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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du vendredi 22 septembre 2006

Séance de 15 heures
11ème jour de séance, 28ème séance

Présidence de M. Yves Bur
Vice-Président

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La séance est ouverte à quinze heures.

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énergie (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au secteur de l’énergie.

M. François Brottes – Rappel au Règlement. Hier, le président Ollier a accepté de réunir la commission des affaires économiques afin que MM. les ministres nous fassent part de leur analyse des réponses fournies par GDF et Suez à la Commission européenne. J’ai ensuite sollicité une réunion semblable avec les syndicats, en vain – le président est dans son droit, naturellement. Le groupe socialiste a donc rencontré aujourd’hui les cinq centrales syndicales, et je souhaite dresser un bref bilan de cette réunion. Elles se sont félicitées de la qualité des débats tant, loin de faire du remplissage, nous abordons toutes les questions : augmentation des prix, fragilisation des concessions, jusqu’aux contrats de service public entre GDF et l’État qui comportent une injonction à rapprocher les tarifs régulés des prix du marché – nous y reviendrons. Elles ont confirmé leur opposition à la privatisation de GDF et leur divergence avec l’analyse que fait le Gouvernement de l’avis de la Commission européenne : GDF perdra environ 20 % de ses contrats d’approvisionnement. Dès lors, un plus un ne font plus deux, comme vous le prétendez ! Enfin, elles ne sont pas dupes de la manipulation médiatique à propos du calendrier de nos débats, et savent que nous prenons le temps de discuter au fond pour éclairer l’Assemblée et nos concitoyens. Elles seront naturellement très attentives au vote de chacun d’entre nous. Je tenais à faire ce point, la commission n’ayant pu s’en charger.

M. Daniel Paul – Rappel au Règlement. Je m’étonne que la question des effectifs n’ait pas été abordée au cours de la réunion de la commission d’hier. Les salariés sont pourtant au cœur du processus ! Or, on apprend ce matin que les deux groupes perdraient 10 % de leurs effectifs cumulés, soit 20 000 personnes d’ici 2010. Un plus un font donc bien moins de deux, puisque l’on ampute chacun des deux membres de la nouvelle entité ! Le géant que vous nous promettez sera plutôt rabougri… Réduction de périmètre, cession de nombreux actifs, disparition de milliers d’emplois : nous allons à la catastrophe ! Le Roi est nu. Votre objectif est plus clair que jamais : une opération financière visant à transférer aux actionnaires de Suez l’essentiel du patrimoine d’une entreprise qui, à l’heure où nous parlons, est encore publique. Vous détruisez GDF et l’éliminez de notre paysage industriel : nous le refusons !

Art. 7 (suite)

M. Christian Bataille – L’article 7 est l’occasion de revenir sur une question à laquelle le ministre ne nous a pas donné de réponse satisfaisante. Il concerne les services qu’EDF et GDF partagent. La réussite d’« EDF-GDF services » est pourtant la preuve que les deux entreprises coopèrent avec succès. Leur fusion, que nous proposons, tombe sous le sens : elles ont tout pour vivre ensemble ! Vous prétendez que la Commission européenne s’y opposerait : c’est faux ! Vous ne l’avez même pas saisie de cette proposition. Elle pourrait certes contester le fait qu’EDF réalise un peu plus de la moitié de son chiffre d’affaires hors de France, mais il suffirait que l’entreprise vende une part raisonnable de ses actifs à l’étranger – et non pas un tiers de son parc nucléaire, comme le prétendait notre collègue de l’UDF… Vous n’avez pas créé les conditions de cette fusion. Au contraire, la fusion prévue entre GDF et Suez enterre de fait « EDF-GDF services ». Quel gâchis ! Où seront dispersés ces soixante mille professionnels du service à la clientèle et de la veille sociale ? Le Gouvernement en a-t-il même discuté avec les syndicats ? A-t-il réfléchi aux conséquences de ce démantèlement que rien ne justifie ? Vous détruisez au nom de l’anarchie libérale un service qui donne entière satisfaction, pour le remplacer par… rien du tout ! Répondez-nous donc, Monsieur le ministre : que deviendront ces soixante mille employés, et comment garantirez-vous le maintien du service public qu’ils fournissaient ?

M. Michel Vaxès – L’article 7 concerne l’opérateur commun aux activités de distribution d’EDF et de GDF. Il propose de transformer ce service commun aux maisons mères en service commun aux deux filiales de distribution créées par le texte, GRD-EDF et GRD-GDF.

L’opérateur commun, qui existe depuis 1946, exerce notamment ses compétences sur l'entretien et l'exploitation des réseaux. Il a encouragé une meilleure organisation du personnel et du matériel, ainsi qu’une gestion simplifiée pour les usagers. C'est donc une bonne chose que de le conserver. Nous nous demandons toutefois si le maintien du service commun de distribution sous la forme d’un service commun aux deux filiales de distribution n’est pas surtout une façon de vous prémunir contre les critiques d'une partie des syndicats, attachés au maintien de ce service. Ses 58 000 salariés sont en effet légitimement inquiets depuis l'annonce du projet de fusion entre GDF et Suez.

La disposition que vous proposez ne résout d’ailleurs pas tous les problèmes de fond. Ainsi, l'article 7 ne reprend pas l'alinéa de la convention de 1951 selon lequel le service commun « contribue à assurer une présence efficace sur le territoire national et facilite l'accès des citoyens au service public de l'énergie ». L'intérêt du service commun a pourtant été de maintenir un service de proximité, composante essentielle du service public. Nous avons donc déposé un amendement pour rétablir cet alinéa : il s'agit tout de même du maintien des centres de distribution, avec leur maillage départemental indispensable à un service de proximité et respectueux de l'égalité d'accès de tous les citoyens au service public. Les habitants des zones rurales doivent pouvoir se rendre dans un centre EDF sans avoir à faire des kilomètres en voiture. Cette réduction des services de proximité ne concerne d’ailleurs pas seulement les zones rurales : dans ma propre circonscription, où se trouvent pourtant des pôles industriels de première importance, le service de proximité d’EDF-GDF est menacé.

Cet article doit donc être rédigé de manière plus précise et plus contraignante en ce qui concerne son caractère de service de proximité.

Autre source d'inquiétude, la compétence de ce service commun risque d’être limitée à la gestion des ouvrages de réseau, à l'exclusion des activités concurrentielles liées à la fourniture, actuellement exercées par le service commun EDF-GDF Services. Ces activités de commercialisation et de fourniture pourraient ainsi être reprises directement par les sociétés EDF et GDF, avant sans doute d’être externalisées. Ce qui est ici en jeu, c'est le maintien du personnel sous statut. Le statut des IEG s’applique en effet aux activités de distribution, mais non à celles de fourniture. Maintenir un service commun sans préciser quelles activités il couvre, c’est ouvrir la porte à une réduction des effectifs protégés. Ceci ne serait pas pour déplaire aux directions d'EDF et de GDF, dont les projets sont mal accueillis par le personnel. La loi doit donc décrire précisément les activités de ce service commun, pour que les entreprises ne le vident pas de sa substance.

L’ouverture à la concurrence du secteur pousse les opérateurs historiques à la même course à la rentabilité et à la même compression des coûts que les opérateurs privés. C’est la conséquence de la logique de segmentation de l'entreprise intégrée imposée par les directives communautaires, qui conduit à réduire les coûts sur chaque segment d'activité.

M. le Président – Il faut conclure.

M. Michel Vaxès – En s’autonomisant, chaque segment met en œuvre une gestion drastique de ses coûts.

Bref, bien que l'existence du service commun à EDF distribution et GDF distribution soit garantie par cet article, aucune mission de service public ne lui est assignée.

Nous avons le souci, Monsieur le président, de faire avancer le débat dans un esprit de responsabilité. Ne nous contraignez pas à intervenir plus que nous ne le souhaitons en bousculant nos interventions.

M. le Président – Je fais en sorte que le temps de parole des uns et des autres soit respecté. Mais sur un débat d’une telle longueur, si le dépassement – même d’une minute – devient la règle, ce sont encore de très longues heures de débat qui nous attendent. Tenons-nous en donc à ce qui est prévu par le Règlement.

M. François Brottes – Cet article est la mise en œuvre de la schizophrénie comme soin palliatif avant la fin. EDF-GDF Services, c’est la double appartenance et la double personnalité. Au final, on arrivera surtout à démontrer que le système n’est pas viable. Comme toujours, vous procédez par étapes pour faire passer la pilule : on change le statut, mais la participation de l’État reste à 70 % ; quelques années plus tard, elle descend en dessous de 50 %. Aujourd’hui, on maintient EDF-GDF Services pour garder les voitures bleues dans le paysage et affirmer que la proximité et la mixité des compétences demeurent, mais on voit bien que l’échec est programmé. Il n’y a pas de gouvernance d’EDF-GDF Services. Qui va être le patron de cette entité schizophrène ? Qui nommera ce patron ? À qui appartiendront les contrats de travail ? Les 10 000 employés qui ont vocation à devenir des commerciaux seront-ils rattachés au statut des industries électriques et gazières ? Il semblerait que, selon le rapporteur, le commercial n’existait pas lorsqu’on a créé le statut, et n’avait donc pas nécessairement vocation à exister aujourd’hui.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiquesJe n’ai pas dit cela.

M. François Brottes – J’emploie le conditionnel, Monsieur le rapporteur. Il faudra également nous répondre sur la gouvernance, sur le décret en préparation pour les commerciaux, sur l’entreprise employeur et sur le contenu des contrats de travail. Il faudra enfin nous dire dans quelle mesure les employés de Suez se substitueront à une partie de ceux d’EDF-GDF Services pour éviter les doublons. Je sais que vous ne me répondrez pas, car vous ne pourriez alors plus emballer votre projet aussi bien que vous le faites depuis le début. Je pose ces questions dès à présent pour ne pas avoir à les reposer lorsque je défendrai nos amendements. Plus les réponses seront étayées, mieux nous pourrons ensuite avancer dans le débat.

M. le Rapporteur – La loi de 1946 précisait les trois métiers d’EDF et de Gaz de France : production, transport et distribution.

M. François Brottes – Vous tuez la loi de 1946 !

M. le Rapporteur – Dès 1946, la distribution recouvrait les commerciaux, c’est-à-dire tous ceux qui étaient en aval du compteur, sans que cela soit précisé. Ces agents étaient cependant couverts par le statut des industries électriques et gazières. L’organisation actuelle précise mieux les différents segments. Pour que les choses soient claires…

M. François Brottes – Enfin une réponse !

M. le Rapporteur – …le Gouvernement a pris l’initiative de préparer un décret, qui sera soumis au Conseil supérieur de l’énergie le 26 septembre.

M. Pierre Cohen – Peut-on l’avoir ?

M. François Brottes – Quand sortira-t-il ?

M. le Rapporteur – Je suis d’ailleurs convaincu que François Brottes en était informé et qu’il a posé cette question pour tenter de faire croire que c’était lui qui avait éveillé l’attention des pouvoirs publics sur ce sujet.

J’en viens au champ d’application du statut des IEG. Ce statut n’est pas un statut d’entreprise, mais de branche. Il s’applique aussi, par exemple, à 2 000 agents de Suez. Il n’est pas question de toucher à ce statut de branche, qui sera d’ailleurs bientôt étendu à des salariés d’entreprises concurrentes.

M. Jean-Marie Le Guen - Même pour ce qui est des régimes spéciaux ?

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie - En ce qui concerne d’abord le bruit qui court sur la cession de 21 % des volumes de Gaz de France, je ne sais vraiment pas d’où peut venir ce chiffre. Les approvisionnements en contrats à long terme de Gaz de France représentent 540 térawattheures, sur 640 en tout. Or, dans leur réponse à la Commission européenne, les entreprises n’ont proposé de céder que 50 térawattheures de contrats, dont 80 % correspondent à des activités de Suez en Belgique et 20 % seulement à des activités de Gaz de France.

En ce qui concerne la sécurité d’emploi des 60 000 salariés d’EGD, je redis ici que cette entreprise ne connaîtra aucun changement dans ses activités. Celles-ci, pour répondre à M. Vaxès, sont clairement déterminées par la loi de 1946 et reprises dans la loi de 2004 : « La création d'un service commun est obligatoire dans le secteur de la distribution, pour la construction des ouvrages, la maîtrise d'œuvre de travaux, l'exploitation et la maintenance des réseaux, les opérations de comptage ainsi que d'autres missions afférentes à ces activités. Ces services communs peuvent réaliser des prestations pour le compte des distributeurs non nationalisés ». Vous partez toujours de l’hypothèse que d’autres réseaux vont venir concurrencer les réseaux de distribution actuels. Il n’y a aucune raison, puisque ces réseaux appartiennent aux communes, et sont concédés aux opérateurs et entretenus par le personnel d’EGD. Je ne vois donc pas en quoi la quantité de travail se réduirait. Quant à Suez, il n’intervient dans le domaine du gaz, en France, qu’en matière de fourniture industrielle. Il n’y a donc pas de rapport.

Enfin, la nomination du président d’EGD se fait sans problèmes depuis 1946. Le statut des industries électriques et gazières non seulement reste le même pour tous ceux qui en bénéficiaient déjà, mais va être étendu à certaines catégories de personnel par le décret qui sera bientôt publié. Il n’y a donc rien dans ce texte qui puisse fonder vos inquiétudes.

M. François Brottes - La lettre dont nous avons eu connaissance hier contient beaucoup d’éléments qui ne sont pas chiffrés. Chacun peut donc avoir son interprétation : je prends acte de la vôtre, mais le débat demeure. Vous ne m’avez par ailleurs pas répondu sur la gouvernance.

M. le Ministre délégué – On continue comme avant !

M. François Brottes - Mais qui est le patron ?

M. le Ministre délégué – Il est désigné par les deux entreprises.

M. François Brottes – Vous pensez donc que deux entreprises qui vont désormais se livrer une concurrence effrénée, l’une privée et l’autre publique, vont se mettre aisément d’accord sur le même président ? Bon courage !

M. le Président – Nous entamons l’examen des amendements. Je suis saisi des amendements de suppression identiques 94538 à 94559.

M. Daniel Paul – L’article 7, qui est on ne peut plus bref – trois alinéas – et d'apparence technique, modifie la loi du 8 avril 1946 relative à la nationalisation de l'électricité et du gaz. Il précise qu’EDF, GDF « et leurs filiales » peuvent créer des services communs, que le service commun obligatoire en matière de distribution n’est pas doté de la personnalité morale, et qu’il est créé entre les sociétés issues de la séparation juridique imposée à Électricité de France et Gaz de France par la loi du 9 août 2004. L’exposé des motifs évoque la constitution d'une sorte de groupement d'intérêt économique entre les services de distribution du gaz, rattachés à GDF, et ceux de l'électricité, rattachés à EDF, mais le texte présente-t-il vraiment une avancée au regard du texte consolidé de 1946 ?

Le simple fait de préciser « et leurs filiales » nous indique qu’il s’agit plutôt de mettre en place les conditions de l'éclatement juridique et structurel de Gaz de France et d’EDF. Cela permettrait en effet d’isoler les coûts de service et de production et de déterminer plus précisément la rentabilité réelle des activités, y compris à l'échelle d'un territoire limité. Mais pourquoi vouloir isoler certains coûts, sinon pour justifier la mise en œuvre d’un statut du personnel moins favorable ou une moindre qualité de service ? C'est en fait les conditions de la dégradation du service public qu’on nous demande de voter avec cet article.

M. le Rapporteur – La commission a donné un avis défavorable à l’ensemble de ces amendements. L’article 7 se borne à tirer les conséquences de la séparation juridique qui est intervenue et ne porte sur aucune question plus fondamentale.

M. le Ministre délégué – Même avis.

Les amendements 94538 à 94559, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul - Les amendements identiques 94560 à 94581 sont défendus.

Les amendements 94560 à 94581, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – Les amendements 94582 à 94603 sont identiques.

M. Daniel Paul – Le développement de la filialisation des activités de distribution voulu par l’article 7 présente un certain nombre de difficultés et offre des perspectives peu réjouissantes, pour les agents des entreprises comme pour les usagers. En effet, l'ouverture des marchés offre l'opportunité, pour quelques opérateurs alternatifs, de se positionner sur des segments de clientèle plus ou moins structurés et importants. L'enjeu est plus important pour la distribution du gaz, puisque Gaz de France ne dessert pas l'ensemble du territoire national, pour des raisons de rentabilité de l'investissement sur le long terme. On peut d'ailleurs se demander comment ce qui n'est pas directement rentable pour l'opérateur public le deviendrait pour un opérateur alternatif, ou pour la filiale de l'opérateur public ! Il n'existe pas beaucoup de méthodes pour alléger les coûts d’une entreprise. Si la mise de fonds des actionnaires suffit à assurer l'autofinancement de sa stratégie de développement, les conditions de la rentabilité sont établies. Dans le cas contraire, comment dégager, dans la gestion quotidienne de l’entreprise, des marges de financement pouvant conduire au moins à l'équilibre financier : en embauchant du personnel sous un statut différencié ? En adoptant une démarche de qualité de service, fondée sur une sollicitation minimale des agents ? Ou peut-être simplement en cherchant systématiquement des économies dans le fonctionnement, pour satisfaire l'essentiel, c'est-à-dire la rentabilité du capital ?

Cet article est l'une des meilleures preuves de vos intentions : transformer Gaz de France, fusionné avec Suez, en une structure juridique la plus complexe possible pour pouvoir économiser sur les coûts et obtenir un résultat comptable plus lié à la remontée des dividendes qu'au service rendu. Cette démarche tourne le dos à ce qui est depuis soixante ans la raison d'être du service public de l'énergie, c'est-à-dire la capacité économique et sociale de rendre le meilleur service possible à la collectivité nationale.

Les amendements 94582 à 94603, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – Les amendements 94626 à 94647 sont identiques.

M. Michel Vaxès – Vous restez désespérément sourds à nos remarques. Nous continuons donc à essayer de nous faire entendre. La filialisation des activités de distribution est l'élément essentiel pour permettre, sans surcharge d'investissement en infrastructure, l'introduction d’opérateurs alternatifs sur le marché de l'énergie. Pour des motifs de rentabilité économique plus ou moins affirmés, Gaz de France, une fois fusionné avec Suez, procédera à des cessions partielles d'actifs, après une intense réorganisation juridique de l'ensemble du groupe. L’entreprise n’a en effet que peu d’activités communes avec Suez, dont les domaines d’intervention vont de la production électrique aux parcs de stationnement en passant par l'épuration, l’immobilier ou l’audiovisuel. Nul doute que l'on procédera, ne serait ce que pour complaire aux commissaires européens – et à Mme Kroes plus qu’à d’autres – à la cession de filiales considérées comme non stratégiques ou à des opérations de capital par appel de capitaux extérieurs. C’est cette logique que vous introduisez, au mépris de l’unité économique de GDF et de sa cohérence.

M. le Rapporteur – Défavorable.

M. le Ministre délégué – Même avis.

Les amendements 94626 à 94647, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul – Les amendements 94604 à 94625 sont défendus.

Les amendements 94626 à 94647, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul – Les amendements 94648 à 94669 sont défendus.

Les amendements 94648 à 94669, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul – Les amendements 94890 à 94911 sont défendus.

Les amendements 94890 à 94911, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. Michel Vaxès – Les amendements 94670 à 94691 sont défendus.

Les amendements 94670 à 94691, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul – Nos amendements 114274 à 114295 tendent à supprimer l’alinéa 3 de cet article.

EDF et GDF exploitent de longue date un service responsable des interventions physiques sur les réseaux de distribution. Ce service, qui emploie aujourd’hui 57 000 agents, n’est pas doté de la personnalité morale et n’est donc pas une société qui serait une filiale commune aux deux entreprises. Son existence est toutefois prévue par la loi, qui rend sa création obligatoire et qui précise ses missions. L’article 7 met fin à la forme actuelle de ce service, qui ne sera plus un service commun entre deux sociétés mères mais entre deux filiales. Ces dispositions sont un prélude à la disparition d’une entité qui est pourtant partie intégrante du service public de proximité. On aurait pu imaginer que cette structure soit dotée de la personnalité morale.

M. le Rapporteur – Défavorable.

M. le Ministre délégué – Si on créait une société EGD, les entreprises seraient obligées de faire jouer la concurrence. Avis défavorable.

Les amendements 114274 à 114295, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul – Les amendements 94692 à 94713 sont défendus.

Les amendements 94692 à94713, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul – Les amendements 94736 à 94757 sont défendus.

Les amendements 94736 à 94757, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul – Les amendements 94714 à 94735 sont défendus.

Les amendements 94714 à 94735, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul – Les amendements 94780 à 94801 sont défendus.

Les amendements 94780 à 94801, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul – Les amendements 94758 à 94779 sont défendus.

Les amendements 94758 à 94779, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.
L'article 7, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 7

M. Daniel Paul – Nos amendements 94912 à 94933 précisent que le service commun de distribution est chargé de la gestion des réseaux de distribution électricité et gaz d’Électricité de France et de Gaz de France. Ils visent à maintenir la mixité sur l’ensemble du champ actuel du service commun de distribution. Le service commun comprend en effet, outre les quelque 50 000 agents travaillant sur les aspects techniques tels que l’entretien du réseau, les branchements ou la facturation, 1 000 à 2 000 personnes qui travaillent pour le gestionnaire du réseau et contribuent donc à la prise de décisions politiques concernant notamment les investissements. Que vont devenir ces personnels ? Il est permis d’être inquiet.

Rappelons que la directive européenne n’interdit pas un gestionnaire de réseau mixte. En commission, vous avez assuré aux syndicats que la majorité était très attachée au maintien du service de distribution commun. Donnez donc un peu de consistance à cette parole en adoptant notre amendement !

M. le Rapporteur – Défavorable.

M. le Ministre délégué – Même avis.

Les amendements 94912 à 94933, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Michel Vaxès – Nos amendements 94802 à 94889 visent à créer un service commun entre Électricité de France et Gaz de France qui gérerait cette activité stratégique que l’on appelle le « négoce-trading », ce qui permettrait de mieux exploiter les synergies entre les deux entreprises. L’adoption de cet amendement serait un premier pas vers la reconnaissance de la légitimité d’une fusion entre GDF et EDF, qui ont une culture d’entreprise commune.

Les amendements 94802 à 94889, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. François Brottes – Nos amendements 199 à 231 tendent à disposer que la création d’un service commun aux deux filiales Gestion de réseau de distribution EDF et Gestion de réseau de distribution GDF préserve l’emploi et les compétences du service commun existant entre les deux sociétés mères. Mais nous savons bien que vous allez les refuser, ce qui montre bien que votre intention est de démanteler ce service. Ce sont 50 000 agents qui vont donc être traités avec beaucoup de mépris.

M. le Rapporteur – Les missions du service commun sont contenues dans l’article 5 de la loi de 1946, qui n’est absolument pas remis en cause.

M. le Ministre délégué – Je veux dire à tous les personnels d’EGD que nous comptons sur eux et que nous savons par expérience pouvoir compter sur eux, tant dans les temps ordinaires que dans les circonstances exceptionnelles. Ils ont maintes fois montré leur sens de l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen – La semaine dernière, vous les traitiez de privilégiés, et maintenant, vous les flattez !

M. Pierre Cohen – La protection de la loi de 1946 me semble très relative, si j’en juge d’après l’évolution à laquelle nous assistons au fil de vos lois. Notre amendement est beaucoup plus précis, et ce n’est pas inutile car EDF et le futur groupe GDF-Suez seront en concurrence féroce. On peut donc s’inquiéter de l’avenir du service commun. Pouvez-nous garantir qu’il préservera l’emploi et gardera ses missions de service public ?

M. le Ministre délégué – EGD conservera les missions issues de la loi 1946 et réaffirmées par la loi de 2004 ainsi que ses compétences sur les réseaux de distribution affectés à EDF, GDF et aux autres fournisseurs. L’activité restant identique, les effectifs devraient également rester inchangés, mais c’est aux entreprises elles-mêmes qu’il reviendra de les gérer.

M. François Brottes - Et voilà !

M. Daniel Paul - C’est là qu’on saute dans l’inconnu…

Les amendements 199 à 231, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

ART. 8

M. Daniel Paul – En posant le principe d’une péréquation à l’intérieur de la zone de desserte de chaque gestionnaire, l'article 8 s'attaque à la péréquation nationale des tarifs de distribution de gaz, qui est issue de l'article 33 de la loi de 1946.

Ce système a pourtant permis de garantir l'égalité de traitement entre les citoyens sur l'ensemble du territoire, en répartissant les coûts de distribution du gaz entre les usagers. Ceux-ci bénéficient ainsi de prix identiques, qu’ils habitent à Marseille, non loin du gaz provenant d'Algérie, ou en plein Massif Central : le coût de distribution, inégal selon les régions, est intégré dans le prix final grâce au calcul du coût moyen d'acheminement en tout point du territoire.

En précisant que la péréquation ne se fera que sur la zone de desserte de chaque gestionnaire et en prévoyant l’entrée sur le marché de nouveaux opérateurs, vous préparez la fin de cette péréquation. Et comme il n’existe aucune limite à la définition des gestionnaires, comment empêcherez-vous GRD de créer des sous-filiales par zone géographique, dans le seul but de réduire la péréquation des coûts de distribution ? De telles dérives ne feront que renforcer le morcellement du système de distribution sur l'ensemble du territoire, sans que soit pris en compte l'intérêt des consommateurs et des communes.

Ajoutons que les opérateurs privés risquent de se positionner sur les zones de distribution les plus rentables lorsque les contrats de concessions arriveront à échéance. Que restera-t-il alors à l'opérateur historique, ou à sa filiale de distribution, sinon la desserte des zones les plus difficiles à approvisionner en gaz, à l’image de ce qui s'est déjà passé dans le secteur de la téléphonie ? Seule France Télécom est contrainte de maintenir une présence minimale de cabines téléphoniques, en dépit de leur coût relativement élevé. La perte des concessions les plus rentables empêchant l’opérateur historique d’appliquer une véritable péréquation des coûts de distribution, les zones les moins rentables risqueront de payer « plein pot » leur desserte en gaz ! Les consommateurs peuvent déjà deviner ce qui les attend : des coûts de distribution très variables d'une commune à l'autre, comme dans le secteur de l’eau, faute de péréquation entre les différents opérateurs privés.

Dans de telles conditions, on peut douter que le raccordement au gaz continue à offrir un intérêt pour les communes : à quel coût cette desserte pourrait-elle en effet être réalisée si la solidarité nationale ne joue pas ?

Vos propositions auront enfin un impact négatif sur le prix final du gaz, puisque les coûts de distribution avoisinent 25 % du prix. Les consommateurs les plus malchanceux, ceux qui habitent dans des zones où la distribution du gaz est coûteuse, subiront non seulement la hausse drastique des prix, mais aussi les conséquences de la mise à mal de la péréquation tarifaire.

L’article 8 démontre donc une fois encore votre échec, malgré le maintien du tarif réglementé, à concilier réellement les intérêt des usagers et l’ouverture au marché du secteur énergétique !

M. François Brottes – Le comparatif dont nous disposons manquant de clarté, j’aimerais que le rapporteur nous indique si l’article 8 se substitue au III de l’article 7 de la loi de 2003.

M. le Rapporteur – Il ne s’agit pas d’une suppression mais d’un ajout ! Nous complétons la disposition que vous venez de citer.

Je voudrais également préciser à M. Paul qu’il n’y a jamais eu de péréquation tarifaire sur l’ensemble du territoire – même en 1946. Il existe en effet un zonage en fonction de l’organisation des réseaux et des coûts d’accès au gaz. Si le nombre des zones vient d’être réduit de neuf à cinq, et devrait être ramené à trois d’ici à 2009, il nous semble aujourd’hui impossible d’aller plus loin en ce sens.

M. le Président - Je suis saisi des amendements 94934 à 94955 de suppression de l’article.

M. Daniel Paul – Sur quoi débouchera la remise en cause de la péréquation du gaz ? Soit les coûts chuteront dans le seul but d’attirer une clientèle captive, ce qui laisse planer bien des doutes sur la qualité du réseau, soit nous verrons se reconstituer un monopole privé qui pratiquera ses propres prix, sans se soucier d’offrir un prix juste et abordable à l'ensemble des usagers du réseau. Quoi qu'il en soit, c’est l'usager qui sera le dindon de la farce.

Ce résultat si prévisible sera la négation même du service public, dont le but est de réaliser la solidarité nationale et la justice tarifaire. À cet égard, GDF était « une affaire qui marche » : devenue le premier réseau de distribution en Europe, l’entreprise publique offrait une péréquation tarifaire sur l'ensemble du territoire. Pourquoi donc remettre en cause le monopole de distribution et la péréquation tarifaire ? Nous souhaitons des explications ! Le but du service public n'est pas d'ouvrir la porte à de nouveaux acteurs privés et de leur permettre de réaliser des bénéfices sur le dos des usagers !

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons réaffirmer par nos amendements que le service public de l'énergie a pour objectif de garantir l'approvisionnement en électricité et en gaz sur l'ensemble du territoire national, dans le respect de l'intérêt général.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre délégué – Même avis.

M. François Brottes – Cet article 8 n’apporte rien de neuf par rapport aux textes en vigueur. Comme vient de le souligner Daniel Paul, le redécoupage des zones actuelles présente au contraire des risques importants avec l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché.

Je souhaiterais par ailleurs que le rapporteur précise un point obscur : que signifie l’expression : « les tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel autres que ceux concédés » ? Tous les réseaux ne sont-ils pas aujourd’hui concédés ? Faut-il comprendre que vous prévoyez la fin des concessions, aujourd’hui axées sur des missions de service public et des durées longues ?

M. Pierre Cohen – On ne peut que s’inquiéter des conséquences qu’aura la redéfinition des zones : certains fournisseurs ne risquent-ils pas de se positionner sur les seuls secteurs où ils pourront offrir des prix plus bas, abandonnant à GDF et Suez des espaces où une péréquation plus coûteuse doit être instaurée ? Ce serait remettre en cause le principe même de la péréquation, qui consiste à répartir les charges afin que la disparité des coûts de distribution ne conduise pas certains à payer beaucoup plus cher que d’autres. En laissant les fournisseurs organiser leur propre péréquation, ne risquons-nous pas également d’engendrer une concurrence très vive, voire déloyale ?

M. le Rapporteur – Il s’agit, Monsieur Brottes, des réseaux autres que ceux concédés en application de l’article 25-1 de la présente loi – celle de 2003 – donc des nouvelles dessertes. Il convient d’autre part, Monsieur Cohen, de distinguer distribution et fourniture. La première fait l’objet d’un tarif, mais les livraisons se font ensuite aux conditions acceptées par le client, qui peuvent varier.

Les amendements 94934 à 94955, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Jacqueline Fraysse – Même si les dispositions de vos articles 6, 8 et 9 ne remettent pas directement en cause les contrats de concession en cours, on ne peut que s’inquiéter des répercussions de votre texte sur le système des concessions. Vous avez avancé l’argument que les communes sont propriétaires du réseau de distribution pour expliquer que ce réseau ne serait nullement privatisé. Certes. Mais, comme vous le savez fort bien, elles concèdent leur réseau de distribution de gaz, et ce n'est pas parce qu’elles en sont propriétaires qu'elles pourront maîtriser le cours des choses.

Le comble, c’est qu’en ouvrant à la concurrence le réseau de distribution et en le privatisant, vous allez au-delà de ce que demande la Commission européenne. Dans sa lettre de griefs, elle a fait savoir qu'elle jugeait les activités de réseau insuffisamment indépendantes de l'opérateur historique – car ce qui reste de l’entreprise intégrée ne constitue pas, selon elle, une force pour créer des synergies et des économies d'échelle, mais une simple « entrave à la concurrence », obsession de certains fonctionnaires bruxellois. Quoi qu’il en soit, les directives énergétiques, pour l'instant tout au moins, ne font pas obligation d'ouvrir le réseau de distribution aux capitaux privés. Cela méritait d'être dit, car vous avez la fâcheuse habitude d'invoquer Bruxelles quand vous ne savez plus comment justifier la casse du service public que vous organisez (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Vous préparez donc l’arrivée de nouveaux entrants. Mais davantage d'offre ne veut pas nécessairement dire une offre meilleure ! Les activités de distribution de gaz imposent des coûts assez lourds à supporter – nous ne sommes pas dans la téléphonie ! Au moment de renouveler les concessions de distribution de gaz, les communes pourront-elles choisir leur distributeur en connaissance de cause ? II est permis d'en douter. Étant donné ces incertitudes, nous tenons à rappeler que le service public de l'énergie a pour objet de garantir l'approvisionnement en électricité et en gaz, sur l'ensemble du territoire, dans le respect de l'intérêt général et non dans celui des opérateurs privés. Parce que nous sommes fermement opposés à la remise ne cause du quasi monopole de GDF, nous demandons une nouvelle fois, par nos amendements 95066 à 95087, que soit sauvegardé le principe de l’égal accès aux conditions tarifaires.

Les amendements 95066 à 95087, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul - Les amendements 95044 à 95065 sont défendus.

Les amendements 95044 à 95065, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jacques Brunhes – Alors que vous menacez de faire éclater le système de péréquation des coûts de distribution en ouvrant ces activités à la concurrence, nous visons, par les amendements 95198 à 95219, à l’assurer. Nous proposons donc de supprimer les mots : « autres que ceux concédés en application de l’article 25-1 de la présente loi ». Aujourd'hui, quelque dix mille communes sont reliées au gaz, et leur approvisionnement couvre environ 75 % de la population française. GDF a donc consenti des efforts importants pour permettre un large accès à cette énergie, qui a longtemps été bon marché.

Un audit réalisé par GDF a cependant révélé que cinq mille communes demandaient aujourd'hui leur raccordement au réseau de distribution de gaz. Mais comme les articles 6, 8, 9 et 12 de votre projet le menacent d’éclatement, comment risque d'évoluer le développement de cet approvisionnement ? On sait que les coûts de raccordement au réseau sont variables, qu’un raccordement en montagne est plus coûteux qu'un raccordement en plaine, ou que le raccordement d’une ville moyenne est, à long terme, plus rentable que celui d'un village. Le système de péréquation qui a prévalu jusqu'à maintenant a pourtant permis à GDF d'équilibrer le coût de ses investissements, et la gestion nationale de la distribution a permis l'égalité entre les usagers, chaque commune ayant accès au réseau de distribution pour un coût moyen.

En mettant fin à cette péréquation, vous menacez cet équilibre. Ce qui se profile, c'est le positionnement des opérateurs dans les zones où la distribution est la plus rentable, au détriment des zones peu rentables, dont le raccordement au gaz sera nécessairement compromis. Voilà ce qui explique nos amendements, qui tendent à assurer la péréquation sur l'ensemble du territoire.

Les amendements 95198 à 95219, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul – Les amendements 94978 à 94999, 95022 à 95043 et 94956 à 94977 sont défendus.

Les amendements 94978 à 94999, 95022 à 95043 et 94956 à 94977, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Jacqueline Fraysse – En défendant les amendements 95176 à 95197, je souhaite relayer les inquiétudes légitimes de nos concitoyens. Je me ferai notamment l'écho des propos de M. Max Banon, syndicaliste CGT, qui s'exprimait récemment sur le projet dont nous débattons dans un périodique réunionnais. Il expliquait que si l’on paye l'électricité au même prix à La Réunion qu'en France, c’est grâce à la péréquation que rend possible le service public EDF-GDF en France. M. Banon rappelait que, lors du débat sur la loi ouvrant le capital d'EDF au secteur privé et la transformant en société anonyme, Nicolas Sarkozy avait assuré que l'État demeurerait l'actionnaire majoritaire d'EDF. Constatant que l'ancien ministre de l'économie a menti à propos de GDF, il disait ses doutes sur l’avenir de l’électricien public. M. Banon s’interrogeait également sur le terme de « péréquation géographique » utilisé par la direction générale d’EDF, se demandant avec inquiétude si cela signifiait la rupture de la continuité territoriale, de celle du service public et de la péréquation tarifaire qui garantit aux Réunionnais une énergie à un prix abordable.

Les questions que se pose ainsi un citoyen d’Outremer, d’autres pourraient se les poser, qu’ils habitent un territoire de montagne ou un autre territoire insulaire car, de même que les services d'intérêt économique général ne sont que des ersatz de services publics, la notion de « péréquation géographique » n'a pas le sens d'une péréquation nationale. Or la notion de « zone de desserte » que vous proposez est plus proche de la notion de péréquation géographique que de celle de péréquation nationale.

On voit qu’une fois de plus, votre objectif est ici de mettre à mal, et c'est un euphémisme, l'héritage de 1946 et, plus encore, ce qui fait la grandeur des services publics à la française, qui restent une référence politique essentielle pour tous ceux qui, nombreux, ont à cœur le respect des principes fondateurs de notre République. Chaque article de votre projet de loi est un coup de canif dans le modèle social français, qui a pourtant fait ses preuves.

Les amendements 95176 à 95197, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul – Les amendements 95088 à 95175 sont des amendements de repli qui nous semblent pourvoir recueillir votre assentiment. L’exigence est en effet minimale : que, dans le cas où un groupe contrôle plusieurs entreprises gestionnaires, les tarifs soient péréqués dans l’ensemble de leurs zones de desserte. En effet, nous ne voulons pas, pour un bien social aussi sensible que l'énergie, nous retrouver dans la situation que nous connaissons dans le secteur des télécommunications. L'exemple de France Télécom montre que l'ouverture du capital transforme les objectifs de l'entreprise, qui ne sont plus la recherche de l'intérêt général au profit de l'usager et de la collectivité mais celle de la rémunération des capitaux et des parts de marché. L'entreprise où les capitaux privés sont entrés ne se distingue plus de ses concurrentes ni par ses prix, ni par ses offres, ni par sa qualité de service, et elle renvoie sur la collectivité les charges d'égalité d'accès. Rapidement s'installe un oligopole, les prix montent et la péréquation des tarifs est progressivement mise en cause, notamment par la segmentation de la clientèle, à laquelle sont appliqués des prix très différenciés. C'est ce que nous voulons éviter par nos amendements. Même si cela ne remédiera pas à la mort annoncée de la péréquation nationale, cette disposition offrirait une garantie minimale, en imposant aux entreprises gestionnaires une péréquation tarifaire visant l'ensemble de leurs zones de desserte, ce qui est la moindre des choses.

Les amendements 95088 à 95175, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul – Nos amendements 93174 à 93195 sont défendus.

Les amendements identiques 93174 à 93195, repoussés par la Commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – L’article 36 de la loi d’août 2004 dispose que les réseaux de distribution d’électricité sont propriété des collectivités locales, mais ne mentionne pas les réseaux de distribution du gaz. À l’initiative de M. Micaux et de M Proriol, que je remercie, l’amendement 88549 répare cet oubli.

M. le Ministre délégué - Avis favorable.

Je reviens sur le tarif de distribution du gaz, qui est d’environ 40 euros le mégawatheure. Sur cette somme, la matière première représente 20 euros, la distribution 8 euros – avec un coefficient de péréquation de 1 à 1,5 –, le transport 4 euros – avec une péréquation comprise entre 1 et 1,4 –, le stockage 5 % et les taxes 15 %. Autrement dit, l’effet de la péréquation ne représente que quelques euros par mégawatheure.

L'amendement 88549, mis aux voix, est adopté.
L'article 8 modifié, mis aux voix, est adopté.
La séance, suspendue à 16 heures 35, est reprise à 16 heures 50.

M. le Président – J’informe l’Assemblée que nous lèverons la séance après l’examen des amendements portant articles additionnels avant l’article 10, et que la séance de ce soir est supprimée.

Art. 9

Mme Jacqueline Fraysse - L’article 9 abroge les dispositions relatives au fonds de péréquation du gaz créé par l’article 33 de la loi de 1946, au motif qu’il n’a jamais vraiment été activé. C’est vrai, mais GDF était jusqu’à présent seule gestionnaire du réseau de distribution et pratiquait elle-même la péréquation. C’est au moment où vous préparez l’ouverture à la concurrence qu’il faudrait utiliser ce fonds, et vous le supprimez ! Vous mettez ainsi en péril un élément fondamental du service public de l’énergie : la solidarité nationale, qui garantit la répartition égale des coûts sur le territoire – les faibles coûts d’investissement dans les villes moyennes compensant les coûts plus élevés dans les grandes villes. Ce principe s’applique d’ailleurs à d’autres services publics, comme La Poste.

Les élus qui voteront ce texte porteront donc une lourde responsabilité, car le fonds de péréquation éviterait de pénaliser les habitants en fonction de leur lieu de vie, et pourrait jouer un rôle important dans le développement de notre réseau gazier, même si celui-ci ne concerne actuellement que quelque 8 000 communes. Hélas, la notion d’aménagement du territoire est étrangère à votre pensée libérale. Vous concevez d’abord l’action politique en termes de gains financiers, et comptez sur la main invisible du marché pour faire le reste. L’aménagement du territoire n’est pour vous qu’une externalité positive. Les élus pourront attendre longtemps que vous agissiez dans ce domaine : faute de péréquation, qui ira raccorder au réseau gazier des communes requérant de coûteux investissements ? Qui garantira aux consommateurs que les opérateurs privés ne pratiqueront pas des prix prohibitifs ? Loin d’être superflues, ces questions traduisent une préoccupation bien différente de la vôtre : celle de l’égalité de traitement, de la justice sociale et de l’intérêt collectif, dont le marché fait peu de cas. Au contraire, vous nous éloignez d’une maîtrise publique de l’énergie fondée sur l’intérêt général.

M. le Président – Nous en venons aux amendements identiques 95220 à 95241.

M. Daniel Paul - Le modèle économique et social bâti à la Libération s’appuyait sur de grandes entreprises publiques fondées sur le principe de péréquation : La Poste, les PTT, la SNCF et EDF, bien sûr. Pendant soixante ans, nos concitoyens ont bénéficié d’un tarif social identique et indépendant des disparités géographiques ou de la rentabilité des différents secteurs. Nous devons protéger cette égalité de traitement ! EDF surpasse toutes les autres entreprises du secteur dans le monde et produit l’électricité la moins chère d’Europe. Pour préserver ces atouts, il faut créer un pôle public de l’énergie en fusionnant EDF et GDF.

Pourtant, vous refusez de croire que l’efficacité économique peut aller de pair avec la justice sociale. L’article 9, qui abroge ce fonds de péréquation, n’est pas un simple toilettage juridique, mais un acte symbolique grave qui, fidèle à l’esprit des articles précédents, liquide un principe fondamental du service public. Dès lors, comment s’étonner que nos amendements visent à le supprimer ?

Les amendements identiques 95220 à 95241, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – J’appelle les amendements identiques 95242 à 95263.

M. Jacques Brunhes - L’argument qui vous aide à justifier l’article 9 est spécieux. Vous prétendez que ce fonds de péréquation n’a jamais été utilisé. Cela veut-il dire pour autant qu’il est frappé d’obsolescence ? Bien au contraire : le temps où GDF, entreprise publique intégrée, pratiquait elle-même la péréquation sera bientôt révolu. C’est alors que nous aurons besoin de ce fonds aujourd’hui inutile ! Dès lors, n’est-il pas étrange que vous songiez à le supprimer ? Nous proposons de réaffirmer la nécessité de la péréquation tarifaire et de donner vie à ce fonds afin de garantir les principes qui fondent l’aménagement de notre territoire.

Les amendements identiques 95242 à 95263, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul – Les amendements identiques 95264 à 95285 sont défendus, de même que les amendements identiques 95330 à 95351, 95286 à 95307 et 95308 à 95329.

Les amendements identiques 95264 à 95285, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que les amendements identiques 95330 à 95351, 95286 à 95307, et 95308 à 95329.

M. le Rapporteur – L’excellent amendement 88550 est rédactionnel.

L'amendement 88550, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 9 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

après l’art. 9

M. François Brottes - Les amendements identiques 133 à 165 s’inscrivent dans l’esprit de la loi du 31 mai 1990, qui consacre le droit au logement. En dépit des effets d’annonce de certains membres du Gouvernement, qui donnent des leçons sur le logement social alors qu’ils n’en font pas dans leur commune, nous avons encore bien du chemin à accomplir dans ce domaine. Nos amendements visent donc à rétablir l’application du dispositif de solidarité des impayés sur toute l’année, et non seulement sur une période de quatre mois et demi. En effet, la question du chauffage ne se pose pas dans les mêmes termes dans toutes les régions et à toutes les altitudes. Nous souhaitons donc revenir sur le désengagement de l’État opéré par la funeste loi du 13 août 2004. Nous avons abordé ce problème au moment où nous discutions du tarif social. On nous a répondu qu’un décret serait publié, mais nous n’avons aucune certitude que ceux qui seront confrontés à des difficultés seront pris en charge. Nous essayons donc de limiter la casse.

Les amendements identiques 133 à 165, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Pierre Cohen - Les amendements identiques 166 à 198 tendent à consacrer l’effet suspensif de la saisine du fonds de solidarité pour le logement dans le cadre d’une procédure visant la cessation de la fourniture d’énergie, afin de ne pas pénaliser les ménages qui ne seraient pas encore connus des services sociaux et qui n’auraient pas bénéficié du fonds de solidarité pour le logement au cours des douze derniers mois. En effet, EDF-GDF fournit souvent les listes des personnes menacées de coupures trop tard pour que les communes ou les conseils généraux puissent agir.

M. le Rapporteur – Défavorable.

M. le Ministre délégué – Même avis : cet amendement est largement satisfait.

M. François Brottes - Largement, non !

Les amendements identiques 166 à 198, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – L’amendement 88551 a été adopté par la commission à l’initiative de nos collègues Proriol et Micaux. Il s’agit de renforcer la coopération intercommunale dans le cadre d’un ou de plusieurs départements, en précisant que si une autorité unique organisatrice de la distribution publique d’électricité n’a pas été créée dans les dix-huit mois suivant la publication de la loi, cette autorité est créée par le préfet.

M. le Ministre délégué – Le Gouvernement est favorable à cet amendement, sous réserve que vous acceptiez un sous-amendement le limitant à sa première phrase.

M. le Rapporteur – N’en étant pas le père, je n’ose pas toucher à l’enfant. Je retire donc l’amendement.

L'amendement 88551 est retiré.

M. Gérard Menuel – Je me réjouis que la commission ait repris mon amendement 114626, qui tend à compléter le 6° de l’article L. 5212-19 du code général des collectivités territoriales par les mots : « ou aux investissements réalisés ». Les recettes budgétaires d’un syndicat comprennent en effet les contributions des communes, les revenus des biens meubles et immeubles, les sommes reçues de l’administration fiscale et des associations, les subventions de l’État et le produit des taxes, redevances et contributions correspondant aux services assurés. Il me semble que l’on a oublié les investissements réalisés.

M. le Rapporteur – L’amendement 88552 de la commission est identique. Avis favorable.

M. le Ministre délégué – Favorable également.

M. François Brottes - Ces amendements répondent à une réelle préoccupation. Ils concernent les syndicats à qui les communes ont délégué des compétences, notamment en matière de réseaux. Nous avions eu quelques incertitudes en commission sur le fait de savoir si les fonds de concours pouvaient régler ce type de questions. Il faut donc clarifier la situation, d’autant que la position du Trésor public varie selon les départements.

M. le Rapporteur – Tout en comprenant – voire en soutenant – les auteurs de l’amendement, nous nous sommes interrogés ; mais il vaut mieux pour les collectivités que ces contributions apparaissent en section d’investissement et non en section de fonctionnement. Nous avions craint que certaines règles ne s’y opposent. Nous nous réjouissons donc de la position très claire du Gouvernement.

Les amendements identiques 88552 et 114626, mis aux voix, sont adoptés.

M. Gérard Menuel - L’amendement 114715 complète le précédent en précisant ce qui revient au fonctionnement et ce qui revient à l’investissement.

M. le Rapporteur – L’amendement 88553 est identique. Avis favorable.

M. le Ministre délégué – Défavorable. Ces amendements portent sur la contribution versée au syndicat de communes par ses membres. Cette contribution constitue une dépense de la commune qui est imputée en section de fonctionnement. Les amendements prévoient de l’imputer en section d’investissement dans certains cas. Outre qu’elle porterait atteinte aux principes du droit des finances publiques locales, cette disposition paraît peu compatible avec une gestion rigoureuse, puisqu’elle permettrait à une commune de financer sa contribution syndicale par ses dépenses d’investissement, et en particulier par l’emprunt.

M. Gérard Menuel - Je retire l’amendement 114715, mais le problème subsiste : comptabiliser ces dépenses en fonctionnement altère l’autofinancement des collectivités.

L’amendement 114715 est retiré.

M. le Rapporteur – Je maintiens l’amendement de la commission.

M. François Brottes - M. le ministre nous a donné lecture de la réponse préparée par Bercy. Son pouvoir de persuasion était tel que je soutiendrai le rapporteur !

L'amendement 88553, mis aux voix, est adopté.

M. Gérard Menuel - L’amendement 31714 rectifié est défendu.

M. le Rapporteur – L’amendement 88554 est identique. Avis favorable.

Les amendements 88554 et 31714 rectifié identiques, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Daniel Paul - Les amendements 95352 à 95461 sont défendus.

Les amendements 95352 à 95461, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Brottes – Le rapport transversal que nous avons prévu ne porte pas sur l’application du statut des industries électriques et gazières à l’ensemble du personnel de la filière. Or si M. le ministre nous a dit – avec beaucoup de conviction – que les industries électriques et gazières conservaient un certain nombre de garanties, M. Fillon et ses amis n’ont pas été aussi clairs ! L’actualité et les conséquences de ce texte imposent d’évaluer l’impact de toutes ces dispositions sur le statut des IEG à la date du 31 décembre 2006. Tel est l’objet des amendements 100 à 132.

Les amendements 100 à 132 identiques, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Brottes - Nous pouvons donc avoir des doutes !

avant l’art. 10

M. Daniel Paul - Les amendements 95528 à 95549, 95506 à 95527 et 95484 à 95505 visent à refuser la dénationalisation de GDF. Nous achevons en effet l’examen de la première partie de ce texte, qui transpose les dispositions de la directive relatives à la concurrence. L’ouverture de la concurrence sera donc effective au 1er juillet 2007. Il reste certes à voter le texte – ce sera pour le mois prochain, ou pour jamais.

Avec l’article 10 commencera la privatisation de Gaz de France, qui s’apparente à un mensonge d’État.

M. Christian Bataille – Une trahison ! Un reniement !

M. Daniel Paul – En 2004, M. Sarkozy, ministre de l’économie, nous promettait ici même qu’EDF et GDF ne seraient pas privatisées et que les caractéristiques du secteur énergétique imposaient de les garder entre les mains de l’État, dont la part ne descendrait pas en dessous de 70 % du capital de ces entreprises. Certes, nous n’en sommes pas encore à la privatisation d’EDF, mais ce n’est que partie remise : l’importance du nouveau groupe fusionné va pousser EDF à la privatisation.

En quelques mois, le Gouvernement a précisé sa pensée et les premiers contacts ont abouti. Aucun bilan n’a d’ailleurs été dressé de ce qui s’est fait en Europe depuis une quinzaine d’années que la déréglementation du secteur énergétique a commencé. Il était pourtant facile, dans le cadre européen, d’établir ce bilan ! Si la privatisation du secteur énergétique était bonne pour les pays, pour les usagers, particuliers et entreprises, pour les salariés et pour la sécurité de nos approvisionnements, je voterais pour. Le simple fait que vous ne présentiez pas de bilan prouve que ce n’est pas le cas.

Le Gouvernement a agi dans la précipitation. Il est vrai qu’il fallait sauver le soldat Suez, grand groupe aux multiples filiales menacé par l’OPA hostile d’un autre groupe européen – ainsi va l’Europe libérale. Alors, on nous a aussi dit qu’il fallait sauver GDF, qui était trop petit dans le concert mondial de l’énergie : premier fournisseur de gaz en Europe, premier réseau de transport et de distribution en Europe, deuxième opérateur de terminaux de gaz naturel liquéfié en Europe… Excusez du peu ! En tout cas, le mastodonte Suez est dans tous ces domaines là plus petit que GDF.

Sauver Suez, sauver GDF, constituer un grand d’Europe… aucun de ces arguments ne tient. En fait, votre objectif, votre obsession est de casser du service public. Vous faites partie de ceux qui veulent éliminer cette incongruité que sont les services publics et les entreprises publiques. Il est vrai qu’il faut offrir de nouveaux champs d’investissement au capital. Il y a quelques années, personne n’aurait imaginé qu’on puisse toucher à EDF et GDF, qui faisaient partie du patrimoine. Vous avez franchi le pas, et offert de nouveaux terrains de chasse aux masses de capitaux qui circulent à travers le monde.

Mais pour que l’investissement soit rentable, il faut faire monter les prix. Et ce qu’on a pu lire de la lettre de griefs ne dit pas autre chose : en France, les tarifs ne sont pas assez élevés ! La concurrence ne peut pas jouer, puisque les tarifs sont trop bas. Pas un seul capitaliste normalement constitué ne peut rivaliser avec EDF aujourd’hui, cette entreprise qui réussit à satisfaire ses clients en appliquant des tarifs parmi les plus bas d‘Europe ! Il faut donc que les tarifs augmentent, d’où tout le débat que nous avons eu autour des tarifs réglementés, qui sont dans le collimateur de la Commission. La lettre de griefs demande également à GDF de laisser la place dans un certain nombre d’infrastructures et de terminaux. On sait, depuis la réponse de GDF et de Suez, que les deux entreprises sont d’accord pour des cessions et un partage des terminaux méthaniers. C’était impensable il y a quelques années !

La privatisation est contraire aux intérêts du pays, d’abord en matière d’approvisionnement, et aussi parce qu’elle est une spoliation. La valeur du réseau a été estimée à 5 milliards en 2001, une somme qui a été payée par les Français – pas par les impôts, mais par les usagers. GDF a emprunté, a livré ses clients, s’est fait payer et a remboursé ses emprunts. C’est cela que vous cédez pour rien au privé, avec toutes les inconnues qui en découlent. On sait bien qu’avec la filialisation dans le domaine du transport, par exemple, la porte est ouverte : vous prendrez votre temps, mais on passera un jour de la filialisation à la privatisation. Celle-ci est également contraire aux intérêts des usagers, par le biais des prix, et des collectivités locales. Elle fragilise notre secteur énergétique. Dès 1946 pourtant, Paul Ramadier avait eu la prémonition qu’il fallait préserver ce secteur de la pression des intérêts privés. Aujourd’hui, vous passez outre, au nom d’une conception européenne dogmatique.

Nous refusons cette privatisation. C’est l’objet de ces trois séries d’amendements, et ce sera celui de l’article 10, qui est l’un des plus importants, avec l’article premier. Nous prétendons que Suez peut être sauvé autrement et qu’il est possible de lier EDF et GDF, ce que vous avez refusé d’envisager pour des raisons dogmatiques, en vous cachant derrière le prétexte jamais étayé que cela coûterait trop cher en termes d’actifs. Nous considérons qu’EDF et GDF doivent rester au cœur d’un dispositif maîtrisé par la puissance publique, ce qui ne veut pas dire qu’ils sont seuls dans le paysage énergétique : bien sûr qu’il faut promouvoir la coopération et le travail avec les autres entreprises, comme Suez, qui est propriétaire des barrages sur le Rhône, ou Total, et avec les pays voisins, qui sont aussi fournisseurs d’énergie ! Voilà qui permettrait à l’État de conserver un noyau important d’outils au service de l’intérêt public dans le domaine énergétique.

Nous refusons donc cette privatisation et continuerons à faire des propositions alternatives à l’article 10. La messe n’est pas dite.

M. le Rapporteur – Ces trois séries d’amendements mettraient tout simplement un terme à la discussion. J’invite bien sûr l’Assemblée à les repousser. Mais j’ai bien vu que M. Paul montrait surtout des signes d’impatience en attendant la discussion de l’article 10 : je voudrais freiner son ardeur révolutionnaire en lui rappelant que Vladimir Ilitch Oulianov considérait que l’impatience n’était pas une vertu révolutionnaire !

M. le Ministre délégué – Vladimir parlait aussi de l’électrification et des soviets (Sourires). Les soviets, on vous les laisse, mais l’électrification, on s’en occupe !

Depuis quinze jours, nous tentons de vous convaincre que ce que nous faisons est absolument nécessaire, mais vous estimez systématiquement que toute proposition de notre part est faite pour servir un intérêt particulier. Nous nous efforçons au contraire de mettre en place le cadre le plus conforme à l’intérêt général.

Vous invoquez dans vos amendements la Constitution. Mais sachez que nous avons consulté le Conseil d’État, qui a estimé dans un avis du 11 mai que « le législateur peut, dans le cadre de la Constitution, décider d’autoriser le transfert de Gaz de France au secteur privé, compte tenu de l’évolution des règles applicables au marché du gaz en France, notamment de l’ouverture prochaine du marché de la fourniture de gaz aux particuliers dont la loi précisera les conditions. » Fort de cet avis, j’invite l’Assemblée à repousser ces amendements.

M. François Brottes – Si le sujet n’était pas si sérieux, je proposerais de l’illustrer musicalement par une complainte et par une valse. La complainte pourrait être celle du joueur de flûte ou encore celle de Nicolas. M. Sarkozy avait pris des engagements solennels, il revient dessus. C’est grave. La valse est bien sûr une valse à trois temps. Premier temps, celui du chèque en blanc. Le ministre nous demande en somme de lui permettre par la loi de faire ce qu’il veut de Gaz de France, quand il veut et avec qui il veut.

Mme Jacqueline Fraysse – Et il nous dit que c’est dans l’intérêt général !

M. François Brottes – Oui, parce qu’il a encore des réflexes républicains… Le deuxième temps sera celui de la privatisation. Notons que si un recours contre la loi est formé devant le Conseil constitutionnel, ce qui n’est pas impossible, ce recours se fera à un moment où la privatisation n’aura pas encore eu lieu. Nous ne sommes pas dupes du montage, Monsieur le ministre. Le troisième temps sera celui de la fusion, dont on nous dit qu’elle se fera peut-être avec Suez, si Suez et ses actionnaires veulent bien accepter les conditions qui leur sont proposées et si la Commission européenne veut bien donner un avis positif, chose que nous ne saurons qu’à la fin du mois de novembre ! Il est totalement irresponsable d’engager ainsi une entreprise publique nationale dans une voie qui n’est pas connue à ce jour.

Tout cela se terminera par un KO. L’État va perdre le moyen de contrôler le secteur de l’énergie, les prix vont considérablement augmenter parce qu’il faudra distribuer des dividendes aux actionnaires gourmands et impatients, les concessions entre les collectivités et les gestionnaires de réseaux de gaz vont exploser en vol. Enfin, la nouvelle entité privée sera « opéable » et demain c’est Gazprom qui fera la loi sur notre territoire !

M. Jean Dionis du Séjour – Le ministre a raison : le problème n’est pas constitutionnel mais politique. Quelle politique énergétique voulons-nous pour la France ? Le groupe UDF veut le débat, avec des chiffres et des alternatives. Nous le voulons en particulier avec nos collègues de l’UMP, qui doivent se poser la question : peut-on avoir raison tout seuls ?

La proposition gouvernementale n’est pas innocente. L’autre jour, Thierry Breton expliquait que les seuils significatifs de propriété du capital sont : 0 %, 5 % , 34 % et 51 %.

M. Daniel Paul – Et 100 % !

M. Jean Dionis du Séjour – C’était le ministre qui parlait. Nous sommes arrivés à 34 % . Pourquoi ? Pour protéger le capital de Suez. Nous devons nous demander si cela en vaut la peine, sachant que le prix à payer pour cet enjeu est la privatisation. La France peut-elle payer ce prix ? Est-il grave de privatiser le gaz ? Le gaz joue-t-il un rôle important dans le bouquet énergétique français ? Ce rôle va-t-il s’accroître ? L’énergie est-elle un bien à part ? Et qui peut répondre du long terme ? L’État ou quelqu’un d’autre ?

Nous espérons pouvoir aborder toutes ces questions avec nos collègues de l’UMP.

M. le Ministre délégué – M. Brottes nous annonce l’explosion des tarifs, la disparition du gaz, le chaos en somme. Votre seule politique consiste à agiter les peurs en prétendant qu’on ne peut rien faire.

M. François Brottes – Nous vous parlerons d’Énergie de France !

M. le Ministre délégué – Nous, nous mettons en place le cadre qui permet de réagir dans un contexte qui évolue vite et fort. Nous le faisons à un moment où ce n’est pas électoralement le plus facile, mais nous le faisons parce que c’est indispensable. Nous, nous agissons ! Je comprends que cela vous soit insupportable, mais je voudrais que vous compreniez combien l’enjeu est important…

Mme Jacqueline Fraysse – Certes !

M. le Ministre délégué – Les peurs que vous exprimez sont légitimes, mais les réponses sont dans ce texte à la fois conforme à l’intérêt général et à notre vision de la politique énergétique. On vous le démontrera, comme nous le faisons depuis le début de ce débat. Et je ne doute pas que même le groupe UDF finira par être convaincu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Les amendements identiques 95528 à 95549, 95506 à 95527 et 95484 à 95505, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu lundi 25 septembre, à 15 heures.
La séance est levée à 17 heures 40.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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ordre du jour
DU lunDI 25 SEPTEMBRE 2006

QUINZE HEURES - 1re SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au secteur de l'énergie (no 3201).

Rapport (no 3278) de M. Jean-Claude LENOIR, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Avis (no 3277) de M. Hervé NOVELLI, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE - 2e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

© Assemblée nationale