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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du jeudi 21 septembre 2006

Séance de 9 heures 30
10ème jour de séance, 24ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

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éNERGIE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie.

M. François Brottes - Rappel au Règlement. Il y a eu une véritable incompréhension concernant l’élaboration du calendrier prévisionnel, et je vous remercie, Monsieur le Président, d’avoir, dans la nuit d’avant-hier, précisé qu’il ne s’agissait en aucun cas d’un accord politique.

M. le Président – Le rôle de la Conférence des présidents est d’organiser au mieux les débats. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil de l’hémicycle.

M. François Brottes – J’en conviens, mais les grands quotidiens se sont surtout préoccupés de savoir ce qui se disait dans les couloirs, et de la manière dont était interprétée telle ou telle réunion de travail. En revanche, nos échanges dans cet hémicycle, sur des questions importantes comme le tarif de retour, qui ont bien établi nos différences de points de vue, n’ont pas été rapportés comme ils auraient dû l’être. Votre précision non plus n’a pas été relevée.

Lors de notre dernière séance, nous avons voté l’article 5. J’avais posé une question au ministre au sujet des régimes spéciaux des industries électriques et gazières et, comme il m’a semblé qu’il était disposé à y répondre, je me tourne à nouveau vers lui, avant que nous passions à autre chose.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie - La question avait trait au système social prévu par la loi de 2003, acté par l’article 5 de ce projet supprimant la notion de « client non éligible ». Si l’article a en effet trait aux retraites des personnels à statut, cette suppression ne change rien à leur situation, comme nous l’avons dit à leurs représentants quand nous les avons reçus.

M. François Brottes - J’avais cité M. Breton qui, dans un discours de politique énergétique, avait indiqué que les engagements avec les partenaires sociaux seraient tenus. Dans la mesure où certains, dans la majorité, souhaitent remettre en cause les régimes spéciaux, j’aimerais savoir si le régime général contribue, et en quoi, aux retraites des industries électriques et gazières. Et si tel n’est pas le cas, comme le dit la rumeur, comment souhaitez-vous en modifier les contours ?

M. le Ministre délégué – Le dispositif de la loi de 2004 permet d’adosser au régime général le statut des industries électriques et gazières. Cette réforme a été faite de manière parfaitement neutre pour celles-ci. Notre texte ne touche en rien à leur régime.

M. François Brottes - Les provocations de M. Fillon étaient donc parfaitement inutiles.

M. Daniel Paul - Nous avons dit à plusieurs reprises que nous trouvions surréaliste de discuter de GDF tout en sachant très bien que son périmètre va évoluer devant les exigences de la Commission européenne. La presse fait état ce matin de la réponse adressée à la Commission par GDF, qui expose la position de la direction sur ce que celle-ci est prête à lâcher pour modifier le périmètre de l’entreprise. Nous n’avons pas connaissance de ce document. Afin que tout ceci ne se passe derrière notre dos, nous demandons d’en prendre connaissance immédiatement.

M. Christian Bataille - Rappel au Règlement sur le fondement de l’article 58-1. Nous sommes réunis pour un débat très important concernant la privatisation de Gaz de France, avec, en filigrane, la remise en cause des équilibres internes d’EDF. Monsieur le Président, nous prenons acte de votre volonté de réguler les travaux du Parlement et d’organiser un calendrier, dont vous avez précisé qu’il ne s’agissait que d’une adaptation technique qui ne gommait en rien les différences entre la majorité et l’opposition.

M. le Président – Comme je l’ai dit à M. Brottes, le rôle de la Conférence des présidents depuis toujours est d’organiser nos débats. La présidence n’a pas pour mission de rechercher un quelconque accord politique. Ne faisons pas de faux procès. Nous avons cherché à rendre nos débats plus lisibles pour nos concitoyens.

M. Christian Bataille - C’est ce dont je vous sais gré. Dans la majorité comme dans l’opposition, nombreux sont ceux qui proclament l’importance de la démocratie parlementaire, tout en se gardant de venir le dire ici ! Nous entendons des proclamations tonitruantes en dehors de l’hémicycle, mais ceux qui les font s’abstiennent de participer à nos travaux. Si notre démocratie est menacée, c’est que, sur un problème aussi important, ceux qui ont voix au chapitre ne considèrent pas que c’est d’abord dans cet hémicycle qu’ils doivent s’exprimer. Il ne faut pas que l'Assemblée nationale soit un théâtre d’ombres, où des responsables absorbés par d’autres charges entrent et ressortent en coup de vent, après une brève déclaration.

M. le Président – Vous au moins, Monsieur Bataille, êtes très présent, et nous vous en félicitons.

M. Christian Bataille - Nous sommes un certain nombre de députés assidus. On ne peut bien comprendre les débats qu’en étant le plus présent possible, et il est vrai qu’il faut un certain temps pour débattre sur le fond.

M. le Ministre délégué - Nous arrivons ce matin à un moment important dans la procédure engagée par la Commission européenne, dont la lettre de griefs demandait aux deux entreprises de formuler des propositions pour prévenir la constitution d’un monopole. Celles-ci ont apporté leur réponse ce matin, sous la forme d’une lettre détaillée. La Commission considère que cette réponse est de nature à déclencher la deuxième étape de la procédure, c’est-à-dire la consultation des concurrents.

Il s’agit d’un test de marché : les entreprises du secteur devront donner leur avis sur l’impact éventuel des propositions d’EDF et de GDF sur la concurrence dans le secteur. Que la Commission ait accepté ce test est un excellent signe – et M. Breton avait raison de se dire confiant sur ce dossier ! Si cette phase de la procédure se déroule au mieux, les propositions des entreprises pourraient en effet être acceptées par la Commission.

Nous en sommes donc à une étape importante, qui nous permettra de préciser nos réponses sur bien des points – je me souviens notamment que nous évoquions, voici quelques jours, le terminal méthanier de Montoir. Pour que vous soyez parfaitement informés de la situation actuelle, le Gouvernement a demandé aux entreprises de nous communiquer leurs propositions et nous avons transmis au président de la commission des affaires économiques la lettre qui a été envoyée à la Commission de Bruxelles. Je précise tout de suite que cette lettre n’est pas caviardée, car elle n’émane pas de la Commission !

M. François Brottes - M. Breton a effectivement indiqué, il y a deux jours, que de nouvelles informations nous seraient communiquées aujourd’hui. Nous en prenons acte et je demande une suspension de séance pour prendre connaissance de cet échange entre les entreprises et la Commission européenne.

S’agissant du terminal gazier de Montoir, nous avons appris qu’il devrait être filialisé : nous aimerions savoir de quelle filiale et de quels partenaires il est question ! Puisque nos débats vont désormais porter sur la distribution, les infrastructures et les réseaux de gaz, nous devons dès maintenant prendre connaissance de ce document. À cette fin, je le répète, nous demandons une suspension de séance.

M. Daniel Paul - Ce document est d’une telle importance qu’il pourrait modifier le cours de nos débats. Il s’agit en effet de savoir de quelle manière les directions des entreprises concernées envisagent de modifier le périmètre de leurs activités – les terminaux, par exemple, mais également les réseaux de transport et de distribution. Des cessions importantes de gaz ont même été évoquées – 10 %, voire plus ! Afin que nous puissions étudier ensemble ce nouveau document, je demande une réunion de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes - Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Je tiens à remercier le Gouvernement de nous avoir tenu informés des événements, jusque fort tard dans la nuit, et d’avoir fait en sorte que la lettre des entreprises soit communiquée à la commission.

Précisons tout de suite que ce document est soumis aux mêmes impératifs de confidentialité que la lettre de griefs de la Commission, puisqu’il s’agit d’une réponse à ce dernier document. Bien entendu, nous tiendrons des photocopies de cette lettre à la disposition des représentants de chaque groupe, mais je rappelle que nous n’en sommes pas encore à l’examen de l’article 10, qui autorise la privatisation de GDF !

M. François Brottes - Et que faites-vous de la distribution ?

M. le Président de la commission - Si vous souhaitez prendre connaissance de ce document tout de suite, je n’y vois pas d’obstacle : nous pouvons nous accorder quelques minutes pour cela. Nous vous demanderons seulement de ne pas emporter les photocopies, qui resteront à la disposition de nos collègues pendant toute la journée. Vous voyez que nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour éclairer ce débat…

La séance, suspendue à 9 heures 55, est reprise à 10 heures 15.

M. François Brottes - Rappel au Règlement.

J’ai commencé à prendre connaissance de la réponse de Gaz de France et Suez à la Commission européenne, mais je n’ai pu lire que 7 pages sur 27… Ce que je comprends, c’est que, notamment en matière de fourniture de gaz en Belgique et en France, les cessions d’actifs vont être très importantes. On ne sait pas encore qui sera le repreneur de la nouvelle société qui va être créée pour les gérer, mais de nombreux contrats de vente et d’approvisionnement ainsi que les capacités de transport et de stockage sont en cause ; nous aurions donc besoin d’être éclairés, l’argument principal en faveur de la fusion GDF-Suez étant l’accroissement de la capacité d’action dans le secteur du gaz : si bon nombre d’actifs sont cédés, où est l’intérêt ? Vraiment, nous aurions besoin, avant d’engager le débat sur les articles suivants, de savoir précisément ce qu’il en est du démantèlement de GDF.

après l'Art. 5

M. Serge Poignant - L’amendement 137631 concerne les contrats d’obligation d’achat de l’électricité produite par cogénération. Pour la majorité d’entre eux, ils ont été conclus dans le cadre législatif et réglementaire antérieur à la loi du 10 février 2000, et pour quelques-uns, en application de l’article 10 de celle-ci. Mais en dépit des dispositions de l’article 82 de la loi de finances pour 2006, la CRE, qui détermine le montant des charges à compenser, refuse de tenir compte des modifications contractuelles de déplafonnement, au motif que les dispositions législatives ne seraient pas d’application directe. Il s’agit donc d’affirmer leur caractère d’application immédiate.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - Avis favorable. Je souligne tout l’intérêt de ce déplafonnement pour les réseaux de chaleur, notamment dans les immeubles collectifs sociaux.

M. le Ministre délégué – C’est important, en effet. Avis favorable.

L'amendement 137631 est adopté.

M. François Brottes – Rappel au Règlement.

Monsieur le ministre, les questions précises que j’ai posées ne peuvent pas rester sans réponse. Si vous ne m’en apportez pas, je serai contraint de demander une suspension de séance.

M. le Ministre délégué – J’imaginais que vous préféreriez reparler de tout cela après avoir lu l’ensemble des 27 pages, mais je veux bien le faire dès maintenant.

La proposition présentée à la Commission européenne consiste à réduire le champ d’activités de Suez et Gaz de France pour laisser de la place à des concurrents, notamment en Belgique. Elle concerne la vente de gaz aux clients industriels. Rien n’interdira cependant à l’avenir à l’entreprise fusionnée de repartir à l’assaut de cette clientèle. Autrement dit, non seulement le projet industriel actuel, dont nous attendons une meilleure sécurité d’approvisionnement et un effet de masse, n’est pas remis en cause par ces propositions, mais à plus long terme, ce pourrait être un projet plus vaste ; c’est la raison de notre accord.

M. François Brottes - L’entreprise fusionnée ne pourra pas, si j’ai bien compris, repartir à l’assaut avant un certain délai – qui pourrait atteindre dix ans…

Quant à l’effet de masse, il est important de savoir de combien ces propositions le réduisent. Les cessions envisagées concernent-elles les infrastructures de transport, les infrastructures de stockage ? Le projet industriel qui nous avait été présenté par MM. Mestrallet et Cirelli se trouvant forcément modifié, je souhaiterais que la commission se réunisse cet après-midi pour que le ministre nous dise ce qu’il en est car nous sommes dans le brouillard complet.

M. Jean-Marc Ayrault - Je voudrais prendre un exemple concret : le terminal méthanier de Montoir, près de Saint-Nazaire, sur lequel je vous ai déjà interrogé la semaine dernière, fait-il partie des infrastructures qui seront cédées ?

M. le Ministre délégué – En réponse à plusieurs d’entre vous, mardi soir, j’avais souligné toute l’importance du terminal de Montoir pour l’approvisionnement de la France, et indiqué qu’il n’était pas question de l’abandonner. Ce qui est prévu, c’est la filialisation, qui a l’intérêt de séparer la comptabilité des deux entreprises.

Vous comprenez bien que les réponses faites à la Commission de Bruxelles sont le fruit d’une intense discussion. Une filialisation à 100 % est de nature à satisfaire à la fois les exigences de celle-ci, en termes de transparence de la comptabilité, et celle du gouvernement français de conserver la maîtrise de cet instrument important. Je pense que c’est aussi une bonne réponse à votre attente.

M. le Président de la commission – Ni le Gouvernement, ni la majorité ne veulent cacher quoi que ce soit, mais nous avons aussi à respecter des règles de confidentialité. Vos questions sont légitimes et je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’un débat ait lieu en commission. Je vous propose donc de la réunir aujourd’hui à 14 heures et j’invite les parlementaires qui n’en sont pas membres à venir aussi.

M. le Ministre délégué – Qu’il n’y ait pas de malentendu : ce sont les entreprises qui répondent à la Commission européenne, pas le Gouvernement ! Les responsabilités des uns et des autres ne sont pas les mêmes. Cela étant, je suis ouvert à un débat libre en commission.

M. Jean-Marc Ayrault - Je remercie le président Ollier de convier tous les parlementaires intéressés.

Vous nous dites, Monsieur le ministre, que Gaz de France donne – avec l’accord du Gouvernement, puisque l’État est l’actionnaire majoritaire – des garanties à la Commission en acceptant une filialisation à 100 % d’une infrastructure telle qu’un terminal méthanier. Mais vous reconnaissez en même temps que la discussion est serrée et qu’il s’agit même d’une sorte de bras de fer. Donc, rien ne dit qu’une fois GDF privatisé, la Commission ne demandera pas d’autres garanties ! Qui deviendrait alors propriétaire de cette infrastructure d’intérêt national ? Vos réponses nourrissent nos inquiétudes.

M. Daniel Paul - Ce qui se noue ici, c’est la désintégration de l’entreprise intégrée GDF ! Dès lors que GDF deviendra un groupe privé, sa filiale sera à 100 % privée. Et comme l’on sait, une filiale a vocation à perdre sa filialisation. Il y a donc un gros risque.

Compte tenu des conditions posées par la Commission, on peut d’autre part craindre que GDF ne soit pas propriétaire des autres terminaux méthaniers prévus, comme celui d’Antifer ou de Dunkerque. Appartiendront-ils à d’autres groupes ?

M. le Président de la commission – Nous empiétons sur le débat que nous devons avoir en commission !

M. le Président – Oui. Puisque la commission va se réunir, n’entamons pas ce débat ici. Ou alors on annule la réunion de commission !

M. Michel Vaxès – Une filiale de commercialisation existe déjà pour un terminal qui n’est pas achevé, celui de Fos-Cavaou. Je souhaite avoir des éclaircissements sur les rapports, dans ce nouveau contexte, entre GDF et de telles filiales.

M. Serge Poignant - En tant qu’élu UMP de Loire-Atlantique, je partage bien sûr les préoccupations qui se rapportent au terminal de Montoir et aux infrastructures du même type, mais je pense que nous aurons ce débat en commission.

M. François Brottes - Il faudra nous éclairer sur les deux cas de figure possibles : les filiales destinées à rester dans le nouveau groupe fusionné et celles ayant vocation à trouver un nouvel acquéreur.

M. le Président – Nous en arrivons aux amendements 91898 à 93085.

M. Michel Vaxès – Ces amendements visent à repousser au 1er juillet 2008 l'entrée en vigueur des dispositions des articles premier à 5, dans l'attente d'une renégociation des directives européennes 2003/54 et 2003/55.

À l'occasion de chacune des transpositions législatives des directives européennes qui nous font avancer inexorablement dans la voie de la disparition des services publics à la française, nous n'avons cessé d'alerter la représentation nationale sur les conséquences désastreuses, en matière de tarifs et d'emploi, de cohésion sociale et d'équilibre territorial, qui pourraient en résulter pour nos concitoyens. Mais nos demandes d’études d’impact préalables sont restées vaines. Au nom de la construction européenne, nos services publics ont été minés l’un après l’autre.

Le processus est toujours le même. On commence par réduire les moyens des services publics, ce qui rend difficile l’accomplissement de leurs missions ; ensuite, on ouvre le secteur à la concurrence, en expliquant que c'est indispensable à la modernisation ; après quoi, on change le statut de l'opérateur historique pour en faire une société anonyme, on casse les solidarités et les cohérences internes en invoquant la nécessité de lui permettre de passer des alliances stratégiques ; enfin, on n'a plus qu'un petit pas à faire pour réaliser la privatisation !

Il ne reste plus alors aux citoyens qu'à se résigner à la perte d'un fleuron national, passé entre les mains des grands investisseurs en bourse, et à vivre avec un nouveau prestataire privé, qui les traite non plus comme des usagers dotés de droits, mais comme des clients à porte-monnaie. Quand on n'assiste pas, au surplus, à des réductions d'emplois, que ne tardent pas à exiger les nouveaux actionnaires, soucieux de rentabilité immédiate !

Nous demandons donc que soit dressé un bilan de la déréglementation du secteur énergétique avant que l'on décide de poursuivre ou non l'entreprise calamiteuse d'ouverture à la concurrence et de privatisation du secteur. On ne peut en effet agir sans avoir pleinement connaissance des termes du débat !

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre délégué – Même avis.

M. François Brottes – Ces amendements font écho à l’engagement qui avait été pris à Barcelone de réaliser une étude d’impact avant de poursuivre l’ouverture du marché de l’énergie. Nous avons compris que le Gouvernement ne la demanderait pas et nous le regrettons. Nous avons également compris que le président de la Commission européenne, M. Barroso souhaitait une nouvelle organisation du marché de l’énergie, dans laquelle ne resteraient plus que quatre ou cinq grands opérateurs. S’agit-il là de supputations solitaires du président de la Commission ou d’une réflexion menée de concert avec les gouvernements nationaux ?

Je me permets donc d’insister : les États ont-ils été informés de l’évolution des règles du jeu du marché de l’énergie qui se prépare au niveau communautaire ?

M. Jean-Pierre Soisson - Nous avons déjà eu ce débat il y a quelques jours. J’avais indiqué – et M. Brottes l’avait confirmé – que le président de la Commission européenne avait pris position en faveur d’une libéralisation accrue, donc d’une nouvelle étape.

M. Michel Vaxès - Et vous nous proposiez la soumission !

M. Jean-Pierre Soisson - Cela nous impose de définir rapidement une position. Ce n’est donc pas l’intérêt de la France de reporter l’entrée en vigueur des articles premier à 5. Que la représentation nationale tout entière – et je remercie le président de la commission des affaires économiques d’avoir invité tous les députés à assister à la réunion de cet après-midi – puisse entendre le ministre pour définir ensuite avec lui la position de la nation, fort bien ; mais ces amendements d’artifice, dont nous commençons du reste à avoir l’habitude, ne sont pas conformes à l’intérêt général.

M. Daniel Paul - M. Soisson est fidèle à la position qu’il a exposée il y a quelques jours : ne discutons pas, appliquons ! On le reconnaît bien là ! Nous pensons pour notre part qu’il faut reporter l’entrée en vigueur de ces dispositions. Mme Merkel elle-même, dont le gouvernement n’est pourtant pas de notre bord, s’inquiète de l’évolution des prix de l’énergie en Allemagne. La Commission fait fausse route en considérant que l’on peut mettre en concurrence les entreprises du secteur énergétique comme on met en concurrence celles qui produisent des biscuits. L’énergie est un bien vital et stratégique, et si l’on peut stocker le gaz, il n’en va pas de même pour l’électricité. Mettre en concurrence un produit non stockable, c’est courir à la hausse des prix – on le constate dans tous les pays européens. Notre pays doit donc, surtout après le référendum du 29 mai 2005, poser à nouveau la question des directives et des traités qui ont abouti à cette politique. Nous ne fixons pas de date : nous proposons des échéances. N’attendons pas qu’il soit trop tard pour revenir sur cette politique néfaste et mener une véritable politique européenne de l’énergie.

Vous reconnaissez d’ailleurs vous-mêmes cette nécessité : certains maires UMP ne cachent pas qu’ils ne choisiront jamais la mise en concurrence pour leur commune, puisque c’est sans espoir de retour. Je le dis aux occupants des tribunes : si vous quittez le tarif régulé, vous ne pourrez plus revenir sur votre décision. C’est tout de même lourd de conséquences.

M. le Ministre délégué – M. Barroso a en effet indiqué qu’il souhaitait de nouvelles directives. Nous n’avons cependant connaissance d’aucun projet, et il n’y en aura sans doute pas avant la fin de l’année. Il semble que les prochaines propositions porteront sur une CRE européenne. Pour notre part, nous avons déjà indiqué qu’il n’y avait pas lieu d’en discuter.

Les amendements 91898 à 93085, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Brottes - Le rapporteur me répondra sans doute que nous traiterons de cette question après l’article 10, mais il me semble important d’en parler dès maintenant. La question de l’offre multi-énergies se trouve en effet posée, puisque nos concitoyens, qui recevaient jusqu’à il y a peu une seule facture pour l’électricité et le gaz, en reçoivent maintenant deux ; au 1er juillet 2007, ils pourront être démarchés par de nouveaux opérateurs. Ceux qui sont raccordés à l’électricité et au gaz doivent avoir la garantie qu’ils pourront conserver le bénéfice du tarif réglementé – autrement dit, qu’ils ne sortiront pas de ce tarif à leur insu. Les amendements identiques 3324 à 3356 visent donc à préciser que le consommateur final peut continuer à bénéficier du tarif réglementé de l’électricité dans le cadre d’une offre multi-énergies.

M. Christian Bataille – La loi ne doit pas avoir sournoisement des conséquences dommageables pour le consommateur. Il ne peut que choisir, dites-vous. Il ne faudrait donc pas que la souscription à une offre multi-énergies entraîne une sortie du tarif réglementé à son insu et à son détriment. Si nous refusons la privatisation, c’est en effet pour préserver l’entreprise publique, mais aussi le porte-monnaie de la ménagère et les moyens d’existence de nos concitoyens.

M. le Rapporteur – Notre collègue Brottes soulève à juste titre ce problème. Nous l’avions nous-mêmes soulevé en commission en déposant, le président de la commission et moi-même, une série d’amendements qui y répondent de manière plus satisfaisante que celui de nos collègues. Nous traiterons de ce sujet à l’article 13, relatif aux dispositifs de protection des consommateurs. Dans un souci de cohérence, la commission a donc donné un avis défavorable à cet amendement.

Christian Bataille a abordé un point que je juge essentiel. Le texte a pour objectif d’ouvrir les marchés sans que le consommateur soit pénalisé. C’est bien pourquoi nous avons maintenu les tarifs réglementés et modifié la composition de la CRE, afin de nous assurer que les tarifs réglementés ne rejoindront pas les prix du marché. La réaction négative d’EDF à cette dernière disposition montre bien que nous avons atteint notre objectif. Le dispositif sera complété à l’article 13.

M. le Ministre délégué – Même avis.

M. François Brottes - Les mots ont un sens. En reconnaissant qu’il faut protéger le consommateur, M. le rapporteur passe aux aveux : oui, l’ouverture à la concurrence décidée par le gouvernement Raffarin en novembre 2002 aura des effets néfastes. Si vous y aviez pensé plus tôt, vous n’en seriez pas à nous proposer aujourd’hui des solutions de pis-aller pour les endiguer. On aurait ainsi évité le piège de la déréglementation échevelée acceptée par Mme Fontaine. Vos propositions sont certes utiles, mais vous êtes un pompier pyromane : c’est vous qui avez allumé l’incendie que vous tentez aujourd’hui d’éteindre !

Les amendements 3324 à 3356, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – J’appelle les amendements identiques 3291 à 3323.

M. Christian Bataille - Ils sont l’image inversée des précédents : tout consommateur choisissant une offre multi-énergie doit pouvoir conserver des tarifs régulés pour le gaz. Ces précisions sont nécessaires : jusqu’à présent, le Gouvernement a rempli son rôle en arbitrant les tarifs en faveur du consommateur et en contenant les prétentions de GDF à les augmenter – ce qui n’a pas empêché l’entreprise d’engranger d’importants bénéfices.

Pourtant, le risque de dérapage existe, même à EDF où l’on se préoccupe d’ores et déjà de rémunérer l’actionnaire minoritaire. Avec l’impossibilité de revenir aux tarifs régulés, nos amendements tendent donc à protéger le consommateur contre des tarifs dérégulés trop chers.

M. François Brottes - À l’article 4, nous avons obtenu de M. le rapporteur qu’il supprime les termes « à sa demande » qui obligeaient le consommateur à demander explicitement de conserver les tarifs régulés. En effet, comment pourrait-il le faire en l’absence d’information adéquate ? Désormais, il pourra donc conserver ces tarifs même avec une offre mixte. Néanmoins, tout fournisseur faisant une offre commerciale sera-t-il contraint d’avertir le consommateur qu’il sort du tarif administré ? Il faut garantir cette transparence.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Nous prenons d’immenses précautions afin que le consommateur ne quitte pas le tarif régulé à son insu. Non seulement l’opérateur sera contraint de proposer un tarif régulé, mais le consommateur ne pourra le quitter qu’en en faisant la demande expresse. En outre, le contrat comportera une mention spécifique et lisible informant le consommateur des conséquences de sa décision. Nous en débattrons plus longuement à l’article 13.

M. le Ministre délégué – Même avis.

M. Christian Bataille – De grandes précautions sont nécessaires. Les ambitieux golden boys de ce nouveau monde énergétique utiliseront tous les moyens à leur portée pour séduire un consommateur parfois mal averti. À défaut de les inclure dans la loi, il faut imposer des conditions draconiennes aux nouveaux entrants sur le marché afin que les consommateurs soient bien informés qu’ils ne peuvent quitter le tarif régulé qu’à leur demande explicite.

M. Daniel Paul – Comme pour d’autres contrats, le délai de rétractation, de rigueur, peut en effet piéger le consommateur. Ainsi, il y a quelques jours, une abonnée à France Télécom de la région havraise fut séduite par l’offre d’un démarcheur commercial, mais demanda un complément d’information par courrier. À la réception de ce courrier, elle comprit que ce nouveau contrat n’était pas si avantageux que cela, mais entre-temps, l’efficace représentant commercial avait fait avancer le dossier, France Télécom avait bloqué la ligne et la consommatrice piégée dut payer 55 euros pour la faire rétablir. Il ne faudrait pas que ce genre d’incidents se produise aussi dans le secteur de l’électricité !

Les amendements 3291 à 3323, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – Nous en venons à l’examen des amendements identiques 136624 à 136645.

M. Daniel Paul - Ces amendements visent à charger le Parlement d’une mission de suivi des prix de l’énergie. Comme l’eau, l’énergie est nécessaire à l’ensemble de la population, de la naissance à la mort. Le Parlement doit donc se saisir du contrôle des prix, car cette question politique essentielle concerne autant le pouvoir d’achat des consommateurs que les conditions de vie des salariés – notamment pour les entreprises fortement consommatrices, pour lesquelles l’énergie est le principal poste de dépense.

La presse évoque ce matin l’intention du gouvernement allemand de juguler la hausse des prix de l’énergie, qui ont augmenté depuis 2004 de 10,3 % pour les particuliers et de 22 % pour les entreprises. Parmi les modifications envisagées, il est question de supprimer un dispositif interdisant à l’administration de contrôle d’intervenir lorsque la différence de prix entre deux entreprises structurellement identiques est inférieure à 10 % ; ainsi que de faire examiner le mécanisme de formation des prix à la bourse de Leipzig. Cet exemple devrait nous servir d’avertissement.

L’opposition qui se manifeste dans vos propres rangs montre que les députés qui s’interrogent sur la fusion et l’ouverture à la concurrence abandonnent leurs a priori idéologiques : MM. Anciaux, Paillé, Daubresse, Méhaignerie, autant de voix qui témoignent de ce que le pouvoir politique a son mot à dire. Les décisions qui concernent la vie de chaque Français ne doivent pas être abandonnées aux seuls dirigeants des grands groupes. Si le Parlement dispose de son propre rapport sur l’évolution des prix de l’énergie, il aura une base plus solide pour discuter du bien-fondé de l’ouverture à la concurrence et de la privatisation du secteur, et il pourra juger de façon plus éclairée des conséquences du processus de déréglementation. Il s’agit d’empêcher que les actionnaires de GDF, Suez, Poweo, EDF soient maîtres de la gestion du bien public énergétique.

Les amendements 136624 à 136645, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

AVANT L'ART. 6

M. le Président – Nous en venons aux amendements identiques 93086 à 93107.

M. Michel Vaxès – La formation des prix du gaz n’est pas seulement tributaire des coûts d’approvisionnement et des logiques de marché qui en guident de plus en plus l’évolution. Elle l’est aussi des coûts de distribution qui font l’objet de mécanismes de péréquations territoriales, outre la péréquation existant entre les différentes activités de GDF dans le cadre de l’entreprise intégrée. Les directives européennes relatives à l’ouverture du marché de l’énergie ont bousculé cet équilibre, notamment en réclamant la séparation juridique des entreprises qui assurent les gestions de réseaux de distribution d’électricité ou de gaz naturel des maisons mères avec lesquelles elles constituaient des entreprises verticalement intégrées. Ce sont ces dispositions que transpose aujourd’hui l’article 6 de ce projet.

La directive communautaire de 2003 prévoyait la séparation juridique des opérateurs de réseaux de transport et de distribution, mais la date butoir de cette séparation était plus tardive pour les seconds – 2007 – que pour les premiers – 2004. La loi du 9 août 2004 avait donc déjà filialisé les réseaux de transport – RTE et GRT – mais pas les réseaux de distribution. Les filialisations dont il est ici question sont proprement juridiques et consistent en l’obligation de créer des entités juridiques séparées de la maison mère, séparations qui se doublent de l’autonomisation des activités de management. La logique à l’œuvre dans cet article 6 ? Le démantèlement d’entreprises publiques qui s’étaient construites sous la forme d’entreprises intégrées afin de réduire les coûts de production et de permettre les péréquations entre leurs activités pour construire un service public efficace et moderne.

Ces amendements rappellent les obligations de service public qui doivent peser sur le gestionnaire de réseau afin que le service reste efficace, juste et respectueux des territoires : principes d’égalité de traitement, de sécurité et de sûreté des installations gazières, dimensionnement et programmation pluriannuelle des investissements de réseau, de stockage, d’installation de gaz naturel liquéfié, continuité de fourniture, régularité, qualité et prix, protection de l’environnement et développement équilibré du territoire. Rien ne s’oppose à ce que ces principes soient inscrits dans la loi. Dans une période où l’énergie, le gaz et l’électricité tendent à devenir des marchandises comme les autres, il serait utile de souligner que ce sont avant tout des biens appartenant à tous. Ainsi les effets de la concurrence ne feront peut-être pas perdre leur spécificité par les gestionnaires

M. le Rapporteur – Nous allons en effet aborder la question de la séparation juridique des réseaux de distribution. Je rappelle que celle-ci est effective pour les réseaux de transport depuis la loi de 2004. Les règles de service public, quant à elles, Monsieur Paul, figurent déjà dans l’article 16 de la loi du 3 janvier 2003. Avis défavorable.

M. le Ministre délégué – De même.

M. Jean-Yves Le Déaut – Je soutiens cet amendement. M. le rapporteur assure qu’une telle inscription est déjà effective mais je ne suis pas certain qu’il en aille de même pour le secteur des transports et de la distribution. Suite à la catastrophe d’AZF, j’ai travaillé avec M. Loos sur les questions de recherche dans le domaine du transport et du stockage du gaz, et je ne suis pas persuadé que dans un système où ces secteurs sont libéralisés, il soit possible de dégager les moyens suffisants pour la développer efficacement. Sous la pression du marché, le risque est grand de ne pas prévoir les investissements nécessaires, l’ensemble du système se dégradant dès lors peu à peu.

Les amendements 93086 à 93107 mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – Nous en venons aux amendements identiques 93108 à 93129.

M. Jacques Desallangre – Je suis tout à fait d’accord avec M. Le Déaut.

Ces amendements ont a les mêmes objectifs que les précédents, mais ils concernent les gestionnaires de réseaux d’électricité. EDF n’est en effet pas le seul fournisseur à avoir des obligations de service public. Ces obligations font écho aux principes qui gouvernent la notion juridique de service public : principes de continuité, d’égalité, d’adaptabilité. Si certains libéraux considèrent ces notions comme un archaïsme, force est de constater que dans le domaine de l’énergie en particulier, l’immense majorité de nos concitoyens les juge pertinents, et c’est cela qui compte. La multiplicité des acteurs rendant plus fragile l’accomplissement des missions de service, il nous semble plus que souhaitable de les inscrire dans la loi.

M. le Rapporteur – En ce qui concerne l’électricité, l’article 19 de la loi du 10 février 2000 répond à votre préoccupation. Avis défavorable.

M. le Ministre délégué – Également.

M. Jean-Yves Le Déaut – On met la charrue avant les bœufs. À Barcelone, le gouvernement de M. Jospin avait donné son accord à un compromis à condition que les obligations de service public, de sécurité d’approvisionnement et de mise en place d’organismes de régulation soient prévues. Nous avions également demandé à la Commission de poursuivre son examen en vue de consolider et de préciser, dans une proposition de directive-cadre, les principes relatifs aux services d’intérêt général. Or, ce texte n’a pas été élaboré. Le gouvernement de M. Raffarin a ensuite procédé à la libéralisation dans le domaine de l’électricité pour les particuliers. C’est EDF qui assurera la totalité de ces missions – et l’on a même vu certains amendements de nos collègues les plus libéraux de la commission des finances proposer que les opérateurs assurant moins de 10 % du total puissent acheter de l’énergie très peu chère et faire du commerce sans assumer la moindre contrainte.

Les amendements 93108 à 93129, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

ART. 6

M. Armand Jung - Il est question à l’article 6 des entreprises locales de distribution et des distributeurs non nationalisés, notamment de Gaz de Strasbourg et de Gaz de Bordeaux. C’est un débat très suivi en Alsace : les organisations syndicales de Gaz de Strasbourg sont en ce moment même en réunion et des associations de consommateurs affluent pour voir si la rumeur concernant la modification des statuts de l’entreprise est confirmée. Je vous informerai, lorsque l’amendement concerné sera appelé, de leur position.

Depuis 1914, Gaz de Strasbourg exerce ses compétences de distributeur de gaz sur une grande partie du Bas-Rhin. Depuis la gestion technique des réseaux jusqu’au service aux clients, l’entreprise s’engage au quotidien sur la sécurité des installations et la qualité du service. Elle développe ses activités d’utilisation domestique, tertiaire et industrielle du gaz naturel avec les entreprises régionales. Avec sa filiale Gaz de Barr, elle est le premier distributeur de gaz naturel en Alsace, avec 119 000 clients, dans 97 communes, sur un réseau de 1 850 km.

Cette société anonyme de droit français est également une société d’économie mixte dont le statut n’a pas été remis en cause par les lois de nationalisation de 1946. Il s’agit d’une société de droit privé soumise au régime de la loi de 1966. Son actionnaire majoritaire est la Ville de Strasbourg, à hauteur de 50,06 %, aux côtés de la Caisse des dépôts et consignations – 24,98 % – et de GDF – 24,89 %. Les actionnaires sont représentés par des administrateurs siégeant au conseil d’administration. Le PDG actuel de la société est l’ancien député de Strasbourg, M. Harry Lapp.

Outre la distribution du gaz, Gaz de Strasbourg assure la mise en place et l’entretien du réseau, qui nécessitent des investissements importants. Elle est un rouage essentiel de l’économie régionale, ainsi qu’une institution historique de Strasbourg, dont chaque habitant est fier. J’ose espérer que son statut ne sera pas remis en cause. Je connais l’attachement pour Strasbourg de M. Loos, qui déclarait en 2005, devant une délégation de syndicalistes, qu’il n’était pas question de modifier l’article de loi en cause. Les réseaux sont la propriété de la collectivité locale et doivent le rester.

M. le Président – Il n’y a pas que vous et M. Loos qui soyez attachés à Strasbourg !

M. Armand Jung - Bonne nouvelle !

M. Jacques Desallangre - Il s’agit, avec cet article 6 transposant certaines directives communautaires, de séparer juridiquement des maisons mères les entreprises gestionnaires des réseaux de distribution d’électricité et de gaz, selon une logique de démantèlement des entreprises publiques qui avaient contribué à l’édification d’un service public efficace et moderne. La Commission européenne, aveuglément soumise au dogme libéral, démantèle les entreprises publiques les unes après les autres : EDG-GDF, La Poste, la SNCF sont soumises au même régime, selon une recette simpliste.

Cette logique consacre en réalité la séparation en centres de profit des opérateurs historiques, car, pour la Commission, le démantèlement des entreprises publiques va de pair avec l’ouverture aux capitaux privés, comme l’article 12 du présent projet de loi le prévoit en ce qui concerne la distribution. Certains économistes mettent en évidence une crise d’extension du capitalisme, pour qui le secteur public représente un nouveau débouché juteux.

L’article 6 prépare en outre l’arrivée de nouveaux distributeurs, livrant un pan supplémentaire du secteur aux opérateurs privés. Certes, du fait de l’existence de « distributeurs non nationalisés », ni GDF ni EDF ne possèdent l’entier monopole de la distribution ; toutefois, les DNN avaient jusqu’à présent des périmètres d’intervention limités qui n’empêchaient pas les opérateurs historiques de bénéficier d’économies d’échelle.

Si cet article ne remet pas en cause les concessions en cours, il ne maintient pas non plus le système du successeur obligé ni sa contractualisation locale. Alors que 5 000 communes avaient demandé à intégrer le schéma directeur prévoyant le raccordement au réseau, le système d’appel d’offres ouvre la possibilité de recourir à des entreprises privées. Or, en ouvrant à la concurrence le marché de la distribution, dans un secteur qui nécessite d’importants investissements et des politiques à long terme, quelles garanties de sécurité apportez-vous à nos concitoyens ?

Ce n’est pas par dogmatisme que nous défendons la présence d’un monopole dans ce secteur, mais parce que l’expérience montre que les grosses entreprises ont les reins plus solides. Lors de la tempête de 1999, l’entreprise Électricité de Bordeaux n’a pu assumer les coûts de réparation du réseau, et elle a disparu. Ce qui n’a évidemment pas été le cas d’EDF. Au nom de la sécurité des usagers et de la fiabilité du réseau, nous dénonçons l’ouverture à la concurrence encouragée par cet article.

M. Michel Vaxès - L’objectif du service public énergétique est de garantir l’approvisionnement en électricité et en gaz sur l’ensemble du territoire, dans le respect de l’intérêt général. Si je le rappelle, c’est parce que vous préparez le démantèlement de l’entreprise publique intégrée, avec la filialisation du réseau de distribution, ainsi que sa privatisation pour le gaz.

Vous vous êtes défendus de vouloir privatiser les activités de distribution, mais je vous soupçonne de n’être pas honnêtes en disant cela. Certes, vous dispersez dans le texte les éléments qui conduiront à la privatisation de la distribution, comme si vous cherchiez à noyer le poisson. Il suffit cependant de lire ensemble les articles 6, 9 et 12 pour comprendre l’ampleur des changements.

L’article 6, en définissant les missions « des » gestionnaires de réseau, prépare l’arrivée de nouveaux distributeurs. L’article 12 modifie les dispositions de la loi de 1946 qui permettent la privatisation de la distribution du gaz, en ajoutant la distribution parmi les activités exclues de la nationalisation. Enfin, l’article 9 met fin au système de péréquation nationale, permettant ainsi aux nouveaux arrivants privés de pratiquer leurs propres tarifs, sans souci de l’égalité de traitement entre les usagers. Les opérateurs seront seulement tenus de pratiquer une péréquation dans leur zone de distribution. Cela signifie certes que tous les usagers raccordés à un même réseau paieront le même prix, mais il n’est plus question d’égalité entre les usagers, quel que soit leur lieu de résidence. Que deviendra donc la solidarité nationale ?

L’avenir que vous préparez n’a rien de rassurant : soit les prix seront très bas, à la seule fin de capter la clientèle, hypothèse qui laisse planer bien des doutes sur la qualité à venir du réseau, soit un monopole privé finira par se constituer. Dans ce dernier cas, la notion de prix justes et abordables pour l’ensemble des usagers ne sera plus qu’un vieux souvenir ! Quoi qu’il en soit, les consommateurs seront les dindons de la farce ! Un service public soucieux de l’intérêt général devrait à l’inverse se préoccuper de la solidarité nationale et de la justice tarifaire !

J’ajoute que les activités de distribution de GDF avaient permis à cette entreprise de devenir « une affaire qui marche » à tous les égards : premier réseau de distribution en France, GDF assurait également une péréquation tarifaire sur l’ensemble du territoire. Pourquoi remettre en cause le monopole de distribution et la péréquation tarifaire ? Nous attendons des explications !

Le service public n’a pas vocation à ouvrir la porte à de nouveaux acteurs privés pour qu’ils réalisent des bénéfices aux dépens des usagers. Voilà pourquoi nous souhaitons réaffirmer que le service public de l’énergie a pour objet de garantir l’approvisionnement en gaz sur l’ensemble du territoire national, dans le respect de l’intérêt général et de la loi de 1946.

M. Christian Bataille – Je me contenterai de rappeler les inconvénients de cet article pour tous les opérateurs – EDF, Électricité de Strasbourg, Électricité de Metz, SOREGIES, le service de distribution des Deux-Sèvres, Gaz de France, Gaz de Strasbourg et Gaz de Bordeaux. Vous vous abritez derrière la transposition de la directive européenne, mais vous ne pourrez pas dissimuler la réalité : vous vous lancez dans le démantèlement, parfaitement ubuesque, d’un système qui fonctionnait bien ! Rappelez-vous le film Navigators de Ken Loach, qui décrit très bien comment on a plongé les chemins de fer britanniques dans une situation catastrophique : les trains n’arrivent plus à l’heure et les investissements ne se font plus !

On peut craindre que l’éparpillement dans le secteur du gaz, parfaitement contraire à l’intégration harmonieuse qui prévalait jusqu’alors, ne débouche sur le plus grand désordre dans le secteur de la distribution et n’entraîne la hausse des prix – car c’est bien sûr le portefeuille de la ménagère française qui en subira les conséquences ! Vous parlez de déréglementation, mais vous feriez mieux d’employer un mot plus adapté : la désharmonisation, puisque vous allez détruire les équilibres actuels !

Que deviendront alors les investissements nécessaires ? Des efforts importants de renouvellement des matériels restent à réaliser. Le remplacement des fontes grises sera-t-il poursuivi et accéléré, comme s’y était engagé le Gouvernement ? On peut craindre que cette question soit reléguée au second plan, comme risque de l’être également le développement des réseaux de distribution. Voilà pourquoi cet article 6 nous semble si inquiétant.

M. François Brottes – Le passage de la loi de 2004 au texte que vous proposez sera lourd de conséquences. Jusqu’à présent, les entreprises devaient seulement créer un service de distribution séparé sur le plan comptable, si elles avaient plus de 100 000 clients et exerçaient une ou plusieurs autres activités dans le même secteur.

Or, vous proposez aujourd’hui de ne plus retenir que le premier critère tout en opérant un glissement qui n’est pas que sémantique : il est désormais question d’une entité juridique totalement séparée ! Il en résultera des surcoûts, de gestion ou de nature fiscale, et donc une hausse des prix. Quelle grande avancée ! En se concentrant sur le critère des 100 000 clients, les auteurs de la directive imaginent sans doute que les distributeurs iront demain à la conquête d’autres marchés. Mais en ont-ils seulement la volonté ? Et est-ce l’intérêt des usagers qu’ils desservent ? On peut en douter !

S’il est démontré que les DNN n’ont pas l’intention de sortir des marchés où ils sont nés et où ils ont prospéré – celui de Strasbourg par exemple – pourquoi créer des sociétés différentes ? Pourquoi ne pas se contenter du principe de séparation comptable, que nous approuvons au demeurant ?

Deuxième remarque : vous nous demandez de ne pas nous inquiéter, au motif que cet article, fort long au demeurant, ne changerait rien à la situation. Vous affirmez ainsi que tous les contrats perdureront et que les modalités de gestion ne changeront pas. Or, une telle insistance m’inquiète ! Avons-nous toutes les garanties nécessaires ? Alors que les collectivités locales étaient liées par contrat avec des entreprises publiques, elles vont se trouver demain en relation avec des opérateurs privés, dont le seul but sera de réaliser des profits. Ne vaudrait-il pas mieux leur laisser la possibilité de changer de distributeur ? Vous affirmez que rien ne changera, mais c’est le contraire qui se passera : la nature et les objectifs des partenaires changeront !

Que faut-il donc comprendre ? Que les collectivités locales et les concurrents des distributeurs ne pourront rien changer au paysage ? Ou bien que rien ne changera si personne ne le souhaite ? Cette interrogation est au cœur de l’article 6 !

M. Jean-Yves Le Déaut - Cet article esquisse les contours que prendra demain le secteur de l’énergie – des contours conformes aux souhaits des libéraux !

Pour préparer l’après-pétrole, il faudrait disposer d’un service public fort. Et pourtant, vous prévoyez le désengagement de l’État, le saucissonnage du service public et à terme la fin de toute régulation des prix. Sans même attendre les conditions posées par Bruxelles pour la fusion GDF avec Suez, vous allez séparer les activités de production, d’achat, de transport et de distribution, oubliant qu’en cas de coup dur, seules les entreprises intégrées ont les reins suffisamment solides pour se redresser – on l’a bien vu en 1999. Qu’arrivera-t-il à des entreprises qui se contenteront de vendre une énergie qu’elles ne produisent pas ? Elles ne pourront jamais faire face à des problèmes conjoncturels ! Par conséquent, votre saucissonnage autorisera certes la libre concurrence, mais il ne permettra plus l’existence d’entreprises publiques solides.

S’agissant du critère de 100 000 clients raccordés, pourquoi causer des difficultés aux entreprises de petite taille, qui ne cherchent pas à se développer sur d’autres marchés, faute de bases financières suffisantes ? Avec de telles mesures, ce sont des concentrations qui risquent se produire dans le domaine de la distribution - des concentrations bien différentes de celles qui pourraient avoir lieu dans le domaine de la production, et contraires à l’intérêt national. On prend là une responsabilité très importante. Lors de la négociation de la directive de 2004, le Gouvernement aurait dû réclamer un relèvement de la barrière des 100 000 clients, afin de permettre aux entreprises locales de subsister.

M. Jean Le Garrec - L’énergie est un bien premier, comme le sont l’habitat, le transport, l’air et l’eau. À ce titre, il faut répondre à trois enjeux : coût, sécurité, investissement. L’ouverture à la concurrence est-elle la meilleure façon de le faire ? J’en doute fortement. On sait bien que les entreprises ont désormais pour objectif un profit à deux chiffres. On sait aussi que l’investissement est faible en France, la croissance étant plutôt soutenue par la consommation. À quoi a conduit la privatisation en Angleterre ? À l’augmentation des tarifs, à la diminution de l’investissement – et donc de la sécurité.

De plus, cet article est particulièrement confus. Mal écrit, il n’est pas clair dans ses objectifs. Il me fait penser aux Shadoks, auxquels Claude Piéplu avait prêté sa voix extraordinaire : « Quand on ne sait pas où on va, il faut y aller le plus vite possible ! »

M. le Président – Alors, dépêchons-nous ! (Rires)

M. Jean Dionis du Séjour - Mes collègues de l’opposition m’obligent à intervenir pour défendre la directive européenne. Elle est, elle, remarquablement écrite – beaucoup mieux en effet que la loi. Le caractère intégré des opérateurs historiques n’est pas du tout remis en cause. Ce qui l’est, c’est l’indépendance absolue de gestion des activités régulées, c’est-à-dire le transport et la distribution. Il ne faut pas faire dire aux directives ce qu’elles ne disent pas, c’est comme cela que l’on distille des sentiments anti-européens.

M. Daniel Paul – On nous dit que la filialisation des réseaux de distribution n’entraîne qu’une séparation des comptes de la maison mère et du gestionnaire de réseau. C’est une manière de banaliser la décision que vous prenez, rappelons-le, de votre propre initiative et non sous la contrainte communautaire. Mais la filialisation constitue en réalité une étape supplémentaire dans le démantèlement de l’entreprise intégrée.

Depuis la loi d’août 2004, les réseaux de distribution de GDF et d’EDF ont déjà des comptes séparés de leurs maisons mères, ainsi que des dirigeants répondant aux critères d’indépendance définis dans la directive. Mais la filialisation signifie la séparation juridique – c’est-à-dire la création d’une société séparée, avec son propre conseil d’administration, où l’État est moins représenté, et son propre capital. Ce n’est donc plus GDF qui prend les décisions stratégiques, notamment en matière d’investissements. En outre, la filialisation ouvre la voie à la création de sous-filiales. Bref, la filialisation, c’est l’autonomisation du réseau de distribution, avec toutes ses conséquences néfastes.

M. Jean Dionis du Séjour - Lisez la directive !

M. le Président – Je suis saisi des amendements 93130 à 93151.

M. Daniel Paul – Ils tendent à supprimer l’article 6, fort problématique même si l’on en parle moins que de l’ouverture à la concurrence ou de l’article 10 sur la privatisation de GDF. Après la filialisation, par la loi de 2004, des réseaux de transport de gaz et d'électricité, c'est au tour des activités de distribution de passer sur la table d’opération !

La séparation juridique se double de l'autonomisation des activités de management. Finies les synergies industrielles ! La force des entreprises intégrées venait pour beaucoup des coopérations entre les différents services et de la compréhension globale que les salariés pouvaient avoir des problèmes. Nous ne saurions nous résigner à ce démantèlement.

M. le Rapporteur – La loi de 2004 avait organisé la séparation juridique pour le réseau de transport ; il s’agit, dans cet article important, des réseaux de distribution. En effet un texte européen oblige à dissocier le transport et la distribution d’une part, l’approvisionnement et la production d’autre part : c’est le point 37 de l’accord de Barcelone, que je vous invite à relire.

Bien sûr, nous sommes attentifs aux modalités d’application aux distributeurs non nationalisés. Les directives rendent obligatoire la séparation pour les DNN desservant plus de 100 000 clients, qui sont au nombre de deux pour le gaz – Gaz de Strasbourg et Gaz de Bordeaux – et de quatre pour l’électricité – Électricité de Strasbourg, Électricité de Metz, SOREGIES dans la Vienne et le syndicat des Deux-Sèvres. Cette option est facultative au dessous de 100 000 clients.

La séparation juridique peut prendre deux formes : ou bien on filialise l’acheminement et la distribution, ou bien on filialise la commercialisation. EDF et GDF ont choisi la première option. Il semblerait aujourd’hui que les DNN penchent plutôt pour la seconde.

Nous avions abordé ces questions en août, mais j’avais souhaité que nous puissions disposer d’un peu de temps pour y voir clair et être en mesure de répondre à toutes les questions posées. À l’issue des réflexions menées depuis, j’indique que je donnerai un avis favorable à trois séries d’amendements : ceux qui précisent les missions des gestionnaires de réseaux de distribution ; ceux qui lèveront l’obligation de transférer vers une filiale de DNN des clients situés sur la zone de desserte et qui ont choisi d’exercer leur éligibilité ; ceux qui étendent les dispositions fiscales du présent projet aux opérateurs qui entreprendront cette séparation et aux DNN situés en dessous de la barre de 100 000 clients.

Ces précisions nous permettent peut-être de gagner du temps. Pour l’heure, j’émets un avis défavorable sur les amendements qui viennent d’être défendus.

M. le Ministre délégué – L’article 6 du présent projet transpose l’article 13 de la directive gaz et l’article 15 de la directive électricité, qui, sinon, s’appliqueraient d’office au 1er juillet 207. Sa lecture est un peu compliquée, j’en conviens, Monsieur Dionis du Séjour, mais les explications de la commission devraient la rendre plus aisée.

M. François Brottes - Barcelone, Barcelone, Barcelone ! Le rapporteur nous en fait une chanson ! Mais à Barcelone, il n’était question que de « dissociation ». Des services dissociés pouvaient donc faire l’affaire, voyez la loi de 2004. C’est lors du Conseil du 25 novembre 2002 – sous le gouvernement Raffarin, donc, qui avait décidé d’ouvrir la concurrence aux ménages – qu’une séparation juridique a été demandée. Ce sommet prenait cependant quelques précautions encore, puisqu’il y fut décidé que la poursuite d’un certain degré de coordination entre les sociétés mères et leurs filiales était autorisée et que les dispositions relatives à la séparation des réseaux n’impliqueraient pas une exigence de séparer la propriété des avoirs des réseaux de transport et de distribution. La désintégration ne coule donc pas de source. Elle est cependant au rendez-vous de l’après vote de cette loi.

M. le Ministre délégué – Non.

M. Jean-Yves Le Déaut - Le ver est dans le fruit.

M. François Brottes - Je regrette d’autre part que la France n’ait pas saisi l’occasion que lui laissait ce conseil du 25 novembre 2002 de réexaminer le seuil de 100 000 clients, qui est inadapté et qui va poser des problèmes. Pourquoi n’avons-nous pas poussé notre petit avantage ?

M. Léonce Deprez – Avec la séparation des activités, nous sommes au cœur du problème. M. Le Garrec a parlé tout à l’heure, de façon très intéressante, des investissements. C’est bien parce que l’État n’a pas les capacités financières de réaliser les investissements nécessaires pour Gaz de France et pour Électricité de France que nous avons envisagé des formules nouvelles (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Il faut des capitaux pour assurer ces investissements !

S’il y a eu augmentation des prix, ce n’est pas à cause de la distribution et du transport. C’est la fourniture même qui a fait un bond en avant. Aussi convient-il de bien séparer les deux activités.

Les amendements 93130 à 93151, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.
La séance est levée à 12 heures 25.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
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Préalablement,
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