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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du vendredi 15 septembre 2006

Séance de 15 heures
7ème jour de séance, 18ème séance

Présidence de Mme Hélène Mignon
Vice-Présidente

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La séance est ouverte à quinze heures.

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MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

Mme la Présidente – Je vous informe que la séance de ce soir est supprimée. En conséquence, nous lèverons la séance de cet après-midi entre 19 heures et 19 heures 30.

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Énergie (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie.

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. Daniel Paul - J’appelle l’attention du Gouvernement sur les déclarations de la commissaire européenne à la concurrence Mme Kroes, qui a estimé hier que le mariage entre Suez et Gaz de France nécessitait pour obtenir son aval plusieurs « remèdes ». Je la cite : « Nous ne sommes pas contre une grosse fusion en soi, mais les parties doivent mettre en œuvre plusieurs remèdes si elles veulent obtenir le feu vert des services européens de la concurrence. Nous avons ouvert une enquête approfondie, qui indique clairement que l’opération pose des problèmes de concurrence. Toutefois, cela n’implique pas nécessairement que la Commission prendra une décision finale négative. Nous sommes en contact avec les deux entreprises afin qu’elles proposent des modifications à leur concentration suffisant à rétablir une saine concurrence sur les marchés énergétiques en cause. Suez et GDF ont jusqu’au 20 septembre pour proposer des remèdes, c’est-à-dire des cessions, des ventes aux enchères de volumes de gaz, de façon à ce que la Commission puisse prendre une décision ».

Cette déclaration est à rapprocher de la lettre de griefs. Au-delà même du problème de principe que pose la prééminence de la Commission européenne sur un tel dossier, ne convient-il pas d’attendre qu’elle ait pris une décision ?

Dans la presse de cet après-midi, une nouvelle fois, on nous fait le coup d’une pleine page consacrée au mariage entre les deux entreprises. Compte tenu des tirages du Monde, cela fait beaucoup d’arbres, Monsieur le président Ollier ! Je cite : « Notre schéma permettrait aux actionnaires de Suez de recevoir l’équivalent d’environ 40 euros par action, ce qui n’est pas loin des valorisations récentes d’analystes financiers de grandes banques telles que BNP-Paribas ou UBS, par rapport aux 30 euros par action proposés par GDF à l’heure actuelle ». Soit une valorisation supplémentaire de 30 % ! « Ceci est important, lit-on encore, car le projet de fusion est voué à l’échec s’il ne recueille pas le vote favorable des deux tiers des actionnaires de Suez, y compris celui des actionnaires étrangers, en assemblée générale ». Ceci est la prose du fonds de pension Knight Vinke Asset Management.

Nous avons donc, d’une part, la Commission européenne qui appelle à des modifications du périmètre de la fusion et, d’autre part, l’intervention d’un fonds de pension qui veut plumer encore davantage l’opérateur public en demandant que l’action passe de 30 à 40 euros, ce qui est scandaleux. Je réitère donc ma demande pour que, suite à notre discussion, le vote soit reporté à une date qui nous permette de prendre en compte la décision de Bruxelles et les prétentions des actionnaires de Suez, de façon à ce que chacun puisse se prononcer en toute connaissance de cause.

M. François Brottes - Rappel au Règlement. Il ne faut pas perdre de vue que l’article 10 de ce texte porte sur la privatisation de GDF, car, à discuter les articles, on en oublierait presque que c’est pour cela que nous siégeons en session extraordinaire.

M. Breton a évoqué les augmentations des tarifs du gaz, notamment lorsque la gauche était au pouvoir. Je rappelle que les tarifs du gaz comportent deux aspects : le prix de l’approvisionnement, qui dépend de l’extérieur et auquel un rapprochement entre Suez et GDF ne changera rien, et ce qu’on peut appeler la « marge gaz », qui intègre le transport, la distribution, la commercialisation, la recherche, c’est-à-dire tout ce qui fait l’activité de l’opérateur. Or, sur la période 1999-2001, cette marge est passée de 4,5 milliards d’euros en 1999 à 3,7 milliards en 2000, avant de remonter à 4,5 en 2001 ; la chute de 2000 a traduit la hausse des coûts d’approvisionnement répercutés avec retard dans les tarifs. Les hausses tarifaires de l’époque n’ont donc fait que contrebalancer l’augmentation des coûts d’approvisionnement, conformément au principe des ajustements tarifaires. Par contre, sur la période 2004-2005, la marge est passée de 5,1 à 5,5 milliards d’euros, soit une augmentation de 6 % ; et elle s’est encore accrue de 13 % entre le premier semestre 2005 et le premier semestre 2006. La hausse des tarifs sur la période est ainsi supérieure à l’augmentation des coûts d’approvisionnement. En d’autres termes, si les hausses tarifaires de 2000-2001 ne faisaient que répercuter les coûts d’approvisionnement, sans revenu supplémentaire pour GDF, celles de 2004-2006 traduisent votre volonté de rendre la mariée la plus attrayante possible ! Et il faudra encore ajouter les coûts des dividendes et du mariage avec Suez.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie - Comme le dit systématiquement M. Breton en réponse à vos rappels au Règlement, nous sommes ici pour discuter d’un projet de loi qui donne à GDF la possibilité de s’allier pour faire face à la conjoncture énergétique. C’est le seul sujet.

M. Pierre Cohen - Ce n’est pas sérieux !

M. le Ministre délégué – L’augmentation des résultats de GDF sur la période récente est due à son succès à l’international. Vos allusions sont totalement déplacées, car si vous prenez les propositions de la CRE en matière d’augmentation du prix du gaz, elles étaient de 8 % lorsque nous avons décidé une hausse de 5,75 %.

M. Jean Gaubert - Il y a quelque chose que nous ne comprenons pas, ou que nous craignons de trop bien comprendre. Alors que MM. Breton et Loos déclarent que ce projet de loi ne concerne pas une fusion entre GDF et Suez, celle-ci est inscrite dans l’exposé des motifs. Mais si, effectivement, ce n’est pas de cela qu’il s’agit, c’est encore pire, car alors vous nous proposez de rendre GDF opéable par n’importe qui ! Au fond, vous feriez mieux d’assumer les propos du Premier ministre, qui a révélé que des contacts étaient pris entre GDF et Suez en vue d’une fusion, et que le Gouvernement, qui y voit des avantages, prendrait des dispositions pour que cela se fasse. Cela vous permettrait de jouer cartes sur table.

Si c’étaient seulement les députés de l’opposition qui ne vous croyaient pas, ce ne serait pas si grave. Mais les commentateurs économiques ne sont pas dupes non plus : ce que vous nous proposez aujourd’hui, c’est d’apprêter la mariée pour son union avec Suez !

article premier (suite)

M. Daniel Paul – Les amendements 34356 à 35543 – soit 1188 amendements – visent à repousser l’entrée en vigueur des dispositions de l’article premier. J’indique d’ores et déjà que nous avons demandé un scrutin public sur le vote de cet article, afin que chacun assume pleinement sa décision. Repousser l’entrée en vigueur de cet article revient à retarder la mise en œuvre des directives visant l’ouverture complète des marchés de l’énergie. Nous estimons en effet qu’il faut disposer au préalable d’un bilan de l’ouverture à la concurrence. Vous nous avez dit que la Commission européenne rendrait un rapport sur le sujet dans quelques mois ; mais c’est aujourd’hui que nous devons voter, sans attendre non plus que l’assemblée générale des actionnaires de Suez ait décidé de la façon dont elle souhaite croquer Gaz de France.

La méthode employée pour ouvrir les marchés en Europe est finalement toujours la même. Le rapport que la Commission se proposerait de faire ne porte d’ailleurs pas sur les conséquences tarifaires de l’ouverture des marchés : il s’agit de vérifier l’adéquation des mesures prises par les États aux décisions de Bruxelles - autrement dit leur conformité aux directives. Mieux vaudrait vérifier que ces mesures sont conformes aux intérêts des consommateurs, de nos économies et des salariés des entreprises du secteur ! La différence est de taille. Il est à craindre que la Commission exige un « tour de vis » supplémentaire dans certains États – M. Barroso ne l’a d’ailleurs pas caché – et oublie les augmentations de tarifs – après tout, c’est la loi du marché ! Ce bilan n’a donc pas vocation à porter un regard critique sur les désastres économiques observés. Nous demandons donc au Gouvernement de dresser lui-même ce bilan pour la France. Pourquoi le refusez-vous ? Le bilan dressé par M. Lenoir à la suite de quelques consultations ne suffit évidemment pas. Je rappelle que les problèmes sont patents, que des entreprises ferment et que le Medef lui-même déplore le manque de coordination dans l’Union européenne. Nous n’avons certes pas la même conception de l’Europe, Monsieur le président de la commission ; mais nous avons en commun le souci que les politiques publiques mises en œuvre dans notre pays soient évaluées. Les faits nous imposent de demander un moratoire sur l’ouverture à la concurrence. Cela n’a rien d’idéologique. On peut espérer qu’au 1er décembre 2012, échéance proposée par l’un de nos amendements, vous aurez eu le temps de faire ce bilan…

M. Xavier de Roux - Vous auriez dû proposer 2015 ! 2012, c’est trop court !

M. Daniel Paul - …et de constater - trop tard - que vous n’auriez pas dû ouvrir à la concurrence et privatiser Gaz de France.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques - Avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà exposées.

M. le Ministre délégué – La France a participé à la négociation des directives en défendant ses intérêts et sa spécificité. Revenir sur les engagements que nous avons pris auprès de nos partenaires revient à demander une révision des directives, ce qui nécessite un consensus avec les autres États. Le processus prend plusieurs années. Durant ce temps, les directives de 2003 seraient appliquées au 1er juillet 2007, sans que les garde-fous nécessaires aient été mis en place. Je rappelle que le projet permet de maintenir des tarifs réglementés de l’électricité et du gaz pour les clients qui le souhaitent, tout en ouvrant aux autres la faculté de choisir librement leur fournisseur.

M. Jean Dionis du Séjour - Très bien !

M. Pierre Cohen - M. le rapporteur a dit à plusieurs reprises que le sommet de Barcelone avait permis de négocier l’ouverture à la concurrence pour les particuliers. En réalité, cette ouverture n’avait été envisagée que si nous obtenions une directive cadre sur les services d’intérêt général. Quelques mois plus tard, Mme Fontaine a donné le feu vert sans préalable. Nous nous sommes tous émus au moment de la directive Bolkestein ; tous, nous avons estimé nécessaire un débat sur les services d’intérêt général. Le même problème se pose ici. Vous avez vu les conséquences de l’ouverture du marché sur les entreprises, puisque vous êtes obligés de fixer un prix plafond et de faire payer la différence par les producteurs d’électricité. Certaines orientations de Bruxelles peuvent donc être nocives pour l’Europe. J’ai voté oui au référendum sur la Constitution européenne. Mais ce que j’ai entendu dans le non, c’est la crainte de la remise en cause des services publics.

Mme la Présidente - La parole est à M. Brottes.

M. Xavier de Roux - M. Brottes a voté non !

M. François Brottes - Je vous le confirme, M. Brottes a voté non à la privatisation de Gaz de France en commission. Je tiens à votre disposition les conclusions de la présidence du conseil européen de Barcelone. Vous nous dites, Monsieur le ministre, que nous serions isolés si nous demandions la révision des directives. Mais autant les conclusions du sommet confirmaient l’ouverture à la concurrence pour tous les consommateurs européens autres que les entreprises, autant il est bien spécifié qu’on ne décidera d’aller plus loin qu’ « à la lumière de l’expérience acquise ». L’ensemble des États était donc d’accord sur le principe d’une étude d’impact. Vous ne seriez donc pas isolé si vous demandiez à la Commission de faire ce travail, d’autant que M. Barroso, lui, n’a pas attendu pour annoncer qu’il entendait réduire le nombre des opérateurs sur le marché et poursuivre la destruction des entreprises nationales qui fonctionnent bien. Il est temps de faire une pause et d’analyser les conséquences néfastes de l’ouverture du marché !

Mme la Présidente - Sur le vote de l’article premier, je suis saisie par le groupe communiste et républicain d’une demande de scrutin public.

Les amendements 34356 à 35543, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
À la majorité de 32 voix contre 14 sur 46 votants et 46 suffrages exprimés, l’article premier, modifié, est adopté.

après l'ArtICLE premier

Mme la Présidente - Les amendements 5535 rectifié à 5567 rectifié sont identiques.

M. Christian Bataille - Peut-être François Loos pourrait-il mettre à profit sa longue expérience parlementaire pour nous expliquer à quoi rime ce débat. Nous avons commencé avec un exemple rare de reniement : un revirement aussi marquant que celui de M. Sarkozy, qui avait affirmé il y a peu de temps qu’EDF et GDF ne seraient pas privatisées, n’est tout de même pas courant. Pendant l’été sont apparues diverses contre-propositions, de la part du rapporteur ou d’un conseiller de M. Sarkozy, M. Devedjian. Avec la lettre de griefs de Bruxelles caviardée, on pensait en avoir fini, mais non ! Une autre commissaire européenne, Neelie Kroes, a remis vingt sous dans le bastringue, sans se préoccuper le moins du monde que le Parlement français soit en train de débattre. Et si son avis ne devait pas nous suffire, le fonds de pension Knight Vinke a publié, dans Le Monde, rien de moins qu’une lettre ouverte à Mmes et MM. les députés !

Je me demande réellement si nous sommes en état de statuer sur quoi que ce soit. Nous sommes dans la confusion la plus totale. Je comprends que la maîtrise des fonds de pension vous échappe, mais il serait temps que vos amis européens se rendent compte à quel point leurs interventions vous mettent en situation délicate ! On n’a pas encore entendu l’opinion du commissaire à l’énergie, le letton M. Piebalgs, mais peut-être cela nous sera-t-il donné très prochainement… Une chose est sûre, c’est que vos amis libéraux de Bruxelles sont loin de vous aider.

M. Jean Dionis du Séjour - Ça c’est vrai !

M. Christian Bataille - Les amendements 5535 rectifié à 5567 rectifié proposent de ramener le seuil d’entrée dans le consortium Exeltium à un ratio de un kilowattheure et demi par euro, au lieu de deux et demi.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Les entreprises électro-intensives ont décidé de se regrouper dans un consortium pour lancer un appel d’offre et tenter d’obtenir des prix intéressants. La loi de finances rectificative a autorisé la création de ce consortium, nommé Exeltium. Les résultats de l’appel d’offre ont été décevants, en termes de prix certes, mais surtout parce que seule la moitié de la demande était satisfaite – on connaît les difficultés de l’Europe à se procurer des quantités suffisantes d’électricité et les tensions sur les prix qui en résultent.

Ces amendements auraient pour effet d’augmenter le nombre d’entreprises admises au sein du consortium. Comme ce dernier n’a déjà pas obtenu la quantité qu’il désirait, la masse totale dont il dispose serait distribuée entre un plus grand nombre d’entreprises, ce qui aurait pour effet de décevoir encore un peu plus les entreprises électro-intensives qui ont été les premières à s’organiser. L’idée de départ est généreuse, mais si toutes les entreprise devaient entrer dans ce consortium, les dégâts seraient considérables !

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. François Brottes - Les dégâts ? Mais le tarif de retour, auquel l’ensemble des consommateurs industriels vont adhérer, ne va-t-il pas créer des dégâts chez EDF, et lui coûter très cher ? Mais dans ce cas, peu vous importe ! Il y a deux poids et deux mesures.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Ce n’est pas ce que le rapporteur a dit !

M. François Brottes – Il a dit que s’il y a plus de bénéficiaires pour la même enveloppe, l’attrait pour chacun en est amoindri. Mais le cas du tarif de retour est similaire – sauf qu’on ne raisonne plus à montant constant : c’est une solution qui vise elle aussi à réduire les prix et à les rapprocher du tarif. Mais dans ce cas, on ne se préoccupe guère de savoir combien cela va coûter, du moment qu’EDF paye ! On se préoccupe des dégâts pour le consortium, pas pour l’entreprise publique nationale !

M. Daniel Paul - L’explication du rapporteur souligne combien notre pays est devenu insuffisant en matière de production électrique. Il nous manque quelque chose comme 10 000 mégawatts pour faire face aux besoins actuels.

M. le Ministre délégué – Si on avait investi plus tôt…

M. Daniel Paul – Il est donc clair que si toutes les entreprises se regroupent pour demander du courant, EDF ne pourra pas fournir. Alors, « Que faire ? », comme dirait Vladimir Ilitch Oulianov ?

Votre réponse, c’est que ceux qui n’ont pas le droit d’entrer dans le consortium n’ont qu’à se débrouiller. Ce n’est pas sérieux ! Et vous proposerez tout à l’heure un amendement selon lequel on n’a pas le droit de permettre le retour au tarif régulé… Pourtant, c’est la sauvegarde de notre outil économique qui est en jeu : il s’agit du prix de l’énergie, celle qui fait tourner les entreprises et qui peut les pousser à partir vers d’autres pays où elle serait moins chère ! Mais non : vous pliez devant la Commission européenne et ne donnez droit qu’à deux ans à un tarif majoré. Si, à ce moment-là, le prix a doublé, ils subiront le doublement. Mais, bien entendu, les élections seront passées, ce qui vous aura retiré une belle épine du pied. J’espère d’ailleurs qu’elle vous aura été retirée pour de bon, et que vous ne serez plus aux affaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

J’en reviens à l’insuffisance de notre production, pour rappeler que notre groupe a fustigé, en son temps, les opérations sud-américaines menées par EDF avec le succès que l’on sait. Des fonds considérables ont été perdus dans ces aventures hasardeuses, qui auraient dû être investis dans de nouvelles capacités de production en France. Les enseignements nécessaires doivent être tirés de ces errements.

M. le Rapporteur – Il est piquant de vous voir sortir vos mouchoirs pour pleurer le sort des entreprises électro-intensives, dont la situation s’explique par la loi que vous avez votée en 2000 ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Pour ce qui est de l’appel d’offres, je rappelle que dix-sept producteurs d’électricité ont été sollicités, et que quatre seulement ont répondu. Ce faible taux de réponse traduit un problème réel, celui du niveau de production d’électricité en Europe. La France n’est pas à l’abri de ces difficultés, faute que de nouvelles centrales aient été construites depuis quinze ans (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Heureusement, le Gouvernement a décidé le lancement de l’EPR à Flamanville.

M. Christian Bataille - La centrale de Civaux n’a-t-elle pas été inaugurée en 1998 ?

M. Jean Gaubert - Une fois de plus, le rapporteur ralentit le débat par ses provocations, qui nous obligent à répondre pour rétablir la vérité. Certes, nous avons voté la loi de 2000 mais, comme vous le savez fort bien, il s’agissait de transposer la directive de 1996 négociée par le gouvernement Juppé, M. Borotra étant ministre de l’industrie. Nous avions d’ailleurs décidé de transposer a minima, et l’opposition d’alors nous accusait de ne pas aller assez loin ! Ne prétendez donc pas maintenant que la situation des entreprises électro-intensives s’expliquerait par notre excès de zèle !

Plus généralement, c’est l’ouverture du marché européen qui pose problème à la France, et non l’insuffisance supposée de sa production. Nous aurons beau construire de nouvelles centrales, si nous sommes seuls à le faire, si nos partenaires européens, se reposant sur les interconnexions, comptent sur la France et n’agissent pas, la question de la capacité globale de production d’électricité en Europe demeurera irrésolue. Ce serait l’honneur du Gouvernement de régler ce problème de fond en faisant valoir dans les instances européennes que chaque pays de l’Union doit prendre sa part de cet effort.

M. le Ministre délégué – Nous le faisons.

M. Jean Gaubert - Nous attendons les résultats.

Enfin, on laisse se constituer un petit consortium de privilégiés qui essaye de se fermer pour conserver ses avantages. Le Gouvernement ne peut ainsi protéger quelques grandes entreprises, alors qu’elles sont loin d’être les seules à connaître des difficultés liées à l’augmentation du prix de l’énergie.

M. Christian Bataille - Le rapporteur estime utile d’asséner les mêmes contrevérités que le président de la commission hier, alléguant que les « mauvais » gouvernements socialistes auraient négligé d’accroître la production électrique en ne se préoccupant pas de construire de nouvelles centrales…

M. François Brottes - Le rapporteur a le sens de la nuance…

M. Christian Bataille - …ce qui est faux. Plus de centrales ont été inaugurées au cours des deux septennats de François Mitterrand que sous les gouvernements de droite. J’en donnerai pour seul exemple le plus récent, celui de la centrale de Civaux, inaugurée en 1998. Par ailleurs, comme le souligne le rapport que j’ai élaboré dans le cadre de l’Office parlementaire des choix scientifiques et techniques, l’allongement de la durée de vie des centrales change la donne, puisque les plus modernes pourront fonctionner de quarante à cinquante ans en toute sûreté. D’autre part, la France ne souffre pas d’un déficit global de capacités électriques, mais d’une insuffisance relative, dans les périodes de pointe. La direction d’EDF a une part de responsabilité dans cette situation, elle qui a décidé l’arrêt de certaines petites centrales au charbon. C’est une erreur, car il faut diversifier les approvisionnements. Les techniques n’étant plus les mêmes, une réflexion s’impose sur le retour aux centrales à charbon « super propre ».

Monsieur le rapporteur, c’est un mauvais service que vous rendez à notre pays d’opposer ainsi l’action des gouvernements successifs sur une politique énergétique qui a fait l’objet de l’unanimité nationale et qui s’est traduite par une parfaite continuité.

Les amendements 5535 à 5567 rectifié, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme la Présidente - J’appelle les amendements identiques 5352 à 5384 rectifié.

M. François Brottes - Il existera donc désormais cinq types de tarifs : le tarif réglementé, le prix de gros, le prix de détail, le tarif de retour et le tarif social. Autant dire que le consommateur aura bien du mal à s’y retrouver. Aussi, par ces amendements de repli, nous proposons d’élargir l’éligibilité au tarif de gros, celui du Consortium Exeltium. Étant donné la folie des prix, la création du consortium était utile. Cependant, les modalités d’accès à ce tarif sont d’une complication extrême. De plus, certaines entreprises électro-intensives ne sont pas sûres de pouvoir en bénéficier, car c’est une approche par site et chiffre d’affaires qui a été retenue au lieu d’une approche par filière, si bien que la concurrence en sera faussée. Cette politique du « deux poids, deux mesures » aura un impact désastreux pour de nombreuses PME électro-intensives qui ne seront pas éligibles au consortium. Peut-être aurait-il fallu que l’éligibilité soit accordée à une filière complète, sans quoi les entreprises ne pourront se battre avec les mêmes armes. Elles auront accès au tarif de retour, me direz-vous sans doute ; mais quel est l’écart entre ce tarif et celui qu’obtient le consortium ?

M. le Rapporteur – M. Brottes a eu l’amabilité de répondre lui-même à une partie de ses questions… Pour le reste, il faudra qu’il attende, car je ne suis pas en mesure de lui répondre pour le moment. Qu’il sache seulement que je suis en contact avec des dirigeants d’Exeltium, qui attendent les résultats de nos travaux pour savoir quel sera le niveau de tarif. Avis défavorable sur les amendements.

M. le Ministre délégué – Même avis que le rapporteur. Je félicite M. Brottes pour la description qu’il vient de nous faire : elle démontre sa fine connaissance du dispositif que nous en sommes en train de finaliser. Si nous voulons que ce dispositif soit rapidement opérationnel, il serait mal venu d’en changer maintenant les critères d’accès.

M. François Brottes – Je retiens de la réponse du rapporteur qu’à ses yeux le système est mort-né, et qu’on attend le tarif de retour.

M. le Rapporteur – Pas du tout !

M. François Brottes - C’est pourtant le sens de votre réponse et j’aimerais que le ministre nous explique l’approche retenue. Pourquoi raisonner par sites et non par filières ? Vous qui êtes un élu d’une région où de nombreuses PME sont concernées, vous imaginez sans peine le grabuge que vous risquez de faire!

M. le Ministre délégué – Nous nous sommes effectivement interrogés sur cette question l’année dernière : faut-il raisonner par filières ou par entreprises ? Il nous est apparu que le critère le plus objectif et le plus juste était la consommation du site, car certains sites d’une entreprise peuvent être électro-intensifs et d’autres non – les sièges sociaux par exemple. En concertation avec Neelie Kroes, nous avons donc retenu un critère simple : celui du nombre de kilowattheure par euro de valeur ajoutée. Si nous avions procédé par filières, et comme il peut se rencontrer dans une même filière des niveaux très différents de consommation électrique par rapport à la valeur ajoutée, nous aurions abouti à un système injuste : les petits consommateurs d’une filière en auraient profité, et les gros d’une autre en auraient été exclus.

M. François Brottes – Prenons l’exemple du groupe Alcan, qui n’a fait qu’une bouchée de Péchiney et n’a pas tenu son engagement de maintenir certains sites alpins et pyrénéens. Nous risquons de voir certains groupes prendre prétexte de cette disposition pour fermer les plus petits de leurs sites afin de concentrer plus encore leur activité et obtenir un tarif plus intéressant !

M. le Ministre délégué - Votre analyse n’est pas exacte, car le critère retenu est celui du kilowattheure par euro de valeur ajoutée. Que vous utilisiez une ou cent unités de fabrication de chlore, par exemple, votre consommation d’électricité sera la même par rapport à la valeur ajoutée. Peu importe donc la taille de l’entreprise : ce qui compte c’est l’intensité de la consommation d’énergie.

M. François Brottes - Il y a tout de même un lien entre les deux !

Les amendements 5352 à 5384 rectifié, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme la Présidente - Je suis saisie des amendements 30951 à 31676.

M. Jean Gaubert - La majorité prétend simplifier la situation, mais rien n’est plus faux, car le système proposé sera d’une complexité redoutable. Depuis 2000, nous entendons dire que la guerre des prix doit être la plus forte possible pour que les prix baissent. C’est oublier que les plus gros consommateurs ont l’intelligence de se regrouper pour organiser la pénurie et que l’interconnexion des marchés européens empêche la formation d’excédents au niveau national. Comme l’intervention des autorités publiques est de plus en plus limitée depuis l’adoption de la directive de 2003, vous devez vous rabattre sur des subterfuges grossiers.

Ce que vous nous proposez n’a en effet rien de satisfaisant. Seules deux solutions devraient prévaloir – soit le marché libre, avec la libre confrontation de l’offre et de la demande, soit le marché administré, avec fixation d’un tarif réglementé en fonction des prix de revient, des coûts de renouvellement et des marges laissées aux producteurs pour réinvestir. Or, vous nous proposez maintenant d’accepter le retour du fils prodigue…

M. Jean Dionis du Séjour - …qui revient après avoir tout dépensé !

M. Jean Gaubert - …et qui vous demande ce que vous pouvez faire pour son cas particulier. Nous en sommes là avec les entreprises électro-intensives ; et elles vous disent que cela ne coûtera pas trop cher à EDF, puisque la mesure sera restreinte à un petit club… Les autres se débrouilleront. Je comprends bien qu’elles agissent ainsi. Mais cette situation est intenable.

Tout barrage finit par sauter une fois qu’on a ouvert une brèche. Déjà, vous n’avez pas obtenu pour le consortium ce que vous souhaitiez, comme l’a confessé le rapporteur ; en outre le tarif va très vite rattraper les prix de marché, une fois que les prochaines élections seront passées. Les montages que vous proposez seront donc complètement inopérants. Et puisque le rapporteur aime les rappels historiques, j’observe qu’aucune directive n’a été adoptée sur l’énergie de 1997 à 2002 – elles datent de 1996 et 2003 ! Une fois qu’elles sont là, bien sûr, il faut les transposer.

Nos amendements tentent de rendre plus juste le système en prenant en compte le rapport de la consommation d’énergie en tonnes équivalent pétrole à la valeur ajoutée. Nous éviterons ainsi la création de clubs, qui engendrent toujours des exclus et nuisent à la concurrence – Mme Kroes devrait le savoir !

M. le Rapporteur – En appliquant d’autres ratios, vous allez créer d’autres consortiums, qui se heurteront eux aussi aux problèmes d’effet de seuil, avec les conséquences que l’on connaît pour les entreprises exclues. Le système que vous proposez serait extrêmement lourd et compliqué !

M. Jean Gaubert - Moins que le vôtre !

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Toutefois, comme vous défendrez d’autres amendements à l’article 3, je propose que nous revenions plus largement sur cette question à ce moment du débat.

M. le Ministre délégué – Quand les directives sont là, il faut les transposer, vient de reconnaître M. Gaubert. Nous nous y attelons avec le souci que nos concitoyens bénéficient de notre performance remarquable dans la matière de production d’énergie. Je rejette en revanche l’idée de club : nous tentons précisément d’éviter leur formation en définissant un critère objectif. Vous en proposez un autre, mais il est de la même veine.

Je vous rappelle enfin que les industries électro-intensives finlandaises ont décidé de construire un EPR. Nous avons cherché une solution française : la constitution d’un consortium selon des critères objectifs, qui lancera un appel d’offres sur une durée de vingt ans, avec un financement préalable décidé dans la négociation avec EDF et les autres producteurs. Le dispositif que nous avons mis en place me paraît équitable.

M. Jean Gaubert - L’amendement porte sur le retour au tarif administré, non sur un appel d’offres en commun ; la différence est importante. Quant à l’exemple finlandais, il est très intéressant, et si l’idée prenait en France, nous pourrions nous féliciter de ne pas avoir adopté ce matin l’amendement de M. Novelli permettant de changer de fournisseur. Comment lancer un appel d’offres sur vingt ans, si on peut changer à volonté sous prétexte que l’électricité est moins chère pendant quelque temps chez un concurrent ?

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis de la commission des finances - Ne caricaturez pas !

M. Jean Gaubert - Si la notion de tarif public garanti ne vous sied plus, au moins, que celle de contrat soit fortement affirmé.

M. le Rapporteur pour avis – Vous défendez le contrat, cela nous change !

M. Jean Gaubert - Un contrat que les deux parties respectent, tandis que dans la formule proposée par M. Novelli, seul le fournisseur le respecte, et non l’acheteur.

M. Christian Bataille - S’il y a des aspects du texte sur lequel nous sommes en désaccord frontal, opposition et majorité peuvent unir leurs suggestions quand il s’agit de maintenir un avantage compétitif de prix pour les industries françaises qui consomment beaucoup d’énergie. Or ce qui manque à la politique libérale que vous mettez en place, c’est une perspective à long terme. Pour le nucléaire, le cycle est de cinquante ans, et il faut aussi se situer dans le long terme pour garantir les prix, car ces industries, qui représentent beaucoup d’emplois directs et induits, ne peuvent supporter des coups d’accordéon. Essayer de rationaliser un marché devenu fou, c’est bien. Mais il faut aller plus loin : si je peux oser le mot, nous avons besoin d’une politique industrielle.

Les amendements identiques 30951 à 31676, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme la Présidente – Nous en venons aux amendements identiques 398 à 430.

M. Christian Bataille - Par cet amendement, M. Migaud propose de faire état de la politique de l’énergie dans la loi de finances. Si jusqu’à présent les prix étaient raisonnables et garantis, avec la politique libérale, ils vont peser de plus en plus sur le pouvoir d’achat des ménages, et plus encore, puisque cette charge n’est pas proportionnelle, sur les faibles revenus.

M. Jean Dionis du Séjour - L’UDF votera cet amendement, car dans ce domaine, nous sommes bien peu organisés sur le long terme. L’article 6 de la loi de 2000 dispose bien que le ministre chargé de l’énergie arrête et rend publique la programmation pluriannuelle des investissements dans la production électrique. Reste que sur la politique énergétique dans son ensemble – l’engagement pris à Kyoto de diminuer de 75 % les émissions de gaz à effet de serre, la directive sur l’incorporation de 5,75 % de biocarburant en 2010 ou celle fixant à 21 % la part des énergies renouvelables en 2010 – il n’y a rien dans la loi de finances. Il y a une nouvelle gouvernance à mettre en place. L’amendement Migaud, que M. Bataille a seulement mis en liaison avec le pouvoir d’achat, peut aussi être incitatif pour le développement des énergies renouvelables et la maîtrise de la demande d’énergie. Il concourt donc à une meilleure articulation entre le court terme budgétaire et le long terme, dont on ne tient pas compte actuellement.

M. le Rapporteur – La commission a émis un avis défavorable car l’amendement est satisfait par l’article 106 de la loi de 2005, qui prévoit un rapport annexe à la loi de finances sur les moyens consacrés à la politique énergétique. Donc, sur le fond nous sommes d’accord, et je ne vois pas vraiment d’inconvénient à ce qui est proposé.

M. le Ministre délégué – Le document est en préparation dans mes services. L’amendement est satisfait.

M. François Brottes – M. Bataille et M. Dionis du Séjour ont montré l’intérêt qu’il y a à mettre en valeur la politique énergétique dans un document de politique transversale, plutôt que de se donner bonne conscience avec un petit rapport annexe. C’est le seul moyen dont le Parlement dispose pour mener l’analyse et faire évoluer la législation. J’ai compris que le rapporteur n’y était pas défavorable.

M. le Rapporteur – Ce que nous voulons, c’est éviter qu’on mentionne deux rapports. Mais en signe de bonne volonté, et en accord avec le président de la commission, je propose qu’on vote cet amendement, quitte à demander au Sénat de supprimer le rapport annexe prévu dans l’article 106 de la loi de 2005.

M. le Ministre délégué – Sagesse.

Les amendements identiques 398 à 430, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président de la commission – La série d’amendements identiques 3141 à 3290 qui traitent du tarif de retour auraient davantage leur place à l’article 3, pour qu’un débat général ait lieu lors de l’examen de nombreux amendements de même nature. Pour ce faire, au nom de la commission, je demande la réserve.

Mme la Présidente – Elle est de droit.

M. François Brottes – J’avais cru comprendre qu’en vertu du nouveau Règlement de l’Assemblée le seul moyen de revenir ultérieurement sur des amendements était de les transformer en sous-amendement. On utilise ici la réserve. S’agissant d’amendements qui portent article additionnel, je voudrais m’assurer qu’il en sera bien débattu à l’article 3.

Mme la Présidente – Vous avez satisfaction, Monsieur Brottes : je vous confirme qu’à la demande de la commission, ces amendements sont réservés jusqu’à l’examen des amendements ayant un objet analogue à l’article 3.

Les amendements 3141 à 3290 sont réservés.

M. Daniel Paul – Ce projet traduit la volonté de privatiser le transport et la distribution du gaz. Fait significatif, l’État supprime ses administrateurs tant au gestionnaire du réseau de transport – GRT – qu’au gestionnaire du réseau de distribution – GRD –. La construction proposée pour pérenniser le service commun à EDF et GDF le fragilise gravement. La péréquation tarifaire nationale est abandonnée. Or si le fonds prévu par la loi n’a jamais fonctionné, c’est parce que Gaz de France couvrait la quasi-totalité du réseau. N’est-il pas paradoxal qu’au moment où l’on prépare l’éclatement de la distribution entre de multiples concessionnaires, ces alinéas de la loi de 1946 soient supprimés ? On nous propose d’évoluer vers un système analogue à celui de l’eau dans lequel les concessionnaires sont choisis par appel d’offres : on sait ce que cela veut dire ! Bref, la privatisation de GDF, conjuguée à l’ouverture des marchés, va entraîner de facto la fin des monopoles de concession conférés par la loi aux entreprises publiques, et par voie de conséquence la remise en cause du principe d’égalité de traitement et de péréquation tarifaire. Nous ne saurions l’accepter. C’est ce qui justifie nos amendements identiques 36182 à 36203.

M. le Rapporteur – Ils sont satisfaits : la péréquation tarifaire existe depuis 1946 et n’est absolument pas remise en cause.

M. le Ministre délégué – Même avis.

M. Jean-Pierre Brard - Ce doit être l’heure de la sieste ! Le rapporteur n’a pas bien écouté ce que disait mon collègue Daniel Paul, qui a justement expliqué que vous étiez en train de hacher menu l’héritage de la Libération ! Il ne suffit pas d’affirmer le contraire, il faut le démontrer – ce qui est évidemment difficile. Nous ne vous dispenserons pas d’expliquer vos coups tordus aux Français !

M. le Président de la commission – Je vous en prie, Monsieur Brard, jusqu’à présent le dialogue se passait très bien.

Mme la Présidente - Monsieur Brard, personne ici ne fait la sieste, et certainement pas le rapporteur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - Je signalais simplement que le rapporteur et le ministre n’avaient pas répondu comme il convient à M. Paul.

M. le Rapporteur – Il est 16 heures 30, et M. Brard vient seulement d’entrer en séance !

M. François Brottes - J’ai cité cinq types de tarifs différents. Comment, dans ces conditions, peut-on garantir la péréquation tarifaire ? Sur quoi porte-t-elle ? Nous sommes très attachés à la notion de péréquation – prix unique du timbre, prix égal de raccordement à l’électricité, prix égal de raccordement au téléphone… Mais la privatisation et la déréglementation la remettent en cause. Pourriez-vous, Monsieur le rapporteur, nous dire ce qu’il en est pour l’électricité ?

M. Christian Bataille - La péréquation, expression de la solidarité entre les citoyens et héritage politique de 1946, est mise à bas par la privatisation, c’est évident. Nous voyons bien ce qui se passe aux États-Unis, où les tarifs varient du simple au double ! La solidarité doit aussi valoir entre les territoires : on doit payer le même tarif dans un hameau isolé ou au pied d’une centrale électrique. Or ce n’est pas ce vers quoi on s’oriente… Dès après les élections de 2007, vous envisagez probablement de privatiser EDF et c’en sera fini de la péréquation tarifaire.

M. le Rapporteur –Il faut distinguer trois segments.

Pour l’acheminement par le réseau de transport et de distribution, le tarif est proposé par le régulateur et confirmé par arrêté du ministre – qui est obligé de suivre sa proposition. Le tarif dit intégré comprend à la fois l’acheminement et la fourniture : là aussi, il y a péréquation. Enfin, il y a le contrat réservé aux clients se situant à moins de 36 kWa, introduit dans la loi de 2004 par un amendement que j’avais déposé avec Patrick Ollier, avec le tarif national pour les professionnels dit « tarif bleu ».

M. François Brottes - Je vous remercie de cette réponse, mais j’ai eu connaissance d’amendements du groupe UMP visant à faire en sorte que ceux qui se trouvent plus près des centrales de production ne paient pas le même prix de transport.

M. le Président de la commission – Ils ont été rejetés en commission.

Les amendements 36182 à 36203, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul - Je demande une brève suspension de séance avant que nous abordions l’article 2.

La séance, suspendue à 16 heures 45, est reprise à 16 heures 50.

Art. 2

Mme Élisabeth Guigou - Après une semaine de débats, au moment où nous abordons l’article 2 du projet de loi, je constate nous n’avons reçu aucune vraie réponse à nos questions de fond concernant la privatisation de Gaz de France. M. Sarkozy n’a pas daigné venir s’expliquer à l'Assemblée nationale sur la promesse, qu’il avait faite ici-même en tant que ministre de l’économie et des finances, que la participation de l’État au capital de GDF ne descendrait pas en dessous de 70 %. Nous ne savons rien non plus des exigences de la Commission européenne.

L’examen de ce projet de loi révèle nombre d’incohérences. Pourquoi se priver de la maîtrise d’une entreprise publique qui marche bien ? Pourquoi saborder un groupe qui réalise des bénéfices comme jamais auparavant et qui permet à l’État de contrôler les prix du gaz ? Pourquoi priver l’État de marges de manœuvre dans un domaine si sensible et qui va le devenir de plus en plus ?

Le Prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, qui était à Paris la semaine dernière, nous l’a dit sans détour : pourquoi la France, qui a un système juste, équitable, à bas prix et très fiable, le casse-t-elle ? La réussite de la France dans l’énergie est justement liée, selon lui, à un état d’esprit public qui attire les personnes qualifiées.

Pourquoi vous abritez-vous derrière les directives européennes, alors qu’il y aurait mille autre façons de les transposer ? Jamais l’Europe n’a exigé la privatisation du capital ; ce sont les monopoles qu’elle surveille. Or vous créez un monopole privé, dont les contreparties seront lourdes puisqu’il devra se mettre en conformité avec les exigences européennes.

Je ne vois pas comment nous pourrions nous prononcer sans avoir connaissance de tous les éléments du dossier, comme la lettre de griefs. Et nous nous interrogeons sur les « remèdes » – pour reprendre le terme employé hier par la commissaire européenne à la concurrence, Mme Kroes - qui seront demandés en contrepartie du nouveau monopole privé GDF–Suez. Il y a d’ailleurs de quoi être inquiet, car Mme Kroes a déclaré : « Nous avons ouvert une enquête approfondie, ce qui indique clairement que l’opération pose des problèmes de concurrence. Toutefois, cela n’implique pas forcément que la Commission prendra une décision finale négative. » C’est dire que la Commission envisage toutes les éventualités, y compris de prendre éventuellement une décision négative.

Pourquoi décider la privatisation de GDF et sa fusion avec Suez avant même de savoir si les actionnaires de Suez seront favorables à cette dernière ? Pourquoi ne pas avoir attendu qu’ils prennent leur décision en décembre ? Pourquoi une telle précipitation, alors que ce sujet mériterait un grand débat tranché par l’ensemble du pays ?

Je voudrais à présent revenir sur deux points particulièrement importants. Le premier concerne la hausse inéluctable des tarifs du gaz. Ces dernières années, la facture énergétique des consommateurs s’est déjà accrue de plus de 200 euros par an, et elle a augmenté de 33 % pour la seule année 2005. Je ne vois pas comment, alors que vous consacrez le désengagement de l’État et cassez le contrôle de la politique tarifaire, vous pouvez prétendre que la hausse des prix sera maîtrisée. D’autant plus qu’avec la disparition de la TIPP flottante, l’indexation du prix du gaz sur celui du pétrole n’est plus compensée par aucun mécanisme institutionnel. Que se passera-t-il quand le conseil d’administration de GDF–Suez décidera du niveau des prix du gaz ? Les tarifs régulés étant nettement inférieurs au prix du marché, les actionnaires privés en profiteront pour réclamer de nouvelles hausses de tarif.

La hausse pénalisera les plus faibles, les familles démunies. Entre 2002 et 2003, 236 000 personnes sont passées en dessous du seuil de pauvreté ; sept millions de personnes vivent avec moins de 700 euros par mois et pourront se voir refuser l’accès au gaz devenu trop cher. Sans parler de la très probable détérioration du service qui résultera de la privatisation.

M. Breton n’a reçu aucune association de consommateurs. Comment peut-il dès lors nous assurer que toutes les garanties ont été prises ? L’exemple d’EDF et de l’électricité n’a-t-il pas servi de leçon ?

En ce qui concerne la politique énergétique – ou son absence – Monsieur le ministre, vous avez, depuis 2002, multiplié les projets sur l’énergie, comme si vous découvriez chaque fois la médiocrité de vos textes précédents.

Bref, vous n’avez pas de vision à long terme. Comment envisager l’avenir à vingt ans de notre politique énergétique quand on est incapable de définir une ligne claire en cinq ans de mandat ? La cacophonie de la majorité n’est décidément pas à la hauteur de l’enjeu. Quelles seront les garanties sur la sécurité des approvisionnements ? Il n’y en existe aucune contre les OPA hostiles. Nous n’avons pris aucune initiative en faveur d’une politique européenne de l’énergie, au moment même où il faudrait serrer les rangs pour négocier des accords avec les pays producteurs.

Mme la Présidente - Je vous demande de conclure.

Mme Élisabeth Guigou - Nos liens particuliers avec l’Algérie auraient pu être resserrés dans cette perspective. La sagesse aurait voulu que l’on prenne le temps de définir un projet industriel, une politique européenne de l’énergie, des alliances avec les pays producteurs. Vous ne l’avez pas voulu : vous portez une lourde responsabilité.

M. Jean Gaubert - Très bien !

M. François Brottes - Rappel au Règlement fondé sur l’article 58, alinéa premier. Nous étions nombreux à être inscrits sur l’article 2, mais nous avons indiqué que seule Mme Guigou s’exprimerait. Elle devrait du moins bénéficier d’un temps de parole convenable.

Mme la Présidente - En effet, mais j’ignorais qu’il n’y aurait pas d’autres orateurs socialistes.

M. Michel Vaxès - Conformément aux directives communautaires, vous poursuivez l'ouverture à la concurrence du marché du gaz en étendant le champ de cette concurrence à la fourniture de tous les clients, professionnels et domestiques. Pour ne pas heurter l'opinion publique, vous prenez toutefois quelques précautions : le maintien – pour combien de temps ? – des tarifs régulés fera passer la pilule auprès des consommateurs-électeurs.

Le marché n'a pas su faire ses preuves : chacun est loin, même sur les bancs de la majorité, d’être persuadé que les particuliers tireront des bénéfices du « libre choix » de leur fournisseur de gaz. Car de quelle liberté s'agit-il ? La liberté de subir la constante hausse des prix, caractéristique de la volatilité sur le marché spot, et les conséquences de la déstabilisation du secteur, qu’encouragera le moindre recours aux contrats de long terme ? Il est difficile de savoir quels bénéfices les clients éligibles depuis 2000 ou 2004 ont tirés de cette liberté : la transparence ne règne pas chez les entreprises qui ont capté des parts de marché. Le conseil d’administration de Gaz de France – qui propose à la fois le tarif réglementé et les prix du marché – ne livre aucune information sur le différentiel de prix.

On comprend dès lors que vous ayez voulu sauver les meubles en montant un mécanisme bancal qui ouvre le marché à la concurrence tout en maintenant des tarifs réglementés, dont on ignore encore le niveau. Les hausses des derniers mois laissent pourtant craindre que le maintien de ces tarifs ne soit pas une garantie pour le consommateur : plus 4 % au 1er novembre 2004, plus 4 % au 1er juillet 2005, plus 12 % au 1er novembre 2005, et des renégociations tous les trois mois depuis le 1er janvier 2006, pour répercuter les coûts d'approvisionnement, nous dit-on. M. Sarkozy lui-même avait accepté une hausse de 14 % entre juillet 2005 et avril 2006. Sur dix-huit mois, la hausse est de 30 % ! Que garantissent donc aux usagers les tarifs réglementés ? Nous exigeons, pour notre part, que la loi fixe les règles de transparence nécessaires à la fixation des prix. Un tarif administré n'est pas une garantie s'il n'est pas explicitement basé sur les coûts. Le texte ne donne pas non plus de garantie quant à la durée du maintien de ces tarifs.

Les contrats de long terme doivent permettre de maintenir des tarifs régulés pour le gaz. Les derniers mois ont montré que dans un système opaque, il est facile de tirer les tarifs administrés vers les prix de marché – c’était d'ailleurs plus ou moins clairement prévu dans le contrat de Gaz de France, et c’est aussi ce que ferait la CRE si elle en avait le pouvoir – comme le propose d’ailleurs la commission Durieux. Les pouvoirs publics et Gaz de France ont voulu imputer ces hausses au prix du baril de brut. La fixation des prix dans le cadre de contrats de long terme et l’augmentation des dividendes montrent cependant la grossièreté de la manœuvre. L’année 2005 est en effet une année record pour les profits de Gaz de France, avec une progression des dividendes de 48 %.

Il nous est donc difficile de nous satisfaire du maintien des tarifs réglementés sans autre garantie : le ver est dans le fruit, et vous attendez qu’il prospère.

Comment sauvegarderez-vous l'intérêt général ? Nous attendons des réponses ! Nous sommes convaincus que vous ne nous proposez rien d’autre que le rouleau compresseur libéral sur l'ensemble du secteur gazier. Les prix augmenteront ; le recours au marché spot fragilise les contrats de long terme qui assurent pourtant une sécurité d'approvisionnement et une certaine stabilité des prix. Inutile donc de chercher à faire croire que les consommateurs ne seront pas lésés.

M. Daniel Paul - Après avoir annoncé que les consommateurs seraient les grands bénéficiaires de l'ouverture du marché et de sa déconcentration, le Gouvernement joue aujourd'hui la carte inverse : seule la concentration du secteur et la constitution de grands groupes en situation oligopolistique serait en mesure de garantir une modération des prix, ces grands groupes étant plus à même de peser sur les fournisseurs. Outre que cet argument pourrait militer en faveur d'un rapprochement entre EDF et Gaz de France, ce que vous affectez d’ignorer, il faut rappeler que dans l'industrie du gaz, l'éloignement des centres de production génère des coûts de transport et de stockage très élevés. La faiblesse du prix du gaz à la tête du puits doit donc être compensée par des volumes très importants. Dès lors, le contrat signé entre un producteur et un acheteur permet de diminuer le risque pour les deux partenaires. C'est ainsi que sont nés les contrats de long terme – jusqu’à vingt-cinq ans – indexés sur le pétrole et négociés par les États, qui servent de base à la plupart des transactions des pays européens, le marché d'ajustement – dit marché spot – étant encore embryonnaire.

À la faveur de la libéralisation du secteur, il est à craindre que ne se développe un marché beaucoup plus volatil – le recours aux marchés spots est de plus en plus fréquent – assorti du risque de fortes hausses des prix.

On peut se demander dans quelle mesure la constitution d'un groupe de taille mondiale serait un avantage pour renégocier ces contrats en faveur des consommateurs. Nous ne nous orientons pas aujourd'hui vers l'optimisation des tarifs par les calculs économiques à long terme et, pour le gaz, par des contrats à long terme avec les pays producteurs. On peut par ailleurs douter de la viabilité du système proposé : comment concilier ouverture à la concurrence et réglementation tarifaire ? Que dira la Commission ? Que signifie ce montage dans un contexte de dérégulation et de promotion de la gestion à court terme, qui n’est pas sans conséquence sur les prix ?

Nombreux sont d’ailleurs ceux qui réclament la disparition des tarifs réglementés, à commencer par l'association française du gaz, dirigée par Gaz de France. La Commission européenne et la CRE prêtent une oreille attentive à ces revendications. Face à ces attaques incessantes, les protestations de bonne foi du Gouvernement ne valent pas grand-chose.

Mme Muguette Jacquaint - Je défends les amendements 36204 à 36225. Nous l’avons déjà dit à l'article 1er, l'ouverture à la concurrence pour les particuliers ne saurait intervenir sans un bilan de l'ouverture à la concurrence pour les professionnels et de la libéralisation du secteur de l'énergie. Cette logique de libéralisation s'accompagne d'un discours mensonger sur la baisse des tarifs, dont la campagne de publicité de Gaz de France affirmant que l'entreprise garantira « l'énergie la moins chère possible » offre un bon exemple.

Nous savons fort bien que le projet de fusion de GDF et Suez, qui est le corollaire de la privatisation de GDF et de l'ouverture du marché, accélérera la hausse des prix. Gaz de France a toujours réclamé publiquement des hausses supérieures aux avis de la CRE et aux autorisations du Gouvernement. Elle n'a pas accepté les relatives modérations des tarifs imposées par l'État : son président a même annoncé son intention d’intenter un recours contre l'Etat pour obtenir un rattrapage tarifaire.

Nous sommes donc très loin de « l’énergie la moins chère possible ».

Enfin, GDF milite activement pour la suppression des tarifs réglementés. Des consignes ont déjà été données à ses commerciaux pour bloquer les demandes des clients qui peuvent bénéficier des tarifs réglementés pour leur nouveau contrat ! Cessez donc de nous dire que, dans votre grande sagesse, vous avez protégé les consommateurs contre les appétits du futur opérateur privé. Et si encore c’était vrai, ce le serait pour combien de temps ? La privatisation de l’entreprise réduira considérablement les moyens d’action de l’État sur la régulation des tarifs. Les mesures que vous proposez ne sont que transitoires et Bruxelles a déjà fait savoir que rien ne permet de penser que des tarifs administrés pourront perdurer après l’ouverture du marché, si ce n’est pour les clients les plus vulnérables. Or, ces derniers ne représentent pas grand-chose et la grande masse de nos concitoyens subira les conséquences directes de la dérégulation. C’est pourquoi vous refusez de définir précisément le champ des bénéficiaires de la tarification sociale.

Alors, cessez de prendre les Français pour des imbéciles.

Mme Claude Greff - Tout de même !

Mme Muguette Jacquaint - Dites tout haut ce que vous pensez tout bas : que les tarifs du gaz n’importent guère si les actionnaires y trouvent leur compte. Car c’est cela, le libre marché, Madame ! Et c’est toute la philosophie de ce projet de loi.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Jean Gaubert - Ces amendements méritent plus d’attention. Il faut rappeler au préalable, d’abord, qu’il avait été décidé à Barcelone de faire le point avant d’aller plus loin dans l’ouverture du marché, et qu’ensuite l’article 2 permet de transposer la directive de 2003 – au moins, vous ne pouvez pas dire que c’est nous qui étions au pouvoir à l’époque. Ces amendements posent donc une question : comment permettre aux consommateurs de rester au tarif administré ? Et l’on a le fort sentiment que, dans votre esprit, la réponse est toute trouvée : ne vous embêtez pas à partir sur le marché libre, où vous allez vous faire gruger, parce que de toute façon vous allez vous faire avoir en temps et en heure par le tarif administré ! Personne en effet, ni rapporteur, ni ministre, ne conteste que le tarif administré se rapprochera rapidement du prix de marché. C’est à cette question précisément que nous vous demandons de répondre.

M. le Ministre délégué – Que de catastrophes annoncées ! Si vous pensez vraiment que, demain, le tarif réglementé va exploser, qu’il ne sera de toute façon pas maintenu et qu’un démarchage commercial forcené va pousser tout le monde à passer du tarif réglementé à un tarif… beaucoup plus élevé, je comprends vos réactions !

M. Jean Gaubert - C’est ce qui risque de se passer !

M. le Ministre délégué – Le but de l’article 2 est que les consommateurs puissent continuer à bénéficier des tarifs réglementés : c’est son texte exact. Sans cet article, les tarifs réglementés disparaîtraient automatiquement. Il est donc absolument nécessaire et c’est aller contre l’intérêt des consommateurs que de demander sa suppression.

M. François Brottes - Voilà pourquoi nous avions déposé autant d’amendements avant l’article premier : les articles contiennent une petite phrase magique qui rend très difficile de demander leur suppression. En l’occurrence, il s’agit de dire que les tarifs réglementés sont maintenus : on voit mal comment on pourrait y être opposé ! Il nous faut donc expliquer pourquoi cette disposition ne résout plus rien dès l’instant où elle est liée à d’autres, sans quoi le ministre a beau jeu de montrer que nous ne comprenons vraiment rien à rien et que la gauche a voté contre l’intérêt des consommateurs.

D’abord, le Gouvernement a inventé cinq types de tarifs, dont on ne sait d’ailleurs pas s’ils sont eurocompatibles. Nous ne vous reprochons pas de prendre vos responsabilités, mais voudrions connaître l’avis de la Commission à ce sujet. Il suffit de penser à la TVA sur la restauration pour avoir une légère idée du sort des dispositions qui ne sont pas approuvées par Bruxelles ! Coexisteront donc tarifs réglementés, de gros, de détail, tarif social et tarif de retour. C’est dire la difficulté pour le consommateur de s’y retrouver. Ensuite, ce tarif réglementé ne peut qu’augmenter, parce qu’il faudra distribuer plus de dividendes aux actionnaires de l’entreprise fusionnée avec Suez et que l’argent sera pris dans la poche des consommateurs. Quant à EDF, vous lui demandez d’assumer la baisse des prix pour les industriels : c’est elle qui remboursera la différence. Elle fera donc valoir au régulateur l’augmentation de ses coûts, et il préconisera une augmentation du tarif administré. C’est mécanique. Ce n’est donc pas le maintien des tarifs réglementés que nous contestons, mais leur maintien dans ces conditions.

M. Jean Gaubert - C’est de la poudre aux yeux !

Les amendements 36204 à 36225, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme la Présidente - Les amendements 36226 à 36247 sont identiques.

M. Jean-Claude Sandrier – La présentation de vos mesures sociales est tout à fait fallacieuse. De toute évidence, c’est à cause de la proximité des élections, et aussi pour tenter de recueillir le soutien de la majorité, que le texte prévoit le maintien des tarifs réglementés pour les clients qui n’auront pas recours à la concurrence ou aux nouvelles offres de l’opérateur historique. Aucune garantie n’est en effet prévue en matière d'évolution des prix, une lacune préoccupante si l’on considère que le gaz, tarif réglementé ou pas, a augmenté de 30 % en dix-huit mois. Et l’on devine que la responsabilité du pétrole dans cette hausse est bien mince lorsque le président de GDF scande que quoi qu’il arrive, il assurera une hausse importante des profits pour les actionnaires ! C’est tout de même curieux, cette histoire de coût du pétrole qui fait augmenter à la fois les tarifs pour les consommateurs et les dividendes des actionnaires…

Le maintien des tarifs réglementés est un trompe-l'œil. D'une part, la loi posant un principe d’irréversibilité, le consommateur qui décidera d'exercer son éligibilité ne pourra plus revenir au tarif réglementé. Quel libéralisme, qui enferme dans un carcan ! Ensuite, le maintien des tarifs réglementés n'offre pas à lui seul une garantie suffisante de modération des prix : aucun dispositif n'est en effet prévu pour assurer la transparence des tarifs et juger du véritable impact des coûts. Les tarifs risquent donc de déraper rapidement pour s'aligner sur le marché, une perspective que les dirigeants et actionnaires de GDF ne verraient pas d'un mauvais œil. C’est pourquoi les amendements 36226 à 36247 proposent la suppression des alinéas 2 et 3 de cet article.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis. Je relève simplement que selon M. Sandrier, si nous faisons quelque chose de bien, c’est uniquement à cause de l’approche des élections. J’en conclus que ce que nous faisons est bien et je le remercie de ce soutien indirect !

M. Jean-Claude Sandrier - Il fallait écouter le reste de la phrase !

Les amendements 36226 à 36247, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme la Présidente - J’appelle les amendements 36248 à 36269

Mme Muguette Jacquaint – Ces amendements tendent à supprimer les dispositions de l’article 2 qui transposent la directive européenne organisant l’ouverture du marché, évitant ainsi les conséquences malheureuses qu’elle entraînerait inéluctablement. Il suffit d’ailleurs, pour s’en convaincre, s’il en était besoin, de lire la réponse qu’a faite M. Dominique Paillé à l’hebdomadaire La Vie financière qui lui demandait si, selon lui, après la fusion Suez-GDF, les tarifs s’envoleraient. Ses propos sont éclairants. Il explique en effet que ce sera le cas, puisque l’État, devenu minoritaire dans le capital du nouveau groupe, n’aura plus le pouvoir de limiter la répercussion sur les tarifs de la hausse du prix du gaz, sauf à contraindre l’opérateur à vendre à perte, ce que les actionnaires privés n’accepteront jamais. Le député conclut que, sauf si le prix de la matière première baisse, la hausse des tarifs lui semble inéluctable.

La démonstration est imparable. Rien ne sert donc de continuer à prétendre que rien ne changera, et à nier que la privatisation de GDF couplée à l’ouverture du marché signe la perte de pouvoir de l’État dans la fixation des prix. Les dispositions que vous prévoyez visent à donner un vernis social à votre texte…

M. François Brottes - Elles ne sont que cosmétiques !

Mme Muguette Jacquaint - …avant des échéances électorales importantes, mais elles n’empêcheront pas que le budget des ménages sera lourdement grevé. Voilà ce qui justifie nos amendements.

Les amendements identiques 36248 à 36269, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme la Présidente - J’appelle les amendements identiques 36270 à 36731.

M. Daniel Paul – Je me suis expliqué hier sur ce point, et je défendrai donc en bloc ces très nombreux amendements. Ils visent à exclure de la liste des consommateurs finals – ou « finaux » – les établissements publics et ceux qui accueillent du public, les établissements d’activités culturelles, les hôpitaux publics, les établissements et les centres de santé, ceux qui accueillent des personnes âgées dépendantes, des personnes âgées, des personnes dépendantes, les maisons de retraite, les établissements pénitentiaires, ainsi que les établissements d’enseignement, les établissements publics accueillant de jeunes enfants, les centres de PMI et les crèches et haltes-garderies, ainsi que tous les établissements qui relèvent des budgets de l’aide sociale ou de la sécurité sociale. Aucun de ces établissements, où joue la solidarité nationale, ne doit être contraint de recourir au marché, avec tous les risques que cela comporte. J’ai déjà dit ce qu’il est advenu au centre hospitalier de Besançon, qui a tenté l’aventure de la déréglementation. Au début, certes, il s’en est bien trouvé, mais les difficultés sont venues très vite. J’ai constaté, en Grande-Bretagne, les pratiques des marchands d’électricité, qui démarchent à tout va en proposant des contrats mirifiques, moins chers les uns que les autres. Mais une fois l’usager, devenu client, ferré, les prix ne tardent pas à remonter – et dans quelles proportions ! Nous refusons cela, particulièrement pour les hôpitaux, dont les budgets très contraints ne sont pas destinés à nourrir les actionnaires des entreprises énergétiques.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre délégué – Avis défavorable, pour les raisons dites hier.

Les amendements identiques 36270 à 36731 mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul - Les amendements 85990 à 88079 sont défendus.

Les amendements 85990 à 88079, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul - Les amendements identiques 36732 à 36753 sont rédactionnels.

M. le Rapporteur – Avis favorable à titre personnel.

M. le Ministre délégué – Avis favorable.

Les amendements identiques 36732 à 36753, mis aux voix, sont adoptés.

M. François Brottes - Nous venons de découvrir la teneur de ces amendements, ce qui n’est pas de très bonne pratique…

Mme la Présidente - J’en conviens, mais comme ils sont d’ordre rédactionnel et que la commission et le Gouvernement se sont déclarés favorables à leur adoption, je ne pense pas qu’il y ait matière à remettre ce vote en cause.

M. François Brottes – Je ne regrette pas de l’avoir voté, Madame la Présidente, mais qu’il ait dû être présenté est une preuve supplémentaire que, dans la précipitation, le Gouvernement a improvisé quelques mesures cosmétiques conçues pour tenter de voiler le sujet de fond – la privatisation de GDF –, et ses conséquences réelles.

M. le Ministre délégué – Je n’ai jamais prétendu à la perfection, Monsieur Brottes. Une erreur de rédaction a été commise, j’en conviens, et je m’incline.

M. le Rapporteur – L’amendement 88529 est de simplification.

M. le Ministre délégué – Avis favorable.

M. François Brottes - La simplification est en effet formidable, puisque le rapporteur ne propose rien moins que la suppression de la moitié de l’article pour la renvoyer ailleurs … Un mot d’explication serait bienvenu.

M. le Rapporteur – Je m’en suis déjà expliqué : il s’agit de rassembler à l’article 4 toutes les dispositions relatives à l’accès aux tarifs réglementés.

L'amendement 88529, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - Les amendements 36754 à 36797, 38118 à 38139, 3456 à 3605 et 36798 à 36819 tombent.

M. François Brottes - Voilà pourquoi nous avons déposé autant d’amendements avant l’article premier…Nous savions bien qu’au cours du débat, ceux de la commission les feraient tomber…

M. Daniel Paul – Les amendements identiques 36820 à 36841 sont défendus.

Les amendements 36820 à 36841, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – L’amendement 88530 est rédactionnel.

M. le Ministre délégué – Avis favorable.

L'amendement 88 530, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - À la demande de la commission, les amendements 38096 à 38117, 38074 à 38095, 38052 à 38073, 36842 à 36863 et 36864 à 38051 sont réservés jusqu’à l’examen de l’amendement 137638 de la commission.

Le vote sur l’article 2 est réservé.
La séance, suspendue à 17 heures 45 est reprise à 17 heures 50.

APRÈS L'ART. 2

M. Jean Dionis du Séjour – Le groupe UDF présentera une série d’amendements relatifs au régulateur, sujet qui devrait faire l’objet d’un article propre dans cette loi, à l’image de la directive européenne. Nous souhaitons un régulateur fort, certaines prérogatives ne pouvant être exercées par l’État : il serait particulièrement nocif de confondre les pouvoirs de l’État actionnaire, qui possède plus de 80 % du capital d’EDF et de GDF, et ceux du régulateur.

Par l’amendement 137574, rectifié, nous souhaitons mettre un terme à certaines pratiques vexatoires que j’ai pu constater depuis quatre ans : le ministre – et je ne mets pas en cause le ministre actuel – dispose théoriquement d’un délai de deux mois pour publier les avis de la CRE, mais il arrive qu’il ne leur donne aucune suite, si bien que les observations de la commission restent lettre morte. Tout se passe donc comme si les avis de la CRE n’existaient pas !

Nous proposons que la commission puisse publier elle-même ses avis, une fois passé le délai de deux mois dont bénéficie le ministre. Cet amendement favorisant la transparence, qui pourrait y voir autre chose qu’un avantage ?

M. le Rapporteur – Si la CRE fait des propositions au ministre, celui-ci est seul compétent pour donner ou non une suite aux avis rendus. Je ne peux donc pas imaginer un seul instant que la commission rende public un simple avis avant que le ministre se soit prononcé.

Pour cette raison, non seulement la commission n’a pas retenu cet amendement mais, certains de ses membres ayant peu apprécié que la CRE ait récemment publié un avis avant de le transmettre au ministre, elle a émis un avis très défavorable.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement est également défavorable à cette publication des avis de la CRE, qui risque de semer beaucoup de confusion. Le ministre doit pouvoir décider sans subir de pressions.

M. Jean Dionis du Séjour - Dans cet amendement, je reconnais tout à fait au ministre le droit de ne pas suivre l’avis de la CRE, et je maintiens le délai de deux mois. Mais si, au terme de celui-ci, il ne veut pas répondre, le régulateur indépendant doit pouvoir publier ses avis pour assurer la transparence aux acteurs du marché.

M. François Brottes - Quel pouvoir doit exercer légitimement une instance de régulation ? La question est délicate. Nous, parlementaires, votons la loi dans le souci de l’intérêt général – l’économie, l’emploi, le pouvoir d’achat, la desserte des territoires – et le Gouvernement travaille dans le même esprit, bien sûr. Un régulateur doit, lui, se préoccuper de favoriser l’entrée de nouveaux opérateurs sur le marché, mais il ne doit pas, par ses avis, exercer des pressions et tenter de prendre le pouvoir politique en otage – encore ce reproche s’adresse-t-il plutôt à l’ART, en son temps, qu’à la CRE. Il doit donner un avis d’expert et faire des préconisations réglementaires, mais certes pas jouer un rôle public au service de tel ou tel intérêt. Il faut donc être très prudent avant de le mettre en situation de jouer ce rôle, qui n’est pas le sien. Au passage, il faut bien dire que jusqu’à ce jour, le régulateur ne s’est pas beaucoup préoccupé du consommateur.

Je me permets enfin de dire combien j’ai été choqué par les décisions du Conseil de la concurrence concernant les télécommunications. À l’époque, il y avait des discussions sur les investissements à réaliser dans les infrastructures par les opérateurs, qui devaient investir pour avoir une licence, et ne pouvaient se comporter en « coucous », venant seulement faire de l’argent dans le secteur. Sans entrer dans le détail, il arrive que les régulateurs se prêtent à un jeu de rôle où ils n’ont rien à faire. Soyons donc circonspects pour ce qui est de la publication de leurs avis.

M. Christian Bataille - M. Dionis du Séjour se dit libéral. Mais qu’y a-t-il de libéral à vouloir ce régulateur fort, indépendant et agissant en toute transparence ? Cela aboutit à enlever le pouvoir au politique pour le donner à un haut fonctionnaire indépendant – mais de quoi ? – et qui par définition n’est pas élu. Je ne suis donc pas d’accord avec la multiplication d’autorités indépendantes, à l’américaine, auxquelles on donnerait des pouvoirs illimités au détriment du politique. En dernier ressort, la parole doit rester au Gouvernement.

L'amendement 137574 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Présidente - Nous en venons à l’amendement 137638 qui est mis en discussion avec deux sous-amendements et les amendements à l’article 2 précédemment réservés.

M. le Rapporteur – La commission a adopté, à mon initiative, l’amendement 137638, après un long débat. Les directives imposent la création d’autorités qui soient indépendantes, mais des entreprises du secteur concerné, et non par rapport aux autorités politiques. Il n’est pas question non plus qu’elles soient irresponsables à l’égard de ces dernières. Une note d’interprétation des directives précise même que l’autorité peut ne pas être distincte de structures gouvernementales ou qu’elle peut être confiée à des autorités locales. En France, compte tenu des intérêts de l’État actionnaire, la loi de 2000 a institué une autorité de régulation distincte du ministère. Ayant pris l’habitude de créer des autorités administratives indépendantes pour soustraire au politique certaines activités et assurer une gestion non partisane, par exemple pour la liberté de communication avec le CSA ou pour la protection des données personnelles avec la CNIL, c’est à cette formule qu’on a alors recouru bien que les directives ne l’aient pas exigé, je le répète, pour l’instance de régulation de l’énergie.

M. Alain Gest - Tout à fait.

M. le Rapporteur - Ce choix, naturel, a d’emblée posé le problème des relations de ces instances avec les autorités politiques et celui de leur légitimité. Dans une démocratie, celle-ci doit émaner du peuple et, s’il peut être nécessaire que certaines activités échappent aux autorités élues, rien ne le justifie s’agissant de la régulation d’activités économiques. Comme le président Ollier, qui l’a rappelé vigoureusement en commission, et beaucoup d’autres, je suis très attaché à cette primauté du peuple. En outre, le risque est grand de confondre indépendance et irresponsabilité, et la CRE n’est pas toujours restée strictement dans son rôle. Quand la loi de 2000 a interdit l’activité de négoce, il n’appartenait pas à la CRE de critiquer cette disposition, de même qu’elle n’était pas dans son rôle en préconisant la suppression à terme des tarifs réglementés que nous souhaitons, sur tous les bancs, maintenir.

M. Jean Gaubert - On va vers le consensus !

M. le Rapporteur – Ce point a été déterminant dans notre réflexion. Les représentants du peuple ont pris, de façon assez consensuelle, position pour le maintien de ces tarifs, et cela relève de la loi, non des compétences de la CRE. Reste que nous avons besoin d’un régulateur fort pour garantir la concurrence.

Or, hésitant à priver le pouvoir politique de ses prérogatives, nous nous sommes souvent refusés à ce renforcement. Nous tentons aujourd’hui de sortir de ce dilemme, en vous proposant à la fois un vrai renforcement des pouvoirs du régulateur et une évolution tant de sa mission que de la composition de son collège.

Cette évolution est gouvernée par deux convictions.

La première est que l’ouverture à la concurrence n’est pas un but en soi, mais un moyen au service des consommateurs, dont les intérêts sont notre priorité. Nous souhaitons donc, d’une part, préciser que la mission générale de la CRE est de veiller à un fonctionnement du marché bénéficiant aux consommateurs ; d’autre part, assurer la représentation des consommateurs au sein du collège.

La seconde est que nul n’est mieux à même de défendre l’intérêt général que des parlementaires, dont c’est le mandat. Chacun reconnaît d’ailleurs la dimension politique des questions qui nous occupent ; c’est bien ce qui justifie que les décisions tarifaires appartiennent au ministre et que celui-ci, lorsqu’il veut faire appel à une expertise indépendante, dans le cas de la commission Durieux par exemple, décide de désigner un député – en l’occurrence notre collègue Brochand – parmi ses membres. En assurant la présence de parlementaires au sein de la CRE, nous nous rapprocherons des modèles choisis par nos voisins : en Allemagne, en Italie ou en Espagne, les parlementaires participent même à la désignation des collèges de régulation.

Par ailleurs, il nous semble souhaitable que les fonctions de membre de la CRE ne soient plus, comme c’est le cas aujourd’hui, incompatibles avec toute activité professionnelle – et de ce fait rémunérées à plein temps. Le fait que les membres de la CNIL ou de l’AMF, par exemple, ne soient pas permanents leur permet d’avoir une meilleure connaissance des préoccupations de la société.

L’amendement que je défends au nom de la commission a été sous-amendé par M. Ollier.

M. le Président de la commission – Pour les ultralibéraux, la concurrence est une fin. Pour nous, c’est un moyen au service des consommateurs ; le bon marché est celui qui garantit les prix les plus bas et les prestations les meilleures. C’est dans cet esprit que cet amendement a été rédigé et adopté par la commission.

Nous sommes nombreux à avoir été surpris que la CRE, au nom de la concurrence, conteste le maintien des tarifs. Il nous est loisible de le faire ici, à l'Assemblée nationale, mais ce n’est pas son rôle. En outre, cette prise de position révèle sa conception biaisée de la concurrence. Il nous est apparu que cela résultait largement de la manière dont elle était composée ; c’est un système spécifique à la CRE et à l’ARCEP, et en outre très coûteux.

Nous proposons que seul le président soit permanent. Mon sous-amendement 137646 précise la composition de la CRE – sept membres en tout : outre le président, un député et un sénateur ; deux commissaires désignés en raison de leurs qualifications dans les domaines juridique, économique et technique, l’un par le président de l'Assemblée nationale, et l’autre par le président du Sénat ; un représentant des intérêts économiques et sociaux désigné par le président du Conseil économique et social ; enfin un représentant des consommateurs de gaz et d’électricité, nommé par décret. Mon sous-amendement 137647 prévoit une période transitoire : afin d’assurer la continuité du fonctionnement de la Commission, de nouveaux membres s’ajouteront au collège existant, sans toutefois qu’on dépasse dix personnes.

M. le Rapporteur pour avis – Nous abordons là un sujet très important, l’ouverture des marchés commandant de renforcer le régulateur. La commission des affaires économiques et la commission des finances vont d’ailleurs présenter à ce sujet des amendements communs.

Il peut cependant paraître paradoxal, au moment où l’on s’apprête ainsi à renforcer les pouvoirs de la CRE, de diminuer son degré d’autonomie. Ce qui nous est proposé peut même être compris comme une mesure de rétorsion, M. Ollier ayant bien indiqué que la CRE était sortie de son rôle.

En tout cas, il n’est pas anodin de faire entrer des parlementaires dans une commission indépendante : c’est une manière de la relier au pouvoir législatif. Ce n’est pas sans raison que la loi de 2000 posait le principe de l’incompatibilité de la fonction de membre de la CRE avec tout mandat électif, départemental, national ou européen. De même, les fonctions de conseiller au CSA et à l’ARCEP sont incompatibles avec tout mandat électif ou national. Et ce qui est en cause ici, ce ne sont évidemment pas les compétences des parlementaires...

Ma réserve vaut plus encore pour le représentant des consommateurs, qui va se trouver juge et partie. Cette nomination pourrait d’ailleurs être contraire à la Convention européenne des droits de l’homme, dont l’article 6 dispose : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial ». Il est sûr en tout cas que cet article reçoit une très large interprétation, s’appliquant même aux sanctions administratives et financières.

Certes, le sous-amendement du président Ollier est un progrès par rapport à celui du rapporteur, mais il repose sur les mêmes principes. Nous avons les moyens de contrôler l’action de la CRE. Ne créons donc pas de confusion sur le rôle de cette dernière au moment même où nous nous apprêtons à élargir son pouvoir en vue d’un marché plus transparent. Je suis très réticent à l’égard de l’amendement en discussion, tout en partageant la philosophie des autres visant à améliorer la transparence.

M. François Brottes - On sent une majorité unie !

M. le Rapporteur – Je me réjouis de voir qu’il y a débat. Même si la représentation nationale a pu parfois s’étonner de certaines prises de position de la CRE, il n’y a jamais eu dans mon esprit l’idée de rétorsions contre cette autorité. Mon amendement prévoit que les membres actuels de la CRE vont jusqu’au terme de leur mandat ; nous ne mettons personne dehors ! Et il ne s’agit pas non plus de charges héréditaires !

En ce qui concerne la présence de parlementaires dans le collège, dans la mesure où la loi de 2000 prévoyait que les membres de la CRE étaient rémunérés, il n’était pas concevable à ce moment-là que des députés et sénateurs y siègent, tandis que la situation est différente aujourd’hui. En outre, des parlementaires siègent à la CNIL.

M. le Ministre délégué – Modifier le collège peut laisser penser que l’indépendance de la CRE est mise en cause. D’autre part, si une partie prenante du marché de l’énergie comme un représentant des consommateurs entre à la CRE, il ne peut faire autrement que de défendre le prix le plus bas. Le régulateur doit rester indépendant des parties prenantes. Et je ne souhaite pas donner le sentiment qu’on peut affaiblir son autorité.

M. le Rapporteur – Nous non plus !

M. le Président de la commission – Ce n’est pas parce que la CRE est sortie de son rôle que nous voulons modifier sa composition, mais c’est pour que celle-ci soit conforme aux objectifs que nous poursuivons.

M. Novelli parle d’un risque concernant l’indépendance de l’autorité ; est-ce qu’il pense que les parlementaires ne sont pas indépendants des opérateurs ? Notre amendement 137638 dispose : « Les fonctions de commissaire sont incompatibles avec toute détention, directe ou indirecte, d’intérêts dans une entreprise du secteur de l’énergie ». Il est donc dit clairement que les commissaires doivent être indépendants, mais le fait qu’un parlementaire y siège ne nuit en rien à cette nécessité.

En ce qui concerne la présence de consommateurs, Monsieur le ministre, ceci soit dit en forme de facétie, tous les membres de la CRE, à moins qu’on ne leur coupe l’électricité, sont des consommateurs ! Vous dites qu’un représentant des consommateurs défendrait les prix les plus bas, or tel est bien notre but ! Si nous voulons réguler, c’est pour éviter la concurrence sauvage et défendre l’intérêt général, qui appelle, me semble-t-il, les prix les plus avantageux pour le consommateur. Dès lors, prévoir un représentant des consommateurs dans le collège n’est nullement choquant.

M. le Rapporteur pour avis – Je prends acte de la réponse du ministre, qui ne souhaite pas de représentant des consommateurs. En ce qui concerne les parlementaires, l’article 28 de la loi du 10 février 2000, qui fixe la composition de la CRE, dispose que ses membres sont nommés en raison de leurs qualifications juridiques, économiques et techniques. Le législateur a ainsi voulu assurer à la CRE le concours de personnalités qualifiées, qui puissent donner au président de cette autorité des avis techniques.

Ne créons pas une régulation soumise à l’arbitrage final du pouvoir politique. Une certaine cohérence est nécessaire : si nous mettons en place une autorité indépendante, c’est pour qu’elle régule à la place du pouvoir politique. Autrement, laissons le pouvoir politique réguler lui-même. Étant donné le message contradictoire qu’elles convoient, je suis défavorable à ces propositions de modification.

M. le Rapporteur – Je vais dissiper un malentendu. Hervé Novelli nous dit que l’amendement de la commission est en contradiction avec la loi de 2000. J’appelle son attention sur le fait que cet amendement modifie justement l’article 28 de cette loi.

M. Christian Bataille – Il y a un vrai débat entre la culture jacobine du président de la commission et la culture libérale de M. Novelli et de M. Dionis du Séjour. M. Novelli a invoqué à l’appui de son argumentation la loi de 2000. J’ai été le rapporteur de cette loi, et j’admets volontiers que nous n’avons pas su cantonner la CRE dans son rôle. De fait, elle n’a cessé depuis cinq ans de se substituer au pouvoir politique, s’érigeant finalement en véritable ministère bis. Je salue donc les propositions de Jean-Claude Lenoir et de Patrick Ollier, même si je déplore que les sous-amendements du président de la commission réduisent à la portion congrue la représentation des parlementaires.

Je m’étonne tout de même d’entendre des parlementaires s’interroger sur notre capacité à siéger dans une commission comme la CRE. Certes, nous avons besoin, pour faire la loi, de recueillir l’avis de spécialistes ; mais c’est à nous de décider en dernier ressort. De par nos fonctions et notre connaissance du terrain, nous sommes tout à fait qualifiés pour juger de ces matières. Nous aimerions évidemment que la diversité politique soit représentée.

Le pouvoir politique doit garder le rôle qui est le sien. Je ne suis pas partisan des commissions indépendantes. Qu’elles donnent des avis et éclairent les choix politiques, oui ; mais qu’elles confisquent tous les pouvoirs, non. Quoi qu’il en soit, les propositions de la commission nous paraissent aller dans le bon sens, même si elles restent assez prudentes.

M. Claude Gaillard - Sur le plan de la démocratie, l’idée même de commission des sages a quelque chose d’insupportable, puisqu’elle aboutit à priver les élus d’une responsabilité qui devrait être la leur. Nous avions eu ce débat il y a une dizaine d’années au sujet de l’Autorité de régulation des télécommunications, et quoique rapporteur du texte qui l’a créée, j’étais très réservé. C’est un vrai problème philosophique, et c’est pourquoi ce débat – qui transcende d’ailleurs les clivages politiques – ne me heurte pas. Les deux rapporteurs, le président de la commission et le ministre ont remarquablement posé le problème. Lorsque j’étais administrateur de GDF, il m’est arrivé de penser que la CRE outrepassait franchement ses compétences. Je suis donc partagé : la CRE doit bien sûr détenir un pouvoir important et bénéficier de son autonomie, mais elle gère les grandes orientations – le prix le plus bas, l’investissement à long terme, et aussi la concurrence, qui ne doit cependant pas devenir un objectif en soi. Il ne s’agit pas seulement, en effet, d’ouvrir le secteur à la concurrence, mais aussi de s’assurer que cette concurrence bénéficie au client à court comme à long terme et que l’ensemble du processus ne débouchera pas sur une pénurie. Or, la logique de la CRE était plutôt d’approuver les demandes d’augmentation des tarifs, dans des avis que l’État ne suivait pas.

Je suis assez favorable, à titre personnel, à l’arrivée de parlementaires à la CRE, car on est sûr qu’ils ne seront aux ordres de personne. Ce serait encore mieux, d’ailleurs, si l’on parvenait à assurer la représentation de la majorité et de l’opposition. Les parlementaires sont au fait des grandes priorités nationales – indépendance énergétique, investissement à long terme, prix le plus bas.

N’oublions pas que le choix que nous ferons pour la CRE aura des conséquences, à terme, sur d’autres autorités indépendantes.

Je propose donc de retenir l’idée de deux députés et de deux sénateurs.

M. le Rapporteur – C’est mon amendement !

M. Claude Gaillard – Enfin, il me semble intéressant, compte tenu de mon expérience dans un comité d’agence de bassin, d’avoir également un représentant des consommateurs. Il n’y a pas de raison de ne pas faire confiance à la maturité et à l’honnêteté intellectuelle de nos concitoyens.

M. Daniel Garrigue - Très bien !

M. Jean Dionis du Séjour - Je ne partage pas cette vision. S’il y a un régulateur, c’est parce qu’il existe entre l’État et ses entreprises publiques des liens très forts qui posent problème dans l’optique de la concurrence. L’État-EDF, la consanguinité entre l’État et les entreprises, ce n’est pas un mythe !

M. François Brottes - Et alors ?

M. Jean Dionis du Séjour – Pour asseoir la légitimité de la CRE, on nous propose d’y faire siéger des parlementaires. Mais le modèle européen a sa légitimité, et le système européen est un système de droit. Les parlementaires qui siégeront à la CRE seront-ils vraiment indépendants ? J’en doute. Serons-nous disponibles ? J’en doute aussi. Les missions de la CRE sont avant tout des missions techniques ; or nous sommes des généralistes. Lorsque j’ai été élu, j’ai pensé que je mettrais à profit ma formation d’ingénieur en allant siéger dans des organismes scientifiques – la Commission de surveillance du service public des postes et communications et l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques. Mais je suis loin d’être un modèle d’assiduité.

En ce qui concerne la présence des consommateurs, mon expérience des commissions départementales d’équipement commercial ne me rassure pas du tout. Ce ne sont d’abord pas des consommateurs, mais des représentants des centrales ouvrières. Je ne suis pas contre, mais ce n’est tout de même pas la même chose. Par ailleurs, dans le secteur de l’énergie, il peut y avoir des connexions entre les entreprises et les centrales ouvrières.

M. François Brottes - Elles sont représentatives.

M. Jean Dionis du Séjour - Parfaitement, mais ce ne sont pas des consommateurs. L’association Force ouvrière-consommateurs peut, par exemple, privilégier d’autres buts, comme la défense de l’emploi. En France, le mouvement de consommateurs n’est pas vraiment structuré, à part l’UFC-Que Choisir. Enfin, je suis tout à fait hostile à ce que seul le président soit rémunéré. Si l’on veut que les gens fassent bien un travail très technique et très prenant, on les paye. On peut juste se demander combien et comment régler les problèmes de cumul pour les parlementaires, par exemple.

Toutes ces mesures me semble diminuer la disponibilité et l’indépendance des membres de la commission. C’est un très mauvais signal et c’est l’inverse de ce que demandait la transposition de la directive.

M. Jean Gaubert - Je partage le point de vue de M. Gaillard : administrateur d’EDF pendant dix ans, j’ai parfois eu le sentiment que la CRE se mêlait de ce qui ne la regarde pas.

Sur le fond, j’insiste sur le fait que des administrateurs qui sont tous issus du même creuset, aussi compétents soient-ils, ne peuvent pas assurer l’indépendance d’une structure ni même constituer un bon conseil d’administration. La commission d’enquête sur la gestion des entreprises publiques a montré que la quasi-totalité des administrateurs de France Télécom, par exemple, étaient de la même école de pensée. Ils ne pouvaient absolument pas s’affranchir de l’idée dominante, de leur « politiquement correct ». Les élus, quelle que soit leur sensibilité, et les consommateurs peuvent porter au débat des éléments plus nouveaux. Je pense d’ailleurs que l’indépendance est le produit du débat entre gens différents. Elle ne peut en aucun cas être garantie par le fait qu’aucun n’a fait de politique ou appartenu à une association ! Si l’on ne s’adresse qu’à des spécialistes qui se cooptent, ce n’est pas la peine d’en nommer sept : un seul suffit ! C’est pour cela qu’un certain nombre d’entreprises publiques ont mal fonctionné.

L’amendement précise que les fonctions de commissaire sont incompatibles avec toute détention, directe ou indirecte, d'intérêts dans une entreprise du secteur de l'énergie. Je suis tout à fait d’accord. Il faudrait même s’interroger sur la prolongation de cette interdiction quelque temps après la sortie de mandat. On sait que beaucoup de membres valorisent leur appartenance à des structures en se vendant ensuite à l’extérieur. En revanche, la phrase suivante semble incompatible avec la présence de parlementaires : « Les membres de la commission ne prennent, à titre personnel, aucune position publique sur des sujets relevant de la compétence de celle-ci ». Les parlementaires n’auraient plus jamais le droit d’évoquer des questions relatives à l’énergie, dans l’hémicycle ou ailleurs ! C’est une question qui doit absolument être résolue.

M. Jean-Claude Sandrier - Ce débat est particulièrement intéressant, mais il illustre aussi l’impréparation de ce projet de loi. Vous essayez de répondre aux craintes d’une augmentation des tarifs exprimées par une grande majorité de nos concitoyens, mais dans une telle précipitation qu’on est presque en train de demander au Sénat de réfléchir à notre place. Votre tentative de réponse repose sur la composition de la CRE. On y ajoute par exemple des parlementaires – ce n’est pas une mauvaise idée – et un consommateur – un seul. C’est un petit mieux, mais guère plus qu’un cache-sexe.

Cette proposition a été contestée par M. Novelli, au nom de l’indépendance. Il préfère qu’il n’y ait ni élus, ni consommateurs, ni syndicats. Il a tout compris ! En effet, la CRE est censée prendre en compte les conditions d’ouverture du marché. Or ces conditions ont été rappelées par le Commission européenne : les prix réglementés en vigueur étant inférieurs à ceux du marché, ils freinent l’entrée de nouveaux concurrents et empêchent donc la concurrence libre et non faussée, abc du libéralisme… La présence de parlementaires, éventuellement de l’opposition, ne changera rien sur le fond, parce que parler des prix du marché et des tarifs réglementés n’a strictement rien à voir. C’est pourquoi nous proposons plutôt d’élargir les compétences de l’Observatoire national du service public de l’électricité et du gaz. D’aucuns poseront la question de sa compétence, mais il ne faut pas oublier qu’en la matière, la compétence réside pour une grande partie dans l’information. Connaître les coûts réels d’accès à l’énergie serait déjà beaucoup pour avoir une idée de la fixation des prix. Quant à la composition de cet observatoire, elle doit être tout simplement citoyenne : élus représentant toutes les tendances, consommateurs, syndicats et personnes qualifiées. Il faut donc une réflexion qui aille beaucoup plus loin que votre proposition, qui ne garantit pas grand-chose en matière de prix.

M. François Brottes – Sur ces amendements, nous nous abstiendrons. Il est vrai qu’ils proposent une certaine amélioration par rapport aux dysfonctionnements que nous connaissons. Je n’ai d’ailleurs rien à enlever aux propos de M. Gaillard. Il avait été aussi limpide et enthousiaste en commission, pour dire combien il regrettait la privatisation de Gaz de France…

M. Dionis du Séjour, en revanche, a tenu certains propos inacceptables. D’abord, j’en ai tout simplement assez que certains passent leur temps à décrédibiliser la fonction parlementaire. Certains amendements sont débiles, les siens sont intelligents – encore faut-il être là pour les présenter – ; certains députés sont affectés dans des instances auxquelles ils ne vont jamais… Je regrette, lorsque j’appartenais à la commission supérieure du service public de la poste et des télécommunications, j’y passais une demi-journée par semaine et j’étais présent à chaque réunion ! Il ne faut pas laisser croire que les gens – de droite ou de gauche – qui s’engagent et qui acceptent des responsabilités ne les assument pas, sans quoi la petite musique qui cherche toujours à discréditer la représentation nationale devient de plus en plus forte. Ce petit jeu ne sert pas la démocratie.

Quant à comparer le secteur de l’énergie avec les surfaces commerciales de nos villes… Les bras m’en tombent ! Nous sommes tous d’accord sur le fait que l’énergie n’est pas un bien comme les autres, parce que tout le monde en a besoin et que c’est un secteur stratégique. Dans ce contexte, c’est sur l’intérêt supérieur du pays qu’il faut s’interroger, pas sur l’intérêt supérieur du marché ! Il y a confusion des genres. Or, dès l’instant qu’il s’agit de l’intérêt supérieur du pays, la représentation nationale a toute légitimité et toute compétence pour s’y intéresser directement.

Les propositions qui nous sont faites paraissent donc intéressantes. Cependant, il faut considérer qu’elles font encore débat, au sein même de la majorité, que nous sommes en procédure d’urgence et que nous ne savons pas exactement à quoi cela va aboutir. Nous nous abstiendrons donc, d’autant que certaines difficultés ne sont pas résolues. En ce qui concerne le nombre de députés et de sénateurs par exemple, il faut aller au bout de la logique : si l’on trouve normal que des représentants du peuple soient présents, c’est la totalité du peuple qui doit être représentée, majorité et opposition. J’appuie par ailleurs la remarque de Jean Gaubert sur l’interdiction, pour tous les membres, d’agir dans le secteur pendant quelques années après leur passage dans la commission de régulation. Je ne dis pas que des entreprises font du lobbying… mais cela pourrait arriver !

Enfin, j’aurais préféré que soit évoqué le bénéfice des consommateurs finals.

Mme Muguette Jacquaint - J’approuve la déclaration que vient de faire notre collègue François Brottes sur le rôle du Parlement, et je constate que tous les élus qui siègent depuis que le débat s’est engagé sur ce texte ont fait la preuve de leurs compétences et de leur intérêt pour leurs concitoyens et pour le développement économique de la France.

Le fait même que certaines déclarations de la CRE aient été contestées montre l’importance du rôle qu’elle doit jouer dans l’intérêt du pays, de notre économie et du consommateur, mais aussi du service public, question majeure au moment où l’on parle de privatiser GDF. Je ne vois pas donc pas d’objection à ce que l’on modifie la composition de la Commission pour introduire en son sein des représentants des parlementaires, ainsi que des représentants des consommateurs. Mais nos amendements 38096 à 38117, 38074 à 38095, 38052 à 38073, 36842 à 36863 et 36864 à 38051 tendent à renforcer le rôle de l’Observatoire national du service public de l’électricité et du gaz, créé par l’article 3 de la loi relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité. L’approche n’est pas la même que celle qui vise seulement à améliorer la transparence et l’indépendance de la CRE.

M. le Ministre délégué – Je rappelle que le Gouvernement n’est favorable ni à l’amendement 137638 ni aux sous-amendements, car il considère que la réflexion en cours sur la CRE est encore inaboutie.

M. le Président de la commission – Pour donner suite à la proposition de notre collègue Claude Gaillard, je propose de rectifier le sous-amendement 137646, et d’en revenir à deux députés et deux sénateurs. La CRE compterait donc huit commissaires.

Le sous-amendement 137646 rectifié, mis aux voix, est adopté, de même que le sous-amendement 137647.
L'amendement 137638 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

ART. 2 (suite) (amendements précédemment réservés)

Mme la Présidente - Mme Jacquaint a défendu les amendements 38096 à 38117, 38074 à 38095, 38052 à 38073, 36842 à 36863 et 36864 à 38051.

Les amendements 38096 à 38117, 38074 à 38095, 38052 à 38073, 36842 à 36863 et 36864 à 38051, repoussés par la par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Muguette Jacquaint - Nous voterons contre l’article.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu lundi 18 septembre, à 15 heures.
La séance est levée à 19 heures 25.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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ordre du jour
du lunDI 18 SEPTEMBRE 2006

QUINZE HEURES : 1RE SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au secteur de l'énergie (no 3201).

Rapport (no 3278) de M. Jean-Claude LENOIR, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Avis (no 3277) de M. Hervé NOVELLI, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE :2E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

© Assemblée nationale