Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2005-2006)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 7ème jour de séance, 17ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 12 OCTOBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Yves BUR

vice-président

Sommaire

        RÉCIDIVE DES INFRACTIONS PÉNALES
        (deuxième lecture) -suite- 2

        AVANT L'ARTICLE PREMIER 7

        APRÈS L'ARTICLE PREMIER 10

        ART. 2 11

        APRÈS L'ART. 2 15

        APRÈS L'ART. 3 16

        ART. 4 17

        APRÈS L'ART. 4 18

        ORDRE DU JOUR DU JEUDI 13 OCTOBRE 2005 22

La séance est ouverte à vingt-deux heures.

RÉCIDIVE DES INFRACTIONS PÉNALES (deuxième lecture) -suite-

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales.

M. Guy Geoffroy - Depuis le début de ce débat, les positions n'ont cessé de se préciser. En juillet dernier déjà, Jacques Floch nous rappelait en commission qu'en matière pénale, la prudence était de mise. Gérard Léonard, de son côté, estime dans son rapport qu'il faut agir avec pragmatisme. Derrière ces deux formules se cachent sans doute deux tempéraments, mais surtout deux visions de l'avenir. Certes, il convient de ne pas répondre dans la précipitation à l'événement ou aux attentes de nos concitoyens, mais pour autant, la prudence ne condamne pas à l'immobilisme, et je salue toute la détermination dont témoigne ce texte pragmatique, nourri de toute une réflexion.

Cette proposition n'est certes pas un texte mineur : même si l'attention tend à se focaliser sur une prétendue « mesure phare » - le recours au bracelet électronique -, nombre de dispositions, notamment parmi celles qui font déjà l'objet d'un accord entre les deux assemblées, améliorent notablement la réponse que notre société peut opposer aux délinquants récidivistes.

Ce texte a d'abord le mérite d'élargir utilement la notion de récidive et de permettre que soient prises en compte d'éventuelles infractions commises dans d'autres Etats de l'Union européenne. Il définit ensuite la notion de réitération, ce qui contribuera à accélérer l'inscription des condamnations au casier judiciaire, et permettra au juge de mieux appréhender le passé pénal du prévenu.

On a dit de cette proposition qu'elle était centrée sur l'aggravation des peines. C'est en effet une volonté que l'UMP assume, car la réponse pénale ne doit pas être la même selon que le prévenu est un primo-délinquant ou un récidiviste. Cependant, le suivi médico-social ou socio-éducatif n'a pas été négligé, loin de là.

S'agissant enfin du bracelet électronique, nous sommes bien conscients qu'il ne permettra pas de résoudre tous les cas de récidive, mais au moins améliore-t-il la réponse pénale, tout en rassérénant nos concitoyens.

Nous devons aborder cette discussion avec sérénité, car cette proposition ne dénature en rien les principes de notre droit pénal, au contraire. Si les moyens suivent de manière à ce que ce texte puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible, nous aurons vraiment progressé dans la lutte contre la récidive (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Noël Mamère - Je doute, Monsieur le Garde des Sceaux, que vous soyez le bon interlocuteur, tant cette honteuse proposition de loi apparaît inspirée par votre collègue de l'Intérieur, véritable champion du cynisme au service de la démagogie. Vous n'êtes en vérité ici qu'un petit télégraphiste consentant, prêt à saper les principes de notre droit.

N'avez-vous pas en effet appelé cette assemblée à défier le Conseil constitutionnel ? Dans la course éperdue à la répression menée par le Gouvernement, vous inventez un nouveau bouc-émissaire, le récidiviste, que vous livrez en pâture au bon peuple de France, et vous en profitez pour jeter de l'huile sur le feu de la peur qui couve toujours dans une société fragilisée économiquement et socialement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Vous avez préféré la démagogie au courage politique, faisant ainsi courir plus de risques à notre démocratie que les récidivistes à notre société. Car, les chiffres en témoignent, le supposé laxisme de la justice ne correspond à aucune réalité : la France est le pays européen le plus répressif en matière de délinquance sexuelle - 80 % des récidivistes sont condamnés à une peine de prison. D'autre part, toutes les études attestent que les personnes remises en liberté conditionnelle récidivent moins que celles ne bénéficiant d'aucun aménagement de peine - 9 % contre 17 %. Pourtant, en dépit des recommandations européennes, votre texte érige en remèdes miracles l'aggravation de la répression, le placement sous surveillance électronique mobile et les traitements inhibiteurs de la libido. Quel peut bien être l'effet préventif du bracelet en l'absence de toute mesure socio-éducative ?

Pourquoi ne révélez-vous pas à l'opinion que vous prétendez protéger que chaque conseiller d'insertion a en charge 110 condamnés ? Qu'il n'y a que 250 juges de l'application des peines pour 180 000 condamnés ? 26 services médico-psychologiques régionaux pour 188 établissements pénitentiaires ? Et que dire des 800 psychiatres qui manquent dans le secteur public, ou de la grande misère des médecins coordonnateurs ? Faut-il vous rappeler le rapport accablant de Gil Robles sur l'état de nos prisons ?

Il est temps de renoncer à ce populisme pénal, de revoir vos méthodes de travail, qui exaspèrent aujourd'hui l'ensemble du monde judiciaire. Aussi demandons-nous la création d'un observatoire de la récidive, qui centraliserait toutes les données et mobiliserait l'ensemble des compétences.

La contre-réforme à l'œuvre dans tous les domaines de la vie sociale, politique et judiciaire de notre pays contribue à démanteler les bases mêmes de notre République. A cet égard, votre loi s'inscrit dans la continuité du travail législatif commencé en 2002 par le ministre de l'Intérieur, qui veut faire de la justice l'auxiliaire de la police.

Quant renoncerez-vous à ces « lois spectacle » qui ne visent qu'à préempter les électeurs de Le Pen ?

Pour toutes ces raisons, les députés Verts voteront contre cette proposition.

M. Alfred Trassy-Paillogues - Je veux ici faire part d'un témoignage vécu, à l'origine d'une proposition de loi dont je fus l'auteur avec 150 collègues, et où je demandais que les autorités locales soient informées des noms des auteurs d'infractions sexuelles.

Monsieur le Garde des Sceaux, il est particulièrement scandaleux que le maire, le responsable de la brigade de gendarmerie ou le commissaire de police ne soient pas informés de l'arrivée dans leur commune d'un multirécidiviste venant d'une autre ville. Faute d'une disposition en ce sens, l'on n'a pu empêcher un individu dans ce cas d'accompagner bénévolement les sorties scolaires, d'animer - toujours bénévolement - des centres de vacances pour adolescents ou de jouer chaque année le rôle du Père Noël dans de nombreuses fêtes associatives. Je n'entre pas dans le détail pour respecter la discrétion de chacun, mais je vous laisse imaginer ma réaction lorsque j'ai appris par la presse - et par la presse seulement ! - que de trop nombreux enfants de ma commune avaient été victimes d'agissements inqualifiables, leurs vies étant désormais brisées et leurs familles décomposées. Il faut tout faire pour éviter que de telles situations se reproduisent. Monsieur le Garde des Sceaux, je vous demande solennellement de prendre une circulaire tendant à ce que les autorités locales soient systématiquement informées de l'installation de multirécidivistes dans les collectivités dont elles ont la charge. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Ferry - Comment mettre nos enfants à l'abri de la pulsion fatale d'un déséquilibré ? Comment faire en sorte qu'une peine soit utile au délinquant et évite la récidive ? Au delà des réactions passionnelles des uns, justifiées par une série de faits divers sordides, et de l'angélisme des autres, persuadés que la nature humaine peut être rédimée, les Français veulent être rassurés sur le fonctionnement de notre système judiciaire. Les magistrats reconnaissent que des individus dangereux sont remis en liberté tous les jours, ne serait-ce que parce que les peines ont une fin. Dès lors, un durcissement du droit à l'encontre de ceux qui peuvent profiter des failles du système judiciaire pour commettre des actes effroyables s'impose absolument.

Pour autant, les allongements de peine ne font parfois que reculer l'échéance. Pour certains récidivistes, la perspective de la privation de liberté n'est pas assez dissuasive pour réprimer la pulsion de viol. Les psychiatres sont formels : l'exemplarité de la peine ne peut suffire. Alors, que faire ?

D'abord, il est indispensable d'améliorer l'état de la connaissance scientifique sur la dangerosité des délinquants. Nous le devons aux victimes. Donnons-nous, Monsieur le Garde des Sceaux, les moyens de décrypter ce qui mène l'homme à commettre des actes monstrueux. Je souhaite aussi que l'on porte une attention toute particulière à la délinquance sexuelle, première cause d'incarcération en France puisqu'elle concerne près de 24 % des détenus. L'on déplore actuellement beaucoup de carences dans la recherche en criminologie et nous manquons de psychiatres et d'experts. Magistrats, médecins et avocats appellent de leurs vœux la création d'un observatoire de la récidive. Structure légère et peu coûteuse, elle permettrait d'auditionner et de mobiliser des acteurs de terrains et des chercheurs, en France et à l'étranger.

Deuxième impératif, il faut donner à l'institution judiciaire les moyens d'évaluer la dangerosité des condamnés. Sur la foi d'études statistiques approfondies, les Canadiens ont mis au point des grilles d'évaluation fines. En fonction du degré de risque ainsi défini, les détenus sont soumis à un programme personnalisé d'exécution de leur peine. Chez nous, le suivi socio-judiciaire et l'obligation de soins qui peut l'accompagner butent trop souvent sur le manque de moyens et la pénurie de médecins psychiatres. En pratique, il n'existe que 26 services médico-psychologiques pour 188 établissements pénitentiaires et il est donc urgent de remédier à cette situation. Parallèlement, il semble utile de rétablir l'obligation d'activité en prison, ne serait-ce que pour aider les détenus à retrouver certains repères.

Enfin, il est nécessaire d'évaluer la dangerosité du détenu en prévision de sa sortie. Notre collègue Jean-Paul Garraud propose de confier cette mission au tribunal de l'application des peines et de fonder la décision sur l'avis d'experts agréés, dans le respect d'une procédure rigoureuse. Je souscris à son point de vue, car si l'on pense que certains hommes sont irrécupérables, il faut aller au bout de la logique et rendre effective la notion de perpétuité. A cet effet, à l'instar de ce qui a été fait avec la création des centres pour mineurs, nous pourrions créer des centres fermés de protection sociale pour les récidivistes particulièrement dangereux, heureusement peu nombreux.

Si une personne est dangereuse, il faut tout mettre en œuvre pour la neutraliser, tout en la respectant en tant que personne humaine. Cette obligation de sécurité, nous la devons à nos concitoyens. Si par contre, les perspectives de réinsertion sont bonnes, la liberté conditionnelle et les aménagements de peine peuvent être envisagés, à condition qu'ils soient assortis d'un maximum de garanties. Il est en effet de notre responsabilité de multiplier les filets de sécurité.

Si le risque zéro n'existe pas, certaines mesures peuvent toutefois faire chuter le taux de récidive de manière spectaculaire, et tel est notamment le cas du bracelet électronique, dont l'effet dissuasif est considérable. Fichier des agressions sexuelles, castration médicamenteuse, suivi socio-judiciaire : il faut utiliser toute la panoplie des moyens car aucun n'est efficace à 100 %. J'ai déjà dit, en première lecture, que si cette proposition de loi constituait un progrès indéniable, elle ne représentait qu'une première étape, dans l'attente d'un réaménagement plus global de notre droit pénal, conjuguant justice, santé et sécurité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice - Je remercie les différents orateurs de leurs interventions. Je souhaite en premier lieu rendre hommage à Georges Fenech pour la qualité de son rapport, nombre de ses propositions ayant inspiré nos travaux. Je partage sa conviction que la loi doit être plus dissuasive sans exclure les possibilités de réinsertion lorsqu'elles existent encore. Notre préoccupation commune ne doit pas être seulement de mettre la société à l'abri des individus dangereux, mais aussi d'assurer l'insertion ou la réinsertion sociales de ceux qui ont effectivement purgé leur peine. N'en déplaise à ceux qui ne veulent pas comprendre, je m'attache à respecter strictement l'équilibre entre ces deux impératifs. Comme vous, cher Georges Fenech, je crois à l'utilité du bracelet électronique mobile, notamment dans le cadre des enquêtes judiciaires.

Oui, Monsieur Tourtelier, il est urgent de combattre la récidive dans le respect des principes constitutionnels. Toutefois, contrairement à ce que vous avez dit, la proposition de loi dont nous débattons ne tend pas à alourdir les peines mais à garantir l'effectivité de leur exécution. Prenons ensemble un exemple simple. Un primo-délinquant convaincu de vol va prendre six mois de prison avec sursis simple ; s'il est ensuite arrêté pour vol à la roulotte, il sera condamné à une peine de prison assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve ; à son troisième délit - par exemple, violences vis-à-vis d'un tiers - il écopera d'une troisième condamnation assortie d'un SME. Nous en sommes à trois condamnations, et l'intéressé est toujours en sursis ! Dans ces conditions, ne trouvez-vous pas justifié que nous réduisions la possibilité de prononcer un SME ? Je crois plutôt que nous nous étions mal compris...

M. Philippe Tourtelier - Pas du tout ! J'avais très bien compris et vous savez parfaitement ce que je veux dire.

M. le Garde des Sceaux - ...De la même façon, vous ne pouvez pas opposer aux victimes et à leur demande légitime de réparation une série statistique censée démontrer la faiblesse du taux de récidive. Je ne peux pas dire aux parents d'une victime que j'ai jugé convenable de laisser un individu dangereux en liberté parce que sa probabilité de récidive était faible...

M. Philippe Tourtelier - Je n'ai fait aucune déclaration en ce sens.

M. le Garde des Sceaux - Si, précisément, et c'est bien pour cela que nous ne pouvons pas tomber d'accord.

De manière assez surprenante, M. Hunault - qui n'est plus là - a prétendu qu'aucun bilan d'application des textes existants n'avait été réalisé. A-t-il oublié le travail de fond effectué par la mission d'information et les nombreuses auditions réalisées dans ce cadre ? Celles-ci ont clairement mis en évidence l'insuffisance des dispositifs existants et l'urgente nécessité d'améliorer la surveillance et le contrôle des anciens détenus potentiellement récidivistes. Vous pourrez cependant, cher Jean-Christophe Lagarde, faire savoir à votre collègue Michel Hunault que je partage son point de vue sur la nécessité d'améliorer la connaissance du phénomène de récidive et j'ai chargé à cet effet le professeur Jacques-Henri Robert de réunir un groupe d'experts pour animer une commission d'observation de la récidive. Enfin, j'ai été surpris d'entendre M. Hunault dénoncer avec virulence la surpopulation carcérale : le problème est bien réel mais si la proposition de loi visant à instaurer des peines planchers - dont il était l'un des signataires - avait été adoptée, il y aurait encore bien plus de monde dans nos prisons !(« Tout à fait exact » sur les bancs du groupe UMP)

M. Vaxès a, une nouvelle fois, dénoncé le manque de moyens. A toujours répéter que rien de valable ne se fait, l'on risque fort de tomber dans l'excès et les chiffres sont là pour apporter un démenti à ces analyses excessivement pessimistes. Depuis 2002, l'effectif des juges d'application des peines a progressé de 76 %. J'admets volontiers que leur nombre reste insuffisant mais il faut mesurer l'effort accompli. Parallèlement, nous avons créé 3 000 emplois pour améliorer le fonctionnement des services pénitentiaires et 700 emplois de travailleurs sociaux. Les effectifs de conseillers en insertion ont crû, de même que le nombre des mesures d'aménagement de peines. Certains veulent se convaincre que la droite fait dans le tout-répressif ! La réalité, c'est que le prononcé de mesures alternatives à l'incarcération est passé de 15 000 en 2002 à 18 000 en 2004 et à 20 000 cette année. Notre objectif est de réinsérer dans les meilleures conditions le plus grand nombre d'anciens détenus possible. A lui seul, le bracelet électronique fixe a permis d'éviter 1 000 mises en détention.

Nadine Morano a eu raison de souligner la qualité du travail des parlementaires sur le thème de la récidive, et de nous exhorter à prendre rapidement les décrets d'application du présent texte, notamment pour ce qui concerne le bracelet électronique mobile. Je la prie cependant de bien vouloir comprendre que la préparation de ces décrets doit être précédée d'un travail de mise au point technique particulièrement délicat, mais elle peut être assurée de notre détermination à faire le maximum.

Comme elle, je souhaite un suivi interdisciplinaire et j'ai saisi le ministre de la santé à ce sujet.

Monsieur Geoffroy, vous avez raison, le bracelet électronique mobile ne sera pas la solution pour tous les cas de récidive, mais c'est un moyen supplémentaire donné aux juges. Simplement, les médias se sont saisis de cette seule mesure et il en reste une vision trop simpliste : en réalité, le bracelet ne sera que rarement, pour ainsi dire jamais, utilisé seul, mais toujours avec des mesures de suivi psychiatrique ou psychologique ou une injonction de soins par exemple.

Monsieur Mamère, vous n'êtes pas sûr d'avoir le bon interlocuteur. Moi non plus, à vrai dire, car nous n'avons vraiment pas la même perception de la délinquance réelle. Par exemple, sur cent délits, un tiers sont commis par des récidivistes. N'est-ce pas le rôle du législateur de s'en préoccuper de façon prioritaire ? Je réponds oui, vous répondez non. Cela nous distingue fortement ! Vous êtes contre les sorties « sèches ». Nous aussi, c'est l'objet du texte. Mais après le débat de qualité que nous avons eu avec M. Caresche et M. Vallini, votre critique systématique est stérile ; dommage pour la démocratie.

Monsieur Trassy-Paillogues, vous souhaitez que les inscriptions au fichier des délinquants sexuels soient communiquées aux élus de leur lieu de résidence. Ce n'est pas possible, de façon systématique. Nous avons choisi une solution différente : les élus pourront demander au préfet des informations sur le passé judiciaire des personnes en contact avec des enfants.

Monsieur Ferry, vous souhaitez améliorer la connaissance du danger que représentent les criminels les plus violents, et vous avez raison. Ce texte permet de renforcer le suivi des criminels dangereux après expertise pluridisciplinaire. Il faut poursuivre la réflexion sur les indicateurs de ce caractère dangereux et sur les mesures de protection sociale nécessaires. La commission Robert nous apportera des connaissances plus fines sur ces questions.

Pour terminer, je remercie tous ceux qui sont intervenus, pour leur capacité à dialoguer. Nous sommes tous animés par le même souci : limiter le plus possible la récidive (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - J'appelle maintenant dans le texte du Sénat les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n'ont pu parvenir à un texte identique.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. Christophe Caresche - Notre amendement 25, comme d'autres provenant de tous les bancs, vise à créer un observatoire de la récidive. Ce serait salutaire car si nous possédons des données, exploitées notamment par la mission d'information, elles restent partielles ou portent sur des cohortes réduites de détenus. Par ailleurs, il y a trop de fantasmes dont il faut faire justice. Sans sous-estimer la récidive, ne l'exagérons pas. Ainsi, Monsieur le ministre, vous avez cité un pourcentage de 40 % de détenus pour infraction sexuelle. Il y en a 20 % à 25 %...

M. Gérard Léonard, rapporteur de la commission des lois - Il s'agit de 40% des entrants.

M. Christophe Caresche - Non. Du moins, cela mérite discussion et cette discussion, il serait souhaitable de l'avoir à partir de données objectives, qui permettraient aussi de mieux informer l'opinion. Le Garde des Sceaux nous a en quelque sorte répondu par avance en mentionnant la création d'une commission. Mais nous demandons que ce soit un observatoire.

M. Jean-Christophe Lagarde - Notre amendement 27 a le même objet. On l'a beaucoup dit, il n'y a pas de solution miracle ni de garantie absolue contre la récidive. Mais elle donne lieu à trop de fantasmes, ici comme dans l'opinion. Il serait utile qu'un observatoire établisse des données qui permettraient de s'attaquer vraiment au problème, sans privilégier un de ses aspects. Par exemple, il est frappant de constater quelle place tient dans ce débat la délinquance sexuelle, qui trouve un énorme écho dans les médias et trouble l'opinion. Pourtant, les Français voudraient aussi savoir pourquoi des petits délinquants restent toujours impunis, pourquoi on n'empêche pas des mineurs, par des sanctions mais aussi par un suivi social et éducatif, de devenir de grands délinquants. Un observatoire vérifierait l'utilité du bracelet électronique et la réalité des mesures de suivi à la sortie de prison, mais nous dirait aussi pourquoi la petite délinquance, qui mine le lien social dans des quartiers entiers, ne fait que croître, malgré les politiques mises en œuvre depuis des années. Dire que dans ces quartiers la sécurité a progressé est faux, je peux en témoigner comme élu de Seine-Saint-Denis. La sanction pénale ne suit pas le délit, ou quand elle s'exerce à l'encontre d'un mineur après des dizaines d'infractions, c'est sans un véritable accompagnement social qui éviterait la récidive. Un observatoire permettrait de poser les vraies questions.

M. Michel Vaxès - Comme lors de la première lecture nous avons déposé peu d'amendements, car c'est la philosophie générale de ce texte que nous contestons. Cependant, nous voulons souligner la spécificité de la délinquance des mineurs. J'apprécie le ton mesuré et équilibré sur lequel vous nous avez répondu, Monsieur le Garde des Sceaux. Mais sur cette question précise de la délinquance des mineurs, je n'ai toujours pas de réponse. Peut-être viendra-t-elle au cours du débat.

Notre amendement 39 a un autre objet : il s'agit de créer un observatoire de la récidive, préconisé par un chercheur en criminologie dont beaucoup ont certainement reçu la proposition. A l'évidence, les outils de connaissance des infractions et de la récidive sont insuffisants et vous proposez des mesures dont les effets ne sont pas connus. Un observatoire fournirait des données objectives qui serviraient de base à des propositions, législatives ou autres, pour lutter contre la récidive. Il fournirait chaque année un rapport d'activité et des propositions qui n'auraient aucun caractère polémique, démagogique ou politicien.

M. Georges Fenech - L'amendement 40 est défendu.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois - A notre époque, sur tous les bancs et dans tous les milieux, on nous demande à juste titre de mettre un terme à l'inflation législative. Ne compliquons pas les textes ! Voici une disposition d'ordre règlementaire qui n'a pas sa place dans la loi, et que je vous demande de rejeter.

M. le Rapporteur - Le souci auquel répondent ces amendements est louable : mieux connaître la récidive. Ce n'est quand même pas le désert en la matière : M. Clément et moi-même avons nourri notre réflexion de nombreuses études et analyses provenant de sources variées - Infostat justice, le CNRS, le Conseil de l'Europe...

Pour autant, il faudra évidemment assurer un suivi plus complet du phénomène de la récidive. Je souhaite également confronter nos statistiques nationales aux réflexions menées à l'étranger, particulièrement en Amérique du Nord dans le domaine de la délinquance sexuelle.

Malgré leur intérêt, la commission a rejeté ces amendements car le Gouvernement les satisfait par la voie règlementaire.

M. le Garde des Sceaux - En effet, la création de la commission d'analyse et de suivi de la récidive est d'ordre réglementaire. Cette commission, présidée par le directeur de l'Institut de criminologie de l'Université de Paris-II, comprendra un juge d'application des peines, un médecin psychiatre, un sociologue, un directeur d'établissement pénitentiaire, un commissaire de la police nationale et un officier de gendarmerie qui seront désignés prochainement.

Elle devra déterminer les outils fiables de mesure de la récidive et proposera des moyens pour la combattre. Voilà qui doit satisfaire les auteurs de ces amendements.

M. Noël Mamère - On nous convoque ici en deuxième lecture pour examiner une loi sur la récidive - serait-elle donc devenue le principal mal français ? - alors que nous disposons déjà d'un appareil juridique et législatif efficace. N'est-ce pas là précisément une inflation des lois ?

Puisque vous voulez donner une certaine solennité à cette loi, pourquoi reléguer au domaine réglementaire la création de l'observatoire de la récidive, pourtant réclamée sur tous les bancs de l'Assemblée ? Montrez votre bonne foi en l'introduisant dans la loi.

L'amendement 25, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 27 et 39.

M. Georges Fenech - L'amendement 40 est retiré.

M. Christophe Caresche - L'amendement 67 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Garde des Sceaux - Même avis.

L'amendement 67, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christophe Caresche - L'amendement 26 réaffirme le principe de l'encellulement individuel. La situation des prisons françaises n'est pas bonne. Or, vos lois successives ont accru la surpopulation pénale, au point que dans de nombreuses prisons quatre à six personnes sont enfermées dans dix mètres carrés. De telles conditions d'incarcération provoquent des troubles psychiques et ne sont pas propices à la réinsertion. Nous lançons donc un cri d'alarme : cette situation ne peut pas durer.

M. le Rapporteur - L'intention est certes louable, mais l'état des prisons n'est pas nouveau. Si l'amendement était adopté, il faudrait procéder à une libération massive de prisonniers...

La loi d'orientation et de programmation relative à la justice prévoit la création de 13 000 places - c'est un effort sans précédent, qui doit être poursuivi avec constance. C'est la seule manière de satisfaire l'objectif posé dans votre amendement. L'avis de la commission est donc défavorable.

M. le Ministre - Je comprends les préoccupations relatives à la surpopulation carcérale, mais c'est un mal ancien ! Le rapport du Sénat et celui du ministère de la santé nous avaient déjà alerté en 2000 à ce sujet. Or, ils n'ont pas été suivis d'une augmentation massive des places de prison. La droite au pouvoir construit des places ; la gauche au pouvoir préconise la prévention. Voilà pourquoi nous avons toujours cinq ans et 10 000 places de retard ! Vous n'avez tiré aucune conclusion de ces rapports pourtant bouleversants.

M. Christophe Caresche - Vous faites le procès du gouvernement précédent !

M. le Ministre - Vous faites celui du gouvernement actuel ! Cessez de nous donner des leçons ! Si vous nous succédiez...

M. Guy Geoffroy - Quel cauchemar !

M. le Garde des Sceaux - ...j'espère que ce bref rappel vous poussera à poursuivre notre programme et à créer des places.

Notre programme actuel prévoit 13 200 places, inaugurées en 2007 et 2008.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Comme M. Perben !

M. le Garde des Sceaux - Vous faites erreur sur les chiffres : il ne s'agit pas de 200 places, mais de 13 200 ! Par ailleurs, l'encellulement sera essentiellement individuel, mais pas seulement, car la mesure ne semble pas la mieux adaptée aux jeunes ou aux personnes fragiles, qui préfèrent être deux ou plus en cellule. En effet, la solitude d'une cellule individuelle est très pesante. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Faisons donc attention à ne pas aller trop vite : le mieux est l'ennemi du bien.

M. Noël Mamère - Les bras m'en tombent ! Vos gouvernements pratiquent une politique du tout carcéral qui vise à envoyer le plus de gens possible en prison sans prévoir ni réinsertion, ni solutions alternatives, et aujourd'hui vous venez pleurer sur les chaussettes des députés parce qu'il n'y a pas assez de place dans les prisons ? Et vous découvrez, parce que vous êtes devenu garde des Sceaux, la misère des détenus - en maison d'arrêt encore plus qu'en centre de détention ? Vous ne dites pas qu'on peut rester trois ou quatre ans en détention provisoire dans ces maisons d'arrêt avant d'être jugé ! Vous ne dites pas que rien n'est fait pour occuper les détenus, les éduquer, lutter contre l'illettrisme ! Cela n'a pas l'air de vous préoccuper ! Quant à M. Gil-Robles, c'est un Espagnol et ce pays qui a connu quarante ans de dictature peut aujourd'hui nous donner des leçons de démocratie, non seulement dans la composition de son gouvernement - huit femmes et neuf hommes - mais aussi en pratiquant le numerus clausus en matière de détention et en prévoyant une politique pénale de substitution à la prison et de réinsertion ! Vous ne faites pas aussi bien, pas plus que ne l'ont fait vos prédécesseurs.

Je suis allé visiter récemment deux maisons d'arrêt. Savez-vous que dans celle de Toulouse, qui, paraît-il, est neuve, 11 tonnes de déchets par mois sont jetées dans la cour ? Qu'à Agen, alors qu'il peut faire jusqu'à 40 degrés dans le « bunker », comme ils l'appellent, on change les draps une fois tous les quinze jours et on a droit à une douche - collective - tous les trois jours ? Ce n'est digne ni de ce siècle, ni de la France. Vous ne l'avez pas dit, mais vous le savez comme nous : il n'y a pas de citoyenneté dans les prisons. C'est pourquoi nous ne pouvons accepter que votre Gouvernement ait menacé la commission nationale de déontologie et de sécurité, qui est chargée de surveiller le comportement des surveillants de prison, de réduire ses crédits de 150 000 euros. Vous voulez l'empêcher d'effectuer un travail indépendant : c'est là la réalité de votre politique. Nous ne sommes pas là pour afficher notre compassion mais pour faire en sorte que notre démocratie respecte les détenus, qui sont des citoyens à part entière.

Plusieurs députés UMP - Comme les victimes !

M. Christophe Caresche - On sait que, notamment en matière de petite délinquance, les conditions d'incarcération d'aujourd'hui favorisent directement la récidive. Vous avez évoqué le problème de la détention provisoire : à notre époque, la situation était déjà loin d'être satisfaisante, mais l'énorme augmentation de la population carcérale qui a résulté des mesures que vous avez prises l'a encore aggravée ! Par ailleurs, Mme Lebranchu avait terminé l'élaboration d'un projet de loi pénitentiaire qui prévoyait, notamment, la création d'une autorité indépendante chargée de suivre ces questions. La situation en aurait été grandement améliorée, mais vous n'avez pas repris ce projet ! Votre responsabilité est donc largement engagée. Ne venez pas pleurer sur le lait versé ! Un jour ou l'autre, les prisons françaises connaîtront d'énormes difficultés.

M. Hervé Morin - Tout d'abord, le titre de cette proposition de loi est erroné : elle n'est pas relative au traitement de la récidive mais au traitement de cas particuliers, qui sont certes les crimes les plus odieux. Elle ne concerne pas le gros de la récidive qui, en France, est constitué des atteintes aux biens et du trafic de stupéfiants ! Dans ces domaines, les taux de récidive atteignent 50 à 60 %, car, et on le sait, les maisons d'arrêt sont criminogènes et regroupent des gens en état de misère sociale, dont 25 à 30 % sont illettrés et 50 à 60 % n'ont pas dépassé le BEPC ! Tant qu'on ne changera pas cela, on pourra toujours mettre des képis en plus, on ne règlera pas la question de la délinquance !

L'amendement 26, mis aux voix, n'est pas adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. le Garde des Sceaux - L'amendement 1 rectifié prévoit de prendre en compte, pour la récidive, les condamnations prononcées par les juridictions pénales des Etats membres de l'Union européenne. Aujourd'hui, quelqu'un qui commet un viol en Belgique n'est pas considéré comme récidiviste s'il recommence en France ! La mise en œuvre de cette disposition sera grandement facilitée par l'interconnexion du casier judiciaire national de Nantes avec plusieurs casiers européens - cette interconnexion est en cours avec l'Allemagne, l'Espagne et la Belgique. Il n'est pas pour autant juridiquement indispensable que les condamnations figurent au casier : le passé judiciaire de la personne pourra être connu par la consultation des autorités judiciaire étrangères dans le cadre des investigations sur l'accusé.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. Hervé Morin - L'idée est excellente. Sauf qu'elle est totalement inapplicable, dans la mesure où les magistrats n'ont aucunement accès aux casiers judiciaires européens ! Vous pouvez raconter ce que vous voulez, cette loi n'est que pour se faire plaisir !

M. Christophe Caresche - C'est surréaliste ! Dans la réalité, nos juges n'ont pas connaissance de la récidive car ils n'ont même pas accès au casier judiciaire - français - en temps voulu ! Cette mesure part d'un bon sentiment, mais elle est absolument inapplicable.

M. Hervé Morin - Ils l'ont prise juste pour se faire plaisir !

M. le Garde des Sceaux - Monsieur Morin, je vous ai déjà pris en flagrant délit de contre-vérité tout à l'heure...

M. Hervé Morin - J'ai parlé à M. Mercier ! Il y a un de nous trois qui ment !

M. le Garde des Sceaux - Ce n'est certainement pas moi. Je vous annonce officiellement que l'interconnexion sera possible en fin d'année, et je vous serais reconnaissant d'éviter de passer votre vie à dire du mal de la majorité.

M. Noël Mamère - Mais cette disposition ne peut s'entendre qu'à partir du moment où les chefs de qualification et les infractions sont parfaitement symétriques au niveau européen ! Le texte que vous nous présentez est donc inapplicable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Il peut arriver, même pour des juridictions d'assises, qu'on ne dispose pas de l'intégralité des éléments du casier judiciaire. Tous les praticiens le savent ! Et c'est une réalité quotidienne pour la correctionnelle, avec les comparutions immédiates par exemple.

Vous avez cité certains Etats européens, mais tous ne sont pas concernés, à ce jour, par ce dispositif. Par ailleurs, que se passe-t-il, sur le plan pratique, lorsque la juridiction ne dispose pas des éléments nécessaires alors qu'elle a connaissance d'une condamnation ? Elle reporte le procès ! Enfin, ce dispositif présuppose la connaissance exacte des dispositifs législatifs des autres pays qui ont conclu à une condamnation et le respect par eux des règles de droit que nous reconnaissons. Ces principes sont utilisés actuellement dans les procédures d'exequatur.

Sur aucun de ces trois points, nous n'avons de réponse précise. Votre texte est pour le moins prématuré, étant donné les instruments dont pourront disposer les juridictions chargées de l'appliquer.

M. le Rapporteur - Certains propos tenus ici sont indécents. Il est inacceptable d'utiliser ce débat, qui fait suite à une réflexion très approfondie, pour lancer des querelles politiciennes (M. Mamère proteste). Je rappelle par ailleurs que l'article 86, alinéa 8, de notre Règlement dispose que, six mois après l'entrée en vigueur d'une loi dont l'application requiert la publication de textes réglementaires, un rapport sur l'application de cette loi est présenté à la commission compétente. Dans six mois, nous disposerons de tous les éléments nécessaires. Arrêtons donc là ces débats stériles qui ne font que ralentir le cours de nos travaux.

L'amendement 1 rectifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. Noël Mamère - Il est incroyable de se faire accuser par notre collègue Léonard de faire de la politique politicienne ! Nous sommes ici dans une enceinte démocratique et, dans le débat qui nous occupe, l'indécence n'est pas du côté des parlementaires qui critiquent cette loi, mais bien plutôt du vôtre. A la responsabilité politique et au courage, vous préférez le populisme et les lois de circonstance. Ceux qui attisent les peurs de nos concitoyens sont vraiment mal placés pour juger nos propos indécents.

J'entends bien qu'il est possible d'obtenir un rapport sur l'application d'une loi. Encore faut-il que ce rapport, fût-il prévu dans la loi elle-même, soit élaboré ! Ainsi attendons-nous toujours le rapport d'évaluation de la loi sur les signes religieux - évaluation d'ailleurs menée par la commission Stasi, si bien que l'on peut douter de son indépendance...

M. le Président de la commission - Vous n'avez rien compris.

M. Noël Mamère - J'ai fort bien compris votre démarche depuis deux ans.

L'article 2, qui introduit dans notre droit la notion de réitération d'infraction, est très dangereux. Comme je ne pense pas que nous légiférions pour ne rien dire, cet article viole bel et bien la présomption d'innocence. Il interdit la confusion de peines et met à bas tout l'édifice législatif actuel en matière de récidive - édifice certes complexe, puisqu'il ménage une progression dans la sévérité des peines en fonction de la gravité des infractions. Mais de cela, vous faites litière, substituant à la notion de récidive, celle, purement policière, de réitération. Il suffira d'avoir été condamné, quand bien même cette condamnation ne serait pas définitive ! Le texte adopté ici en première lecture prévoyait ainsi que la juridiction prenne en considération « les antécédents du prévenu pour prononcer la peine et en déterminer le régime ». Le rapporteur du texte au Sénat, observant que le terme « d'antécédents » relevait davantage du langage policier que du langage judiciaire mais ne souhaitant pas pour autant que soit supprimée toute disposition prévoyant que le juge tienne compte du passé pénal du prévenu, proposait - dans un double souci de clarification et de compromis, disait-il - de se référer à l'existence d'une « première condamnation ». Sans que les auteurs de la proposition de loi n'en aient bien évidemment eu l'intention, poursuivait-il, leur texte pourrait laisser craindre une dérive à l'américaine de notre système pénal, notamment dans l'hypothèse de plusieurs infractions commises après une première condamnation définitive. Aussi suggérait-il de préciser que la possibilité de cumul des peines et l'interdiction subséquente de la confusion concernent « la précédente condamnation. » Or, l'amendement 8 que nous allons examiner prévoit que « les peines prononcées lors de la précédente condamnation se cumulent sans limitation de quantum - on en revient aux peines planchers si chères à MM. Sarkozy et Estrosi - et « sans qu'il soit possible d'ordonner leur confusion avec les peines prononcées pour l'infraction commise en réitération. »

M. le Président de la commission - Je souhaiterais éviter à M. Mamère de faire une confusion de plus. Nous ne souhaitons pas que la loi prévoie le dépôt d'un rapport sur son application. Nous nous référons simplement à l'article 86, alinéa 8, de notre Règlement, lequel dispose que la rapporteur d'une loi peut, dans un délai de six mois après la promulgation de la loi, demander à vérifier si tous les décrets d'application ont été pris.

Sur la question, soulevée tout à l'heure, de savoir si la juridiction saisie en France aurait connaissance des infractions éventuellement commises à l'étranger, le Garde des Sceaux nous a répondu que l'interconnexion des casiers judiciaires serait possible d'ici à la fin de l'année (M. Mamère proteste). Ne préjugez pas, Monsieur Mamère, que les choses ne se feront pas. Notre droit de suite nous donne toute garantie de pouvoir vérifier qu'il en est bien ainsi.

M. Noël Mamère - Je parlais de symétrie nécessaire dans les qualifications pénales.

M. le Rapporteur - L'amendement 8 traduit fidèlement l'une des conclusions du rapport de la mission d'information, adoptées, je le rappelle, à la quasi-unanimité. Il tend à rétablir le texte adopté par l'Assemblée en première lecture définissant, à droit constant, la réitération. En effet, le droit actuel, hélas, ne définit pas cette notion dont le régime juridique se déduit donc a contrario de ceux de la récidive légale et du concours d'infraction, ce qui n'est pas satisfaisant. Compte tenu des observations du Sénat, cet amendement apporte deux modifications qui devraient vous rassurer, Monsieur Mamère. Ainsi n'est-il plus fait référence aux « antécédents » de la personne mais simplement à l'existence d'une « précédente condamnation » et est-il indiqué que la possibilité de cumul des peines et l'interdiction de leur confusion concernent « la précédente condamnation » afin de signifier sans ambiguïté que l'intention du législateur n'est pas d'entraîner le système pénal français vers un système à l'américaine, comme cela a pu être craint. Voilà des clarifications de nature à apaiser les inquiétudes.

Mme Jacqueline Fraysse - Le Sénat a modifié l'article 2, qui permet de sanctionner plus lourdement les auteurs d'infractions n'entrant pas aujourd'hui dans le cadre légal de la récidive. Il estimait en effet que celui-ci risquait de nous entraîner vers un système à l'américaine où peuvent être prononcées des peines d'emprisonnement de centaines d'années. Tout en tenant compte des observations de la Haute Assemblée, la commission des lois a réintroduit l'interdiction de confusion des peines et l'absence de limitation de quantum, alors qu'aujourd'hui le cumul des peines est limité à la peine maximale encourue. S'inscrivant dans une logique purement sécuritaire, ces dispositions ne protègent en rien les victimes potentielles. En effet, chacun le sait, l'alourdissement des peines ne garantit absolument pas contre la récidive. Au contraire, plus les détenus sont abandonnés longtemps à un milieu carcéral, désocialisant et criminogène, sans projet de réinsertion, plus fort est le risque de récidive. Or 82 % des détenus sortent aujourd'hui de prison sans aucun projet ni aucun suivi.

Ce faisant, vous aggravez les risques de récidive à la sortie de prison et donc le nombre potentiel de victimes. A la place de ces dispositions contre-productives, il conviendrait plutôt de donner des moyens supplémentaires à la justice. Pour prendre un exemple que je connais bien, les détenus ne peuvent prendre que de deux douches par semaine à la maison d'arrêt de Nanterre, où il n'y a d'ailleurs pas d'éducateur sportif pour le quartier des mineurs.

Nous nous opposons donc à cet article. S'il venait toutefois à être adopté, nous demandons qu'il ne soit pas appliqué aux mineurs délinquants. La spécificité de la justice des mineurs est en effet reconnue tant par l'ordonnance du 2 février 1945 que par la convention des Nations unies relative aux droits des enfants, qui demande de privilégier en toutes circonstances la voie éducative. Ainsi s'explique notre sous-amendement 38 rectifié.

M. le Rapporteur - Nous définissons la réitération à droit constant : il ne s'agit nullement d'aggraver les peines.

M. Christophe Caresche - Pourquoi ce texte, alors ?

M. le Rapporteur - Entre la récidive et le concours d'infractions, il y a une réalité que nous inscrivons dans la loi : la réitération. Ce qui change, c'est que le juge sera informé de la réitération de l'infraction, et statuera donc en connaissance de cause. En aucun cas le principe de l'individualisation des peines n'est remis en question. Je vous suggère de relire sur ce point le rapport de la mission d'information.

M. le Garde des Sceaux - Je reconnais que la notion en cause est complexe et peu habituelle, à moins d'être un pénaliste. Il s'agit simplement d'éclairer le juge, que le délinquant soit un majeur ou un mineur, afin qu'il soit davantage puni s'il récidive. La mission d'information a en effet constaté qu'en raison d'un fonctionnement déficient du casier pénal, les magistrats ignorent bien souvent qu'ils jugent des récidivistes. Mais je le répète, il ne s'agit pas d'aggraver la définition des peines.

Par conséquent, avis favorable sur l'amendement 8 et défavorable sur le sous-amendement 38.

M. Hervé Morin - J'avoue avoir des difficultés à saisir le contenu de l'amendement 8. J'ai bien compris que nous ne parlions pas d'antécédents mais de peines prononcées, étant entendu que sont exclues toutes les peines ayant fait l'objet d'une amnistie, d'un effacement du casier judiciaire ou d'une mesure de réhabilitation. Vous visez donc la réitération pure et simple. En cas de concours d'infractions, la confusion des peines reste possible, mais pas le cumul.

Pouvez-vous confirmer que nous nous plaçons bien dans l'hypothèse où il y a déjà eu une condamnation, mais non une série d'infractions qui n'auraient pas encore reçu de traitement pénal ?

Diverses voix - Oui !

M. Hervé Morin - Pourquoi refusez-vous dans ce cas qu'il y ait requête en confusion de peine, comme l'autorise notre droit pénal ?

M. Christophe Caresche - Je ne mets nullement en cause l'intention du rapporteur, mais je voudrais être certain de bien la comprendre. Souvenons-nous que nous avons voté il y a quelques semaines une disposition sur les réductions de peine aux conséquences imprévues, qui va faire l'objet d'un nouvel amendement.

Cela ne me choque pas du tout que le Sénat n'ait accepté que les deux premiers alinéas de l'amendement 8. J'ai cru comprendre qu'ils ne faisaient que reprendre la pratique actuelle, selon laquelle le juge tient compte de la réitération. Je me demande en revanche si la suppression du quantum de peine, prévue au dernier alinéa, n'est pas un mécanisme infernal qui obligera le juge à cumuler les peines, y compris pour des délits mineurs, ce qui déboucherait sur des condamnations sans rapport avec les infractions commises.

Ce dernier alinéa me semble en effet bien ambigu et je ne suis pas certain de le lire comme vous nous suggérez de le faire.

M. le Garde des Sceaux - Je reconnais qu'il s'agit d'une disposition ardue. En droit, il y a confusion des peines quand il y a un concours d'infractions et des jugements distincts ; il n'y a pas de confusion quand il y a réitération.

Les sénateurs n'ont pas vu que le troisième alinéa se borne à retranscrire le droit sans le modifier. On ne peut malheureusement pas faire simple quand la réalité est complexe.

M. Noël Mamère - Je comprends mal vos explications. Je me demande si vous ne nous baladez pas dans le flou en prétendant réécrire le droit. Si j'ai bien compris la différence entre la réitération et la récidive, la réitération ne s'apprécie pas en fonction d'un délai, contrairement à la récidive.

Ce qui m'inquiète, c'est la suppression de la limitation du quantum : cela revient à demander au juge d'appliquer des peines planchers pour les récidivistes. Vous faites donc revenir par la fenêtre ce que M. Estrosi et M. Sarkozy réclamaient. Vous vous immiscez dans l'office du juge et ne parviendrez pas à nous convaincre que vous ne faites que réécrire le droit.

Le Sénat a eu parfaitement raison de supprimer le dernier alinéa : la réitération est une notion criminologique ou policière, et non pénale.

M. Jean-Christophe Lagarde - Plus le débat avance, et plus il s'embrouille. M. Mamère affirmait tout à l'heure que la présomption d'innocence allait être remise en cause. Or il ne saurait y avoir présomption d'innocence dès lors qu'une condamnation définitive est intervenue !

On nous dit par ailleurs que la suppression de la limitation du quantum reviendrait à créer une peine plancher. Je vois plutôt là un retour à la liberté d'appréciation du juge.

Par ailleurs, si je partage l'opinion de Mme Fraysse et M. Mamère sur les conditions de détention et les lacunes du suivi socio-éducatif, est-ce une raison pour admettre qu'aucun mineur ne soit condamné avant trente, quarante, voire cinquante passages devant le juge, comme c'est le cas dans de nombreux départements, notamment le mien ?

Mme Jacqueline Fraysse - Je n'ai jamais dit cela !

M. Jean-Christophe Lagarde - Jean-Pierre Brard lui-même, avec qui je me suis rendu il y a peu au palais de justice pour rencontrer le procureur de la République, expliquait que dans sa ville, un jeune a pu être envoyé 67 fois devant le juge des enfants sans qu'il n'y en ait la moindre trace. Croyez-vous vraiment que l'éducation soit la seule réponse à la délinquance des mineurs ?

Inclure les mineurs dans le dispositif proposé par l'amendement 8 permettrait, au cas où une mesure d'intérêt général serait par extraordinaire prononcée à l'égard de l'un d'eux, de tenir compte de cette peine en cas de réitération. Un jeune ne devient pas soudainement condamnable et responsable le jour de ses 18 ans, qu'il atteindrait blanc comme neige sous prétexte qu'il n'a jamais été suivi par la justice des mineurs ! C'est en traitant efficacement la délinquance des jeunes que l'on pourra lutter contre la récidive, et non en attendant qu'ils passent de la dégradation au vol, du vol au vol avec violence, et ensuite à la violence volontaire.

M. Georges Fenech - Pourquoi tant d'inquiétude ? Il n'y a vraiment pas de quoi s'émouvoir de l'alinéa premier, qui tend à donner une définition légale de la réitération.

Quant au deuxième alinéa, l'on sait bien que les juges prennent connaissance du casier judiciaire du prévenu avant de rendre leur décision, et ont accès aux renseignements détenus par la police. Il ne s'agit là que de légaliser une pratique.

En revanche, s'agissant du troisième alinéa, je me demande s'il n'est pas paradoxal de traiter plus sévèrement la réitération, pour laquelle la confusion n'est plus possible, que la récidive, pour laquelle elle est autorisée.

M. Christophe Caresche - Absolument !

M. le Président de la commission - La confusion des peines est aujourd'hui possible en cas de concours d'infractions, et l'amendement ne remet pas en cause cette possibilité.

Par ailleurs, la récidive est encadrée par des dispositions légales. En revanche, aucune définition juridique n'existe pour ce qu'on appelle en criminologie la réitération, à savoir le fait pour une personne déjà condamnée de perpétrer une nouvelle infraction sans pour autant entrer dans le cadre de la récidive. La réitération, déjà prise en compte par les juridictions, ne donnant pas lieu aujourd'hui à confusion des peines, l'alinéa 3 ne change rien à la pratique.

M. Hervé Morin - Monsieur le président, vos explications sont très claires, mais il faudrait préciser au troisième alinéa que la condamnation est définitive, afin de ne pas nous retrouver dans le cadre du concours d'infractions, pour lequel la confusion des peines est possible.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je partage l'avis de M. Morin.

M. le Garde des Sceaux - Cette précision figure déjà au premier alinéa !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Pourquoi tenez-vous à interdire au juge de confondre les peines ? Nous allons nous retrouver, comme aux Etats-Unis, avec des sanctions sans aucune mesure avec la nature des faits !

M. le Président de la commission - Merci, Monsieur Morin, d'avoir admis que mes explications n'étaient pas confuses. Puisque la précision que vous demandiez figure déjà au premier alinéa, il me semble que plus rien ne nous oppose.

Le sous-amendement 38, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 8, mis aux voix, est adopté. L'article 2 est ainsi rédigé.

APRÈS L'ART. 2

M. le Président de la commission - L'amendement 9, assez proche d'un amendement déposé par M. Lagarde est tombé à la suite de l'adoption de l'amendement 8, tend à ce que le juge prononce des peines en tenant compte des éventuelles infractions antérieures et rappelle les buts que la peine doit chercher à atteindre.

M. le Garde des Sceaux - Cet amendement définit pour la première fois dans le code pénal les finalités de la peine, à savoir la protection de la société, la punition du condamné, la protection des intérêts de la victime, l'amendement du condamné et la prévention de la récidive.

C'est cela, la finalité de la peine, et non, comme certains le laissent entendre, la sanction sèche.

Mme Jacqueline Fraysse - C'est plutôt la sortie sèche !

M. Noël Mamère - Le principe de la personnalisation des peines étant inscrit dans notre droit positif, pourquoi vous immiscez-vous une nouvelle fois dans le travail du juge ? Je rappelle que des lois sont déjà venues créer des peines automatiques, dont certains de nos anciens collègues ont d'ailleurs pâti....

L'amendement 9, mis aux voix, est adopté.

M. le Président de la commission - Le sursis avec mise à l'épreuve présente une double faiblesse : il n'est possible que pour les peines d'emprisonnement inférieures ou égales à cinq ans et la durée de l'épreuve est limitée à trois ans. Il ne peut donc y être recouru pour une peine supérieure à cinq ans, pourtant fréquente lorsque le condamné est un récidiviste. En outre, une durée d'épreuve de trois ans peut être insuffisante pour contrôler une personne durablement ancrée dans la délinquance. C'est pourquoi l'amendement 10 tend à étendre le champ d'application du SME aux peines de dix ans d'emprisonnement lorsqu'elles concernent une personne en état de récidive légale, et à augmenter le délai d'épreuve maximal pour les récidivistes en le portant à cinq ans, voire à sept ans pour les personnes se trouvant, pour la seconde fois, en état de récidive légale, c'est-à-dire ayant déjà été condamnées définitivement au moins à trois reprises pour des infractions identiques ou assimilées.

M. le Garde des Sceaux - Le Gouvernement est d'autant plus favorable à cet amendement extrêmement intéressant qu'il permet de balayer toutes les critiques selon lesquelles cette proposition de loi serait d'inspiration exclusivement répressive. Qu'on en juge : pouvoir assortir d'un SME de trois ans une peine de huit ans de prison, c'est se donner trois années pleines pour accompagner le détenu dans sa démarche de réinsertion, en faisant intervenir les conseillers d'insertion et de probation ou des professionnels de santé si une injonction de soins a été prononcée. Bref, c'est un excellent outil pour éviter les sorties sèches dont chacun mesure désormais la dangerosité.

M. Hervé Morin - Sans partager la vision quelque peu idyllique du Garde des Sceaux, je tiens à indiquer que le groupe UDF soutient cette excellente disposition. Nous respectons notre ligne de parfaite objectivité, fustigeant ce qui est mauvais, louant ce qui permet de progresser !

M. Christophe Caresche - Il est bon d'élargir le champ du SME, mais est-ce bien cohérent avec tous les amendements qui viendront abaisser plutôt qu'étendre la durée de la liberté conditionnelle ?

M. Hervé Morin - Ne jouez pas les rabat-joie !

L'amendement 10, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 3

M. Michel Vaxès - L'article 3 ayant été adopté conforme par le Sénat, nous proposons, par notre amendement 37, un article additionnel pour tenter de revenir sur les dispositions qui limitent à deux le nombre possible de condamnations assorties d'un sursis avec mise à l'épreuve à l'encontre d'un individu en situation de récidive légale. Elles reviennent en effet à donner la priorité à la mise en détention, sans se soucier de l'état de surpopulation de nos prisons ni de tout autre considération. De telles mesures risquent d'être particulièrement dangereuses pour les mineurs, leur situation particulière n'étant pas prise en compte. Comme l'indique notre éminent collègue Warsmann dans ses travaux sur les alternatives à la détention, le SME est une mesure intelligente qui permet de lutter efficacement contre la récidive. Nous ne pouvons par conséquent pas nous résoudre à sa limitation, car nous considérons que les mesures alternatives à l'incarcération doivent être privilégiées dans tous les cas où elles semblent encore possibles, en particulier lorsque sont en cause des mineurs.

M. le Rapporteur - Je partage l'intérêt de M. Vaxès pour le SME, mais encore faudrait-il que la mise à l'épreuve soit effective dans tous les cas. L'expérience enseigne que trop de SME tuent le SME et entament le crédit du dispositif, souvent assimilé à un moyen commode d'échapper à l'incarcération.

M. le Garde des Sceaux - Je me dois d'indiquer à M. Vaxès que compte tenu des motivations qu'il a exposées, l'adoption de son amendement 37 aurait un effet particulièrement contre-productif puisqu'il tend à priver les mineurs du bénéfice du SME...

M. Michel Vaxès - Au contraire !

M. le Garde des Sceaux - Je vous assure que tel serait bien le cas. Or, pour un mineur, la durée de mise à l'épreuve se transforme en période de formation professionnelle et constitue par conséquent une chance à saisir de se réinsérer dans la société. Je vous recommande par conséquent de retirer cet amendement.

M. Michel Vaxès - Je ne puis le faire dans l'instant car vous ne m'avez pas vraiment convaincu.

L'amendement 37, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Afin que les récidivistes ne bénéficient pas du même traitement que les primo-délinquants, l'amendement 11 prévoit que le procureur de la République saisi de faits commis par un prévenu en état de récidive légale recourt par priorité au déferrement de l'intéressé devant le tribunal correctionnel, dans le cadre de la comparution immédiate ou de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - A quoi cela peut-il servir de le préciser dans la loi ?

M. le Rapporteur - Toutefois, afin de garantir la prise en considération de la situation du prévenu, le procureur peut décider de ne pas recourir à ces procédures si des circonstances particulières le justifient.

Après avoir soutenu cet amendement, il nous est apparu que ces dispositions relevaient plutôt de la politique pénale du Gouvernement...

M. Christophe Caresche - Bien sûr !

M. le Rapporteur - Il sera par conséquent retiré si le Garde s'engage à prendre une circulaire à ce sujet.

M. le Garde des Sceaux - Je constate l'impatience de votre rapporteur à prendre ma place... (Sourires) Ces matières relevant de ma compétence, j'ai le plaisir de vous informer que la circulaire prenant les dispositions demandées sortira incessamment.

M. le Rapporteur - L'amendement 11 est retiré.

ART. 4

M. Noël Mamère - Cet article est l'un des plus dangereux de votre texte puisque, au mépris de tous les principes de notre droit pénal, il tend à faire de la détention la règle et de la liberté l'exception. La liberté n'a pas à être justifiée ; seul l'emprisonnement doit l'être. Dans le système que vous proposez, l'incarcération des récidivistes en matière sexuelle ou pour des faits de violence devient automatique dès le prononcé de la peine. S'immisçant une fois de plus dans les prérogatives des magistrats, le législateur attente de manière scandaleuse à leur indépendance. Au reste, l'idée qui vous inspire est toujours la même : trop laxistes et trop peu soucieux de la sécurité de nos concitoyens, les juges auraient besoin d'être encadrés. Et puisqu'il n'y a pas assez de monde en prison, autant créer des cas d'incarcération automatique ! Les parlementaires qui dénoncent avec constance la surpopulation carcérale apprécieront !

M. le Rapporteur - L'amendement 12 concerne les personnes en état de récidive légale en matière sexuelle ou pour des faits de violence. Dans ce cas, le tribunal doit délivrer un mandat de dépôt à l'audience, quel que soit le quantum de la peine encourue, sauf s'il en décide autrement par une décision spécialement motivée.

M. Noël Mamère - Vous vous immiscez dans le travail du juge en créant un statut dérogatoire !

Mme Jacqueline Fraysse - N'étant pas juriste, je reste prudente. Mais ce que propose le rapporteur me pose question. Il s'agit d'instaurer des règles particulières pour ces auteurs de crimes graves - mais il n'y a pas que les crimes sexuels qui soient graves.

M. le Rapporteur - Il s'agit surtout de récidivistes.

Mme Jacqueline Fraysse - Certes, le juge peut ne pas délivrer ce mandat de dépôt, mais s'il veut remettre le prévenu en liberté, il doit justifier sa décision. Cette inversion des principes de base est inacceptable.

La version initiale de l'article prévoyait que pour les récidivistes concernés, un mandat de dépôt était délivré à l'audience dès lors qu'ils encouraient une peine de prison ferme. Les sénateurs l'ont refusé comme portant atteinte au respect de la liberté individuelle et de la présomption d'innocence. Notre commission veut rétablir la version initiale, en ajoutant cette possibilité pour le juge d'une décision spécialement motivée. Nous allons évidemment voter contre. Cependant, si vous deviez l'adopter, nous demandons au moins, par le sous-amendement 35 rectifié, que ces dispositions ne soient pas applicables aux mineurs. Bien entendu, il faut mettre hors de nuire et sanctionner les mineurs qui commettent de petits délits à répétition. Mais les emprisonner ne règle pas le problème. Il faut les aider à se réinsérer. Je fais confiance aux juges et aux services sociaux pour trouver les meilleurs moyens. Mais la misère est effrayante dans ce domaine. Réglons d'abord ce problème de moyens avant de prendre d'autres mesures.

M. le Garde des Sceaux - Avis favorable sur l'amendement 12 et défavorable sur le sous-amendement 35 rectifié.

M. Christophe Caresche - Ou le rapporteur est têtu, ou il souhaite préparer dans les meilleurs conditions possibles la discussion au Sénat. A l'évidence, la rédaction de celui-ci est meilleure, et le rapporteur est à coup sûr aussi attaché que nous à la liberté du juge. J'imagine donc que la deuxième explication est la bonne.

M. Hervé Morin - Nous étions assez partagés sur cette question. Dans le cas d'actes aussi graves, on pourrait comprendre que le mandat de dépôt soit la règle et la remise en liberté l'exception. Mais pourquoi seulement pour ces crimes, et pas tous les actes graves ? En second lieu, je ne suis pas certain que cette disposition soit constitutionnelle au regard des principes de la liberté individuelle et de la présomption d`innocence. Je suis certain en revanche qu'elle contredit la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Elle sera donc sanctionnée un jour ou l'autre.

Le sous-amendement 35 rectifié, repoussé par la commission, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 12, mis aux voix, est adopté.

L'article 4, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 4

M. Hervé Morin - Nous voulons éviter le plus possible les libérations « sèches » et faire en sorte, par notre amendement 30, que la liberté conditionnelle soit posée comme principe dans le code de procédure pénale, sauf circonstances motivées. Je sais que cette idée est difficile à mettre en œuvre, notamment pour les courtes peines. Mais je voudrais que la France s'engage dans cette voie, comme la plupart des pays européens, car l'accompagnement est le meilleur moyen de limiter la récidive.

M. le Rapporteur - On peut effectivement émettre ce vœu, dans la perspective d'une société idéale. Notre société a-t-elle aujourd'hui les moyens de le mettre en œuvre ? Malheureusement non, vous le dites vous-même. Je partage votre éthique de conviction, mais au nom de l'éthique de responsabilité, la commission l'a repoussé.

M. le Garde des Sceaux - Une bonne intention n'est pas forcément une bonne idée. Il y a des cas où cet aménagement n'est pas possible.

M. Hervé Morin - Nous parlons de « circonstances motivées ».

M. le Garde des Sceaux - Alors ne créez pas une obligation. Inutile de présenter un amendement dont on est sûr qu'il ne passera pas en CMP.

L'amendement 30, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Georges Fenech - On caricature notre volonté de lutter contre la récidive, on nous présente comme des partisans du tout carcéral. Notre amendement 41 rectifié montre qu'il n'en est rien, puisqu'il favorise, pendant la détention, le traitement médical, notamment psychothérapeutique, des personnes condamnées pour des crimes ou délits de nature sexuelle ou assimilée, même lorsque le suivi judiciaire n'a pas été prononcé.

M. Christophe Caresche - Notre amendement 63 dispose que tout détenu condamné à une peine d'au moins sept ans - ce qui est le quantum pour un viol aggravé - doit bénéficier obligatoirement d'un suivi psychologique en prison. De récentes affaires prouvent qu'il n'est pas possible de laisser sortir des auteurs de crimes sexuels graves sans aucun suivi au cours de leur détention.

Cela suppose non seulement des moyens, mais aussi un changement d'attitude du corps médical face à ce type de délinquance. La psychologie comportementale, par exemple, utilisée dans plusieurs programmes au Canada et en Scandinavie, donne des résultats. Pensons à ouvrir cette voie en France.

M. le Rapporteur - La commission a adopté l'amendement 41 rectifié.

M. le Garde des Sceaux - L'amendement 41 rectifié - que le Gouvernement soutient - en prévoyant l'octroi d'une réduction de peine aux condamnés qui acceptent ces soins, et le refus d'une réduction à ceux qui ne les acceptent pas, répond à une demande des praticiens. L'amendement 63, quant à lui, oblige aux soins - ce qui est contraire à la philosophie que vous soutenez généralement. Le Gouvernement le désapprouve.

M. Jean-Christophe Lagarde - L'amendement 41 rectifié satisfait pleinement le souhait de l'UDF : on ne peut pas relâcher des personnes dans la nature sans avoir tenté de les aider, pendant ou après leur détention, à se réinsérer. Il est d'autant plus utile qu'il ne vise qu'un certain nombre de délits. C'est un principe à appliquer à la politique de réduction des peines. La règle doit être mieux connue et moins aléatoire. Notre droit doit prévoir des réductions de peine supplémentaires pour ceux qui non seulement se soignent, mais s'engagent à un effort constant.

M. Christophe Caresche - L'amendement 63 est retiré. Nous soutiendrons l'amendement 41 rectifié, dont je voudrais néanmoins rappeler les conséquences. Actuellement, de nombreuses juridictions sont hors d'état d'assurer un suivi socio-judiciaire à cause d'un manque de moyens.

M. le Garde des Sceaux - M. Caresche a raison. Le dispositif actuel prévoit un médecin psychiatre coordonnateur et un médecin traitant. Je vais proposer un amendement visant à remplacer le médecin traitant par un psychologue, et suggérer à M. Xavier Bertrand d'augmenter le prix des vacations afin de garantir un nombre suffisant de médecins coordonnateurs - qui gardent naturellement leur rôle d'interface avec le juge. C'est la Chancellerie qui animera le suivi socio-judiciaire, qu'il ait été prévu par la juridiction de jugement ou qu'il soit une mesure de sûreté. Il y aura donc de moins en moins de sorties sèches.

L'amendement 41 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Hervé Morin - Les prisons ne peuvent plus être un lieu où l'on reste enfermé dans sa cellule, devant la télévision, du matin au soir. L'amendement 28 tend à rétablir une disposition simple, supprimée en 1987 : l'obligation d'activité dans les prisons, déjà rétablie en Allemagne et à laquelle l'administration pénitentiaire est très favorable. Obliger les détenus à se lever le matin et à poursuivre une activité - travail, formation, apprentissage de la lecture - améliorera les conditions de leur réinsertion et diminuera leurs chances de récidive.

M. le Rapporteur - Il faut distinguer les deux alinéas de cet amendement intéressant. Le premier est très satisfaisant, car il associe formation professionnelle et formation générale. Le second, en revanche, ne laisse pas la liberté de choix au condamné. La commission a donc rejeté l'amendement, l'obligation imposée étant contraire à notre droit.

M. le Garde des Sceaux - Avis favorable à l'amendement si l'on rajoute, à la fin du deuxième alinéa, les mots « qui en font la demande ».

M. Hervé Morin - J'approuve cette rectification.

L'amendement 28 ainsi rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 74 concerne la suspension de peine d'un condamné atteint d'une pathologie qui a fait l'objet d'un pronostic vital. Je souhaite que soit précisé à l'article 720-1-1 du code de procédure pénale que cette mesure ne s'applique pas si le condamné peut provoquer un trouble exceptionnel à l'ordre public ou s'il existe un risque partiellement élevé de récidive. Chacun a en tête le cas de M. Maurice Papon. On pourrait aussi évoquer le cas d'un pédophile ou d'un terroriste qui, à leur sortie de prison, feront l'apologie de leur vice. Sans en violer les principes, cet amendement apporte au texte une modification, justifiée par une exigence morale.

M. le Garde des Sceaux - Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. Christophe Caresche - Question de morale ?

M. le Rapporteur - Oui, la morale existe !

M. Christophe Caresche - Mais cet amendement n'apporte rien ! Ce n'est plus le ministre, mais le juge qui mesure l'équilibre entre la garantie du problème de santé d'un condamné et le trouble qu'il peut éventuellement apporter à l'ordre public. Vous ne faites que redire ce qui est la mission du juge et comme le Garde des Sceaux s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée, je pense que vous ne l'avez pas particulièrement convaincu !

M. Noël Mamère - Encore une fois, le législateur s'immisce dans le rôle du juge ! Je ne comprends pas ces nouvelles exceptions. Le Garde des Sceaux pourrait-il me dire combien de détenus de grand âge et très malades se trouvent toujours en prison ? La peine de mort étant supprimée, les juges prononcent de longues peines et nous trouvons en prison des personnes qui n'ont rien à y faire. Une femme, qui a commis des actes horribles et est aujourd'hui très malade, n'a pas reçu le droit d'en sortir : c'est Nathalie Ménigon, et je ne vois vraiment pas en quoi elle serait capable aujourd'hui de troubler l'ordre public. Il y a bien d'autres cas de gens dont la famille réclame la sortie et qui restent dans les prisons, à mourir dans l'indignité. Ajouter ces précisions a un côté, pour le coup, vraiment indécent.

M. Jean-Christophe Lagarde - Mais cette « immixtion » est un peu le rôle du législateur ! C'est lui qui fixe les peines, les modalités d'application ou la possibilité de sursis, bref, le cadre dans lequel le juge agit.

J'aurais accepté pour ma part, Monsieur le rapporteur, ce que vous avez dit à propos de M. Papon, mais je rappelle que cette assemblée a refusé d'exclure les criminels contre l'humanité de cette disposition. Ce n'est pas par la voie législative qu'on doit régler ces problèmes.

M. le Rapporteur - Actuellement, si le pronostic vital est engagé, le juge libère le détenu presque automatiquement. Cette précision lui donne une plus grande liberté d'appréciation. Par ailleurs, on peut très bien être atteint d'une maladie à l'issue proche et commettre des actes de grand banditisme, des agressions sexuelles ou se livrer au trafic de stupéfiants !

M. Noël Mamère - Certainement, en phase terminale !

M. le Rapporteur - Vous avez parlé de vieux grabataires : le pronostic vital peut être prononcé pour des personnes jeunes et encore capables de nuire, il faut le comprendre ! Une personne en phase terminale a récemment été libérée : elle a dû être réincarcérée, à la demande du Garde des Sceaux !

M. Christophe Caresche - Très bien ! Cela prouve que tout le monde a fait son travail !

M. le Rapporteur - Cela prouve surtout que cette personne avait encore la capacité de commettre des forfaits.

M. le Garde des Sceaux - Pour répondre à la question qui m'a été posée, 461 condamnés ont souhaité bénéficier d'une suspension de peine pour raisons médicales, et 191 suspensions ont été accordées. Par le prochain amendement, je vous proposerai de prévoir un examen médical tous les six mois.

M. Christophe Caresche - Le juge ne libère pas automatiquement le détenu parce que le pronostic vital est en cause : il tient également compte des conséquences de cette libération et d'un éventuel trouble à l'ordre public. On lui a confié cette mission délicate, qui appartenait auparavant au ministre, pour que ce soit une autorité indépendante de toute pression qui l'exerce. Si le Garde des Sceaux a pu revenir, par le biais du parquet, sur une libération de ce type, c'est que le système fonctionne bien ! D'ailleurs, Mme Ménigon n'a pas été libérée !

M. Hervé Morin - Je n'arrive pas à comprendre le sens de ces précisions. L'article 720-1 du code de procédure pénale prévoit que la suspension peut être ordonnée lorsque le pronostic vital est engagé, et ajoute que la juridiction peut décider de soumettre le condamné à des obligations telles que des mesures de contrôle et des examens médicaux ou des traitements. Le juge a donc en permanence la possibilité de vérifier l'état de santé de la personne. L'amendement du Gouvernement va instituer une visite obligatoire tous les six mois : en a-t-on réellement besoin, sachant le coût de cette mesure, alors que le juge peut toujours la demander ? Le code pénal avait suffisamment encadré les choses.

L'amendement 74, mis aux voix, est adopté.

M. le Garde des Sceaux - Il est apparu récemment, dans plusieurs cas de suspension de peine du fait d'un pronostic vital engagé, que certaines malades vont franchement mieux six mois après leur libération. Ce qui n'est pas pour ravir les victimes qui rencontrent leur agresseur au marché local... Dans un de ces cas, j'ai demandé une expertise nouvelle qui a conclu au retour en prison. Par l'amendement 2, qui ne coûtera pas très cher, je propose donc de vérifier tous les six mois, par analyse médicale, si les conditions de la suspension sont toujours remplies.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. Noël Mamère - En passant d'une possibilité d'expertise en cas de demande du juge d'application des peines à une automaticité, vous jetez la suspicion sur le travail des juges et celui des médecins. Par ailleurs, ces dispositions sont applicables aux suspensions en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi,, quelle que soit la date de commission des faits qui ont donné lieu à la condamnation. Cela ne me semble guère correspondre aux règles de notre droit pénal.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Prochaine séance ce matin, jeudi 13 octobre, à 9 h 30.

La séance est levée à 1 heure.

                      La Directrice du service
                      du compte rendu analytique,

                      Catherine MANCY

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 13 OCTOBRE 2005

NEUF HEURES TRENTE : 1ERE SÉANCE PUBLIQUE

Discussion de la proposition de loi (n° 2535) de MM. Pierre MORANGE et Damien MESLOT visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation.

Rapport (n° 2554) de M. Damien MESLOT, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

QUINZE HEURES : 2EME SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi (n° 2093) relative au traitement de la récidive des infractions pénales.

Rapport (n° 2452) de M. Gérard LÉONARD, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.


© Assemblée nationale