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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 6ème jour de séance, 14ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 11 OCTOBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

REMPLACEMENTS D'ENSEIGNANTS 2

SNCM 2

SNCM 3

FISCALITÉ ET POUVOIR D'ACHAT 4

PROTECTION DES VICTIMES 4

POLITIQUE DE L'EMPLOI 5

EDF 6

TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE 7

CHANTIERS D'INSERTION 7

FRANCHISE SUR LES ACTES MÉDICAUX COÛTEUX 8

PÔLES D'EXCELLENCE RURAUX 9

PERMIS DE CONDUIRE À UN EURO 10

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE
(suite) 10

ART. 11 (suite) 10

APRÈS L'ART. 11 12

ART. 12 20

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

REMPLACEMENTS D'ENSEIGNANTS

M. Yvan Lachaud - La loi Fillon prévoyait le remplacement des professeurs absents pour une courte durée, et répondait en cela à une forte demande des parents d'élèves. Vous avez, Monsieur le ministre, proposé que cette mesure soit expérimentée et évaluée en décembre, en demandant la signature d'un protocole dans chaque établissement et en permettant aux enseignants d'effectuer ces remplacements dans leur propre discipline. Sans doute le malaise ou le manque d'explications sont-ils à l'origine de la mobilisation de demain. Comment comptez-vous faire appliquer ce bon dispositif, afin que les élèves aient un maximum de cours assurés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Vous avez raison : il y a des mobilisations et des pétitions que le Gouvernement a le devoir d'écouter. Mais il y aussi l'opinion publique, qui dit la même chose que vous : il est anormal que quatre millions d'heures de cours ne soient pas remplacées chaque année. Ainsi, 71% des Français et 78% des lycéens estiment que ces remplacements doivent être effectués (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). J'ai donc engagé une concertation avec les organisations professionnelles. Les quatre premiers mois de l'année scolaire sont consacrés à la négociation de protocoles d'accord par établissement. Au premier janvier, les chefs d'établissement désigneront des enseignants là où les remplacements ne sont pas effectués sur le mode du volontariat. Je ne doute pas que les parents et les enseignants démontreront leur attachement à la continuité du service public (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

SNCM

M. Frédéric Dutoit - Monsieur le Premier ministre, votre gestion du dossier SNCM est désastreuse (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). Votre empressement jusqu'au-boutiste à privatiser à la hussarde fait peser les plus graves menaces sur la compagnie, donc sur la continuité territoriale. Votre logique ultralibérale est seule responsable de la catastrophe que vous annoncez ! Vous ne cessez de répéter que vos solutions sont les seules : quel mépris pour les propositions des salariés de la SNCM ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) L'avenir de milliers d'emplois, celui d'une mission de service public sont en jeu. Pourquoi cet acharnement, alors que les citoyens ont rejeté vos orientations libérales dans les urnes et dans la rue ? Pourquoi n'avons-nous pas de réponse à notre proposition de commission d'enquête sur le statut et la gestion de Corsica Ferries ? Pourquoi n'avons-nous aucune information sur la vente par la SNCM de 50% de Sud Cargo ? Que cachez-vous aux Français ?

Rien, pas même l'Europe, ne vous oblige à privatiser la SNCM (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). En fait, elle vous sert de ballon d'essai pour votre politique de privatisation de l'ensemble des services publics. Tous les Français sont concernés par ce dossier. Je vous demande solennellement de revoir votre copie en tenant compte des propositions des salariés dans le cadre d'une nouvelle négociation ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - J'apprécie votre comportement républicain dans la région PACA, mais ne dites pas que le Gouvernement a agi en catimini. Nous avons insisté, ici même et en toute transparence, sur l'obligation de la SNCM - entreprise commerciale soumise à la concurrence, qui n'a pas tenu ses engagements - de rendre des comptes dans le cadre du droit commercial (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Or, depuis le 29 avril 2004, elle agit sous le regard du tribunal de commerce. En outre, le conseil d'administration a décidé hier que la SNCM était en cessation de paiements potentielle si le travail ne reprenait pas.

C'est pourquoi le Premier ministre a demandé à Dominique Perben et à moi-même d'expliquer inlassablement nos propositions : maintien du statut du personnel, refus des licenciements secs, projet industriel vers la Corse et le Maghreb, renouvellement de la flotte, armement des navires sous pavillon français, présence de l'Etat dans le capital tout au long du processus de redressement, présidence du conseil de surveillance assurée par l'Etat jusqu'à la fin de la concession... J'ai sous les yeux le document d'une organisation syndicale qui, ayant énuméré ces propositions, les juge « acceptables » et se prépare à lever la grève. Il y a aussi dans cette entreprise des salariés responsables. C'est également sur ceux-là qu'il faut compter car si le travail ne reprend pas, comme l'a dit hier le conseil d'administration sous le contrôle des commissaires aux comptes, c'est la cessation de paiement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

SNCM

M. Guy Teissier - Marseille souffre, paralysée par un conflit social qui asphyxie le port autonome. Aujourd'hui, et plus encore demain, ce sont plusieurs centaines d'entreprises et plusieurs milliers de salariés qui sont directement menacés par une action revendicatrice jusqu'auboutiste. (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Animés par une inquiétude réelle, ce conflit à malheureusement pris un tournant où la passion, le dogmatisme et la complexité des enjeux s'entremêlent dangereusement. Vous avez écouté cette crainte, Monsieur le Premier ministre, et vous avez décidé. Vos engagements sont forts et marquent sans conteste la volonté de soutenir la SNCM. Malgré cela, la posture syndicale ne semble pas être à l'apaisement. Certains syndicats auraient tort de croire que les Marseillais sont prêts à les absoudre de leurs excès au seul motif qu'ils se sont autoproclamés défenseurs des plus faibles. On ne peut vouloir défendre la continuité territoriale quand on n'est pas soi-même capable d'assurer la continuité du service public. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Aujourd'hui, c'est l'élu de la République, c'est l'homme passionnément Marseillais qui relaie les attentes d'une grande majorité silencieuse prise en otage et affligée par ce suicide collectif. Monsieur le Premier ministre, peut-on sortir de l'impasse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - La parole est à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. André Chassaigne - Y a-t-il les bons et les mauvais députés ?

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Le Gouvernement a choisi de préserver une société qui est au bord du dépôt de bilan avec 200 millions de dettes et 30 millions de pertes par an. Il a également choisi de garantir l'avenir des salariés et la continuité de la liaison entre le continent et la Corse. Il a enfin choisi de réconcilier les exigences économiques et l'impératif de service public. (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. François Liberti - Vous liquidez le service public !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Aujourd'hui, nous avons une bonne proposition qui garantit qu'il n'y aura pas de licenciements secs, qui préserve l'unité de l'entreprise et ne touche pas à la flotte de dix bateaux. Nous n'avons jamais cessé de dialoguer avec les salariés : MM. Breton et Perben se sont rendus à trois reprises à Marseille. Mais après le temps du dialogue, c'est maintenant le temps des décisions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Le conseil d'administration a donné son feu vert à la proposition du Gouvernement. Le comité d'entreprise se réunit aujourd'hui pour décider de la suite à donner. Je vous le dis solennellement : seule la reprise du travail permettra d'éviter le dépôt de bilan. C'est l'heure de vérité pour la SNCM, c'est un rendez-vous important pour Marseille et pour la Corse. Il faut que désormais chacun prenne ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

FISCALITÉ ET POUVOIR D'ACHAT

M. Eric Besson - Les documents de l'INSEE et du ministère des finances confirment ce que vous disent les députés socialistes depuis quarante mois, Monsieur le Premier ministre, en ce qui concerne la fiscalité et le pouvoir d'achat : depuis quarante mois, les impôts, taxes et cotisations sociales, bref les prélèvements obligatoires augmentent. Vous le reconnaissez enfin. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Est également confirmée l'injustice de votre politique : les prélèvements ont baissé pour les 10% des Français qui sont les plus aisés et ils ont augmenté pour la grande majorité des autres, notamment pour les Français modestes et les catégories dites moyennes. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Tous ceux-là sont touchés de plein fouet par les hausses de cotisations sociales et de CSG et par la hausse de la taxe sur les produits pétroliers. L'INSEE montre que depuis votre arrivée au pouvoir, la taxe sur les produits pétroliers a rapporté 2,5 milliards de plus à l'Etat. Vous pourriez donc faire l'économie d'une énième commission d'évaluation et répondre très clairement à l'amputation du pouvoir d'achat liée à l'augmentation des prix de l'essence à la pompe. Enfin, vos propres chiffres montrent que le pouvoir d'achat des Français augmente peu depuis mai 2002, et même qu'il baisse pour les plus modestes depuis le 1er janvier. Il est donc urgent de modifier une politique qui se révèle aussi injuste qu'inefficace. Les Français n'attendent pas de vous ce que vous appelez un « bouclier fiscal » auquel vous décidez d'affecter tout de suite 500 millions. Ils attendent plutôt un bouclier social et des réponses concrètes à leurs difficultés quotidiennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Le pouvoir d'achat est au cœur de notre politique. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Je vais vous donner quelques chiffres mais, sans aucune polémique, je précise tout d'abord qu'il a fallu digérer l'héritage des 35 heures : on a voulu partager le travail, mais on a aussi partagé les salaires... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) En 2004, le pouvoir d'achat a augmenté de 1,7% ; en 2005, de 2%. Il a ainsi augmenté de plus de 700 euros par foyer. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Les salaires ont augmenté en 2005 de 2,6% dans le secteur privé alors que les prix n'ont eux augmenté que de 1,6%. C'est donc la progression la plus significative depuis cinq ans. Bien entendu, cela ne suffit pas : la croissance est nécessaire. Or nous vivons en ce moment un retournement de conjoncture : les Français recommencent à consommer comme cela n'avait plus été le cas depuis cinq ans. Des records de consommation ont en effet été battus en juillet, août et septembre. Le moral des chefs d'entreprise est meilleur, l'investissement reprend. Oui, l'action du Gouvernement est au service du pouvoir d'achat et de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

PROTECTION DES VICTIMES

M. Christian Ménard - Monsieur le ministre de l'intérieur, depuis votre retour place Beauvau, vous avez placé la protection des victimes au cœur de votre action. Vous venez aujourd'hui d'installer au niveau national une Délégation d'aide aux victimes, commune à la police et à la gendarmerie. C'est une bonne chose.

En août 2003, à la suite du meurtre d'un couple de jeunes Brestois, trois personnes, dont un mineur aujourd'hui âgé de dix-neuf ans, avaient été mises en examen et placées en détention provisoire. A la fin du mois d'août 2005, ce dernier a été remis en liberté en application de l'article 11 de l'ordonnance du 2 février 1945, qui prévoit qu'un mineur au moment des faits ne peut pas passer plus de deux ans en détention provisoire, même si l'instruction n'est pas achevée. Cette remise en liberté a été très mal vécue par l'ensemble de la population bretonne et par les familles des victimes.

Dans quelle mesure l'organisme que vous venez d'installer pourrait-il ou aurait-il pu venir en aide à ces familles ? Et que pensez-vous de cette impossibilité de maintenir un jeune plus de deux ans en détention provisoire même quand le juge ou la chambre d'instruction le souhaite, compte tenu par exemple de la dangerosité d'un mineur devenu majeur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire - Depuis longtemps en France, on parle trop des délinquants et pas assez des victimes, alors que les droits de l'Homme, ce sont d'abord ceux des victimes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Se battre pour les victimes exige en premier lieu de faire baisser la délinquance. Entre 2002 et 2004, elle a reculé de 7%, et encore de 1,5% depuis le début de 2005. Les faits de délinquance sur voie publique ont même reculé de 17%.

Cela exige également de lutter contre la récidive. Tel est l'objet du projet que vous présentera demain le Garde des Sceaux. Le débat permettra d'éclairer certains sujets qui me tiennent à cœur. Par exemple faut-il attendre qu'un criminel sexuel soit volontaire pour lui demander de suivre un traitement ? Avec certains, on peut attendre longtemps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Par ailleurs, pour certains crimes odieux comme celui que vous évoquiez, la question de la détention provisoire devrait clairement être posée.

Il faut ensuite accueillir convenablement les victimes. La police et la gendarmerie doivent être à leur service. On ne doit par exemple pas recevoir dans les mêmes locaux l'agresseur et l'agressé. Ne pas bien accueillir une victime, c'est lui infliger une deuxième souffrance.

Enfin, les victimes ont le droit de savoir où en est la procédure. Trop souvent, elles ne l'apprennent que lorsqu'elles reçoivent, le jour du procès, une convocation administrative.

Ce que nous voulons, c'est que la douleur de la victime soit prise en compte et que les choses soient claires : la priorité des forces de sécurité, en France, désormais, c'est la victime et pas seulement le délinquant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

POLITIQUE DE L'EMPLOI

M. Jean-Paul Anciaux - La bataille pour l'emploi, priorité du Gouvernement, mobilise sur le terrain tous les acteurs locaux. Nous le vérifions dans nos circonscriptions : lorsque les entreprises, les acteurs économiques, le service public de l'emploi et les élus se mettent autour d'une table pour discuter d'une politique de l'emploi sur un territoire donné, alors la dynamique s'enclenche. Les entreprises expriment leurs besoins en personnel, les organismes de formation mettent en place les formations adaptées, le service public de l'emploi se montre plus réactif.

Nous en voyons les résultats. L'INSEE revoit à la hausse les créations nettes d'emplois dans le secteur marchand - elles pourraient être dix fois supérieures à celles enregistrées en 2004 - et révise à la baisse ses prévisions de chômage pour la fin de l'année. Monsieur le ministre de l'emploi, pouvez-vous nous confirmer ces tendances ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Permettez-moi tout d'abord de souligner le travail que vous avez accompli concernant les Maisons de l'emploi. Cela faisait vingt ans et douze rapports successifs qu'on le disait : il est inadmissible de continuer à avoir la formation d'un côté, les allocataires de l'autre, l'ANPE et l'AFPA encore d'un autre côté... Tous les pays européens ont organisé un service public de l'emploi pour accueillir, aider, soutenir les demandeurs d'emploi, faire avec eux des bilans de compétence et étudier les besoins des bassins. C'est aussi ce que nous sommes en train de mettre en place. L'UNEDIC a ainsi confirmé la semaine dernière son accord sur le dossier unique, le guichet unique, la polyvalence...

Je ne peux pas vous donner de prévisions, mais je peux vous dire que tout est en place pour obtenir des résultats dans le secteur privé - l'amélioration des conditions d'apprentissage, le contrat nouvelle embauche, le contrat initiative emploi et les contrats de professionnalisation - comme dans le secteur public et parapublic - les contrats d'apprentissage mis au point par Christian Jacob, les contrats d'accompagnement vers l'emploi, les contrats d'avenir...

Dans les trois ans qui viennent, nous serons en effet confrontés à une crise du recrutement. Nous nous y préparons et nous nous donnons les moyens de ce combat pour l'emploi, par exemple en recrutant 1 300 personnes de haut niveau pour accompagner les demandeurs d'emploi. Tous les chômeurs de longue durée auront été reçus individuellement d'ici Noël. La bataille est engagée. Il peut y avoir des bons et des mauvais mois, mais nous la gagnerons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

EDF

M. Christian Bataille - Monsieur le ministre de l'économie, il y a peu de temps encore, à l'intérieur de votre camp, les partisans de la privatisation d'EDF annonçaient la baisse du prix de l'électricité et vous exhortaient à accélérer l'ouverture du capital de cette grande entreprise nationale. Nous constatons aujourd'hui que la forte hausse du prix de l'énergie se poursuit et qu'elle continue de réduire le pouvoir d'achat des consommateurs. On nous annonce 13% d'augmentation pour le gaz. En ce qui concerne l'électricité, des signaux contradictoires sont émis, mais nous voyons que certains Etats américains ont rétabli un marché réglementé, ce qui devrait inciter le Gouvernement à la prudence.

Avec une marge d'autofinancement de 10 milliards d'euros et de très bons résultats au premier semestre 2005, EDF n'a pas de besoins financiers pressants. A vrai dire, cette ouverture à des capitaux privés relève davantage d'un choix idéologique que d'une nécessité économique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Monsieur le Premier ministre, les errements du marché de l'énergie imposent à l'Etat de conserver son rôle protecteur des citoyens comme de l'industrie, en matière de fixation des tarifs et de conduite de la politique énergétique. Il conviendrait donc que vous renonciez à ce projet chargé d'incertitudes. Sur ce sujet qui concerne tous les Français, pouvez-vous informer clairement la représentation nationale de vos intentions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a annoncé qu'il comptait donner à l'entreprise nationale EDF les moyens de son développement.

Plusieurs voix sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains - Elle les avait déjà !

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Dès lors, nous lui avons demandé de se mettre en situation non pas de céder des titres « pour faire les fins de mois », mais de procéder à une augmentation de capital. Je rappelle en effet qu'elle n'a que 8 milliards de fonds propres pour 19 milliards de dettes.

M. Henri Emmanuelli - Et alors ?

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Compte tenu des investissements nécessaires à notre politique d'indépendance énergétique, ce renforcement est indispensable. Il ne s'agit pas de privatiser mais, une fois que l'ensemble des conditions seront réunies - et il faut encore finaliser la discussion des missions de service public de l'entreprise et la négociation de son plan d'investissement pluriannuel -, de répondre au vœu du Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Hollande - Quand ?

TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE

M. Yves Jego - Ma question concerne les conditions de déplacement de plusieurs centaines de milliers d'habitants d'Ile-de-France, qui n'ont pas la chance ou les moyens de pouvoir se loger à Paris intra muros ou en proche banlieue, et qui se lèvent tôt le matin pour aller travailler dans la capitale.

Elles ne cessent de se dégrader, la SNCF n'ayant pas acquis de matériel roulant neuf dans la région depuis plus de trente ans. Les grands banlieusards du sud de la Seine-et-Marne sont ainsi transportés dans du matériel en aluminium qui date des années cinquante, plus proche de la bétaillère que des moyens modernes de circulation, et de surcroît paient la carte orange la plus chère d'Ile-de-France - 130 euros par mois.

A l'heure où l'on dit vouloir favoriser l'utilisation des transports en commun, où l'absence de logements sociaux en nombre suffisant à Paris pousse les plus démunis à s'éloigner (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains), où l'on s'aperçoit qu'il a été possible en quelques mois et sans difficultés de trouver plusieurs centaines de millions pour financer le tramway de la ville de Paris, où la SNCF comme la région Ile-de-France dépensent des sommes énormes pour des campagnes de communication pour le moins indécentes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), et où, enfin, les Franciliens constatent avec amertume une augmentation de près de 30% de l'impôt régional, pouvez-vous nous dire, Monsieur le ministre des transports, dans quelles conditions va se faire le transfert des compétences entre l'Etat et le syndicat des transports d'Ile-de-France, et surtout quelles dispositions vous comptez prendre pour mettre fin à la situation de blocage voulue par le président socialiste du conseil régional d'Ile-de-France (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), situation qui vient encore accroître le sentiment d'abandon des voyageurs de grande banlieue ? En un mot, quand le STIF fonctionnera-t-il ? Quels moyens l'Etat est-il prêt à mettre sur la table pour acheter des trains neufs pour la grande banlieue ? Quand aurons-nous le calendrier de ces acquisitions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer - Au moment où il est si urgent d'améliorer la qualité des transports en commun en Ile-de-France, où il est si nécessaire d'assurer une plus grande cohérence des décisions d'aménagement et de liaisons au sein de la région, il est en effet bien malheureux d'observer...

M. Julien Dray - Que l'Etat se défausse !

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer - ...une politique de la chaise vide de la part de certains exécutifs de collectivités territoriales (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La loi de décentralisation de l'été 2004 donne au conseil régional d'Ile-de-France la possibilité d'organiser l'ensemble des transports collectifs, c'est-à-dire d'assurer la cohérence de l'aménagement de la région. Il nous faut donc avancer. Tout récemment, la commission consultative d'évaluation des charges présidée par M. Fourcade a fait des propositions très constructives : elle a proposé que l'Etat participe à hauteur à 20% au renouvellement de l'ensemble des trains d'ici à 2017 ; cela représente 400 millions supplémentaires, que l'Etat est prêt apporter, au-delà de ses obligations légales. Que chacun assume ses responsabilités, au bénéfice des usagers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

CHANTIERS D'INSERTION

M. François Vannson - Christine Boutin, députée des Yvelines, s'associe à ma question, qui s'adresse à Mme la ministre de la cohésion sociale et de la parité.

Dans le cadre de la loi de cohésion sociale, les contrats d'accompagnement à l'emploi et les contrats d'avenir ont remplacé les contrats emploi solidarité, qui étaient jusque là les seuls contrats intégrés aux chantiers d'insertion. Ceux-ci jouent un rôle essentiel dans la lutte contre le chômage structurel, dans laquelle le Gouvernement s'est engagé avec détermination, mais ils sont inquiets car la mise en œuvre des nouveaux contrats aidés entraîne des surcoûts importants. Si la prise en charge par l'Etat des contrats d'avenir est globalement équivalente à ce qu'elle était pour les anciens contrats, elle ne s'effectue que sur la base du SMIC ; les employeurs doivent prendre en charge le surcoût éventuel d'un salaire supérieur. Quant aux contrats d'accompagnement, ils sont pris en charge par l'Etat à hauteur de 105% de la rémunération brute non chargée, ce qui entraîne un surcoût important, les anciens contrats étant pris en charge à hauteur de 95 % sur la base d'une rémunération brute chargée.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour assurer la pérennité de ces outils efficaces que sont les chantiers d'insertion ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Oui, les contrats d'insertion sont des outils essentiels pour le retour à l'emploi car ils fournissent l'accompagnement social dont nos concitoyens les plus démunis ont besoin. Conformément aux engagements du Gouvernement, nous avons pris des mesures fortes pour les cinq ans à venir sur le plan financier. Chaque chantier d'insertion pourra percevoir 15 000 euros, avec un maximum de 45 000 euros par association. L'Etat accompagnera les contrats aidés. Dans le cadre du contrat d'avenir, il prend en charge 90% de la différence entre le salaire brut chargé et le minimum social activé. Il veut aussi accompagner les associations d'insertion grâce aux fonds départementaux d'insertion. Enfin, rendre ces contrats plus souples et plus autonomes permet qu'ils concernent aussi les activités commerciales. C'est pourquoi il est désormais possible de porter cet accompagnement de 30% à 50%.

Le Gouvernement, soucieux de tout faire pour faciliter le retour à l'emploi, a écouté les associations en ce qui concerne l'accompagnement sur la durée hebdomadaire de travail et sur la formation. Sur ces deux points, nous apporterons des réponses dans les semaines qui viennent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

FRANCHISE SUR LES ACTES MÉDICAUX COÛTEUX

M. Gérard Bapt - Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré récemment à la télévision qu'il fallait préserver notre modèle social, notamment en ce qui concerne la santé et l'égalité d'accès aux soins. Mais le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2006, que le Conseil des ministres adoptera demain, contredit fortement ces généreuses déclarations d'intention. Il instaure en effet une franchise de 18 euros - pour commencer - sur les actes médicaux lourds, de plus de 91 euros. C'est une grande première, pour les soixante ans de la sécurité sociale, que cette rupture avec le principe fondateur de la prise en charge par l'assurance maladie des dépenses de soins pour les actes lourds.

Cette décision va aggraver l'inégalité d'accès aux soins et vient s'ajouter aux dérapages scandaleux de certains en ce qui concerne les dépassements d'honoraires, parfois illégaux, dénoncés par de nombreux médecins, y compris des médecins exerçant dans le secteur 2. Ce matin encore, le directeur de la santé d'une grande compagnie d'assurances indiquait que le plafonnement à 2 000 euros du remboursement des dépassements d'honoraires a fait économiser 20 millions en huit mois à sa société. Et les mêmes sont parmi les bénéficiaires des diminutions d'impôt que votre majorité va, une fois de plus, docilement voter.

Votre folle gestion élargit encore la fracture sociale. Aussi, allez-vous renoncer à instaurer une franchise sur les actes médicaux coûteux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités - Il ne faut pas raconter n'importe quoi - en l'occurrence, cela vous changera. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) A propos de ces 18 euros, n'oubliez pas que depuis des années, sur tous les actes inférieurs à 91 euros, 20% restent à la charge du patient et sont pris en charge par les assurances complémentaires ; au-delà de 91 euros, la sécurité sociale assume toute la charge. Nous avons souhaité que désormais, les complémentaires fassent un effort. Elles le peuvent. D'abord, quel que soit le montant de l'intervention chirurgicale, 100 euros ou 10 000 euros, quelle que soit la durée d'hospitalisation, la charge sera de 18 euros, et pas un de plus. De plus, nous avons exclu du dispositif les Français les plus malades, les plus démunis et les femmes enceintes. Les assurances complémentaires n'ont pas à augmenter leurs tarifs, car depuis le début de la réforme, et surtout l'an prochain, elles ont fait et vont faire des économies très importantes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), de 300 à 400 millions.

L'an dernier, nous avons demandé aux Français de faire des efforts et de modifier leurs comportements - avec le recours au médecin traitant et les génériques. Les résultats sont là. Cette année, l'industrie du médicament et les complémentaires peuvent faire cet effort, sans augmenter les tarifs.

Quant à l'égalité d'accès aux soins, c'est pour nous une priorité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Et sans la réforme, elle ne serait plus assurée. La caisse d'assurance maladie a réalisé des enquêtes qui sont rendue publiques aujourd'hui. Je serai intransigeant avec les professionnels de santé qui n'agiront pas avec tact et mesure. Je rencontrerai la semaine prochaine les syndicats de médecins à ce propos. Chacun doit faire des efforts, et on ne peut accepter d'abus de personne, ni des médecins ni des autres acteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

PÔLES D'EXCELLENCE RURAUX

Mme Henriette Martinez - Monsieur le ministre de l'aménagement du territoire, lors de votre récent déplacement à Gap, vous avez annoncé la création de pôles d'excellence ruraux. Je vous remercie d'avoir ainsi confirmé l'engagement que vous aviez pris en juillet après que je vous ai fait remarquer que les territoires ruraux étaient peu concernés par la création des pôles de compétitivité, dont je reconnais d'ailleurs toute la valeur. Or ils ont un vrai potentiel de connaissances et d'emplois, alors qu'une concentration urbaine excessive est source de problèmes. Quels sont les modalités et le calendrier de mise en œuvre de ces pôles d'excellence ruraux et quels sont les secteurs concernés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire - Le Gouvernement a orienté résolument notre pays vers l'innovation et la croissance en créant soixante-sept pôles de compétitivité. Mais la France qui gagne, qui bouge, qui a des idées, ce n'est pas seulement celle des grands projets industriels et scientifiques, c'est aussi celle de nos territoires ruraux, avec leurs talents et leurs savoir-faire, qu'il nous appartient de valoriser. C'est pourquoi, à la demande du Premier ministre, avec le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire (Ah ! sur les bancs du groupe socialiste), nous proposons aux territoires les plus innovants de créer des pôles d'excellence ruraux, en donnant un label à des projets liés au patrimoine naturel, historique, culturel, au tourisme, aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, pour améliorer la démographie médicale, favoriser le télétravail ou les énergies renouvelables. Avant la fin de l'année, un CIADT examinera ce projet, en définira les modalités et les moyens, et lancera un appel à projets. Une centaine d'entre eux probablement seront sélectionnés.

Je rappelle aux députés de l'opposition que, lorsqu'ils étaient dans la majorité, ils ont creusé un fossé entre la France des villes et la ruralité en créant des schémas nationaux qui ne respectaient pas l'identité de chaque territoire. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Voilà, Madame la députée, comment nous entendons, nous, rétablir l'équilibre entre nos territoires, en comptant sur le bon sens des habitants des espaces ruraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

PERMIS DE CONDUIRE À UN EURO

M. Jean-Michel Bertrand - Auteur du rapport « Faciliter l'accès des jeunes au permis de conduire », remis au premier ministre début 2005, je suis satisfait de constater que parmi mes trente-huit propositions, près de quinze sont déjà mises en œuvre ou sont en préparation. Ainsi, depuis le 3 octobre, les jeunes peuvent bénéficient du permis de conduire à un euro par jour. Chacun sait que le permis représente aujourd'hui un enjeu essentiel de sécurité routière et d'insertion professionnelle. Aussi, Monsieur le ministre de l'équipement et des transports, pouvez-vous préciser les modalités pratiques d'application de ce dispositif ? Par ailleurs, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour aider les nombreux jeunes n'ayant pas accès aux prêts bancaires ? N'oublions pas que la France a besoin de tous ses enfants, sans aucune exception ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer - Merci, Monsieur le député, pour la qualité du rapport remis à mon prédécesseur (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) au début de l'année, son but principal étant de faciliter l'accès des jeunes au permis de conduire. Vous l'avez dit, le permis ne procure pas seulement un surcroît de liberté, puisqu'il tend à devenir une condition indispensable d'accès à l'emploi. Créé au début du mois, le permis de conduire à un euro permet aux jeunes de seize à vingt-cinq ans de bénéficier d'un prêt sans intérêt de 800, 1 000 ou 1 200 euros, remboursable à hauteur d'un euro par jour. Plusieurs mesures complémentaires s'adressent aux jeunes les moins fortunés, dont une aide de 200 euros pour les apprentis ou pour les titulaires d'un CIVIS, le prêt sans intérêt s'élevant dans ce cas à 600 euros. Mille auto-écoles jouent déjà le jeu et, avec le délégué interministériel à la sécurité routière, nous avons bon espoir que le dispositif se généralise rapidement. Deux informations complémentaires sur le permis de conduire : l'épreuve pratique sera plus longue, de manière à mieux évaluer la capacité de conduite du candidat, et l'épreuve théorique sera tout à la fois simplifiée dans sa présentation et enrichie dans son contenu. Enfin, le dispositif régissant l'attestation scolaire de sécurité routière délivrée en classe de troisième sera modernisé car l'apprentissage anticipé des règles de conduite constitue un enjeu essentiel pour la collectivité. Merci, Monsieur le député, d'avoir permis à nos jeunes de bénéficier d'un meilleur accès au permis de conduire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 15, sous la présidence de M. Dosière.

PRÉSIDENCE de M. René DOSIÈRE

vice-président

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, de la loi d'orientation agricole.

M. le Président - Nous en sommes à la cinquième séance consacrée aux article de ce projet, et pourtant nous n'avons discuté que 376 amendements sur 904. Afin d'achever l'examen de ce texte avant d'aborder la loi de finances, il a été décidé d'ouvrir deux séances lundi prochain, l'après-midi et le soir, et de reporter le vote solennel au mardi 18 octobre après les questions au Gouvernement.

Le respect de ce calendrier suppose toutefois une accélération notable de nos débats.

ART. 11 (suite)

M. Jean-Yves Le Déaut - L'amendement 516 de suppression est défendu.

M. André Chassaigne - L'amendement 690 de suppression l'est également, au regard de l'amendement du Gouvernement.

Les amendements 516 et 690, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche - L'amendement 252, 2e rectification, vise à supprimer l'ordonnance initialement prévue par le premier tiret de l'article 11. Conformément au souhait de l'Assemblée, les principes relatifs à la valorisation de la biomasse seront fixés par le code rural, tandis que l'ordonnance précisera les missions confiées aux organismes en charge de leur application.

M. Yves Cochet - Le sous-amendement 996 tend à définir ce que l'amendement appelle la valorisation de la biomasse, qui peut être d'origine soit agricole soit forestière. Que valorise-t-on, par quelle filière, avec quel impact et quel bilan énergétique, tels sont les points à préciser. Nous souhaitons naturellement le meilleur rendement énergétique possible, mais dans le respect de l'environnement, c'est-à-dire en évitant une pollution excessive par les intrants de l'agriculture productiviste.

D'autre part, on peut craindre que ce type de production, de nature plutôt industrielle, entre en conflit avec l'agriculture alimentaire pour l'occupation des sols. Afin de remplir l'objectif de consommer 10% de biocarburants d'ici 2015, il faudra multiplier par dix la production actuelle, ce qui risque de mobiliser dix fois plus de surface, à moins d'utiliser des ressources telles que le bois, la cellulose ou la lignite.

M. Antoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - L'amendement du Gouvernement a été adopté par la commission, mais le sous-amendement de M. Cochet n'a pas été examiné. A titre personnel, j'estime qu'il est satisfait par le premier alinéa du texte gouvernemental.

M. le Ministre - Même avis.

M. François Guillaume - Je suis pour une fois du même avis que M. Cochet...

M. Yves Cochet - C'est remarquable !

M. François Guillaume - ...car il demande des précisions sur le type de biomasse qui sera utilisée, ainsi que sur son usage. Il s'agit certes de produire des biocarburants, mais aussi de l'énergie. Or, je n'ai guère vu dans le texte gouvernemental de référence au biogaz, qui provient des effluents des élevages - porcheries ou laiteries -, qu'une fermentation anaérobie transforme en méthane ; celui-ci sert ensuite à produire de l'électricité, revendue à EDF, à un prix d'ailleurs trop faible comparé à celui de l'électricité éolienne.

A l'issue de la fermentation, le reliquat des fosses peut également être répandu sur les sols, sans dégagement d'odeur ni déperdition d'azote puisqu'il s'agit d'un composé ammoniacal. Qui plus est, EDF se montre très intéressée par ce processus, car les fermes concernées sont souvent en bout de lignes électriques, où se produisent des baisses de voltage qui occasionnent des détériorations de matériels.

Acceptez-vous donc d'encourager la production d'énergie par le biogaz ? Elle intéresse de nombreux agriculteurs, et elle faciliterait le traitement des effluents rejetés par les élevages, en Bretagne ou ailleurs.

M. Jean-Yves Le Déaut - Même si l'amendement du Gouvernement va dans le bon sens, puisqu'il définit les moyens pour atteindre les objectifs, il n'est pas normal qu'une loi d'orientation renvoie à une ordonnance.

En revanche, je suis à nouveau en accord avec M. Cochet (Murmures sur divers bancs). La valorisation de la biomasse par la filière bois-forêt est absolument nécessaire si l'on veut respecter les objectifs de 5,75% d'incorporation de carburants d'origine agricole d'ici 2008, de 7% en 2010 et de 10% en 2015, ce qui représente seulement un gain d'environ cinq millions de tonnes équivalent pétrole en 2015. Or la loi d'orientation sur l'énergie prévoit un plan d'économie de 10 millions de TEP d'ici 2010 grâce à l'utilisation de la biomasse. Sans développement de la filière biomasse, nous aurons voté des objectifs sans nous donner les moyens de les remplir !

Ce qui me soucie par ailleurs, c'est que la loi de finances pour 2006 diminue la réduction de la TIPP accordée aux unités de production de biocarburants. Cette mesure va à l'encontre de l'objectif affiché de développer cette filière.

Par conséquent, je suis défavorable à l'amendement du Gouvernement, qui ne va pas assez loin, et favorable à celui de M. Cochet. Ce dernier nous permet en effet de favoriser une filière essentielle pour remplir les objectifs qui nous sont fixés.

Le sous-amendement 996, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 252 2e rectification, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'adoption de l'amendement 252 2e rectification fait tomber tous les autres amendements à l'article 11.

L'article 11 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 11

M. Jean Dionis du Séjour - L'amendement 899 est défendu.

M. Philippe Feneuil - L'amendement 571 identique également.

M. le Rapporteur - Avis défavorable : ce débat relève de la loi de finances.

M. le Ministre - Même avis.

M. François Guillaume - L'amendement 899 a le mérite de préciser que la proportion d'éthanol introduite dans l'essence ne sera pas réduite par l'utilisation d'ETBE - un composé d'éthanol et de produits pétroliers qui, parce qu'il exige une transformation, renchérira l'introduction d'éthanol dans les carburants. La valeur énergétique ne doit donc inclure que les 50% d'éthanol.

Par ailleurs, il est temps que nous puissions directement introduire l'éthanol dans l'essence, comme c'est le cas aux Etats-Unis, et que cette introduction devienne obligatoire.

Les amendements 899 et 571, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 392 vise à garantir une meilleure information des consommateurs en prévoyant un affichage des biocarburants sur leurs lieux de vente. Il permet également la transposition du point 5 de l'article 3 de la directive 2003-30 sur les biocarburants.

M. le Ministre - Cet amendement est intéressant, mais de portée réglementaire et sa compatibilité communautaire doit être examinée. Je m'engage à étudier les modalités d'étiquetage pour les biocarburants.

M. François Guillaume - C'est vrai : il s'agit d'un dispositif qui peut être choisi par les stations d'essence elles-mêmes, comme moyen de favoriser leurs ventes. Je rejoins les réserves de M. le ministre.

M. le Rapporteur - Je retire l'amendement 392. Toutefois, pour développer les biocarburants, il faut de bons relais d'opinion auprès des consommateurs.

M. Jean-Charles Taugourdeau - L'amendement 29 demande au Gouvernement de favoriser l'utilisation des bioproduits, dont les avantages environnementaux sont indéniables.

M. Etienne Mourrut - L'amendement 603, identique, est défendu.

M. Philippe Feneuil - Je défends également l'amendement 804, identique.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements, car ils habilitent le Gouvernement à légiférer par ordonnances, ce qui n'est pas dans le champ des pouvoirs de l'Assemblée.

M. le Ministre - Même avis.

M. François Brottes - Ma remarque s'adresse au rapporteur de la commission des finances. Certains de nos amendements sont subi le couperet de l'article 40, dont l'un tendant à créer, à l'initiative des communes, des parcs à bois ou de stockage de plaquettes forestières. Pourquoi cette censure, alors qu'il s'agit là de favoriser la biomasse sans entraîner de nouvelles dépenses pour l'Etat ?

Les amendements 29, 603 et 804, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Je précise à M. Taugourdeau que son amendement 7 2e rectification, est inconstitutionnel.

M. Jean-Charles Taugourdeau - Je tiens quand même à le défendre. Certes, il est mal rédigé, mais il conviendrait qu'à tout le moins les grandes chaînes de distribution ne puissent pas interdire la commercialisation de fruits et légumes en cagettes en bois.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, pour des raisons déjà évoquées.

M. le Ministre - Même avis. Je m'engage cependant à étudier cette question avec M. Taugourdeau.

L'amendement 7 2e rectification, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Francis Delattre - L'Institut du végétal organise une exposition qui démontre que tous les sacs plastique utilisés en hypermarché pourraient être remplacés par des emballages de même qualité. On dit que le problème n'est pas technique, mais économique : ce handicap n'est-il pas dépassé par la hausse du coût des matières premières fossiles ? Les emballages d'origine végétale sont biodégradables et disparaissent en deux ou trois mois.

Or, chaque année, la quantité de sacs en plastique augmente et leur élimination - imparfaite au demeurant - coûte d'autant plus cher aux communes. S'ils étaient remplacés, en quelques années, par des emballages d'origine végétale, tous les sous-produits inutilisables issus de l'élimination des ordures ménagères pourraient être exploités. C'est ce à quoi tend l'amendement 863 rectifié.

M. Xavier de Roux - Excellent amendement !

M. Francis Delattre - L'Irlande a déjà largement entamé ce processus. Même en Corse, que l'on cite souvent comme mauvais exemple environnemental, on approche de cette situation grâce à un accord trouvé avec la grande distribution.

Compte tenu des difficultés techniques, la conversion est possible sous trois ou quatre ans. Un groupe d'étude parlementaire a d'ailleurs déjà travaillé sur cette question et rencontré des industriels qui n'ont pas émis d'objections.

Quant à savoir s'il est opportun d'introduire cette mesure dans la loi, on nous dit souvent que « c'est du domaine réglementaire ». Mais je vous rappelle que, depuis la révision constitutionnelle sur le principe de précaution, la préservation de l'environnement relève des compétences du législateur. Cet amendement a pour but de réconcilier ceux qui sont attachés à la préservation de l'environnement avec le monde agricole, lequel gagnerait avec cette nouvelle filière des millions d'hectares qui pourraient être emblavés avec des cultures adéquates. Cette loi d'orientation méritera véritablement son nom si nous nous engageons en ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier de Roux - Très bien.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, je félicite M. Delattre pour avoir exploré une piste pertinente, d'autant plus que nous avons eu un débat sur la gestion des déchets et que, malgré les efforts déployés par les collectivités, des sacs en plastique se répandent toujours dans la nature. Il importe donc de développer en amont la production de sacs biodégradables. Peut-être aurait-on pu avancer la date d'entrée en vigueur de cette mesure d'interdiction, Monsieur Delattre, étant donné les tensions que nous connaissons dans le domaine pétrolier.

M. Yves Cochet - Très bien.

M. le Ministre - M. Delattre, avec son talent habituel, a bien présenté les choses. L'élu du littoral que je suis ne peut que constater, avec M. de Roux et Mme Franco, combien, sur nos plages, la pollution occasionnée par les sacs en plastique est importante. Il est vrai qu'une telle mesure soulève un certain nombre de problèmes de reconversion industrielle. Si M. Wauquiez était là, il vous dirait combien d'emplois sont en jeu dans sa circonscription où sont fabriqués 90% des sacs en plastique de notre pays. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée nationale.

M. Xavier de Roux - Très bien.

M. le Président - Six orateurs demandent la parole. Conformément au Règlement, je ne donnerai la parole qu'aux trois premiers, en vous demandant un peu plus de discipline au vu de l'avancement de nos débats.

M. François Sauvadet - Cet amendement est extrêmement important alors que certains pourraient s'interroger sur sa pertinence dans une loi d'orientation agricole. C'est précisément parce que nous recherchons toutes les opportunités possibles pour le monde agricole que nous voulons lui offrir un nouveau débouché. Certes, des difficultés se feront jour en matière d'emploi, mais il convient également d'encourager la recherche pour parvenir à des solutions beaucoup plus respectueuses de l'environnement. Enfin, toutes les collectivités sont confrontées au problème du traitement des ordures ménagères et nous devons agir vigoureusement et inlassablement pour limiter à la source la production d'emballages dont le coût est finalement très lourd.

Mme Geneviève Gaillard - Le groupe socialiste soutient cet amendement. Le Gouvernement agit déjà pour limiter l'utilisation des sacs en plastique et certaines collectivités mènent des actions semblables. La volonté citoyenne et politique est là. Il est donc temps de s'engager dans cette voie. J'espère que cet amendement sera adopté.

M. Jérôme Rivière - Je partage l'objectif de cet amendement, mais je crois qu'il faudra à l'avenir considérer la question même de la production des sacs en plastique. Resterons-nous encore longtemps un pays pollueur qui exporte ces sacs dans des pays moins développés ?

M. le Président - Je suggère de sous-amender cet amendement en remplaçant « la consommation ou la distribution de sacs ou emballages » par « et la distribution » et « un décret fixera » par « un décret fixe ».

M. Francis Delattre - Absolument.

L'amendement 863 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Nous venons de voter à l'unanimité un amendement très important. Comme nous débattons d'une loi d'orientation, la commission a estimé que nous devions fixer des objectifs ambitieux en matière d'utilisation de biocarburant. Or, ces objectifs manquent. Je rends hommage à M. Poignant, rapporteur de la loi d'orientation sur l'énergie, car il y a quelques mois nous avons tout mis en œuvre pour fixer des objectifs conformes à la directive européenne du 8 mai 2003. La part des biocarburants a été fixée à 5,75% en 2010. Par l'amendement 324, co-signé par MM. Herth et Poignant, nous vous proposons aujourd'hui d'aller plus loin : 5,75% au 31 décembre 2008, 7% au 31 décembre 2010 et 10% au 31 décembre 2015. Nous verrons avec l'article 12 de cette loi comment nous doter des moyens nécessaires pour les atteindre. Je souhaite que cet amendement recueille votre avis unanime.

M. le Rapporteur - Avis favorable, évidemment.

M. le Ministre - Avis très favorable.

M. François Guillaume - Je suis favorable à cet amendement, mais je souhaite faire quelques observations. Les chiffres proposés sont importants, compte tenu des réticences auxquelles on se heurte depuis vingt ans. C'est en effet en 1986 ou 1987 que le gouvernement d'alors avait fait des propositions en ce sens qui avaient du reste été retenues par les deux assemblées, mais avaient été mal accueillies notamment de la part des compagnies pétrolières et du ministère de l'industrie. J'en profite d'ailleurs, Monsieur le ministre, sachant qu'il y a eu un échange assez dur entre le président de Total et le Gouvernement, pour dire que dans ma circonscription, les stations Total sont les plus chères, y compris par rapport aux stations étrangères, ce qui est un comble.

Cela dit, si l'on favorise l'utilisation de biocarburants, il faut se protéger des importations d'éthanol en provenance du Brésil...

M. François Sauvadet - Absolument.

M. François Guillaume - ...qui risquent d'arriver sur notre territoire à des prix défiant toute concurrence.

M. Xavier de Roux - C'est ce qui va se passer.

M. Yves Cochet - Je suis opposé à cet amendement.

A l'occasion d'un sous-amendement à un amendement du Gouvernement, j'ai posé des questions précises auxquelles on n'a pas répondu. Je vais à nouveau en faire état. On peut certes jouer avec des pourcentages, mais il faut savoir de quoi l'on parle avec les biocarburants.

M. le Président de la commission - La directive les définit.

M. Yves Cochet - Certains biocarburants proviennent des huiles pressées, les huiles végétales brutes, et ne demandent pas une grande transformation industrielle. J'y suis très favorable. L'impact sur l'agriculture alimentaire n'est pas trop fort parce qu'il s'agit de circuits courts, à l'échelon du canton ou du département. La production et la consommation sont donc locales. Dans ce cas, le bilan énergétique et écologique est bon, surtout si l'on fait de l'agriculture biologique.

La reconversion industrielle des huiles - dans laquelle on utilise l'ensemble de la plante, y compris la cellulose - est une chose très différente. Chimiquement, on sait faire, mais au niveau industriel comme agricole, c'est beaucoup plus intensif et le bilan énergétique n'est pas le même. Si, pour produire un baril d'un biocarburant de ce type, il faut en amont un baril de pétrole, on est plutôt du côté du puits énergétique que de la source d'énergie.

Autre question : quand vous parlez de la biomasse, pensez-vous seulement au bois ou à un ensemble plus vaste ? Et à quel type de procédé songez-vous ? La combustion ? Le Gouvernement va distribuer, nous dit-on, des aides à la cuve. Je pense qu'il ferait mieux d'aider les ménages à convertir leurs chaudières à fioul en chaudières à bois. Il existe un autre procédé, qui est celui de la fermentation alcoolique de l'ensemble de la plante, cellulose comprise, mais il demande beaucoup d'énergie et son rendement écologique n'est pas très bon.

Il convient donc de bien préciser ce que l'on entend exactement par biocarburants, étant entendu que certains ont un bon bilan - les huiles végétales pures - et les autres non.

M. Jean-Yves Le Déaut - Nous sommes tous d'accord pour que le pays produise des carburants d'origine agricole, mais il faut savoir de quoi on parle et M. Cochet a raison de dire que si l'énergie que l'on met dans la fabrication d'un produit est supérieure à celle que l'on va retirer dudit produit, il faut s'abstenir. Or, il existe aujourd'hui certaines filières qui sont dans ce cas.

Je rappelle par ailleurs que nous avons voté dans la loi du 13 juillet 2005 un article 13 en vertu duquel le ministre de l'agriculture doit élaborer un plan conduisant en 2010 à une réduction des importations de 10 millions de tonnes équivalent pétrole. Et voilà que nous nous félicitons de récentes déclarations du Premier ministre, à Rennes, qui vont en réalité beaucoup moins loin que cet article d'une loi de la République ! Si l'on veut atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés dans la loi, il faudrait déjà que tous les véhicules agricoles roulent au biocarburant et que l'agriculture devienne autosuffisante en carburant. Il faudrait ensuite développer la filière bois.

M. Jean Dionis du Séjour - Cet article 11 commence à prendre des couleurs sympathiques. Il était au départ très bonapartiste, avec les ordonnances auxquelles il renvoyait, mais il devient plus démocratique et surtout plus conforme aux défis à relever. Le groupe UDF, qui est très engagé dans la promotion des biocarburants, votera donc cet amendement.

Il n'en demeure pas moins que les questions posées par M. Cochet et M. Le Déaut sont pertinentes et qu'il faut entrer dans les détails, sachant aussi que les trois filières actuelles - éthanol, diester, huiles végétales - ne sont pas équivalentes en termes de cultures. Certaines renvoient au maïs, d'autres à la betterave, au colza ou au tournesol. Leur impact sur le foncier n'est donc pas le même. Quel partage entre ces trois filières envisage-t-on ? Avez-vous quantifié, Monsieur le ministre, les surfaces à mobiliser ? Vous avez dit hier que les jachères imposées par la PAC seraient mobilisables à cet effet. Le confirmez-vous ? C'est une ouverture très importante pour notre agriculture.

Enfin, je pense que nous ne devons pas nous empêcher de parler de fiscalité, car de même que les éoliennes ont eu besoin pour se développer de garanties sur la pérennité des conditions d'achat de l'énergie qu'elles produisent, de même les biocarburants ont besoin d'un environnement fiscal stable.

Vous êtes en train de faire naître un grand espoir dans les campagnes, Monsieur le ministre. Mais il faut être précis.

M. Serge Poignant - Il ne faut pas tout mélanger. Les pourcentages dont il est question dans l'amendement renvoient à la part de biocarburants dans l'essence et le gazole. La question des huiles végétales est traitée ailleurs dans le texte...

M. Jean Dionis du Séjour - Elles font pourtant partie des biocarburants !

M. Serge Poignant - Oui, mais elles ne sont pas dans l'additif que l'on met dans l'essence et le gazole ! Nous devons aussi soutenir l'utilisation des huiles végétales, bien sûr, de même que celle de la biomasse, mais ce n'est pas ce dont il est question en ce point du texte.

Quant au bilan énergétique de ce recours aux biocarburants, il faut le faire, mais nous savons déjà, compte tenu de la part des transports et du thermique dans l'effet de serre, qu'il est favorable. Je suis également d'accord pour dire qu'il faut derrière cet engagement en faveur des biocarburants des mesures fiscales et des garanties sur les conditions de fabrication.

M. Yves Cochet - On peut, grâce au procédé Fischer Tropp, fabriquer du gazole à partir du bois. Le compte-t-on dans les pourcentages visés par l'amendement ?

M. le Président de la commission - Je ne vais pas me lancer dans un débat scientifique avec M. Cochet, mais pour ce qui est de la liste des biocarburants, je le renvoie à la directive de 2003.

Je ne peux pas laisser M. Le Déaut prétendre que nous serions en train de contourner les objectifs que nous nous fixons nous-mêmes. L'objectif d'une réduction de 10 millions de tonnes équivalent pétrole en 2010 couvre les carburants et les combustibles, je le lui rappelle. En retenant dans le présent texte un objectif de 7 % pour 2010, nous arrivons, compte tenu d'une consommation annuelle de pétrole de 50 millions de tonnes, à 3,5 millions de tonnes. Nous trouvons les 6,5 millions de tonnes restants dans le bois chaleur, la biomasse et toutes les énergies que nous soutenons par différentes mesures, dont le crédit d'impôt voté dans la loi sur l'énergie et la baisse de la TVA sur le bois dont nous allons parler tout à l'heure. Il y a donc tout un dispositif cohérent par lequel la majorité et le Gouvernement montrent leur détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - Je n'ai pas grand-chose à ajouter... Je répète que nous allons lancer le 20 octobre, pour une réponse le 24 novembre, un appel d'offres pour 1 800 000 tonnes, dont 1 335 000 pour le diester et 465 000 pour l'éthanol. Cela conduira à un sextuplement du niveau de production et des surfaces correspondantes à l'horizon 2008 ; il faudra donc mobiliser non seulement des jachères, mais également des terres qui sont aujourd'hui utilisées pour des usages alimentaires.

Outre les aspects environnementaux, j'insiste sur l'importance de ce projet pour nos agriculteurs. Aujourd'hui, ils permettent à notre pays d'être autosuffisant sur le plan alimentaire et d'être la première puissance exportatrice de produits agroalimentaires non transformés et la deuxième de produits transformés ; avec ce plan, nous allons faire en sorte qu'ils soient également des producteurs d'énergie, ce qui ne pourra que renforcer leur moral et leur image dans notre société ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Je lève le gage sur cet amendement.

L'amendement 324, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Nous en arrivons à six amendements pouvant être soumis à discussion commune, dont respectivement deux et quatre sont identiques.

M. Jérôme Rivière - Mon amendement 246 vise à préciser que les biocarburants font l'objet d'une fiscalité incitative et que celle-ci est garantie pour une période de dix ans ; il relève bien, en effet, d'une loi d'orientation d'indiquer le sens des mesures à prendre dans le cadre des prochaines lois de finances.

M. Philippe-Armand Martin - Je défends un amendement identique, le 429.

M. Jean-Charles Taugourdeau - Mon amendement 28 est défendu.

M. Michel Raison - L'amendement 247 également.

M. Etienne Mourrut - De même que mon amendement 606.

M. Philippe Feneuil - Ainsi que mon amendement 805 : les investissements à réaliser étant très lourds, qui oserait s'y lancer sans avoir des assurances sur le maintien d'une fiscalité adaptée pendant une période suffisamment longue ?

M. le Rapporteur - Avis défavorable à ces amendements en vertu du principe de l'annualité budgétaire : on ne saurait présumer des votes futurs du législateur. L'amendement de M. Ollier que nous venons d'adopter devrait suffire à rassurer les intéressés.

M. le Ministre - Je comprends bien le souhait des auteurs de ces amendements, mais une loi d'orientation ne peut rien contre le pouvoir budgétaire du Parlement... De telles dispositions sont donc juridiquement inefficaces. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. François Sauvadet - Je ne partage pas l'avis du rapporteur et du ministre. Nous venons de fixer des objectifs ; leur réalisation suppose des moyens. Comment pourraient-ils être atteints si nous ne prenons pas au moins l'engagement formel d'avoir une politique incitative ? A cet égard, on ne peut que s'étonner que, au moment même où nous inscrivons dans la loi d'orientation les objectifs en matière d'agréments, le Gouvernement nous propose dans le projet de loi de finances pour 2006 de réduire d'un tiers l'aide fiscale aux biocarburants... Il faut une cohérence d'ensemble, et c'est le sens de cet amendement. De même, n'est-il pas illogique qu'au moment où l'on demande aux pétroliers de porter à 10% en 2015 la part des biocarburants dans l'essence consommée, on remette en cause le dispositif mis en place l'an dernier pour encourager financièrement l'introduction de biocarburants ?

Je comprends votre argument sur l'annualisation, Monsieur le ministre, mais les opérateurs ont besoin de lisibilité. Je propose donc de supprimer la référence à une période de dix ans, mais de néanmoins bien indiquer que les biocarburants font l'objet d'une fiscalité incitative. Evitons de créer un formidable appel d'air pour les importations - pour lesquelles il faudra proposer à nos partenaires européens des mesures de contingentement, à l'instar des Etats-Unis -, et aidons nos agriculteurs à investir dans cette filière.

M. Yves Cochet - Nous avons besoin d'une vision prospective du prix des carburants traditionnels ; il y a un an, le Gouvernement avait tablé sur un prix moyen du baril de 36,5 dollars, et nous allons peut-être atteindre 60... M. Breton table pour 2006 sur un prix moyen de 60 dollars ; personnellement, je serais plus prudent. En 2005, à cause de son aveuglement, la France a perdu 12 à 13 milliards de dollars. Les huiles végétales brutes sont concurrentielles avec un baril à 30 dollars, l'éthanol avec un baril à 55-60 dollars, mais pour les biocarburants qui utilisent l'ensemble de la plante, y compris la lignite et la cellulose, il faut que le prix du baril dépasse les cent dollars... Quel biocarburant voulez-vous aider fiscalement ?

M. François Brottes - C'est au pied du mur qu'on voit le maçon. La disposition proposée relève du vœu pieux, le ministre et le rapporteur ont eu l'honnêteté de le reconnaître et de demander à la majorité de retirer ses amendements. Mais nous tenons beaucoup à ce que vous donniez satisfaction à une demande que nous partageons. Les incitations fiscales figureront en loi de finances, dites-vous. Mais ce projet en contient déjà concernant la biomasse, pourquoi pas les biocarburants ? Monsieur Sauvadet, qui ne dit jamais de bêtises dans cet hémicycle (Sourires) a raison : sans véritable accompagnement, le signal qui sera donné sera incantatoire. Monsieur le ministre, il faut monter le mur. Prouvez-nous que vous êtes un bon maçon.

M. Jean-Charles Taugourdeau - Je souscris entièrement aux propos de M. Sauvadet et à sa proposition de sous-amendement. Si demain on découvrait en France un grand gisement pétrolier, le Gouvernement s'impliquerait certainement dans sa mise en valeur. Qu'il fasse de même avec les biocarburants. Cela redonnera un peu le moral aux agriculteurs.

M. Jérôme Rivière - Je comprends les craintes du ministre à propos du caractère déclaratif de mon amendement. Mais n'est-ce pas le propre d'une loi d'orientation ? Et en loi de finances, nous avons toujours su concrétiser les lois d'orientation.

M. Henri Nayrou - Nous sommes dans une certaine confusion. L'article 13 de la loi d'orientation sur l'énergie du 13 juillet 2005 prévoit un plan « Terre-énergie » pour réaliser une économie d'importations d'au moins 10 millions de tonnes d'équivalent pétrole, soit 20% des importations pour les transports. Selon M. Ollier, sur les 7% de biocarburants dans la quantité totale d'essence et de gazole, ce qui est l'objectif pour 2010, 6,5 millions de tonnes pourraient venir de l'utilisation de la biomasse et du bois. Il ne faut pas sortir de Centrale, de Polytechnique, ni même du lycée d'Égletons en Haute Corrèze, pour savoir que c'est quasiment impossible.

D'autre part, les incitations fiscales prévues en loi de finances ne répondent pas aux espoirs exprimés ici. Ainsi, la réduction de 33 euros par hectolitre pour compenser l'augmentation du prix du pétrole est ramenée à 25 euros. Où est la cohérence, où est l'ambition ?

M. le Rapporteur - J'ai indiqué pourquoi la commission ne peut accepter qu'une fiscalité spécifique soit garantie pour une période de dix ans. Une telle garantie serait d'ailleurs trompeuse pour les utilisateurs, qui la rapporteraient à la situation qu'ils connaissent aujourd'hui.

L'important, et toutes les interventions vont dans ce sens, c'est de leur dire quelle sera la clé de calcul pour faire évoluer la fiscalité en fonction du prix du pétrole. Je propose donc de modifier ainsi l'amendement 246 : « les biocarburants font l'objet d'une fiscalité incitative tenant compte de leurs avantages économiques et environnementaux et de la différence entre leurs coûts de production et le coût de production des carburants fossiles. » La formulation pourra être améliorée, mais mieux vaut l'introduire maintenant.

M. le Ministre - Après les différentes interventions, je considère qu'il s'agit là d'une bonne rédaction et j'engage l'ensemble de l'Assemblée à voter l'amendement 246 ainsi rectifié. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jérôme Rivière - J'accepte cette modification.

M. François Brottes - Je souhaite une brève suspension de séance.

M. le Président - Peut-être l'amendement pourrait-t-il être voté au Sénat ou en CMP ?

M. le Ministre - Toute amélioration technique sera possible, mais je préfère, politiquement, que le vote ait lieu maintenant.

M. le Président - Je suspends la séance quelques minutes.

La séance, suspendue à 17 heures 40, est reprise à 17 heures 50.

M. le Président - L'amendement 246 rectifié vous ayant été distribué, nous allons pouvoir procéder au vote.

M. Yves Cochet - La nouvelle rédaction me semble plus efficace, mais doit-on comprendre que la fiscalité viendra compenser les écarts de coût de production entre les biocarburants et les fossiles ? Si la production en biocarburants de l'équivalent d'un baril de brut à 50 dollars revient à 100 dollars, l'incitation fiscale sera-t-elle suffisante ?

L'amendement 246 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Les amendements 429, 28, 247, 606 et 805 tombent.

M. Etienne Mourrut - L'amendement 607 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, dans la mesure où un amendement à venir de la commission des finances le satisfait.

M. le Ministre - Même avis.

M. François Guillaume - Il s'agit pourtant d'un amendement important car rien ne justifie que le kwh d'électricité produite par le biogaz soit racheté par EDF deux fois moins cher que l'éolien. La méthanisation présente un avantage environnemental non négligeable en ce qu'elle permet d'éliminer les effluents des porcheries, étables, etc. Il n'y aucune raison de la rendre moins incitative que les autres formes de production d'énergies renouvelables.

M. Yves Cochet - L'intention n'est pas mauvaise mais il serait dangereux d'inscrire dans la loi une règle de rachat intangible alors que ce soin est laissé à de simples arrêtés ministériels par la loi du 2 février 2000. Parmi toutes les sources d'énergies renouvelables, le biogaz permet en effet de valoriser les déjections animales - notamment les lisiers - et les ferments végétaux. L'écart de tarif de rachat pose problème...

M. François Guillaume - 7 centimes pour l'éolienne, 4,5 centimes pour le biogaz !

M. Yves Cochet - Mais il serait dangereux d'inscrire dans la loi un tarif unique car cela nuirait à la diversité de production d'énergies renouvelables. J'incite M. Mourrut à corriger son amendement dans ce sens.

M. le Rapporteur - L'amendement 268 - placé après l'article 12 - viendra satisfaire la préoccupation de M. Mourrut. Je l'invite par conséquent à retirer son amendement.

L'amendement 607 est retiré.

Mme Geneviève Gaillard - Par l'amendement 519, nous proposons que, durant les prochaines années, l'ADEME, l'AFSSA et l'AFSSE dressent un bilan écologique de la production et de la valorisation de la biomasse et des biocarburants et nous précisons que cette évaluation doit être permanente.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas retenu cet amendement car il semble faire reposer la valorisation de la biomasse sur le seul bilan écologique, alors que nous avons introduit d'autres critères, comme le coût de production et la consommation d'énergies fossiles.

M. le Ministre - Avis défavorable.

Mme Geneviève Gaillard - L'argument du rapporteur n'est pas satisfaisant car s'il faut utiliser d'autres critères que l'évaluation environnementale, celle-ci reste indispensable.

M. Yves Cochet - J'irai dans le sens de Mme Gaillard : si le bilan écologique n'est pas exclusif de l'évaluation économique, il est indispensable ! On peut dans certains cas valoriser l'ensemble de la biomasse, par exemple pour produire du gazole à partir d'acacias ou d'eucalyptus, et cela pourrait présenter un intérêt économique mais ce serait une catastrophe pour l'environnement. Mais je précise immédiatement que le cas serait différent pour le tournesol et je ne dis pas cela seulement pour faire plaisir à M Dionis du Séjour ! (Sourires) En tout état de cause, l'évaluation écologique doit être un souci permanent !

M. François Sauvadet - Ah ! Le bilan écologique de l'acacia !

L'amendement 519, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 325 demande au Gouvernement de préciser par décret en Conseil d'Etat les matériels et les usages pour lesquels un lubrifiant d'origine végétale est seul autorisé : la précaution s'impose, par exemple pour le tronçonnage ou pour les matériels en contact avec un produit alimentaire.

M. le Ministre - Je comprends bien, mais ce genre de détail ne relève pas d'une loi d'orientation ! Je vous prie donc de bien vouloir retirer cet amendement.

M. François Brottes - Sous la pression du Gouvernement !

M. le Rapporteur - Je me rends à l'argument de M. le ministre, mais j'espère qu'il lui sera possible d'améliorer la réglementation sur ce point.

L'amendement 325 est retiré.

ART. 12

M. le Président de la commission - Au fil des amendements de la majorité et du Gouvernement...

M. François Sauvadet - ...et de l'UDF !

M. Patrick Ollier - ...nous venons de bâtir une véritable politique d'incitation à la production de biocarburants tout en définissant la place qui doit leur revenir. A travers nos discussions, venant après une audition au cours de laquelle le ministre a fait une fois de plus preuve de son ouverture d'esprit, nous faisons évoluer ce texte, afin d'apporter ensemble des solutions aux problèmes de l'heure : hausse du prix du pétrole, aggravation de la pollution, nécessité d'offrir de nouveaux débouchés aux agriculteurs.

Vous avez bien voulu reconnaître la nécessité de développer les biocarburants, Monsieur le ministre, en acceptant de fixer des objectifs et d'établir une fiscalité dérogatoire. Mais allons plus loin. Tous ici, et notamment votre majorité - UMP et UDF confondues, Monsieur Sauvadet - vous le demandent.

Après les objectifs, nous devons maintenant discuter des moyens. Pourquoi est-il impossible de produire de l'éthanol en France, alors qu'on le fait au Brésil ? Pourquoi aucun projet ambitieux de développement des biocarburants n'a-t-il été lancé dans notre pays ? Pourquoi n'y a-t-il pas en France d'expérimentations sur la propulsion à l'hydrogène, contrairement à ce qui se passe en Allemagne et en Italie ? La commission des affaires économiques entendra dès demain, sur ce sujet, le président de Total. Nous souhaitons que l'ensemble des distributeurs et des fabricants d'automobiles nous expliquent pourquoi notre pays a pris tant de retard sur d'autres.

En attendant, que pouvons-nous faire dans ce texte de loi ? Si nous avons levé des obstacles et fixé des objectifs, notamment fiscaux - et je salue votre travail remarquable, Monsieur Le Fur - la loi de finances est le réceptacle naturel des dispositifs d'incitation à la production des biocarburants. En revanche, nous pouvons dès aujourd'hui avancer sur un point essentiel : je veux parler des huiles végétales pures.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. le Président de la commission - Sur le sujet, le projet n'est pas assez ambitieux. Pour passer de l'interdiction actuelle à la généralisation de l'utilisation de ces huiles, il nous faut préciser comment seront organisées la production et la distribution, et comment la pureté des produits sera contrôlée. C'est pourquoi nous proposerons l'amendement 444 rectifié, qui dispose qu'au terme d'un an d'utilisation expérimentale des huiles végétales pures dans le cadre de l'autoconsommation agricole, un bilan devra être dressé, un décret organisant alors, le cas échéant, une généralisation de leur emploi.

M. Philippe-Armand Martin - Comme nous sommes en retard, je préfère renoncer à mon temps de parole pour que le débat sur les amendements soit plus nourri.

M. le Président - Puissent tous les orateurs faire de même !

M. François Sauvadet - Notre vocation n'est pas de nous taire...

M. Henri Nayrou - Le prix du pétrole avoisine aujourd'hui les 70 dollars par baril, alors que les réserves disponibles s'amenuisent. Or le pétrole occupe une place économique déterminante, tant pour la production d'énergie que pour celle de produits dérivés. Face à cette situation, on peut toujours recommander une utilisation plus économe de cette ressource, mais autant aller chercher de l'eau avec un panier percé ! On peut également développer les biocarburants, et certains n'ont pas attendu la crise actuelle pour prôner cette solution, qu'une grande majorité d'acteurs économiques tenait hier encore pour une utopie sympathique.

Sans dresser la liste des solutions envisageables - il existe pour cela des députés savants et des savants députés - ni vous indiquer quel est le meilleur procédé des points de vue énergétique, environnemental, financier et fiscal, je m'en tiendrai au simple bon sens.

Avant tout, saluons les précurseurs : je comprends qu'ils aient aujourd'hui le sourire.

L'Europe a joué un rôle incitatif par sa directive de 2003 fixant des niveaux d'incorporation de biocarburants dans les essences et des échéances.

Le plan biocarburants de 2004 est bon, mais insuffisant : il prévoit 400 000 tonnes de bioéthanol en 2007 et 650 000 en 2008 - quantité ridicule au regard de ce qu'on fait au Brésil, aux Etats-Unis ou même en Allemagne.

La loi sur l'énergie du 13 juillet 2005 a porté le taux d'incorporation des biocarburants à 7% en 2010 et 10% en 2015, mais ce n'est pas par des effets d'annonce que nous résoudrons notre problème énergétique.

Bernard Layre, président des Jeunes agriculteurs de France, a bien résumé l'enjeu d'un développement des biocarburants : environnemental - ils contribuent à limiter l'effet de serre - économique - ils créeront 6 000 emplois par an - et agricole - ils offriront des débouchés aux cultures non alimentaires et permettront le recyclage de cultures en léthargie. Un agriculteur de ma circonscription me confiait récemment son désarroi : les charges augmentent, tandis que les gains diminuent. Mais il m'exprimait aussi son espoir de trouver de nouveaux débouchés grâce aux biocarburants ; il prévoit également de faire fonctionner son tracteur avec sa propre huile de colza, et il est même prêt à monter une CUMA pour alimenter le marché local. Enfin, l'enjeu des biocarburants est géostratégique - nous pouvons en attendre une moindre dépendance vis-à-vis du pétrole.

Ce faisceau d'atouts doit suffire à contrer le puissant lobby des pétroliers, d'autant que la facture des consommateurs ne cesse de monter - aucun plan média ne saurait sauver une cause tordue !

Pour accélérer le rythme, il faut une volonté politique plus affirmée que celle que vous manifestez, Monsieur le ministre. Certes, vous avez pris des engagements, mais pour leur donner corps dans la loi de finances, il faudra convaincre votre collègue de Bercy !

M. François Guillaume - Le président de la commission des affaires économiques a bien fait d'élargir le débat : la comparaison avec d'autres pays révèle le retard important pris par la France en matière de biocarburants.

Vous proposez dans l'article 12, Monsieur le ministre, d'organiser une sorte d'autarcie énergétique pour les agriculteurs. On ne peut que souscrire au projet. Si l'obstacle fiscal semble avoir été levé, il subsiste toutefois une lacune : le biogaz n'est toujours pas considéré comme un biocarburant, alors qu'il en est un s'il est comprimé.

D'autre part, il existe des obstacles techniques à l'utilisation par un agriculteur d'une huile végétale qu'il a produite lui-même. D'abord, il n'a pas de capacité d'extraction industrielle, et sa rentabilité atteint 30% tout au plus. Ensuite, il y a dans les résidus - les tourteaux - une part importante d'huile subsistante qui, si elle n'est pas consommée immédiatement, se détériore. Le tourteau ranci étant impropre à la consommation animale, un agriculteur doit donc avoir un troupeau ou un débouché commercial pour l'en débarrasser rapidement.

Ne peut-on dès lors envisager des solutions collectives ? L'extraction de l'huile végétale nécessaire aux agriculteurs pourrait, par exemple, être réalisée par une CUMA...

M. Jean Dionis du Séjour - Très bien !

M. François Guillaume - ...voire par une coopérative.

A défaut de relever les prix agricoles, on cherche à réduire la dépense : les huiles végétales peuvent y contribuer. Retenez donc ces propositions pour transformer l'espoir que vous donnez en belle réalité !

M. Jean Dionis du Séjour - Enfin les huiles végétales pures ! Texte après texte, nous sommes de plus en plus nombreux à poser le problème. Si l'on traitait les précurseurs d'écolos romantiques - je tiens ici à saluer M. Alain Juste et sa société Valenergol, véritable précurseur dans ma région -, nous avons aujourd'hui abouti à un consensus : les huiles végétales peuvent donner naissance à une filière intéressante. Voici la loi agricole (L'orateur montre la Une d'un journal) vue par un grand quotidien démocratique, La Dépêche du Midi : « Du tournesol à la pompe ». Nos décisions sont attendues !

Lors d'une récente visite communale à Espiens - 261 habitants - près de Nérac, j'ai constaté que seule la question des huiles végétales pures concernait vraiment les gens, qui en ont assez de la mascarade actuelle. La société a changé ! Nombreux sont ceux qui font déjà leurs propres mélanges. Ouvrons les yeux, au risque d'aboutir à une situation comparable à celle des partages de fichiers sur Internet.

La proposition du Gouvernement a certes le mérite d'exister, mais elle cantonne les huiles végétales pures à l'autoconsommation agricole. C'est un non-sens économique. L'exemple allemand montre que cela ne peut pas fonctionner, car les agriculteurs bénéficient déjà du fioul détaxé. La vraie décision qu'attendent les Français, c'est que nous autorisions la vente d'huiles végétales par les agriculteurs aux particuliers.

C'est aussi une impasse juridique par rapport à la réglementation européenne : la directive 2003-30 qui définit les biocarburants inclut ces huiles, et les producteurs sont déterminés à contester toute discrimination.

Enfin, c'est un contresens écologique : la quantité de gaz à effet de serre rejetée par les huiles végétales est cinq fois moindre que dans la filière gasoil, alors que le rapport entre énergie produite et énergie mobilisée est de 4,68 à 0,917 entre le colza et le gazole.

L'UDF est donc prête à prendre la seule décision qui vaille ici : l'autorisation de la vente aux particuliers.

M. André Chassaigne - Quitte à aller contre l'opinion dominante, je dirai que, certes, les biocarburants constituent une filière intéressante, mais qu'il faut raison garder. J'ai entendu des propos lyriques et flamboyants selon lesquels nous disposerions enfin du remède à tous nos problèmes agricoles. Or, si la question de trouver des substituts au pétrole se pose indéniablement, nous savons que nous ne les trouverons pas dans les biocarburants et qu'il est donc illusoire de demander aux agriculteurs et de nourrir la planète et de fournir l'énergie. Il ne faudrait pas, par ailleurs, que ce débat occulte les problèmes de fond que pose cette loi : résoudre les problèmes liés à l'abandon de territoires entiers en raison des choix gouvernementaux.

La superficie de la France est de 552 000 km2. Les terres labourables couvrent environ 170 000 km2. Si l'on s'intéresse au seul diester, peut-on considérer que nous disposerions d'une énergie alternative permettant de régler le problème des jachères, dont la surface est d'environ 15 000 km? L'ajout généralisé de 5% de diester dans le gazole uniquement pour la consommation liée aux transports représenterait environ cette superficie. N'occultons donc pas la réalité...

Pour ne pas sombrer dans un optimisme béat, il faut avoir une conscience claire des problèmes qui se posent. Certes, on peut toujours voter des amendements d'accompagnement fiscal, mais chacun sait le puissant blocage qu'opposeront Bercy, qui craindra de perdre des recettes fiscales, mais également les multinationales qui réalisent d'énormes profits, comme nous le voyons avec Total.

M. Jean Dionis du Séjour - Il ne faut donc rien faire ?

M. André Chassaigne - Ne soyons pas naïfs. On ne peut soutenir la financiarisation de l'économie et se donner bonne conscience en essayant de développer les biocarburants.

Enfin, dans le cadre de la mondialisation et du développement d'une concurrence effrénée, nous nous heurterons aux Etats-Unis et au Brésil dans la course à la compétitivité. Si, pour lutter, il faut retomber dans le productivisme, nous aboutirons à un appauvrissement des sols et finalement, l'impact écologique sera très différent de celui que vous espérez. Peut-être est-ce d'ailleurs pour cela que avez refusé tout à l'heure l'amendement de Mme Gaillard...

M. Yves Cochet - Je ne fais pas tout à fait entre les biocarburants les mêmes distinctions que mes collègues. Je placerai dans une première catégorie les huiles végétales pures, dans une deuxième les « biocarburants conventionnels » - l'éthanol produit à partir des sucres et le diester tiré des huiles des graines - et dans une troisième la biomasse. Dans les trois cas, il faut se poser les questions du bilan énergétique net de la fabrication - obtient-on plus d'énergie qu'il n'a fallu en utiliser ? -, du coût de fabrication, et enfin, du bilan écologique. Au regard de ces critères, je suis en faveur de la première catégorie, je suis plus réservé sur la deuxième et, bien entendu, encore plus réservé sur l'utilisation industrielle de la biomasse, étant entendu que celle-ci a en revanche toute sa place pour le chauffage.

Nous connaissons les avantages écologiques de l'huile végétale pure : elle ne produit pas de dioxyde de soufre, elle dégage beaucoup moins de gaz carbonique et d'oxyde d'azote que le gazole, elle est biodégradable et parfois même comestible. Le bilan énergétique total de cette filière est assez bon et, dans une optique de production et de consommation locales qui ne seraient pas réservées aux seuls agriculteurs, nous aurions intérêt à la développer. Il ne faut pas croire néanmoins que ce soit la panacée. Supposons que l'on veuille reconvertir la totalité des 1,2 million d'hectares de jachères en production d'huile végétale pure : nous disposerions alors de 1,2 million de tonnes d'huile et de 2,4 millions de tonnes de tourteaux, mais cela ne représenterait que 2% du marché du carburant - soit bien loin des objectifs de 5,75%, 7% ou 10% !

Je suis globalement favorable à l'article 12, mais dans les limites que je viens de souligner.

M. Michel Raison - L'utilisation non alimentaire des produits agricoles présente un triple avantage : diversification des débouchés, préservation de l'environnement - en particulier en ce qui concerne les biocarburants -, amélioration du lien entre les agriculteurs et l'ensemble de la société. Pour attirer des paysans à la terre, ceux-ci doivent avoir le goût de leur métier et donc se sentir utiles et aimés de la population.

M. Jean Lassalle - Absolument.

M. Michel Raison - Ils se sentent aujourd'hui utiles en raison des aliments qu'ils produisent, même si certains marchands de peur ont exacerbé quelques craintes, et ils sont reconnus également pour leur contribution à l'entretien du paysage. Il faut maintenant qu'ils le soient aussi pour leur fonction de producteurs de produits non agricoles. Sait-on par exemple que 25 000 hectares de terres agricoles sont utilisés pour la pharmacie ? 60 000 pour des plantes textiles, comme le chanvre ? Les biocarburants mobilisent actuellement 330 000 hectares. L'objectif est d'augmenter cette surface, en s'entourant bien sûr de toutes les précautions requises, et en particulier en établissant les bilans énergétiques et écologiques des différentes filières.

L'esprit de la loi consiste aussi à transformer l'exploitation familiale en une entreprise familiale. Veillons donc à ne pas en rester à une pure autoconsommation - consommer à la ferme le colza que celle-ci a produit - qui reviendrait à n'autoriser les agriculteurs à manger des omelettes que s'ils élèvent des poules pondeuses !

M. Jean Lassalle - Très bien !

M. Michel Raison - Chaque agriculteur ne va pas avoir sa propre petite presse à huile ! Les coopératives, les CUMA ou des entreprises privées peuvent bien fabriquer de l'huile pour le compte de plusieurs agriculteurs. Il me semble en tout cas qu'il faudra ouvrir le plus possible la fabrication comme l'utilisation de ces huiles. Il y va du lien entre les agriculteurs, qui est aussi important que celui qui doit exister entre les agriculteurs et l'ensemble de la société. Nous devrons trouver une solution d'ici un an. C'est ce que prévoient les amendements de MM. Ollier et Le Fur. Avec ces amendements, nous vous aidons, Monsieur le ministre, à créer du lien. N'oublions pas cet aspect social, au-delà du technique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Ministre - Il s'agit ici de donner un cadre juridique à la production et à la consommation, en tant que carburants, des huiles végétales pures. Nous avions proposé dans un premier temps une démarche qui ne vous paraît pas suffisante, je le comprends et je suis prêt à aller plus loin. Vous proposez de donner un caractère plus pérenne à cette démarche, de l'ouvrir à l'ensemble de l'activité agricole et de fixer un rendez-vous pour un développement ultérieur : j'y suis favorable.

Mais nous devons prévoir un développement responsable de cette filière, ce qui implique d'en rester aux carburants agricoles. Il y a en effet des problèmes techniques de compatibilité des moteurs, de normalisation des produits, de contrôle des émissions polluantes... Nous devons aussi veiller à ce que le coup de pouce donné aux huiles végétales ne remette pas en cause notre effort en faveur des autres biocarburants. J'en profite pour dire à M. Guillaume qu'il a raison d'insister en faveur du biogaz.

Le Gouvernement est donc intéressé par les amendements de MM. Le Fur et Ollier. L'usage est plutôt de retenir celui présenté par la commission saisie au fond, mais l'amendement de la commission des finances retient notre attention de la même façon. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

La séance, suspendue à 18 heures 50, est reprise à 19 heures 5.

M. le Président - Sur l'amendement 265 3e rectification de la commission des finances et sur l'amendement 444 2e rectification de MM. Ollier et Herth, des sous-amendements ont été déposés. Pour simplifier la discussion, je vais d'abord demander aux auteurs de chacun des deux amendements de les présenter. Ensuite, nous examinerons les sous-amendements à l'amendement de M. Le Fur. Si celui-ci est adopté, tous les autres amendements à l'article 12 tomberont ; s'il est repoussé ou retiré, nous passerons à l'examen des sous-amendements à l'amendement de M. Ollier. Si celui-ci est adopté, tous les amendements suivants tomberont.

Beaucoup de choses ayant déjà été dites, j'invite les orateurs à s'en tenir à l'essentiel.

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des finances - Nous proposons, par l'amendement 265 3e rectification, une nouvelle rédaction de cet article, qui concerne en quelque sorte « l'exécution fiscale » des objectifs que nous avons fixés à l'article 11. Il traite de la fiscalité applicable aux huiles végétales pures, essentiellement le colza ; le sujet est évidemment d'une brûlante actualité pour nos compatriotes agriculteurs, du fait de l'augmentation du diesel « rouge », qui est à près de 60 centimes, et de l'imagination dont ils ont fait preuve cet été. Que faire vis-à-vis de ceux qui utilisent déjà de l'huile végétale ? Doit-on les sanctionner ou les décorer ?

De cette utilisation des huiles végétales pures, on peut espérer près de trois millions de tonnes équivalent pétrole d'économies dans le monde agricole ; les études du ministère tablent déjà sur une économie de 400 000 à 500 000 TEP. Ce n'est pas énorme, mais cela vaut quand même la peine d'y réfléchir...

Le projet gouvernemental se limitait à l'autoconsommation, ce qui paraît beaucoup trop restreint dans une loi dont l'objet même est de nous permettre d'être présents sur le marché européen et mondial. Je vous sais gré de votre ouverture d'esprit sur ce point, Monsieur le ministre, et je conviens qu'il faut encore se limiter à l'utilisation des huiles végétales dans les carburants agricoles - autrement dit, au fait de mettre du « jaune » dans du « rouge » : pour aller au-delà, comme le propose M. Dionis du Séjour, il faut attendre un peu.

Dans cette affaire, nous devons allier audace et responsabilité, en permettant à tous les utilisateurs de « rouge » d'adjoindre du « jaune ». Vous demandiez initialement, Monsieur le ministre, que la trituration du colza se fasse sur l'exploitation ; désormais vous admettez, comme Patrick Ollier et moi-même le demandons dans nos amendements, qu'elle puisse se faire en dehors de l'exploitation, par exemple à la CUMA ou à la coopérative : je salue ce progrès.

Au sujet de la deuxième condition qui figurait dans votre rédaction, il y a une petite divergence entre Patrick Ollier et moi-même. Je considère qu'il ne faut pas poser de condition quant à la production du colza, tandis que M. Ollier demande que celle-ci reste sur l'exploitation : ne pourrait mettre du « jaune » dans son carburant que celui qui produit du colza chez lui. C'est à mon avis une contrainte inutile, d'autant que le contrôle est impossible.

M. le Rapporteur - La commission des affaires économiques n'a pas voulu s'en tenir aux aspects fiscaux, et a traité des huiles végétales pures dans une réflexion d'ensemble sur les biocarburants. Ces huiles présentent l'avantage de permettre une filière courte, locale, qui ne dépende pas des grandes zones de production d'oléagineux ou de betteraves, réponde aux préoccupations écologiques, autorise à diversifier les assolements et à valoriser des terres à faible potentiel agricole, en économisant eau et fertilisants. Pour autant, on ne peut y consacrer toute les jachères, l'écoconditionnalité obligeant à en réserver une partie aux bandes enherbées en particulier.

D'autre part, la pratique existe. Le rôle du législateur n'est pas d'aller au-delà, mais de l'encadrer. Il faut, par exemple, tenir compte de la nécessité d'un développement harmonieux des filières industrielles de l'éthanol et du diester, qui offrent des débouchés assurant une régulation pour les céréales et la production de sucre. C'est le cas dès lors qu'on se limite à l'autoconsommation de ces huiles végétales pures. Mais si l'on va au-delà de cet usage, une norme est tout à fait nécessaire pour les consommateurs. De toute façon, créer des incertitudes juridiques serait rendre un mauvais service aux exploitants. Ne négligeons pas non plus les aspects techniques. Les constructeurs ne veulent pas s'engager à donner des garanties en ce qui concerne la carburation. Dans son amendement, M. le Fur propose que des règles soient fixées par décret. Je ne suis pas sûr que ce soit à l'Etat de se substituer aux fabricants de moteurs ! De même, il faut veiller, comme l'a rappelé M. Guillaume, à ce que la gestion des tourteaux soit conçue de manière à prévenir tout danger sanitaire.

Pour toutes ces raisons, nous proposons l'amendement 444 2e rectification. Il réserve l'utilisation d'huile végétale pure comme carburant agricole aux exploitants ayant produit les plantes dont l'huile est issue. Mais cette plante peut être livrée à un organisme stockeur ou à une CUMA qui produira une huile standard et gérera les tourteaux.

Il est également prévu - dispositions reprises par M. Le Fur dans son amendement - que l'Etat invitera les chambres d'agriculture et instituts techniques à diffuser des informations sur la bonne fabrication de ces huiles et enfin que, à l'échéance de 12 mois, la vente d'huile végétale pure comme carburant agricole pourra être autorisée.

Nous vous demandons donc de voter cet amendement de préférence à celui de la commission des finances.

M. le Ministre - Après cette présentation pédagogique et de grande qualité par les deux rapporteurs, je suis entièrement convaincu par la solution de M. Herth, qui donne toutes garanties au monde agricole, s'en tient à l'autoconsommation mais permet le développement au fil du temps, tandis que la commercialisation de colza extérieur présente un risque pour l'agriculteur et pour le développement des filières d'autres biocarburants. Je demande donc, solennellement mais amicalement, à M. le Fur s'il veut bien avoir la courtoisie de retirer son amendement.

M. le Président - Nous allons examiner les sous-amendements à l'amendement 444 2e rectification.

M. Jean Dionis du Séjour - Notre sous-amendement 1132 rectifié dispose que, dans le cas où l'huile végétale pure est compatible avec le type de moteur utilisé et les exigences en matière d'émission, son utilisation comme carburant est autorisée. Franchissons le pas, allons vers la liberté. Qu'y a-t-il à craindre ? Sur une telle question, j'imagine, la liberté de vote est de mise.

Y a-t-il un quelconque risque technique ? Cela se saurait, car l'Allemagne, a autorisé la vente aux particuliers depuis cinq ans, utilise 400 000 tonnes par an, et compte 1 500 pompes. Allons-nous encore lambiner plusieurs années ?

Il faut une certification, nous dit-on. Tout à fait, mais ce n'est pas le rôle de l'Etat, c'est celui des organismes de certification. Prenons la décision aujourd'hui, dès demain l'industrie prendra les mesures nécessaires.

On nous parle d'une étape, avec production dans les CUMA et les coopératives agricoles. Croyez-en mon expérience d'homme du Lot-et-Garonne : faire cela, c'est ouvrir à tous, avec des contentieux à répétition. Imaginez le responsable de coopérative refuser de l'huile végétale à la femme d'un coopérateur. Quelle tartuferie ! M. Chassaigne aura certainement dit : « Cachez cette huile que je ne saurais voir » ! On veut aussi nous limiter à l'autoconsommation agricole. Mais encore une fois, voyez l'Allemagne : sur les 400 000 tonnes consommées par an, 78% le sont dans les collectivités territoriales, 18% par les particuliers, et 2% seulement en autoconsommation ! On ne peut vraiment pas s'y cantonner. En réalité, les grandes filières et les lobbies, comme ceux des betteraviers, ne veulent pas qu'on perturbe le développement de leurs biocarburants. Mais quand on parle d'aller jusqu'à 5 ou 6 millions de tonnes de biocarburants, que sont ces quelques centaines de milliers de tonnes ? Je vous le demande en conscience, votez ce sous-amendement de liberté et de raison.

M. le Président de la commission - Clarifions les choses : j'ai écouté avec attention le plaidoyer de M. Dionis du Séjour et autant dire d'emblée que je ne suis pas du tout d'accord avec lui. Je conçois que la pression exercée par certains agriculteurs de son département soit très forte, mais il faut en cette affaire raison garder. La vérité, chers collègues, c'est qu'à l'issue de huit jours de négociations avec le Gouvernement, nous vous proposons d'aller plus loin que la proposition initiale. Et ne nous y trompons pas : le sous-amendement de M. Dionis du Séjour tend à instituer - sans jeu de mots - une véritable machine à gaz. On imagine déjà le tableau à plusieurs entrées nécessaire pour envisager le régime applicable aux 400 types de motorisation différents présents sur le marché ! A l'issue de nos échanges avec le Gouvernement, le rapporteur et moi-même avons obtenu une ouverture appréciable : au terme d'une période d'expérimentation limitée à un an, le bilan sera tiré de l'utilisation des huiles végétales et le Gouvernement aura toute latitude pour étendre par décret le champ de la mesure. Il s'agit d'une démarche progressive et raisonnable, et j'exhorte la majorité à y adhérer. Chers collègues de la majorité, il est de votre devoir de soutenir votre commission et le Gouvernement...

M. Jean Dionis du Séjour - Allons donc, ce n'est pas un problème politique !

M. le Président de la commission - Si, dans la mesure où il ne faut pas perdre de vue l'intérêt général pour donner satisfaction à tel ou tel groupe de pression ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF) J'invite par conséquent les auteurs des propositions alternatives à les retirer, de sorte que la majorité se retrouve sur l'amendement de la commission.

M. le Ministre - Je croyais bien connaître les usages de cette maison et c'est à ce titre que vous me permettrez de dire que je trouve la méthode de travail choisie vraiment « originale ». Vous débattez en effet d'un sous-amendement qui va plus loin qu'un amendement qui n'a pourtant pas été repoussé ni adopté. Sans mettre en cause personne, je dois dire que ce n'est pas la méthode de travail que m'avait enseignée le président Mazeaud. Sur le fond j'observe en outre que le sous-amendement de M. Dionis du Séjour tend à créer une taxe supplémentaire sur les tabacs. Est-ce vraiment opportun dans le contexte actuel ? N'avais-je pas compris que le groupe auquel il appartient était hostile à tout accroissement de la pression fiscale ?

M. Jean Dionis du Séjour - L'argument me semble un peu faible.

M. le Ministre - Il est pourtant tout à fait défendable et je confirme que le Gouvernement est très hostile à votre proposition.

M. François Guillaume - Si l'on essaie de résumer les positions, deux thèses s'affrontent. La première, maximaliste, voudrait que tous les agriculteurs produisant des huiles végétales puissent les vendre sous la forme de biocarburants à toutes les personnes ayant le droit d'utiliser le fioul « rouge » ; la seconde exige que tout agriculteur utilisant de l'huile en biocarburant soit en mesure d'apporter la preuve qu'il est lui-même producteur d'huile de colza pour des volumes équivalents à sa consommation. Je ne vous cache pas que je suis plutôt favorable à la deuxième option, car à trop demander tout de suite, l'on risque de décourager le Gouvernement de poursuivre l'expérience. Seule réserve à l'orientation « raisonnable » : je souhaite que la production d'huile végétale puisse se faire en CUMA ou en coopérative...

M. le Ministre - Tout à fait d'accord !

M. François Guillaume - Au reste, cela se pratique déjà pour la production d'aliments pour le bétail à partir de céréales.

M. Michel Raison - Permettez au paysan que je suis de tenter de dédramatiser le débat en vous ramenant aux réalités de la terre. (Sourires et exclamations sur divers bancs) L'amendement Herth-Ollier me semble le plus raisonnable dans la mesure où il tient compte du fait que l'on ne récolte pas du colza tous les deux mois, mais seulement une fois l'an. Avant de prôner des solutions maximalistes pour satisfaire l'un ou l'autre, il faut tenir compte du cycle végétatif du colza lui-même. J'incite par conséquent notre assemblée à adopter l'amendement de la commission des affaires économiques et à repousser le sous-amendement de M. Dionis du Séjour.

M. François Sauvadet - Cher Michel Raison, l'horizon d'une loi d'orientation agricole ne se borne pas à la récolte de l'année prochaine ! Et je tiens à faire observer au président Ollier que, si je mesure la qualité et l'ampleur du travail effectué en commission, cela ne l'autorise pas à dire que tel ou tel parlementaire défend un sous-amendement pour céder à la pression d'un groupe actif dans sa circonscription...

M. le Président de la commission - Je n'ai rien dit de tel !

M. François Sauvadet - Je ne trancherai pas la question de savoir s'il faut défendre une thèse minimaliste ou maximaliste, mais je suis convaincu qu'à trop réduire le champ de l'expérimentation, l'on court le risque de la rendre peu probante. Pour que l'expérience ait un sens, il faut au moins l'ouvrir aux usages agricoles, et je déplore la position quelque peu frileuse de nos collègues de la majorité sur les propositions de notre groupe. Chacun doit être conscient des difficultés qui s'attachent à l'organisation des filières de production. Ne jouons pas « petit bras » ou nous passerons à côté des résultats attendus. Je suis bien entendu favorable au sous-amendement de Jean Dionis du Séjour et à l'amendement de Marc Le Fur.

M. François Brottes - Ayant un sous-amendement analogue à celui de M. Dionis du Séjour, je m'empresse de le défendre de peur qu'il ne tombe prématurément (Sourires). Nous prenons acte des avancées obtenues mais, en réalité, ce sont bien quatre thèses plutôt que deux qui s'affrontent. La première, initialement défendue par le Gouvernement, voulait que seuls les producteurs d'huile puissent en consommer sous la forme de biocarburant ; la deuxième, propre à MM. Herth et Ollier, se fonde sur l'idée que seuls les producteurs de plantes ayant vocation à se transformer en huiles végétales puissent faire de même...

M. le Ministre - J'ai fait mienne cette option.

M. François Brottes - M. Le Fur souhaite quant à lui que tout le milieu agricole puisse utiliser l'huile végétale en biocarburant. Enfin, avec Jean Dionis du Séjour, et dans le droit fil de la jurisprudence Raison selon laquelle il ne serait pas juste que seuls les producteurs d'œufs puissent manger des omelettes (Sourires), nous souhaitons pour notre part que l'usage de ces huiles soit étendu à tout le monde ! Vous nous taxerez sans doute d'inconséquence ; mais, M. le ministre, dès lors que nous renvoyons à un décret, libre à vous de prendre la mesure d'application la plus large possible. Je ne vois donc aucune difficulté à voter l'amendement de M. Dionis du Séjour.

M. André Chassaigne - A vous écouter, j'ai l'impression que nous remplissons trois baignoires de mousse avec un gramme de savon. Ouvrir la vente d'huiles végétales pures hors du secteur agricole ne présente pas de risque important. Ce que je crains au contraire, c'est qu'on ne retienne de la loi d'orientation que ce débat sur les biocarburants, qui n'est que peu de chose...

M. François Brottes - Vous avez tout à fait raison.

M. André Chassaigne - ...et que le Gouvernement, allié à sa majorité, n'en profite pour faire accepter sans grand obstacle une loi aux conséquences désastreuses pour notre agriculture.

Ma proposition est beaucoup plus centriste que celle de M. Dionis du Séjour (Exclamations sur divers bancs) et il suffit de connaître la réalité du terrain pour comprendre sa nécessité. Il faut, dans certaines zones rurales, parcourir jusqu'à 40 km pour trouver une station-service. Un décret pourrait définir dans quelles zones cette consommation de proximité serait autorisée. Je m'abstiendrai donc sur l'amendement de M. Dionis du Séjour, et je vous demanderai de voter le mien, beaucoup plus réaliste.

A la majorité de 50 voix contre 30, sur 82 votants et 80 suffrages exprimés, le sous-amendement 1132 rectifié n'est pas adopté.

M. André Chassaigne - J'ai défendu le sous-amendement 1140.

Le sous-amendement 1140, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis - La position que nous défendons dans l'amendement 265, 3e rectification, est mesurée. S'il serait prématuré de permettre l'utilisation d'huiles végétales en dehors de l'agriculture, autorisons l'achat de colza pour les produire. Le colza est en vente libre ! Les agriculteurs qui n'en produisent pas, mais qui souhaiteraient utiliser de l'huile dans leur moteur, doivent être en mesure de le faire. D'autre part, qui pourrait aller vérifier que ceux qui font tourner leur moteur au colza l'ont produit eux-mêmes ? Sans audace excessive, ouvrons au moins cet espace de liberté et simplifions la situation !

L'amendement 265 3e rectification, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe-Armand Martin - Rappel au Règlement, sur le fondement de l'article 58. Nous débattons depuis des jours et des nuits d'une loi censée orienter l'avenir de notre agriculture. Or M. Peter Mandelson, commissaire en charge du commerce extérieur, propose de réduire de 70% les soutiens agricoles, selon, prétend-il, le mandat donné par les Etats membres.

Diverses voix - C'était hier !

M. Philippe-Armand Martin - La Commission semble donc renoncer à défendre la préférence communautaire dans les négociations commerciales multilatérales. J'y vois une nouvelle illustration du double langage du Gouvernement, fort dans ses incantations et faible quand il s'agit de se faire entendre. Pouvez-vous vous exprimer, Monsieur le ministre, sur cette annonce qui va susciter le plus grand émoi dans nos campagnes, et qui remet en cause l'utilité de la loi que nous discutons ?

M. le Ministre - Si vous suiviez de plus près l'actualité, vous sauriez que le ministère des affaires étrangères a opposé un démenti. Vous ne pouvez ignorer toutefois que la France est à l'origine des « lignes rouges » encadrant l'action du commissaire et qu'elle a été soutenue sur ce point par quatorze autres Etats membres.

Je remarque d'autre part que vous n'avez pas posé la question au Gouvernement tout à l'heure, ce qui montre votre peu d'intérêt pour le sujet. En revanche, je me réjouis que, par votre rappel au Règlement, vous ayez manifesté le soutien de l'opposition à la position du Gouvernement.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 55.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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