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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 8ème jour de séance, 18ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 13 OCTOBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      DÉTECTEURS DE FUMÉE 2

      ARTICLE PREMIER 15

      ART. 2 15

      ART. 3 18

      APRÈS L'ART. 3 19

      ART. 4 19

      EXPLICATIONS DE VOTE 20

La séance est ouverte à neuf heures trente.

DÉTECTEURS DE FUMÉE

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation.

M. Damien Meslot, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - La succession dramatique d'incendies domestiques ces six derniers mois a mis en évidence le retard de notre législation dans le domaine de la protection contre le risque incendie. Ce retard n'est plus admissible, les chiffres en témoignent : le nombre d'incendies d'habitation est passé de 51 000 en 1981 à 98 000 en 2003 ; et l'on en dénombre en moyenne 250 000 par an provoquant 800 décès et 10 000 blessés.

Mon département, le Territoire de Belfort a payé un lourd tribut aux incendies et je veux rendre ici hommage aux victimes de l'incendie criminel du 8 mars 1989 - Anna, Béatrice, Thierry, Pascal, Emmanuel, Franck, Jean-Christophe, Jean-Louis, Pascal, Patrick, Sonia, Sylviane, Thierry, Béatrice et Philippe - et de l'incendie du 26 juin 2003 - Adeline, Maud et Philippe.

Ces tristes événements reflètent le sous-équipement des habitations françaises en matériel de prévention et de protection contre l'incendie, malgré la multiplication des campagnes nationales. Face à ce constat, comment continuer à défendre le caractère inutile, voire dangereux, des détecteurs autonomes de fumée alors que leur installation est préconisée par la commission de sécurité des consommateurs, l'Association des brûlés de France, les spécialistes du traitement des grands brûlés et la Fédération nationale des sapeurs pompiers de France ?

Il n'est plus temps aujourd'hui de s'abriter derrière des paravents techniques, ou pire des alibis budgétaires, pour retarder l'adoption de cette proposition de loi (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Il s'agit de sauver 400 à 500 vies par an.

Or, notre législation en la matière se réduit au contenu de l'arrêté ministériel du 31 janvier 1986 qui ne concerne que les immeubles de grande hauteur et les immeubles construits ou rénovés après 1986, soit 17% seulement de l'habitat privé et public. D'après les statistiques de l'INSEE en 1999, 23,8 millions de logements sur un parc total de 28,7 millions ne sont pas équipés.

Il est donc du devoir de la représentation nationale de rendre obligatoire l'installation de détecteurs avertisseurs autonomes de fumée dans tous les lieux d'habitation. Ainsi, nous accompagnerons la volonté du Gouvernement, suite aux drames survenus à la fin de cet été, de mieux prévenir les incendies.

M. Jean-Louis Dumont - La présence de détecteurs de fumée n'aurait rien changé. Il s'agissait de logements insalubres ! Que faites-vous pour lutter contre ça !

M. le Rapporteur - L'adoption d'une telle législation depuis plus de dix ans aux Etats-Unis, en Norvège, au Canada et en Grande Bretagne a permis d'atteindre un taux d'équipement en détecteurs avertisseurs autonomes de fumée oscillant entre 85 et 98% et de réduire de 50% le nombre de décès dus aux incendies et d'incendies nécessitant l'intervention des secours. Ces exemples étrangers montrent que l'obligation d'installation de détecteurs avertisseurs autonome de fumée, après une période de trois à quatre années de campagnes d'information, a des effets positifs.

Cette proposition de loi, fruit d'une réflexion conduite depuis de nombreux mois avec les principaux acteurs de la prévention et de la lutte contre l'incendie, n'a pas la prétention de réduire d'un coup de baguette magique le nombre d'incendies domestiques. Elle est une étape et son efficacité est suspendue à la mise en œuvre par les pouvoirs publics d'une stratégie globale de prévention du risque incendie pour les particuliers.

Cette stratégie passe par la création d'une agence nationale de prévention incendie sur le modèle de l'Association française de prévention routière. Nous souhaitons également que soit engagée une réflexion sur les mesures réglementaires nécessaires concernant le parc de logements non couvert par ce texte.

Notre proposition de loi prévoit que chaque occupant ou propriétaire d'un logement aura l'obligation d'installer un détecteur avertisseur autonome de fumée et de veiller à sa maintenance.

Nous proposerons un amendement à l'article 3 invitant les assurances, au lieu de majorer la franchise en cas de sinistre incendie dans un logement non équipé comme le prévoyait le texte initial, à minorer la prime d'assurance en cas d'installation d'un DAAF.

M. Jean-Louis Dumont - Quelle compassion commerciale !

M. le Rapporteur - D'autre part, un délai de cinq ans est accordé pour se conformer aux obligations de la loi et un rapport d'étape sera remis au Parlement un an après l'entrée en vigueur de la loi.

L'installation du DAAF est facile, il suffit de le fixer avec deux vis au plafond ; la maintenance est aisée puisqu'elle consiste à remplacer une pile, vendue en grande surface. Le coût moyen d'une telle installation sera de 15 euros.

Cette proposition de loi vise à donner un signal fort et à provoquer une prise de conscience, de façon à ce que chacun d'entre nous se sente pleinement responsable : ainsi le nombre de morts et de blessés pourra-t-il baisser de manière significative. En l'adoptant, la représentation nationale fera œuvre utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Dumont - Pas un mot sur la PALULOS !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Merci de soulever ce problème. A la suite des accidents dramatiques récents, nous avons demandé à M. Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, et à M. Pelletier, président de l'ANAH, de définir un certain nombre de mesures à prendre en matière de sécurité dans les logements collectifs et d'urgence.

Leur rapport, rendu public il y a trois jours, qui a nécessité l'audition de pas moins de 150 représentants d'associations, de professionnels du secteur, de spécialistes de la sécurité civile, couvre l'ensemble des problèmes de sécurité et de santé en matière de logement. L'incendie apparaît évidemment comme un sujet majeur et les propositions qui sont faites rejoignent le texte présenté aujourd'hui.

Il s'agit d'abord de mieux sensibiliser les personnes : les comportements diffèrent fortement selon que l'origine du sinistre est à l'intérieur du logement ou dans une partie commune.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Très juste !

M. le Ministre - Dans le premier cas, les occupants sortiront pour alerter les voisins et les secours, dans le second cas, ils resteront calfeutrés chez eux. Aucun d'entre nous ne peut être certain d'adopter spontanément la bonne attitude. Tous les pays qui ont réussi à faire diminuer le nombre de morts et de blessés consécutifs à un incendie ont donc commencé par entreprendre une vaste campagne de sensibilisation.

M. Jean-Louis Dumont - Pré-ven-tion !

M. le Ministre - Dès le début de l'an prochain, nous lancerons, avec le concours des bailleurs et des différents ministères concernés, une grande campagne nationale, qui se déclinera notamment en spots télévisés à des heures de grande écoute, à l'adresse de publics cible et en usant d'un langage compréhensible par tous.

Il s'agit également de renforcer les capacités de confinement de l'incendie aux lieux tels que chaudière, local à poubelle, local commun. En accord avec MM. Doutreligne et Pelletier, nous souhaitons prendre des mesures permettant d'isoler et d'éteindre un foyer par sprinkler.

S'agissant des détecteurs automatiques de fumée, personne ne peut contester l'idée que leur installation constitue une avancée importante et qu'elle est d'autant plus efficace accompagnée d'un savoir-faire et d'une sensibilisation des publics concernés. Tout le monde est par ailleurs convaincu que cette installation doit s'étaler dans le temps. Enfin, convenons que si l'occupant doit être à l'initiative de l'installation, il ne doit pas pour autant en supporter toute la charge : il s'agit d'une responsabilité collective qui doit, à ce titre, être également partagée par les assureurs, les bailleurs et l'Etat.

Merci, Monsieur le rapporteur, d'avoir présenté ce texte. Le Gouvernement a pour sa part mené la concertation nécessaire afin de partager le financement et de dégager les moyens d'une sensibilisation indispensable. Nous enclenchons ainsi une mécanique qui permettra à nos concitoyens d'être mieux protégés.

Mme Annick Lepetit - La proposition est donc retirée ?

M. le Ministre - En ce qui concerne le parc de logements privé, dont la situation est assez dramatique, voire scandaleuse, l'intervention du législateur s'est avérée nécessaire. Le Parlement a autorisé que soit prise une ordonnance permettant de donner aux maires des moyens d'intervention rapide sur les habitations indignes : elle sera publiée dans les prochains mois.

Par ailleurs, nous considérons, avec l'ensemble des partenaires, qu'il est nécessaire de mettre en place, en matière d'habitat, une police unique, déléguée ou non. Nous avons demandé à la DGUHC d'y travailler.

L'état de dégradation de l'habitat social est très important. Le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre a comptabilisé par moins de 600 000 habitations indignes supplémentaires. Notre programme se déroule conformément aux prévisions et sera augmenté de 5 milliards d'euros afin que les réalisations soient à la hauteur des espérances.

Telle est la position du Gouvernement, qui approuve le principe de la proposition de loi avec la prudence que vous connaissez et l'assurance qu'il mettra les moyens nécessaires, à la fois dans la campagne de sensibilisation et dans la concertation avec les assureurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Morange - Tenter de sauver des vies qui peuvent l'être, d'éviter des drames qui peuvent l'être, c'est le seul objectif qui nous réunit ce matin. Je n'oublierai jamais le témoignage bouleversant de cette maman qui est venue me demander, voilà deux ans, d'agir afin d'éviter que d'autres familles ne vivent pas l'horreur qui a frappé la sienne lorsque sa fille aînée est décédée, brûlée vive et consciente alors qu'elle passait une soirée avec deux camarades. Avec un détecteur de fumée, cette jeune fille aurait eu le temps de s'échapper. Je me suis engagé dans le combat aux côtés de cette femme et je suis très heureux de pouvoir, grâce à vous tous je l'espère, tenir ma promesse devant elle et sa famille.

Je comprends les critiques qui se font jour, l'exaspération des Français excédés par les multiples obligations qu'on leur impose. Le risque zéro n'existe pas et je ne suis pas de ceux qui prônent l'accumulation d'exigences supplémentaires aux frais de nos concitoyens. Il s'agît simplement d'éviter des drames grâce à une mesure très simple et peu coûteuse. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers ainsi que l'Association des grands brûlés savent d'ailleurs qu'il y a urgence à mettre en place un tel dispositif.

Le texte que nous vous présentons, mon collègue Damien Meslot et moi-même, requiert donc une attention toute particulière. Les incendies domestiques causent chaque année au moins 800 décès et plusieurs milliers de blessés. Les sinistres par le feu augmentent constamment depuis vingt ans. On en dénombre plus de 100 000 par an, qui font l'objet d'environ 250 000 déclarations. Statistiquement, un Français sur trois sera victime d'un incendie au cours de sa vie. Pendant les quelques minutes de mon intervention, notre pays aura connu près de sept incendies.

Les drames qui nous ont frappés récemment, comme celui de L'Haye-les-Roses, dans la circonscription de notre collègue Richard Dell'Agnola, ne peuvent nous laisser indifférents. Les grands brûlés connaissent non seulement d'atroces douleurs physiques mais également d'horribles souffrances morales. Avons-nous déjà pris quelques instants pour oser imaginer le calvaire de ces femmes et de ces hommes aux visages défigurés à tout jamais et aux corps meurtris ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Annick Lepetit - N'en rajoutez pas !

Mme Janine Jambu - Notre pays compte des milliers de logements insalubres et vous ne faites rien !

M. le Président - Laissez votre collègue s'exprimer ! Personne n'a le monopole de la politique du logement dans cet hémicycle.

M. Pierre Morange - Mes propos ne sont en rien motivés par un quelconque chantage affectif mais ils témoignent d'une réalité médicale que je connais quelque peu comme ancien praticien.

L'installation de détecteurs avertisseurs autonomes de fumées dans chaque logement constitue une solution efficace pour sauver des vies. Avec un taux d'équipement inférieur à 1%, ce dispositif, que l'on trouve en vente à prix très modeste, doit être généralisé. Dans les pays tels que la Norvège, le Canada ou le Royaume Uni, qui ont légiféré en la matière, le nombre de décès causés par des incendies a baissé de près de 60%. Près de 70% des incendies mortels surviennent la nuit et 80% des décès sont dus à une intoxication par inhalation de la fumée.

Je rappelle à nouveau, après le ministre que je remercie de son soutien, que ce texte n'a pas pour objectif d'imposer une obligation supplémentaire mais de sensibiliser chaque citoyen aux risques d'accidents domestiques. Personne, aujourd'hui, n'envisage de remettre en question l'obligation de mettre sa ceinture de sécurité en voiture. Nous devons donc agir afin de rattraper notre retard dans le domaine de la prévention.

Dans cette perspective, cette proposition représente une avancée de la politique de prévention. Chaque année, 20 000 personnes sont victimes d'accidents domestiques, qui causent trois fois plus de morts que sur les routes, sans que nous ayons mis en place des dispositifs aussi puissants que ceux existant en matière de sécurité routière.

Il est temps de sensibiliser le plus grand nombre de nos concitoyens aux dangers de la vie quotidienne. La plupart de ces accidents ne sont pas une fatalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Alors que s'ouvrent nos débats, chacun d'entre nous a en mémoire les incendies tragiques de l'été dernier au cours desquels des dizaines de personnes ont trouvé la mort. Si les incendies survenus dans les squats et les habitats insalubres sont la conséquence directe et dramatique de la crise du logement, les incendies qui ont frappé des immeubles mieux entretenus ont brutalement rappelé à nos concitoyens et aux pouvoirs publics cette terrible réalité : chaque année, 800 personnes meurent dans l'incendie de leur logement. Sur l'ensemble de ces bancs, nous partageons tous le même but : tout faire pour améliorer la prévention et la lutte contre les incendies.

C'est à l'aune de cet objectif commun que, je l'espère, chacun voudra bien apprécier nos positions respectives. Mon groupe estime que cette proposition ne permettra pas de l'atteindre. Nous comprenons que l'émotion suscitée par les drames de l'été dernier interpelle le législateur ; nous comprenons que celui-ci considère que l'opinion publique attend une réaction rapide et efficace, mais nous considérons que cette proposition, limitée par son objet même à une simple disposition technique, loin d'améliorer la situation, pourrait même concourir à l'aggraver, ce que vous avez vous-même sous-entendu, Monsieur le ministre.

Mme Annick Lepetit - En effet.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Cette proposition soulève davantage de problèmes qu'elle n'apporte de solutions.

Les estimations du coût d'une installation systématique de détecteurs de fumée sont extrêmement floues puisque notre rapporteur reconnaît lui-même que celui-ci peut varier entre dix et cent euros pièce. Au prix d'achat initial, il faut encore ajouter les dépenses d'installation et d'entretien dont le montant est estimé à dix euros par an. Sachant qu'il faut compter en moyenne deux détecteurs par appartement et que leur durée de vie est limitée à cinq ans, la charge financière représentée par l'installation obligatoire et systématique de DAAF atteint ainsi des proportions considérables. Il faut donc se réjouir que les auteurs de cette proposition aient renoncé à faire peser cette charge sur les seuls propriétaires. Si ceux du parc privé auraient pu en supporter le poids individuel, il aurait été intenable pour les organismes HLM qui auraient dû équiper quatre millions de logements, soit un coût estimé à 680 millions tous les cinq ans pour acheter, installer et entretenir huit millions de détecteurs.

Contrairement aux dispositions d'une première proposition du 21 décembre 2004, les auteurs de cette seconde proposition ont donc décidé de remanier leur texte. Mais faire payer les occupants ne soulève pas moins de problèmes, comme ma collègue Annick Lepetit vous le démontrera. Dans une conjoncture marquée par l'augmentation vertigineuse des charges et des loyers et aggravée par des réactualisations scandaleusement insuffisantes des aides à la personne, l'obligation d'acheter, d'installer et d'entretenir un ou plusieurs détecteurs portera une atteinte sensible au budget « logement » des ménages. Et, comme toujours, les plus modestes d'entre eux seront les plus pénalisés.

Nous ne saurions donc trop conseiller à la majorité et au Gouvernement de s'inspirer des propositions faites dans leur récent rapport par MM. Doutreligne et Pelletier. Ils suggèrent en effet plusieurs moyens utiles pour encourager les ménages à acheter des détecteurs sans grever leur budget. Il recommande également une mesure à laquelle nous ne pouvons que souscrire : « installer gratuitement un détecteur de fumée dans le logement des personnes vulnérables ». Grâce à ces aménagements, le problème du coût du dispositif pourrait être en partie surmonté.

Mais, en toute hypothèse, lorsqu'il en va de la sécurité publique et de la vie de nos concitoyens, l'obstacle budgétaire ne doit jamais arrêter la puissance publique. Vous pouvez donc croire que notre opposition à cette proposition ne se justice pas uniquement, ni même prioritairement, par son impact financier. Si la solution qu'elle apporte était coûteuse mais efficace, nous l'approuverions. Or, elle n'est pas seulement coûteuse : elle est surtout inefficace et peut-être même dangereuse.

Mme Annick Lepetit - Bravo !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Les premières expériences conduites en France révèlent que le bilan de la mise en place de détecteurs est pour le moins mitigé, pour ne pas dire médiocre. Entre 2001 et 2004, deux organismes HLM ont décidé d'installer des détecteurs sur un ensemble de plus de 2 000 logements. Si l'un de ces organismes a souhaité reconduire cette opération, l'autre a jugé préférable de la suspendre, pour plusieurs raisons. La première concerne le confort quotidien des occupants. A de nombreuses reprises, ces détecteurs ont été déclenchés intempestivement par la fumée provoquée lors de la préparation d'un repas ou par les vapeurs d'eau émanant de la salle de bains. Exaspérés, les occupants sont alors souvent conduits à retirer la pile des détecteurs et les rendent ainsi inopérants. En outre, les détecteurs de fumée peuvent avoir un double effet pervers, en amont et en aval des incendies. En amont, ils nuisent à la prévention des incendies en déresponsabilisant les habitants : confiants dans leur système de protection, ceux-ci se laissent aller plus facilement à des comportements à risque et laissent par exemple des bougies allumées pendant la nuit. En aval, les détecteurs provoquent des mouvements de panique lorsque l'incendie est déclaré. Lors du tragique sinistre de L'Haye-les-Roses dans la nuit du 3 au 4 septembre dernier, de nombreuses victimes se sont précipitées dans l'escalier alors même que les détecteurs étaient installés dans les parties communes et avaient fonctionné. Hélas, il aurait beaucoup mieux valu qu'elles restent dans leur logement à attendre le secours des pompiers.

Certes, nous croyons sur parole notre rapporteur lorsqu'il explique que les expériences étrangères sont nettement plus concluantes et qu'au Royaume-Uni notamment, l'installation de détecteurs a permis de sauver de nombreuses vies. Malheureusement, ce qui marche chez nos voisins d'Outre Manche ne fonctionne pas chez nous. Ce décalage s'explique par une opposition des méthodes. Alors que les Britanniques conçoivent l'installation de détecteurs de fumée comme le terme d'un processus, nous la concevons comme son commencement. L'installation obligatoire et systématique de détecteurs de fumée ne peut être efficace que si elle couronne une longue action d'éducation et de sensibilisation de nos concitoyens au risque d'incendie. En lui-même, le détecteur de fumée n'est ni bon, ni mauvais : il n'est qu'un simple outil technique dont l'efficacité dépend de son usage. Ainsi, pour éviter que l'installation de détecteurs ne déresponsabilise les gens, il est indispensable qu'une campagne d'information nationale, mobilisant l'école et les médias, apprenne à nos concitoyens comment prévenir les incendies. De même, pour éviter que cette installation provoque de mortels mouvements de panique, il est indispensable que cette campagne leur apprenne les gestes qui sauvent lorsque l'incendie est déclaré.

C'est à ces seules conditions que la mise en place de détecteurs de fumée peut sauver des vies. Or, malheureusement, elles ne sont pas remplies. Nous saluons, Monsieur le ministre, votre intention de lancer une campagne pluriannuelle de sensibilisation aux risques incendie. Mais les effets de cette campagne ne se feront sentir que dans les prochaines années, alors que cette proposition de loi risque d'être appliquée dans les prochains mois !

Dans leur rapport, M. Doutreligne et M. Pelletier concluent qu'il serait vain, voire imprudent, de rendre obligatoire dès à présent l'installation de détecteurs de fumée, la sensibilisation étant seule de nature à inciter les habitants à veiller à l'entretien du dispositif. J'invite la majorité et le Gouvernement à s'inspirer des nombreuses propositions que contient leur rapport pour lutter efficacement contre les incendies. Je pense notamment à la création de groupements d'intervention de sécurité des personnes dans les immeubles et à la dotation d'un fonds d'urgence pour réaliser les travaux de première nécessité dans les immeubles très dégradés.

Et je voudrais rappeler au Gouvernement qu'il ouvre le champ du risque en diminuant de manière drastique les crédits PALULOS affectés à la réhabilitation des logements sociaux. Le bon entretien d'un immeuble est en effet une condition essentielle pour éviter qu'un incendie ne s'y produise et prenne une tournure dramatique. Or, en trois ans, les crédits PALULOS ont diminué de plus de 50% dans les zones qui ne relèvent pas de l'Agence nationale pour le renouvellement urbain.

M. le Ministre - Vingt milliards, ce n'est rien pour vous ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Il ne sert à rien, Monsieur le ministre, de dégager en catastrophe 50 millions d'euros pour des travaux d'urgence sur les immeubles les plus insalubres si, dans le même temps, le Gouvernement laisse se dégrader l'ensemble du parc !

Mme Annick Lepetit - Très juste !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - En conclusion, ce n'est pas cette proposition de loi qui constituera le socle de l'efficacité que l'on peut attendre du législateur quand il traite de la sécurité de nos concitoyens. Nous attendons, Monsieur le ministre, que vous engagiez vraiment le grand chantier de la sécurité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. François Rochebloine - Les tragiques incendies qui se sont succédé cet été n'auraient jamais dû arriver et il est regrettable qu'il faille attendre de tels drames pour réfléchir à la question de la sécurité face au feu. L'objectif de cette proposition de loi est d'apporter une solution à un problème qui est la cause directe de près de 800 décès par an.

Selon les chiffres fournis par les assurances, le nombre annuel d'incendies domestiques est, en France, de l'ordre de 250 000, soit un toutes les deux minutes, et 70% des incendies domestiques meurtriers ont lieu la nuit. C'est bien là le problème : sachant que contrairement aux idées reçues, la fumée consécutive aux incendies ne réveille pas mais endort, que faire pour empêcher ces incendies nocturnes et les morts qui les accompagnent ?

Il nous est proposé ce matin de rendre obligatoire, dans tous les lieux d'habitation, l'installation de ce qu'on appelle des DAAF, des détecteurs avertisseurs autonomes de fumée. Il est vrai que la France est à la traîne dans ce domaine : son taux d'équipement ne dépasse pas 1%, contre 97% en Norvège, 85% au Etats-Unis et 48% au Royaume-Uni. Pour autant, les solutions proposées par ce texte ne nous semblent pas les plus adéquates.

Tout d'abord, pour des raisons de coût. Sachant que les dispositifs agréés coûtent environ 60 euros à l'achat et environ 10 euros pour la maintenance et que la charge de l'équipement reviendrait au locataire, on peut se demander s'il est bien opportun d'imposer aux gens des dépenses supplémentaires à un moment où tout le monde se plaint de la baisse du pouvoir d'achat et de l'augmentation du coût de la vie.

M. Luc-Marie Chatel - Et le coût d'une vie ?

M. François Rochebloine - On peut ensuite douter de la capacité du marché à répondre correctement à une généralisation du dispositif. Enfin, il est difficilement imaginable de réussir à équiper la totalité des habitations et il serait sans doute plus raisonnable d'envisager des solutions intermédiaires : rendre les détecteurs obligatoires seulement dans les immeubles, par exemple, mais laisser les propriétaires de maisons individuelles agir comme bon leur semble, ou bien réserver cette nouvelle obligation à toute nouvelle construction.

Outre les problèmes techniques, une contradiction saute aux yeux : les habitations les plus concernées par le risque d'incendie sont des squats et des immeubles qui ne respectent pas les normes de sécurité. Il est à craindre que leurs occupants - rappelons que 15 à 30% des locataires ne contractent pas d'assurance - ou leurs propriétaires ne respectent pas une nouvelle obligation.

Plus fondamentalement, est-il bien nécessaire de légiférer sur des sujets relevant autant du domaine privé ? Trop de loi tue la loi. Et il faut redonner toute sa place à la responsabilisation individuelle.

Les intentions de ce texte sont certes louables, mais ses modalités d'application nous laissent sceptiques et seront sans effet sans la mise en œuvre d'un programme d'éducation et de sensibilisation du public portant à la fois sur la prévention du risque d'incendie, la détection des incendies et la conduite à tenir dans un tel cas. En annexe du rapport, nous trouvons les conseils des sapeurs-pompiers sur le sujet. Mais une telle campagne reste limitée. Il faut des spots télévisés, des articles dans les journaux...

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF est très réservé sur ce texte et s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme Janine Jambu - Le 6 Septembre dernier, le président de notre groupe, Alain Bocquet, demandait au Premier ministre des mesures urgentes et fortes pour remédier à la crise du logement qui sévit dans notre pays et qui contraint des milliers de familles à vivre dans des conditions indignes et dangereuses, comme l'ont montré les incendies survenus à Paris et en d'autres lieux.

Nous avions alors souligné l'inaction des pouvoirs publics face aux exploitants d'immeubles insalubres et aux bailleurs qui ne respectent pas la réglementation relative aux normes des logements et qui cherchent avant tout le profit. Plus largement nous avions dénoncé l'inertie du Gouvernement et des représentants de l'Etat concernant l'application de la loi SRU.

Car si, à nos yeux, le logement social est la réponse centrale aux besoins des populations, c'est bien l'ensemble des orientations en matière de logement qu'il faut revoir. Lors du récent congrès de Nantes, l'Union sociale pour l'habitat et les cinq organisations nationales représentatives de locataires ont également demandé une remise à plat de l'ensemble du système de financement du logement et un véritable débat politique d'orientation au Parlement. Soulignant que 41% des aides publiques allaient au secteur locatif privé et 28% aux propriétaires, les signataires de cette déclaration commune relevaient l'absence de contrepartie sociale.

Quelle est la première réponse apportée à la force et à l'urgence de ces interpellations ? Cette proposition de loi sur les détecteurs de fumée ! Si le sujet n'était pas si grave, je dirais que c'est déplorable. Des hommes, des femmes, des enfants vivent dans des logements aux murs et aux escaliers délabrés, sans issues de secours, sous la menace d'un court-circuit ou d'une fuite de gaz liée à la vétusté des installations et vous leur imposez d'acheter, à leurs frais, un détecteur de fumée et d'en assurer la pose et l'entretien !

Les bailleurs, les marchands de sommeil, les promoteurs et spéculateurs peuvent dormir sur leurs deux oreilles : nul effort ne leur est demandé, même pas celui de respecter les réglementations en vigueur sur la protection contre les incendies dans les parties communes et sur les mises aux normes. Les associations de locataires et de résidents nous disent d'ailleurs combien il leur est difficile d'avoir accès aux recommandations des commissions de sécurité et d'en vérifier l'application. N'est-il pas révoltant que notre pays ne puisse garantir à chacun le droit, à un prix accessible, à un logement confortable et répondant aux normes de sécurité ?

S'agissant du contenu de cette proposition de loi, nous constatons qu'une fois encore, on demande à l'Assemblée, pour des motifs de circonstance, de légiférer dans des domaines réglementaires. Qu'en pense notre Président Jean-Louis Debré, qui souhaite lutter contre l'inflation législative ? Le choix de ce gouvernement et de sa majorité, c'est de faire débattre la représentation nationale des détecteurs de fumée, mais de l'empêcher de débattre du contrat nouvelles embauches, de la privatisation des autoroutes ou de la transformation du statut des offices d'HLM, sujets sur lesquels on préfère recourir aux ordonnances...Vous « surfez » sur l'émotion créée par les incendies dramatiques, tout en poursuivant une politique qui ne fait qu'aggraver les conditions de vie des Français !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Eh oui !

Mme Janine Jambu - Cette proposition s'inscrit dans votre logique libérale, qui vous conduit à toujours plus individualiser les risques et à culpabiliser les individus. Il est proprement scandaleux de mettre l'installation et l'entretien des détecteurs entièrement à la charge des occupants - j'ai d'ailleurs constaté que vous vous interrogiez à ce sujet, Monsieur le ministre - , à un moment où le coût du logement est devenu pour les ménages un véritable fardeau. Interrogés pour Habitat et Humanisme, 83% des Français jugent que les loyers sont trop chers, et il s'y ajoute des charges et des impôts en forte augmentation, du fait de l'augmentation du prix de l'énergie et des conséquences de la décentralisation Raffarin. Mais les propriétaires se préoccupent beaucoup plus de garantie contre les impayés de loyers et d'abrogation de l'ISF que de mise en sécurité des logements... Les locataires du parc social ne sont pas épargnés par les hausses de loyers et de charges. En outre, compte tenu du coût des primes d'assurances, un locataire sur dix n'a pas les moyens de s'assurer.

Ce texte tend à accroître encore le désengagement des compagnies d'assurances. Selon les données du rapport, la franchise de 5 000 euros qu'elles pourront appliquer en cas de non production de l'attestation est équivalente à la moyenne annuelle des indemnités versées au titre de la garantie incendie - 5 025 euros. Votre proposition est en fait un cadeau aux propriétaires, aux compagnies d'assurances, ainsi qu'aux fabricants de détecteurs de fumée, pour lesquels se profile un juteux marché. Notons au passage que l'un des dispositifs possibles, le détecteur ionique faiblement radioactif, présente des risques pour la santé et pose des problèmes d'élimination.

En fait, les personnes les plus défavorisées ne bénéficieront d'aucune protection supplémentaire car elles ne pourront pas payer, pas entretenir ou pas s'assurer. Pour les autres, la liste des dépenses incompressibles s'allongera.

Si l'utilité d'un tel équipement est démontrée, c'est d'intérêt public qu'il s'agit, et il faut alors garantir à chaque citoyen l'égalité d'accès à cette protection, en s'attachant d'abord à responsabiliser les bailleurs. Tel n'est pas l'objet de cette proposition, c'est pourquoi nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

Mme Josiane Boyce - Depuis cinq ans, les pouvoirs publics s'investissent dans des campagnes annuelles d'information et de sensibilisation au risque d'incendie. La prévention en ce domaine fédère un grand nombre d'acteurs sociaux, publics et privés, des associations et des fédérations professionnelles ; pourtant, on ne parvient pas à diminuer de façon significative le nombre de victimes, sans doute parce que beaucoup de personnes ne se sentent pas concernées. Quelle erreur ! Un Français sur trois sera confronté à ce risque une fois dans sa vie.

Chaque année en France, 10 000 personnes sont concernées par des incendies domestiques, et 800 en décèdent. Une exposition de moins de cinq minutes sans brûlures graves peut donner lieu à un handicap à vie - asthme chronique, insuffisance rénale, hépatique, cardiaque ou respiratoire. En cas de brûlures graves, les séjours en hôpitaux sont de très longue durée et coûtent 1 500 euros par jour ; les personnes brûlées et leur entourage vivent une véritable tragédie car le retour à la vie familiale et professionnelle est difficile, du fait de la modification physique des victimes et de leur fragilité.

Si 70% des incendies se déclarent le jour, les plus meurtriers sont ceux qui ont lieu la nuit, auxquels on attribue 70% des décès. Le feu peut couver pendant des heures avant que les flammes n'apparaissent, et les victimes sont alors intoxiquées pendant leur sommeil. Les fumées sont responsables de 80% des décès.

Les enfants sont particulièrement vulnérables : les incendies sont la troisième cause de mortalité par accidents de la vie courante chez les enfants de moins de 15 ans, après la noyade et la suffocation.

Les fumées étant le premier indice d'un incendie, les détecteurs avertisseurs de fumée permettent aux habitants de maîtriser le départ du feu ou de fuir à temps. Une expérience menée en Ille-et-Vilaine et dans les Deux-Sèvres montre qu'on peut ainsi diviser par dix les risques mortels. Pourtant, malgré des campagnes répétées, seulement 1% des logements sont équipés, contre 98% en Norvège. De plus en plus de pays s'équipent, aidés par la loi. En Suède, qui pratique la prévention volontaire, 88% des habitations sont équipées.

La présente proposition de loi a reçu un excellent accueil de la part des associations de victimes d'incendies, qui l'attendaient depuis longtemps. Cependant, diverses questions sur les caractéristiques, les conditions d'installation, d'entretien et de fonctionnement des DAAF se posent encore ; elles seront, nous l'espérons, débattues entre les acteurs concernés lors de l'élaboration du décret en Conseil d'Etat prévu par ce texte. Est-il souhaitable d'installer plusieurs DAAF dans les pièces à risques ? Dans ce cas, combien cela coûtera-t-il ? La Belgique propose un seul DAAF à chaque étage, est-ce suffisant ? Si un départ de feu a lieu dans une pièce isolée du DAAF par une porte, ne met-on pas son occupant en danger ?

Par ailleurs, même si le coût de l'installation peut paraître dérisoire, ne peut-il pas être mal ressenti par une population modeste, pour qui le loyer est déjà une dépense très importante ? De plus, le fait de fixer le DAAF dans un plafond à l'aide de vis le transforme en bien immobilier ; dans le délai de cinq ans où sa présence sera rendue obligatoire, n'y a-t-il pas un risque qu'il soit démonté à chaque déménagement ? Une solution pourrait être de permettre au locataire ayant installé un ou plusieurs détecteurs de fumée de présenter la facture à son propriétaire après la pose. Celle-ci pourrait être déduite d'un ou plusieurs loyers ou des charges locatives, l'entretien et la pile restant à la charge de l'occupant.

Quant au matériel, le soumettre aux normes françaises et européennes permettrait de s'assurer de sa qualité. Nos entreprises pourraient ainsi se positionner sur le marché de la qualité.

Concernant les assurances, la déclaration d'acquisition prouve la mise en conformité avec la loi, mais la franchise supplémentaire de 5 000 euros ne me paraît pas du tout opportune :le risque est assuré en tout état de cause, et le fait de le réduire par l'utilisation d'un DAAF bénéficie aux compagnies d'assurance. Celles-ci ne devraient donc en aucun cas se prévaloir du défaut d'installation ou d'entretien pour se soustraire à leurs obligations. Je défendrai tout à l'heure un amendement à ce sujet. La commission a proposé avec raison que, pour les futurs contrats, la minoration de la prime d'assurance soit préférée à la franchise.

L'article 3 de cette proposition de loi rejoint les intentions du rapport Pelletier, intitulé « Propositions pour une meilleure sécurité des personnes dans leur habitat », remis le 10 octobre 2005 à M. Borloo à la suite des accidents dramatiques de cet été. A une différence près, cependant : le rapport préconise que l'information précède l'obligation. Mais force est de constater que les campagnes de prévention ne suffisent pas ; mes collègues Meslot et Morange ont donc jugé, avec raison, qu'il était temps de légiférer.

Je regrette que groupe socialiste ait voté contre cette proposition de loi en commission. Cette loi, ô combien nécessaire, devrait au contraire faire l'unanimité, car il s'agit de prévenir des traumatismes profonds et de sauver de nombreuses vies. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Dumont - Elle est insuffisante !

Mme Annick Lepetit - Le problème des incendies dans les habitations est un sujet grave qui méritait d'être traité avec sérieux, et non dans une telle précipitation.

Pourquoi avez-vous décidé en début de mois d'aborder cette question aujourd'hui, alors que vous saviez qu'un rapport sur la sécurité des personnes dans leur habitat allait être remis par Philippe Pelletier et Patrick Doutreligne au ministre en ce début de semaine ?

Si vous l'aviez étudié avant de légiférer, Monsieur le rapporteur, vous auriez réalisé que vos propositions n'allaient pas dans le même sens que ses conclusions, contrairement à ce que vous avez affirmé en commission la semaine dernière.

Pourquoi encore ne pas attendre le prochain débat au Sénat sur le projet de loi « Habitat pour tous », annoncé depuis deux ans par les trois ministres qui se sont succédé au Logement, pour y intégrer des dispositions sur la sécurité-incendie dans les logements ?

Une nouvelle fois, vous avez une approche segmentée des problèmes !

MM. Le Bouillonnec et Rochebloine l'ont dit, l'examen de cette proposition est prématuré et malvenu, car les drames causés par les incendies méritent un travail approfondi, en concertation avec l'ensemble des acteurs du terrain. Plutôt que de surfer sur l'émotion provoquée par le choc des images, les parlementaires se doivent d'être responsables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Outre que votre proposition a une approche simpliste de la situation, nous ne sommes pas convaincus de l'efficacité des mesures avancées.

Vous prévoyez que tout occupant d'un logement installe au moins un détecteur de fumée, veille à son entretien et s'assure de son fonctionnement. Ce faisant, vous alourdissez encore les contraintes financières qui pèsent sur les habitants.

Vous prétendez, Monsieur le rapporteur, que ces détecteurs ne coûtent pas cher, sans pour autant nous en apporter la preuve.

S'agissant de l'achat, vous écrivez que leur prix « peut varier de moins de dix euros à dix fois plus ». Pourquoi un tel écart ? Par ailleurs, vous estimez à moins de 50 euros le prix moyen d'un détecteur, alors qu'il dépasserait les 60 euros selon l'Union sociale pour l'habitat. Sans parler de la nécessité d'acheter plusieurs appareils en fonction de la taille de l'appartement....

Par ailleurs, il semble qu'une seule entreprise distribue en France des détecteurs certifiés NF : la question du monopole se pose...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Exactement !

Mme Annick Lepetit -....et elle a d'ailleurs été soulevée en commission par un député de la majorité.

Concernant la pose du détecteur, vous avez prétendu en commission qu'il suffisait de le fixer au plafond à l'aide de deux vis. Croyez-vous que les personnes âgées ou les personnes handicapées, pour ne citer qu'elles, pourront le faire ? Pensez-vous que tout le monde dispose du matériel nécessaire, voire du savoir-faire ? Il faudra donc faire appel à un prestataire, ce qui aura un coût que les plus défavorisés ne pourront pas forcément assumer.

S'agissant de l'entretien du détecteur, il suffirait selon vous de changer les piles une fois par an, de tester le fonctionnement de l'appareil une fois par mois, et de changer d'appareil tous les dix ans. Le rapport Pelletier-Doutreligne préconise quant à lui un remplacement tous les cinq ans. Qui a raison ? En tout cas, chacun s'accorde sur le coût de l'entretien d'environ 10 euros par an.

Pour ce qui est du contrôle du fonctionnement de l'appareil, vous restez silencieux : qui le fera ? Encore un prestataire !

Quant à votre proposition d'une franchise de 5 000 euros au profit des assureurs en cas de sinistre dans un logement non équipé, outre qu'elle peut décourager certains occupants de s'assurer, elle favorise les assureurs alors qu'ils ne contribuent en rien à la sécurité-incendie des habitants.

M. le Rapporteur - Nous avons supprimé cette disposition.

Mme Annick Lepetit - Vous y aviez tout de même pensé !

L'installation, l'entretien et le contrôle de ces détecteurs s'avèrent bien plus compliqués que vous ne l'annonciez, sans parler du coût. Alors que les loyers flambent, et que les aides au logement ne cessent de baisser depuis 2002, comment pouvez-vous demander aux habitants de payer encore plus ? Que l'Etat participe donc à cet effort !

Vous écrivez encore, Monsieur le rapporteur, que les installations électriques seraient à l'origine de nombreux incendies,...

M. le Rapporteur - Les installations défectueuses !

Mme Annick Lepetit - ...mais vous ne proposez rien en la matière ! Il est vrai que ce serait à la charge du propriétaire. Le locataire doit-il être le seul à assumer le risque incendie ?

Pour nous convaincre du bien-fondé de cette proposition, vous avancez quelques exemples étrangers - Belgique, Canada, Grande-Bretagne...- où l'installation de ces détecteurs a été rendue obligatoire, en oubliant de préciser que ces pays avaient au préalable lancé une vaste campagne de sensibilisation. C'était en effet par là qu'il fallait commencer, mais vous n'avez rien prévu en la matière !

Sans une campagne d'information et de sensibilisation du public, votre proposition sera coûteuse pour les habitants sans pour autant être efficace. Vous mettez la charrue avant les bœufs.

Selon les deux auteurs de la proposition, ce texte tendrait à sensibiliser la population aux risques d'accidents domestiques, sans imposer d'obligation supplémentaire. Mais c'est tout le contraire ! Vous créez des charges supplémentaires, faites l'économie d'une quelconque sensibilisation, et ne responsabilisez pas davantage la population, puisque rien n'est dit sur la conduite à tenir en cas d'incendie.

Bien sûr, il faut garantir la sécurité-incendie dans les habitations, mais pas de cette manière, aussi voterai-je contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialistes et sur les, bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Marcel Bonnot - Ma naïveté me pousse à croire que le législateur assume ses responsabilités chaque fois qu'il aborde avec détermination la question de la sécurité de nos concitoyens. En la matière, aucun texte n'est de trop.

L'augmentation du nombre de sinistres depuis quinze ans ne pouvait nous laisser indifférents. Encore récemment à Montbéliard, ville dont je suis le premier adjoint, un incendie a coûté la vie à trois jeunes gens. En disant cela, je ne surfe pas sur une émotion de circonstance, je regarde la réalité en face.

De tels risques nous conduisent naturellement à imposer la pose de détecteurs de fumée dans les habitations - 30% des incendies surviennent en effet la nuit, et sont la cause de 70% des décès.

Ne rien faire serait coupable. La prévention passe par l'installation de détecteurs de fumée, tant réclamée par le président de l'Association des grands brûlés de France, et par le président de la Fédération nationale des pompiers.

En effet, le détecteur de fumée est un outil fiable dans 99,4% des cas.

Mais l'on ne peut rendre obligatoire l'installation de tels appareils sans mener une politique d'information sur la prévention et la conduite à tenir en cas d'incendie. En la matière, l'Angleterre mobilise 15 millions d'euros contre 15 000 seulement en France.

Certains pays, dont la Grande-Bretagne, ont généralisé avec succès l'installation des détecteurs : 8% des logements étaient équipés il y a 17 ans, contre 82% aujourd'hui.

Le Royaume-Uni vient ainsi de débloquer 40 millions d'euros pour la réalisation d'aménagements de sécurité dans les logements des particuliers, au profit notamment des ménages les plus vulnérables.

Bien entendu, l'argent reste le nerf de la guerre et l'on ne pourra avancer sans moyens. A cet égard, on imagine mal que les compagnies d'assurance ne fassent pas un geste alors qu'elles bénéficieront directement de la baisse attendue des sinistres...

M. le Ministre - Absolument !

M. Marcel Bonnot - La vie d'un être humain, ou sa douleur lorsqu'il garde de graves séquelles d'un incendie, valent mieux que les quelques dizaines d'euros - le prix d'une cartouche de cigarettes ! - nécessaires à l'installation d'un détecteur. Alors, de grâce, ne nous abritons pas derrière le rideau de fumée des faux arguments ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Dumont - En réalité, le présent débat ne devrait pas avoir lieu car les mesures réglementaires allant dans le sens demandé auraient dû être prises depuis longtemps ! Il faut croire que ceux qui s'émeuvent si fort aujourd'hui ont un peu mauvaise conscience. Mais quelle sera leur attitude lorsque nous seront soumis les crédits du logement ? Allez-vous, Monsieur le ministre, donner un coup de pouce significatif aux crédits de réhabilitation de l'habitat dégradé ? Un nouvel élan à la construction sociale ? Mettre à disposition du foncier abordable partout où l'on n'en trouve plus ? Relancer la rénovation urbaine ? Traquer sans relâche le logement indigne ? Nous avons là un rapport détaillé mais qui ne dit mot de ces enjeux essentiels. C'est à croire que nos rapporteurs n'ont pas remarqué que la majorité des incendies mortels ne se déclaraient pas dans les beaux quartiers ! Quel maire n'a pas été réveillé en pleine nuit par les pompiers pour aller constater un drame né de la bêtise, du crime ou de l'exploitation ? Des suites judiciaires efficaces sont-elles données aux incendies dus à un défaut d'entretien des propriétaires ? Que font notre police et nos juges ? Espérez-vous sérieusement vous en tirer en installant quelques détecteurs alors que ce sont de graves problèmes de société qui sont en jeu ? Alors, oui, il faut prendre un arrêté ou une circulaire imposant les détecteurs de fumée dans les constructions neuves...

M. le Rapporteur - Que ne l'avez-vous fait, si c'est si facile ?

M. Jean-Louis Dumont - Mais il faut d'abord donner suite aux signalements de logements insalubres et aider leurs habitants à se reloger décemment. MM. Doutreligne et Pelletier ont certes produit un rapport intéressant, mais que proposent-ils pour éradiquer l'habitat indigne ? Au plan local, quelles suites les services de l'Etat donnent-ils à nos sollicitations à ce sujet ? Bien sûr, lorsque le deuxième étage se retrouve à la cave et que des enfants y laissent leur peau, la compassion médiatique se déchaîne. Mais est-ce suffisant ?

Monsieur le ministre, vous n'ignorez pas que le militant du mouvement HLM que je suis a fait le tour des régions pour débattre des problème de qualité du service rendu, de construction neuve et de renouvellement urbain. Que constate-t-on partout : les objectifs sont partagés, les dossiers sont bouclés mais les moyens ne viennent pas ! Dans mon département, la commission de l'habitat s'est réunie en février et les dossiers ont été finalisés en juin. L'été est passé, puis l'entrée dans l'automne et nous ne voyons rien venir ! Il faut que la machine administrative et financière se mette en marche...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Bien sûr ! C'est le cœur du problème !

M. Jean-Louis Dumont - En ces matières, le volontarisme et les incantations ont leur utilité. Mais il faut désormais passer aux actes. Tous les militants du logement social vous le demandent. Monsieur le ministre, allez réclamer à Bercy de l'argent pour les PALULOS...

Mme Annick Lepetit - Borloo à Bercy !

M. Jean-Louis Dumont - Oui, il y a eu trop de victimes boulevard Vincent-Auriol, et ne faisons pas semblant d'ignorer la raison essentielle de ce carnage : des appartements vétustes sur-occupés par des familles en détresse. Traite-t-on un drame humain de cette ampleur avec quelques aménagements techniques, sans doute utiles mais bien dérisoires face aux enjeux réels ? De grâce, imposons à l'administration qu'elle nous donne enfin les moyens de construire des logements adaptés aux besoins des familles, que celles-ci soient métropolitaines ou venues d'ailleurs. Sachons accueillir ces familles au nom de l'exigence d'humanisme et de respect des droits de l'Homme qui s'imposent à tout Français. Monsieur le ministre, nous connaissons la passion avec laquelle vous défendez vos dossiers et nous serons à vos côtés...

Mme Annick Lepetit - Comme souvent par le passé !

M. Jean-Louis Dumont - Soyons efficaces ensemble. C'est cela que les Français attendent de nous. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Luc-Marie Chatel - Je tiens à saluer d'emblée le travail de notre rapporteur, Damien Meslot et de Pierre Morange, car sa qualité honore la fonction parlementaire...

Mme Annick Lepetit - Ça, vous êtes bien le seul à le penser !

M. Luc-Marie Chatel - Leur proposition de loi répond directement aux drames survenus dans la période récente et constitue une première étape significative dans la lutte contre les accidents de la vie courante. Nous avons tous été bouleversés par le sort des victimes d'incendies dramatiques et par leur contexte particulier. Mais il faut savoir que tout Français s'expose à un risque élevé d'être un jour victime d'un incendie. Au reste, s'ajoute au malaise un sentiment de culpabilité car nous savons tous que bien des drames auraient pu être évités. Notre pays accuse en effet un retard terrible dans la prévention des incendies, lesquels causent 800 décès par an et 10 000 victimes, la moitié d'entre elles devant être hospitalisées et beaucoup gardant de cruelles séquelles. Force est d'admettre que la France se situe en queue de peloton en matière de lutte contre l'incendie.

Dès lors, le présent texte prend le problème dans le bon sens : constatant que 70% des incendies mortels surviennent la nuit, la majorité des victimes succombant à l'asphyxie...

M. François Rochebloine - Allons ! Parlons plutôt de la situation sociale des familles touchées puisque nous la connaissons tous !

M. Luc-Marie Chatel - Dans ces conditions, les détecteurs de fumée ont démontré leur efficacité, le risque mortel se trouvant divisé par dix lorsqu'ils ont été installés. Les associations de victimes incitent le législateur à ne pas répéter l'erreur commise au sujet des ceintures de sécurité. Que n'a-t-on entendu à l'époque : le problème n'était pas là, les conducteurs attachés allaient mourir étranglés ou bloqués dans l'épave de leur voiture... Résultat, trente ans après, la ceinture a permis de diviser par cinq le risque routier...

M. François Rochebloine - Ce n'est pas comparable. Soyez sérieux !

M. Luc-Marie Chatel - Autre argument fort en faveur du texte de nos collègues, il constitue une première étape importante dans la lutte contre les accidents de la vie courante, lesquels sont à l'origine d'environ 20 000 décès par an, soit quatre fois plus que les accidents de la circulation. Auteur, en 2003, d'un rapport sur l'information et la protection du consommateur, j'avais eu l'occasion de dénoncer les retards accumulés en matière de collecte statistique et de coordination des moyens de lutte contre les accidents de la vie courante. A la suite de ces travaux, des efforts importants ont été accomplis, Jean-Pierre Raffarin ayant installé en février dernier le comité interministériel de la consommation, après avoir fait de la lutte contre les accidents domestiques l'une des priorités de l'action gouvernementale. Puisse Thierry Breton le réunir à nouveau prochainement, de sorte que la vigilance contre les accidents de la vie courante ne se relâche pas. Je rappelle aussi qu'un laboratoire des accidents de la vie courante a été créé en juin 2004, de manière à rapprocher notre expertise de ces questions des modèles américain ou britannique.

Merci, chers collègues, pour cette proposition de loi, éminemment réactive et de nature à valoriser la fonction parlementaire. Sur de tels sujets, l'on ne peut que regretter les atermoiements de certains et leur propension à s'abriter derrière de fausses excuses... (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

La discussion générale est close.

ARTICLE PREMIER

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Messieurs de la majorité, critiquer ce texte n'est pas un signe d'indifférence pour la sécurité de nos concitoyens !

M. François Rochebloine - Absolument !

Mme Annick Lepetit - Cela va de soi !

M. Luc-Marie Chatel - Dans ce cas, pourquoi préconisez-vous de ne rien faire !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - C'est justement par souci de leur sécurité que l'on ne peut se contenter de pis-aller dans la lutte et la prévention des incendies domestiques. Cette proposition de loi, c'est seulement de l'affichage ! M. le ministre a très justement souligné qu'il convenait en premier lieu de mener des campagnes de sensibilisation, avec les bailleurs sociaux et les représentants des propriétaires et des locataires, auprès des populations. Son intervention a laissé entendre que cette proposition de loi était donc inutile ! Je rappelle qu'en Grande-Bretagne, le taux de 75% d'équipement en détecteur de fumée était déjà atteint quand la loi a rendu obligatoire l'installation de tels matériels.

Mme Annick Lepetit - Très juste !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - D'ailleurs, MM. Doutreligne et Pelletier, dans leur rapport, insistent sur la nécessité de conduire ces programmes de prévention. Sans eux, nos concitoyens trouveront mille raisons pour ne pas appliquer cette loi.

Nous partageons votre constat et nous défendons les victimes avec la même force et la même passion mais les solutions que vous proposez sont totalement inefficaces.

Ensuite, de nombreuses questions se posent encore sur le matériel proprement dit. En commission, nous avons été nombreux, de gauche ou de droite, à nous interroger sur la fabrication et la distribution de ces détecteurs. Existe-t-il un monopole de fait ? (Murmures sur les bancs du groupe UMP) Lors des discussions, un exemplaire de détecteur était posé sur le bureau du rapporteur.

M. Luc-Marie Chatel - Ils vont demander la nationalisation de la production de détecteurs de fumée !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - A quelles entreprises cette proposition de loi profite-t-elle ? Nous n'avons pas eu de réponse sur ce point.

Enfin, pour le logement neuf, inutile de légiférer ; il suffirait de modifier le règlement de construction.

Plusieurs députés UMP - Rien à voir !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Pourtant, M. Borloo s'apprête à construire des centaines de milliers de logement ! Et les opérations de réhabilitation ? Vous observez un problème grave par le petit bout de la lorgnette. Voilà pourquoi nous nous y opposons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Louis Dumont - Pour rendre obligatoire l'installation de détecteurs avertisseurs autonomes de fumée, la voie règlementaire suffisait !

M. Jean-Jacques Descamps - Vous ne l'avez jamais fait ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Louis Dumont - De grâce !

M. Jean-Jacques Descamps - Les socialistes sont frappés d'amnésie !

M. Luc-Marie Chatel - Rendons obligatoire l'installation de détecteurs de fumée au siège du parti socialiste !

M. Jean-Louis Dumont - Vous rendez le détecteur de fumée obligatoire à l'intérieur des logements mais que faites-vous des parties communes ? Cette proposition de loi, bien qu'elle soit pleine de bonnes intentions, n'est pas aboutie. Prenons la question de l'insalubrité des logements. Les foyers Sonacotra sont surpeuplés mais rien n'est fait pour en construire de nouveaux.

Plusieurs députés UMP - Que ne l'avez-vous fait avant !

M. Jean-Louis Dumont - Tous les maires contribuent à l'apport du foncier.

M. Jean-Jacques Descamps - Quel amalgame ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Louis Dumont - Pensez-vous que les locataires des logements sociaux, qui pâtissent au premier chef des manquements de la prévention contre l'incendie, seront heureux de financer l'installation d'un détecteur de fumée ?

M. Richard Mallié - Arrêtez de déresponsabiliser les gens !

M. Jean-Louis Dumont - Enfin, les assureurs, avec l'article 3, auront une excuse légale pour éviter les remboursements. A combien s'élèvent les indemnités qui ont été versées aux victimes dont vous rappeliez la souffrance ? Hormis quelques familles relogées, combien se sont-elles retrouvées dans la rue à cause de votre indifférence ! C'est d'une véritable politique du logement que nous avons besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Rapporteur - Ce texte est loin d'avoir été préparé dans l'urgence. Nous attendons une loi ou un texte réglementaire sur la question depuis vingt ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Depuis vingt ans, des gens meurent. Il est plus que temps d'agir ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Deux des vingt-cinq propositions du fameux rapport Doutreligne-Pelletier...

Mme Annick Lepetit - Pourquoi citer ce rapport si vous ne suivez pas ses conclusions ?

M. le Rapporteur - Madame Lepetit, je comprends votre gêne ! Le parti socialiste avait déclaré attendre la publication de ce rapport pour fixer sa position ! Que dit ce rapport ? D'installer des détecteurs de fumée dans les logements, y compris neufs...

Mme Annick Lepetit - Justement, vous ne parlez pas du logement neuf !

M. Jean-Louis Dumont - Combien de logements avez-vous construit en 2004 et en 2005 ?

M. le Rapporteur - ...et de prendre des mesures d'incitations financières pour encourager l'installation de détecteurs de fumée.

Mme Annick Lepetit - Votre proposition de loi n'en contient aucune !

M. le Rapporteur - Nous le proposerons par nos amendements. Des études, menées en Ille-et-Vilaine et dans les Deux-Sèvres,...

M. Jean-Louis Dumont - Auprès des bailleurs sociaux ?

M. le Rapporteur - ...ont montré l'efficacité et la fiabilité des détecteurs autonomes avertisseurs de fumée - 99% d'entre eux fonctionnent bien un an après leur mise en service - et convaincu un office HLM d'en acheter 9 500 exemplaires.

M. Jean-Louis Dumont - Enfin, des gens responsables !

M. le Rapporteur - Plutôt que des effets de manche, nous proposons des mesures simples pour éviter 800 morts et 10 000 blessés par an ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Annick Lepetit - Vous êtes nul !

Mme Muguette Jacquaint - Monsieur le rapporteur, puis-je vous rappeler que le groupe UMP n'a pas le monopole du cœur (Rires sur les bancs du groupe UMP) ni du respect de l'être humain...

M. Jean-Jacques Descamps - Moscou, si ! C'est bien connu !

Mme Muguette Jacquaint - Nous avons mené la bataille contre le saturnisme qui faisait autant de morts à l'époque que les incendies aujourd'hui. Il nous a fallu nous battre contre les propriétaires qui refusaient de payer, le préfet qui arguait du manque de logements pour éviter de reloger les familles en danger. Lorsque nous intervenions dans l'hémicycle sur la nécessité de mettre aux normes les ascenseurs, l'électricité et le gaz, nos propositions n'étaient pas entendues.

N'allez pas dire, parce que vous adopterez cette proposition de loi et que nous voterons contre, que nous sommes opposés à la sécurité et au respect des êtres humains. Je ne l'accepterais pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Rapporteur - Je ne soupçonne ni le groupe socialiste ni le groupe des députés communistes et républicains d'être opposés à la sécurité des logements. Mais chacun a sa vision des choses et, pour notre part, nous sommes pragmatiques car nous avons la possibilité de faire avancer les choses. Monsieur Dumont, je partage vos convictions sur la nécessité d'une campagne de sensibilisation et M. le ministre a annoncé qu'elle serait organisée dès la fin de l'année. Je ne fais aucun procès d'intention, mais en retour, prenez garde à ne pas nous en faire : grâce aux campagnes d'information, je suis sûr que nous pourrons sauver des vies. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Janine Jambu - Il faut un minimum d'honnêteté. Citer un rapport en ne retenant que les choses qui vous intéressent n'est pas correct. Le document insiste d'abord sur la méconnaissance de l'état du parc de logement et du nombre d'incidents touchant à la santé et à la sécurité des occupants : il est ainsi impossible de savoir exactement combien de personnes meurent chaque année à la suite d'un incendie.

Par ailleurs, les rapporteurs écrivent : « les sinistres de cet été ont montré combien les règles de sécurité en cas d'incendie sont largement méconnues. Il ne faut que 8 secondes pour succomber à la fumée, d'où la nécessité d'une grande campagne pluriannuelle de sensibilisation à destination de publics différenciés ». Est-ce que ce n'est pas la question essentielle ? De cela, vous ne parlez pas. Ce problème est grave, et il dépasse les détails techniques de détecteurs que vous évoquez. La CNL, grande association...

M. Jean-Jacques Descamps - Satellite du PC !

Mme Muguette Jacquaint - Tout le monde ne peut pas être un satellite du Medef !

Mme Janine Jambu - Bref, la CNL estime que l'obligation d'installer des DAAF est vaine voire imprudente. Elle ne sert à rien si les gens ne maîtrisent pas les règles de sécurité.

M. le Rapporteur - C'est pourquoi l'obligation ne s'imposera que dans cinq ans. Cela dit, l'amendement 3 est rédactionnel.

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je souhaite qu'il n'y ait aucune confusion sur les conclusions du rapport Doutreligne-Pelletier, qui indique, page 27 : « La question s'est en conséquence posée de savoir s'il convenait, sans plus attendre, de rendre obligatoire l'installation de DAAF dans les logements, comme une proposition de loi présentée par MM. Morange et Meslot l'envisage », ajoutant que, « s'il est nécessaire de favoriser l'installation de DAAF dans les locaux d'habitation, il serait vain, voire imprudent, de rendre obligatoire dès à présent l'installation de ces équipements. En effet, l'instauration d'une obligation en la matière, serait-elle à effet différé, se heurterait à plusieurs écueils : démobiliser l'opinion et les pouvoirs publics, qui pourraient penser que la mise en sécurité des personnes dans l'habitat est désormais assurée par l'installation de ces équipements ; démunir les personnes insuffisamment sensibilisées à l'égard du risque. Les expériences étrangères témoignent que la mesure obligatoire restera lettre morte,... tant que les personnes concernées n'auront pas été suffisamment averties. »

Et les rapporteurs ajoutent : « En conséquence, si nous approuvons la disposition normative tendant à prévoir, que dans les logements à construire, figure dorénavant un DAAF,... l'extension obligatoire de cette mesure aux immeubles existants est prématurée ». Ils concluent sur la nécessité d'engager une campagne de sensibilisation et de proposer une incitation financière aux occupants de locaux d'habitation, « de nature à les encourager à acquérir un DAAF, le faire correctement installer puis en assurer la maintenance régulière. ».

Toute affirmation contraire à ce que je viens de lire n'est donc pas conforme à l'intention de MM. Pelletier et Doutreligne.

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nos concitoyens ne comprennent pas toujours lorsque nous leur parlons du libéralisme prôné par le Gouvernement. Or l'article 3 montre la manière dont la majorité s'occupe des Français. En commission, vous avez prôné l'installation obligatoire d'un DAAF, sa prise en charge par les occupants, la justification auprès des compagnies d'assurance, et la possibilité pour ces dernières d'introduire une franchise de 5 000 euros ! Cette manière de garantir la sécurité des occupants est bien singulière ! D'ailleurs nous avons immédiatement vu, sur tous les bancs de la commission, le danger qu'il y avait de mettre les compagnies d'assurance en position d'arbitre : la victime du sinistre aurait toujours été perdante. Le débat en commission vous a contraint à revenir sur cette position et à proposer un amendement de suppression d'une part et un amendement rendant possible de déduire le coût d'installation de la prime d'assurance d'autre part. Avouez qu'il est surprenant qu'il ait fallu que la commission s'oppose à ce que cette disposition se traduise par des revenus supplémentaires pour les assureurs, au détriment des victimes, pour que votre proposition de loi en tienne compte !

M. le Rapporteur - Je m'étonne que vous soyez chagriné par le fait qu'on ait tenu compte de vos propositions, qu'elles aient été reprises et votées à l'unanimité par la commission. L'amendement 4 supprime en effet la possibilité offerte aux assureurs de pratiquer une franchise supplémentaire de 5 000 euros lorsque les assurés ne se sont pas conformés à l'obligation d'installer un DAAF. Il dit en outre que les assureurs peuvent minorer les cotisations des assurés qui le feraient, conformément aux observations du rapport Pelletier-Doutreligne, privilégiant sur ce point une discussion avec les assureurs afin d'éviter que l'augmentation des coûts de gestion ne soit répercutée sur le montant des primes. L'objectif est de favoriser l'équipement en DAAF grâce à des incitations et non à des sanctions.

M. Jean-Louis Dumont - Heureusement qu'il y a encore des assureurs militants !

M. le Ministre - Avis favorable

L'amendement 4, mis aux voix, est adopté et l'article 3 est ainsi rédigé.

APRÈS L'ART. 3

Mme Josiane Boyce - L'amendement 2 est de précaution, puisqu'il dispose que l'assureur ne peut se prévaloir du défaut d'installation, d'entretien et de fonctionnement du DAAF non plus que de l'absence de déclaration d'installation pour s'exonérer de son obligation de prise en charge des dommages causés par un incendie, dont l'origine est située dans le logement couvert par la garantie « incendie » du contrat d'assurance.

M. Jean-Louis Dumont - C'est la démonstration de ce que nous disions !

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. le Ministre - Sagesse.

M. François Rochebloine - Mme Boyce vient de démontrer que cette proposition de loi est inutile en l'état puisque toutes clauses qui, dans un contrat d'assurance, iraient à l'encontre de ce que préconise son amendement seraient réputées nulles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Louis Dumont - De plus en plus de victimes d'accidents sont en conflit avec des compagnies d'assurance qui refusent de payer, en arguant de la moindre virgule. L'amendement de Mme Boyce illustre les dangers qui guettent les futures victimes.

L'un de nos collègues a fait référence à la sécurité routière et au port de la ceinture de sécurité. Je rappelle qu'une période d'adaptation a été nécessaire, en l'occurrence en raison des cas spécifiques qui se sont posés pour cause de maladies ou d'accidents. Nous savons tous, de plus, comment les automobilistes se comportent devant un radar - freinage brutal puis accélération - et nous pouvons être également d'accord sur un autre point : leur grande rentabilité.

M. Luc-Marie Chatel - Deux mille morts en moins sur les routes, ce n'est pas rien.

M. Jean-Louis Dumont - J'ai l'impression que ce texte vise à assurer une bonne rentabilité aux assureurs (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. le Rapporteur - L'amendement 5 est rédactionnel.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement , mis aux voix, est adopté et l'article 4 est ainsi rédigé.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nous voterons contre ce texte car si un vrai problème se pose, cette proposition ne permet pas de le résoudre. Nous demandons à M. le ministre de reprendre ce chantier, peut-être dans la loi habitat. Il convient en tout cas, comme le précise le rapport, que l'équipement en DAAF ne devienne obligatoire que lorsque 50% des ménages en seront déjà équipés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Morange - Je ne reviendrai pas sur les excellents amendements développés par notre collègue Damien Meslot. S'il faut respecter toutes les positions qui ont été défendues, on ne peut présenter ce texte comme étant conjoncturel. Huit cents décès par an, c'est une réalité depuis des décennies.

M. François Rochebloine - Ce texte ne propose aucune solution véritable.

M. Pierre Morange - Jusqu'à présent, les mesures de prévention n'ont pas été efficaces. Quant au débat sur les différents rapports et autres comités d'expertise présentés par un certain nombre de nos collègues, je rappelle que les observations de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, de la Fédération nationale des grands brûlés ou des autorités médicales sont aussi légitimes, sinon plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 11 heures 50.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY


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