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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 3ème jour de séance, 7ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 6 OCTOBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. René DOSIÈRE

vice-président

Sommaire

      RAPPELS AU RÈGLEMENT 2

      LOI D'ORIENTATION AGRICOLE (suite) 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 29

La séance est ouverte à quinze heures.

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. Thierry Mariani - Au risque de paraître un mauvais canard, je voudrais faire un rappel au Règlement, fondé sur l'article 58-1. Depuis l'adoption de la session unique, il était entendu que les travaux parlementaires se dérouleraient toute l'année, mais ils devaient s'arrêter au jeudi. Or, dès la première semaine de session, nous tenons séance le vendredi pour reprendre dès le lundi.

Mme Geneviève Gaillard - Très bien !

M. Thierry Mariani - Nous sommes nombreux à venir de province. Faute de pouvoir prendre un avion le vendredi puisque nous finirons trop tard, nous ne partirons que samedi matin, si bien que nous ne pourrons être que bien peu de temps dans nos circonscriptions. Tout cela n'est guère sérieux ! Ces conditions de travail ne sont pas bonnes. Si un tel rythme de travail nous est imposé dès la première semaine, il ne faudra pas s'étonner qu'il y ait très peu de présents en séance et que nous soyons si peu dans nos circonscriptions.

M. le Président - L'ordre du jour a été fixé en Conférence des présidents. 1 100 amendements ayant été déposés sur le projet de loi d'orientation agricole et compte tenu des contraintes que nous impose le calendrier budgétaire, nos travaux ont dû être organisés de cette manière. J'aurai pour ma part le plaisir de vous retrouver lundi, puisque je présiderai nos deux séances de ce jour.

M. François Brottes - Au nom de mon groupe, je voudrais m'associer aux propos de M. Mariani. Tout cela n'est pas sérieux ! Nous ne pouvons être là tous les jours : ce n'est pas une façon de faire. L'examen de ce texte aurait pu se poursuivre ce matin. Je suis indigné par la façon dont nous sommes traités.

M. le Président - Vos observations seront transmises à la Présidence.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche - Je comprends parfaitement les réactions de MM. Mariani et Brottes. Le Président de la République ayant dû momentanément réduire ses activités, j'ai été chargé de le représenter ce matin, en compagnie de M. Hortefeux, au sommet de l'élevage de Clermont-Ferrand. D'où l'ordre du jour de ce matin.

Pour le reste, j'étais député lors de l'adoption de la session unique et je suis également un élu local. Je peux donc tout a fait comprendre votre mauvaise humeur, même si je ne suis pas sûr que M. Brottes soit réellement indigné, étant donné qu'il comprend les impératifs de travail d'un gouvernement et de sa majorité. Je transmettrai en tout cas votre demande à M. le Premier ministre car j'ai bien compris que vous ne l'exprimez pas pour des raisons personnelles mais au nom du bon travail parlementaire.

M. Thierry Mariani - Monsieur le ministre, chacun comprend votre absence ce matin, telle n'est pas la question. En revanche, je trouve que nos méthodes de travail ne sont pas acceptables. Travailler dès le lundi devrait être une exception. Il y a des arbitrages à faire à l'approche de certaines échéances électorales, et il ne faut pas s'étonner que nous soyons si peu nombreux.

M. le Président - La présidence aura connaissance de vos propos ainsi que des protestations de M. Brottes.

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation agricole.

M. le Président - J'invite chacun des orateurs à respecter strictement les cinq minutes dont il dispose.

M. Yannick Favennec - Le projet de loi d'orientation agricole s'inscrit dans un contexte de difficultés et d'inquiétudes pour les agriculteurs, dont la situation économique est très fragile. Ils souffrent d'une véritable crise d'identité, comme je peux le constater quotidiennement dans ma circonscription du Nord Mayenne.

L'agriculture est de plus en plus internationalisée et ses perspectives dépendent d'évolutions qui dépassent le cadre national et même européen. Le texte qui nous est soumis devrait offrir aux agriculteurs les moyens de s'adapter à ce contexte devenu difficile et incertain.

Je voudrais d'abord saluer la méthode employée, puisqu'une très large consultation a eu lieu dans les régions. Les nombreuses propositions qui en ont résulté mettent en évidence les fortes attentes du monde agricole ; il a besoin de repères et d'un nouvel espoir.

Face aux évolutions internationales, nous devons renforcer la compétitivité de notre agriculture. Sur le plan intérieur, il nous faut proposer des outils économiques et des moyens juridiques ouvrant des perspectives d'avenir aux agriculteurs. Nous accompagnerons ainsi les mutations de l'agriculture française des vingt prochaines années.

Mais si personne ne peut contester la nécessité de faire évoluer le statut des exploitations agricoles vers celui de véritables entreprises - et c'est là un des principaux objets de votre texte, n'oublions pas pour autant la dimension humaine.

Sur ce point, vous souhaitez rapprocher les conditions de travail des agriculteurs de celles des autres catégories professionnelles. La modernisation des conditions d'accès à la protection sociale répond également à des aspirations légitimes.

S'agissant du statut de l'aide familial, votre projet propose à juste titre de le limiter à une période de cinq ans. Il offrait en effet des droits très limités en matière d'assurance vieillesse. Le décret relatif au rachat des périodes travaillées en tant qu'aide familial, pris en application de la réforme des retraites, pose des conditions trop restrictives, la poursuite d'études, même quelques heures par semaine, étant incompatible avec la qualité d'aide familial. Je vous ai transmis, Monsieur le ministre, la proposition de loi que j'avais déposée sur ce point et je ne désarme pas : j'ai déposé un amendement en ce sens après l'article 7. Je ne doute pas que vous porterez toute l'attention nécessaire à ce qui est une question d'équité.

Je souhaite également attirer votre attention sur l'amendement déposé par Daniel Garrigue, que j'ai cosigné. Il vise à corriger une autre situation injuste ; cette fois à l'égard des mères de famille qui, ayant cessé leur activité afin d'élever un enfant, ont dû pendant cette période cotiser au régime général et voient de ce fait leur retraite réduite.

La question des retraites, vous le voyez, est donc loin d'être réglée. J'estime, comme nombre de mes collègues, que votre texte pourrait être amélioré à cet égard.

De nombreuses mesures ont certes été mises en place depuis plusieurs années afin d'améliorer les retraites agricoles : revalorisation des retraites de base des chefs d'exploitation, des veuves, des conjoints et aides familiaux ; mise en place et financement, malgré un contexte budgétaire difficile, de la retraite complémentaire obligatoire ; ou encore mensualisation des retraites. De nombreux agriculteurs ne bénéficient cependant pas d'une retraite suffisante pour vivre dignement.

Ces efforts doivent donc être poursuivis et je suis persuadé que vous aurez à cœur d'être à l'écoute des propositions de notre Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Claude Lemoine - Dans quelle situation notre agriculture se trouve-t-elle aujourd'hui ? L'agro-alimentaire représente la première industrie française. Nous sommes les premiers exportateurs au sein de l'Union européenne, et le second au monde, derrière les Etats-Unis. D'autre part, l'objectif de l'autosuffisance fixé dans les années 1960 est largement dépassé.

Qui plus est, les perspectives qui s'offrent au secteur agricole sont nombreuses : tant l'Union européenne que la France demeurent déficitaires dans le domaine des protéines agricoles et les besoins alimentaires mondiaux dépassent d'ores et déjà les capacités de production ; enfin, le développement des cultures alimentaires ouvre de nouveaux marchés.

Or, paradoxalement, les artisans de la réussite française sont en proie à un malaise sans précédent pour de multiples causes : dégradation de leur niveau de vie par rapport au reste de la population ; soumission à l'évolution des aides publiques ; prix de vente de nombreux produits inférieurs au prix de production ; poids excessif des réglementations agricoles ; incompréhension entre le monde rural et le reste de la société. Les perspectives d'évolution de la PAC et la nécessaire insertion dans les échanges mondiaux ne font qu'aggraver cette situation ; nous devons dissiper toutes les inquiétudes nées d'une telle situation.

Le temps me manquant pour développer tous ces points, je me bornerai à vous livrer pêle-mêle quelques interrogations. Si le fonds agricole est censé faciliter la transmission, n'y a-t-il pas lieu de craindre que les modalités envisagées ne puissent répondre à toutes les situations et produisent même parfois des effets contraires aux buts poursuivis ? Dès lors, ne serait-il pas préférable que la mise en place du fonds reste facultative ? De la même façon, il importe que les baux cessibles ne découragent en aucun cas la propriété agricole, indispensable pour l'installation des jeunes.

Améliorer le revenu agricole constitue une priorité absolue. A cet effet, prévoyez-vous de fixer par la voie réglementaire un barème de rémunération des fonctions non marchandes de l'agriculture et d'installer un système d'intervention publique susceptible de garantir aux exploitants l'écoulement de leur production à un prix plancher, en cas de crise ? Au reste, avant d'entériner la suppression partielle de la TFNB, je souhaiterais vous entendre préciser comment sera garantie l'autonomie financière des collectivités concernées, sachant que l'Etat ne peut exercer sur elles aucune forme de tutelle.

S'agissant de la gestion des aléas, je m'étonne qu'aucune mesure préventive ne soit envisagée - couvrirait-on le risque incendie d'un établissement jugeant inutile de se doter d'extincteurs ? - et j'ai déposé à ce sujet un amendement relatif à la protection des productions animales auquel je vous remercie par avance de porter la plus grande attention. Au-delà, je souhaiterais voir préciser l'articulation entre le FNGCA et les assurances récolte. Quid du devenir du fonds national ? L'Etat interviendra-t-il dans le domaine des assurances récolte et sous quelle forme ? Un dispositif de réassurance d'Etat est-il envisagé ?

Enfin, si nous ne pouvons que saluer la poursuite de la simplification administrative, nous souhaitons que le Gouvernement précise ses intentions en matière d'allégement de la technostructure agricole. A l'évidence, l'on peut faire mieux pour moins cher : Monsieur le ministre, allez-vous enfin supprimer quelques unes des 370 structures administratives intervenant dans le domaine agricole ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Brottes - A côté de celles de MM. Guillaume et Lemoine, mes critiques sur ce texte risquent de paraître bien modérées...

M. Jean-Claude Lemoine - Allons donc ! Je me suis borné à quelques interrogations constructives.

M. François Brottes - Si pour ce qui concerne le volet montagne, votre projet de LOA, bien loin des engagements pris, accouche d'une souris, je dois admettre qu'il ne serait pas convenable de le présenter comme vide ou inutile. Son application risque en effet de modifier en profondeur le paysage de notre agriculture. Au reste, il méritait mieux qu'un débat tronqué, placé sous le coup d'une procédure d'urgence déplacée et alors qu'aucune étude d'impact valable n'a été réalisée.

Important, ce texte l'est d'abord du fait de la création du fonds agricole, assortie de l'imbroglio du « bail cessible » - qui, en pratique, ne le sera peut-être jamais ! Il y a tout lieu de craindre que ces dispositifs privent de perspectives des milliers de petites et moyennes exploitations et empêchent nombre de jeunes de s'installer. Tous ceux qui - en zone de montagne notamment - ne pourront entrer dans le nouveau format agricole capitalistique que vous instaurez arbitrairement n'auront qu'à aller chercher du travail dans d'autres secteurs d'activité !

Prenant prétexte des contraintes de l'OMC, de la PAC, du découplage des aides ou du DPU, vous plaidez pour une rupture avec le modèle évolué d'agriculture qui était aujourd'hui le nôtre, assis sur des pratiques respectueuses des espaces et de la relève entre générations, une agriculture à taille humaine prenant en compte des objectifs d'intérêt général. Pour vous, point de salut hors l'agriculture en col blanc, abandonnée aux investisseurs des fonds de pension multinationaux, oublieuse de la multifonctionnalité et des valeurs humanistes liées à la culture de la terre. Plaidant pour l'abandon du modèle « économie, social, environnement », vous prônez un système dont la devise pourrait être : « libéralisme, productivisme et gigantisme » !

M. Antoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques - Caricature !

M. François Brottes - Non content d'emprunter pour mettre aux normes ses installations ou acheter un tracteur, l'entrepreneur agricole de demain devra aussi trouver de quoi acheter le fonds agricole. Du reste, nul ne sait comment celui-ci sera évalué et si les éléments virtuels liés aux droits à prime entreront dans sa valorisation. Quant à l'impact des cessions de bail sur la spéculation foncière, personne ne paraît s'en soucier. Et si vous ne cherchez même pas de réponse à ces questions, c'est que vous acceptez comme inéluctable la mort des exploitations les plus fragiles. L'oxygène, cher à notre collègue Raison, risque grâce à vous de gagner encore beaucoup sur le barbelé... Au final, nombre d'exploitants seront condamnés à se mettre au service d'un investisseur financier spécialisé dans l'acquisition de fonds agricoles.

Au-delà, la question du foncier agricole n'est pas réglée. Tous les spécialistes s'accordent sur le fait que le foncier agricole n'est pas seulement affaire d'hectares : il faut aussi prendre en compte la fertilité, l'ensoleillement, la possibilité de mécaniser la culture, l'exposition aux vents, etc. La qualité d'une production est le résultat d'une alliance singulière entre le savoir-faire de l'agriculteur et la nature de son terroir...

M. le Rapporteur - C'est vrai.

M. François Brottes - La légèreté avec laquelle vous traitez la question du foncier démontre la faible importance que vous attachez à la spécificité des productions et à la qualité. On les imagine déjà, ces commis voyageurs des fonds de pension, battant la campagne pour faire monter les enchères, n'hésitant pas à éliminer les repreneurs locaux potentiels où à les franchiser pour les rémunérer à la commission, comme la loi Dutreil sur les PME autorise à le faire dans son champ d'application.

En faisant du principe du fonds agricole la règle de droit commun, vous réglez peut-être la question des retraites d'une partie de la génération sortante mais vous rétablissez surtout l'époque des seigneurs et des métayers ! Je sais, Monsieur le ministre, que vous ne manquez ni d'astuce ni de sincérité et c'est précisément parce que je connais ces qualités que je m'inquiète du rideau de fumée entretenu sur ces questions éminemment sensibles.

Nous saluons les avancées sur les biocarburants, le bois énergie, l'assurance récolte et l'assurance dommage - sujet particulièrement délicat à traiter -, ou bien encore sur les modalités de remplacement. Et nous prenons acte de votre intention d'accueillir favorablement quelques amendements tendant à conforter l'agriculture et la sylviculture de montagne. Mais les enjeux esssentiels sont ailleurs : les effets néfastes de ce texte ne se mesureront pas avant quatre ou cinq ans. Aussi, prenons acte dès à présent des risques qu'il fait courir qu'il s'agisse de l'installation des jeunes, de la survie des petites et moyennes exploitations, de l'entretien des espaces, de l'élevage et de la normalisation « libérale » des goûts, favorisant une agriculture qui risque de perdre son âme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Thierry Mariani - Monsieur le ministre, les objectifs de ce projet de loi d'orientation sont louables mais a-t-on collectivement mesuré combien est dramatique la situation actuelle de notre agriculture ? Au vu de ce qui se passe dans le Vaucluse, je me dois de vous dire sans détour que des pans entiers de notre agriculture sont aujourd'hui moribonds et que la crise est sans précédent. Traditionnellement combatifs, les agriculteurs sont aujourd'hui désemparés, comme on peut l'être quand il n'y a plus d'espoir. Il faut les avoir vu des larmes dans les yeux lors des rencontres à la chambre d'agriculture pour mesurer la gravité du malaise. Au reste, qui pourrait accepter de voir son revenu baisser de 40 % d'une année sur l'autre ? Dans mon département, l'agriculture occupait hier encore plus de 50 000 personnes : qu'en sera-t-il demain ?

Il fut un temps où nous lisions de la colère sur le visage des agriculteurs : c'était un moindre mal car c'était le signe qu'ils y croyaient encore ; aujourd'hui ce n'est plus que désarroi, lassitude et parfois renoncement. Pour certains, il est déjà trop tard. Les organisations professionnelles sont catégoriques : ce sont près de 2 000 exploitations sur 7 600 qui sont, à cet instant précis, au bord du dépôt de bilan, ce qui représente quelque 16 000 emplois et 200 millions de chiffre d'affaires. Alors, je vous le dis, mes chers collègues, ce débat parlementaire est, pour certains agriculteurs, celui de la dernière chance. Entendons, écoutons le malaise agricole et surtout agissons en conséquence. C'est un véritable plan d'urgence qu'il convient de lancer immédiatement pour répondre à la crise qui frappe les filières fruitière, légumière et viticole.

Que nous parlions d'aménagement de l'espace, de paysage, de pluriactivité, de multifonctionnalité, c'est nécessaire, j'en conviens. Mais avant toute chose, permettons aux agriculteurs de vivre de leurs productions grâce à des charges supportables, à des conditions d'emploi satisfaisantes, à des règles de concurrence claires, et les défis environnementaux et spatiaux pourront être appréhendés plus aisément. Par contre, si nous ne nous mobilisons pas sur le champ, ce sont les friches agricoles qui vont se multiplier et, au-delà de la faillite des exploitations, c'est le déclin de régions entières qui se profile.

Vous pardonnerez le caractère abrupt de mon propos, mais l'heure n'est pas aux discours lénifiants. Soit nous ne sommes plus en mesure de donner aux producteurs de fruits et légumes et aux viticulteurs les moyens de travailler - parce que nous sommes tenus par des enjeux économiques mondiaux face auxquels les intérêts de ces filières ne pèsent pas lourd - et, dans ce cas, nous devons annoncer la couleur aux agriculteurs et leur permettre de cesser leur activité dans des conditions décentes pour eux-mêmes et leur famille ; soit nous estimons que l'agriculture française a encore un rôle à jouer et nous lui administrons alors un traitement de choc sans lésiner sur les moyens.

Je ne puis me résoudre à ce que nous agissions autrement. Ces exploitations, ce sont des hommes, des femmes, des chefs d'entreprise qui n'ont commis aucune erreur de gestion ni de production ! Ils ont passé les cinquante dernières années à s'adapter, à faire évoluer notre agriculture vers un modèle de modernité et de qualité ! Ils ne sont ni grévistes, ni « RTTistes » et pourtant, le niveau de leur pouvoir d'achat final constitue un véritable scandale au regard des heures de travail et des sacrifices consentis quotidiennement.

2004 fut une année catastrophique pour les maraîchers, les producteurs de poires, de raisin et de cerises à cause du gel. Quant à la crise viticole qui frappe toutes les appellations, elle persiste ! A ce jour, certaines caves coopératives ne sont plus en mesure de payer d'acomptes à leurs adhérents. Dans les côtes du Rhône, la baisse de revenus pour certains viticulteurs est de l'ordre de 50 %. Je vous laisse imaginer dans quelle atmosphère se déroulent les vendanges en cours ! En 2005, les arboriculteurs ont à leur tour été victimes de la crise fruitière. Les cours du marché, inférieurs de moitié à ceux de 2004, ne couvrent plus les coûts de production, voire, certains cas, les frais de récolte.

Dépassant le cadre du présent projet de loi, j'insisterai sur les mesures qu'il conviendrait de prendre d'urgence. Tout d'abord, en faveur de la viticulture, secteur qui, en dépit des efforts consentis par la profession, souffre énormément et pourrait traverser des heures encore plus sombres si l'accord viticole entre les Etats-Unis et l'Union européenne était ratifié en l'état. Dans le seul département du Vaucluse, 300 000 euros supplémentaires sont indispensables pour abonder l'enveloppe départementale du Fonds d'allègement des charges annoncée en janvier dernier.

La filière des fruits et légumes doit, quant à elle, faire l'objet d'un véritable plan de sauvetage : enveloppe spécifique pour la prise en charge des cotisations sociales - laquelle, devrait, dans le Vaucluse se monter à deux millions d'euros, les impayés y atteignant, à ce jour, 4,4 millions -, possibilité pour les agriculteurs de cette filière de s'acquitter de leurs cotisations sur la base des revenus de l'année n-1, exonération de taxe sur le foncier non bâti et des charges d'irrigation pour 2005, programme spécifique de soutien aux exploitations avec une aide à la trésorerie pouvant aller au-delà du plafond, arbitraire et déconnecté des réalités, de 3000 euros fixé par Bruxelles.

Dans un département comme le mien, l'agriculture traverse une crise jamais vue depuis quinze ans. Les agriculteurs sont désespérés et je crains leurs réactions. Aussi, au-delà d'une loi d'orientation, importante pour l'avenir, il convient de prendre des mesures d'urgence pour le présent. Je compte sur vous, Monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Le colloque sur la montagne et la ruralité qui s'est tenu à Saint-Chély-d'Apcher vendredi dernier...

M. le Ministre - Excellent colloque !

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Merci. Ce colloque, disais-je, a permis de mesurer les attentes, les inquiétudes, les espoirs mais aussi la lassitude du monde agricole et d'une manière plus générale, du monde rural.

Le présent projet de loi d'orientation agricole nous est soumis après qu'un débat national a eu lieu avec toutes les organisations agricoles. Une commission nationale d'orientation a également été installée et le Conseil économique et social consulté. Il est vrai que les éléments à prendre en compte étaient nombreux, parfois contradictoires, et dépassent largement le cadre national.

L'approche patrimoniale de l'agriculture, qui prévaut encore, est dépassée. Il convient de moderniser le statut des exploitations pour qu'elles deviennent des entités économiques viables, assurant un revenu et dégageant de la valeur ajoutée. Ceux et celles qui ont fait le choix de l'agriculture doivent pouvoir en vivre décemment. Le statut du fermage doit également être rénové afin d'attirer davantage de capitaux en agriculture. Enfin, le foncier agricole doit continuer d'être encadré, avec souplesse toutefois, afin d'éviter les conflits d'usage entre agriculteurs et autres utilisateurs de l'espace rural. Il faut avoir le courage et l'honnêteté de le dire à nos agriculteurs. Il convient également d'encourager la multifonctionnalité de l'agriculture, que nul ne conteste plus aujourd'hui, et ouvrir de nouveaux débouchés, non alimentaires, aux productions, comme avec les biocarburants.

Ces nouvelles orientations à donner à notre agriculture s'inscrivent aussi dans le cadre européen et international qui s'impose à notre agriculture, avec d'une part la réforme de la PAC, d'autre part la poursuite des négociations à l'OMC qui tiendra une réunion décisive à Hong-Kong en décembre prochain. La nouvelle PAC doit permettre le développement d'une agriculture performante, dans le respect des enjeux territoriaux, environnementaux et sociaux du monde rural.

Le présent projet de loi relève les défis de l'agriculture de demain, entrepreneuriale, multifonctionnelle, compétitive, offrant de meilleures conditions de vie et de travail aux exploitants. Pour autant, une loi, aussi complète soit-elle, peut-elle suffire à rassurer aujourd'hui le monde agricole ? Permettez-moi, à cet égard, d'appeler votre attention sur les problèmes spécifiques de l'élevage en moyenne montagne. Nos éleveurs souhaitent des mesures concrètes en faveur de la filière laitière qui connaît de graves difficultés récurrentes, mais aussi pour faciliter l'installation et la formation des jeunes, obtenir le versement régulier des aides sans être suspectés a priori d'être des fraudeurs, ne plus subir les mesures franco-françaises qui alourdissent encore les contraintes communautaires. Ils souhaitent tout particulièrement que leurs démarches administratives soient allégées. Pourquoi, comme le défend la Chambre d'agriculture de la Lozère, idée que je fais mienne, ne pas considérer que dans les territoires d'altitude moyenne supérieure à mille mètres, les pratiques agricoles, très largement extensives et donc plus respectueuses de l'environnement, permettent d'alléger la tenue des cahiers de pâturage et de fumure ?

Comme le réclame l'ANEM, ne faudrait-il pas par ailleurs élaborer un code de la montagne, qui donnerait l'occasion d'un toilettage des textes mais aussi d'une réflexion sur des problèmes comme ceux de l'identification et des labels ? Certaines zones de montagne sont confrontées au difficile problème de la gestion des sections de commune. Bien que la loi montagne de 1985, la loi d'orientation de 1999 et la loi sur les territoires ruraux de 2005 aient précisément défini les conditions d'utilisation de ces biens, les juridictions administratives sont très souvent saisies et les communes éprouvent les plus grandes difficultés. Je souhaiterais, Monsieur le ministre, que vous mettiez en place, en liaison avec votre collègue de l'intérieur, un groupe de travail sur le sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Louis-Joseph Manscour - Une loi d'orientation est toujours attendue avec intérêt. Celle-ci avait fait naître un formidable espoir, en particulier aux Antilles dont les handicaps structurels sont bien connus. Hélas, présentée dans la précipitation, elle n'est pas à la hauteur de l'espoir suscité. Il semble en effet que l'on se dirige vers une agriculture entrepreneuriale et libérale, totalement affranchie des aspects sociaux.

Elu d'une circonscription d'outre-mer à fort potentiel agricole, j'attendais avec impatience votre texte. Quelle n'a donc pas été ma déception ! Certes, son titre V, consacré à l'outre-mer, comporte bien quelques avancées mais les problèmes de l'agriculture domienne ne se limitent pas à des questions foncières. Dans nos îles, les objectifs prioritaires de l'agriculture devraient être de nourrir les populations, de réduire les importations, de valoriser les productions locales, enfin de faire du secteur agricole un moteur de la transformation sociale. Je vous concède que pour atteindre ces objectifs ambitieux, il faudrait de l'audace - mais le Premier ministre ne cesse-t-il pas d'en réclamer ? Or, ce projet de loi en manque singulièrement pour l'agriculture d'outre-mer.

Devant les difficultés que connaît le secteur de la banane, que nous défendrons ensemble, je l'espère, Monsieur le ministre...

M. le Ministre - Tout à fait.

M. Louis-Joseph Manscour - ...nous avons besoin de diversifier notre agriculture. Mais pour cela encore faudrait-il faire naître des exploitations économiquement viables et socialement porteuses de progrès. Comment y parvenir alors qu'une grande partie de nos terres est aujourd'hui polluée par le chlordécone, pesticide qui ne s'élimine pas des sols avant cinquante ans ? Une mission d'information sur ce sujet a bien été constituée, présidée par notre collègue Mariette et dont notre collègue Beaugendre était le rapporteur, mais nous en attendons toujours les résultats.

De même, la question de la transmission des exploitations et de l'installation des jeunes demeure sans réponse. Le crédit-transmission est certes un dispositif intéressant, mais il gagnerait à être complété d'un volet fiscal incitatif pour le propriétaire cédant et d'un fonds de soutien pour le jeune agriculteur durant les premières années de son installation.

D'autres questions, pourtant cruciales outre-mer, demeurent en suspens, comme la difficulté pour certaines catégories de nos agriculteurs à bénéficier d'une protection sociale et toucher une retraite.

En conclusion, si ce projet de loi réserve un titre à l'outre-mer, il faut regretter que celui-ci se limite à une réforme du foncier, sans aborder aucunement les problèmes spécifiques de notre agriculture. C'est pourquoi les agriculteurs d'outre-mer et moi-même militons pour l'élaboration d'un projet de loi d'orientation agricole spécifique à l'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Joël Beaugendre - Ce débat national sur la modernisation de notre agriculture doit être l'occasion de proposer des solutions pour renforcer l'agriculture outre-mer. Alors qu'il était encore il y a vingt ans porteur de richesse, le secteur agricole y est aujourd'hui en pleine crise, comme en attestent les difficultés des filières du sucre et de la banane. Dans ce contexte, la préférence communautaire doit, plus que jamais, jouer.

Fragilisée par la mondialisation des échanges, l'agriculture d'outre-mer doit relever le défi de la qualité et de l'adaptation aux exigences nouvelles. Elle doit être dynamique et moderne. Aussi, les dispositions spécifiques contenues dans le titre V tentent-elles de prendre en compte les particularités de chaque région, pour encourager le développement agricole en dépit des handicaps structurels. Il importait d'adapter aux conditions économiques et sociales les pratiques de fermage et de métayage. Je proposerai par amendements que le fermier, dans les DOM, mette à disposition d'une société agricole au sein de laquelle il est associé, les terres qu'il loue.

L'agriculture dans nos régions n'est pas parvenue à combiner son développement avec l'urbanisation : pour faciliter cette cohérence, le rôle des SAFER et le maintien de leur droit de préemption dans les DOM sont essentiels pour que les élus puissent mener une politique foncière. Je regrette à cet égard que la question du foncier n'ait pas été traitée en profondeur dans ce texte. L'espace agricole ne doit plus seulement être considéré comme une réserve foncière pour l'urbanisation. Il faut une cohérence entre développement urbain et développement agricole. Je me fais ici en particulier le porte-parole des jeunes agriculteurs qui déplorent que de nombreuses particularités de l'agriculture outre-mer n'aient pas été prises en compte.

Je terminerai mon propos en vous rappelant que l'agriculture de la Martinique et de la Guadeloupe est confrontée à la pollution des sols par le chlordécone. Des agriculteurs sont frappés d'arrêtés préfectoraux relatifs à l'analyse des sols avant la mise en culture des légumes racines, et ne peuvent plus cultiver ou commercialiser leurs produits. La mission d'information parlementaire a souhaité qu'en application du principe de précaution, la solidarité nationale joue en leur faveur : il faut leur proposer un droit à compensation en raison de la perte de revenu, et des mesures pour accompagner leur reconversion. C'est l'objet de l'un de mes amendements. Il en va de l'avenir de notre agriculture et de la santé de mes compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marcelle Ramonet - Per-Jakez Hélias écrivait : « la sagesse de la terre est une complicité totale entre l'homme et son environnement ».

Importatrice dans tous les secteurs de l'agriculture au lendemain de la guerre, la France, grâce au travail et au courage de ses agriculteurs, a construit une des agricultures les plus puissantes de la planète : la première en Europe, la deuxième dans le monde. Hier, la mission de notre agriculture était d'assurer l'autosuffisance alimentaire du pays. Aujourd'hui son rôle a beaucoup évolué ; elle a dû intégrer les attentes parfois paradoxales des consommateurs, allant de la protection des écosystèmes à l'amélioration de la qualité des productions, le tout à un niveau de prix acceptable socialement. Dès lors, la rentabilité économique, les attentes sociales et la protection de l'environnement apparaissent parfois antinomiques. Nos agriculteurs sont en outre confrontés à certaines incertitudes scientifiques, et à des règles communautaires ou nationales aux objectifs parfois fluctuants.

Ma première conviction est que l'agriculture est une activité économique majeure, qui répond à une logique de production, de commercialisation, de rentabilité, donc de compétitivité.

Ma deuxième conviction, c'est que notre agriculture a des opportunités considérables de développement et peut répondre au défi alimentaire de ce siècle. Notre position centrale dans un rayon de trois mille kilomètres nous place d'ailleurs au cœur d'un milliard d'êtres humains.

C'est pourquoi je me réjouis de l'obtention par la Bretagne du pôle de compétitivité « l'aliment de demain », agrégat de compétences et de savoir-faire dans les domaines des technologies alimentaires, des ingrédients et de leur extraction, de la microbiologie, de la sécurité alimentaire et de la nutrition-santé... Toute la problématique du futur est là !

L'avenir de ce secteur, c'est aussi une agro-industrie conquérante. Je pense notamment aux biocarburants dont nous devons assurer l'essor comme chance pour l'environnement, pour la diversification agricole, et comme facteur d'indépendance énergétique. En la matière, la Bretagne a une carte à jouer dans la production d'oléagineux, tant pour les biocarburants que pour l'alimentation du bétail. Nous devons également développer la filière de la biomasse par la valorisation de produits agricoles, en particulier le traitement des déjections animales.

Ma troisième conviction est qu'il faut garantir la persistance du lien fort qui existe entre notre agriculture et l'aménagement du territoire.

Notre ambition, avec cette loi d'orientation, est de donner toutes les armes au monde agricole pour affronter la concurrence mondiale, pour mieux vivre au quotidien et pour relever le défi du renouvellement des générations. Elle permettra d'élaborer le cadre juridique, fiscal et social tant attendu avec le fonds agricole, dont on pourrait envisager qu'il soit évalué en fonction de la capacité de l'exploitation à générer un revenu ; le crédit-transmission ; l'amélioration du statut de conjoint collaborateur, ou le crédit d'impôt pour des congés mérités ; enfin, les mesures sur le revenu des exploitants ou les charges. Ainsi l'exonération progressive du foncier non bâti dès 2006 sera une avancée significative.

Enfin, je souligne la nécessité de préserver le statut du fermage. La loi de 1946 a apporté aux fermiers une plus grande sécurité et une liberté réelle d'entreprendre. Si l'architecture générale peut évoluer, l'esprit doit demeurer, dans l'intérêt des fermiers, et s'adapter au contexte local. J'attends sur ce point vos assurances, Monsieur le ministre.

Nos agriculteurs ne veulent ni être des gardiens de musée des espaces naturels, ni des assistés, mais vivre du fruit de leur travail ! L'enjeu de ce texte est de leur en donner les moyens. Depuis des mois, Monsieur le ministre, vous êtes présent dans nos régions, à l'écoute de la profession agricole comme des élus. Vous avez eu le souci que faire un texte en phase avec la réalité et les besoins du monde rural. Je en vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Paul Chanteguet - En étudiant votre projet, Monsieur le ministre, je me suis demandé s'il répondait aux défis qui attendent notre agriculture dans les vingt ans à venir. Le contexte mondial et européen est en pleine évolution : mise en œuvre de la réforme de la PAC, croissance des échanges mondiaux, apparition de nouveaux concurrents... Les attentes de la société se sont accrues, sur le plan environnemental comme sur celui de la qualité des produits. Le renouvellement des générations agricoles n'est plus assuré : démantèlements, agrandissements et concentrations prévalent. Entre 1988 et 2000, le nombre des exploitations a diminué de 3,5 % par an. Leur surface agricole utile moyenne est passée de 28 à 42 hectares ; le nombre des exploitations de grande taille est désormais supérieur à celui des petites.

Aujourd'hui on recense encore 590 000 exploitations, mais combien demain ? On ne compte plus qu'une installation pour trois départs, et d'ici à 2020 ce sont 250 000 exploitants qui prendront leur retraite. Restera-t-il 400 000 exploitations ? Certains parlent d'un modèle agricole à 150 000 exploitations. C'est inéluctable, direz-vous : le progrès, la recherche, l'intelligence, l'argent, l'Union Européenne, la mondialisation sont passés par là... Il y avait plus de trois millions d'exploitations dans les années 1950, de petites exploitations familiales avec une superficie moyenne de quelques hectares. C'est le passé, et la nostalgie n'y changera rien... Et si 150 000 exploitations suffisent pour assurer notre autosuffisance alimentaire et conserver notre place en Europe et dans le monde, direz-vous, pourquoi vouloir à tout prix installer plus de gens ?

La réponse est simple : c'est la multifonctionnalité de l'agriculture. Elle assure depuis toujours des missions en matière d'aménagement du territoire, d'environnement, de services, d'entretien et d'embellissement des paysages au profit de toute la société. Moins d'agriculteurs demain, c'est la déprise agricole et l'enfrichement de certains territoires, et la désagrégation du tissu rural dans les zones les plus sensibles.

La mise en place à partir de janvier 2006 des droits à paiement unique est un sujet supplémentaire d'inquiétude. Elle risque de freiner toute politique d'installation puisque ces droits pourront être vendus ou loués : quel sera le poids sur ce marché des jeunes candidats à l'installation ? Le plus offrant, donc le plus fort l'emportera.

Nous déplorons que votre projet ne réponde pas au défi du renouvellement des générations ; les articles 6 et 1 ne sont pas à la hauteur. On peut prévoir que le nouvel instrument destiné à favoriser la transmission progressive d'une exploitation à un jeune aura un effet limité. Quant au fonds agricole, il provoquera fatalement un renchérissement des cours pour les jeunes, puisque c'est le marché qui définira le prix, et sera donc un obstacle à l'installation. Il en sera de même pour le bail cessible de l'article 2 : les preneurs paieront un loyer pouvant dépasser de 50 % le bail type départemental. Cela rendra plus difficile l'installation hors cadre familial.

Les modifications prévues à l'article 5, sous couvert de simplification, portent en elles la fin de la politique de contrôle des structures. On nous propose en effet de relever le seuil au-delà duquel une opération est soumise au contrôle, de soumettre à simple déclaration les opérations sur les biens familiaux, et de supprimer toute autorisation concernant les sociétés.

Vos mesures d'inspiration libérale provoqueront l'abandon complet des territoires ruraux les plus fragiles. Nous refusons cette perspective : notre pays a besoin d'une politique d'installation forte, reposant sur une action volontariste de contrôle des structures pour lutter contre les agrandissements inconsidérés. Il faut aussi mettre en œuvre une véritable politique foncière, car la spéculation foncière fait obstacle à nombre d'installations dans certaines régions. Loin de supprimer les SAFER, comme le demandent certains députés de la majorité, il faut donc renforcer leur rôle. Il faut enfin solvabiliser les fonctions non marchandes de l'agriculture : la rémunération de services comme la préservation de l'environnement, la protection de la biodiversité, l'entretien des paysages et de l'espace rural peut être un facteur décisif de maintien de la présence d'agriculteurs dans certaines régions.

Votre loi d'orientation - qui est plutôt une « loi portant diverses dispositions d'ordre agricole » - nous conduit vers la liquidation de la paysannerie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Daniel Garrigue - Ce texte a pour but de moderniser notre agriculture et en quelque sorte de profiter du maintien de la PAC dans son état actuel jusqu'en 2013 pour préparer nos exploitations aux défis qu'elles devront relever. Vous le faites, Monsieur le ministre, en promouvant le concept d'entreprise agricole, en élargissant les débouchés de l'agriculture, et en relevant les défis de la protection de l'environnement et de la sécurité alimentaire.

Je voudrais mettre l'accent sur deux aspects qui se trouvent en retrait dans ce projet de loi d'orientation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Une série de mesures consiste à développer les débouchés non alimentaires, notamment pour produire de l'énergie, et permet de renforcer le rôle des organisations de producteurs. Il conviendrait de s'occuper davantage des exportations. A cet égard, certains secteurs, comme l'industrie agroalimentaire, se comportent remarquablement bien, tandis que d'autres sont moins bien organisés. Je pense notamment à la viticulture, qui éprouve des difficultés à maintenir sa position. Nous devons nous donner les moyens de structurer l'offre à l'exportation et la rendre plus conforme aux attentes des consommateurs de l'Europe du Nord, afin de mieux faire face à la concurrence des pays de l'hémisphère Sud. De fait, nos exportateurs utilisent des méthodes vieillissantes.

M. André Chassaigne - Il faut vendre du coca-cola !

M. Daniel Garrigue - Non !

Le second point que je souhaite évoquer est celui des retraites agricoles. Contrairement à ce que certains ont prétendu hier, beaucoup a été fait lors de cette législature, notamment pour le financement de la retraite complémentaire des agriculteurs, disposition, qui n'a été appliquée que deux années après qu'elle a été votée. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Nous avons également trouvé le BAPSA en fort déficit. M. Peiro a parlé de 22 milliards d'euros qui auraient été dégagés entre 1997 et 2002. Soyez honnête et sérieux et reconnaissez qu'entre 1994 et 1997, nous avons fait beaucoup plus !

M. Germinal Peiro - La revalorisation pour les agriculteurs, aujourd'hui, c'est zéro !

M. Daniel Garrigue - M. Gaymard, alors ministre de l'agriculture, avait constitué un groupe de travail réunissant les représentants de la FNSEA et de l'association nationale des retraités agricoles de France. Ce groupe a pu cerner un certain nombre de difficultés, notamment la situation des conjointes. Je sais que vous êtes attentif à ce problème, malgré les contraintes budgétaire et financières que nous subissons.

Il est indispensable de franchir un pas supplémentaire. Avec quarante de mes collègues, j'ai déposé un amendement qui s'inspire des conclusions du groupe de travail. Il a pour objet de prendre en compte la situation des conjointes, anciennes exploitantes qui ont cessé momentanément leur activité pour élever leurs enfants et voient leur retraite agricole amputée au titre de ces années. Le financement de cette disposition proviendrait, Monsieur Chassaigne, d'une taxe sur le coca-cola ! Cet amendement répondrait ainsi aux attentes du monde agricole. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. André Chassaigne - La conscience de classe fait des progrès !

Mme Josette Pons - Ce projet de loi s'inscrit dans un contexte de transition, de difficultés et d'inquiétudes. Parmi les causes multiples du malaise du monde agricole, je retiendrai celles qui concernent plus particulièrement mon territoire. En effet, à l'heure où le pays se mobilise pour la lutte contre le chômage, la préservation de l'outil de travail agricole apparaît prioritaire. Elle passe par la maîtrise du foncier, bouleversé par la récente flambée des prix.

M. André Chassaigne - Ce sera encore pire après !

Mme Josette Pons - L'exemple du Var est révélateur. De 2001 à 2004, le prix de l'hectare de terre labourable est passé de 1900 à 7000 euros, celui d'une vigne AOC de 8 800 à 28 500 euros. Dans la même période, 2 000 mètres carré de terrain à bâtir sont passés d'un prix allant de 45 000 à 70 000 euros à 140 000 euros. Faut-il que les agriculteurs soient courageux pour résister à de telles offres !

Nous devons plus que jamais veiller à l'installation des jeunes et au remplacement de la génération du baby boom. Il s'agit d'organiser le transfert du foncier agricole vers les jeunes candidats à l'installation.

Autre menace pesant sur la sécurité financière des agriculteurs : certaines conséquences de la loi SRU sont préjudiciables à cet égard. Il n'est pas question d'abandonner l'idée de mixité sociale, mais force est de constater que les collectivités locales sont amenées à rogner sur les terres agricoles pour satisfaire aux besoins en matière d'infrastructures, de routes, d'écoles.

Enfin, les jeunes éprouvent des difficultés accrues pour construire leur résidence principale au sein de leur exploitation, les DDA n'autorisant guère la construction de bâtiments.

Des solutions existent. Elles émanent de la réflexion et de l'expérience des acteurs du monde agricole. Je sillonne ma circonscription et je puis vous affirmer qu'il s'agit là des préoccupations et des attentes des agriculteurs, jeunes et âgés. La question foncière est vitale pour la constitution et la conservation d'exploitations agricoles viables. Voilà un défi pour l'agriculture française : je souhaite qu'à travers les mesures que vous proposez, nous le relevions ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Geneviève Gaillard - Ce projet de loi ne me semble pas être en adéquation avec les enjeux actuels du débat sur la PAC et du nouveau cycle de négociations de l'OMC. Quant à l'esprit et à l'idéologie qui le sous-tendent, je note que face à la libéralisation accrue des échanges, vous proposez comme solution la libéralisation accrue de l'agriculture. Par ailleurs, la dépossession du Parlement opérée par le recours aux ordonnances, même si l'ampleur des transferts a finalement été réduite, me laisse perplexe. Je déplore également l'absence d'une étude d'impact, pourtant d'usage pour une loi d'orientation.

Sur le fond, les intitulés du titre III et de ses chapitres contrastent par leur ambition avec leur contenu minimaliste. La dimension environnementale, avec vous, c'est comme la confiture : moins il y en a, plus vous l'étalez !

M. André Chassaigne - Très belle formule !

Mme Geneviève Gaillard - Hormis l'accès à un taux de TVA allégé pour les collectivités consommant du bois, un maigre crédit d'impôts au profit de l'agriculture biologique, la possibilité de stipuler des clauses environnementales dans les baux et une mesurette sur les biocarburants, ce volet environnement est très insuffisant et choquant dans un texte qui prétend favoriser une agriculture durable. Fort heureusement, vous nous avez assuré que vous seriez très largement ouvert aux propositions des parlementaires ; je serai donc attentive à l'accueil que vous ferez à nos amendements.

Concernant les biocarburants, vous admettez le principe de l'autoconsommation et vous voulez « booster » le plan Raffarin. C'est bien, mais j'aurais souhaité une évaluation continue de leur impact sur l'environnement.

Concernant les produits phytosanitaires, le projet passe à côté de la question. L'affaire du gaucho a pourtant révélé les faiblesses des procédures en vigueur. En effet, les conditions de retrait de l'autorisation de mise sur le marché de produits phytosanitaires devraient être définies par la loi et ne pas reposer uniquement sur l'application du décret du 5 mai 1994. Nous déposerons un amendement sur ce point.

Concernant les OGM, vous avez vous-même déclaré en commission, Monsieur le ministre, qu'en matière d'information et de transparence sur les essais, la situation était « anormale ». Les récentes révélations sur l'augmentation aussi discrète que substantielle des surfaces plantées en OGM en témoignent. J'ai fait partie de la mission d'information sur ce sujet. Nous avons pu constater à quel déni se heurtait l'action des parlementaires : jamais nous n'avons pu connaître la proportion de surfaces cultivées en OGM. 

M. André Chassaigne - Exact.

Mme Geneviève Gaillard - Cela doit changer, d'autant plus que notre commission a fait des propositions. La transposition de la directive 2001/18/CE devrait intervenir rapidement pour que les parlementaires et les citoyens puissent avoir une information convenable.

Je note enfin l'absence de mesures quant à la protection animale. Votre prédécesseur avait pourtant nommé un responsable, M. Forissier, et l'année 2005 a été déclarée « année du bien-être animal ». Non seulement ce texte ne constitue en rien une nouvelle étape en la matière, mais je me suis laissé dire qu'en réservant le meilleur accueil à un amendement purement déclaratoire sur le gavage des canards et des oies, vous donneriez volontiers le sentiment de vous y opposer. De nombreuses mesures de transposition de nos engagements internationaux et communautaires font défaut. Je ferai quelques propositions, en espérant que vous y serez sensible.

Une fois de plus, vous direz que d'autres textes viendront pour mieux prendre en considération la dimension environnementale : loi sur l'eau, loi de transposition de la directive 18/2001 relative à la dissémination d'OGM. Mais le développement durable nécessite une approche globale et intégrée alors que votre conception de la protection de l'environnement est beaucoup trop cloisonnée.

Ce texte dit d'orientation n'est pas à la hauteur des enjeux d'une agriculture durable et ne pourra satisfaire ni les agriculteurs, ni les consommateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. André Chassaigne - Excellent !

M. Philippe-Armand Martin - Je remercie le Gouvernement de présenter ce projet au moment où notre agriculture connaît d'importantes mutations. En effet, dans un contexte de concurrence accrue et d'échanges internationaux toujours plus importants, il était indispensable de proposer à l'agriculture française des dispositions de nature à renforcer son développement. Depuis toujours la France entretient une relation privilégiée avec ses agriculteurs, ses hommes et ses femmes qui constituent l'identité de notre pays et qui par leur travail, ont forgé notre territoire.

Si l'agriculture produisait jusqu'ici à des fins alimentaires, le contexte actuel lui impose de s'orienter vers de nouvelles productions telles que celles des biocarburants et des huiles végétales destinés à la production d'énergie. Ce défi, je sais que les agriculteurs sauront le relever. J'aurais souhaité à ce propos que le projet affirme plus encore la volonté de la France de s'engager dans une véritable politique de production des biocarburants et des huiles végétales dans le mesure où ces productions constituent de nouveaux débouchés pour les agriculteurs et sont une alternative au tout pétrole.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Je suis d'accord.

M. Philippe-Armand Martin - Ainsi, au delà des dispositions prévues par l'article 12, je souhaiterais que les obstacles administratifs à la production de ces énergies puissent être levés et que ces productions fassent l'objet de mesures incitatives, notamment sur le plan fiscal.

Cette loi permettra d'accompagner les agriculteurs face à ces nouvelles mutations. En y inscrivant la création du fonds agricole et le principe d'une évolution vers des exploitations en forme sociétale, le Gouvernement donnera à l'agriculture française les moyens de disposer d'un arsenal juridique conforme à l'évolution de la société. Des inquiétudes demeurent néanmoins et notamment dans des filières telle que la viticulture, l'horticulture ou le maraîchage. Dans la mesure où ces filières exercent leur activité sous la forme d'exploitation individuelle et familiale, la création du fonds agricole suscite des craintes quant à la transmission d'entreprise. Je prendrai l'exemple d'une exploitation viticole dont l'exploitant, père de trois enfants, souhaite céder son entreprise à l'un d'entre eux. Avec la mise en œuvre du fonds agricole et la valorisation de l'ensemble de l'exploitation - les stocks, la clientèle, le matériel - l'enfant qui reprendra l'exploitation risquera d'être privé du partage du foncier détenu par son père, qui sera obligé de le céder à ses deux autres ayants droit. Il pourra se trouver contraint de louer d'autres terres.

Certaines filières peuvent trouver des solutions d'avenir grâce aux interprofessions. Ce sont là des outils non seulement de régulation, d'amélioration de la compétitivité, de la qualité, mais aussi qui permettent d'avoir une meilleure connaissance de l'offre et de la demande. Je vous remercie d'accepter de nouvelles prérogatives pour ce maillon indispensable au bon fonctionnement des filières agricoles. La Communauté européenne avait d'ailleurs reconnu les interprofessions lors de la dernière OCM vin.

Enfin, il est indispensable de maintenir et de renforcer certains établissements publics de référence, comme l'INAO.

Je tiens à remercier M. le rapporteur Antoine Herth pour l'excellent travail qu'il a réalisé à l'écoute des professionnels. Je m'en remets à votre sagesse, Monsieur le ministre, et je souhaite que vous preniez en compte mes remarques car elles répondent à l'attente du monde agricole. Je ne doute pas que cette loi aura de la suite dans les idées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Roumegoux - Notre agriculture pourtant moderne et performante, est appelée à s'adapter à de nouvelles mutations, notamment avec la nouvelle PAC. Il faut rendre un hommage appuyé aux agriculteurs, ces hommes passionnés, avisés, travailleurs, créatifs. A leur fonction première de nourrir les hommes s'ajoutent aujourd'hui d'autres tâches d'une importance considérable pour l'équilibre socio-économique de nombreux territoires ruraux encore fragiles. Leur situation économique est aujourd'hui paradoxalement plus fragile qu'hier, quelle que soit leur production. Beaucoup ont réussi à maintenir leur niveau de vie au prix d'une augmentation de leur temps de travail alors qu'une partie importante de nos concitoyens travaillent 35 heures par semaine. Il s'en est suivi un malaise profond, comme nous l'avons constaté lors du référendum sur la Constitution européenne .

Ce texte encore imparfait, permettra de répondre aux enjeux à venir ; largement amendé, il apportera d'incontestables avancées. Il devrait surtout apporter espoir et confiance.

Espoir, parce que les agriculteurs devraient désormais être rassurés, assurés et convaincus du soutien que ce Gouvernement et sa majorité entendent apporter à l'agriculture.

Confiance des agriculteurs en la France : les agriculteurs ne seront pas lâchés, leur liberté sera préservée, ils ne seront pas soumis à l'économie agricole administrée. Ils pourront choisir leur organisation professionnelle, leur circuit de production et de commercialisation.

Confiance du peuple français envers ses agriculteurs : les Français comprennent de mieux en mieux qu'il faut aider leur agriculture face au marché mondial.

Confiance enfin des pouvoirs publics envers les agriculteurs, qui devrait se manifester dans l'organisation des contrôles nécessaires ou exigés par l'Europe, mais des contrôles apaisés et non plus inquisitoriaux ou suspicieux. Non, les agriculteurs ne sont pas des fraudeurs potentiels...

M. François Sauvadet - Très bien !

M. Michel Roumegoux - ...ils ne méritent pas de vivre dans l'angoisse d'avoir mal rempli des formulaires toujours plus complexes. Ces contrôles ne doivent pas suspendre pendant des mois les aides européennes ou nationales tant attendues. Celles-ci doivent être ciblées sur des baisses, des exonérations, des compensations de charges, mais elles doivent aussi favoriser l'organisation de la production et de la commercialisation, permettre le développement de la précaution de l'environnement. C'est ce que prévoit cette loi.

L'agriculteur doit pouvoir vivre de sa production, quelle qu'elle soit, valorisé par son travail et son intelligence et débarrassé des handicaps qui le mettent hors jeu dans les secteurs, de plus en plus nombreux, soumis à la concurrence internationale.

Ce projet de loi répond en grande partie à ces questions. Il crée une opportunité supplémentaire de revenus : les débouchés non alimentaires, tels que les huiles végétales ou les biocarburants, qui, en autoconsommation, permettent également de réduire les achats extérieurs. Les biocarburants font enfin l'objet d'une politique ambitieuse ! Nous avions été trop timorés dans notre soutien à l'énergie solaire, et il faut très vite nous mettre à la hauteur de la situation. Nous ne nous sommes pas contentés de déclarations dans ce domaine, et nous pouvons en être fiers. Reste que l'incitation à l'utilisation des huiles végétales n'est toujours pas suffisante.

Il manque cependant à ce texte un signe fort à l'endroit des retraités agricoles.

M. Germinal Peiro - Tout de même !

M. Michel Roumegoux - Je vous demande instamment d'améliorer rapidement la situation de ces anciens travailleurs méritants.

Merci, enfin, d'avoir accepté de renoncer à plusieurs ordonnances. Cette loi, bien amendée, devrait permettre aux jeunes, d'abord, mais aussi à tous les autres agriculteurs, passionnés par ce noble métier, de reprendre confiance en l'avenir et de continuer leur formidable aventure avec fierté et avec la considération de leurs concitoyens. Les agriculteurs ont besoin d'espoir, de reconnaissance mais aussi de soutien.

M. Dominique Le Mèner - Permettez-moi d'associer à mon intervention ma collègue, Arlette Franco. Ce projet s'inscrit dans un contexte de transition et de défi pour l'agriculture. Celle-ci représente un atout puissant et un élément moderne de notre économie, et la loi d'orientation allègera les contraintes administratives, comme l'avait fait la loi en faveur des PME. Elle modernise le statut des exploitants, sécurise le revenu des agriculteurs et renforce l'organisation économique du monde agricole.

Je voudrais d'abord souligner les avancées sensibles faites en faveur du conjoint collaborateur. La modernisation des conditions d'accès à la protection sociale, la possibilité d'opter pour le statut de conjoint collaborateur sans être obligé de recueillir l'avis du chef d'exploitation, la limitation du statut d'aide familial à cinq années sont d'excellentes mesures, sans oublier le service de remplacement pour congé, qui améliorera l'attractivité du métier.

Enfin, et c'était l'un de nos engagements électoraux, les salariés agricoles bénéficieront de l'assouplissement des 35 heures : ils pourront, s'ils le veulent, effectuer des heures supplémentaires au-delà du contingent légal.

M. André Chassaigne - Quel progrès !

M. Dominique Le Mèner - La possibilité de choisir est toujours un progrès social !

Pour la viticulture, le texte prévoit la création d'un Haut conseil de coopération agricole. J'appelle votre attention sur le fait que la nouvelle structure ne peut être financée par de nouvelles cotisations obligatoires qui pèseraient sur les coopératives. Celles-ci, élément essentiel de notre viticulture, traversent une crise sans précédent. Elles sont gérées exclusivement par les viticulteurs, ce qui leur permet d'être ancrées dans leurs territoires, mais elles subissent des contraintes spécifiques, liées à leur statut. Elles ne peuvent donc être assimilées à d'autres formes de sociétés commerciales. Nous devons veiller à ne pas banaliser le statut de la coopération agricole et éviter son alignement sur celui des sociétés.

M. André Chassaigne - Très bien !

M. Dominique Le Mèner - Tout un volet du projet de loi est consacré aux signes de qualité. Le consommateur est en effet de plus en plus attentif à la traçabilité des produits. Il est prévu de regrouper autour d'un nouvel institut les signes d'origine et de tradition qui étaient du ressort de l'INAO et les signes de qualité supérieure, comme le label rouge, et de qualité environnementale. Cette réorganisation est saluée par la profession, mais l'accroissement des compétences nécessite des moyens correspondant. Aurons-nous des précisions à ce sujet ? Je voudrais également savoir si les vins de pays auront une indication géographique protégée. Si c'était le cas, il faudrait réorganiser les services de l'INAO et de l'ONIVIN. S'il existe en effet quelques superpositions, ces services assurent des missions de fond très différentes : l'ONIVIN est chargé du contrôle et de l'attribution des primes européennes et l'INAO doit jouer un rôle de conseil afin de garantir réellement la sécurité du consommateur plutôt que de se restreindre à un contrôle a posteriori. Le monde agricole connaît trop de difficultés pour que nous lui imposions un contrôle onéreux exercé par des organismes certificateurs.

Enfin, je voudrais souligner l'importance de la pluriactivité. La règle qui interdit le rattachement des bénéfices industriels et commerciaux aux bénéfices agricoles au-delà d'une certaine limite, impose la construction d'une seconde structure juridique, perçue comme un frein au développement de la pluriactivité. Nous devons avancer dans ce domaine, afin de permettre un complément de revenu important pour les agriculteurs.

Réformer, moderniser, adapter notre agriculture implique également un changement dans les nombreux organismes agricoles. C'est aussi l'objet de ce texte, que nous soutiendrons avec conviction (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Martin - Un observateur candide, comme il en est peu sur ces bancs, pourrait trouver judicieux que vous présentiez une loi d'orientation agricole au moment où nos agriculteurs se trouvent si désorientés, et où ce manque de repères s'étend à tous ceux qui vivent en milieu rural. On reste abasourdi de constater qu'en dépit des catastrophes sanitaires et environnementales que nous avons connues depuis une trentaine d'années, nous sommes toujours incapables d'associer la communauté nationale aux choix qui engagent la vie et l'environnement des générations futures. Pour le vérifier sur le terrain, je sais que cet oubli est mortel pour la démocratie et qu'il aggrave chaque jour un peu plus le fossé qui sépare ceux qui décident de ceux qui subissent. Cette fracture démocratique est amplifiée par le hiatus de plus en plus visible entre un discours officiel précautionneux et soi-disant « durable » et une pratique en réalité opaque et à courte vue.

Ce contexte explique largement l'exaspération de nos concitoyens qui, comme c'est le cas dans mon département du Gers avec les OGM, se voient imposer une technologie à tout le moins incertaine et qu'ils refuseraient dans leur immense majorité s'ils en avaient le choix. A cette exaspération s'ajoute le désarroi de nombreux maires ruraux, interpellés sur leur incapacité de s'opposer à cette forme rampante de violence et désarmés à l'heure d'exercer leurs prérogatives. Et que dire du désarroi des agriculteurs bios ? Soumis à des contrôles sévères, tatillons, et fréquents, ils voient leur travail menacé d'anéantissement par le voisinage d'essais - et maintenant de cultures - OGM commerciales réalisés sans précaution !

Face à ce constat, nous avons voulu croire qu'il était possible de débattre sereinement sur une question qui ne saurait être confisquée ni par des spécialistes qui se sont si souvent trompés par le passé, ni par des entreprises transnationales. Nous avons cru le Président de la République lorsqu'il déclarait que la planète brûle tandis que nous regardons ailleurs ! Nous avons cru le Gouvernement lorsqu'il a introduit dans la Constitution une Charte de l'environnement et un principe de précaution que j'ai, pour ma part, voté ! Nous l'avons cru lorsque la loi du 13 août 2004 a invité à une participation accrue des électeurs aux décisions qui les concernent et à une généralisation des consultations citoyennes ! Mais c'était sans compter avec le double langage d'un gouvernement bien décidé à entraver toute initiative dans ce domaine et à saisir toutes les juridictions nécessaires pour empêcher, ici des arrêtés municipaux, là, un référendum départemental.

Entre temps, une mission parlementaire s'est penchée pendant six mois sur les enjeux des essais OGM en plein champ. Après un important travail, elle a affirmé qu'aucune expérimentation nouvelle ne devait désormais avoir lieu sans le respect du triple principe de précaution, de parcimonie et de transparence. Aucune de ces recommandations n'a été mise en œuvre, pas même un commencement. Et, pendant que nous nous penchions sur l'encadrement d'une recherche au demeurant nécessaire, un millier d'hectares de maïs OGM étaient mis en culture ! Des céréales qui n'étaient destinées ni au progrès de la recherche ni à la faim dans le monde, mais à la nourriture de cochons espagnols et aux profits de quelques grands groupes semenciers !

En 1964 déjà, un héros cher à votre cœur, Monsieur le ministre, le professeur Tournesol, alors que son confrère Antémar Zallaméa venait de lui envoyer une orange bleue susceptible de pousser dans le désert, affirmait que nous ferions un jour pousser dans le sable non seulement des oranges bleues, mais toutes les grandes cultures, du blé à la pomme de terre. Depuis revient régulièrement cette promesse, psalmodiée par tout ce que le lobby de l'agro-semence compte de professeurs Tournesol, qui annoncent un monde de chimères transgéniques où la nature, enfin maîtrisée, cédera aux charmes de l'agriculture intensive et à l'appétit des actionnaires. Comme souvent quand on veut gagner du temps pour créer un fait accompli, on leurre l'opinion avec des rapports parlementaires sans lendemain et des procès de faucheurs retentissants. Mais la réalité est plus brutale : le Gouvernement ferme les yeux sur une pratique commerciale fondée sur le risque, la prolifération et l'opacité, le tout assorti d'un « secret semence » de plus en plus insupportable. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Face à la surdité de l'Etat, aux démonstrations souvent contradictoires des scientifiques, au rouleau compresseur des businessmen de la semence, nous devrions, ensemble, militer pour la démocratie jusqu'au bout. En 1954, lorsque deux expéditions scientifiques voulurent prendre pied sur le fragment de l'étoile mystérieuse tombée dans l'Antarctique, celle des scientifiques européens triompha de celle des Américains, uniquement soucieux des retombées économiques d'une telle découverte. C'était un affrontement entre une science au service de l'homme et une science au service des intérêts économiques. Je veux croire que vous-même, et la mission parlementaire à laquelle j'ai participé, auraient embarqué avec Tintin sur l'Aurore si nous avions eu à choisir entre ces deux expéditions, c'est-à-dire entre la santé des actionnaires et le bien-être des hommes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Marie Binetruy - Après les voyages de Tintin, permettez-moi de revenir sur terre. La loi d'orientation agricole est un texte particulièrement attendu, accueilli de façon globalement positive par les organisations professionnelles. Je tiens à saluer les gouvernements qui, depuis juin 2002, ont montré leur attachement à l'agriculture et à ce monde rural qui a construit l'identité de la France, dans sa richesse et sa diversité. Je vous sais gré, Monsieur le ministre, d'être attentif aux préoccupations de nos agriculteurs passionnés par leur métier malgré des conditions de vie parfois difficiles et malgré les évolutions du secteur.

De nombreuses dispositions sont très intéressantes, telles que la création du fonds agricole, les avantages fiscaux destinés à améliorer la qualité de vie des agriculteurs, les dispositifs de gestion des risques, l'organisation de l'offre, le développement des productions non alimentaires ou les mesures relatives à la sécurité sanitaire et à la qualité de notre alimentation. Mais je veux appeler votre attention sur des points sensibles pour les agriculteurs de ma circonscription, où l'on compte encore une installation pour 1,2 départ.

Concernant la cessibilité des baux, qui est une bonne mesure, la valorisation du fonds permet au fermier de récupérer le fruit d'une vie de travail, comme le ferait tout autre entrepreneur. Il sera toutefois difficile d'obtenir un engagement du propriétaire sur une longue durée dans les zones péri-urbaines ou celles qui sont situées à proximité immédiate des villages.

Je souhaiterais également appeler votre attention, à l'instar de mon éminent collègue Michel Raison en commission, sur le coût engendré par la conclusion de baux multiples sous la forme authentique si l'exploitation est constituée de parcelles appartenant à de nombreux propriétaires.

Quant au contrôle des structures, si votre projet de loi répond à une demande unanime d'assouplissement, veillons à ne pas déstructurer les exploitations au moment de la transmission des biens familiaux : l'exemption de l'autorisation d'exploiter pourrait ainsi être limitée à une certaine surface définie en unités de référence pour chaque département.

Je voudrais enfin dire tout l'attachement que je porte aux productions agricoles de qualité, seul rempart contre la mondialisation. Le texte prévoit des évolutions qu'il semblerait utile d'examiner très largement en séance, même si vous avez déjà en partie répondu à cette interrogation en écartant le recours aux ordonnances.

En ma qualité d'élu de ce Haut-Doubs que vous appréciez, Monsieur le ministre, je souhaiterais revenir sur l'interdiction du cumul des AOC et de la dénomination montagne, posée par la loi sur le développement des territoires ruraux du 23 février 2005. Un amendement déposé par Martial Saddier, secrétaire général de l'ANEM, cosigné par de nombreux collègues, devrait au contraire le permettre.

Je salue enfin le remarquable travail de notre éminent rapporteur, Antoine Herth. Avec les députés de la majorité, et d'autres je l'espère, il sera votre allié pour aider notre agriculture à relever les défis de demain. Nous serons à vos côtés.

M. Jean Auclair - C'est avec une certaine fierté que j'ai lu sous la plume d'un académicien des propos que j'ai tenus à cette même tribune : « il faut désoviétiser l'agriculture !» Excusez-moi du peu, il s'agit de Maurice Druon.

M. André Chassaigne - Il m'aurait étonné que ce fût Maurice Thorez ! (Sourires)

M. Jean Auclair - Vous incarnez, Monsieur le ministre, les forces de progrès la résistance au conservatisme gauchiste. Après la respectable agriculture de nos aïeux, l'agriculture environnementale et folklorique inventée par la gauche, (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) il fallait rendre à l'agriculture ses lettres de noblesse pour en faire un atout économique en lui donnant une dimension entrepreneuriale.

Je tombe en constante admiration devant les palabres interminables des élus de gauche, qui souvent n'ont jamais mis les pieds dans une exploitation agricole (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Gaubert - Allons donc !

M. Jean Auclair - ...et qui ne la voient qu'à travers les manuels de l'Education nationale. Et ceux qui ont entraîné notre agriculture sur la pire des voies, voudraient nous donner des leçons ! Créer de la richesse et de l'emploi, tel est plutôt le propre d'un entrepreneur, commerçant, industriel ou agriculteur.

Les élus de gauche voudraient, au contraire, faire vivre chichement les agriculteurs. Ils voudraient pouvoir admirer, en souliers vernis, à bord d'une Velsatis ou d'un TGV, des paysans qui traient leurs chèvres à la main, manient le fléau et la faucille et labourent avec des bœufs ! (protestations sur les bancs socialistes et communistes)

Pour être né dans une ferme et avoir vécu dans le milieu de l'élevage, je peux vous apporter mon témoignage : le mot de « paysans » doit être banni du vocabulaire moderne. Les agriculteurs sont certes des hommes de la terre, mais ils sont de plus en plus des entrepreneurs fiers d'eux-mêmes. Ils sont hélas brimés par les dispositions ringardes de la calamiteuse loi Glavany de 1999, faite pour casser l'agriculture (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Il fallait tourner la page et développer une véritable stratégie pour l'agriculture.

Notre économie n'étant plus nationale comme autrefois, nous devons nous donner les moyens d'affronter la concurrence européenne et peut-être mondiale - si les accords de l'OMC ne répondent pas à nos attentes. Il s'agit de ne plus tergiverser, Monsieur le ministre car il y va de notre indépendance alimentaire et de la pérennité de la fonction productive de notre agriculture.

Des erreurs catastrophiques ont été commises. Toute la filière bovine en a été victime, en amont et en aval. La France, berceau de l'élevage est devenue dépendante pour le bœuf, comme elle l'est d'ailleurs - à 60 % - pour le mouton.

Jusqu'à présent, les agriculteurs organisaient, avec raison, leur production en fonction des aides maximales qu'ils pouvaient percevoir. Mais à partir du 1er janvier 2006, en vertu de la réforme de la PAC, ils devront travailler pour le marché et prendre en compte directement ses besoins. C'est un changement de cap majeur.

Monsieur le ministre, vous êtes un homme de conviction et vous appartenez à un gouvernement de mission qui refuse l'immobilisme et le conservatisme. A travers une série d'amendements, nous entendons vous aider à réformer plus encore l'agriculture française, que ce soit sur l'installation non aidée, les CDOA, les SAFER ou l'empilement des structures. Selon un récent rapport de l'institut Montaigne, plus de 370 organismes administratifs chapeautent le monde agricole, ce qui en fait le secteur d'activité le plus encadré.

M. Jean Gaubert - Vous en créez d'autres !

M. Jean Auclair - Si ces sujets demeurent sensibles et ne recueillent pas l'unanimité, n'écoutons pas pour autant les seuls syndicalistes et les représentants des grandes organisations qui prêchent pour leur chapelle.

J'espère, pour l'avenir de l'agriculture française, que la raison l'emportera.

M. Victorin Lurel - Pour répondre aux propos de M Auclair, j'ai été pendant quinze ans directeur d'une chambre d'agriculture et je suis fils de paysans à la fois socialistes et très attachés à leur terre. A entendre mon collègue, j'ai l'impression qu'il ne s'est jamais rendu dans une exploitation ! Votre proposition de mettre l'agriculture à la mode capitaliste méconnaît totalement la réalité de la vie paysanne.

Vous dénoncez le gauchisme immobiliste, mais le libéralisme échevelé risque de provoquer de graves dégâts. La division hier coloniale, et aujourd'hui internationale, a déjà réduit l'agriculture de l'outre-mer à la portion congrue, et ce texte aggrave les choses. L'annonce par le Gouvernement de larges débats sur l'avenir de notre agriculture a été bien accueillie, et elle a suscité de nombreux espoirs. A preuve la grande richesse des réunions de groupes organisées à la Guadeloupe. La déception fut d'autant plus grande à la lecture de votre projet. L'outre-mer a été oublié. L'ensemble des professionnels réclamaient une loi propre à l'outre-mer afin de traiter de façon adaptée les problématiques de nos territoires. Ce projet de loi ne répond nullement à ces aspirations, ni dans le détail de ses mesures, ni dans sa philosophie.

Sur 35 articles, un seul est consacré à un problème spécifique à l'outre mer, le foncier, auquel s'ajoutent un article portant sur la Guyane et un autre sur Mayotte et Saint Pierre et Miquelon.

La normalisation libérale heurte profondément nos modèles agricoles, car elle introduit un changement de paradigme : à l'agriculture familiale, composée généralement de deux unités de travail humain se substitue, sans étude d'impact un autre modèle, entrepreneurial, salarial et à responsabilité sociale, si j'ose dire.

Si je comprends la nécessité de passer à une conception plus commerciale du foncier afin de le faire mieux circuler, il existe aujourd'hui des risques incalculables pour nos régions. Aucun compte n'est tenu de nos spécificités, pourtant reconnue par la Constitution et les traités européens. Les particularités climatiques de nos régions - seuls pays sans hivers de la République ! - justifient à elles seules une loi agricole spécifique et nous défendrons un amendement en ce sens avant l'article 31. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. François Sauvadet - Sur ce dernier point, il n'a pas tort !

M. Marc Bernier - Rendez-vous crucial pour l'avenir de notre agriculture, l'examen de ce texte doit s'engager avec le souci de renforcer la compétitivité de nos filières en dotant nos exploitations de dispositifs d'accompagnement adaptés, à même de garantir aux agriculteurs un revenu décent et des conditions de vie acceptables. La mission auprès de vous, Monsieur le ministre, que m'avait confiée le Premier ministre m'a permis de mesurer combien le cadre juridique actuel, fondé sur le modèle de l'exploitation familiale, était obsolète. Dès lors, l'installation sous forme sociétaire s'impose, car elle permet tout à la fois de bénéficier de meilleures conditions de travail et d'éviter les écueils financiers, grâce à un investissement de départ moins lourd et à une installation plus progressive.

Le texte que vous nous soumettez complète la nécessaire mutation du modèle de l'entreprise agricole en faisant évoluer le régime fiscal des EARL. Désormais, ces structures pourront conserver le régime d'imposition des bénéfices agricoles, sans être obligées de passer au régime de l'impôt sur les sociétés. Toutefois, j'ai la conviction qu'une participation plus importante de capitaux extérieurs à l'agriculture - y compris de façon majoritaire - serait de nature à favoriser l'expansion des EARL. Quant à la structure des GAEC, et bien qu'elle soit dépassée sur plusieurs points, elle pourrait servir d'exemple à la mise en place de groupements d'entreprises rurales, lesquels associeraient alors de façon innovante des agriculteurs, des artisans et des commerçants en vue de maintenir l'activité en zone rurale.

En plus des outils juridiques rénovés, l'agriculture devra relever au cours des vingt-cinq prochaines années le défi de la transmission et de l'installation. Du reste, les difficultés ne viendront pas du manque de cédants ou de nouveaux exploitants potentiels, mais bien plutôt de la mobilisation des capitaux indispensables à la reprise. Il semble donc judicieux qu'en complément des instruments de soutien à l'installation existants, nous envisagions un accompagnement progressif de la transmission d'unités modernisées, pour éviter qu'une trop forte mobilisation financière de départ ne soit de nature à mettre en péril la viabilité de l'exploitation. Pour lever cet obstacle, la gestion de l'exploitation doit être déconnectée de celle du patrimoine bâti et non bâti. Le texte du Gouvernement répond précisément à ce besoin, en créant un fonds agricole lié à un bail cessible.

Dès lors, il ne reste à proposer que de nouvelles formes de portage du foncier - voire du bâti agricole - afin de favoriser ces investissements et l'acceptation de baux cessibles. A cet effet, pourquoi ne pas envisager un dispositif associant plusieurs propriétaires dans une formule de type « copropriété », celle-ci pouvant prendre la forme d'une association foncière au sein de laquelle les baux seraient cédés à la majorité qualifiée ? Au surplus, étant donné que la revalorisation du fermage demeure une véritable difficulté, nous pourrions favoriser l'attractivité du bail cessible grâce à diverses mesures fiscales et la fiscalité du fonds agricole lors de sa cession doit également être précisée. En vue d'alléger les charges agricoles, pourquoi ne pas retenir l'application d'un droit fixe identique à celui des cessions de parts sociales de sociétés civiles agricoles, lequel sera de 125 € à compter du 1er janvier 2006 ?

Mais ces mesures, destinées à favoriser la transmission du fonds agricole, ne seraient que peine perdue si elles ne s'accompagnaient pas de règles destinées à préserver le fonds. Au vu de la progression des zones urbanisées et de la pression immobilière du monde non agricole, il devient urgent de proposer des mesures tendant à limiter la disparition des outils de production de l'agriculteur.

Par ailleurs, si le monde agricole de demain accepte de s'inscrire dans une logique d'entreprise rurale durable, il y aura lieu de privilégier des méthodes de conseil, destinées à favoriser l'initiative et l'autonomie de décision de l'agriculteur. Ainsi, à la suite des travaux menés par les ADASEA et les chambres d'agriculture dans le cadre du montage du projet d'installation, nous pourrions envisager de mettre à la disposition des exploitants une aide au conseil tout au long de leur carrière. Cet appui constituerait un outil permanent de diagnostic, d'aide à la décision et de prévention des risques économiques. Au cours des différentes auditions menées dans le cadre de ma mission, j'ai aussi pu apprécier la nécessité de créer une aide à la reconversion.

Enfin, compte tenu de l'impact grandissant des aléas climatiques ou des crises sanitaires et conjoncturelles, la notion de viabilité économique des entreprises agricoles et rurales a pris une importance toute particulière. C'est pourquoi, il convient de s'attacher à la bonne gestion des risques. Si l'assurance récolte apporte une première réponse, pourquoi ne pas étendre le système aux risques sanitaires et de marché ? Cependant, plutôt que d'envisager le système assuranciel comme seule solution possible, nous pourrions améliorer les mécanismes comptables des provisions pour risques et aléas.

J'ai pu constater, au cours de ma mission, que nombre des attentes du monde agricole trouvent une réponse dans ce projet de loi. Pour autant, la loi ne peut pas tout résoudre, et comme je l'indiquais dans mon rapport d'étape, il reste encore de nombreux points à régler par la voie réglementaire. Le rapport définitif, que je vous remettrai fin novembre, les énumérera et je vous fais confiance pour vous en saisir dans les meilleurs délais. Pour ma part, je suis convaincu que cette loi constitue le point de départ de l'agriculture de demain car elle propose des moyens d'action utiles et très attendus (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Viollet - Quelques mots au sujet des dispositions de l'article 9 relatives au crédit d'impôt au titre des dépenses de remplacement des personnes indispensables au fonctionnement de l'exploitation, annoncé par le Premier ministre lors du congrès de la FNSEA. Je ne m'étendrai pas sur les insuffisances du dispositif - lequel exclut les céréaliers et les sociétés - car je souhaite insister de manière constructive sur les moyens de l'améliorer.

A l'instar d'un congé de maternité - ou de paternité - nous préconisons que le bénéfice du crédit d'impôt soit conditionné au fait que le remplacement soit effectué par l'intermédiaire d'un groupement d'employeurs, ayant pour objet principal de mettre des remplaçants à la disposition d'exploitants agricoles, après qu'il aura conclu avec la caisse de MSA une convention à cet effet - étant entendu que si le recours à un tel service n'est pas possible, le remplacement doit être assuré par une personne salariée spécialement recrutée à cette fin. Cette forme de conditionnalité serait protectrice, tant pour l'exploitant remplacé, assuré de bénéficier en toute sécurité juridique de la meilleure qualité de service, que pour le remplaçant, sûr de pouvoir faire valoir l'ensemble de ses droits sociaux dans le cadre d'un emploi reconnu.

Cette proposition a fait l'objet d'échanges approfondis avec la fédération nationale des services de remplacement et elle correspond à l'évolution de l'agriculture dans nos territoires, telle qu'on peut la mesurer en Poitou-Charentes - notre région, Monsieur le ministre - où les services de remplacement, forts de plus de 800 adhérents, servent déjà chaque année, plus de 100 000 heures de travail, soit une moyenne de 17 jours par adhérent ; en Charente, Cap'emploi remplacement - forte de plus de 300 adhérents  emploie aujourd'hui 18 équivalents temps, dont 11 en CDI.

En liaison avec les collectivités, nous nous attachons à développer l'adhésion des exploitants et mettre en place de modules de formation dans les CFA des lycées agricoles, en vue de professionnaliser les agents de remplacement. Le présent débat doit nous permettre de renforcer encore cette action de création et de pérennisation d'emplois dans nos campagnes, grâce au maintien d'exploitations que permet l'amélioration des conditions de vie des agriculteurs. La dynamique engagée est aussi favorable à l'installation, le métier d'éleveur devenant plus supportable avec la possibilité de s'absenter. Quant aux agents de remplacement, ils acquièrent au fil du temps une véritable compétence professionnelle, au terme d'un véritable parcours qualifiant.

Ma deuxième série de propositions est issue de la connaissance d'un territoire où 54 % des agriculteurs perçoivent un revenu inférieur au SMIC. Dans un tel contexte, la définition du crédit d'impôt à hauteur de 50 % des dépenses effectivement supportées et dans la limite de quatorze jours par an, n'est pas assez incitative. C'est pourquoi nous proposons - en concertation avec la fédération nationale des services de remplacement - de porter le crédit à 80 %, avec le même plafond annuel. Je souhaite qu'un sort favorable soit réservé à cette demande, sachant que certains agriculteurs ne quittent jamais leur exploitation faute de pouvoir bénéficier de modalités de remplacement adaptées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Paulette Guinchard - J'ai hésité à m'exprimer sur ce texte, mais après avoir mesuré l'émoi que suscitait dans le Doubs le projet de recourir massivement à des ordonnances pour légiférer sur des sujets essentiels, je tiens à dire d'emblée que le volet social de ce texte ne convainc pas. Ainsi, s'agissant du crédit d'impôt d'aide au remplacement de l'exploitant, comment ne pas déplorer que les conditions d'accès demeurent singulièrement restrictives cependant que l'éligibilité au dispositif n'est pas placée sous conditions de ressources ? Les pauvres ne seront pas plus aidés que les riches ! Etrange conception de l'égalité décidément que la vôtre ! Enfin, votre texte fait droit à l'opt-out pour les salariés agricoles, ce qui est particulièrement dangereux dans un secteur où les horaires de travail sont déjà très importants et largement annualisés. Quels syndicats de salariés agricoles demandaient une telle mesure ? Pour ma part, je n'en connais pas.

M. André Chassaigne - C'est la liberté !

Mme Paulette Guinchard - Je souhaite maintenant insister sur la création du fonds agricole, disposition la plus contestable du texte. Elle rompt en effet avec la logique collective qui a toujours été au cœur du développement et de l'organisation agricole, au profit d'une logique libérale individuelle. Pour l'avoir vécu dans ma propre famille, je sais combien, dans la difficulté, c'est précisément une approche collective qui a permis de faire face et de continuer à faire vivre l'exploitation. Il n'est d'ailleurs que de voir le succès des CUMA en Franche-Comté, et ailleurs. Je juge donc extrêmement dangereuse la création du fonds agricole, consécration de l'individualisme, valeur qui n'a pas sa place en agriculture. De ce point de vue, votre projet de loi est en profond décalage avec les attentes du monde agricole. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Yves Cochet - Nous ne pouvons qu'être très déçus à la lecture de cette loi d'orientation qui prétend, dans son exposé des motifs, « tracer des perspectives d'évolution pour les prochaines décennies ». Ce n'est en rien loi d'orientation, tout au plus une loi d'adaptation au modèle productiviste de la PAC, pourtant condamné à disparaître.

Pourquoi ce modèle disparaîtra-t-il ? Simplement deux faits à l'appui de ma démonstration. Tout d'abord, les chaînes agro-alimentaires industrielles, qui nourrissent aujourd'hui 450 millions de personnes en Europe, n'ont jamais été aussi inefficaces sur le plan énergétique. Pour fournir une calorie dans l'assiette, il en faut treize en amont, dont sept de pétrole ! Ce modèle, véritable gouffre, d'ores et déjà frappé de plein fouet par la hausse du prix des hydrocarbures et de l'énergie en général, n'est soutenable ni sur le plan énergétique, ni sur le plan écologique, ni sur le plan économique, ni sur le plan social.

Un autre choix d'alimentation est-il aujourd'hui possible ? Hélas, non. 80 % de la nourriture consommée dans le monde proviennent des grandes chaînes mondialisées - Carrefour nourrit à lui seul un milliard de personnes ! -, 15 % des marchés régionaux, et seulement 5% des producteurs locaux -ceux qui, de paysans sont devenus des exploitants agricoles et que vous voulez maintenant transformer en entrepreneurs agricoles.

Dans les amendements que je présenterai, je défendrai cinq orientations différentes pour l'agriculture française et européenne. Je crains, hélas, que vous ne les repreniez pas davantage que M. Sarkozy - alors ministre chargé, entre autres, de l'industrie - n'avait repris dans sa loi de programmation énergétique les orientations que j'avais défendues ici dès le printemps 2004. Il avait préféré faire adopter un texte irresponsable et indigne de notre pays, dont on mesure déjà les conséquences funestes, notamment pour les marins-pêcheurs et les agriculteurs. Mais sans doute est-ce par de telles mesures à courte vue que l'on espère flatter l'électorat, dans la perspective de 2007...

N'en doutons pas, si nous adoptons cette loi d'orientation agricole, il en ira de même pour le prix des denrées alimentaires. Décidément, c'est en tous domaines que ce gouvernement entraîne notre pays dans une impasse.

La discussion générale est close.

M. le Ministre - Je vais m'efforcer de répondre aux 39 orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale. A ceux qui n'ont pu être présents aujourd'hui et qui m'ont posé hier des questions très techniques, comme Mme Lebranchu, je répondrai par écrit.

Monsieur Sauvadet, les objectifs de cette loi d'orientation figurent dans son exposé des motifs. Il s'agit de renforcer une agriculture exportatrice, créatrice d'emplois et diversifiée. Vous avez eu raison d'insister sur ce dernier point. Il est vrai que nous aurions pu faire des études d'impact plus précises. Mais après les débats régionaux lancés par M. Gaymard, le grand débat national et un examen approfondi du présent texte au Conseil économique et social, nous disposions déjà de très nombreux éléments. Pour autant, je reste à votre disposition si vous souhaitez connaître le coût exact de certaines mesures. Vous avez regretté que le texte ne contienne pas grand-chose sur le défi scientifique. C'est vrai - bien que l'article 36 traite de la recherche -, mais ce n'est pas un oubli. Nous avons confié une mission spécifique à François Grosrichard sur la place de l'enseignement agricole dans le monde rural. Chacun connaît ici la qualité de cet enseignement, je n'y reviens pas. La recherche économique aussi est importante. Il en sera traité dans le projet de loi à venir sur la recherche.

M. Goldberg s'est plus particulièrement inquiété de l'article 3 relatif au fermage. Il nous a semblé utile de le simplifier et d'en adapter le statut, en lien notamment avec la nouvelle cessibilité des baux, sans pour autant le remettre en question. Quant au fonds agricole, ne lui trouvons pas tous les défauts, pas plus qu'il ne faudrait le parer de toutes les vertus ! Son objectif est de faciliter la transmission des exploitations sur le plan juridique, sans que cela change rien sur le plan économique.

M. Raison, avec la passion qui l'anime toujours, a loué l'ambition et le pragmatisme du projet de loi. Je l'en remercie. Gardons-nous d'idéaliser l'agriculture du passé comme de voir le Mal dans celle du futur ! Il s'agit seulement d'aider les exploitations à devenir des entreprises agricoles, à taille humaine, avec de vraies perspectives de développement économique, et offrant à ceux qui y travaillent un vrai projet de carrière. S'agissant du contrôle des structures, nous avons recherché un point d'équilibre. Il n'était pas facile à trouver. Nous avons voulu préserver l'installation tout en allégeant le plus possible les formalités.

La création du fonds agricole s'inscrit dans un contexte où l'installation hors cadre familial se développe. Notre objectif est de sécuriser juridiquement la transmission dans de telles situations.

Mme Lebranchu a posé des questions très concrètes sur la mise en œuvre du fonds agricole et du bail cessible. Si l'article premier est adopté - je le précise également à Mme Guinchard - tout agriculteur détiendra potentiellement un fonds agricole, qui toutefois n'aura pas de matérialité réelle tant que l'agriculteur ne cherche pas à le nantir ou à le vendre. Nous n'envisageons pas à ce stade d'enregistrement systématique et préalable. En cas de vente, l'acte de vente établi par le notaire définira le fonds ; l'agriculteur aura d'ailleurs le choix de son contenu. En cas de nantissement, nous reprendrons la procédure définie par les tribunaux de commerce pour les fonds de commerce.

Pour ce qui est du bail cessible, il ne s'agit en aucun cas de bouleverser le bail rural classique, qui est préservé. Le nouveau bail tend à permettre la transmission hors cadre familial. Il est à nos yeux une condition préalable nécessaire à la création du fonds agricole. Il est probable qu'il ne se développera que progressivement, sans doute en commençant par les exploitations dont la structure foncière repose sur un noyau principal appartenant à un propriétaire. Il n'y a naturellement aucun moyen d'obliger plusieurs propriétaires à se mettre d'accord : ce problème a été bien identifié par Marc Bernier dans le cadre de la mission qu'il accomplit avec talent ; je crois qu'il nous fera bientôt des propositions sur cette question de la multipropriété.

Mme Lebranchu a également évoqué la CDOA. La mission actuelle de celle-ci est double : elle donne au Préfet un avis sur les aspects généraux de la politique agricole dans le département, et des avis sur les dossiers individuels. Elle a montré son efficacité ; son fonctionnement est toutefois perçu comme très lourd, et je souhaite l'alléger, en concentrant la commission sur son rôle d'orientation. Cet objectif s'inscrit dans la démarche de simplification de toutes les commissions administratives qu' a engagée le Gouvernement. La CDOA, comme les autres commissions, a déjà été délégalisée par une ordonnance de 2004 et sera recréée par décret. C'est pourquoi les dispositions de la partie législative du code rural qui la concernent doivent être supprimées. Le projet de décret redéfinira ses missions et son fonctionnement ; il sera préparé en concertation avec toutes les organisations professionnelles.

Plusieurs orateurs se sont interrogés sur le rôle respectif des interprofessions et des offices à l'avenir, notamment dans la gestion des crises. En 2003, la France a subordonné son accord à la réforme de la PAC - et je rejoins ici les réflexions de M. Mariani et de Mme Barèges sur les crises qui affectent les fruits et légumes ou la viticulture - à la possibilité de disposer d'instruments de gestion des crises. Je me bats au Conseil européen, soutenu d'ailleurs par beaucoup de pays membres, pour que nous ayons ces instruments au plus vite ; après les tourmentes que nous avons vécues l'an dernier sur les légumes, et sur les fruits cette année, chacun en voit la nécessité.

M. Jacques Le Guen, M. Jean Dionis du Séjour et M. François Sauvadet - Très bien !

M. le Ministre - M. Dionis du Séjour s'est interrogé sur le fermage : je viens de dire que sur le fond nous ne touchons à aucun des principes du statut du fermage. Nous ne remettons pas plus en cause le métayage. Pour que tout soit clair, je suis d'ailleurs prêt à ce que le champ de l'habilitation soit précisé dans le cours du débat (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF et plusieurs bancs du groupe UMP).

Pour ce qui est des huiles végétales brutes, sujet cher à votre rapporteur, il est vrai qu'au départ nous avons envisagé une ouverture assez limitée, avec une utilisation à titre expérimental. Il ne faut pas être trop réticent devant le cadre expérimental : on ne peut pas d'emblée légiférer pour les siècles, et il est bon que le législateur puisse tester une mesure avant de la généraliser. Je précise d'ailleurs, car vous êtes tous très attachés aux biocarburants, que nous devons aussi éviter de gêner le développement des filières industrielles que nous voulons bâtir avec le plan biocarburants et ses huit usines. Mais on a vu cet été combien le phénomène se développait ; on a pu voir à la télévision un agriculteur âgé faire de l'huile dans son garage et la vendre à ses voisins... Nous devons donc élargir la mesure, j'en suis d'accord avec le président Ollier, et nous pourrons le faire au cours du débat.

M. Piron a appelé notre attention sur l'effort de simplification. Et il est vrai - comme l'a également dit François Guillaume - qu'il y a encore du travail ! C'est un combat permanent. Je citerai sur ce point la création d'une agence unique de paiement pour tous les paiements du premier pilier de la PAC.

M. Peiro, comme M. Garrigue et d'autres, a évoqué le dossier des retraites agricoles. Je reconnais que le gouvernement de M. Jospin a agi dans ce domaine ; comme député de l'opposition, j'avais alors voté ses mesures. Il l'a d'ailleurs fait habilement, en faisant adopter cette mesure sympathique, mais non financée, à la veille de l'élection présidentielle de 2002, comme l'a rappelé M. Mariani... Mais notre majorité n'a pas à rougir du travail fait depuis 2002. Je rappelle la mensualisation, réclamée depuis des années. Et n'oublions pas la mise en place de la retraite complémentaire obligatoire, soit 1000 € de plus par an pour 435 000 retraités. Des personnes retraitées avant le 1er janvier 2003 peuvent en bénéficier sous certaines conditions, bien que n'ayant jamais cotisé au régime. La majorité a bien travaillé, même s'il reste des efforts à faire.

M. Guillaume, avec le poids que lui donnent son expérience et sa place dans le monde agricole, a souligné l'absence de mesures sur le foncier. Le point est certes important. La loi sur les territoires ruraux a déjà été l'occasion de longs débats à ce sujet, qui ont conduit à la création de périmètres de protection des espaces agricoles et urbains. Dans un premier temps, il nous a paru difficile d'aller plus loin dans la loi d'orientation. Mais, dès que nous avons présenté ce projet, on nous a demandé de toutes parts - et je pense notamment à l'excellent rapport de M. Boisson au Conseil économique et social - de renforcer le texte dans ce domaine. Je pense que plusieurs des mesures que propose le rapport Boisson pourront être discutées au cours de ce débat, notamment celles qui tendent à faciliter la mise en œuvre de la procédure des zones agricoles protégées, et à mieux prendre en compte les intérêts agricoles dans les procédures d'urbanisme. Nous voyons tous dans nos communes les espaces ruraux grignotés par les collectivités qui font du lotissement ; des élus alpins comme M. Saddier me font part du manque complet de terres dans les vallées alpines. Une réaction politique s'impose donc.

Les SAFER sont un sujet complexe, sur lequel les avis sont partagés. Nous avons recherché, Monsieur le ministre Guillaume, un point d'équilibre. Certains souhaitent aller plus loin et remettre en cause le mode de fonctionnement des SAFER, ce à quoi vous n'êtes pas favorable ; mais je doute qu'on puisse aujourd'hui dégager un consensus, et je pense qu'il faut en rester à l'équilibre actuel. Quant aux coopératives, nous avons beaucoup échangé à partir de votre rapport, et je suis prêt à introduire dans le texte plusieurs mesures nouvelles dans ce domaine. Je pense notamment à la création - à laquelle vous tenez - d'un Haut conseil de la coopération agricole, qui ne sera pas un « machin », mais aura un pouvoir décisionnel, et aux modalités d'affectation du résultat sous forme de parts sociales.

M. Hugon a également parlé des retraites ; je lui confirme que nous mettrons en œuvre les propositions issues du groupe de travail.

M. Vergnier a déploré un volet social trop réduit. Il estime que ce projet ne s'adresse qu'aux plus grosses exploitations. Le volet social ne me semble pas si réduit ; je rappelle par exemple l'article 8 qui améliore la protection sociale des agriculteurs exploitant moins d'une demi-SMI. Plusieurs orateurs ont évoqué leur passé d'aide familial, comme M. le député de l'Allier. Nous proposons de limiter dans le temps le statut d'aide familial, peu protecteur, et de faciliter l'accès au statut de conjoint collaborateur.

M. Decool a plaidé pour le soutien à l'agriculture raisonnée : j'y crois beaucoup. Christiane Lambert et bien d'autres font un bon travail dans ce domaine. Il est vrai que le projet ne comporte pas de mesures à ce sujet, mais le budget qui vous sera bientôt soumis dégage des crédits pour soutenir les agriculteurs qui s'engagent dans cette démarche.

Sur la réforme des directions départementales de l'agriculture, dont chacun connaît le rôle essentiel de proximité auprès des agriculteurs, nous entendons êtres pragmatiques ; nous verrons comment faire évoluer la représentation de l'Etat sur le terrain. Quant aux pratiques en matière de contrôle, j'ai consacré beaucoup d'énergie à faire prévaloir un nouvel état d'esprit, notamment avec la charte des contrôles, tout en respectant bien sûr les normes légales et règlementaires.

M. Colombier a évoqué le crédit d'impôt pour l'accès au remplacement. Les dépenses ainsi prises en charge sont aussi bien les dépenses directes de personnel que les dépenses indirectes, notamment lorsque l'agriculteur fait appel à un groupement d'employeurs. Je suis prêt à préciser les choses dans le débat. Quant au crédit d'impôt pour l'agriculture biologique, que Mme Gaillard a évoqué, nous pourrons améliorer le contour de la mesure ; il nous faudra toutefois rester dans les limites budgétaires du possible.

M. Nayrou a déploré l'absence d'un volet montagne ; j'en ai parlé aussi avec M. Brottes, M. Saddier et les élus de l'ANEM et du groupe Montagne. Nous sommes ouverts à l'idée d'introduire des mesures à ce sujet au cours du débat.

M. Feneuil a exprimé des inquiétudes sur le fonds agricole, tout en reconnaissant la pertinence des objectifs poursuivis. Je crois honnêtement que le texte répond à son souci d'un fonds optionnel et à géométrie variable. Je l'ai dit, tout agriculteur détiendra potentiellement un fonds agricole, qui toutefois ne se concrétisera que lorsque l'agriculteur choisira de le nantir ou de le vendre. Si cela doit permettre à la loi d'être mieux comprise, Monsieur Feneuil, je suis prêt à y inscrire explicitement ce caractère optionnel. Je crois d'ailleurs que la commission des Affaires économiques a adopté un amendement en ce sens.

Vous avez également souligné l'importance de la contractualisation, qui peut, au sein des filières, sécuriser les approvisionnements pour les uns, les débouchés pour les autres. C'est pourquoi le Gouvernement sera favorable à un amendement déposé sur ce point par M. Herth.

M. Yves Censi, président du comité de surveillance du FIFSA, a évoqué les enjeux liés à l'équilibre économique de ce fonds. Nous y travaillons dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances, et ferons le maximum pour le financement de ce fonds, dans le contexte budgétaire difficile qui est le nôtre.

Mme Bousquet a évoqué le problème de l'agriculture familiale. Je n'adhère pas à une vision manichéenne qui opposerait l'agriculture familiale à l'agriculture industrielle - il y cinquante ans, on opposait d'ailleurs la droite, partisane de l'agriculture familiale à la gauche, tenante de l'industrialisation. Je crois à une agriculture naturellement familiale mais j'estime qu'elle doit évoluer pour préserver sa compétitivité. Sur la reconnaissance du travail du conjoint, je suis d'accord. On voit de plus en plus de couples qui s'associent, et nous disposons déjà de tous les outils juridiques.

Je veux remercier M. Favennec d'avoir souligné l'importance de la concertation qui a précédé ce projet de loi. S'agissant du statut d'aide familiale, je suis prêt à approfondir avec vous la question du rachat des périodes travaillées, même si cela relève du domaine réglementaire.

M. Lemoine a évoqué les perspectives de l'assurance récolte et de réassurance publique. Celle-ci n'est pas exclue, et nous l'étudierons en temps utile.

Je le dis en toute cordialité, je n'ai pas la même vision de l'agriculture que M. Brottes. Les conditions de l'exercice du métier d'agriculteur ont changé. Sachez que concernant le contrôle des structures, auquel vous êtes légitimement attaché, très peu de refus sont opposés dans la procédure actuelle. Ce n'est pas cela qui facilite l'installation.

M. Mariani a évoqué avec gravité les difficultés que rencontrent les secteurs de la viticulture et des fruits et légumes. Nous avons engagé de grandes actions de soutien conjoncturel pour la viticulture et nous prenons également des mesures de fond, avec notamment la distillation de crise pour les AOC ou pour les alcools de bouche. Mais il nous faut également structurer l'offre en fonction des nouvelles exigences des marchés. Nous travaillons à la mise en place d'un plan de sauvetage du secteur des fruits et légumes pour les départements les plus touchés. Nous dégagerons les moyens nécessaires pour résoudre les problèmes conjoncturels et structurels de ce secteur.

M. Morel-A-L'Huissier a évoqué les outils dont l'évolution a été rendue indispensable par la réforme de la PAC. Quant à l'élevage en haute-montagne, il a des contraintes spécifiques et je serai attentif à ce sujet lors de la prochaine programmation du FEDER

M. Manscour a parlé de la nécessité de renforcer les mesures en faveur de l'outre-mer. Ces collectivités ont en effet besoin d'un soutien fort, adapté à leur spécificité. Nous sommes mobilisés sur le sucre et sur la banane et dégageons actuellement des moyens importants. Je souhaite d'ailleurs rendre hommage à la mission parlementaire en charge de ces questions et prends note de la demande d'indemnisation récemment adressée à mes services.

M. Beaugendre a souligné le problème du foncier dans les départements d'outre-mer. Il s'agit là d'un point crucial, notamment en Guyane où la propriété privée n'existe pas. Nous essayons d'avancer à ce sujet. Concernant la modernisation du fermage et du métayage, je suis favorable à l'amendement que propose votre collègue.

Mme Ramonet a justement souligné l'importance des pôles de compétitivité.

Parmi les sujets abordés par M. Chanteguet figurent les problèmes d'installation. Je regrette qu'il considère que nous n'en faisons pas assez. Nous avons rénové l'ensemble des aides à l'installation, baissé les intérêts des prêts bonifiés et proposons aujourd'hui un dispositif sur la transmission des exploitations.

Je souhaite dire à M. Garrigue que nous analysons actuellement les conclusions du groupe de travail mis en place par Hervé Gaymard. Le Gouvernement proposera prochainement un plan d'action sur ce sujet.

Mme Pons a évoqué à juste titre le prix du foncier. Je sais également que son département est concerné par le passage du TGV Marseille-Nice et je lui rappelle que je suis prêt à travailler sur ce dossier avec les agriculteurs du Var.

Je regrette que Mme Gaillard ait considéré le volet environnemental comme insuffisant et ait taxé de « mesurette » une disposition qui ne coûte pas moins de 15 millions d'euros. Les mesures en faveur du biocarburant ou du bois énergie sont importantes et il est dommageable que la majorité précédente ne les ait pas prises plus tôt.

Les biocarburants ont été au cœur de l'intervention de M. Philippe-Armand Martin. J'ai bien noté ses inquiétudes sur le fonds agricole.

M. Roumegoux a parlé avec raison de restaurer la confiance et évoqué le problème de l'approche des contrôles. Il s'agit là d'un effort que nous devons poursuivre.

Concernant le Haut conseil des représentants agricoles, je souhaiterais répondre à M. Le Mèner que cette institution ne rendra pas nécessaires de nouvelles cotisations.

M. Philippe Martin a évoqué les OGM. L'Assemblée nationale, dans le cadre de la mission conduite par M. Le Déaut a fait un excellent travail, sur lequel le Gouvernement s'appuiera : un projet de loi sera déposé dans les semaines à venir. Le Gouvernement est favorable aux OGM expérimentaux - à cet égard, les actions perpétrées à Clermont-Ferrand, et qui ont stupidement détruit des travaux de recherche contre la mucoviscidose, seront sanctionnées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Mais il faut peut-être plus de transparence en effet.

Enfin, je n'ai pas la même analyse tintinophile que vous de l'Etoile mystérieuse : parmi les Européens, il n'y a en effet que des ressortissants des pays de l'Axe ou des neutres ; et parmi les Américains, un Israélite !

M. Lurel a également abordé la situation de l'outre-mer. Je ne suis pas hostile à ce que nous débattions d'un projet de loi spécifique.

M. Binetruy s'inquiète du coût des baux cessibles. Pour s'assurer qu'un contrat soit conclu dans des conditions suffisantes de sécurité juridique, il faut maintenir, du moins la première année, l'exigence d'un acte authentique. Nous aurons par ailleurs un débat de fond sur les signes de qualité.

M. Auclair, comme toujours, s'est exprimé avec passion et talent. Il a dit, et je l'approuve, combien notre agriculture avait besoin de liberté et de responsabilité. L'Etat doit en effet favoriser une meilleure harmonisation économique de la production et de la transformation. Telle est précisément la ligne de force de cette loi. Nous avons eu l'occasion d'évoquer ensemble les particularités du secteur de l'élevage, qu'il connaît et défend bien. Nous tiendrons compte de ses pertinentes remarques.

Je remercie M. Bernier pour le travail accompli à mes côtés concernant la transmission des exploitations. J'ai déjà eu l'occasion de lui dire que je n'étais pas hostile à l'introduction dans la loi de certaines des mesures auxquelles il a pensé.

M. Viollet a évoqué le crédit d'impôt remplacement qui aidera les agriculteurs à prendre jusqu'à 14 jours de congés. Certes, les filières ont des contraintes, mais nous pensons que les associés au sein d'une exploitation sociétaire peuvent en bénéficier. Nous aurions pu limiter cette mesure aux services de remplacement, mais nous avons choisi de l'ouvrir à tous les modes de remplacement, sans préjudice pour l'exploitant ni pour celui qui assure le remplacement.

Mme Guinchard a évoqué l'article 10, relatif à l'application de la loi des 35 heures. Je rappelle qu'il ne s'agit en l'occurrence que d'appliquer au secteur agricole les dispositions qui ont été prises pour les autres secteurs d'activité. Le fonds agricole n'est pas dirigé contre l'exploitation individuelle. Si elle a raison de dire que le monde agricole est un monde d'action collective, la logique que nous défendons n'y est en rien opposée.

J'ai pris acte des orientations proposées par M. Cochet, mais je lui fais remarquer que c'est notre Gouvernement, et non celui auquel il appartenait, qui propose un grand programme pour les biocarburants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président de la commission - C'est exact.

M. le Ministre - Le Premier ministre a proposé de sextupler la production de biocarburants et d'atteindre dès 2008, et non 2010, l'objectif d'une incorporation à 5,75%. Les agriculteurs nourrissent le pays : ils produiront désormais aussi son énergie. C'est là un message politique et environnemental fort dont ce Gouvernement et cette majorité peuvent se féliciter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Je vous remercie, Monsieur le ministre. Mais, je vous rappelle ce que vous n'ignorez d'ailleurs pas : constitutionnellement, le temps de parole du Gouvernement n'est pas limité, contrairement à celui des parlementaires.

La séance, suspendue à 18 heures 5, est reprise à18 heures 20.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Jean Gaubert - Je voudrais d'abord dire combien il peut être irritant, voire choquant, d'entendre un membre de la majorité nous refuser le droit de parler au nom de l'agriculture. Il y a des connaisseurs du monde rural sur d'autres bancs que les siens ! Et la comparaison des mérites de chacun pourrait réserver des surprises. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Je voudrais aussi rappeler que nous sommes députés de la République et que chacun de nous est habilité à parler au nom de tous les Français, quelles que soient sa formation et sa situation précédente ! Le Petit Bleu, le journal d'un de mes illustres prédécesseurs dans les Côtes-d'Armor, René Pleven, avait pour maxime : « dis ce que les autres taisent ». Je voudrais que ce que cet orateur a dit, personne ne l'ait pensé en voulant le taire !

M. André Chassaigne - Il a été félicité par le ministre !

M. Jean Auclair - Touché, coulé !

M. Jean Gaubert - L'agriculture a connu plusieurs grandes réformes qui l'ont marquée. Il y eut, en 1945, le statut du fermage et vous avez mesuré, Monsieur le ministre, combien nous y restons attachés. Ce fut un grand moment, pour mon père par exemple, qui avait changé trois fois d'exploitation entre 1930 et 1939. Il avait beau dire qu'au moins, les toiles d'araignée n'étaient pas vieilles, je vous assure qu'il était difficile pour lui de savoir que dans quelques mois, il faudrait de nouveau faire déménager toute la famille ! Je pense que vous seriez surpris des réactions, si vous attaquiez le statut du fermage.

Il y eut ensuite les lois fondatrices de 1962, qui donnèrent enfin à l'agriculture, à laquelle on avait assigné, depuis la Libération, l'obligation de nourrir tous nos concitoyens, les moyens de se développer. Mais l'agriculture productiviste que ces lois avaient, à juste titre, organisée a connu des débordements et il aurait fallu avoir le courage, les uns comme les autres, de la réformer dès la fin des années 1970, à l'époque où les premiers excédents agricoles apparaissaient et où la profession en niait l'importance.

L'institution de quotas laitiers, qui marqua le début d'une série d'autres événements, s'explique justement parce qu'on n'avait pas su réguler la production et ces quotas ont fait l'objet de discussions violentes. Tous, dans cet hémicycle, n'ont pas assumé leurs responsabilités. Relayant le syndicat majoritaire, l'opposition de l'époque notamment - nous étions en 1984 -, les rejetait... avant de refuser ensuite qu'on y touche !

La réforme de 1992 fut un autre grand tournant : même si elle est imparfaite, elle a eu le mérite de démontrer qu'on ne peut défendre à la fois le prix rémunérateur et l'ouverture au monde. Il est certes possible de tenir le discours du prix rémunérateur, mais il faut alors blinder ses frontières, comme l'Albanie. Mais dans un système ouvert, il n'y a pas de relation, hélas, entre le prix de vente et le prix de revient ! Le prix de vente n'est que le résultat de la confrontation entre l'offre et la demande ! Il faut accepter cet état pour prendre les mesures qui permettront au monde agricole de vivre. Tant que nous resterons dans la confusion, cela ne sera pas possible : ce n'est pas donner une leçon de libéralisme que de rappeler ce principe de base.

De nombreux discours sur l'agriculture évoquent une paysannerie séculaire, des gens qui travaillent plus que les autres... Ils respirent la nostalgie du temps passé. Mais cela revient à installer l'agriculture dans un monde à part, dans un conservatisme qui n'est plus de mise, un conservatisme d'ailleurs largement soutenu par les partis de droite. L'agriculture a trop longtemps vécu avec un seul syndicat, curieusement défendu par des libéraux qui prétendaient être pour la liberté, y compris la liberté syndicale ! Les mêmes auraient-ils accepté de ne discuter, parmi les centrales ouvrières, qu'avec la CGT majoritaire ?

Mais l'agriculture a également su faire preuve de progressisme, dès les années 1950, grâce à des mouvements tels que la Jeunesse Agricole Chrétienne. Il faut saluer la transformation des campagnes ainsi entreprise, grâce aux idées et aux discours portés par ces mouvements, mais aussi grâce aux structures qu'ils ont créées : les centres d'études techniques agricoles, les CUMA, les coopératives, les GAEC...

Cette modernisation a toutefois emporté des effets regrettables : la course à l'agrandissement, la confusion du chiffre d'affaires et du bénéfice - selon le mauvais principe : « je perds à l'unité, je gagne à la quantité ». Or l'efficacité n'est pas en raison directe de la taille.

Des aides publiques importantes, en provenance notamment de l'Union européenne, ont alimenté ce processus. Si certains exploitants se considèrent comme des managers ultralibéraux, le financement de leur activité repose sur de l'argent public ! De tels « managers » sont surtout nombreux en Ile-de-France, en Champagne-Ardennes ou en Picardie, d'où des inégalités territoriales : on touche six fois plus par exploitation en Ile-de-France qu'en PACA ! Je reviendrai sur ce point car vos mesures risquent de pérenniser ces inégalités.

Comment ne pas évoquer également le rôle des femmes dans l'agriculture - non pas celles qui restent debout à vous servir, comme en Corrèze, mais celles qui n'ont pas le monde agricole pour origine ? Au sein, par exemple, des groupes de vulgarisation agricole, dont la composition est essentiellement féminine dans mon département, ce sont elles qui ont poussé leurs conjoints au changement.

Joue également un phénomène de générations : à la génération « passerelle » d'avant la guerre, qui revenait à la campagne pendant les vacances, ou qui accueillait les cousins paysans à Paris lors du salon de l'agriculture, a succédé la génération de l'incompréhension, qui a perdu tout lien réel avec le monde rural, à l'exception de grandes idées générales, reçues des parents et génératrices de quiproquos de part et d'autre.

La ruralité a changé. Alors que les agriculteurs sont longtemps restés la composante dominante du monde rural, ils s'y trouvent aujourd'hui en minorité. On ne compte, dans ma commune de 1 800 habitants et de moins de 2 000 hectares de surface agricole utile, que 51 exploitants, contre 60 artisans. A cela s'ajoute une conjonction plus fréquente entre habitat rural et travail en milieu urbain.

De cette situation résultent de nombreux conflits locaux : le conflit environnemental, qui ne se réglera que par le dialogue et le refus des excès ; mais aussi le conflit pour l'accès à la terre, l'outil de travail du paysan n'étant pas extensible à l'infini, et les agriculteurs tendent à exiger de garder le contrôle du milieu rural.

Les lois de 1962 furent une réussite presque trop parfaite : elles ont permis d'accroître les capacités de production de notre pays, qui se trouve ainsi exposé de plein fouet à la mondialisation. Le monde agricole en est profondément déstabilisé et se sent déconsidéré. Il est vrai qu'on ne paie plus les productions au prix de revient et que les paysans sont tributaires d'un marché d'excédents. En effet, ceux-ci s'élèvent à 3 ou 4% seulement de la production, c'est tout de même le cochon en trop ou en moins qui détermine le prix, et non la quantité totale. Il faut en être conscient pour agir à bon escient.

Nous vivons en outre dans une société qui réclame sans cesse la qualité, mais qui ne parvient ni à la définir - trop souvent les qualités sanitaires et gustatives d'un produit sont objets de confusion - ni à assumer ses choix, le consommateur n'achetant pas toujours le produit réclamé aux agriculteurs. Sans doute les prix limitent-ils la liberté des consommateurs mais il reste que le monde agricole pâtit de cette contradiction.

Comment rémunérer l'agriculture, aussi bien pour sa fonction de production que pour toutes les autres fonctions qu'elle assume, y compris l'entretien de la nature ? Un début de réponse a été apporté par la loi de 1999, avec les CTE tant critiqués. Vous les avez remplacés par les contrats d'agriculture durable, censés faire feu de tout bois , mais alors que l'objectif initial était de signer 10 000 contrats par an, la loi de finances pour 2006 n'en prévoit que 6 000. Bien peu d'agriculteurs sont donc concernés sur les quelque 500 000 que compte encore notre pays !

La loi de 1999 a également reconnu la multifonctionnalité agricole, en affichant une claire volonté d'occupation du territoire. Pour revenir sur ce que disait M. Brottes, que deviendront nos montagnes si elles se vident de leurs agriculteurs ?

Quant à la marginalisation des offices, Monsieur le ministre, elle ne résulte pas seulement des contraintes communautaires. Mais nous y reviendrons au cours de la discussion.

La multi-représentativité de l'agriculture n'est pas seulement un affaire syndicale ! C'est aussi une question qui se pose à propos des CDOA. L'arrivée là de gens venus d'autres milieux a dérangé mais comment ne pas comprendre que le repli sur soi signerait la perte de l'agriculture ? Si elle se préoccupe de plus en plus du développement durable et de la satisfaction du consommateur, elle doit impérativement se rapprocher de ce dernier pour mieux l'écouter.

Un des grands défauts des lois de 1962 était d'imposer à tous un moule identique : selon leur région, leurs productions, leurs aspirations, les agriculteurs peuvent se différencier très fortement les uns des autres. Quoi de commun entre Gérard, maire d'une commune de 80 habitants et 8 hectares, et Bertrand Delanoë ? La même différence sépare Pierre, qui produit 100 000 litres de lait, d'Elisabeth II. Tous deux bénéficient de primes européennes, mais d'un montant sans comparaison !

Les mêmes lois de 1962 ont consolidé nos positions commerciales sur le marché international. Si la balance des paiements en a profité, de nombreuses difficultés sont en revanche apparues sans que nous parvenions à les surmonter. Plusieurs orateurs ont fait référence, et à juste titre, à l'OMC. Votre position, comme celle de l'Europe, sera en effet délicate. Les Etats-Unis subventionnent massivement leurs producteurs tout en instrumentalisant les pays tiers contre l'Europe. C'est quelque chose de parfaitement insupportable !

M. le Ministre - Tout à fait d'accord !

M. Jean Gaubert - Certes, l'exemple du soutien européen à la betterave sucrière au détriment de la canne africaine montre que nous ne sommes pas totalement innocents dans ces affaires et qu'un jour ou l'autre, nous paierons le prix de nos erreurs. Ne nous exonérons pas à bon compte de toute part de responsabilité (« Très courageux ! » sur les bancs du groupe socialiste) et balayons devant notre porte pour renforcer notre position.

L'accord de Berlin a fait prendre à notre agriculture un nouveau tournant tout en créant une difficulté nouvelle : négocié à quinze, le dispositif devra être financé pour 25 Etats membres ! Les questions qui en découlent sont faciles à imaginer : comment répartir équitablement la ressource disponible ? Quelles priorités dégager ?

A la veille de la conclusion de l'accord de Luxembourg, votre prédécesseur affirmait ici-même que la France n'accepterait ni le découplage ni la modulation. On connaît la suite ! Nous avons eu les deux et ce n'est pas une mauvaise chose. Encore faudra-t-il veiller à ce que les prix pratiqués soient conformes à la réalité du marché, sans qui nous serons accusés de verser trop de subventions. L'accord de Luxembourg n'est pas intrinsèquement mauvais : c'est son application qui pose problème. En vertu du principe de subsidiarité, chaque Etat membre fait sa propre salade, en feignant d'oublier que l'existence du marché unique commande l'application de règles harmonisées. A brève échéance, les Allemands auront achevé le découplage et les aides dépendront de la surface d'exploitation ; en France, les mauvaises habitudes risquent de perdurer et la logique historique du « tu avais des aides, t'en auras encore ; tu n'en avais pas, tant pis pour toi ! » prévaudra toujours. Moralité, les régions méditerranéennes resteront à l'écart et les aides n'iront pas à ceux qui en ont le plus besoin. Grâce aux subventions européennes, les légumiers allemands renforceront leur avantage comparatif sur les nôtres, lesquels souffriront ! Et encore faut-il préciser que ces errements traditionnels ne procèdent pas d'une volonté bruxelloise mais de nos propres politiques.

Dois-je rappeler, Monsieur le ministre, que c'est votre prédécesseur qui a cru bon de réinventer les montants compensatoires non monétaires, de sinistre mémoire pour les agriculteurs bretons ?...

Un député UMP - Et pas seulement pour eux !

M. Jean Gaubert - Monsieur le ministre, à partir de l'exemple de la Dordogne, vous avez tenté hier de faire croire qu'une diminution de 20 % de la taxe sur le foncier non bâti pouvait entraîner un allégement global des charges de l'ordre de 8 %...

M. le Ministre - Je raisonnais sur cinq ans...

M. Jean Gaubert - Calculette en main, cette estimation laisse perplexe. Compte tenu des différents postes de dépense qui grèvent le budget des exploitants - assurances, charges d'exploitation proprement dites, etc. -, je doute que la part de cette taxe se situe au niveau que vous avez dit. Il faudra y revenir de manière approfondie au cours du débat. Au reste, quoi qu'il en soit, l'avantage fiscal favorise - comme d'habitude ! - ceux qui, possédant beaucoup de terre, sont déjà beaucoup aidés.

En 2002, le candidat Jacques Chirac avait promis un grand texte agricole au cours de son nouveau mandat. Au final, nous avons un peu l'impression qu'il s'agit de se donner bonne conscience à peu de frais, en entretenant l'illusion qu'une loi d'orientation peut tout régler...

M. le Ministre - Allons donc ! Nous n'avons jamais dit ça !

M. Jean Gaubert - Disons alors que beaucoup d'illusions ont été entretenues et que rien n'a été fait pour les dissiper, cependant que la récente loi en faveur du développement des territoires ruraux - dont je n'ai pas encore constaté les effets concrets - en créait de nouvelles ! Pardonnez au parlementaire que je suis d'avoir encore la naïveté de croire qu'une fois voté, un texte doit trouver à s'appliquer...

M. Michel Raison - Là-dessus, il reste des progrès à faire quels que soient la majorité et le Gouvernement !

M. Jean Gaubert - C'est exact. Mais la logique de la loi « territoires ruraux » est particulièrement perverse : si tu veux un médecin chez toi, fais payer ses impôts par le contribuable local !

M. le Ministre - Ne cédez pas à la caricature !

M. Jean Gaubert - Pour en revenir au présent texte, ne faut-il pas voir quelque ironie à ce que la présidence de la commission d'orientation préparatoire ait été confiée au chantre de l'ultralibéralisme qu'est le journaliste économique Jean-Marc Sylvestre ? Pour faire bonne mesure, le Gouvernement n'a d'ailleurs repris que les préconisations les plus libérales de cette instance. Les partenaires reconnaissent volontiers qu'ils ont été écoutés... Mais ont-ils été entendus ? Nombre d'entre eux - hors ceux sans doute auxquels ont été faites d'alléchantes promesses - affichent aujourd'hui leur déception.

On était en droit d'attendre de ce texte qu'il traduise une véritable compréhension des principales mutations agricoles survenues au cours des dernières années. Oui, l'agriculture ne domine plus notre économie. Oui, la transmission familiale n'est plus automatique. Oui, la relation au consommateur - lequel n'attend plus simplement d'être nourri - a changé. Oui, l'intégration dans la filière progresse de façon préoccupante ; pour les éleveurs de volaille, il n'y a pas de bonnes années : il y a les années noires et les petites années...

M. Michel Raison - Convenez que la loi de 1999 n'a rien réglé.

M. Jean Gaubert - Argument irrecevable. Vous êtes aux responsabilités depuis plus de trois ans : à vous de proposer des textes conformes aux besoins du pays.

En matière de sécurité sanitaire, beaucoup reste à faire et, trop souvent, si les marchandises ne débarquent pas dans le port de Marseille, ce n'est pas à cause des revendications sociales des dockers mais parce que les contrôles sanitaires y sont plus rigoureux que dans nombre de ports de l'Union ! Nous appelons toujours de nos vœux la création d'un corps d'inspecteurs sanitaires chargés de veiller à ce que les mêmes règles s'appliquent partout en Europe, de sorte qu'aucune distorsion de concurrence ne soit créée par ce biais.

La crise énergétique actuelle, qui n'a rien à voir avec celle de 1973, change la donne, en offrant de nouveaux débouchés, non alimentaires, à certaines productions agricoles mais aussi en rendant possible une évolution du commerce mondial : si le prix de l'énergie devait rester durablement élevé, serait-il toujours pertinent de faire traverser les océans à quelques tonnes de viande sans grande valeur ajoutée ? Il se pourrait bien que, dans quelques années, les régions françaises retrouvent leurs atouts si leurs produits sont moins concurrencés par les importations. Dans le même temps bien sûr, nous ne pourrons plus rêver d'exporter aussi facilement à l'autre bout de la planète.

La financiarisation de l'agriculture n'a jamais été aussi importante. Jamais par exemple les capitaux nécessaires à l'installation n'ont été aussi élevés. Nous espérions donc des mesures visant à faciliter l'installation des jeunes. Or, vous vous contentez d'instituer des exonérations fiscales au profit des cédants. En quoi profiteront-elles aux jeunes ?

Nous attendions également une réelle politique de gestion des crises, car ce ne sont pas les interprofessions, vu les moyens dont elles disposent aujourd'hui et disposeront demain, qui pourront y faire face.

S'imposait aussi une redéfinition de l'activité agricole. En effet, si un actif agricole est aujourd'hui un paysan qui travaille, qu'en sera-t-il demain quand, pour percevoir les primes européennes, la seule obligation sera d'entretenir ses terres ? Un cadre, un fonctionnaire ou un chef d'entreprise pourra parfaitement conserver des terres à des centaines de kilomètres de son lieu de travail, ne plus les louer, y faire passer un gyrobroyeur deux fois par an et empocher les aides... Le reste de la société, qui a déjà du mal à comprendre aujourd'hui qu'il faille aider les paysans, parce que, soit dit au passage, elle ne paie pas assez cher leurs produits, comprendra encore moins demain que l'on aide des personnes qui ne produisent plus et disposent peut-être de revenus plus élevés que les siens. Si nous n'y prenons garde, les DPU auront un effet dévastateur (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Nous espérions un volet formation, et ce même si notre enseignement agricole, qui fournit un vivier de jeunes agriculteurs de plus en plus compétentes, ne marche pas mal.

Nous espérions aussi des mesures en faveur des salariés. Alors que l'agriculture manque déjà de bras, vous donnez la possibilité aux patrons de faire travailler leurs salariés plus longtemps. Ce genre d'assouplissement ne peut que nuire à l'emploi agricole. L'idée largement répandue selon laquelle les paysans travailleraient beaucoup plus que les autres n'y est pas non plus favorable. C'est faux - paysan moi-même, je sais de quoi je parle. Combien de pauses faut-il décompter de nos journées de travail, sans parler du fait que nous n'avons pas à nous déplacer pour aller travailler quand d'autres, en région parisienne par exemple, mettent plusieurs heures ? La vraie difficulté de notre métier, c'est le stress permanent, notamment pour les éleveurs. Si nous voulons attirer des jeunes dans l'agriculture, veillons à ne pas en ternir l'image, surtout par des idées fausses !

Nous attendions aussi que soient mieux affirmées les nouvelles fonctions de l'agriculture. Des mesures concernent certes les biocarburants, mais rien n'est dit sur l'aménagement du territoire.

Au total, ce texte, incomplet, inachevé, dangereux, ne répond pas aux défis. Incomplet, je l'ai dit, il ne traite ni de la formation, ni de la mondialisation et de l'export, ni du financement, ni - ou si peu - du salariat, ni de la multifonctionnalité. Il ne s'adresse pas au sud de notre pays, les productions méditerranéennes n'étant pas concernées, si ce n'est par le démantèlement des offices. Il ne s'adresse pas non plus aux zones de montagne. Il ne dit rien de la rareté du foncier, non plus que de problèmes, peut-être particuliers mais importants, comme celui de la collecte du lait dans les écarts.

M. François Brottes - En zone de montagne notamment !

M. Jean Gaubert - Pas seulement. Il se pose aussi en Normandie.

M. le Ministre - C'est un vrai problème, mais son traitement ne relève pas d'une loi d'orientation agricole.

M. Jean Gaubert - C'est un problème d'aménagement du territoire qu'il faudrait prendre à bras le corps.

Incomplet, ce texte est également inachevé puisqu'il a fallu recourir, dans la précipitation, à des ordonnances - dont l'une a encore été réécrite hier.

Pis, il est dangereux, favorisant l'agrandissement des exploitations au détriment des installations. Vous n'allégez pas la politique des structures, vous l'abandonnez purement et simplement. Il sera facile de se trouver des cousins jusqu'au troisième degré - songez à la Corse ! - pour éviter d'avoir à passer devant la CDOA. Quasiment tous les dossiers y étaient entérinés, vous justifiez-vous, mais ce ne saurait être un argument, sauf à penser, dans un autre domaine, que les radars ne seraient plus nécessaires sur les routes, au motif que peu d'automobilistes se font prendre. Car qu'en serait-il s'il n'y en avait pas ? Les dossiers soumis aux CDOA y étaient la plupart du temps acceptés car ils avaient été constitués en toute connaissance de la loi. Réévaluation des seuils, élargissement de la notion de parenté, abandon du contrôle du nombre d'associés, autant de mesures qui ne vont pas dans le bon sens. La terre en effet n'est pas un bien extensible.

Sur le million d'hectares qui changent chaque année de propriétaires, 100 000 sortent du domaine agricole, 60 000 étant affectés à l'urbanisation et 40 000 laissés en friche, utilisés pour faire paître des chevaux ou constituer des chasses. Et des amendements comme ceux qui tendent à autoriser la production d'huiles végétales pour la seule autoconsommation risquent d'aggraver la situation, puisqu'aussi bien des propriétaires pourront être tentés de conserver quelques hectares à cette unique fin. 500 000 hectares servent à l'agrandissement, si bien qu'il en reste fort peu pour l'installation. Et avec ledit assouplissement de la politique des structures, il en restera encore moins. Il serait illusoire de compter que le marché se régulera de lui-même. En effet, le revenu agricole a diminué de 22 % depuis 1995. Dans le même temps le prix du foncier augmentait de 31 %. C'est dire que la pression foncière n'est pas finie, et les DPU n'y changeront pas grand-chose.

J'ai été heureux, Monsieur le ministre, de vous entendre dire qu'il ne fallait pas toucher aux SAFER. On peut certes leur reprocher ici ou là des erreurs, voire des dérapages. Il ne faut pourtant pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Nous avons besoin de cet outil de politique foncière, même s'il doit peut-être être démocratisé. On pourrait envisager que ses débats soient publics. Ceux des conseils municipaux le sont bien ! A procéder ainsi, on évite d'être soupçonné, et on prouve qu'on n'a rien à se reprocher.

Je voudrais aussi, Monsieur le ministre, vous encourager à méditer ce qu'a dit M. Grosmaire : il a demandé que les contrôles soient simplifiés, non allégés, et la nuance est d'importance. Comme vous avez paru apprécier son propos, j'espère que nos amendements à ce sujet trouveront un bon accueil.

J'en viens au fonds agricole. Grande trouvaille ! Elle doit permettre d'installer des jeunes, mais je n'ai pas encore compris comment. La référence au fonds de commerce n'a pas de sens. Un fonds de commerce, c'est quelque chose qu'on connaît : il y a une clientèle, un emplacement, etc. Ici la notion ne s'applique pas. On va mettre dans ce fonds des éléments dont la valeur est fluctuante...

M. François Brottes - Voire virtuelle !

M. Jean Gaubert - Prenons les stocks, par exemple. Vous me direz que le paysan peut garder des stocks constants. Mais leur valeur ne l'est pas : elle varie en fonction du marché.

M. le Rapporteur - Comme pour le fonds de commerce !

M. Jean Gaubert - Les DPU aussi seront mis dans ce fonds, alors que peut-être les jeunes qui les ont achetés ne pourront pas les revendre : de ces droits, nés de la dernière réforme, nul ne peut en effet garantir la pérennité. Comment peut-on dès lors nous expliquer qu'ils devront acheter plus cher ? Car c'est le cas. Lors du dernier congrès des fermiers et métayers, ceux-ci se félicitaient de ce pécule supplémentaire qu'ils auraient pour partir. Si les uns ont un pécule supplémentaire, c'est bien que les autres paient davantage ! On va pouvoir nantir, dites-vous. Mais le warrant agricole existait déjà : le nantissement ne changera pas grand-chose. De plus - je le sais par expérience - le warrant constituait un bouclage extraordinaire, et il en sera de même du nantissement : il n'aura de valeur que si l'agriculteur s'engage à garder des éléments égaux, et s'interdit de réorienter l'exploitation.

Car un autre point essentiel concernant le fonds agricole est qu'il constituera une formidable machine à scléroser l'agriculture. Supposons un jeune candidat à la reprise d'une ferme avec cinquante Holstein, un quota de 500 000 litres de lait, du maïs et une ensileuse, bref une belle exploitation. Supposons aussi que ce jeune désire faire de la limousine bio avec de l'herbe...

M. le Ministre - Dans ce cas il n'achètera pas cette exploitation.

M. Jean Gaubert - Je vous ai dit que la terre était un bien rare : il n'aura peut-être pas le choix ! Mais vous nous donnez la clé du problème : il n'a plus qu'à s'en aller, parce que c'est celui qui cède qui a décidé de ce qu'il devrait faire ! Vous rendez-vous compte de l'aveu que vous venez de faire ?

Mais dans le fonds vous mettez aussi des biens amortissables. Ce qui me conduit à parler des exonérations fiscales. Le débat sur les plus-values renaît régulièrement, surtout en agriculture. Or je rappelle qu'en agriculture les plus-values sur ce qui constituera le fonds, c'est tout simplement l'impôt qu'on n'a pas payé parce qu'on a amorti trop vite des biens qui se dépréciaient en réalité moins vite que l'amortissement. J'achète un tracteur et je l'amortis sur cinq ans. Mais au bout de cinq ans il vaut encore de l'argent. Et pourtant je n'ai pas payé d'impôt, grâce à l'amortissement. En réalité j'ai donc triché envers la collectivité, et de ce fait je vais encore avoir droit à des exonérations fiscales ! Voilà un point encore dont nous aurons à débattre.

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis - C'est l'application de la règle générale. Et vous voulez faire payer les agriculteurs un peu plus ?

M. Jean Gaubert - De plus, alors que vous êtes la majorité, vous tirez des chèques sur l'avenir avec un Etat qui n'a plus d'argent, qui n'a plus que des dettes... Et ce pour quelques-uns seulement, qui ne seront pas les plus malheureux parmi les agriculteurs cédants ! On propose en effet d'exonérer jusqu'à 300 000 € : beaucoup d'exploitations agricoles n'atteignent pas ce niveau.

Considérons maintenant le bail cessible. Bonne idée, mais quel parcours du combattant ! Il y a cinquante ans un propriétaire avait plusieurs fermiers. Aujourd'hui un fermier a plusieurs propriétaires. Pour que le bail cessible fonctionne, il faudra leur accord à tous : imaginez la complexité des discussions. La mesure sera donc, au mieux, inopérante.

D'autre part quelles garanties sont offertes au terme du bail ? Dix-huit ans plus cinq ans, cela ne conduit pas un jeune installant à l'âge de la retraite. Or, au terme de ce délai, il pourra être congédié, avec certes une indemnité, mais sans justification. Il pourra se retrouver à 50 ans sans possibilité de reconversion... Je suis favorable à des baux de carrière, car il est très difficile à un agriculteur de se réorienter.

Je ne reviens pas sur les biocarburants, si ce n'est pour noter que vous donnez généralement satisfaction, sauf sur les huiles végétales : je vous encourage à faire un pas de plus, sous peine d'être vite confrontés à un problème difficile.

Restent des problèmes non traités. Ainsi la coopération : sur ce point je vous encourage à reprendre davantage d'idées dans le rapport de François Guillaume, que je n'approuve pas entièrement, mais qui pose de bonnes questions. J'espère, Monsieur le ministre, que vous serez ouvert à certaines propositions qui vont dans le sens de plus de démocratisation, de responsabilisation, d'association des salariés - non pas tant au capital mais surtout aux responsabilités. Quelque chose me choque toujours dans le débat entre le monde agricole et le monde ouvrier. J'entends dire dans ma région : « Ils ont bien de la chance qu'on leur donne du travail ! » Et je réponds : nous avons bien de la chance qu'ils acceptent de découper nos cochons ou nos poulets dans les conditions où ils le font... Nous avons tous partie liée, et il est important qu'on le reconnaisse. Je déplore donc de voir que nous n'aurons sur la coopération qu'un débat tronqué, alors même que la relation entre les paysans, leur amont et leur aval est essentielle.

Un mot sur les interprofessions. J'ai parlé de la fin des offices, réduits à un rôle croupion. C'est Bruxelles qui l'a voulu, nous dit-on ; mais je ne suis pas sûr qu'il n'y ait pas aussi la volonté de passer à une autre phase. Et celle-ci m'inquiète : comment sera remplie la fonction de régulation, si nécessaire, qui n'a été assurée qu'imparfaitement par les offices, je l'admets ? Comment sera assurée la fonction d'orientation ? Qui sera représenté ? Les « principaux intéressés », nous dit-on. Cela signifie que d'autres sont exclus. Dans un organisme public l'Etat est le garant de l'intérêt de ceux qui ne sont pas représentés. Ici ce garant fera défaut. Quelle place sera laissée à l'agriculture différente, à ceux qui font du biologique, ou de la vente directe ? Ils sont minoritaires, et un système de représentation réduit aux plus importants risque de les laminer. L'orientation se fera uniquement en faveur de cette agriculture dont on dit qu'elle a une vocation exportatrice ; elle ne prendra pas en compte cette autre agriculture, essentielle à notre tissu rural. Elle fonctionne pourtant avec beaucoup moins de subventions européennes que l'autre, qu'on dit dirigée par de grands managers - lesquels, à considérer la part de l'argent public dans leur revenu, apparaissent plutôt comme de hauts fonctionnaires...

Je ne reviendrai pas sur la question de la formation, j'ai salué le rôle des lycées agricoles et des maisons familiales rurales. Toutefois, il est important que nous ayons un débat sur l'orientation de la formation.

Il y a trente ou quarante ans, la question du statut des agriculteurs, et notamment celui des conjointes, ne se posait pas, peut-être parce que la stabilité des couples était plus grande. Aujourd'hui, il est inconcevable qu'un conjoint travaille dans une exploitation sans statut. La loi Dutreil a rendu obligatoire le statut des conjoints de chefs d'entreprise. Nous proposons d'introduire par un amendement la même obligation pour les agriculteurs. Ce serait une véritable avancée pour les femmes.

L'encouragement à l'assurance n'est certes pas une idiotie, mais nous savons bien que tant que cette assurance ne sera pas obligatoire, il y aura toujours des personnes qui, par manque de prévoyance ou tout simplement par nécessité d'économie, ne la prendront pas. Nous devons trouver le moyen de permettre à tous les agriculteurs d'accéder à cette sécurité.

Concernant la sécurité sanitaire, il existe des différences entre pays européens, pour ne pas parler des importations d'Amérique du Sud. La France contrôle ses producteurs, d'autres Etats membres contrôlent les produits à la consommation. Si bien que les produits exportés de France sont contrôlés deux fois, tandis que certains produits vendus en France peuvent ne pas avoir été contrôlés du tout. Il y a urgence à définir un statut européen du contrôle sanitaire.

Les chambres d'agriculture font l'objet d'une mesure qui renforce le poids des échelons intermédiaires régionaux et de l'APCA. Mais si le pouvoir est transféré, il faudra poser la question de la représentativité car un établissement qui a beaucoup de pouvoir mais peu de représentativité ne peut tenir longtemps. Il y avait eu de grandes réticences à l'arrivée des minoritaires dans les chambres départementales, mais cela fonctionne plutôt bien.

L'ADAR était une belle invention. Elle va disparaître pour des raisons que nous ne comprenons pas très bien mais que vous éclaircirez sans aucun doute, Monsieur le ministre.

S'agissant de la loi sur l'élevage, il y a eu beaucoup de tergiversations. Je souhaite rappeler ici quelques principes. Il ne faut pas jouer avec l'amélioration génétique. Il s'agit d'un travail de long terme, qui exige un cadre et un contrôle public. L'accès aux semences étrangères doit être réglementé, y compris pour des raisons sanitaires. Je pense en revanche que vous ne pourrez longtemps maintenir le blocage s'agissant de la mise en place des semences, Bruxelles étant particulièrement sourcilleuse sur ce point. Mais nous devons réfléchir à une réorganisation dans ce secteur.

Pour conclure, ce texte...

M. Michel Voisin - ...est bon !

M. Jean Gaubert - ...a suscité beaucoup d'espérances. Certains de vos collègues ont dit leur déception, à la mesure de leurs attentes. Ce texte n'est pas achevé. Cela a d'ailleurs conduit la majorité à déposer, contrairement à la tradition, beaucoup plus d'amendements que l'opposition.

M. le Ministre - Ne parlons pas de tradition : la majorité fait son travail et elle est pluraliste !

M. Jean Gaubert - Certes, mais il s'agit d'amendements contradictoires. Il y a une limite entre pluralisme et cacophonie !

M. Michel Voisin - C'est la basse-cour !

M. Jean Gaubert - Je vous encourage à prendre davantage de temps pour travailler sur ce texte, en commission, voire entre vous à l'UMP : vous nous en ferez gagner !

Je crois avoir démontré combien ce texte mérite d'être amélioré. Certains ont affirmé que cette loi n'avait pas d'orientations, ils ont tort. Cette loi nous conduit à une agriculture où nous aurons un jour autant de paysans qu'en Grande-Bretagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Monsieur Gaubert, je vous ai écouté avec une grande attention. Votre exposé, argumenté, a soulevé de véritables problèmes sur lesquels nous pouvons nous retrouver. Vous avez évoqué des situations réelles, mais vous restez dans une vision de l'agriculture qui est celle du groupe socialiste : celle d'une agriculture sur-administrée. Nous souhaitons pour notre part donner à l'agriculture des espaces de liberté, afin qu'elle puisse se structurer et s'organiser.

Je respecte votre point de vue ainsi que vos arguments. Si, comme je le souhaite, la motion de renvoi n'est pas adoptée, nous pourrons discuter bientôt du fond. Vous n'avez pas été polémique, et je reconnais là votre volonté de défendre avec conviction vos valeurs. Toutefois, vous avez été critiqué sans ouvrir de perspectives.

Je répondrai en tant que président de commission pour vous expliquer combien notre travail justifie le rejet de votre motion. Vous avez parlé de précipitation. Ce projet de loi a été déposé le 24 mai et le rapporteur a commencé son travail en juin avec une soixantaine d'auditions. La commission s'est réunie dès le 28 septembre pour recevoir le ministre et prendre position à la suite d'un débat auquel, d'ailleurs, M. Sauvadet a pris toute sa part.

Le groupe UMP a souhaité introduire d'importantes modifications sur la forme et a été entendu par le Gouvernement. Nous avons par ailleurs demandé de supprimer bon nombre d'ordonnances et de les remplacer par un débat parlementaire. C'est ainsi que se justifient les amendements déposés par le Gouvernement. Cette précipitation n'en est pas une. Il s'agit avec ce projet d'un texte abouti ; le débat s'impose et il ne faut en aucun cas le retarder.

Mille cent amendements ont été déposés, il est vrai en grande partie par la majorité. Mais voulez-vous interdire à la majorité de débattre, d'user de son droit d'amendement ? Le droit d'amendement est aussi sacré pour la majorité que pour l'opposition. Nous répondrons aux députés de la majorité et nous savons pouvoir compter sur leur soutien. Nous avons travaillé en commission le 26 puis le 28 septembre, étudiant 500 amendements. Vous avez participé aux débats, Monsieur Gaubert, et vous ne pouvez dire que je vous ai empêché de prendre la parole. Nous avons eu hier une troisième réunion où 200 amendements ont été étudiés et ce matin, au cours d'une quatrième réunion, ce fut le cas de 150 autres, même si je reconnais que ce fut en l'occurrence assez rapide. Merci à notre majorité d'avoir été présente pendant ces treize heures de débats ! Je regrette, enfin, que les amendements déposés par l'opposition en dernière minute soient peu constructifs. Ils ne justifient pas en tout cas un renvoi en commission.

Je souhaite que la majorité vote contre cette motion et que très vite, dès ce soir, nous puissions aborder enfin les articles de cette excellente loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Geneviève Gaillard - L'intervention très argumentée de M. Gaubert a bien montré la nature des défis et des enjeux agricoles. J'aimerais que M. le président de la commission explique enfin en quoi nous voulons une agriculture administrée, comme il ne cesse de le répéter. Nous voulons une agriculture évolutive et durable, avec des espaces de liberté pour que les agriculteurs puissent vivre de leurs productions. C'est le texte du Gouvernement qui, au contraire, favorise une agriculture figée et soulèvera de nombreux problèmes. M. Gaubert l'a montré : chaque article mérite un regard supplémentaire. A constater le silence inhabituel de la majorité, je me suis dit qu'elle partageait d'ailleurs ses arguments. Les lacunes de ce texte sont en effet nombreuses : sur la formation, le fonds agricole, la coopération, l'intégration, le statut, la sécurité sanitaire et j'en passe. Nous aurions pu travailler beaucoup plus en commission, en particulier sur la définition d'objectifs et de moyens.

Le groupe socialiste votera cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Sauvadet - M. Gaubert a soulevé de vraies questions auxquelles il faudra répondre, notamment en ce qui concerne la mise en place du fonds agricole, les conditions de la cessibilité, les conséquences que cela peut avoir sur la transmission. Nous aurons l'occasion d'évoquer ces problèmes sérieux en séance. Un gouvernement de gauche a présenté il y a quelques années une loi d'orientation agricole qui ne peut régler les problèmes qui se posent aujourd'hui, notamment en matière de compétition internationale et de production. Nous avons une responsabilité collective à l'égard de nos agriculteurs.

A la différence de l'exception d'irrecevabilité, justifiée par des prétextes fallacieux, le renvoi en commission méritait d'être discuté. J'ai moi-même été de ceux qui, avec le groupe UDF, ont regretté que le texte initial prévoie un tiers d'ordonnances. Le ministre a finalement bien compris que sur ce sujet, un vrai débat s'imposait. Il nous a écoutés, même s'il était possible d'aller plus loin - je pense notamment aux conditions d'organisation du fermage.

Ce matin, nous avons examiné une proposition de résolution sur les conditions d'organisation de nos débats budgétaires. Nous sommes tous convenus de la nécessité d'une approche par objectifs. Ce sera le cas avec cette loi, notamment en ce qui concerne les biocarburants : nous souscrivons aux objectifs, mais il faudra également être au rendez-vous de la production. Quelles sont, à ce propos, les intentions de M. le ministre du budget ? Comment expliquer que M. Bussereau engage un plan de production de biocarburants alors que les aides financières sont dans le même temps réduites ? Si cette industrie n'est pas accompagnée, nous n'atteindrons pas notre objectif.

Je vous avoue que le groupe UDF a songé, au début de nos débats, à déposer une motion de renvoi en commission (Murmures sur les bancs du groupe UMP). Nous en avons été dissuadés, comme nous sommes présentement dissuadés de voter cette motion, par l'esprit d'ouverture dont vous faites preuve, Monsieur le ministre. Votre attitude nous change, et j'espère que votre exemple fera école. Que le débat commence rapidement, parce que nous sommes élus pour cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. André Chassaigne - Je remercie M. Gaubert pour la qualité de son intervention. Il a abordé les questions que pose cette loi avec beaucoup d'humilité. On ne peut, Monsieur Ollier, réduire son intervention à la défense d'une agriculture administrée. C'était tout sauf cela. De la même façon, lorsque vous justifiez le rejet de cette motion par un travail de fourmi de treize heures accompli en commission, il ne faut pas être un grand mathématicien pour conclure que ce n'est pas beaucoup, si l'on ôte le temps de parole du ministre, par rapport au nombre d'amendements. Evitons d'évoquer ce travail de manière trop surréaliste.

Sur le fond, trois points importants justifient selon moi le renvoi en commission. Tout d'abord, cette loi est incomplète. C'est vrai en ce qui concerne la coopération, mais la formation non plus n'est pas évoquée alors qu'à l'avenir elle sera forcément très différente de ce que nous connaissons, et il n'est absolument pas question de l'installation, sujet pourtant essentiel.

En second lieu, ce projet de loi est inachevé ! Bien sûr qu'il y a cafouillage et qu'une multitude d'amendements ont été déposés, qu'on n'a pas le temps d'examiner ! Bien sûr qu'on ne connaît pas précisément le nombre d'habilitations à légiférer par ordonnances ! Et, oui, tout cela exige un travail plus approfondi !

M. le Président de la commission - Vous ne pouvez pas dire ça !

M. André Chassaigne - Enfin, ce texte présente un caractère dangereux. La politique des structures est menacée, vous réclamez toujours plus de liberté... Mesurez-vous les conséquences de vos dispositions sur les territoires ? Ce travail n'a pas été accompli ! Et personne n'est capable de dire, même pas vous, Monsieur le ministre, quelles seront les conséquences de l'évolution du foncier. Quel sera désormais le rôle de la SAFER, avec le fonds agricole ? A quel niveau y aura-t-il intervention ? Qui orientera la politique foncière ? Beaucoup de points n'ont pas été abordés et c'est pourquoi le groupe communiste et républicain votera cette motion de renvoi en commission.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 5.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY


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