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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 2ème jour de séance, 4ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 5 OCTOBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

DIRECTIVE BOLKESTEIN 2

POSITION DE LA FRANCE DANS
LES NÉGOCIATIONS EUROPÉENNES 3

DIRECTIVE BOLKESTEIN 3

PROJET EUROPÉEN 4

PLAN « DÉFENSE DEUXIÈME CHANCE » 5

COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE 6

POLITIQUE ÉCONOMIQUE DU GOUVERNEMENT 6

RECHERCHE FRANÇAISE 7

GRIPPE AVIAIRE 8

CRASH AÉRIEN AYANT ENDEUILLÉ LA MARTINIQUE 9

RÉGULATION DES FLUX MIGRATOIRES
EN GUADELOUPE 10

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE 11

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 29

ERRATUM 35

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

M. le Président - Comme tous les premiers mercredis du mois, les quatre premières questions seront consacrées à des thèmes européens.

DIRECTIVE BOLKESTEIN

M. Jean-Louis Bianco - Alors que le Président de la République s'en est pris hier à l'indifférence de la Commission européenne quant aux questions sociales, la droite française fait preuve d'une attitude pour le moins ambiguë au sein du Parlement européen.

La directive relative aux services, la fameuse directive Bolkestein, a certes changé de nom, la Commission ayant changé, mais le fond demeure. Elle reste tout aussi dangereuse qu'hier. Elle risque en effet de favoriser le dumping social en exposant les travailleurs à la concurrence des bas salaires et menace les services publics en l'absence de toute directive qui leur soit consacrée. Elle est en outre absurde, car en vertu du principe du « pays d'origine », un prestataire de services sera soumis aux seules règles et au seul contrôle de son propre pays, ce qui revient à faire cohabiter sur un même espace 25 réglementations différentes.

Sur ce sujet, la droite tient un double langage : le Président de la République déclare à Paris qu'il faut remettre ce projet de directive à plat, mais au Parlement européen, les députés UMP refusent d'éliminer le principe du pays d'origine et de remettre en cause l'ensemble du texte, ce que réclame pourtant l'ensemble des députés socialistes européens.

Ma question est donc triple : le Gouvernement s'opposera-t-il résolument à ce projet de directive ? Quelle sera la position des députés de la droite française ? Que ferez-vous si par malheur le texte était adopté sans modification substantielle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes - L'inquiétude suscitée par le projet de directive est connue de tous. Le projet initialement présenté par la Commission européenne était déséquilibré et ne correspondait pas aux exigences sociales de l'Union européenne.

C'est pourquoi le Conseil européen de mars dernier, à la demande de la France, a préconisé à l'unanimité une remise à plat du texte, qui aura bien lieu.

Le Parlement européen est aujourd'hui saisi du projet, et la Commission devra ensuite élaborer une nouvelle proposition. Celle-ci devra prendre en compte nos préoccupations, qui sont partagées par de nombreux pays et de nombreux parlementaires européens.

Le Gouvernement fait preuve d'une vigilance particulière dans cette négociation. Ce sujet a ainsi été mis à l'ordre du jour du premier comité interministériel sur l'Europe, qui s'est réuni au mois de juillet dernier sous la présidence du Premier ministre. Nous en parlons avec la Commission européenne et je rencontre fréquemment les parlementaires européens les plus impliqués.

Les services sont aujourd'hui essentiels pour la croissance et l'emploi, représentant une part essentielle de la richesse nationale. Il est de notre intérêt de les développer, ce que nous faisons avec succès, la France étant aujourd'hui le quatrième exportateur mondial de services.

Le projet de directive européenne ne saurait toutefois conduire à une remise en cause des droits des salariés ou des intérêts des consommateurs. Le Gouvernement refusera donc tout alignement vers le bas et tout dumping social.

Le Parlement européen ne devrait pas se prononcer avant la fin de cette année ou même le début de l'année prochaine, mais la remise à plat du texte devra comporter l'exclusion des secteurs les plus sensibles, et notamment le respect des services publics. Le principe d'application du droit du travail du pays de destination devra être affirmé. C'est le droit français qui s'applique en France. Enfin, le principe du pays d'origine sera écarté.

Après le vote du Parlement européen, il reviendra à la Commission de proposer un nouveau texte, différent du premier. Les Etats membres et le Gouvernement devront alors prendre toutes leurs responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

POSITION DE LA FRANCE DANS LES NÉGOCIATIONS EUROPÉENNES

M. Nicolas Perruchot - Près de quatre mois après les refus français et néerlandais, le Président de la Commission, M. Barroso, a enterré la Constitution européenne le 21 septembre dernier, et annoncé que la Commission allait réduire son activité législative. Personne n'a protesté contre cette déclaration, dont on peut pourtant craindre qu'elle ne conduise à une Europe se réduisant à la déréglementation et au libre-échange. Telle n'est pas l'Europe que nous voulons, ni celle que les citoyens attendent. Après l'échec des négociations budgétaires et l'ouverture déraisonnable des négociations avec la Turquie, nous regrettons qu'il n'y ait sur la table aucun projet, aucune perspective, sauf celle de laisser s'éloigner l'Europe politique. Il reste pourtant tant à faire, à commencer par l'harmonisation fiscale et sociale.

Remettons donc l'Europe en route par un travail sur des sujets concrets. La discussion en cours sur les perspectives budgétaires 2007-2013 seront décisives. Un accord avait été impossible en juin, notamment du fait de l'opposition du gouvernement britannique. Quelle politique la France adoptera-t-elle lors de ces discussions ? Comptez-vous redonner corps à l'Europe politique par des initiatives nouvelles? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères - La programmation budgétaire pour la période 2007-2013 doit être votée par l'Union européenne le plus rapidement possible. Elle revêt une grande importance pour les nouveaux Etats membres, puisqu'elle permettra de financer l'élargissement, mais aussi pour les Quinze : elle financera en effet les politiques communes, et notamment la politique de recherche, la politique agricole commune, les transports et la politique régionale.

Alors que ce budget ne peut être voté qu'à l'unanimité, le Royaume-Uni a refusé le paquet budgétaire lors du Conseil européen du 17 juin.

La France trouve anormal qu'un pays, fût-il le Royaume-Uni, ne prenne pas sa part dans le financement de l'élargissement. La France consacrera quant à elle 11 milliards d'euros supplémentaires pour les nouveaux membres. Nous avons décidé de nous caler sur la position luxembourgeoise, qui permet de financer la PAC, la plus grande politique agricole du monde, mais également la politique de recherche. Le paquet luxembourgeois consacre ainsi 33% de plus à la croissance, de recherche et l'innovation technologique. La France soutiendra donc avec fermeté cette proposition.

DIRECTIVE BOLKESTEIN

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur le Premier ministre, vous sachant amateur d'histoire, je ne doute pas que vous me permettrez de vous rafraîchir la mémoire en citant les propos tenus par le Président de la République le 14 avril dernier au sujet de la directive Bolkestsein : inacceptable en l'état en ce qu'il tendait à tirer le droit social européen vers le bas, le projet devait être entièrement remis à plat et la France pèserait de tout son poids au Conseil européen pour obtenir sa réécriture. Mais qu'en est-il aujourd'hui ? Madame Colonna, avec tout le respect que je dois à une sherpa du Président de la République... (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP, où plusieurs députés tentent de couvrir la voix de l'orateur par des claquements de pupitres)

M. le Président - Monsieur Brard, vous vous adressez à une ministre de la République.

M. Jean-Pierre Brard - ...qu'entendez-vous faire pour éviter que les salariés français ne pâtissent de l'application de la règle du pays d'origine ? Vous adressant à l'instant à notre collègue Bianco, vous avez parlé la langue de bois pour éviter de répondre au fond. Le Gouvernement entend-il réagir enfin au projet de directive ou aller à Canossa ? (Huées sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur de nombreux bancs du groupe socialiste)

M. le Président - La parole est à Mme la ministre Colonna. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes - Merci, Monsieur le député Brard, de vous référer aux propos du Président de la République... (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) et de me permettre de revenir sur la réalité de ce dossier : les discussions au Parlement européen sont en cours, le vote en commission « marché intérieur » a été reporté aux 21 et 22 novembre et le scrutin en séance plénière ne devrait pas intervenir avant la fin de l'année ou le début de la prochaine...

M. Jean-Pierre Brard - A la saint Glinglin !

Plusieurs députés UMP - Goujat !

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes - Les amendements proposés en commission « marché intérieur » convergent avec les positions françaises et nous soutenons les propositions du rapport de Mme Gebardt sur nombre de points nous tenant particulièrement à cœur. En outre, en juillet dernier, la commission « emploi » a adopté un rapport affirmant la primauté du droit social du pays où le service sera fourni. Nous avons exposé nos positions aux députés européens...

Mme Martine David - Tout ça, c'est trop de la balle !

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes - ...et il leur reviendra de se prononcer en conscience, le moment venu. Ce délai doit permettre au Parlement européen et à la Commission européenne de prendre en compte les préoccupations qui se sont légitimement exprimées dans plusieurs Etats membres, de sorte que le nouveau projet de directive corresponde mieux que le précédent aux valeurs sociales de l'Union. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

PROJET EUROPÉEN

M. Jean Leonetti - Le 29 mai dernier, les Français ont rejeté le projet de Constitution européenne...

M. Henri Emmanuelli - Et ils ont bien fait !

M. Jean Leonetti - ...et ceux qui défendaient l'idée selon laquelle le vote « non » déboucherait sur un projet alternatif ont trompé les Français. Force est donc aujourd'hui d'admettre que l'Europe est en panne. Doit-on pour autant renoncer à un projet européen ? Certainement pas ! Doit-on accepter que l'Europe s'élargisse sans s'approfondir ?

M. François Sauvadet - Bien sûr que non !

M. Jean Leonetti - Les Etats membres dont les traditions démocratiques et le degré de développement économique sont analogues aux nôtres ont vocation à former une avant-garde, dont la France pourrait être le guide. Ne doivent-ils pas, dans le cadre de coopérations renforcées, s'attacher à construire une Europe de projets, capable d'agir plus vite et plus loin ? Bien entendu, il n'est pas question de fermer la porte à ceux qui ne remplissent pas ces conditions mais de leur laisser du temps pour nous rejoindre. Monsieur le ministre des affaires étrangères, n'estimez-vous pas qu'il est nécessaire et urgent de bâtir un nouveau projet européen avec les pays pionniers pour ne pas laisser mourir le rêve européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères - Oui, le résultat du référendum du 29 mai montre qu'il existe un fossé croissant entre les Français et le projet européen. Toutefois, le non au référendum ne signifie pas que nos compatriotes rejettent l'idée européenne. Il est temps de préciser ce que l'Europe veut et où elle va. A la vision géopolitique du projet européen, tendant à définir l'Europe comme un espace de valeurs communes, s'ajoute un projet politique, visant à assurer plus de croissance dans une solidarité partagée. Complémentaires, ces deux approches appellent deux méthodes : la vision géopolitique commande de rassembler les pays qui, aux portes de l'Union européenne, partagent ses valeurs - démocratie, droits de l'Homme, paix et stabilité ; le projet politique exige que ceux qui sont prêts à le faire puissent aller plus vite et plus loin dans tous les domaines, de la recherche à l'harmonisation fiscale en passant par la défense. Ce « groupe pionnier », pour reprendre la formule du Président de la République dans son discours au Bundestag de l'an 2000, il convient de le laisser aller de l'avant. Libre à ceux qui veulent - et qui peuvent - le rejoindre de le faire. C'est donc plus de politique intégrée qu'il nous faut pour relever les défis que nous lancent les Etats-Unis, l'Inde et la Chine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

PLAN « DÉFENSE DEUXIÈME CHANCE »

Mme Geneviève Colot - Madame la ministre de la défense, vous venez de lancer le plan défense deuxième chance, destiné aux jeunes en rupture scolaire dont le parcours se termine hélas parfois devant la justice, voire derrière les barreaux d'une prison.

Vous avez voulu les sortir de cette spirale infernale pour leur réapprendre la vie sociale, nos valeurs et le chemin de l'emploi. Ils sont pensionnaires et encadrés par des enseignants volontaires de l'éducation nationale.

Le premier établissement a été ouvert en Seine-et-Marne, deux autres doivent l'être dans ma circonscription de l'Essonne. Pouvez-vous nous donner plus de précisions sur ce programme et sur l'accueil qu'il rencontre chez les jeunes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Ce projet s'adresse aux jeunes de 18 à 21 ans en échec scolaire et social et vise, durant une année renouvelable, à les remettre à niveau, à leur donner une formation scolaire, professionnelle, et à modifier leur comportement. Le 8 juin, le Premier ministre annonçait le projet ; le 26 septembre nous avons accueilli les premiers stagiaires. En moins de quatre mois, nous avons donc créé l'établissement public et un statut des jeunes volontaires, recruté l'encadrement et les stagiaires et établi un programme pédagogique. C'est un exploit, et je remercie les ministres de l'emploi, de l'éducation nationale et de la jeunesse et des sports de leur aide efficace.

Nous allons poursuivre en créant un à deux centres par mois, jusqu'à parvenir à un total de 50, répartis sur tout le territoire. Les prochains centres ouvriront en Saône-et-Loire le 1er novembre, dans l'Essonne et dans l'Aveyron le 1er décembre, ces ouvertures étant subordonnées à la mise à disposition d'infrastructures offrant des conditions d'accueil normal, par le ministère de la défense, d'autres ministères et aussi les collectivités territoriales.

Quant à l'accueil fait par les jeunes, il suffisait de les entendre, il y a quelques jours à Montlhéry, dire leur fierté, leur espoir d'échapper à une vie dégradée et à l'exclusion sociale pour comprendre que ces centres répondent à un vrai besoin. Ces jeunes sont recrutés à partir des journées d'appel de préparation à la défense et parmi les jeunes que nous détections comme en difficulté lors de ces journées, plus de 50% adhèrent immédiatement à ce projet, tandis que les autres demandent à réfléchir mais à pouvoir le suivre.

Il s'agit donc d'un projet qui nous concerne tous et répond à notre réelle responsabilité à l'égard de ces jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

M. Bruno Bourg-Broc - Le Gouvernement a mis en œuvre une réforme courageuse de la Sécurité sociale (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) afin de conforter une protection sociale à laquelle nos citoyens sont légitimement attachés, en préservant ses objectifs majeurs de justice et de solidarité. La Commission des comptes de la Sécurité sociale a analysé les résultats pour 2005. Pour le régime général, les comptes d'ensemble, avec une diminution forte du déficit de l'assurance maladie, restent stationnaires par rapport à 2004. Alors que jusque l'an dernier, le déficit de cette branche pesait sur l'ensemble des comptes, avec la mise en œuvre de la réforme de 2004, c'est elle qui contribue de la façon la plus significative à les stabiliser. La réforme a permis de mettre fin à l'aggravation du déficit ; elle doit maintenant produire tous ses effets en permettant le retour à l'équilibre des comptes. (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire part des conclusions de la Commission des comptes de la Sécurité sociale pour 2005 et de vos objectifs pour parvenir à l'équilibre du régime général en 2006 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités - Faisons preuve de pédagogie : en parlant des comptes de la Sécurité sociale, il faut bien distinguer chacune des branches, maladie, vieillesse, famille et accidents du travail. Leur déficit global est encore de 11,9 milliards, ce qui est beaucoup trop. Nous nous sommes fixé comme objectif de le réduire de 25% à la fin de l'année prochaine, et nous le tiendrons.

L'évolution de la branche maladie nous donne la preuve que quand on réforme, qu'on agit pour mieux gérer le système, cela marche. Sans la réforme, le déficit de l'assurance maladie aurait atteint 16 milliards fin 2005 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) ; il sera en fait de 8,3 milliards, soit moitié moins. C'est du jamais vu, dans aucun pays. Et ces résultats sont possibles parce que les Français, attachés à leur Sécurité sociale, ont accepté de faire des efforts. Les résultats mensuels depuis le début de l'année nous donnent la certitude que le déficit continuera à diminuer pour atteindre 6,1 milliards l'an prochain. Et chaque fois que le déficit diminue, l'avenir de la Sécurité sociale est mieux garanti.

De même, un autre chiffre fait mentir les Cassandre : 31 millions de Français ont choisi leur médecin traitant. Quand nous avons le courage d'engager les réformes, que nous faisons preuve de pédagogie, les Français nous suivent. Et c'est pour cela que nous allons réussir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

POLITIQUE ÉCONOMIQUE DU GOUVERNEMENT

M. Didier Migaud - La France va de plus en plus mal. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Tous les indicateurs économiques et sociaux se sont dégradés depuis juin 2002. La dette publique explose depuis que vous êtes aux responsabilités, (Mêmes mouvements) alors que sous la législature précédente elle avait été réduite ou stabilisée. La France va plus mal, les Français souffrent plus. Les plans sociaux se multiplient, nous ne le savons que trop dans l'Isère. Le nombre de érémistes diminuait sous la précédente législature, il explose depuis juin 2002.

La colère des Français s'est exprimée hier, massivement, Monsieur le Premier ministre. Vos propos ne contribueront malheureusement pas à la réduire. Car si vous dites les écouter, vous ne les entendez pas et ne répondez pas aux préoccupations qu'ils expriment. Vous persistez en effet dans une politique économique et fiscale injuste et inefficace, en complet décalage avec ces préoccupations. Vous légiférez pour le petit nombre, au détriment de la plupart. Ainsi, en 2006 et en 2007, vous allez continuer de diminuer l'impôt sur le revenu et l'ISF, pour quelques milliers de contribuables, alors qu'impôts et charges augmenteront pour le plus grand nombre. Au-delà des différences de style, c'est bien la même politique qui est menée depuis juin 2002. Comptez-vous enfin répondre aux préoccupations des millions de salariés, chômeurs et retraités, et mener une vraie politique au service de l'emploi et du pouvoir d'achat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur - Contrairement à ce que vous dites, notre projet de loi de finances répond aux besoins des Français. Il répond aux quatre grandes exigences fixées par le Premier ministre. La première est de tout faire pour revaloriser le travail : 100% des marges de manœuvre sont consacrées à l'emploi. C'est ainsi que plus de 6 millions de Français verront leur prime pour l'emploi augmentée de plus de 50%. Autre exemple : les allégements de charges progresseront de près de 2 milliards d'euros en contrepartie des augmentations très importantes du SMIC que nous avons décidées.

Deuxième exigence : construire une fiscalité plus juste C'est une réforme où personne ne perd. Tout le monde gagne, à commencer par les plus modestes et les classes moyennes, avec des pourcentages de baisse qui peuvent dépasser 15%. Ce sont 80% de l'effort qui sont concentrés sur eux. Notre objectif est de valoriser l'effort des Français qui travaillent et de faire en sorte que le travail paie plus que l'assistance. Ainsi un salarié au SMIC à mi-temps verra le montant de sa prime pour l'emploi passer de 394 euros à 586 euros en 2006, puis à 744 euros en 2007. C'est l'équivalent d'un treizième mois.

Autre mesure de justice : le bouclier fiscal, qui donne un coup d'arrêt à la dérive confiscatoire de l'impôt. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Cette mesure fondatrice sera le premier article du code général des impôts. Ce sera la pierre angulaire de notre système fiscal : jamais plus un contribuable ne devra payer en impôts plus de 60% de ses revenus. Demandez à l'agriculteur qui fait une mauvaise récolte ou à l'artisan qui connaît une mauvaise année si c'est une mesure injuste ! (Mêmes mouvements) Chacun prendra ses responsabilités. Si nous avons choisi d'inclure dans ce plafond les impôts nationaux et les impôts locaux, c'est que trop souvent nos concitoyens ont le sentiment que les baisses d'impôts faites par notre Gouvernement d'une main sont reprises de l'autre par des exécutifs régionaux. (Mêmes mouvements ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La troisième exigence est de construire une fiscalité plus simple : cinq tranches au lieu de sept, avec des taux plus simples ; l'intégration de l'abattement de 20% dans le barème ; une imposition des revenus fonciers plus simple ; une prime pour l'emploi mensualisée et donc enfin incitative.

Quatrième exigence : la compétitivité. (Mêmes mouvements) Avec cette réforme, la règle est claire : aucune entreprise ne paiera plus de 3,5% de sa valeur ajoutée pour acquitter sa taxe professionnelle. (Mêmes mouvements)

RECHERCHE FRANÇAISE

M. Jean-Pierre Door - Depuis quelques années, Monsieur le Premier ministre, la recherche française nous interpelle. Nos interrogations sur la place de la France dans le monde, sur sa compétitivité et son rayonnement, nous ramènent toujours à la même question : comment redonner un élan dynamique à la recherche française, dont les structures n'ont quasiment pas évolué depuis quelque soixante ans ? Nos scientifiques se sont mobilisés lors des Etats généraux de la recherche fin 2004, et une première esquisse de projet, en janvier dernier, avait suscité de leur part certaines critiques. Depuis lors, le Gouvernement a poursuivi les discussions avec la communauté scientifique. Le débat est renoué, la confiance rétablie. Cet été, Monsieur le Premier ministre, on vous a vu, avec le ministre de la recherche, reprendre la concertation et remettre enfin en route un projet de loi pour la recherche. Aujourd'hui vous annoncez le Pacte pour la recherche. Qu'y a-t-il de nouveau et d'intéressant...

De nombreux députés socialistes - Rien !

M. Jean-Pierre Door - ...dans le projet de loi que vous avez transmis aujourd'hui au Conseil économique et social ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Nous avons aujourd'hui deux motifs de fierté en tant que Français. Le premier nous conduit à rendre hommage à Yves Chauvin, ce grand chercheur français qui, avec deux collègues, vient de recevoir le Prix Nobel de chimie (Applaudissements sur tous les bancs). C'est dire la capacité française !

Notre second motif de fierté, c'est que nous avons enfin sur la table le grand projet pour la recherche que la France attendait depuis plusieurs décennies (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Un projet qui vise l'excellence, et qui porte en lui une conviction : nous préparons l'avenir, nous préparons la croissance, et - Monsieur Migaud - nous défendons l'emploi ! Avec Gilles de Robien et François Goulard, nous nous sommes fixé quatre objectifs. Le premier est de concilier les aspirations de la société française avec l'autonomie des chercheurs : telle sera la mission du Haut conseil de la science et de la technologie, placé auprès du Président de la République. Le deuxième est un objectif d'efficacité : il s'agit de rassembler toutes nos forces, universités, grandes écoles, centres de recherche, entreprises, qui trop souvent dans le passé ont travaillé séparément. Le projet de loi leur donnera les moyens de travailler sur de véritables pôles de recherche et d'enseignement supérieur : nous allons croiser les talents et créer de grands campus. Nous commencerons par l'économie, avec l'Ecole d'économie de Paris, projet confié à Thomas Piketty.

Et puisque sur ces bancs vous réclamez des moyens, en voici : trois milliards pour la recherche sur les trois années 2005, 2006 et 2007 ! Et trois mille chercheurs pour 2006 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

En contrepartie - parce qu'il faut une contrepartie en démocratie, et que nous portons un projet de responsabilité - nous demandons l'évaluation des moyens consacrés à la recherche (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP). C'est dire que ce projet, porté par François Goulard en Conseil des ministres, sera un projet d'ambition et de responsabilité. C'est un vrai pacte de confiance que la France veut nouer avec sa recherche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

GRIPPE AVIAIRE

Mme Bérengère Poletti - Ma question, à laquelle j'associe mon collègue Jean-Pierre Door, s'adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités. Le risque d'une pandémie mondiale de grippe aviaire sont avérés, et ont conduit le Président de la République à demander l'application du principe de précaution. Je sais que depuis de nombreux mois, vous faites preuve de la plus grande vigilance sur cet important problème de santé publique. Ce matin encore, les autorités indonésiennes ont annoncé un nouveau décès, si bien que le dernier bilan s'élève à 66 morts en Asie. Douze pays sont désormais touchés. Selon certains experts, une pandémie pourrait faire de sept à cent millions de morts dans le monde, dont 212 000 en France. Le risque est que le virus animal H5N1, hautement pathogène, ne mute et ne devienne transmissible d'homme à homme. Les experts du comité vétérinaire de l'Union européenne, réunis à Bruxelles le 25 août dernier pour évaluer le risque de pandémie, ont appelé à une vigilance renforcée. Nul ne sait en effet ni quand ni où celle-ci se déclarera, comment elle se développera ni quelle en sera l'intensité, comme l'ont conclu les experts médicaux lors d'un symposium à Malte.

Dans ce contexte, Monsieur le ministre, comment notre pays pourrait-il protéger sa population en cas de pandémie ? Quelles mesures préventives comptez-vous prendre et comment allez-vous organiser la communication de façon à informer sereinement nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président - La Conférence des présidents a décidé hier même la constitution d'une mission d'information parlementaire sur la grippe aviaire. J'ai demandé à chacun des groupes de me faire connaître leurs candidats le plus rapidement possible.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités - Dès lors qu'un risque existe, nous devons nous préparer à y faire face. C'est le principe même de précaution, auquel le Président de la République a encore rappelé son attachement, qui nous l'impose.

Le virus de la grippe aviaire infecte d'abord les volailles et les oiseaux, comme cela a été constaté en Asie du sud-est et en Asie centrale, mais il peut passer de l'animal à l'homme, ce qui pour l'heure n'est arrivé qu'en Asie du sud-est. Le plus grand risque est celui d'une contamination inter-humaine, laquelle ne s'est pour l'instant nulle part avérée. Pour autant, il nous faut dès maintenant anticiper et informer. J'ai expliqué ce matin devant votre commission des affaires sociales où en était le plan de préparation présenté le 9 octobre dernier en Conseil des ministres par Philippe Douste-Blazy et que le Premier ministre nous a demandé d'actualiser d'ici à la fin du mois.

Nous avons décidé d'informer largement, le plus en amont possible, à la fois le grand public et les professionnels de santé, qui seraient en première ligne. Nous devons aussi penser aux mesures de protection, c'est-à-dire disposer de masques en nombre suffisant. Alors que nous en avions déjà commandé cinquante millions, nous avons décidé de nous en procurer cent cinquante millions de plus et d'en fabriquer, le cas échéant, en France même. Nous disposerons de quatorze millions de traitements antiviraux d'ici à la fin de l'année, ce qui nous place en tête de tous les pays de ce point de vue. Enfin, nous avons réservé quarante millions de doses de vaccins. Il faut aller plus loin encore car, comme l'a dit le Président de la République, aucun obstacle financier ne doit entraver notre préparation face au risque. Au-delà de la protection de notre territoire, il nous faut également engager des coopérations internationales pour nous attaquer à la maladie dans les pays d'origine des foyers infectieux.

Notre responsabilité, je l'ai dit, est à la fois d'informer sur le risque et de l'anticiper. Je vous propose que nous le fassions ensemble (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

CRASH AÉRIEN AYANT ENDEUILLÉ LA MARTINIQUE

M. Louis-Joseph Manscour - Ma question, à laquelle s'associe mon collègue Philippe-Edmond Mariette, s'adresse au Premier ministre. Le 16 août dernier au petit matin, la Martinique tout entière s'est réveillée dans la douleur et la tristesse, meurtrie dans sa chair, venant de perdre 152 de ses enfants dans un tragique accident d'avion au Venezuela. Elle se souviendra longtemps de l'émouvante solidarité nationale et internationale manifestée à l'égard des familles et de leurs proches. Je tiens ici à remercier le chef de l'Etat, le ministre de l'outre-mer, le président de notre Assemblée, qui s'est exprimé au nom des députés de tous bords, tant d'outre-mer que de métropole, et au-delà tous ceux, personnalités comme anonymes, qui nous ont témoigné leur soutien et leur compassion dans l'épreuve. Mais, cinquante jours après le drame, les familles n'ont toujours pas pu entamer leur travail de deuil. Seuls trois corps en effet leur ont été remis et de nombreuses questions demeurent sans réponse. Que s'est-il passé le 16 août dernier ? Sont-ce les forces de la nature ou une défaillance humaine qui ont causé ce tragique accident ? Est-ce une panne de carburant comme la rumeur le laisse entendre ? Qu'ont révélé les boîtes noires ? Autant d'interrogations douloureuses que les annonces faites par le ministre de la justice, lors de sa visite en Martinique, n'ont pas levées.

L'exigence est aujourd'hui double pour la Martinique endeuillée. Nous devons vérité et transparence, en particulier aux trente orphelins et aux dizaines de veufs et de veuves laissés par cette catastrophe. Monsieur le Premier ministre, de quels éléments d'information disposez-vous et quelles dispositions juridiques et administratives comptez-vous prendre pour atténuer les craintes et les souffrances de ces familles ? (Applaudissements sur tous les bancs)

M. le Président - Monsieur Manscour, ce n'est pas seulement la Martinique qui a été endeuillée, mais la France tout entière (Applaudissements sur tous les bancs).

M. François Baroin, ministre de l'outre-mer - Monsieur le député, vous avez eu la grande délicatesse de souligner la place tenue par l'Etat aux côtés de la Martinique dans cette tragique épreuve. Je souhaite ici rendre hommage aux familles des victimes qui ont fait preuve d'un courage, d'une solidarité et d'une générosité exemplaires, vertus parmi les plus singulières de la Martinique et de l'outre-mer dans son ensemble. Je rends également hommage aux élus locaux, le président du conseil régional, Alfred Marie-Jeanne, le président du conseil général, Claude Lise, l'ensemble des parlementaires et des maires de l'île, si présents auprès des familles dans ces heures douloureuses.

Vos interrogations sont légitimes. Pourquoi cet avion s'est-il écrasé ? Quand les corps seront-ils rapatriés ? Comment faire pour que plus jamais telle catastrophe ne se reproduise ? Trois procédures sont en cours. La première est judiciaire. Je tiens à cet égard à saluer la pleine et entière coopération des autorités vénézuéliennes, que le contact pris entre le Président Chirac et le Président Chavez a grandement facilitée ; deux magistrats instructeurs ont été dépêchés sur le lieu du crash quelques heures seulement après son annonce. Il leur appartiendra naturellement de dire, le moment venu, ce qu'ils ont constaté, qui permettra de définir les responsabilités, y compris pénales.

La deuxième procédure, relative à l'identification des corps, est sans doute la plus douloureuse, d'autant qu'en Martinique, la période de deuil ne peut véritablement commencer sans les corps. Les travaux sont avancés aux trois quarts - on sait qu'en raison de la violence de l'impact, il a fallu recourir à l'identification par l'ADN - et l'on peut penser que la totalité des corps seront rendus aux familles d'ici un mois, peut-être pour la Toussaint.

Enfin, en ce qui concerne les enquêtes techniques, les différentes autorités font preuve d'une remarquable coopération. Les spécialistes chargés d'examiner l'enregistrement des voix des pilotes et les caractéristiques techniques de l'appareil opèrent sous l'entière responsabilité des autorités vénézuéliennes, mais nos experts sont pleinement associés à leur travail.

Voilà pour ce qui est directement rattaché à ce drame qui nous a tous bouleversés il y a cinquante jours. Par ailleurs, une série de mesures ont été prises sous l'autorité du Premier ministre, relatives à la publication des listes des compagnies autorisées ou interdites, à des compléments d'information sur la validité des compagnies, à des contrôles inopinés et plus fréquents sur les aéronefs ou à l'obligation pour les tours opérateurs d'informer les passagers sur les compagnies qu'ils emprunteront. A l'échelle européenne, un mémorandum sera présenté à la Commission pour que des normes soient établies, qui permettront peut-être de dire un jour, en toute conscience, « plus jamais ça ». (Applaudissements sur tous les bancs)

RÉGULATION DES FLUX MIGRATOIRES EN GUADELOUPE

M. Joël Beaugendre - Depuis plusieurs mois, la population guadeloupéenne réclame la mise en œuvre urgente d'une politique de régulation des flux migratoires des ressortissants de la Caraïbe. Longtemps réguliers, ces flux connaissent aujourd'hui une augmentation importante. L'ampleur du phénomène suscite chez les compatriotes de graves interrogations quant à l'efficacité des dispositifs de contrôle existants, et le congrès des élus guadeloupéens d'avril 2005 a affirmé l'urgente nécessité de trouver des solutions.

Semblant échapper à tout contrôle, l'immigration est perçue en Guadeloupe comme une agression. Elle suscite de nombreuses difficultés, telles que l'explosion du travail clandestin ou le débordement des services publics et sociaux par exemple. L'immigration clandestine est un obstacle à l'insertion sereine des étrangers en situation régulière. Elle conduit à l'exploitation, par des filières criminelles, d'hommes et de femmes qui étaient en quête de bien-être et sont maintenus dans une précarité inacceptable. Elle déstabilise notre économie et a atteint les limites de notre capacité d'accueil et d'intégration des ressortissants étrangers.

La Guadeloupe, terre d'accueil de par sa configuration économique et géographique, n'est paradoxalement pas suffisamment préparée à faire face à des flux migratoires si denses et si complexes. Sa situation économique et sociale ne lui permet pas d'assumer son devoir de solidarité envers les peuples de la Caraïbe. Les Guadeloupéens ne veulent pas remettre en cause les principes d'acquisition de la nationalité française ni sombrer dans le trop sécuritaire, mais simplement trouver des réponses pragmatiques et exceptionnelles à une situation hors normes qui est devenue leur première préoccupation. La proposition de loi dont je suis l'auteur contient certaines réponses. Les récentes propositions du comité interministériel de contrôle de l'immigration pour l'outre-mer ont confirmé l'urgence de relever le défi d'une immigration choisie.

Aujourd'hui, les déclarations d'intention ne suffisent plus : il faut agir. Quelles mesures et quels moyens vont-ils être mis en œuvre ? Quand seront-ils effectifs ? Qu'en est-il du renforcement de la surveillance des côtes de l'archipel ? Ne pensez-vous pas que la régulation des flux migratoires passe aussi par un renforcement de la coopération et des démarches de co-développement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Baroin, ministre de l'outre-mer - La moitié environ des reconduites à la frontière de la France est effectuée outre-mer. En Guadeloupe, entre janvier et août, elles ont augmenté de 33%. A Mayotte, plus de 30% de la population est d'origine clandestine ! Des hommes, des femmes, des enfants y ont perdu la vie. On leur avait dépeint la France comme un eldorado, ils y ont trouvé la mort. Les politiques publiques ont du mal à s'adapter à cette situation de plus en tendue et il est indispensable de réfléchir à une solution, et d'abord d'un point de vue humain.

Les articles 73 et 74 de la Constitution permettent d'adapter les politiques publiques aux spécificités de chacun de nos territoires. C'est ainsi qu'une ordonnance, prise en 2000 sous le gouvernement Jospin, a suspendu le regroupement familial à Mayotte, ou qu'une autre de Mme Guigou, en 1998, a traité de la nationalité à Mayotte sans qu'en aucune façon le pacte républicain en ait été affecté. Reste maintenant à débattre, en toute responsabilité, de nos objectifs. Certains ont répondu vigoureusement, et peut-être un peu rapidement. D'autres, avec courage, ont préféré une démarche de lucidité. Je remercie l'UMP, l'UDF - ce n'est pas assez fréquent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) - et beaucoup de responsables socialistes de nous avoir accompagnés sur cette voie.

Mais maintenant, il faut agir. Je me tourne vers vous, Monsieur le Président Debré, pour solliciter l'envoi d'une mission parlementaire à Mayotte, dont les conclusions nourriront le débat déjà enrichi par les propositions Louis-Carabin et Beaugendre. Nous pourrons ainsi décliner les décisions prises en comité interministériel. Au cours du débat sur la laïcité, j'avais le premier, dans un rapport remis à Jean-Pierre Raffarin, proposé l'instauration d'une loi sur les signes religieux à l'école. Je l'avais fait au nom d'une certaine idée que je me fais du pacte républicain et de notre façon de vivre ensemble. C'est au nom de cette même idée, et non dans le but d'une misérable et coupable drague électorale, que j'ai pris mes responsabilités. D'ici quelques semaines, la représentation nationale aura l'occasion de prendre les siennes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

    La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 15, sous la présidence de M. Warsmann.

PRÉSIDENCE de M. Jean-Luc WARSMANN

vice-président

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation agricole.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche - Le projet de loi d'orientation agricole est le résultat d'un travail approfondi engagé depuis plus d'un an. Mon prédécesseur, Hervé Gaymard, avait organisé une large consultation dans chacune des régions, y compris en outre-mer, ce qui a permis de recueillir les propositions des élus, des responsables des organisations professionnelles et des autres acteurs du monde rural. Le projet a ensuite été élaboré en concertation avec les représentants des professions grâce aux pistes tracées par la Commission nationale d'orientation, qui m'a remis son rapport le 20 décembre 2004.

Le texte apporte des réponses aux préoccupations des exploitants. Mais il s'adresse aussi, naturellement, à l'ensemble de la communauté nationale. C'est pourquoi j'ai voulu le présenter au Conseil économique et social, instance représentant les diverses composantes de la société civile. Depuis le 18 mai dernier, date à laquelle le projet de loi fut adopté par le Conseil des ministres, les discussions se sont poursuivies et ont permis de renforcer significativement le texte, notamment sur les questions de l'emploi et du foncier.

Je salue enfin le travail très constructif des commissions, en particulier celui de la commission des affaires économiques, et l'engagement des rapporteurs, en particulier celui de la commission saisie au fond, M. Antoine Herth. Les propositions formulées par Jacques Le Guen dans son rapport remis au Premier ministre en juin dernier ont permis également d'enrichir le projet. Et je ne doute pas qu'il le sera également au cours de nos débats.

Cette loi d'orientation, le monde agricole l'attend. Pour répondre aux changements de l'environnement international, aux évolutions de la politique agricole commune et aux défis sociaux, les agriculteurs français ont besoin d'un cadre législatif et de perspectives claires. Ils ont besoin d'un statut modernisé favorisant leur capacité à entreprendre ; ils attendent des relations mieux structurées entre la production agricole, sa transformation et sa mise en marché ; ils souhaitent davantage de simplification administrative, de confiance, de reconnaissance pour ce qu'ils apportent à nos concitoyens. L'agriculture, parfois désorientée, a besoin d'orientations.

Mais la loi d'orientation ne répond pas seulement aux attentes du monde agricole. Elle renouvelle le lien profond qui, depuis tant d'années, unit les Français à leur agriculture. Elle reconnaît les nouvelles missions et les nouveaux enjeux de l'activité agricole dans une société moderne.

Nous devons tracer de nouvelles perspectives. C'est notre devoir, parce qu'il existe une exception agricole comme il existe une exception culturelle. Qui douterait d'ailleurs que l'agriculture porte bien plus loin que le monde des exploitants ? Nos espaces, nos paysages, nos aliments façonnent notre identité. « Heureux comme Dieu en France » dit un proverbe allemand. Aux atouts naturels s'ajoute le travail des hommes et des femmes. Le résultat, ce sont nos champs de blé, nos vignes, les vergers, les prairies, les forêts... Que seraient nos arts de la table sans la qualité des produits de notre agriculture ? Que serait notre indépendance sans l'autosuffisance acquise au cours des années de forte croissance ?

Je n'occulte pas les critiques lancées à nos exploitants. Si l'eau vient à manquer du fait de la faible pluviosité, certains regardent vers les agriculteurs... De fait, le modèle de production retenu aux lendemains de la deuxième guerre mondiale a parfois rendu certains équilibres fragiles ; mais nous n'avons plus à souffrir d'un rationnement dont le plus grand nombre de nos concitoyens n'a même plus la mémoire. Alors, certes, il nous faut aujourd'hui équilibrer certains modes de développement. Mais, en quarante ans, l'agriculture française a opéré une mutation sans précédent, sans doute beaucoup plus marquée que dans la plupart des autres secteurs professionnels. Nous avons l'immense atout d'une agriculture qui évolue, innove, s'adapte. Le progrès technique permet pleinement de répondre aux défis d'une agriculture propre. C'est aussi ce contrat entre agriculture et recherche qu'il faut renouveler.

Pour répondre à ce défi, le Président de la République a fixé un cap à Murat, le 21 octobre 2004, « celui d'une agriculture économiquement forte et écologiquement responsable, une agriculture fidèle à ses traditions, confiante dans sa capacité à se moderniser et à se renouveler ».

Ces orientations, nous pouvons les envisager en toute confiance, car l'agriculture et l'industrie alimentaire françaises disposent d'atouts incontestables, que le Premier ministre a rappelés le 13 septembre dernier à Rennes.

Elles constituent un secteur essentiel pour notre pays. Le monde agricole et agroalimentaire, ce sont 2,5 millions d'emplois en France. Il faut les conforter parce qu'ils représentent près d'un actif sur dix. Mais aussi parce qu'ils couvrent l'ensemble du territoire, y compris dans les zones les plus difficiles comme en montagne, et créent de ce fait d'autres activités et d'autres emplois, partout en France. L'agriculture contribue ainsi à la cohésion de notre nation.

Ce secteur est un moteur de notre dynamisme économique. Deuxième secteur industriel en termes de chiffre d'affaires, il génère un excédent commercial de plus de 8 milliards d'euros et constitue à ce titre le deuxième poste de notre balance commerciale.

C'est aussi un secteur stratégique. Les besoins alimentaires vont croissant du fait de l'évolution de la démographie mondiale. Notre pays entend assumer sa responsabilité envers le monde, y compris pour aider au décollage agricole des pays en développement. Deuxième enjeu stratégique, l'autosuffisance alimentaire garantit notre capacité à fixer nos propres normes sanitaires et à contrôler la traçabilité des biens alimentaires. Cette exigence de sécurité constitue un enjeu essentiel pour l'avenir. A cet égard, notre modèle agricole correspond à un choix de société : le produit agricole n'est un pas un produit comme les autres.

C'est enfin un secteur d'avenir. Ainsi, parmi les pôles de compétitivité retenus par le Gouvernement, quinze sont d'origine agricole et agroalimentaire. La nouvelle Agence nationale pour la recherche a retenu en première sélection des projets touchant l'agriculture durable. Et dans le domaine des sciences du vivant, l'Institut national de la recherche agronomique se positionne comme un des établissements de recherche leader dans le monde. La chimie verte et la thérapie génique sont des domaines prometteurs.

L'avenir est aussi dans la diversité des sources d'énergie. Or, l'agriculture, à travers les bioénergies, offre une alternative aux énergies fossiles. Les mesures gouvernementales sur l'incorporation de biocarburants concrétisent déjà cette alternative, mais celle-ci va constituer une orientation de plus en plus marquée du fait du renchérissement et de l'épuisement des énergies fossiles dans le monde.

Au-delà de l'énergie, c'est l'ensemble des usages non alimentaires qui doit être pris en considération, tant les produits agricoles peuvent répondre aux attentes nouvelles des autres secteurs, tels que la chimie, la construction...

Le présent projet de loi marque une nouvelle étape de l'action des pouvoirs publics.

Les lois fondatrices de 1960 accompagnaient la construction communautaire en définissant un cadre stable pour l'exercice de l'activité agricole. Elles ont donné un statut fiscal, social et économique à l'exploitation agricole ; elles ont organisé le statut du fermage et favorisé le progrès technique en agriculture. Elles intervenaient dans une Europe à six en construction, dans une France très rurale en voie d'industrialisation rapide.

Ce projet de loi d'orientation s'inscrit dans la continuité de cette action mais il prend aussi en compte le nouveau contexte international et la réforme de la PAC. Il reconnaît la diversification accrue des formes d'exploitations ainsi que l'émergence d'exigences nouvelles de nos concitoyens vis-à-vis des activités agricoles.

Son ambition est de contribuer à maintenir une agriculture et une industrie alimentaire françaises efficaces et performantes, répondant aux besoins de notre société et concourant à la richesse de notre économie. Agir pour l'agriculture, c'est agir pour la croissance et l'emploi, c'est agir pour l'avenir de notre pays.

Il complète l'action engagée hors de nos frontières. Nous entendons tout d'abord réaffirmer, comme le Président de la République l'a fait de manière solennelle hier auprès de la Commission, le mandat qui lui a été assigné dans le cadre des négociations internationales à l'OMC.

Notre position est claire, fondée sur des lignes rouges à ne franchir en aucun cas : aucune remise en cause par de nouvelles concessions n'est envisageable, le maintien de la préférence européenne est l'enjeu prioritaire et nous ne renoncerons au soutien aux exportations que si les autres pays font de même.

Le découplage représente un effort important. Les marges de manœuvre ainsi dégagées devront être valorisées lors des négociations de l'OMC. Cette réforme de la PAC, issue du double accord de 2002 et de 2003, ne saurait être remise en cause. Le mandat de la Commission le précise explicitement et nous veillerons au strict respect de ce point.

La France a fait, il y a quarante ans, le choix stratégique de la PAC, dont les principes restent d'actualité : création d'un grand marché intérieur, préférence européenne et solidarité financière. Ce choix a entraîné une modernisation remarquable de notre agriculture.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - C'est vrai !

M. le Ministre - Celle-ci doit appuyer son développement non plus sur les avantages d'une politique commune à 6, mais à 25. L'agriculture française bénéficie désormais d'un marché intérieur de plus de 450 millions d'habitants : cela crée une différence lorsque nous allons négocier à l'OMC ! Le retour annuel de la PAC pour notre agriculture s'élève à 10 milliards d'euros. La pérennité de ces financements est assurée jusqu'en 2013, grâce à l'accord obtenu par le Président de la République en 2002.

M. François Sauvadet - Non, elle n'est pas assurée !

M. le Ministre - Si, mais si nous nous divisons, nous aiderons ceux qui veulent remettre en cause cet accord.

Enfin, la PAC est un choix d'avenir pour notre société. Comme l'avait bien compris le général De Gaulle, elle a été le ciment de la construction européenne et a su répondre aux nouvelles attentes de la société. Elle est aujourd'hui en phase avec les préoccupations liées à l'environnement et à la sécurité sanitaire.

Ce cadre est pertinent et nous voulons le consolider. La France défendra le budget résultant de l'accord de 2002, voté par tous les Etats membres, Royaume-Uni compris.

Pour autant, le respect de cet accord ne doit pas nous empêcher d'envisager une stratégie pour l'après 2013. Je présenterai un mémorandum à la Commission dans lequel seront soulignés les enjeux d'une meilleure régulation des marchés, s'appuyant davantage sur la contractualisation, les interprofessions et la péréquation. Cette initiative devrait également conforter notre vision de l'agriculture en gagnant l'adhésion de nos partenaires.

Ce texte accompagne l'effort nécessaire d'adaptation et de modernisation mené par l'agriculture française. Dans un monde évoluant rapidement, nous balisons le chemin pour les exploitants, en particulier pour les plus jeunes, parcours assuré par le double accord européen de 2002 et de 2003.

Ce projet a pour dessein de consolider l'activité agricole, en dépassant le modèle fondé sur l'exploitation familiale à « deux unités de travail homme » pour proposer de nouvelles voies. Il souligne ainsi la multifonctionnalité de l'agriculture et sa contribution à des services non marchands en termes d'occupation des espaces et de préservation de l'environnement. Il prend également en compte les exigences sanitaires et environnementales.

Redonner des marges de manœuvre à l'agriculture pour lui permettre de conserver son efficacité économique est le seul moyen de préserver sa présence sur le territoire et les emplois qu'elle crée. Aussi la loi d'orientation agricole est-elle fondée sur un triple impératif, économique, environnemental et sanitaire.

La défense de notre modèle agricole, de nos industries agroalimentaires et de notre indépendance alimentaire nécessite des entreprises performantes. Les formes d'exploitation se sont diversifiées et font place, souvent lorsque des jeunes s'installent, à des formes sociétaires. Par ailleurs, il est nécessaire d'appréhender l'ensemble des facteurs de production comme une entité capable de dégager un revenu.

Le texte encourage l'organisation d'exploitations autour d'une démarche d'entreprise, en conservant la responsabilité personnelle. Il introduit la cessibilité du bail rural, qui permettra à un agriculteur de transmettre son exploitation en dehors du cadre familial. Cette possibilité supposera naturellement le libre choix des parties et ne se substituera pas au bail rural classique. Le projet de loi crée le fonds agricole, qui permet de distinguer la valeur patrimoniale de la valeur économique de l'exploitation agricole, sans renchérir le coût des cessions. Il ne crée, en effet, aucune valeur nouvelle mais identifie les éléments de la valeur économique qui n'ont pas aujourd'hui de base juridique. A l'initiative de la commission des finances de votre assemblée, il bénéficiera d'une neutralité fiscale.

Pour promouvoir la forme sociétaire, des dispositions permettent aux associés d'EARL de conserver leur statut fiscal de type personnel, en dehors du cadre familial. Le Premier ministre a annoncé à Rennes le 13 septembre la suppression de la cotisation de solidarité pour les associés non exploitants. Celle-ci sera intégrée au projet de loi au moment de son examen.

Je voudrais mentionner ici deux autres dispositions. Le contrôle des structures est simplifié. Nous avons trouvé un équilibre entre les différentes parties, qui permet d'exonérer du contrôle les opérations portant sur les biens de famille et de relever les seuils de celles soumises à ce contrôle. Cela correspond à l'attente manifestée par les jeunes. Par ailleurs, un mécanisme fiscal d'incitation à la transmission progressive est instauré.

Enfin, le projet de loi tend à faciliter les conditions d'exercice de ce métier qui ne connaît ni les 35 heures, ni la RTT, en facilitant, grâce à un crédit d'impôt, le remplacement pour congé des agriculteurs, notamment des éleveurs, dont l'activité nécessite une présence quotidienne.

Nous devons aussi favoriser des marchés efficaces sur lesquels l'équilibre entre les producteurs et l'aval est assuré, afin de préserver les revenus des exploitants. Il s'agit d'une nécessité absolue, alors que les instruments communautaires de régulation viennent d'être profondément modifiés. A l'intérieur de ce cadre, le Gouvernement privilégie le renforcement de l'offre, la gestion des risques et la baisse des charges.

Pour sécuriser les revenus, il convient de renforcer l'organisation des filières. Les missions des interprofessions seront étendues afin qu'elles interviennent dans la promotion de nouveaux débouchés ou dans la gestion des crises. La contractualisation, qui permet une relation plus équilibrée entre l'amont et l'aval, sera encouragée.

Quant à la coopération agricole, elle bénéficiera d'un statut modernisé. Des responsabilités nouvelles seront confiées à un Haut conseil de la coopération et les relations financières avec les adhérents coopérateurs seront améliorées.

Nous devons également développer les outils de gestion des risques climatiques ou conjoncturels. Nous l'avons vécu cet été, et nous le vivons encore. A cette fin, le projet favorise le développement de l'assurance récolte et revalorise les plafonds applicables à la déduction pour investissement et à la dotation pour aléas.

Enfin, il nous faut baisser les charges. Le Premier ministre, après le discours du Président de la République à Murat, a décidé la diminution progressive de la taxe sur le foncier non bâti pour les exploitants agricoles.

M. Christian Paul - Très progressive !

M. le Ministre - Vous n'avez rien fait !

M. Christian Paul - Ça viendra

M. le Ministre - Cette baisse de 20% sera effective dès la loi de finances de 2006 : elle représente 140 millions d'euros, ce qui pour un département comme la Dordogne correspond à une baisse de 8% des charges pour chaque exploitation. Cette baisse sera intégralement compensée par l'Etat, à l'euro près, aux communes dans le même exercice budgétaire.

M. Jean-Louis Dumont - Ça, c'est pour le folklore !

M. le Ministre - Vous le direz aux agriculteurs. Enfin, comme l'a rappelé le Premier ministre, la simplification de l'environnement administratif est une absolue nécessité afin de permettre aux agriculteurs de se concentrer sur leur métier, qui est de produire.

A cette fin, nous créons l'agence unique de paiement des aides du premier pilier, celles du second étant versées par le CNASEA. Le dispositif de développement agricole s'en trouvera modernisé...

M. Jean-Louis Dumont - Et que devient l'organisme de contrôle ?

M. le Ministre - Nous proposons enfin des dispositions spécifiques en faveur de l'emploi.

Autre impératif auquel il ne saurait être question de se soustraire : la sécurité sanitaire des aliments. A ce titre, nous confions l'évaluation du risque lié aux fertilisants et aux produits phytosanitaires à l'AFSSA, dont la réputation de qualité est désormais incontestée et nous tendons à renforcer la lisibilité des signes de qualité en créant un institut de la qualité. Hippocrate affirmait déjà : « l'alimentation sera ta médecine »...

M. Michel Piron - Très juste !

M. le Ministre - Dès lors, comment ne pas répondre à la demande de qualité qu'expriment nos concitoyens ? De même, le souci du respect de l'environnement commande que nous confortions la mutation des modes de production déjà engagée par les professionnels, dans le cadre notamment de la nouvelle PAC. L'agriculture biologique, peut-être moins développée chez nous qu'ailleurs en Europe, sera encouragée, les agriculteurs ayant achevé leur conversion bénéficiant d'un crédit d'impôt. Nous ouvrons également la possibilité de conclure un bail comportant des clauses environnementales dans les territoires où les enjeux liés au respect de l'environnement sont les plus forts.

Sujet de préoccupation de nombre d'entre vous, les bioénergies seront développées, l'agriculture ayant à l'évidence une carte à jouer dans l'utilisation optimisée de la biomasse. Conscient de l'enjeu stratégique qui s'y attache, le Gouvernement en a fait l'un des axes forts du projet de loi d'orientation.

L'article 11 du texte ouvre à la production agricole et forestière la possibilité de participer aux bilans et mécanismes de marché en vue de remplir nos engagements internationaux en matière de lutte contre l'effet de serre.

Favorables à la préservation de l'environnement, ces différentes mesures donnent à l'agriculture de nouveaux débouchés non alimentaires et tendent à lui créer de nouveaux marchés.

Parallèlement, l'agriculture doit miser sur l'innovation et la recherche. A cet effet, le texte habilite le Gouvernement à adapter par ordonnance l'organisation du dispositif génétique français. Naturellement, les éleveurs ont été associés au projet de révision de la loi sur l'élevage de 1966 et je m'engage à ce que nous répondions à leurs attentes. Ambitieuse, la réforme en cours doit adapter notre dispositif au droit communautaire tout en préservant la diversité des ressources génétiques des animaux d'élevage. Il convient de la finaliser sans plus tarder, de sorte que l'ordonnance puisse être publiée dans les jours qui suivront la parution de la présente loi d'orientation.

A la suite de son adoption en Conseil des ministres, ce projet de loi a suscité un large intérêt et un débat. Grâce à vous, nous l'avons sensiblement amélioré. Les modifications envisagées portent notamment sur le foncier et l'emploi et découlent de discussions nourries, avec les organisations syndicales, vos rapporteurs et bon nombre d'entre vous, dans tous les groupes. S'agissant du foncier, les élus locaux que vous êtes connaissent bien les conflits d'usage entre l'agriculture et les autres activités. Puisse le débat parlementaire offrir l'occasion de mieux prendre en compte l'agriculture dans les documents d'urbanisme.

En matière d'emploi, nous sommes en mesure d'étoffer sensiblement le projet initial, l'objectif étant d'alléger le coût du travail, tout en améliorant le pouvoir d'achat des salariés et la sécurité de l'emploi. A cet effet, nous créons le contrat « jeune saisonnier agricole » et nous prenons des mesures d'incitation à la conversion des CDD en CDI. Enfin, des dispositions spécifiques s'appliqueront aux groupements d'employeurs. Au reste, nombre de nos propositions pour l'emploi saisonnier s'inspirent directement du rapport de votre collègue Jacques Le Guen et tendent à mieux prendre en compte l'importance du travail saisonnier dans certaines productions telles que la viticulture ou les fruits et légumes.

Enfin, le président Ollier sera sans doute heureux d'apprendre que je suis tout disposé à enrichir le volet « montagne » de ce texte en me fondant sur les propositions des parlementaires...

M. François Brottes - Excellente nouvelle car cela manquait !

M. Jean-Louis Dumont - Mais n'oubliez pas la plaine ! (Sourires)

M. le Ministre - Vous avez été nombreux, en commission et au-delà, à m'interroger au sujet des ordonnances,...

M. François Sauvadet - Parlons-en !

M. le Ministre - ...que celles-ci concernent le statut du fermage, la réforme de la loi sur l'élevage ou la protection sociale agricole. Soyez sûrs que mon intention n'est pas de priver les parlementaires de la possibilité de débattre sur des enjeux aussi essentiels et que le recours aux ordonnances sera plus limité que nous ne l'avions envisagé au départ...

M. Christian Paul - Heureusement !

M. le Ministre - Les ordonnances, Monsieur Paul, ne visent qu'à adapter notre législation après que vous vous êtes dispensés de le faire en maintenant des dispositifs obsolètes ou en ne respectant pas la frontière entre loi et règlement ! Dans tous les cas où il sera proposé de recourir à une ordonnance, les parlementaires seront destinataires d'un descriptif complet de la mesure envisagée et d'une analyse de sa portée attendue, de sorte que votre information soit la plus complète possible...

M. François Sauvadet - Cela constitue une avancée à laquelle nous sommes sensibles.

M. le Ministre - Le texte qui vous est soumis tend à renforcer la compétitivité de notre agriculture et à l'accompagner dans la recherche de nouveaux débouchés - notamment non alimentaires. Nous entendons soutenir le renouvellement des générations pour maintenir vivante notre tradition agricole, dans le respect du développement durable, des équilibres écologiques et de la solidarité entre territoires. Nous proposons aussi de nouveaux outils pour achever la simplification administrative, conformément aux priorités du Gouvernement en matière de réforme de l'Etat. Pour reprendre la belle formule du Président de la République, nous croyons aux atouts d'une agriculture « économiquement efficace et écologiquement responsable ». Notre agriculture est notre patrimoine commun, et si, pour paraphraser La Fontaine, « un trésor est caché dedans », c'est bien celui que représente le travail de nos exploitants. Attachons-nous ensemble à les accompagner ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Antoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques - Le 18 mai dernier, le Gouvernement a déposé le texte que nous examinons aujourd'hui. A l'invitation du président Ollier, j'ai immédiatement engagé les auditions préparatoires et le texte initial a connu des améliorations que je tiens à saluer. Notre agriculture s'inscrit dans un contexte international et européen de plus en plus concurrentiel. Au sein de l'OMC, les négociations portent sur la disparition progressive des subventions à l'exportation, l'accès au marché des produits sensibles et la protection des indications géographiques. Pour nous, l'enjeu est de consolider notre économie agroalimentaire, et plus encore, d'assurer la qualité et la typicité des aliments qui seront demain dans nos assiettes.

A l'issue de ses réformes successives - Mac Sharry en 1992, accords de Berlin en 1999, accords de Luxembourg en 2003 - l'objectif de la PAC est désormais de rééquilibrer la part des prix du marché et celle des aides dans la formation du revenu agricole et, au sein des aides, entre mesures de soutien au marché et aides directes. On considère désormais que l'exploitant a vocation à être de plus en plus directement confronté aux prix du marché, et que les aides indirectes doivent être remplacées par des aides directes au revenu. Le paiement des aides directes est en outre soumis au respect de bonnes pratiques agro-environnementales - principe d'éco-conditionnalité - dont la promotion a été renforcée par la consécration de la politique de développement rural comme « 2e pilier » de la PAC. Enfin, est introduit un régime de paiement découplé, c'est-à-dire non lié à l'acte de production, de la plupart des aides directes.

La conjoncture économique d'ensemble est difficile. La situation sur le marché des matières premières et en particulier de l'énergie menace l'équilibre économique des activités agricoles consommatrices d'énergie qui ne peuvent répercuter sur leurs prix l'évolution de leurs charges.

Il faut également tenir compte de la concurrence de plus en plus vive par exemple pour la banane, le sucre européen, le secteur vitivinicole. Et des débats, voire des polémiques, quant à l'impact de l'activité agricole sur l'environnement et quant à la qualité sanitaire des aliments, sont en cours. Essayons de les rendre compréhensibles à nos concitoyens. C'est ce qui justifie une loi d'orientation, autour des enjeux internationaux et de l'évolution de la PAC - la dernière loi d'orientation, en 1999, faisait suite à la création du deuxième pilier de la PAC. Surtout, il convient de mener un débat de société sur la finalité même de l'activité agricole.

Cette loi d'orientation s'inscrit également dans une histoire, après la loi fondatrice de 1960 qui mit en avant l'exploitation familiale, et la loi de 1999. Il faut aller plus loin, sans renier le passé, fixer le cap, mais aussi définir les moyens à mettre en œuvre. Au-delà de la vision, cette loi porte donc également sur l'application.

D'abord, il convient de renforcer la compétitivité de l'agriculture. C'est l'objet des articles 14 et 15 sur l'organisation économique des producteurs et les interprofessions, des articles 16 et 17 qui renforcent la coopération, de l'article 18 qui développe l'assurance contre les dommages, de l'article 20 qui améliore la capacité d'autofinancement et renforce l'assurance récoltes. L'enjeu n'est pas seulement agricole, c'est toute l'activité agroalimentaire qu'il nous faut soutenir.

Il faut ensuite rénover le statut des exploitants et passer d'une approche patrimoniale à une démarche d'entreprise. Ainsi, l'article 1er institue le fonds agricole, l'article 2 crée un bail cessible de fermage, l'article 4 favorise les formes sociétaires et l'article 6 améliore la transmission des exploitations.

Suite aux débats en commission, je me propose de demander la réserve des articles 3, 4, 5 et 6, afin d'examiner ensemble les deux premiers articles et les articles additionnels après l'article 6, c'est-à-dire les réponses apportées par Marc le Fur et la commission des finances à nombre de nos questions. Ce que nous voulons, c'est donner aux entreprises agricoles familiales les mêmes atouts qu'aux PME en milieu rural.

Il s'agit enfin d'inscrire pleinement l'agriculture dans une perspective de développement durable. Ce sont les articles 32 et 33 qui préservent mieux la ressource foncière, notamment dans les DOM, l'article 24 en faveur de l'agriculture biologique, l'article 25 qui introduit des clauses environnementales dans les baux, et l'article 21 qui permet de mieux évaluer les risques phytosanitaires. En commission, nous nous interrogions sur l'absence de référence aux OGM ; le ministre nous a indiqué qu'un projet de loi distinct sera consacré à ce sujet. La loi de 1999 reconnaissait le lien entre agriculture et environnement en introduisant le concept de multifonctionnalité ; il faut maintenant valoriser les activités agricoles dans ce domaine, par exemple en ce qui concerne la lutte contre l'effet de serre dans le cadre du protocole de Kyoto. Ainsi, l'article 12 autorise l'utilisation des huiles végétales pures comme carburant agricole et l'article 13 favorise la valorisation des produits forestiers par l'ONF.

La commission des affaires économiques a beaucoup travaillé, et ses discussions de l'été ont porté leurs fruits. A preuve les avancées obtenues, comme la réintégration dans le texte de mesures prévues par ordonnance, dont nous remercions le Gouvernement.

Elle a adopté des amendements pour enrichir le texte. S'agissant d'abord des nouveaux débouchés pour les produits agricoles, notamment les biocarburants, elle a donné forme législative aux perspectives annoncées par le Premier ministre dans son discours de Rennes. Elle a demandé des précisions techniques permettant d'avancer sur l'incorporation de l'éthanol. Un amendement prévoit une obligation d'étiquetage à la pompe pour sensibiliser le public à la présence de biocarburants, un autre améliore l'information des utilisateurs sur l'utilisation des huiles végétales pures comme carburant. Nous en débattrons, la commission des finances ayant aussi abordé ce thème.

S'agissant de l'environnement et de la sécurité sanitaire, la commission a adopté des amendements favorisant la création de zones agricoles protégées. Elle a adopté un amendement du groupe socialiste imposant un étiquetage en français sur les produits phytosanitaires et demandé une information plus claire et régulière sur l'impact de ces produits. Enfin, elle a adopté un amendement introduisant la transparence sur le crédit d'impôt « bio » prévu pour les groupements agricoles d'exploitation en commun.

S'agissant de la promotion de l'emploi agricole, je rends hommage au rapport de Jacques Le Guen qui a permis d'enrichir ce texte, peut-être un peu faible sur ce point. La commission a adopté des amendements portant création d'un contrat emploi-formation agricole, l'incitation à l'embauche dans les groupements d'employeurs, et la création d'un contrat jeune saisonnier agricole. Elle a suivi Patrick Ollier pour promouvoir la participation et l'intéressement par l'accès des salariés au statut d'associés non coopérateurs.

De façon plus générale, la commission a souhaité établir un cadre juridique favorable au développement des exploitations. Elle a ainsi assoupli les règles de fixation des loyers et précisé les modalités de calcul de l'indemnité due en cas de non renouvellement du bail. Elle a adopté le principe d'une réévaluation de la rente du sol et supprimé par amendement la cotisation de solidarité des associés non exploitants, pour favoriser l'apport de capitaux en agriculture. Elle a également fixé un cadre précis pour la contractualisation au sein des filières.

La commission avait adopté un amendement de suppression de l'article 23, qui prévoyait un recours aux ordonnances. Je remercie le Gouvernement d'avoir déposé un amendement qui réintègre dans le texte les orientations majeures sur les signes de qualité, dont nous pourrons ainsi débattre.

Le monde agricole place beaucoup d'espoirs dans nos travaux ; il en attend de nouvelles perspectives et une juste reconnaissance de la valeur de son travail. Plus encore, il faut replacer l'activité agricole dans le cadre de l'intérêt général du pays et répondre aux préoccupations des Français. A nous d'orienter, d'éclaircir l'avenir. Et je ne résiste pas, après M. le ministre, au plaisir de citer deux vers de l'un de nos illustres prédécesseurs, Victor Hugo, qui, dans un poème intitulé « Éclaircie », disait :

« Le grave laboureur fait ses sillons et règle

La page où s'écrira le poème des blés »...

Il nous revient de tracer les sillons où pourront s'épanouir une agriculture et un secteur agro-industriel en phase avec les attentes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Brigitte Barèges, rapporteur pour avis de la commission des Lois - « Un pays qui ne peut pas se nourrir lui-même n'est pas un grand pays » disait le Général de Gaulle il y a longtemps déjà. C'est pourquoi la sécurité des approvisionnements a été l'objectif fondateur de la politique agricole commune. Cet objectif économique est plus que jamais d'actualité sur le plan stratégique. En effet, sous l'effet de la mondialisation et de la concurrence accrue des pays tiers à l'Union européenne, la situation économique des agriculteurs devient de plus en plus fragile. II est donc légitime que le monde agricole s'interroge sur son avenir. Cette loi d'orientation est une première réponse, non la seule, et présente de nombreuses avancées permettant à l'agriculture française de répondre aux attentes nouvelles de la société. Elle a notamment pour objet de conforter les exploitations agricoles en favorisant leur évolution vers une démarche d'entreprise.

La commission des lois a jugé opportun de se saisir pour avis de six articles de ce projet. C'est tout d'abord l'article 1er, très original, qui crée un fonds agricole comparable au fonds de commerce et au fonds artisanal existants, et qui en autorise le nantissement, c'est-à-dire l'apport d'une garantie supplémentaire à son titulaire. Quant aux articles 2, 3, 5, 25 et 31, ils modifient le statut du fermage, notamment en créant un nouveau type de bail à ferme cessible hors du cadre familial. Cette matière implique une saisie de la commission des lois car elle relève du droit des baux et de la propriété. Tous ces articles ont été quelque peu amendés, en accord d'ailleurs avec le Gouvernement et la commission des affaires économiques.

Pour ce qui est de l'article 1er, la création d'un vrai fonds agricole permettra de dissocier le foncier de l'entreprise agricole. Ce fonds sera un ensemble de droits corporels et incorporels, intégrant la clientèle, les contrats de sous-traitance, les droits à produire, les droits à primes et autres autorisations d'activité agricole, ainsi que les baux ruraux. Afin de conforter le parallèle avec le fonds de commerce et le fonds artisanal, l'article ouvre la possibilité de procéder au nantissement de ce fonds agricole. Celui-ci sera ainsi pour l'exploitant un levier supplémentaire qui démultipliera sa capacité d'emprunt et lui offrira la possibilité de développer son entreprise par un apport substantiel de capitaux garantis par ce nantissement.

Il restera toutefois à bien définir l'assiette susceptible d'être nantie, par rapport à celle de la garantie déjà existante qu'est le warrant agricole. Ce qui impliquera également qu'on précise la façon dont sera coordonnée l'information des prêteurs, car le nantissement sera inscrit au greffe du tribunal de commerce, alors que le warrant le sera au greffe du tribunal d'instance. Le pouvoir réglementaire devra organiser cette double information.

L'article 2 crée un bail cessible hors du cadre familial, disposition ici encore tout à fait originale. Il coexistera avec l'actuel statut du fermage, qui subsiste. C'est un outil juridique supplémentaire et facultatif, qui s'inscrit bien dans la démarche d'entreprise que met en valeur cette loi. L'outil est original en ce qu'il déroge au statut du fermage sur plusieurs points. Tout d'abord il est cessible hors du cadre familial, donc à tout tiers agriculteur, alors que le bail à ferme ordinaire ne peut faire l'objet d'une cession que dans un nombre de cas très limités, à savoir au profit du conjoint ou des descendants du preneur. En outre la durée du bail sera de dix-huit ans au minimum, alors que le bail à ferme classique est de neuf ans renouvelables. C'est là un bon compromis entre la volonté de sécurité du fermier et la liberté accrue du bailleur : celui-ci pourra en effet, et c'est la contrepartie de cette durée plus longue, s'opposer au renouvellement de ce bail sans avoir à fournir de motif. A son tour, cette liberté de ne pas renouveler a pour contrepartie - comme dans le bail commercial - l'obligation pour le bailleur de verser une indemnité au fermier en cas de non renouvellement. La question est ici de savoir - la jurisprudence y répondra, mais nos travaux peuvent la préciser - comment s'articuleront cette indemnité nouvelle et l'indemnité due au preneur sortant, qui existe déjà dans le statut du fermage. La première est en effet accordée sur le fondement d'un préjudice, la seconde l'étant plutôt au titre des améliorations apportées au fonds. J'espère que le présent débat clarifiera ce point.

Par ailleurs, toujours en contrepartie de cette durée plus longue, les parties pourront convenir d'un fermage plus important, majoré dans la limite de 50% des minima et maxima encadrant le prix du fermage déjà existant.

Quelques similitudes avec le fonds de commerce méritent d'être soulignées. Comme en matière de baux commerciaux, il est prévu un paiement au preneur d'une indemnité pour défaut de renouvellement du bail, je l'ai dit. La procédure de cession du bail est également proche dans les deux cas, notamment en ce qui concerne la notification au bailleur du projet de cession du bail. Enfin il sera possible d'obtenir une remise d'argent ou de valeurs lors de la cession du bail, ce qui est comparable au pas de porte qui existe en matière commerciale, ainsi que dans le statut du fermage dans certaines régions.

S'agissant de l'article 3, qui habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures législatives sur le statut du fermage, les critiques formulées ne sont pas pertinentes : les modifications essentielles figurent bien dans les articles dont nous aurons à débattre.

L'article 5 a pour objet principal l'assouplissement des règles relatives aux autorisations d'exploiter, c'est-à-dire ce qui relève de la commission des structures. IL supprime la consultation de la commission départementale d'orientation de l'agriculture ; il relève les seuils de superficie exigeant l'obtention d'une autorisation ; il prévoit une simple déclaration préalable, au lieu d'une autorisation, pour certaines opérations. De plus, il soumet l'autorisation d'exploiter à de nouveaux critères, afin de mettre en conformité le contrôle des structures avec la transformation de l'exploitation agricole. Cet article va dans le bon sens, même si je souhaiterais aller plus loin...

L'article 25 s'inscrit dans la démarche environnementale de cette loi d'orientation. Il permet en effet d'inclure dans un bail des clauses environnementales, sous certaines conditions touchant à la personne du bailleur ou à la situation des parcelles. Un bail comportant de telles clauses ne sera plus soumis aux minima fixés par l'autorité administrative pour les baux à ferme, afin de permettre au preneur d'obtenir, en contrepartie des nouvelles contraintes qui pèseront sur son exploitation, une baisse du prix de son fermage, La diminution du prix du fermage accompagnant l'inclusion de clauses environnementales dans le bail est également justifiée par le fait que le bailleur pourra se prévaloir du non-respect de ces clauses par le preneur pour s'opposer au renouvellement du bail. Le dispositif est donc équilibré.

Enfin l'article 31 et les suivants sont relatifs au statut du fermage dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le texte prend en compte les modifications apportées au statut du fermage en métropole par la présente loi, en étendant à ces collectivités le bail cessible hors du cadre familial ainsi que la possibilité d'inclure des clauses environnementales dans tout bail à ferme.

L'article 31 opère surtout un alignement des règles applicables dans ces collectivités sur celles applicables en métropole en ce qui concerne le droit de préemption du fermier, les conditions de résiliation du bail en vue d'affecter un terrain à la construction ou à une opération d'aménagement, la conduite de l'exploitation par un métayer, le droit de préemption du métayer, et surtout - c'est la mesure phare - la conversion du bail à colonat partiaire en bail à ferme. Il semble que certains héritages culturels et historiques, liés aux séquelles de la colonisation, font que les métayers omettent de demander cette conversion, alors qu'elle est de droit. Le projet de loi devrait ainsi permettre progressivement à ces métayers de devenir des fermiers.

En bref, le projet ne supprime aucun des outils juridiques existants, mais il les complète par la création d'un instrument nouveau facultatif, ouvrant au bailleur une sortie plus facile du bail en contrepartie d'une durée allongée à dix-huit ans et du versement d'une indemnité pour non renouvellement. Cette disposition combine une plus grande souplesse pour le bailleur tout en sécurisant la situation du preneur. Il en est de même par le contrôle des structures qui est assoupli, mais qui mériterait de l'être encore, notamment en ce qui concerne les procédures contentieuses sur l'autorisation d'exploiter en matière de reprise. En effet, lorsque cette autorisation de la commission des structures est attaquée devant le tribunal administratif, le tribunal paritaire des baux ruraux est contraint de surseoir à statuer, ce qui peut paralyser la procédure pendant des années. Ou bien le recours ne devrait pas être suspensif ou bien le tribunal tenu de statuer à bref délai.

En dépit des grandes avancées qu'il comporte, ce texte ne réglera pas à lui seul les difficultés actuelles du monde agricole. Je respecte profondément la profession agricole qui est sans doute celle qui s'est le plus modernisée depuis vingt ans. On s'apprête à lui demander aujourd'hui encore davantage alors qu'elle a déjà consenti des efforts considérables en matière de qualité et de sécurité alimentaire, de traçabilité ou de respect de l'environnement, sans pour autant vendre mieux ses produits - pour des raisons qui, bien sûr, échappent à l'Etat français et dépassent le cadre communautaire. La faiblesse des prix, notamment dans le secteur arboricole que je connais plus particulièrement, s'explique par la concurrence de pays tiers comme la Chine ou le Chili. Face à cette situation, il est urgent que la Commission européenne applique le principe de la préférence communautaire et la clause de sauvegarde, toutes dispositions déjà prévues dans le traité de Rome. Je me félicite sur ce point de la détermination manifestée par le Premier ministre à Rennes et encore tout à l'heure à la tribune par le ministre de l'agriculture. Il est urgent également que l'ensemble des organisations professionnelles et la grande distribution parviennent à s'entendre sur l'application du coefficient multiplicateur, dont nous avons voté le principe en juillet dernier mais qui n'a pu, hélas, être mis en œuvre à ce jour.

La défense de notre agriculture est une cause juste et noble, qui exige la plus grande détermination de la part des responsables politiques et professionnels. Le Parlement, pour sa part, en votant ce texte, témoignera de sa volonté de ne pas abandonner le monde agricole. Celui-ci va mal, il appelle au secours. Sachons l'entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances - Notre agriculture est à la croisée des chemins, entend-on dire. En effet, deux rendez-vous majeurs se profilent. Tout d'abord, celui de Hong-Kong dans quelques semaines où nous saurons s'il a été possible de défendre la préférence communautaire ou si l'agriculture mondiale ne sera plus le fait que des deux fermes Brésil et Argentine, les autres pays se contentant de quelques niches économiques. Le second rendez-vous est celui du 15 octobre, date à laquelle nos agriculteurs recevront les documents à remplir pour bénéficier des dotations de paiement unique, conformément à la réforme de la PAC qui instaure le découplage des aides. Dorénavant, il y aura pour nos agriculteurs d'un côté les aides, de l'autre le marché. Pour être offensifs sur le marché, il leur faut être armés. L'idée de renationalisation de la politique agricole est certes taboue. Il n'empêche que, pour la première fois, un désengagement européen nous impose des responsabilités particulières. A nous d'y faire face.

Le présent texte est-il bien une loi d'orientation agricole ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP ; « Non » sur les bancs du groupe socialiste) Je le pense, sans que ce texte soit toutefois à la hauteur des grandes lois des années 60 (« Hélas ! » sur divers bancs). Nous ferons en sorte qu'il soutienne la comparaison avec la loi de 1980, défendue à l'époque par Pierre Méhaignerie, ou bien encore celle de 1999. L'essentiel n'est pas le titre du texte, mais bien son contenu. Je me félicite, Monsieur le ministre, de l'ouverture d'esprit dont vous avez fait preuve à l'égard des amendements. J'espère qu'elle perdurera tout au long du débat. Je salue le travail de la commission des affaires économiques qui a enrichi le texte, de même que la commission des lois et la commission des finances où j'ai d'ailleurs noté que notre collègue Jean-Louis Dumont partageait nombre de nos propositions. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Louis Dumont - J'assume ma position.

M. le Rapporteur pour avis - La commission des finances s'est plus particulièrement intéressée aux questions fiscales, comme il était naturel. Comment traiter le fonds agricole, qui ne crée pas de richesses mais plutôt les révèle ? Nous avons déposé trois amendements à ce sujet qui tordent le cou à certaines idées préconçues et devraient apaiser les inquiétudes. Je souhaite qu'ils soient adoptés. C'est une question de crédibilité.

La question de la transmission est capitale pour le monde agricole, étant donné la lourdeur des investissements. C'est une bonne idée que d'inciter fiscalement les propriétaires qui vendent leur exploitation à en accepter un paiement progressif, ce qui facilitera les installations. La commission des finances a souhaité que le dispositif bénéficie à tous les exploitants cédant leur exploitation à des jeunes, que ceux-ci soient ou non aidés. Je me félicite que le CNJA, consulté sur ce projet d'amendement, l'approuve.

Autre mesure du plus grand intérêt : l'institution d'un crédit d'impôt pour permettre aux agriculteurs de se faire remplacer dans la limite de deux semaines par an. Qui ne sait que les éleveurs en particulier sont obligés de travailler 365 jours par an, sans jamais profiter de vacances, ni même de dimanches ? Ces contraintes étaient autrefois supportées mais, dans une société où la plupart de nos concitoyens sont aux 35 heures et bénéficient de RTT, la situation particulière des agriculteurs est devenue un scandale.

Aider les agriculteurs, c'est aussi atténuer les conséquences pour eux des aléas climatiques - grêle, pluie, sécheresse... -, mais aussi sanitaires ou bien encore d'une évolution catastrophique des prix. A cet égard, je tiens à saluer le travail de notre collègue Ménard concernant l'assurance récolte. La commission des finances a cherché à améliorer la dotation pour aléas, excellent dispositif fiscalement aidé, mais qui, aujourd'hui, ne fonctionne pas. Je pense que ses propositions seront suivies.

L'ensemble des mesures fiscales proposées dans le texte représente un coût de 70 millions d'euros en année pleine. Avec les amendements de la commission des finances, celui-ci passerait à 100 millions.

Force est en revanche de constater que le texte comporte assez peu d'avancées en matière sociale. Il faudrait réformer l'assiette des cotisations sociales des agriculteurs qui sont mis à contribution à la fois sur leur travail et sur le fruit de leur capital. Nous y avons réfléchi en commission, avec M. de Courson en particulier. La rente du sol est certes déjà déduite de l'assiette mais comme elle est calculée à partir du revenu cadastral, son montant est très limité. Il serait plus judicieux de raisonner à partir du revenu réel de la terre. Il faudra également progresser sur la question des cotisations sociales. Nous avons une image dépassée des salariés agricoles, et je salue à cet égard le travail de notre collègue Le Guen pour la faire évoluer. Des jeunes se tournent désormais vers le salariat agricole, y trouvant des opportunités de carrière avec des salaires qui sont fonction des compétences. J'espère que les amendements qu'il a déposés seront adoptés, de même que celui de notre collègue Merville relatif aux entreprises de travaux agricoles, lesquelles se sentent quelque peu oubliées alors qu'elles constituent un gisement considérable d'emplois. En matière de retraite, des progrès ont été réalisés pour les exploitants ayant accompli une carrière pleine. Mais d'autres restent à faire, pour les femmes et les aides familiaux. Il est anormal que les aides familiaux devenus par la suite salariés ne puissent racheter leurs années passées en tant qu'aide familial qu'à un prix prohibitif. Ils doivent être traités de manière plus égale avec ceux d'entre eux devenus exploitants.

Le monde agricole est lui aussi durement confronté à la hausse du coût de l'énergie. L'article 12, relatif aux biocarburants, est donc intéressant mais il ne va pas assez loin. A côté des biocarburants industriels, l'huile de colza, biocarburant de proximité, si j'ose m'exprimer ainsi, présente un intérêt tout particulier puisqu'elle peut être utilisée dans les chaudières, les groupes électrogènes, nombreux dans les exploitations, mais aussi pour le fonctionnement des tracteurs. Il serait donc dommage de limiter sa production dans les exploitations à leur autoconsommation. Des échanges devraient pouvoir avoir lieu entre agriculteurs.

Nous devons également faire des progrès en matière de méthanisation : c'est une source d'énergie qui est déjà utilisée en Allemagne, aux Pays-Bas ou au Danemark ! Encore faut-il que les prix de rachat par EDF deviennent intéressants, comme ils le sont maintenant pour l'éolien. Les agriculteurs ne demandent qu'à devenir des énergiculteurs : il faut leur en donner les moyens ! La terre agricole n'est pas destinée qu'à l'alimentaire : elle peut produire de l'énergie. Je m'associerai donc à l'amendement de Francis Delattre tendant à obliger, en quelques années, l'ensemble des commerces à remplacer les sacs plastique qui défigurent notre environnement par des sacs biodégradables.

Un autre problème est la charge de la paperasse, qui pèse au quotidien. Des progrès ont déjà été accomplis en matière de droits à paiement unique, et je salue vos collaborateurs, Monsieur le ministre, qui ont beaucoup travaillé sur ce dossier. Pour ce qui est des contraintes environnementales, la règle de l'écoconditionnalité est posée. Respectons-la, avant d'en ajouter d'autres ! Des inquiétudes se manifestent, notamment dans ma région, à propos de contraintes nouvelles concernant les phosphores. Rien ne nous oblige pourtant à les mettre en place !

M. Jean-Louis Dumont - Surtout si l'on n'a pas rempli les précédentes !

M. le Rapporteur pour avis - La règle de l'écoconditionnalité devrait suffire et je compte sur votre bon sens pour qu'il en soit ainsi.

Dans ce que j'appelle la paperasse, il y a aussi les contrôles. Je salue, Monsieur le ministre, votre action dans ce domaine. Vous avez saisi le dossier à bras-le-corps dès votre arrivée et avez imaginé une charte définissant des lignes de conduite. Mais cela ne suffit pas : une charte de bonnes intentions ne sert que tant qu'on a un bon ministre ! Il est préférable de fixer dans la loi des règles élémentaires, simples, qui régiraient les contrôles - comme c'est le cas dans bien d'autres secteurs. Chacun y gagne, contrôleur et contrôlé, et la situation est parfaitement claire.

J'en viens à l'organisation de la profession. L'article 14 suscite bien des débats entre tenants de la liberté et de l'organisation. Je pense qu'il est possible de concilier les deux. A partir du moment où l'on sollicite des soutiens publics, il n'est pas illégitime de demander un minimum d'organisation ! Mais ce qui complique l'exercice, c'est que les formes d'organisation sont très diverses selon les filières, les régions et les produits. Nous nous focalisons aujourd'hui sur la filière bovine, mais il faut faire progresser d'autres secteurs vers l'interprofessionnalité ! J'invite les réticents à considérer l'ensemble des acteurs. La grande distribution n'a pas besoin de s'organiser : ils ne sont que cinq ! Les grandes marques, comme Nestlé, Unilever ou Danone, ont de grands moyens. Mais la masse des producteurs doit absolument pouvoir parler d'une seule voix, en particulier en période de crise. Cela vaut aussi pour l'article 23. Si nous nous organisons, nous pourrons faire de grandes choses. Le Québec, par exemple, qui est très libéral, a néanmoins fixé des prix de référence : pour une base cent, on cotise à 120 et on est soutenu à 80...

Pour finir, cette loi est nécessaire et certains amendements lui donneront du coffre. Mais il est plus difficile de légiférer aujourd'hui que dans les années 1960, où il ne s'agissait que de dupliquer un modèle dominant ! On est passé de deux chaînes de télévision en noir et blanc à des centaines, de toutes les couleurs ! Il faut tenir compte de cette diversité : niches et production de masse, régions présentes sur le marché mondial ou les marchés de proximité, production bio... Chacun doit pouvoir développer ses initiatives. Il y a des défis auxquels nous n'avons pas encore pensé ! L'Inde et la Chine ont généré une forte demande de pétrole. Qui sait s'il ne s'agira pas demain de grain, de viande ou de matière première agricole ? Il y a des opportunités à saisir. La France ne peut pas jouer petit bras. Elle a une responsabilité à assumer. Elle ne peut pas laisser au Brésil et aux Etats-Unis le soin de gérer l'avenir agricole de la planète ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président de la commission - Nous sommes en droit de nous interroger sur la place des agriculteurs dans notre société et dans la nouvelle Europe. C'est même notre devoir. Comment permettre à l'exploitation de devenir une véritable entreprise pour mieux s'intégrer dans des marchés de plus en plus difficiles ? Comment passer du patrimonial à l'entreprenarial ? Comment maîtriser l'évolution vers la production non alimentaire ? Comment s'adapter à la nouvelle PAC ? Oui, l'agriculture est un enjeu stratégique pour la France et il faut tout faire pour éviter le risque d'une coupure entre les Français et leur agriculture. Le temps où chaque famille comprenait des agriculteurs s'éloigne, et il faut faire comprendre aux Français que la nation doit soutenir les exploitants agricoles. Cette loi est nécessaire. Elle répond notamment à l'espoir qui émerge dans la jeunesse agricole quant à la nouvelle organisation du marché. C'est une catégorie de Français entreprenants et courageux, qui ont besoin de sentir que nous voulons les aider à surmonter les difficultés qu'ils connaissent.

Nous entamons donc l'examen d'un texte très attendu, nécessaire et urgent. Cette urgence, la commission non seulement l'approuve, mais la revendique. Elle avait certes été surprise par le grand nombre d'habilitations à légiférer par ordonnances prévues par le projet, mais il s'agit d'une procédure prévue par la Constitution, à laquelle je suis loin d'être hostile. Le recours aux ordonnances est légitime dans deux cas. D'abord, il l'est en situation d'urgence : c'était le cas cet été, pour les mesures en faveur de l'emploi que le Premier ministre voulait appliquer au plus vite. Ensuite, il est légitime lorsque les ordonnances n'ont qu'une portée technique, et pas législative. Or, beaucoup des articles de ce projet de loi sont dans ce cadre, et les ordonnances sont donc tout à fait acceptables. Nous avons cependant estimé que certaines, beaucoup plus larges, devaient faire l'objet d'un débat dans cet hémicycle. Je vous suis reconnaissant, Monsieur le ministre, de l'esprit d'ouverture que vous avez manifesté : il nous a permis d'effectuer un travail parlementaire constructif. La reprise de ces ordonnances par amendement a été faite suffisamment tôt pour que la commission puisse les examiner de façon acceptable.

M. François Sauvadet - N'en faites pas trop !

M. le Président de la commission - Ainsi, les articles 11, relatif aux usages non alimentaires de l'agriculture et de la forêt, 15 sur les comités économiques agricoles, 19 sur les calamités agricoles, 22 sur la sécurité alimentaire et 28 sur la réforme de la loi sur l'élevage ont été réintégrés dans le texte, et je vous en remercie solennellement. Mérite encore débat l'article 23 sur les signes de qualité agricole. Ce sujet est emblématique dans cet hémicycle : comment imaginer qu'il puisse être traité par ordonnance ? Vous avez donc proposé un article ce matin, qui permettra d'ouvrir le débat le moment venu. Je vous en remercie.

Mais le dialogue n'a pas été fructueux que sur la forme, et je remercie notamment Jacques Le Guen pour sa participation aux réflexions de fond. Ce n'est pas si fréquent : l'interaction entre la commission et les services du ministère, qui ont effectué un travail remarquable autour de nos rapporteurs, a permis d'intégrer dans le texte des pans entiers qui ne peuvent que l'enrichir. Nous l'avions déjà fait : des dispositions préconisées par des missions d'information ont été intégrées à des projets de loi dans les domaines de la montagne, par exemple, ou des énergies renouvelables. Dans le même esprit, nous laissons à M. Le Fur et à la commission des finances le soin de traiter de la fiscalité de ces nouvelles sortes d'énergie.

Grâce à des amendements qui ont été adoptés ce matin en commission, nous avons pu enrichir le texte sur deux sujets importants : les biocarburants et la montagne.

En ce qui concerne les premiers, j'ai été heureux d'entendre le Premier ministre tirer les conclusions de la hausse des prix du pétrole : il faut accroître notre effort en ce domaine. Nous considérons cependant que le Gouvernement ne va pas assez loin. Mais ce n'est pas une raison à nos yeux pour accepter des amendements qui risqueraient de poser plus de problèmes qu'ils n'en résoudraient. Nous voulons plutôt voir, avec les pétroliers et les constructeurs automobiles, comment il serait possible de monter une véritable filière, c'est-à-dire non seulement de produire plus de biocarburants mais aussi de les distribuer et de fabriquer des véhicules qui les utilisent. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.

Je regrette, Monsieur le ministre, que le texte soit excessivement prudent sur les huiles végétales pures. Nous avons adopté à ce sujet un amendement qui devrait faire avancer les choses.

En ce qui concerne la montagne, nous pouvions au départ déplorer une certaine faiblesse des propositions. Mais nous avons adopté un amendement traitant de la qualité des produits. Et je pense que le rôle que nous voulons faire jouer aux comités de massif sera également un facteur de progrès.

Avant de conclure, je voudrais dire un mot de cette grande idée, chère au général de Gaulle, qu'est la participation. Je crois que si nous essayons, chaque fois qu'un texte le permet, de la mettre en avant, nous ferons œuvre utile. Il s'agit de faire en sorte que, dans l'entreprise, les hommes deviennent plus des partenaires que des adversaires. Mais ce principe de participation peut être mis en œuvre dans l'agriculture aussi, et la commission des affaires économiques a adopté ce matin un amendement en ce sens.

Nous allons avoir encore l'occasion d'enrichir ensemble ce projet. Je veux d'ores et déjà remercier le ministre pour son écoute et je me félicite de la complicité active qu'il a entretenue avec la majorité. Mais je dois dire que l'opposition s'est elle aussi montrée constructive, même si tous ses amendements n'ont pas été adoptés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Enfin, je salue le travail de M. Herth, de Mme Barèges et de M. Le Fur.

Il n'y a pas de pays sans paysans.

M. Jean-Louis Dumont - Alors ne les tuez pas !

M. le Président de la commission - Je souhaite donc que ce projet donne à tous ceux qui veulent s'engager dans l'activité agricole l'assurance qu'ils peuvent le faire...

Plusieurs députés socialistes - C'est raté !

M. le Président de la commission - Je souhaite que tous ceux qui veulent « rester au pays » trouvent dans cette loi les réponses aux questions qu'ils se posent ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Vous pouvez compter pour cela, Monsieur le ministre, sur le soutien de la majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Gaubert - Rappel au Règlement. Nous engageons le débat dans de bien mauvaises conditions. S'agissant d'une loi qui avait été promise en 2002 et sur laquelle on nous dit qu'il a beaucoup été travaillé, qui a été déposée en mai et que nous avons failli examiner en juin...

M. le Président - Je ne suis pas sûr que vous fassiez un rappel au Règlement et je vous rappelle que notre invité du Conseil économique et social attend...

M. Jean Gaubert - ...nous nous étonnons - et nous irritons - de l'arrivée de ces douze ordonnances et demie !

M. le Président - Ce n'est pas un rappel au Règlement.

M. Jean Gaubert - Sans parler du fait que certains collègues de l'UMP disposeraient du texte de certaines de ces ordonnances mais pas nous ! De plus, on nous annonce aujourd'hui qu'il va y avoir des articles réservés ! Tout cela dépasse ce que nous pouvons accepter. C'est pourquoi je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 18 heures 10, est reprise à 18 heures 20.

M. le Président - Conformément à l'article 69 de la Constitution, le Conseil économique et social a désigné M. Gaël Grosmaire, rapporteur de la section de l'agriculture et de l'alimentation, pour exposer devant l'Assemblée l'avis du Conseil sur le projet de loi d'orientation agricole.

Je vous souhaite la bienvenue, M. Grosmaire. Vous avez la parole.

M. Gaël Grosmaire, rapporteur du Conseil économique et social - C'est avec une certaine émotion que je m'adresse à vous cet après-midi, car le membre du Conseil économique et social que je suis est avant tout un jeune agriculteur soucieux de l'avenir de son métier.

Le Gouvernement a saisi le Conseil économique et social en avril dernier sur l'exposé des motifs de la loi et sur une trentaine de mesures. A titre personnel, je regrette que, de ce fait, la durée des auditions et de la réflexion ait été trop brève : un mois de réflexion pour vingt ans d'agriculture, c'est peu...

Certaines mesures préparent l'avenir - je pense au fonds agricole, au bail cessible, au plan crédit transmission, cependant que d'autres, telles que l'allégement du contrôle des structures ou l'évolution des missions des CDOA, apparaissent incompatibles avec les enjeux exposés dans l'exposé des motifs.

Un député socialiste - C'est vrai !

Afin de développer une agriculture harmonieusement répartie sur le territoire et créatrice d'emploi et de valeur ajoutée, nous devons relever plusieurs défis.

Le premier est celui du renouvellement des générations : plus qu'une simple priorité à afficher, c'est la condition pour qu'il y ait un avenir de notre agriculture. Nous voulons des paysans nombreux sur les territoires pour maintenir la diversité et la pérennité de ce métier. Il faut, pour cela, favoriser fortement la transmission des exploitations, notamment grâce au plan crédit transmission. Il faut ensuite soutenir l'installation sociétaire en permettant à tout associé d'une EARL d'être assujetti au bénéfice agricole. Il faut enfin promouvoir les différentes carrières agricoles et jeter des passerelles entre statuts d'exploitant et de salarié.

Le maintien d'une agriculture de qualité et de proximité passe aussi par l'amélioration des conditions de vie et de travail. L'installation des jeunes et l'exigence de viabilité économique des exploitations sont primordiales. Sortir les sociétés du champ du contrôle des structures est une aberration !

M. Pascal Terrasse - Absolument !

M. le Rapporteur du Conseil économique et social - D'autre part, l'agriculteur doit pouvoir vivre dignement du fruit de son travail, c'est-à-dire de l'acte productif. Il faut, en lien avec la commercialisation et la contractualisation des productions, renforcer l'organisation collective au sein des filières - notamment les organisations de producteurs, à qui l'on devrait même attribuer les aides publiques en priorité. La coopération agricole a un rôle particulier à jouer en ce domaine, car elle favorise l'engagement collectif au service d'un projet économique viable. De même, le transfert de la propriété des productions aux organisations de producteurs, en vue de la commercialisation, permettra de faire évoluer les comportements, préparant l'agriculture de demain.

Afin de dénoncer les abus et de rétablir un certain équilibre dans la répartition de la valeur ajoutée entre les filières, il faut décortiquer les relations entre les différents acteurs.

La création de valeur ajoutée doit être encouragée par la promotion de nouveaux débouchés, par exemple dans le secteur non alimentaire : je pense au chanvre, qui peut entrer dans la composition des tableaux de bord de vos voitures, aux biocarburants, qui permettront la création d'au moins 6 000 emplois, et aux huiles végétales brutes, qui pourraient nourrir les tracteurs d'aujourd'hui comme l'avoine nourrissait ceux de jadis - les chevaux (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste). Il importe aussi de mettre au point des outils d'assurance efficaces qui couvriraient l'ensemble d'une exploitation, seraient accessibles à tous sur tout le territoire et contribueraient à préserver le revenu des agriculteurs. Et la question se pose de savoir s'il ne devrait pas être obligatoire d'y recourir.

Troisième défi : l'adaptation des notions d'exploitation et d'exploitant, pour améliorer les conditions de vie et d'exercice du métier. Le métier d'agriculteur rassemble avant tout des hommes et des femmes, dont il faut améliorer le statut et la qualité de vie afin d'attirer de nouveaux candidats, et pour lesquels il faut moderniser la protection sociale et faciliter l'accès à des jours de remplacement. Montrez-nous, au cours de vos débats, que vous êtes sensibles à ces questions, que vous êtes soucieux de l'agriculture de demain, et que vous souhaitez rendre l'emploi salarié agricole plus attractif !

L'exploitation, qu'elle soit individuelle, sociétaire, familiale ou employeur de main-d'œuvre, doit rester une entité économique pérenne et transmissible. La création du fonds agricole - que le Conseil économique et social soutient ardemment - permettra une meilleure transmission et fera de l'exploitation une véritable unité économique. Elle implique cependant la possibilité de recourir à un bail cessible en dehors du cadre familial et inscrit dans le statut des baux ruraux.

Être agriculteur, c'est aussi vivre dans un milieu rural spécifique, sur un territoire qu'on contribue à aménager ; c'est façonner les paysages, protéger l'environnement et assurer différents services. Une telle multifonctionnalité ne pourra perdurer que si le budget du développement rural est notablement renforcé, et si la France se donne les moyens de le cofinancer.

Pour préserver l'activité et l'installation agricoles, il est essentiel de réguler le foncier. Le bail cessible, initialement conçu comme un outil, ne doit pas conduire à la libéralisation totale de ce foncier et, de ce point de vue, il est regrettable que le nouveau dispositif ne maintienne pas le droit de préemption de la SAFER et la révision des prix par le preneur.

M. Pascal Terrasse - Très bien !

M. le Rapporteur du Conseil économique et social - Le consommateur et le citoyen attendent, quant à eux, plus de traçabilité, de sécurité sanitaire et de qualité alimentaire. La création de l'Institut national de l'origine et de la qualité doit être le gage d'une meilleure lisibilité des engagements des agriculteurs. S'il est nécessaire d'encourager le développement de l'agriculture biologique, il faut avant tout organiser les filières.

Préparer l'agriculture de demain, c'est aussi mener une véritable politique de recherche fondamentale et appliquée, car l'agriculture incorpore sans cesse davantage d'intelligence et de technologie. La formation initiale et continue doit tenir compte de cet élément et s'adapter aux nouvelles attentes des exploitants et de la société.

Enfin, il faut engager une réflexion sur l'organisation administrative de l'agriculture. Simplifier ne signifie pas alléger : des précautions sont à prendre quant on procède par thématiques ciblées - contrôle des structures, contrôles vétérinaires, installation des jeunes... - car nous avons tout à perdre à un allégement des outils de régulation. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste) Quant à la simplification des institutions agricoles, elle doit se faire en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, notamment les salariés.

Mesdames et messieurs les députés, vous avez pu constater que le Conseil économique et social a fait le choix ambitieux des hommes plutôt que des hectares, des outils de régulation plutôt que de la libéralisation. (Mêmes mouvements) Alors qu'à votre tour, vous vous préparez à faire des choix, les agriculteurs vous regardent. Doivent-ils envisager leur reconversion, ou peuvent-ils espérer poursuivre l'exercice de leur noble métier ?

Le Conseil économique et social est unanime sur un point : ce projet de loi manque d'ambition. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Une loi d'orientation agricole a vocation à devenir un fer de lance pour la promotion d'un nouveau type d'agriculture, et inscrire dans le marbre de la loi la direction à suivre engage tant les élus que l'ensemble des pouvoirs publics. Ce texte doit être porteur d'optimisme et balayer la morosité ambiante. S'il ne devait en être tiré qu'un seul enseignement, ce serait une invitation à s'engager dans l'agriculture, car celle-ci demeure, malgré toutes les difficultés, l'un des plus beaux secteurs d'activité. (« Très bien ! » sur divers bancs)

Mesdames et messieurs les députés, vous tenez entre vos mains l'avenir de centaines de milliers de femmes et d'hommes : pensez-y tout au long de vos débats ! Je vous souhaite un bon travail et je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. le Président - Monsieur le rapporteur du Conseil économique et social, l'Assemblée vous remercie.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Christian Paul - Vous avez souhaité, Monsieur le ministre, un débat très direct et nous allons nous attacher à vous satisfaire, tout en veillant à ce que le joug de l'urgence ne conduise pas à bâcler l'examen d'un texte qui suscite une déception à la mesure des attentes créées. Si l'espoir était grand, c'est que les promesses étaient alléchantes. Le choc de la déception n'en est que plus fort dans des campagnes partagées entre malaise et combativité. J'ai relu le discours de Murat du Président de la République, en octobre 2004, auquel plusieurs ont fait référence. Fidèle à lui-même, M. Chirac ne fut ce jour-là avare ni de compliments ni de promesses ; las, tels la cigale de la fable, nos paysans se trouvent aujourd'hui bien dépourvus... Nous verrons bien ce qu'il reste dans la loi des engagements pris il y a un an mais prenons garde à ne pas creuser encore le décalage entre les discours et les actes.

Nos campagnes bruissent d'un formidable malaise dont chacun connaît les causes : incertitudes sur l'avenir des politiques européennes, dureté des relations avec la grande distribution, interrogations identitaires liées aux soutiens publics - encore accentuées par le découplage -, coupure avec une partie de la société française. Pourtant, l'envie de combattre pour survivre est intacte : les paysans français ont démontré leur capacité à s'adapter. Cependant, l'attente à l'égard du politique demeure très forte et notre responsabilité collective est de ne pas décevoir. Et je doute, Monsieur le ministre, que l'on réduise de 8% l'ensemble des charges en diminuant de 20% seulement la taxe sur le foncier non bâti...

M. le Ministre - Ce chiffre ne valait que pour la Dordogne, que j'ai citée à titre d'exemple.

M. Christian Paul - Le groupe socialiste s'est livré à une étude très approfondie de ce texte et défendra de nombreux amendements pour tenter de l'améliorer. Encore faut-il que le Parlement puisse jouer son rôle et que le recours aux ordonnances ne devienne pas la règle quand il doit rester l'exception. Certes, le Gouvernement amorce une marche arrière et semble disposé à renoncer finalement à plus de la moitié des ordonnances initialement prévues, mais ce n'est que le début de la repentance ! Et encore faut-il indiquer que la plupart des amendements gouvernementaux destinés à se substituer aux ordonnances nous demeurent inconnus et que le rapporteur a demandé la réserve sur nombre d'articles, sans doute à la demande du groupe auquel il appartient... Manifestement, la confusion s'installe...

M. le Ministre - Seulement dans votre esprit, Monsieur le député ! (Sourires)

M. Christian Paul - Bien au-delà, malheureusement et vous seriez bien inspiré de renoncer à l'urgence...

M. Jean Dionis du Séjour - En effet !

M. le Rapporteur pour avis - Ce sont les agriculteurs qui en pâtiraient car le volet fiscal du texte ne serait plus applicable dès 2006 !

M. Christian Paul - Qu'il s'agisse de la loi Pisani de 1962 ou de la loi Le Pensec-Glavany de 1999, les textes d'orientation agricole ont joué un rôle déterminant en fondant des politiques publiques ambitieuses et en traduisant un pacte de modernisation de l'agriculture française. Aujourd'hui encore, la France a besoin d'une vision, de volontés clairement affirmées et d'un contrat. Après avoir longtemps tergiversé sur le statut de ce texte - loi de modernisation, loi portant DDOA... -, le Gouvernement a finalement fixé la barre très - trop ? - haut en nous soumettant une loi d'orientation. De prime abord, ce texte ne fixe aucune orientation digne de ce nom ; en réalité, il exprime avec cohérence - et sans état d'âme - le logiciel gouvernemental de « libéralisme durable ».

Monsieur le ministre, autant vous le dire tout net : nous n'acceptons pas le modèle agricole que vous proposez. Certes, vous êtes en charge des agricultures françaises où coexistent de multiples modèles. 80 000 exploitants réalisent 80% de la production nationale cependant que 400 000 survivent. Laissée pour moribonde, l'agriculture des terroirs a cependant su s'adapter pour répondre à l'attente de qualité des consommateurs...

M. le Rapporteur - Le texte la soutient !

M. Christian Paul - Et croyez bien que nous ne sommes pas fermés à la conception consistant à considérer les exploitants comme des entrepreneurs, même si l'agriculture ne peut être réduite à sa stricte dimension commerciale. Mais les questions qui doivent nous tarauder sont les suivantes : quelle agriculture voulons-nous défendre ? Combien d'agriculteurs notre pays comptera-t-il demain ? Malheureusement, s'il est plusieurs agricultures, vous ne répondez aux attentes d'aucune et vous entretenez une unité de façade là où seraient indispensables des politiques différenciées. Pis, vous privilégiez un modèle au détriment de tous les autres et c'est en cela que votre texte marque une funeste rupture. Texte « ultra light » ou loi rustine, votre pseudo LOA ne peut satisfaire personne. On annonçait la suppression de la taxe sur le foncier non bâti : la voilà simplement réduite de 20% ; on déplore le nombre d'heures travaillées : l'accès au service de remplacement est mis en place de façon très restrictive ; on vante l'agriculture biologique mais le soutien proposé est gravement insuffisant...

M. François Sauvadet - Allons !

M. le Rapporteur pour avis - Parlez-nous de votre bilan !

M. Christian Paul - Précisément ! A la différence de la loi d'orientation de 1999, la vôtre évacue les questions essentielles et promeut le pire des scénarii. L'adopter priverait la France de sa dernière chance de construire une ruralité moderne. Nous dénonçons plusieurs renoncements majeurs. D'abord, le renouvellement des générations devient impossible. Ce n'est pourtant pas un mythe et je défends pour ma part l'idée qu'un équilibre doit être recherché avant que ne soit atteinte la barre fatidique des 100 000 exploitants, les dommages devenant alors irréversibles. Soyons conscients du fait que la question cruciale de l'installation des jeunes agriculteurs ne se résume pas en quelques statistiques ! La LOA eût dû prendre ce problème à bras-le-corps en renouvelant des moyens d'intervention dont l'échec est patent. Nous aurions applaudi des décisions courageuses : une réforme des SAFER, un portage public, avec les collectivités locales, du foncier ou des bâtiments d'exploitation... A cet effet, le groupe socialiste défendra un amendement tendant à subordonner le maintien des aides européennes et des droits à paiement unique au strict respect de la priorité à l'installation, telle que doivent l'exprimer les CDOA. Nous demandons que les droits à paiement unique soient reversés à la réserve départementale en vue de favoriser l'installation. Alors, Monsieur le ministre, chiche ? Bien sûr, ce serait aller contre des intérêts puissants : ceux-là même qui plaident pour l'installation le matin et pour l'agrandissement le soir ! Pourtant, l'agrandissement excessif des exploitations n'est-il pas la plaie de nos campagnes en dévitalisant les villages et en ruinant les paysages ? Mais vous vous contentez d'une mesure gadget en créant un crédit d'impôt dérisoire.

Pis, vous proposez des contre-mesures, foncièrement défavorables à l'installation. Vous renchérissez le prix des terres : les droits à paiement unique sont spéculatifs et le fonds agricole va accroître le prix des reprises. ( « Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) L'entrée dans l'agriculture sera interdite aux jeunes, y compris dans un cadre familial. En outre, vous affaiblissez le contrôle des structures, même si vous ne parlez que d'allégement. C'est un signal négatif pour les directions départementales de l'agriculture. A quoi bon se battre sur place pour faire respecter des critères de priorité si le ministre dessine une autre voie ? Certes, les commissions départementales d'orientation agricole ne font pas de miracle, elles sont souvent timorées. Mais nous y avions introduit pluralisme et transparence. Il fallait les réformer sans doute, mais non affaiblir toute forme de régulation.

La multifonctionnalité de l'agriculture devient subsidiaire.

M. le Rapporteur - Pas du tout !

M. Christian Paul - Il fallait réconcilier la production, jugée noble par les agriculteurs, et les services rendus à la collectivité.

M. le Rapporteur - C'est ce que nous avons fait.

M. Christian Paul - Cette nouvelle économie rurale n'est pas dans vos préoccupations. Elle a pourtant place à côté d'une agriculture productiviste, pour entretenir les espaces sensibles et les paysages. Vous avez tiré un trait sur la multifonctionnalité de l'agriculture française. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur - C'est faux !

M. Christian Paul - Autre renoncement, vous abandonnez le contrat, comme pacte social qui lie la France à son agriculture et comme fondement des soutiens publics. La PAC de 2003 a instauré des soutiens liés à l'écoconditionnalité et au découplage sans instituer un contrat clair rémunérant les services non marchands. La grande faute du gouvernement Raffarin fut d'abandonner le contrat territorial d'exploitation.

M. le Ministre - Au contraire !

M. le Président de la commission - Heureusement que nous l'avons fait !

M. Christian Paul - Et aujourd'hui, cette faute, on la regrette...

M. Yves Coussain - Pour des raisons financières.

M. Christian Paul - Pas seulement, mais parce qu'avec toutes ses imperfections, ce contrat instaurait une politique de rémunération publique défendable devant l'opinion et en Europe. Depuis 2002 il était abandonné, la loi d'orientation l'enterre définitivement.

Au fond, cette loi est une simple loi d'accompagnement. Or, faire une politique agricole, c'est s'adapter, comme les agriculteurs ont su le faire, c'est proposer, comme nous l'avons fait avec le CTE, c'est résister, à chaque rendez-vous de l'OMC. Vous vous résignez à la libéralisation sans limite des échanges commerciaux, qui justifie tous les déséquilibres et toutes les injustices.

Cette loi banalise l'agriculture. Introduire la parité avec les autres activités, ce n'est pas gommer les différences. En faisant des produits agricoles des marchandises comme les autres, de l'agriculteur un producteur anonyme, vous succombez à l'illusion du marché. Cette loi sera aussi un instrument d'une agriculture financière, où celui qui apportera des capitaux jouera un plus grand rôle que l'agriculteur.

Qu'on n'en sous-estime pas les conséquences. Une agriculture encore familiale et solidaire sera demain financière et solitaire. Tout converge vers la réduction progressive des soutiens publics, et vous la préparez. On le verra dans le budget de la PAC comme dans le budget français. Nos agriculteurs paieront l'addition des accords passés il y a trois ans, et après 2013, c'est l'inconnu. Plusieurs rapporteurs de l'UMP ont officialisé ce désengagement. Plus encore, c'est la fin du monde agricole comme groupe professionnel spécifique qui se dessine, la fin de ce monde ayant institué avec la République une relation qui, malgré des abus, avait permis de conserver les équilibres de nos campagnes. En banalisant l'agriculture, vous marginalisez un peu plus les paysans.

Et la Constitution ? Si ce texte est peu recevable, c'est que vous abusez des ordonnances, vous disposez de l'urgence.

M. le Président de la commission - Ça alors !

M. Christian Paul - Une loi d'orientation doit rechercher l'intérêt général. Vous répondez aux attentes d'une minorité d'agriculteurs, en tentant, en vain, d'acheter les faveurs du plus grand nombre. Quant au principe du développement durable, il inspire bien peu ce texte. Nous sommes bien loin de l'euphorie qui présidait à l'inscription de la charte de l'environnement dans la Constitution. « La planète brûle », déclarait le Président de la République dans un sommet international. Pour les agriculteurs français, c'est le prix des terres qui flambe, et toute une génération, actuellement dans nos lycées agricoles, qui risque de rester sur le bord du chemin.

Le rappel des événements depuis 2002 est dévastateur.

M. François Sauvadet - Remontez plus loin !

M. Christian Paul - Après l'accord budgétaire accepté par le Président de la République, la PAC de 2003, l'élargissement mal maîtrisé à dix nouveaux pays, les budgets agricoles sacrifiés depuis 2003, voici cette loi d'orientation. C'est une Saint-Barthélemy pour l'agriculture française ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP) Nous n'en serons ni les spectateurs silencieux ni les complices inertes. Nous serons combatifs, vigilants, nous ferons des propositions. C'est pourquoi je vous invite à voter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Ministre - Je répondrai à M. Paul, ou plutôt au groupe socialiste, encore que, Monsieur Paul étant fabiusien, on ne sait plus dans quelle mesure le discours y est le même (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Sur la forme, M. Grosmaire, qui est vice-président des jeunes agriculteurs, a rappelé, dans son excellent exposé, que le Conseil économique et social a donné un avis favorable sur ce texte - qui a été modifié ensuite, grâce au travail de la commission et aussi du Conseil, grâce au rapport de M. Boisson sur le foncier. Un seul amendement du Gouvernement n'a pas été soumis à temps à la commission : vous ne pouvez donc prétendre que vous découvrez les amendements. Et le Président de la commission m'ayant fait savoir, au nom de sa commission tout entière, qu'il considérait que le texte comprenait trop d'ordonnances, nous en avons réduit le nombre de 12 à 4, ce qui prouve notre respect du Parlement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Celui-ci sera consulté sur leur contenu.

Quant à l'urgence, le changement de gouvernement en mai a entraîné celui de l'ordre du jour du Parlement. Nous souhaitions que ce texte soit débattu avant la fin de la session en juin, cela n'a pas pu être le cas. Nous avons donc demandé l'urgence pour pouvoir appliquer les dispositions dès le 1er janvier 2006. Cela n'empêche en rien une discussion de fond, et c'est l'intérêt des agriculteurs, du point de vue fiscal.

Sur le fond, je pense que les parlementaires de la majorité ici présents ont bien noté la différence politique entre la vison de l'agriculture qu'a le Parti socialiste et la nôtre. Nous sommes en effet pour une agriculture qui repose sur des entreprises familiales se transformant de plus en plus en entreprises du système économique classique...

MM. André Chassaigne et Pierre Goldberg - C'est un aveu !

M. le Ministre - Ce n'est pas un aveu, c'est la réalité de l'évolution de notre agriculture. Et vous, vous êtes dans la grade tradition socialiste et communiste de l'économie administrée. Ce que vous avez fait pendant cinq ans, avec les CTE et le reste de votre politique, combattue par toutes les organisations agricoles majoritaires, c'était une économie agricole administrée. Nous, nous sommes pour une économie agricole de liberté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) C'est ce qui distingue ce texte du vôtre. C'est pourquoi, je le souhaite, la majorité va maintenant voter contre votre exception d'irrecevabilité.

J'ajoute enfin qu'à aucun moment vous n'avez soulevé un seul motif constitutionnel d'irrecevabilité ; c'est une raison supplémentaire de voter contre cette exception. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

M. Michel Raison - Comme M. le ministre, je me suis demandé si l'immobilisme pouvait être un motif d'irrecevabilité. La réponse est évidemment non ; en revanche, entendre prêcher l'immobilisme par le parti le plus conservateur de notre pays ne m'a pas étonné (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). On fait le constat de ce qui ne va pas ; puis, comme nous y a habitués M. Jospin, on pourrait peut-être, au lieu d'une loi d'orientation, faire un rapport, mais surtout ne rien toucher, pour ne pas faire de mécontents...

En effet, quand on réoriente l'agriculture par une vraie loi d'orientation, on ne fait pas que des heureux. C'est l'effet inévitable des évolutions que l'on constate en Europe et dans le monde. C'est ainsi que la question du renouvellement des générations est cruciale. Les gens du baby boom vont partir en retraite d'ici quelques années : d'ici 2015 nous verrons 250 000 départs. D'autre part notre métier a beaucoup évolué ; on lui demande de plus en plus de technicité, de savoir-faire, de sécurité en tout domaine. On a donc intérêt, pour renouveler les générations, à avoir des agriculteurs très formés ; placer le minimum au niveau 4 est certainement insuffisant. Pourquoi ne pas faire venir des ingénieurs ? Mais comment les faire venir ? Comment donner le goût du métier à de nouveaux agriculteurs ?

Car deux thèses s'affrontent sur le renouvellement des générations : la thèse du barbelé et celle de l'oxygène. La première consiste, lorsque l'agriculteur est installé, à lui expliquer qu'à vie - même s'il peut espérer, s'il est gentil, qu'un jour on lui redonnera 10 000 litres de lait - il n'aura pas le doit de monter en grade et devra rester tel qu'il est. Nous défendons au contraire la thèse du projet de carrière, pour donner le goût de devenir agriculteur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Pour que la nouvelle exploitation familiale, qui devient une entreprise familiale, puisse survivre, créer du revenu et des emplois, il lui faut de l'oxygène. Beaucoup de mesures de votre projet, Monsieur le ministre, en apportent.

Notons-le bien : nous ne sommes tout de même pas dans l'industrie, et ce n'est pas parce qu'on s'oriente vers une entreprise familiale qu'on va remettre en cause tous les types d'agriculture. Où avez-vous vu dans la loi que nous revenions sur la multifonctionnalité de l'agriculture ? Cela n'y figure pas. Pas davantage nous ne revenons sur la vente à la ferme, etc.

On critique - c'est rituel - l'absence de vrai débat. Pourtant j'ai rarement vu un ministre autant à l'écoute des organisations agricoles. Ce type de projet de loi a d'ailleurs coutume de susciter chez elles un tollé ; mais cette fois le ministre a tant travaillé en amont que les choses se passent plutôt bien. Il faut aussi féliciter le rapporteur, qui depuis des mois entend tous les acteurs du monde agricole, du producteur à l'agroalimentaire.

Un mot enfin sur les ordonnances. Tout d'abord il faudrait éviter d'en parler dans une exception d'irrecevabilité, car rien n'est plus constitutionnel que les ordonnances ! C'est si constitutionnel que c'est par une ordonnance que le Général de Gaulle a créé la Sécurité sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Je conclurai d'ailleurs en citant le Général de Gaulle, qui disait : les plus grandes chose qui aient été dites au peuple ont toujours été des choses simples. Or vous avez voulu par cette loi, Monsieur le ministre, redonner un peu de simplicité au métier des agriculteurs. Vous avez ainsi rejoint le camp des gaullistes, Monsieur le ministre ! (Sourires ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Sauvadet - Nous venons d'assister à un exercice traditionnel de détournement de procédure, puisque notre collègue Paul n'a avancé aucun élément propre à établir l'inconstitutionnalité de ce texte. De ce seul fait, le rejet de cette exception d'irrecevabilité s'impose à tout parlementaire soucieux de la rectitude du comportement de notre assemblée. Il s'agissait en fait, Monsieur Paul, d'une expression éminemment politique ; je me situerai donc sur le même terrain.

Vous avez évoqué la grande incertitude que traverse le monde agricole, et la nécessité d'y répondre - pour nous tous : vous ne pouvez vous exonérer de votre responsabilité en la matière, qui est lourde. Je pourrais vous renvoyer à la précédente législature, et même remonter jusqu'en 1992, et aux premiers abandons en matière de plan protéines... Nous sommes devant une situation préoccupante. Dans le présent contexte européen et mondial, nous devons émettre un message clair et marquer par cette loi une orientation nouvelle. Nous devons dire aussi ce que nous voulons, nous la France, vis-à-vis de l'Europe. Et sur ce point, Monsieur Paul, vous qui avez engagé à voter non à la Constitution européenne, vous n'êtes pas pour peu dans le climat d'incertitude qui prévaut aujourd'hui en France et en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et de nombreux bancs du groupe UMP) Où est le plan B dont vous parliez ? De grâce, que chacun assume ses responsabilités. Je respecte l'engagement qui était le vôtre pour le non, mais vous avez pris une lourde responsabilité, et il vous appartiendra comme à nous d'ouvrir une nouvelle espérance dans une Europe politique durablement compromise (Murmures sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Martine Lignières-Cassou - Cela n'a rien à voir avec le débat !

M. François Sauvadet - Et qu'elle le soit au moment même où nous devrions afficher un visage commun dans les négociations de l'OMC, est un sérieux motif d'interrogation sur l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Pascal Terrasse - A entendre ses orateurs, j'ai le sentiment que la majorité, UDF incluse, a de plus en plus de mal à se faire comprendre du monde agricole (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP). Regardez ce qui se passe aujourd'hui dans nos campagnes ; écoutez le monde agricole ; écoutez aussi le représentant du Conseil économique et social ! Il y a aujourd'hui une forme d'autisme chez nos collègues de l'UMP. Ce projet, tel qu'il est, est tout d'abord un texte bâclé, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, parce qu'il est présenté en urgence. Nous aurions souhaité, comme le représentant du Conseil économique et social, que le débat soit fondé sur des revendications, des aménagements, des orientations demandés par le monde paysan d'aujourd'hui. Cela n'a pas été le cas. En second lieu il faut dénoncer le déni de parlementarisme qu'est l'abus des ordonnances, même si vous êtes revenus en partie sur vos intentions à cet égard. Enfin une loi d'orientation agricole devrait comporter une étude d'impact : pour la première fois celle-ci fait défaut. D'après vous, Monsieur le ministre, combien restera-t-il d'agriculteurs dans cinq ans ? Christian Paul a parlé d'une Saint-Barthélemy de l'agriculture. Mais c'est aussi une Saint-Barthélemy des territoires et du monde rural !

Il y a bien ici deux conceptions de l'agriculture. La vôtre est celle d'une agriculture libérale, dans un monde globalisé. Cette conception ne correspond qu'à une petite minorité des exploitants agricoles ; vous avez choisi de privilégier les grandes exploitations (Protestations sur les bancs du groupe UMP) au détriment des exploitations familiales. Quand vous prétendez qu'il y aurait discordance entre le discours des socialistes et ce que dit le monde agricole, permettez-moi de vous répondre en reprenant ce qu'a dit le représentant du Conseil économique et social quant à l'abandon du contrôle des structures. Il a eu raison de s'inquiéter sur ce point, comme sur les SAFER. Y a-t-il là chez nous une logique d'agriculture administrée ? Non pas, mais une politique agricole mesurée, à l'opposé de votre politique libérale.

Nous sommes d'ailleurs très inquiets sur certains points. Pour ce qui est notamment des jeunes agriculteurs, au-delà de votre engagement personnel, Monsieur le ministre, nous ne trouvons rien de sérieux dans ce texte sur l'installation. La réforme sociale, pour sa part, est faite a minima. La mesure sur l'aide au remplacement, loin de ce que vous en dites, est peu de chose - une mesure epsilon... Même chose sur les biocarburants : votre dispositif est étroit et bien en deçà de ce que demande le monde agricole. Enfin, sur la novation relative à l'assurance récoltes, nous sommes attentifs aux propositions que vous allez faire. Mais l'ensemble reste très insuffisant. Le groupe socialiste votera donc l'exception d'irrecevabilité défendue par Christian Paul (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. André Chassaigne - Mon intervention sera brève puisque j'aurai l'occasion de m'exprimer tout à l'heure durant 90 minutes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Nous faisons nôtre l'argumentation de notre collègue Christian Paul, encore étayée par Pascal Terrasse à l'instant, et nous voterons bien sûr l'exception d'irrecevabilité. Je ne peux pour autant résister, à mon tour, après que le ministre l'a lui-même fait, à invoquer notre littérature. En l'écoutant tout à l'heure, j'ai pensé à un personnage de Molière...

Plusieurs députés UMP - Allez-y ! Tartuffe !

M. André Chassaigne - Non, c'est le Misanthrope que je citerai, plus précisément Philinte qui s'exclame : « Ah ! qu'en des termes élégants ces choses-là sont mises ! » Le propos qu'a tenu ici le ministre est en effet beaucoup plus modéré, beaucoup mieux habillé, dirai-je, que celui qu'il avait tenu en commission où il nous avait sans ambages expliqué qu'il fallait abandonner notre modèle agricole au profit d'une agriculture libérale...

M. Jean-Michel Fourgous - N'hésitez pas ! Dites ultra-libérale !

M. André Chassaigne - Pesant habilement ses termes, il nous a dit tout à l'heure qu'il s'agissait seulement d'adapter les exploitations familiales au monde moderne. Mais nous ne sommes pas dupes : vous tentez de masquer vos projets et occultez la réalité. Mais est-on sans doute là passé du Misanthrope à Tartuffe...

Enfin, écoutant notre collègue Raison essayer de convaincre, de manière d'ailleurs désespérée, qu'au final nos agriculteurs s'y retrouveraient, puisqu'il s'agissait seulement d'adaptations, j'ai pensé comme Chrysale dans Les femmes savantes : « On cherche ce qu'il a dit après qu'il a parlé. » (Sourires sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP) Tout cela n'est que la preuve de votre embarras. Je ne doute donc pas que la discussion des amendements nous réserve d'agréables joutes....

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 20.

                      La Directrice du service
                      du compte rendu analytique,

                      Catherine MANCY

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 3e séance du mardi 4 octobre 2005.

Page 7, dans l'intervention de M. Jean LASSALLE, au lieu de « il ne l'est plus qu'à 70 ou 80% », lire « il ne l'est plus qu'à 20 ou 30% » (le reste sans changement).

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

    www.assemblee-nationale.fr


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