qui n’est pas cassé, demande-t-il, et pourquoi confier au secteur privé la gestion d’un parc de centrales nucléaires ? Comment pouvez-vous espérer que l’investissement ne chutera pas ? Et M. Stiglitz de rappeler ce qu’a donné la privatisation aux États-Unis !

Enfin, dit-il, si la France a connu une telle réussite dans le secteur de l’énergie, c’est parce que sa gestion a été confiée à l’État, qui a su attirer des personnels de qualité. En ouvrant la voie à la privatisation, vous allez priver le pays de marges de manœuvre indispensables dans un secteur stratégique, vous mettrez en danger l’avenir et l’indépendance de notre pays. Et c’est un prix Nobel d’économie, de nationalité américaine, qui l’affirme !

J’ajoute que vous remettez en cause les multiples déclarations de M. Sarkozy, qui est – faut-il le rappeler – membre du Gouvernement et ministre d’État. Après avoir promis que la participation de l’État dans GDF ne descendrait jamais en dessous de 70 %, n’avait-il pas suggéré de nationaliser l’ensemble du secteur, avant de demander la création d’un grand pôle public de l’énergie rassemblant EDF et GDF ?

Je pensais qu’au moins vous écouteriez les propos d’un prix Nobel américain, mais ce n’est même pas le cas, parce que vous êtes suffisants. Vous n’avez déjà pas entendu le « Non » à la Constitution européenne et voici que vous recommencez à faire la sourde oreille ! Mais je vous avais déjà prévenu avec le CPE : ce n’est pas terminé, cela ne fait que commencer !

Mme Muguette Jacquaint – Je serai brève, M. Poignant, ainsi, n’aura pas à reprendre la parole pour dire que nous faisons de l’obstruction.

Nous avons reçu différents courriers de la part des syndicats et des usagers faisant part de leur inquiétude quant à l’approvisionnement, dont nous savons qu’il sera mis à mal. La sécurité de l’approvisionnement passe par le renforcement de la maîtrise publique, par l’octroi éventuel de compétences politiques nouvelles au niveau européen, mais également par le maintien et la consolidation des contrats à long terme. Il ne s’agit pas de poursuivre la fuite en avant libérale qui, outre le risque de faire exploser les coûts, fragilisera l’approvisionnement. Nous savons par ailleurs que l’Union européenne envisage de se doter d’une politique extérieure afin de faire face aux défis que sont la hausse et la volatilité des prix de l’énergie, la forte croissance de la demande mondiale et le réchauffement climatique.

Nous aimerions comprendre comment vous entendez concilier des termes aussi antinomiques que « sécurité d’approvisionnement » et « libéralisation des marchés », « garanties de service public » et « privatisation d’entreprise stratégique ». Vous prétendrez avoir déjà répondu, mais il était de mon devoir de poser une nouvelle fois ces questions au Gouvernement par mon amendement 31930. Si vous y répondez, ce ne sera pas un tour de force, mais un véritable tour de prestidigitation !

Les amendements 31914 à 31935, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul - Les amendements identiques 31936 à 31957 sont également défendus.

Les amendements 31936 à 31957, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul - Les amendements identiques 31958 à 31979 sont également défendus.

Les amendements 31958 à 31979, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Brottes – Nous avons été troublés par l’attitude de M. le président Ollier et de M. le rapporteur lorsque j’ai expliqué que seuls deux orateurs de notre groupe s’exprimeraient pour la défense des amendements 5700 à 5732 : tous se sont alors employés à faire durer les débats en invoquant une obstruction imaginaire ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Nous avons bien compris que vous ferez tout pour que ce texte ne soit pas politiquement clarifié (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Compte tenu des désaccords internes à la majorité – certains parlementaires ont beaucoup parlé hors de l’hémicycle mais n’ont pas été, semble-t-il, autorisés à exprimer leur opposition en séance (Protestations sur les bancs du groupe UMP) –, nous avons bien compris que vous ferez tout pour que le 49-3 soit utilisé (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Il n’est pas question pour nous de vous donner des arguments à cet effet !

M. Maxime Gremetz - Et de tomber ainsi dans le piège !

M. Robert Lamy – Ridicule !

M. François Brottes – Il est indispensable de clarifier les conséquences qu’aura la privatisation pour les ménages et les entreprises. M. le ministre lui-même est mal à l’aise.

M. le Ministre – Pas du tout.

M. François Brottes - Le fait que la lettre de griefs ait été noircie montre d’ailleurs que la Commission s’oppose à un certain nombre de ces conséquences qui feront des dégâts au stade des cessions d’actifs. Comme nous voulons que vous preniez vos responsabilités dans cet acte grave qu’est la privatisation d’une entreprise publique, un seul parlementaire socialiste défendra les amendements – pour l’essentiel de précision – qui doivent être présentés avant l’article premier. En aucun cas nous ne souhaitons donner des prétextes à la majorité pour recourir au 49-3 et couper court au débat démocratique.

M. le Président de la commission – Nous sommes à un tournant de nos débats. J’apprécie que, au terme d’échanges passionnés, nous parvenions à nous mettre d’accord sur l’essentiel : la discussion sur des valeurs et des idées. Nous verrons comment les débats se dérouleront, mais la majorité prend acte de cette accélération. En tout état de cause, compte tenu du nombre d’amendements restant à examiner, le dialogue va se poursuivre de façon soutenue. Je souhaite que le bon sens l’emporte car nous non plus, nous ne voulons pas que le 49-3 soit utilisé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

M. Daniel Paul – Le groupe communiste n’a jamais voulu pratiquer l’obstruction… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Robert Lamy - Un mensonge répété cent fois ne fait pas une vérité.

M. Daniel Paul – Nous avons déposé moins de 4 000 amendements, et vous le savez. M. Debré les a multipliés par le nombre de parlementaires susceptibles de les défendre pour expliquer qu’il y en avait environ 80 000, mais c’est un calcul mensonger. Le document qui comprend l’ensemble de nos amendements a été présenté ici-même et il comporte 74 pages. Votre campagne visait avant tout à masquer la nature profonde de votre texte. Nous sommes quant à nous décidés à poursuivre le débat. Nous nous sommes exprimés jusqu’ici de manière parfois vive, mais c’est tout à fait normal et il ne s’agit en rien d’obstruction. Nous n’en ferons d’ailleurs pas, de façon à ce que vous soyez placés devant vos responsabilités.

M. Robert Lamy - Vous ne manquez pas de culot.

M. Daniel Paul – Vous devrez ainsi, le moment venu, vous déterminer par un vote. Les Français verront alors qui a décidé de tordre le cou à une entreprise comme GDF afin de la précipiter dans le gouffre de la libéralisation.

M. Jean Dionis du Séjour – La déclaration de M. Brottes est importante et constitue un tournant dans ce débat, tout comme l’engagement que prend le groupe socialiste de tout faire pour éviter le 49-3. Nous saluons cette décision.

Monsieur Paul, il ne faut pas nous raconter n’importe quoi : vous avez fait de l’obstruction pendant cinq jours (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). L’opinion publique l’a mal vécu…

M. Maxime Gremetz - 91 % des Français vivent mal la privatisation !

M. Jean Dionis du Séjour - …et les médias se sont démobilisés. Il vaudrait la peine d’essayer maintenant de convaincre la majorité – et notre groupe votera au final comme le groupe communiste – mais pour ce faire, ouvrons le débat ! Ouvrons-le sur l’article premier et les tarifs de retour, sur l’article 7 et le GIE commun entre GDF et EDF, sur l’article 10 et le seuil de capital détenu par l’État ! Arrêtons cette obstruction qui dessert la cause que vous voulez défendre !

M. Maxime Gremetz - Sans que vous disiez jamais rien sur le fond, toutes vos interventions consistent à proclamer sur tous les tons : « Vous faites de l’obstruction », ce qui n’est rien d’autre que de l’obstruction. Comment s’en étonner, puisque vous souhaitez le recours à l’article 49-3… (Protestations sur les bancs du groupe UMP), ce qui vous dispenserait de voter un projet que vous réprouvez ! Ne comptez pas sur nous pour vous faire ce cadeau politique royal (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP) qui vous éviterait une juste sanction dans vos circonscriptions !

M. le Ministre – Je prends acte de la déclaration de M. Brottes. Si j’en ai bien compris le sens, il ne reste que 51 amendements à défendre, en un jour ou deux, avant que nous en venions finalement à l’examen de l’article premier. Après avoir entendu présenter, pendant une semaine, trente-deux fois les mêmes amendements, nous progressons donc, mais il en restera néanmoins 130 000 à examiner pour entrer dans le vif du sujet qui consiste, je le rappelle, à préserver l’intérêt des Français en permettant le maintien des tarifs réglementés après le 1er juillet 2007 et en donnant à GDF les moyens de nouer des alliances indispensables à l’exercice de ses missions.

M. Serge Poignant - Je tiens à affirmer de la manière la plus ferme que le groupe UMP ne souhaite pas le recours à l’article 49-3. Je ne regrette aucune de mes interventions tendant à souligner que vous vous êtes livrés à une obstruction caractérisée et je constate que, vous étant rendu compte du tort médiatique que vous portent vos manœuvres, vous changez de stratégie (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Nous verrons s’il en est bien ainsi au fil du débat.

M. le Président – J’appelle les amendements 10605 à 10769.

M. Jean-Yves Le Déaut – Contrairement à ce qui vient d’être allégué, nous n’avons pas changé de stratégie (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Après une discussion générale qui a duré deux jours, nous avons débattu pendant deux jours et demi de sujets graves et des incidences qu’aurait votre projet. Nous avons posé des questions de fond et nos concitoyens nous en savent gré. Nous avons montré que ce projet n’est sous-tendu par aucune stratégie industrielle, qu’il est peut-être né par hasard, qu’il comporte un risque pour nos entreprises et ne garantit rien au consommateur. Quelque quarante collègues socialistes ont exposé, chacun avec ses mots, les problèmes que pose votre texte, en leur qualité de représentants de la nation, sans faire de la petite politique, sans organiser, par exemple, de mise en scène photographique avec des piles de feuilles vierges (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Nous reviendrons sur ces questions lors de l’examen des articles, et nous ne tolérerons pas que, par des artifices, vous refusiez le débat pour masquer vos divisions.

Les amendements identiques 10605 à 10769, que je défendrai en bloc, tendent à réaffirmer que la recherche de l’efficacité du service public de l’énergie ne doit pas être contraire à certains principes fondamentaux. Elle doit en premier lieu écarter tout risque d’inégalité dans la tarification, risque si grave que le rapporteur a présenté un amendement permettant le retour au tarif réglementé pour ceux qui le souhaitent. Le principe de transparence doit, lui aussi, être respecté ; c’est pourquoi nous nous sommes opposés à ce que ce texte soit discuté avant que les contreparties demandées par la Commission européenne à la fusion GDF-Suez soient connues. De même, la continuité de l’approvisionnement ne saurait être remise en cause, continuité qui justifie en soi une politique définie par l’État, car les stratégies individuelles des entreprises ne garantissent en rien un approvisionnement constant. Voilà ce qui, très rapidement dit, justifie ces amendements.

Les amendements 10605 à 10769, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – J’appelle les amendements 11298 à 11330.

M. François Brottes – Par ces amendements, nous voulons inscrire dans la loi que « tout usager du service public de l’énergie a droit à un niveau optimal de protection de la santé, de sécurité physique et de fiabilité technique du service. » Ce droit, qui peut paraître évident, acquis et garanti, ne l’est plus dès que l’on s’engage dans la privatisation des entreprises publiques de l’énergie, car des installations « vertueuses » du point de vue sanitaire peuvent être abandonnées pour être remplacées par d’autres qui ne le seront pas, mais qui seront plus immédiatement rentables. De même, l’exigence de gains de productivité qui caractérise le secteur privé se traduit souvent par des économies dans la maintenance des équipements, ce qui constitue à terme un danger pour le personnel et pour la population alentour. Enfin, l’effort des entreprises privées porte bien davantage sur le marketing et les dépenses de communication – comme le montrent les millions de pages de publicité achetées pour vanter les mérites de la fusion – que sur les investissements en formation continue. Qui a l’œil rivé sur le cours de l’action et l’augmentation des dividendes tend à couper les crédits de la formation et de la recherche, ce qui ne se voit pas sur le moment mais finit par faire sentir ses effets. En effet, certains chefs d’entreprise à courte vue renoncent aux efforts de recherche et de développement, et imaginent faire appel à la recherche publique – dont les chercheurs ont dit, avec véhémence, ce que vous en avez fait… Le risque est grand alors de compromettre la fiabilité technique des services. J’invite donc l’Assemblée à voter ces amendements, qui devraient nous rassembler.

Les amendements 11298 à 11330, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – Nous en venons aux amendements identiques 11331 à 11363.

M. Christian Bataille - Ils posent que tout usager du service public de l’énergie a « droit à une information claire, utile et aisément accessible sur les conditions essentielles de fourniture, de gestion, de financement et de tarification du service ». L’un des principes essentiels du service public, c’est que ses opérateurs ne se contentent pas de faire du commerce et se soucient d’abord de l’intérêt général. À ce titre, il importe que les citoyens usagers puissent accéder facilement à toute information concernant notamment la formation des tarifs. Les dirigeants se plaisent à répéter que ce sont les fluctuations du marché mondial qui pèsent sur les prix. Eh bien, pour nous, il faut le justifier par des éléments d’information aussi complets que possible ! Cela permettra de prévenir certaines dérives, telle celle qui, dans un passé récent, a vu les tarifs augmenter sensiblement – au détriment du pouvoir d’achat des ménages – cependant que Gaz de France réalisait des bénéfices records. Et encore faut-il noter que c’est la présence de l’État au capital en tant qu’actionnaire majoritaire qui a permis de limiter la hausse des prix. L’information fournie à l’usager doit être de nature à lui permettre d’exercer un réel contrôle.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre – Même avis.

M. François Brottes - Rappel au Règlement. Je crains un malentendu : ce n’est pas parce que nous avons accepté que chaque série d’amendements ne soit défendue que par un seul orateur que cela dispense la commission et le Gouvernement de répondre sur le fond de manière argumentée. Je sais bien qu’ils ne sont pas dans l’obligation de le faire mais cela ne nuirait pas à l’intérêt de nos échanges !

M. le Rapporteur – Il n’y a aucun malentendu. En me contentant de répondre « avis défavorable », j’ai accédé à la demande de notre président d’être plus concis mais je vous entends, et je suis prêt à faire tout commentaire utile à l’avenir.

Les amendements 11331 à 11363, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – J’appelle les amendements identiques 11364 à 11396.

M. Pierre Ducout - Ils visent à garantir à chaque usager du service public de l’énergie un droit d’accès aux informations le concernant, détenues ou recueillies par le gestionnaire du service.

Par cet amendement, nous rappelons ce que devraient être les obligations des services d’intérêt économique général si le gouvernement français avait obtenu qu’une directive-cadre soit prise à ce sujet avant l’ouverture du marché de l’énergie, à compter du 1er juillet 2007, y compris aux consommateurs domestiques. Le groupe socialiste au Parlement européen a du reste élaboré un projet de directive cadre sur les SIEG qui reprend le droit de communication des données personnelles décrit dans cet amendement. En l’espèce, il peut s’agir de données relativement confidentielles concernant le mode de vie et d’habitat, via l’historique des consommations et certaines précisions techniques. Vous l’aurez compris, cet amendement est dans l’esprit de la loi Informatique et libertés.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement car la loi de 1978 à laquelle vous venez de faire référence le satisfait. Cet ajout est donc inutile.

M. le Ministre – Le Gouvernement a exactement le même avis. C’est le droit commun des contrats et de la consommation qui s’applique.

Les amendements 11364 à 11396, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – Nous examinons à présent les amendements identiques 11397 à 11429.

M. Alain Vidalies – Nous y demandons que chaque usager dispose d’un « droit de réclamation auprès du gestionnaire du service en cas de non-respect d’une obligation de service public assigné à ce dernier », ainsi que du droit à un traitement diligent et rapide de cette réclamation.

L’expérience enseigne en effet que le respect du droit du consommateur et des obligations de service public est difficilement conciliable avec les mouvements de déréglementation et d’ouverture à la concurrence. S’agissant de la téléphonie mobile, beaucoup se sont réjouis de la baisse des tarifs permise par l’ouverture du marché ; ce sont souvent les mêmes qui forment aujourd’hui des recours devant les tribunaux pour demander à tel opérateur – dont je tairai le nom – d’être plus diligent dans son activité d’assistance aux utilisateurs, et j’en profite au passage pour demander au Gouvernement d’être plus actif dans son traitement de la question de la class action.

Dans le domaine de l’énergie, tout milite pour l’adoption de notre amendement. La tempête de 1999, qui a fait tant de ravages dans mon département comme dans celui de Pierre Ducout, n’a pu être surmontée que grâce au dévouement exemplaire des agents d’EDF. Qu’adviendra-t-il demain, en pareille circonstance, si les opérateurs sont des entreprises privées ?

Plusieurs de nos collègues ont déjà évoqué les analyses du prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz sur les conséquences qu’a eues la déréglementation sauvage sur le continent nord-américain. Cet été encore, en période de forte chaleur, 100 000 habitants du Queens, à New York, ont été privés d’électricité, parfois au péril de leur vie. Dans le Wall Street Journal du 3 août dernier, un analyste relevait que les difficultés des abonnés américains sont liées, suite à la déréglementation, au gaspillage d’un capital qui eût mieux trouvé à s’employer dans l’entretien et l’amélioration des réseaux. Les obligations de service public ont été oubliées et il n’a pas été procédé aux investissements nécessaires. Dans la mesure où l’on sait désormais qu’il est extrêmement difficile de marier la logique de la rentabilité privée avec les obligations d’un service universel, il faut, au moins, garantir efficacement les droits du consommateur.

M. le Rapporteur – Nous sommes soucieux des droits et de la protection des consommateurs : c’est précisément l’objet de l’article 13, qui prévoit un dispositif assez lourd permettant de transposer – en l’enrichissant grâce à des amendements de la commission – l’annexe de la directive. Quant à la médiation qu’évoque M. Ducout, je propose dans ce même article de la renforcer en créant un poste de médiateur national unique, dont nous reparlerons. J’invite donc ses auteurs à retirer cet amendement ou, à défaut, l’Assemblée à le rejeter.

M. le Ministre – Même avis.

M. François Brottes - Ces présentations plus réduites limitent d’autant les réponses à nos questions ! Ainsi, M. Vidalies a interrogé en vain le ministre sur le dossier des actions collectives. Ce n’est pourtant pas hors sujet, car les usagers vont être soumis à la dérégulation que vous avez souhaitée avec Mme Fontaine. On nous a ici et là annoncé un texte qui préserverait la capacité d’action collective des consommateurs : n’avez-vous donc rien à en dire ?

M. le Ministre – Vous nous aviez habitués à mieux, Monsieur Brottes : je le répète, le texte est prêt ! J’espère pouvoir le présenter au Parlement cet automne. Encore faut-il que nous ayons la possibilité d’en débattre…

M. Jean Gaubert - Ce serait de notre faute, en plus !

M. le Ministre – Je vous invite donc à entrer enfin dans le corps du texte. L’amendement que vous venez de défendre est légitime, mais l’article 13 le satisfait. Débattons donc de ces questions au fil des articles, dans l’intérêt des consommateurs eux-mêmes.

Mme Marylise Lebranchu - Ce texte important n’ayant pas encore été présenté en conseil des ministres, nous n’en disposons pas !

M. le Ministre – C’est vrai.

Mme Marylise Lebranchu – Croyez bien que nous nous en saisirons dès que possible, et je prends note de votre engagement à en débattre pendant l’automne.

M. le Ministre – C’est mon souhait, en effet.

Mme Marylise Lebranchu - Obtenez donc un arbitrage en votre faveur, puisque le texte est prêt. Nous vous y aiderons volontiers !

M. le Ministre – Très bien !

Les amendements 11397 à 11429, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – Nous en venons à l’examen des amendements 5568 à 5600.

M. Henri Emmanuelli – Si nous avions attendu l’élection présidentielle pour traiter ce dossier, ce qui eût été plus démocratique, nous aurions évité l’encombrement de cette session extraordinaire, décrétée par le Premier ministre pour rétablir une autorité chancelante et permettre à certains de boucler des opérations incertaines avant qu’elles ne deviennent impossibles…

L’amendement 5568 est au cœur du débat, puisqu’il a trait au contrôle du prix de l’énergie par la puissance publique. À la Libération – je le rappelle pour celles et ceux qui se prétendent ici gaullistes –, on estima avec raison que certains domaines ne pouvaient être abandonnés à des conseils d’administration privés et devaient rester sous contrôle public. Les temps ont certes changé, mais nous traversons une crise énergétique que l’évolution globale des besoins ne fait qu’aggraver. Le pouvoir d’achat, mais aussi la compétitivité de nos entreprises et l’emploi en sont affectés. Les présidents des fédérations d’industries électro-intensives ont averti la commission des finances que des dizaines de milliers d’emplois étaient ainsi menacés pour ceux qui, par maladresse ou dogmatisme, s’en étaient remis au marché. L’un d’eux, en particulier, employeur de quatre mille personnes, ne savait plus comment faire face : sa marge était de 1,6 % pour une augmentation du prix de l’électricité de 1,7 %.

Une fois accomplie cette opération – que vous essayez de mener au rythme d’un escadron de cavalerie sans bien savoir si la troupe suivra…

M. le Président de la commission – (désignant les bancs du groupe UMP) La voici, la troupe !

M. Henri Emmanuelli – Je parle d’autres troupes, M. Ollier : voici quelque temps déjà qu’ayant la majorité, vous considérez que les problèmes sont résolus et que tout va bien. Les événements auraient dû vous inciter à plus d’humilité ! Mais puisque vous voulez traiter ce sujet, traitons-le : une fois accomplie cette opération, disais-je, c’est un conseil d’administration ne rendant de comptes qu’à ses actionnaires qui décrétera le prix du gaz dans notre pays. Il pourra ainsi à son gré pomper le pouvoir d’achat des ménages et hypothéquer la compétitivité de nos entreprises.

Votre réponse est bien connue : la CRE, les mesures transitoires… Pourtant, M. Cirelli a le cynisme, tout en annonçant 1,7 milliard de bénéfices, de demander une hausse des prix de sorte qu’ils atteignent ceux du marché d’ici à deux ans. M. Mestrallet a fait le même genre de déclarations. La majorité n’a pas l’air choqué… Or, en matière d’énergie, nous sommes en situation d’oligopole : quelques groupes privés se partagent le marché, et il serait naïf de croire que la libre concurrence jouera.

Notre amendement tend à prolonger ce débat jusqu’à l’élection présidentielle, car vos actions vous font porter une lourde responsabilité à l’égard de notre pays. Au-delà de nos différences, nous sommes nombreux ici à être attachés à la compétitivité de nos entreprises. Ne voyez-vous pas qu’il est irresponsable de la soumettre aux intérêts du conseil d’administration de Suez ? Les conséquences seront si considérables que vos successeurs, quels qu’ils soient, auront à s’en soucier. Comme d’autres élus locaux, je reçois déjà de nombreuses lettres de chefs d’entreprise : avant-hier encore, le dirigeant des Papeteries de Gascogne me faisait part de ses difficultés face à l’augmentation du prix de l’énergie. Et c’est à nous, députés socialistes, que l’on demande d’agir ! Je constate au passage que, dès que l’action publique se mêle du secteur privé, on lui en conteste le droit mais qu’en cas de problème, c’est pourtant vers les élus qu’on se tourne. Le principe est ancien, mais votre opération ne le rendra pas désuet : les chefs d’entreprise continueront de vous interpeller partout dans vos circonscriptions !

Certes, la France a un avantage sur d’autres pays qui n’ont ni GDF ni le nucléaire. J’ai néanmoins entendu un parlementaire proposer de le partager. Et c’est avec les actionnaires de Suez que vous allez le partager !

M. le Président – Veuillez conclure, Monsieur Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli - Même des actionnaires privés vous diront qu’il fallait demander une offre publique d’achat de GDF sur Suez, plutôt que d’installer M. Mestrallet à la tête d’un groupe qui contrôlera le prix du gaz en France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) 

M. le Président – Merci, Monsieur Emmanuelli !

M. Henri Emmanuelli - Je vous remercie de votre mansuétude, Monsieur le Président, mais je vous épargne un beau paquet d’amendements – à moins que vous ne préfériez que nous les défendions un à un ? J’attends simplement de M. le ministre qu’il nous dise quelle sera la situation dans trois ans, lorsque le conseil d’administration du nouveau groupe décidera des prix du gaz !

M. le Rapporteur – Je rends hommage, Monsieur Emmanuelli, à la constance de vos positions – même si elles ne sont pas toujours partagées par les membres de votre groupe.

J’en viens à l’amendement qui énonce : « La souveraineté du peuple n’est pas absolue lorsque les services essentiels du pays sont entre les mains d’actionnaires privés ». Quelle charge terrible contre l’actionnariat privé !

M. Christian Bataille - C’est le texte de la loi de 1946 !

M. Pierre Ducout - Élaborée par le Conseil national de la Résistance au sein duquel siégeaient des gaullistes !

M. le Rapporteur – Des entreprises vous ont fait part de leurs difficultés face aux fortes augmentations du prix de l’énergie, et la commission des finances a reçu aussi des chefs d’entreprise qui s’en sont plaints. Il faut tout de même rappeler comment on en est arrivé là. Il s’agit d’entreprises qui ont choisi de faire jouer la loi de 2000…

M. Michel Bouvard - Hélas, pas seulement !

M. le Rapporteur - Cette loi émanait d’un gouvernement de gauche, vous ne vous y êtes pas opposés.

M. Christian Bataille - Cette loi transposait une directive négociée par M. Borotra !

M. le Rapporteur – N’imputez donc pas à la majorité d’aujourd’hui les conséquences d’une loi que M. Jospin a fait voter.

M. François Brottes - Quel mauvais historien vous faites !

M. le Rapporteur – Pour le reste, Monsieur Emmanuelli, dois-je énumérer les entreprises qui ont été privatisées par la gauche ? Aérospatiale, Thalès…

M. François Brottes - Ces entreprises ne fournissaient pas des « services essentiels ».

M. le Rapporteur - Le secteur de la défense ne serait donc pas pour vous un « service essentiel ».

Renault, Thomson Multimédias…

M. Pierre Ducout - Que M. Juppé voulait brader pour l’euro symbolique !

M. le Rapporteur – Toutes ces entreprises ont été privatisées par la gauche. C’est elle encore qui a ouvert le capital de France TélécoM. Et puisque vous évoquez le service public, Monsieur Emmanuelli, vous qui êtes député des Landes, savez sans doute à qui appartient le réseau de transport de gaz dans le Sud-Ouest. A Total. Et qui l’a privatisé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Vous ne contesterez pas que la production d’électricité constitue un « service essentiel ». Or, qui a donné les barrages de la Compagnie nationale du Rhône à Suez ? La gauche encore !

M. Pierre Ducout - C’était le minimum pour appliquer la directive que vous avez acceptée !

M. le Rapporteur – Je reviens maintenant sur la formation des prix et la fixation des tarifs, car vous entretenez à ce sujet une grave confusion. Contrairement à ce que vous voudriez faire croire, il y aura toujours des tarifs régulés, une fois GDF privatisée, et ce ne sont pas les actionnaires qui en décideront.

M. Christian Bataille - Vous croyez ça ?

M. le Rapporteur – La facture d’électricité et de gaz comporte aujourd’hui deux éléments principaux, l’acheminement, qui représente 35 % à 40 % du montant total, et la fourniture. Si le régulateur propose au ministre les tarifs d’acheminement – que celui-ci ne fait que confirmer –, il se contente de formuler un avis sur les tarifs de fourniture que le ministre fixe en toute souveraineté.

Grâce à un amendement de la commission des affaires économiques, les tarifs régulés seront bien maintenus après la privatisation. Je souhaiterais maintenant que l’on en vienne le plus rapidement possible à ces dispositions pour apporter des garanties aux consommateurs - particuliers ou professionnels - sur les tarifs réglementés et évoquer le tarif transitoire d’ajustement que je propose pour les entreprises fortement consommatrices qui avaient fait le choix du marché. Et de grâce, cessez de faire croire aux Français qu’une fois GDF privatisée, les prix payés par les consommateurs seront n’importe lesquels. Quiconque souhaitera conserver le bénéfice des tarifs le pourra et la puissance publique interviendra toujours dans leur fixation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué – M. Emmanuelli s’est fait l’interprète des entreprises qui rencontrent des difficultés face au prix du marché de l’électricité. Nous aussi sommes préoccupés de cette situation. C’est d’ailleurs pourquoi le premier objectif de ce projet de loi est de permettre le maintien des tarifs régulés au-delà du 1er juillet 2007, ce qui ne serait pas possible si le texte n’était pas voté.

Comment être sûr que les investissements nécessaires seront réalisés afin d’éviter toute pénurie qui ferait augmenter les prix, demandez-vous par ailleurs. Le Gouvernement est bien conscient de la nécessité de ces investissements et il demande d’ailleurs aux entreprises d’y procéder. Il a, au travers du programme pluriannuel d’investissements…

M. Pierre Ducout – Prévu par la loi de 2000 !

M. le Ministre délégué - …le moyen de les y contraindre. Ainsi, après le vote des dispositions relatives aux énergies renouvelables intervenu l’an passé, nous avons lancé de multiples appels d’offres et reçu beaucoup de candidatures, d’entreprises privées mais aussi d’EDF, pour produire de l’électricité d’origine éolienne par exemple. Nous disposons, avec ce programme pluriannuel et avec la contribution au service public de l’électricité, de l’outil et des ressources permettant d’investir à hauteur suffisante pour garantir un niveau de production répondant aux besoins des consommateurs. Il y a là de vraies réponses à vos questions et c’est dans le présent texte qu’elles se trouvent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Henri Emmanuelli – Je vous remercie, Monsieur le ministre, du soin apporté à nous répondre.

Monsieur le rapporteur, nous ne pouvions pas imaginer une seconde qu’un ancien administrateur de l’Assemblée pourrait confondre une phrase extraite de la loi de 1946 avec la prose de Lénine ou de Trotski, et avions préjugé de votre culture historique. Au lieu d’ironiser comme vous l’avez fait, et de stigmatiser ce brave M. Emmanuelli, comme s’il était un bolchevik au couteau entre les dents, vous feriez mieux de reprendre quelques études d’histoire.

Pour le reste, vous n’avez eu de cesse de nous renvoyer à la loi de 2000 sans préciser que celle-ci a dû être prise pour transposer une directive négociée par MM. Juppé et Borotra. Et encore l’avons-nous transposée a minima ! Assez donc de chicayas !

Ce que je sais, moi, et je n’ai jamais varié sur le sujet, c’est que privatiser le secteur de l’énergie ne saurait être une bonne affaire pour notre pays. Pour avoir occupé des responsabilités dans des gouvernements précédents…

M. Jean Leonetti - Il y a longtemps !

M. Henri Emmanuelli - Peut-être, mais le déficit n’était alors pas le cinquième de ce qu’il est aujourd’hui ! À l’époque, les ministres du budget prélevaient chaque année six milliards de francs sur Elf Aquitaine et autant sur Total. Puis ces compagnies pétrolières ont été privatisées, le produit de la vente a été absorbé dans les dépenses de fonctionnement, il s’est volatilisé comme des vapeurs de pétrole, et aujourd’hui Total compte tranquillement ses 13 milliards de bénéfices sans que le ministre du budget en reçoive le premier sou ! Voilà ce qu’a été la privatisation du pétrole, et le plus triste, c’est que personne n’aura jamais à rendre compte de cette affaire ! Ce sont des fonds de pension étrangers qui engrangent les bénéfices que fait l’entreprise.

M. Jean-Charles Taugourdeau - Heureusement !

M. Henri Emmanuelli - Comment osez-vous ? Monsieur, vous êtes député de la République française, vous ne représentez pas les intérêts des fonds de pensions écossais ou américains ! Comment pouvez-vous être « heureux » que la collectivité ne reçoive plus rien d’entreprises qui auparavant lui rapportaient beaucoup d’argent ? Il m’étonnerait d’ailleurs que vous teniez le même langage dans votre circonscription.

M. Lenoir nous a expliqué, longuement et laborieusement, qu’il n’y avait pas de crainte à avoir, car ce sont les ministres qui établissent le niveau des prix. Nous prenez-vous pour des béotiens ? C’est l’entreprise, qu’elle soit publique ou privée, qui vient présenter ses comptes au ministre, explique ses prix de revient et demande la hausse correspondante. À ce propos, la progression régulière des marges de GDF depuis deux ans montre bien que la privatisation a été préparée, et qu’il fallait valoriser l’entreprise pour qu’elle bénéficie de cours de bourse adéquats le moment venu. Par ailleurs, je trouve curieux que la parité du prix des actions ait été annoncée en public en février, avant que toute assemblée générale ait été réunie. J’espère qu’un actionnaire minoritaire de Suez finira quand même par s’en apercevoir. Ce genre de négligence a coûté 140 millions à Mittal. C’est comme ça, maintenant : on ne respecte même plus les règles du droit privé ! Ce sont des opérations politiques qui sont menées grand train.

La vérité, c’est que les ministres n’imposeront pas leurs prix aux conseils d’administration, et les Français le savent bien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur – M. Emmanuelli m’a fait un grand compliment, que je ne mérite pas, en me présentant comme un ancien administrateur de l'Assemblée nationale. En réalité, c’est comme membre de divers cabinets ministériels que j’ai eu l’occasion de rencontrer M. Emmanuelli, et d’ailleurs de mesurer sa combativité.

Quoi qu’il en soit, l’amendement dont nous discutons n’est pas issu de la loi de 1946, mais du rapport de Paul Ramadier.

M. Henri Emmanuelli - Vous chipotez !

M. le Rapporteur – Ensuite, les tarifs sont bel et bien fixés par les pouvoirs publics – et l’augmentation de 34 % des tarifs du gaz en 2000 a bien été décidée par le gouvernement de Lionel Jospin.

M. Henri Emmanuelli - Et cette année, elle sera de combien ?

M. le Rapporteur – Enfin, vous avez le sentiment que l’État va gagner de l’argent avec la privatisation de Gaz de France…

M. Henri Emmanuelli - Même pas, hélas !

M. le Rapporteur – L’État ne gagnera pas un euro.

M. Pierre Ducout - C’est Albert Frère qui va s’enrichir.

M. François Brottes - En effet, ce sont les actionnaires de Suez, par le biais des fonds propres dont dispose aujourd’hui Gaz de France, qui vont s’enrichir : personne n’a dit, malheureusement d’ailleurs, que l’État tirerait profit de cette opération ! Ne détournez pas sans cesse nos propos.

Il apparaît, dans le rapport, que le Gouvernement avait l’intention de mettre en extinction les tarifs réglementés pour les consommateurs non domestiques, puisque les nouveaux sites de consommation ne pourraient plus bénéficier du tarif à compter du 1er janvier 2008. C’était bel et bien son intention initiale, mais comme chacun s’en était aperçu, vous avez corrigé le tir par des amendements. Les parlementaires de la majorité se sont par ailleurs rendu compte qu’ils ne pouvaient pas à la fois privatiser Gaz de France et planter un couteau dans le dos des entreprises du pays. Vous avez donc inventé une usine à gaz, dont on ne sait toujours pas d’ailleurs si elle recevra l’aval de la Commission européenne – cela fait quatre fois que je vous interroge là-dessus.

Vous nous dites qu’il n’y a pas de crainte à avoir, puisque c’est le ministre qui fixe les tarifs. Mais le ministre ne fait que tirer une décision de conséquence ! En droit, c’est bien lui qui adopte le tarif, mais il est lié par des données extérieures telles que le coût du transport ou le prix du gaz. Lorsqu’on achète le gaz à un prix indexé sur le pétrole, on ne peut pas faire grand-chose, qu’on soit de gauche ou de droite, et marié ou non avec Suez ! La différence, c’est que lorsque les entreprises sont privées, les actionnaires ont leur mot à dire. Le président du groupe fusionné expliquera au ministre que si les tarifs n’augmentent pas, il n’obtiendra pas leur autorisation pour les investissements indispensables… D’ailleurs, les présidents de Suez et celui de Gaz de France réclament dès à présent dans la presse des garanties sur l’augmentation des tarifs – y compris, contrairement à ce à quoi vous vous étiez engagé, avant le 1er juillet ! La décision du ministre est donc entièrement liée et votre argument ne tient pas.

M. Jean-Charles Taugourdeau – En 1946, l’heure était plus à la reconstruction de la France qu’à l’établissement de ratios de rentabilité. C’est pour cela que la phrase que vous avez reprise peut s’entendre comme « la souveraineté du peuple est absolue lorsque les services essentiels du pays sont entre les mains d’entreprises publiques ». Aujourd’hui, ce n’est plus le cas : un maire peut toujours demander à Gaz de France d’installer le gaz dans un lotissement, il ne l’obtiendra pas si les ratios de rentabilité ne sont pas atteints !

M. Emmanuelli m’a reproché de me féliciter que les entreprises privées gagnent de l’argent. Heureusement ! Qu’en est-il de la participation salariée, dans une entreprise qui n’a pas de résultat ? Demandez aux syndicats de salariés des entreprises privées : vous verrez qu’ils préfèrent largement qu’elles gagnent de l’argent plutôt qu’elles soient déficitaires.

M. le Ministre – En 1999 et en 2000, M. Strauss-Kahn puis M. Fabius ont accepté sans discuter l’augmentation demandée par Gaz de France. Il n’y a pas eu la moindre négociation.

M. Henri Emmanuelli - C’est vous qui le dites !

M. le Ministre – Je vous assure que j’ai vérifié. C’est ainsi qu’ils ont accepté une augmentation de 30 % du gaz.

M. Pierre Ducout - Ils ont négocié la baisse des tarifs d’EDF, en même temps !

M. le Ministre – La loi prévoit en effet que c’est le ministre qui ratifie l’augmentation demandée. Dans les faits, l’entreprise argue de l’augmentation de ses coûts ; la commission de régulation de l’énergie vérifie que cette demande est légitime, puis le ministre dit oui ou non. Justement pour ne pas faire comme en 2000, j’ai créé une commission supplémentaire, indépendante, présidée par M. Durieux, et dans laquelle siègent également un parlementaire et le meilleur spécialiste de l’énergie, le professeur Chevalier. C’est sur leur avis que je n’ai pas suivi exactement la demande formulée par Gaz de France et par la CRE et que j’ai décidé d‘une augmentation moindre. Je me suis donc donné les moyens de protéger les consommateurs. Cela fonctionne comme cela aujourd’hui, et cela fonctionnera comme cela demain.

M. Daniel Paul - Une fois la loi votée, les particuliers pourront soit rester au tarif régulé, soit aller voir ailleurs sur le marché. Les entreprises avaient déjà cette possibilité, et l’ont exercée pour certaines d’entre elle. Elles sont nombreuses maintenant à demander un retour au tarif régulé, et vous avez mis sur pied une usine à gaz pour leur répondre. Mais j’appelle votre attention sur le fait que les particuliers seront beaucoup plus sensibles à la pression commerciale des opérateurs. Je les ai vus à l’œuvre en Grande-Bretagne : ils venaient démarcher les particuliers, et avec succès, car leurs propositions tarifaires défiaient toute concurrence. Hélas, ceux qui ont accepté leur offre se sont retrouvés enchaînés, faute de pouvoir revenir en arrière ! Or, c’est exactement ce qui va se passer pour le gaz, car vous allez livrer nos concitoyens à des opérateurs similaires, y compris les plus fragiles d’entre eux – ceux que les effets de seuil empêchent de bénéficier des aides sociales en dépit de leurs difficultés financières. Voilà pourquoi nous ne voulons pas que les particuliers et les PME quittent le tarif régulé !

Et puisque nous ne devons pas parler du passé, je ne reviendrai pas sur la lettre de griefs de la Commission, mais je vais vous citer le courrier que les administrateurs salariés de GDF viennent d’adresser à M. Cirelli : « La privatisation de l’entreprise réduira considérablement les possibilités de l’État concernant la régulation des tarifs, ce qui est considéré comme un atout par les banques d’affaires ». Le Crédit agricole « Chevreuse » évoque déjà « une dynamique porteuse pour les années à venir, notamment grâce à la normalisation des relations avec l’État sur la question des tarifs ». On peut en effet penser que les actionnaires disposeront d’un poids suffisant pour que les ministres intéressés se montrent sensibles à leurs exigences…

Enfin, nous avons pu lire dans tous les documents officiels que la fusion entre GDF et Suez devrait engendrer une synergie dans les achats de gaz, synergie qui serait « créatrice de valeur ».

M. Paul Giacobbi - C’est la grande ânerie à la mode !

M. Daniel Paul – À qui profitera cette synergie ? Aux actionnaires, dont les représentants viennent de demander que les prix régulés soient alignés sur le marché, afin – prétendent-ils – de ne pas être lésés. Chacun peut donc voir dans quel chemin vous allez engager GDF !

M. François Brottes – Je voudrais poser quelques questions à M. Breton, qui commentait tout à l’heure le comportement de ses prédécesseurs à l’égard des entreprises publiques : avons-nous constaté une baisse de l’essence à la pompe quand il a convoqué les entreprises pétrolières à Bercy ? Et lui-même, dans une fonction précédente, n’a-t-il pas mené à la privatisation une entreprise publique dont il avait la charge ? Je crois qu’on peut sans peine imaginer l’avenir !

J’ajoute qu’aux termes du contrat de service public qui lie aujourd’hui EDF à l’État, la mission de l’entreprise n’est plus de réduire les prix, comme ce fut le cas dans le passé, mais de limiter leur hausse à l’inflation. Là où ses prédécesseurs demandaient une baisse des prix, le ministre cherche seulement à réduire leur augmentation !

Les amendements 5568 à 5600, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – Nous en venons aux amendements 563 à 712.

M. François Brottes – Par l’amendement 563, nous demandons que les entreprises du secteur de l’énergie demeurent publiques, afin que nous puissions préserver notre indépendance énergétique. Il faudrait que le Gouvernement fasse enfin preuve de cohérence : six mois après nous avoir demandé de voter la loi du 14 juillet 2005, aux termes de laquelle « la politique énergétique (…) nécessite le maintien et le développement des entreprises publiques nationales », comment le Premier ministre a-t-il pu oser annoncer sa décision de privatiser GDF ?

Avec ce projet de loi, l’article premier de la loi de 2005 n’aura plus de sens, puisqu’il n’existera plus « des » entreprises publiques nationales, au pluriel, mais une seule : EDF – du moins avant que vous ne vous décidiez à la privatiser aussi.

La loi continuera donc à affirmer que le service public de l’énergie doit garantir la cohésion sociale, être vertueux en matière de développement durable et assurer l’indépendance de notre pays, mais vous allez supprimer le fondement de ces dispositions, c'est-à-dire l’existence même du service public de l’énergie !

Voilà pourquoi nous proposons de maintenir les entreprises nationales de l’énergie dans le secteur public, comme vous l’avez promis – et ce n’était pas il y a si longtemps ! Après avoir renoncé à l’engagement pris en 2004 par M. Sarkozy, allez-vous renoncer à celui de 2005 ? Quel sera donc votre prochain renoncement ?

M. le Rapporteur – Il nous est impossible d’accepter un tel amendement, qui contredit une disposition essentielle du projet de loi. Puisque MM. Fabius et Strauss-Kahn sont cosignataires, eux qui proposaient en 2002 de privatiser GDF, je ferai une suggestion : qu’ils viennent en parler ici – je suis sûr que ce serait fort intéressant !

J’en viens maintenant aux remarques orthographiques de M. Brottes, qui nous demande de réécrire au singulier l’article premier de la loi de 2005. Il oublie qu’il restera encore deux entreprises énergétiques dans le secteur public une fois que nous aurons privatisé GDF : EDF, mais aussi Areva. Nous pouvons donc maintenir le pluriel ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Paul Giacobbi - Leurs jours sont sans doute comptés.

M. François Brottes – Nous ne pouvons pas continuer à débattre si vous racontez n’importe quoi ! Areva ne produit pas d’énergie, elle ne fait qu’en distribuer ! Quant à Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn, ils n’ont jamais proposé de privatiser GDF. Je vous mets au défi de trouver une seule déclaration en ce sens !

Je peux comprendre que vous soyez gêné, Monsieur le rapporteur, puisque vous ne respectez pas les engagements de votre majorité, mais vous devriez essayer d’assumer vos revirements au lieu de nous présenter des arguments fallacieux !

Pour toutes ces raisons, je demande au nom de mon groupe que la séance soit suspendue dès que nous aurons voté sur les amendements.

Les amendements 563 à 712, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
La séance, suspendue à 19 heures 45, est reprise à 19 heures 55.

M. le Président – Nous en venons à l’examen des amendements identiques 1013 à 1162.

M. Alain Gouriou – M. le rapporteur aurait donc souhaité que M. Strauss-Kahn ou M. Fabius viennent défendre leur amendement. Or, cela fait déjà un certain temps que nos collègues, eux, réclament l’audition de M. Sarkozy sur ses déclarations de juin 2004 mais également celle d’autres collègues de l’UMP.

Dans quel délai, Monsieur le ministre, le Gouvernement a-t-il l’intention de saisir la représentation nationale du projet de loi relatif à la privatisation d’EDF ? Il nous faut un calendrier précis. Nos amendements demandent qu’EDF demeure une entreprise nationale, car nous avons besoin d’un pôle énergétique national dont EDF et GDF seraient les piliers. C’est ainsi, en effet, que les missions de service public d’équipement et de distribution seront assurées : seule une entreprise publique peut réaliser le formidable effort qui sera nécessaire afin de remplacer progressivement des unités de production d’énergie qui arrivent en fin de vie, ainsi que l’effort de recherche qu’impose le passage à l’ère de « l’après pétrole ». Toutes les ressources en énergies fossiles sont limitées, on le sait, et elles s’épuisent rapidement. Seule une entreprise publique peut consentir l’effort considérable de recherche fondamentale nécessaire à la mise au point d’autres sources d’énergie. Les entreprises privées, soumises aux pressions de leurs actionnaires, ont d’autres finalités.

Enfin, EDF doit demeurer une entreprise publique afin que les plus défavorisés de nos concitoyens continuent de bénéficier des mesures d’accompagnement social qui leur sont indispensables. Voilà pourquoi ces amendements doivent être adoptés.

M. le Rapporteur – La commission les a repoussés car le projet ne modifie pas la part de l’État dans le capital d’EDF, entreprise qui participe bien sûr à l’indépendance énergétique nationale par son parc électro-nucléaire, que nous entendons maintenir et développer.

M. le Ministre délégué – Je vous l’ai dit, on peut avoir de larges moyens d’action sur GDF avec 34 % de son capital. Mais Électricité de France est une entreprise productrice, ce que Gaz de France n’est pas, et de surcroît une entreprise productrice d’énergie nucléaire. Leur situation n‘est donc pas comparable, et l’on ne peut envisager de privatiser EDF.

M. Christian Bataille – Je gage que si vous gagnez les prochaines élections présidentielles, vous le ferez …

M. François Brottes - J’aurais tendance à croire ce que le ministre vient de nous dire sans emphase si je n’avais en mémoire les propos tenus par M. Sarkozy en 2004, qu’il s’agisse de la part de capital de l’État dans GDF ou des retraites du personnel. Je constate que le rapporteur nous répond, à présent ; malheureusement, ce qu’il nous dit frise le mensonge ou la mauvaise foi. (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Il m’a dit tout à l’heure, avec le sérieux qui le caractérise, qu’il resterait toujours deux entreprises publiques : EDF et Areva. Mais quel contrat de service public lie Areva à l’État ? Vous allez répétant que ces contrats sécurisent la bonne mise en œuvre du secteur public de l’énergie. Pour nous, il serait bien plus sûr que ce qui figure dans ces contrats soit inscrit dans la loi mais, quoi qu’il en soit, avoir connaissance de la teneur des obligations d’Areva en cette matière m’éviterait de poser bien des questions inutiles dans le futur.

M. Daniel Paul - Le Gouvernement a expliqué à diverses reprises, en commission notamment, que l’heure était venue pour les entreprises du secteur énergétique de proposer des offres doubles – gaz et électricité – ; c’est même une des raisons données à la fusion Suez-GDF. Soit. Mais cela signifie qu’EDF devra également être en mesure de fournir cette offre double, sauf à se faire tondre la laine sur le dos, d’autant que le groupe fusionné disposera du fichier des millions d’abonnés de GDF. Une fois Gaz de France privatisé, quel autre partenaire gazier public EDF trouvera-t-elle ? Aucun. Elle devra donc s’allier à un gazier privé et, pour ce faire, sera privatisée à son tour, subissant le même sort que celui que vous infligez à GDF, contraint de s’endetter pour acheter Suez puis de revendre quelques-uns de plus beaux actifs. Voilà à quoi mènera la politique que vous menez actuellement, une politique dangereuse pour GDF, qui doit rester dans le giron de l’État, pour EDF, pour le pays et pour notre économie, une politique contre laquelle nous résistons dans cet hémicycle et ailleurs.

M. le Ministre délégué – Edison est déjà partenaire d’EDF pour le gaz !

M. Pierre Ducout - Un gros acheteur !

M. le Rapporteur - M. Brottes feint d’ignorer qu’Areva participe à l’évidence de la sphère publique...

M. François Brottes - Elle sera donc liée à l’État par un contrat de service public ?

M. le Rapporteur – Un contrat est prévu pour EDF et GDF, mais rien ne justifie un contrat spécifique pour Areva, qui concourt au service public de l’énergie.

M. Christian Bataille - Fumeuses explications…

Les amendements 1013 à 1162, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Bono – Par les amendements 713 à 862, nous réaffirmons que la sécurité d’approvisionnement nécessite que GDF demeure une entreprise publique nationale. Nous ne sommes pas les seuls de cet avis : M. Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie, le partage, et ses arguments méritent d’être rappelés (Protestations sur les bancs du groupe UMP). La répétition est le fondement de la didactique, chers collègues, et je ne désespère pas de convaincre encore quelques-uns d’entre vous.

Que dit, en bref, M. Stiglitz ? Que la privatisation de GDF est une idée stupide et inutile ; que l’on a vu quelles ont été les conséquences de la déréglementation énergétique aux États-Unis ; que si la France connaît une telle réussite dans le domaine de l’énergie, c’est parce qu’un esprit public s’est développé qui attire des gens très qualifiés. Et il conclut qu’ouvrir la voie à la privatisation reviendrait à se priver de marges de manœuvre essentielles dans un secteur hautement stratégique. Le 15 juin 2004, Nicolas Sarkozy ne déclarait-il pas avec emphase à cette tribune que le Gouvernement s’engageait fermement à ce qu’EDF et Gaz de France ne soient jamais privatisés ? Chacun sait où nous en sommes : l’exposé des motifs du projet de loi énonce expressément que la fusion entre Gaz de France et Suez conduira mécaniquement l’État à « se diluer dans un nouvel ensemble ». Quelle place sera laissée aux obligations de service public dans cet ensemble dilué ?

Du fait de l’inexistence de ses ressources propres, Suez ne contribuera nullement à la sécurité de notre approvisionnement et si la concentration des entreprises peut procurer certains avantages – notamment dans le processus d’achat –, elle ne crée pas d’avantage décisif.

Malgré tout, vous persistez dans votre projet alors que la majorité de nos concitoyens y sont tout à fait défavorables et que le groupe Suez lui-même s’interroge sur l’opportunité de la fusion. L’adoption de notre amendement s’impose donc.

M. le Rapporteur – Nous avions constaté avec plaisir que l’opposition levait un peu le pied et s’engageait à cesser ses manœuvres d’obstruction… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Je l’invite par conséquent à mettre à profit l’interséance pour mettre un peu d’ordre dans ses séries d’amendements. Quelle différence fait-elle entre cette série, relative à la sécurité d’approvisionnement, et la précédente qui traitait de l’indépendance énergétique ?

M. Gérard Bapt - Ce sont deux notions différentes !

M. le Rapporteur – Le rapprochement avec Suez va justement permettre de renforcer notre sécurité d’approvisionnement, en renforçant la position des opérateurs français sur le marché mondial…

M. Pierre Ducout - En aucun cas. C’est à EDF qu’il faut allier Gaz de France !

M. le Rapporteur – Une autre précision me semble importante. Nous entendons beaucoup parler du prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz. Au risque de décevoir certains de nos collègues, je rappelle qu’il n’existe pas de prix Nobel d’économie. Une distinction a bien été créée, à la mémoire d’Alfred Nobel, dans cette discipline, mais tardivement et à l’initiative de la Banque centrale de Suède… (« Et alors ? » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Gérard Bapt - C’est un générique !

M. le Rapporteur – Je n’ai pas écouté cet économiste américain en direct, mais d’après ce que l’on rapporte de ses propos, il me semble qu’il ne connaît pas grand-chose à notre système électrique et gazier. Manifestement, il commente la situation en se référant au système américain et cela ne me paraît pas très sérieux. Lorsque l’on s’exprime publiquement sur un dossier, mieux vaut le connaître un peu !

La commission a rejeté ces amendements.

M. le Ministre délégué – M. Stiglitz n’est pas forcément le mieux placé pour nous donner des conseils. Après avoir été vice-président de la Banque mondiale, il propose de supprimer cette institution essentielle pour l’aide au développement, par dépit, sans doute, de n’y avoir pas pleinement réussi.

M. Christian Bataille - Comme il n’est pas de votre avis, il est forcément mauvais !

M. le Ministre délégué – Sur le fond, je crois que son propos aurait davantage intéressé des auditeurs américains et je ne veux retenir de son intervention que son hommage à la qualité des méthodes que la France a forgées…

M. Pierre Ducout - Alors, pourquoi y renoncer ? Où est la cohérence ?

M. le Ministre délégué – Grâce à ses 34 % et au dispositif de golden share, Gaz de France sera conforté par l’adoption de ce texte. Au final, M. Stiglitz ne me semble pas suffisamment connaisseur de nos problématiques pour se prononcer à bon escient. En tout cas, ses analyses ne peuvent primer sur nos propres échanges, et je réaffirme sans l’ombre d’une hésitation que ce n’est pas le fait d’être public qui garantit la sécurité d’approvisionnement mais la capacité à peser sur le marché des achats. Je suis bien placé pour vous dire que ce qui compte, c’est le montant que l’on est prêt à mobiliser pour un gisement et la faculté de conclure des contrats de long terme…

M. Pierre Ducout - Ce sont les États qui négocient !

M. le Ministre délégué – Selon un principe général que ne peut renier un économiste aussi distingué que M. Stiglitz, c’est la taille qui garantit l’indépendance, pas le statut. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Gaubert - À chacun ses références. Nous avons cité Joseh Stiglitz plusieurs fois, et, manifestement, cela vous gêne. On le comprend. Cet éminent spécialiste de l’économie mondiale s’est en effet demandé publiquement ce qui pouvait pousser le gouvernement français à démanteler un système qui donne toute satisfaction. Convenez que la question mérite d’être posée.

Après s’être renié à propos du dossier énergétique, l’édition du Monde parue ce soir nous apprend que M. Sarkozy s’est, sur le Proche Orient, rallié à la position de George Bush. Je note au passage que le président de l’UMP a dû s’ennuyer dans le Bureau ovale puisqu’il prétend y avoir passé quarante minutes alors que les conseillers du président américain parlent d’une entrevue de vingt-cinq minutes seulement… (Rires sur les bancs du groupe socialiste ; murmures sur les bancs du groupe UMP) En tout cas, ce changement stratégique est des plus inquiétants et ne peut que porter préjudice à notre pays.

Pour en revenir au présent texte, je tiens à relever un nouveau virage. M. Breton s’évertue à démontrer que le seul point à débattre, c’est la privatisation de Gaz de France, en vue de lui permettre de nouer ultérieurement des alliances avec qui il veut. Par contre, M. Loos et notre rapporteur ne se gênent pas pour promouvoir ouvertement la fusion avec Suez. Pouvez-vous au moins vous mettre d’accord ? Et préciser l’ampleur des cessions exigées de Gaz de France dans une telle perspective ? Ce n’est pas faire de l’obstruction que de vouloir comprendre ce qui vous pousse à défendre avec autant d’acharnement le mariage contre-nature entre Gaz de France et Suez.

M. François Brottes - La vraie menace pour l’indépendance énergétique de notre pays, c’est vous qui la faites planer en voulant mettre dans une situation de concurrence effrénée Gaz de France et EDF. Quant à la sécurité d’approvisionnement, elle relève, Monsieur le rapporteur, d’une toute autre problématique.

M. Cirelli a déclaré aujourd’hui qu’il espérait un rattrapage rapide des tarifs réglementés, la fixation des prix du gaz dépendant directement du cours du baril de pétrole. Dans ce contexte, comment croire qu’une augmentation de 4% de nos capacités d’achat sur le marché européen permettra de faire baisser les prix ?

M. le Président de la commission – C’est ce que nous disons depuis le début !

M. Daniel Paul - Notre rapporteur joue sur les mots : tout le monde parle de prix Nobel d’économie. En outre, les hautes fonctions qu’a occupées M. Stiglitz font assurément de lui un commentateur autorisé.

Or, il souligne le rôle prépondérant de la puissance publique dans le domaine de l’énergie. Le Gouvernement me semble bien présomptueux de refuser les conseils de gens avisés, et de n’écouter que les libéraux à tout crin – je salue à ce titre l’arrivée de M. Novelli.

Vous refusez également de tirer le bilan des expériences et des catastrophes qui ont eu lieu ailleurs, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Italie ou en Espagne. Vous n’êtes pas non plus à l’écoute du pays : les gaziers sont opposés au projet à 94 % !

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des lois – La consultation était organisée par la CGT !

M. Daniel Paul - Ben voyons. Mais que dites-vous des 81 % opposés à la privatisation ? Certes, ils n’étaient pas tous dans la rue hier, mais le feu couve !

M. Jean-Charles Taugourdeau – Avec le gaz, il y a danger !

M. Daniel Paul - Vous ignorez les risques recensés par la Commission européenne dans sa lettre de griefs – que vous essayez de nous cacher. Vous négligez les prétentions qu’auront les actionnaires de Suez dès que vous aurez accompli le « sale boulot » de la privatisation, et auxquelles vous ne semblez pas prêts à résister. Peut-être M. Novelli nous proposera-t-il au cours du débat de diminuer la part publique en deçà de 34 % ?

M. le Rapporteur pour avis – Pas exactement, non.

M. Daniel Paul – En tout cas, votre obstinations représente un grave danger pour le service public de l’énergie en France.

Les amendements 713 à 862, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – Nous en venons à l’examen des amendements identiques 1163 à 1312.

M. Henri Nayrou - Nous contestons la capacité du marché à prendre en compte l’intérêt général : cela va de soi, mais il est bon de le rappeler. Les appétits privés se gaussent des exigences collectives. Je n’ai aucun préjugé contre le secteur privé, dans lequel j’ai fait ma vie, mais on sait d’expérience que certaines activités – l’énergie, notamment – ne sont pas à mettre entre n’importe quelles mains. M. Couanau l’a dit avant moi : les marchés financiers échappent au contrôle du pouvoir politique, et nul ne saurait prévoir l’efficacité d’aléatoires précautions prises pour éviter les dérives. L’indépendance énergétique de la France doit être protégée de la jungle vorace de la Bourse et des arrangements douteux : voilà qui justifie notre amendement – de même que nous rappelions par l’amendement 3108 la nécessité pour EDF de rester publique.

Le temps des grandes entreprises publiques incapables de se développer au sein d’une économie de marché est révolu : EDF, GDF, Air France, la SNCF, la Poste ou Areva sont toutes en pointe dans leurs secteurs respectifs.

D’autre part, la loi de 2005 et les déclarations de M. Sarkozy sont claires : c’est le caractère public des entreprises énergétiques qui garantit la sécurité de notre approvisionnement. Les pannes catastrophiques de New York ou de Californie démontrent combien notre système est avantageux. Les entreprises elles-mêmes en témoignent : la qualité et les tarifs garantis par EDF sont essentiels à leur compétitivité et à l’emploi.

Enfin, M. Sarkozy aurait-il perdu la mémoire pour oublier qu’il engageait en 2004 l’État à ne pas privatiser EDF et GDF ? Faudra-t-il que nous lui écrivions ses souvenirs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Les amendements identiques 713 à 862, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – Nous en venons à l’examen des amendements identiques 863 à 1012.

M. Gérard Bapt - Ces amendements soulignent la nécessité pour GDF de demeurer une entreprise publique nationale, car elle garantit la cohésion sociale et territoriale en assurant l’accès à l’énergie pour tous.

Si les collectivités territoriales sont souvent intervenues pour résorber la fracture numérique, la privatisation de GDF rouvrira la fracture énergétique. Vous prétendez que sa fusion avec Suez augmentera sa capacité d’investissement. Or, que lit-on dans la presse d’aujourd’hui : d’excellents résultats d’exploitation, une augmentation de 30 % du flux de liquidités, une dette de 1,3 milliard pour des fonds propres de 15,8 milliards… GDF peut se targuer d’une forte capacité à investir ! En sera-t-il de même lorsqu’elle aura été privatisée ? Les sociétés du CAC 40 qui ont récemment engrangé des profits sans précédent ont diminué leur capacité d’investissement pour augmenter les dividendes des actionnaires. Voilà ce qui arrivera à GDF, à n’en pas douter, si ce funeste mariage se produit !

C’est pourquoi notre amendement tend à souligner le rôle de cohésion sociale et territoriale de GDF – ces grands principes républicains à consonance gaulliste, même si de telles références ne font plus trop vibrer les bancs de la majorité. M. Sarkozy, chef du parti majoritaire, et aspirant à de plus hautes fonctions encore, le rappelait d’ailleurs le 15 juin 2004 en engageant le Gouvernement à ne pas privatiser EDF et GDF. Nos concitoyens en sont témoins : quel crédit accorder à un homme qui se déjuge ainsi ?

M. le Rapporteur – La cohésion sociale suppose un tarif unique au plan national, et la cohésion territoriale un même service. Or, il n’existe pas de tarif national pour le gaz, mais une tarification par zones, et ce depuis 1946 ; de même, si tous nos concitoyens sont raccordés au réseau électrique, ce n’est pas le cas pour le gaz qui ne couvre pas l’ensemble des foyers. Il est donc souhaitable de repousser cet amendement inapplicable.

M. le Ministre délégué – Même avis.

M. Robert Lecou - Il n’existe pas aujourd’hui de cohésion territoriale en matière de fourniture de gaz. Ainsi ma commune n’est-elle pas desservie en gaz, parce que ce ne serait pas assez rentable. Il faut le répéter, Gaz de France ne va pas partout.

M. François Brottes - Ce n’est pas parce que son réseau ne dessert pas tout le territoire qu’il ne faut pas chercher à améliorer la desserte. GDF, entreprise publique, a d’ailleurs, sous l’impulsion du Gouvernement, élaboré un plan volontariste de raccordement des communes. Privatisé, il n’en aurait même pas évoqué l’idée ! Le gaz n’arrive pas partout. Dont acte, mais il arrive en beaucoup plus d’endroits que si Gaz de France n’avait pas été contraint par les pouvoirs publics de faire un effort – sans perdre d’argent mais sans non plus avoir le souci de distribuer des dividendes.

M. le Président de la commission – GDF paie ses dividendes à l’État.

M. François Brottes – Je signale enfin au rapporteur qu’une fois encore, il a commis une erreur. Il arrive que de l’électricité soit produite à partir de gaz, auquel cas celui-ci contribue bien à la desserte en électricité de tout le territoire.

Les amendements 863 à 1012, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – Je suis saisi des amendements identiques 1313 à 1462.

M. Paul Giacobbi – Avant de présenter ces amendements qui pourraient paraître semblables à des précédents (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), je souhaite revenir un instant sur les accusations, pour le moins légères, portées contre Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie – même s’il ne s’agit que du « prix Banque de Suède en sciences économiques en la mémoire d’Alfred Nobel »… Être prix Nobel d’économie n’empêche certes pas de dire des bêtises – souvenons-nous de celui qui déclara un jour que deux pays ne décolleraient jamais, la Chine et l’Inde ! –, mais tel n’a jamais été le cas de Joseph Stiglitz. Et ce gouvernement ferait bien de ne pas donner autant de leçons – d’économie à un Prix Nobel de la discipline ou de management à Mittal, comme l’a fait récemment M. Breton –, car ces leçons nous ridiculisent aux yeux du reste du monde.

Je reviens à l’amendement, selon lequel « la garantie de la cohésion sociale et territoriale nécessite qu’Électricité de France demeure une entreprise publique nationale ». Il y a deux ans, Nicolas Sarkozy s’engageait ici même au nom du Gouvernement, le cœur sur la main, à ce que ni EDF ni GDF ne soient privatisées, je n’y reviens pas. Pourquoi donc ce reniement ? La véritable raison en est exposée, sans détour, dans l’exposé des motifs du projet de loi. On y lit ainsi que « Gaz de France travaille avec Suez depuis plusieurs mois à un projet industriel porteur de croissance et d’investissements, qui suppose la fusion des deux entreprises. Le gouvernement français a apporté son soutien à ce projet et présente donc au Parlement les dispositions législatives permettant sa mise en œuvre. » Autant dire que nous ne sommes là que pour accomplir une formalité juridique, et que l’initiative de la privatisation de GDF revient non au Gouvernement, mais à Suez. Cette véritable raison n’étant guère avouable bien qu’avouée, le Gouvernement se devait d’essayer de trouver des arguments. L’un d’entre eux est que, privatisé et fusionné, Gaz de France pourrait peser davantage sur les prix d’approvisionnement. Qu’on m’explique comment les volumes d’achat d’une énergie substituable au pétrole sur un marché régi par un duopole de producteurs, la Russie et l’Algérie, peuvent influer en quoi que ce soit sur les prix d’achat ?

Dans sa déclaration à la presse ce matin, M. Cirelli explique très bien comment les choses se sont passées. Un accord sur le prix et la parité est intervenu dès février 2006, nous dit-il, accord qu’aucun événement ultérieur, notamment la publication des comptes des deux entreprises, ne serait de nature à modifier. Il est profondément choquant qu’un chef d’entreprise se permette d’annoncer dans le plus grand journal financier du monde qu’il a conclu un accord sur une parité de fusion, sans qu’ait été préalablement consultée l’assemblée générale de ses actionnaires. La dernière fois qu’une entreprise française a cru bon de procéder de la sorte – il s’agissait d’Arcelor –, l’affaire s’est soldée par le versement d’une indemnité de 140 millions d’euros à un personnage russe sur lequel je préfère ne pas m’étendre.

En l’espèce, que se passera-t-il lorsque les avocats des actionnaires minoritaires des deux entreprises se saisiront de l’affaire ? Mieux vaudrait sans doute qu’aujourd’hui GDF, et demain EDF, demeurent publiques, pour que de tels errements ne se reproduisent pas.

M. le Rapporteur – J’observe que l’amendement traitait d’EDF et que toute l’argumentation de notre collègue a porté sur GDF. Pour le reste, j’aurais aimé que l’on entendît M. Strauss-Kahn défendre son amendement 1452, aux antipodes de ce qu’il proposait il y a quatre ans. Avis défavorable bien sûr.

M. le Ministre délégué – Même avis.

Les amendements identiques 1313 à 1462, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – Je suis saisi des amendements identiques 2676 à 2708.

M. Jean Gaubert - Pour parer aux reniements, il est bon de renouveler régulièrement ses vœux, comme on le sait dans le monde religieux ! Il y a deux ans, M. Sarkozy jurait qu’au lendemain du statut qu’il venait de faire adopter, jamais GDF ni EDF ne seraient privatisées – le lendemain certes, mais qu’allait-il en être le surlendemain ? Nous aurions dû nous méfier. Nous vous demandons aujourd’hui de réaffirmer que EDF restera bien une entreprise publique, et de grâce ne nous dites pas que cela figure déjà dans la loi. Il y a tant de lois que vous avez votées pour les renier ensuite !

Par ces amendements, nous disons que la préservation de l’environnement exige qu’EDF demeure une entreprise publique nationale. En effet, dans une entreprise privée, l’intérêt général et les intérêts des actionnaires sont en compétition permanente, et ceux-ci l’emportent souvent sur celui-là, parce qu’ils se mesurent quotidiennement à la Bourse quand l’intérêt général ne s’évalue bien souvent qu’à très long terme. Or, en matière de préservation de l’environnement, la plupart des investissements ne sont pas rentables à court terme.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre délégué – Même avis.

Les amendements 2676 à 2708, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.
La séance est levée à 20 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
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Préalablement,
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