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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 8ème jour de séance, 19ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 13 OCTOBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. René DOSIÈRE

vice-président

Sommaire

RÉCIDIVE DES INFRACTIONS PÉNALES (deuxième lecture) (suite) 2

ART. 5 2

APRÈS L'ART. 5 4

APRÈS L'ART. 6 9

ART. 7 11

APRÈS L'ART. 7 13

ART. 8 14

APRÈS L'ART. 8 16

ART. 8 BIS A 18

AVANT L'ART. 13 A 18

ART. 13 A 18

APRÈS L'ART. 13 A 18

ART. 13 19

ART. 13 BIS 19

ART. 14 19

APRÈS L'ART. 15 20

AVANT L'ART. 15 BIS 24

ART. 15 BIS 26

ART. 15 TER 26

APRÈS L'ART. 15 TER 26

ART. 15 QUATER 27

APRÈS L'ART. 15 QUATER 27

AVANT L'ART. 16 27

ART. 16 27

EXPLICATIONS DE VOTE 28

FIN DE MISSIONS TEMPORAIRES 29

SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION 29

ORDRE DU JOUR DU LUNDI 17 OCTOBRE 30

La séance est ouverte à quinze heures.

RÉCIDIVE DES INFRACTIONS PÉNALES (deuxième lecture) (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales.

ART. 5

M. Noël Mamère - Cet article est aussi préoccupant que les précédents, et que les suivants. Je le redis, cette proposition de loi, inspirée par le populisme et la démagogie, ne règle rien. Notre code pénal actuel suffisait largement pour traiter le problème de la récidive, alors que, faisant des récidivistes une catégorie de criminels particuliers, vous mettez en place un régime dérogatoire au droit commun.

M. Xavier de Roux - Ce sont les récidivistes qui dérogent au droit commun en récidivant !

M. Noël Mamère - La récidive est une forme particulière de criminalité, prévue dans notre code pénal et réprimée en tant que telle. Il n'est nul besoin de déroger au droit commun pour la sanctionner.

L'article 5 limite les réductions de peine pour les récidivistes, les abaissant de trois à deux mois pour la première année, de deux à un mois pour les années suivantes et de sept à cinq jours par mois. Disparu le terme de réinsertion, dont on avait pourtant cru que c'était l'une des préoccupations de ce gouvernement ! C'est la logique du châtiment qui l'emporte. On essaie de nous faire croire que l'on va renforcer le suivi socio-judiciaire des détenus, alors que les moyens nécessaires font défaut. Les crédits du ministère de la justice pourraient même être entièrement absorbés par la mise en place du bracelet électronique. Pendant ce temps, on continuera de manquer de psychiatres, de travailleurs sociaux, de médecins coordonnateurs, de juges d'application des peines...

Notre pays n'est vraiment pas un modèle en Europe s'agissant des conditions de détention. Je ne vous ferai pas l'affront de vous lire les déclarations du représentant du Conseil de l'Europe, après sa visite dans nos prisons et nos centres de détention...

MM. Georges Fenech et Xavier de Roux - C'est un autre sujet !

M. Noël Mamère - Pas du tout. La condition pénitentiaire est au cœur même de notre sujet. Longtemps, notre philosophie a été que les délinquants devaient certes être privés un temps de liberté mais qu'il fallait chercher à les réinsérer. Telle ne me semble plus être la philosophie des gouvernements que vous soutenez aveuglément. Souvenons-nous de la réforme du droit d'asile qu'a fait voter M. de Villepin, alors ministre de l'intérieur, contre laquelle je m'honore d'avoir voté. Nous serions bien avisés, nous, parlementaires, de visiter, comme nous le permet la loi d'avril 2000, non seulement les maisons d'arrêt et les centres de détention, mais aussi les sous-sols du Palais de justice... Nous constaterions qu'y sont traités comme des rebuts de l'humanité ceux qui souhaitent simplement entrer dans notre pays et que l'on chasse comme des esclaves, tout en laissant libres les exploiteurs.

M. Gérard Léonard, rapporteur de la commission des lois - Je crois, Monsieur Mamère, que vous n'avez saisi si le sens ni la portée de cet article. C'est, hélas, devenu un réflexe chez vous, quasiment pavlovien, que de taxer tout texte de liberticide, déshumanisant et inefficace...

M. Noël Mamère - Ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. le Rapporteur - Vous nous avez accusés, comme d'habitude, de populisme et de démagogie.

Alors qu'il existe aujourd'hui un système automatique de réduction de peines, de trois mois pour la première année, de deux mois pour les années suivantes et de sept jours par mois si la peine prononcée est inférieure à un an, l'article 5 tend à limiter ces réductions de peines pour les récidivistes, d'un tiers la première année et de la moitié les années suivantes. Pourquoi ? Aujourd'hui, en dépit des textes qui les encouragent, les libérations conditionnelles sont rares. Avec le système actuel de réduction de peine, les détenus ont en effet intérêt à attendre, ce qui revient à les laisser sortir de prison sans aucun suivi ni contrôle, plutôt qu'à accepter une libération conditionnelle. En limitant les réductions de peines, nous souhaitons encourager ces libérations car, nous le savons, le pire facteur de récidive est la sortie sèche de prison. L'amendement déposé par le Gouvernement, qui réécrit celui de la commission, va en ce sens. Soyez assuré, Monsieur Mamère, que notre philosophie est bien de favoriser la réinsertion.

M. Hervé Morin - Le dispositif actuel de réduction de peines, tel qu'issu de la loi Perben II, voté il y a peu pourtant, nuit en effet au développement des libérations conditionnelles. Dans certains cas, les détenus ont en effet intérêt à attendre une sortie sèche. Mais le dispositif actuel est tout aussi pernicieux pour les primo-délinquants que pour les récidivistes alors que l'amendement 13 de la commission ne vise que les derniers.

Par ailleurs, je sais bien que vous visez plutôt dans ce texte les délinquants sexuels ou les psychopathes. Mais un automobiliste condamné pour conduite en état d'ivresse et sanctionné d'un sursis avec mise à l'épreuve serait aussi concerné par ces mesures, qui en pareil cas nous paraissent excessives.

M. Christophe Caresche - S'agissant du caractère pernicieux de la réduction de peine, M. Morin a raison. Mais précisément, les réductions de peine sont très sensiblement réduites pour les récidivistes. Le Sénat avait d'ailleurs repoussé la proposition initiale du Gouvernement, estimant qu'elle poserait problème, étant donné la surpopulation carcérale.

La difficulté est réelle, j'en suis d'accord, mais diminuer la réduction de peine pour les récidivistes aura quand même pour conséquence de maintenir beaucoup d'entre eux en détention plus longtemps, dans les conditions que nous connaissons. L'amendement 13, que j'ai déposé et que la commission a accepté, vise, dans le cadre de ce dispositif, à maintenir l'intégralité des réductions de peine auxquelles ils pouvaient prétendre pour les détenus récidivistes qui choisissent la libération conditionnelle. Celle-ci est en effet un des moyens efficaces de lutte contre la récidive.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice - L'amendement 54 rectifié reprend en le complétant celui de la commission. Celui-ci modifie l'article 721 du code de procédure pénale afin de diminuer le montant du crédit de réduction de peine pour les récidivistes tout en évitant que cette diminution ait une incidence sur la possibilité d'octroi d'une libération conditionnelle. Le Gouvernement y est tout à fait favorable, mais cette modification exige de réécrire plus complètement l'article 721, ce qui est l'occasion de mieux préciser les modalités de calcul de la réduction de peine.

Cet amendement, comme celui de la commission, ramène donc de trois mois à deux mois pour la première année, de deux mois à un mois pour les années suivantes, puis de sept à cinq jours par mois le crédit de réduction de peine applicable au récidiviste. Ainsi, le récidiviste condamné à deux ans d'emprisonnement bénéficiera de trois mois de crédit de réduction de peine, tandis que le non récidiviste bénéficie de cinq mois. Le premier restera 21 mois en prison, le second 19 mois. Mais la libération conditionnelle sera possible pour tous aux deux tiers des 19 mois et non des 21 mois. Le condamné sera donc incité à la demander.

En second lieu, s'agissant des modalités de calcul de la réduction de peine, une erreur de plume est intervenue lors de la navette entre les assemblées. Or les travaux préparatoires sont sans ambiguïté sur la volonté du législateur, et les décrets d'application vont tous dans le sens souhaité par celui-ci. Toute autre interprétation serait d'ailleurs absurde. L'amendement corrige cette erreur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Hervé Morin - Mon amendement 29 rectifié est satisfait par celui du Gouvernement, car il s'agissait de corriger cette erreur de plume.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois - La commission est très favorable à l'amendement du Gouvernement qui s'inscrit dans le même esprit que ceux qu'elle avait adoptés.

Pour répondre de nouveau, s'il en est besoin - et je crois que c'est le cas - à M. Mamère, l'idée est simple : le récidiviste encourt une sanction plus importante que le primo-délinquant, et ceci se décline dans le calcul des réductions de peine. Mais comme nous souhaitons privilégier la réinsertion, les récidivistes qui acceptent une libération conditionnelle avec les mesures d'accompagnement ne sont pas pénalisés et bénéficient du quota normal de réduction de peine.

L'amendement du Gouvernement a en outre l'avantage de corriger une imprécision de l'article 721 du code de procédure pénale. Il est donc préférable.

M. Noël Mamère - J'accepte tout à fait que, comme le propose M. Morin, on rectifie l'erreur de plume dans la loi Perben II, mais pas qu'on le fasse dans un amendement qui en même temps confirme le statut dérogatoire des récidivistes.

M. le Garde des Sceaux - Nous ne parlons pas de la même chose !

M. Noël Mamère - Eh bien, je m'obstine à ne pas comprendre vos explications, donc ne vous fatiguez pas.

Simplement, le président de la commission a prononcé le terme de « réinsertion ». Qu'il me dise où ce mot figure dans le texte.

M. le Garde des Sceaux - Vous lisez, mais n'écoutez pas. J'ai développé, hier - et vous étiez présent - un amendement auquel je tiens beaucoup qui prévoit que pour les mineurs, il peut y avoir un sursis avec mise à l'épreuve au-delà de cinq ans. Je donnai l'exemple d'un mineur condamné à huit ans, qui aurait un sursis de trois ans avec mise à l'épreuve. Et puisque vous êtes débutant, je vous explique ce qu'est un sursis avec mise à l'épreuve : ce n'est rien d'autre que de l'insertion. Ceux qui écrivent sans écouter les débats font la même erreur que vous et, malheureusement, informent mal l'opinion.

Avec ce texte, nous avons certes la volonté de punir, mais aussi d'insérer, et d'éviter les sorties « sèches », pour éviter la récidive. Tout le reste, Monsieur Mamère, est bon pour vos abominables préaux d'école, où les gens sont convaincus d'avance, mais ce n'est pas la réalité de ce que veut la droite française. Nous menons une politique équilibrée entre la sanction et l'insertion, et tout y mène dans les articles de ce projet. Par rapport à la situation antérieure, il y a désormais la certitude de la peine, c'est un progrès ; il n'y a plus de sortie sèche, mais réinsertion, c'est un autre progrès. Le reste, c'est du verbiage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Noël Mamère - Belles paroles que tout cela. Mais le ministre a peur d'utiliser le mot de réinsertion. La droite n'aime ni le mot ni la philosophie dans laquelle il s'inscrit. Si ce mot ne vous faisait pas si peur, vous l'auriez utilisé dans le texte, comme vous parlez de l'individualisation des peines, alors qu'il s'agit d'un principe juridique intangible. Il ne reste donc que des paroles verbales.

L'amendement 54 rectifié, mis aux voix, est adopté. L'article 5 est ainsi rétabli.

APRÈS L'ART. 5

M. Christophe Caresche - Certains condamnés ne bénéficient pas de suivi socio-judiciaire, soit qu'ils aient été condamnés avant les décrets d'application de cette mesure en 2000, soit que le magistrat ne l'ait pas imposé, sachant que faute de moyens il ne serait pas appliqué. Dès lors qu'ils ne demandent pas de libération conditionnelle, ils n'ont pas, à la sortie, un suivi psychologique, qu'ils n'ont déjà pas eu en détention. Cela peut faciliter la récidive.

Notre amendement 66 prévoit donc que le juge d'application des peines puisse, dans le cadre de la réduction de peine, comme il peut le faire dans celui de la libération conditionnelle, prononcer une injonction de traitement psychologique pour une durée maximum qui serait celle de la durée de réduction de peine. Le code de procédure pénale donne déjà au juge de l'application des peines la possibilité d'imposer au condamné, dans un tel cas, des obligations comme celle de ne pas entrer en relation avec la partie civile.

Notre objectif est que tout condamné pour des faits graves de violence sexuelle - punis d'au moins sept ans d'emprisonnement - puisse bénéficier d'un suivi médico-psychologique. Nous n'y voyons pas une solution miracle et nous savons bien que ces traitements ont leurs limites, mais dès lors que le suivi socio-judiciaire prend en compte la dimension pathologique de la délinquance, il est logique que celle-ci soit prise aussi en compte dans le cadre de l'application de la peine.

M. le Rapporteur - Je pense le plus grand bien de cet amendement de M. Caresche, qui est tout à fait conforme aux conclusions de la mission sur la récidive. Si la commission l'a repoussé, c'est qu'il est totalement satisfait par l'amendement 55 rectifié du Gouvernement sur la surveillance judiciaire. Le Gouvernement a en quelque sorte intégré par avance l'amendement de M. Caresche, tout en lui donnant une portée plus vaste puisque la surveillance judiciaire peut aussi inclure le port du bracelet électronique, l'interdiction de se rendre en certains lieux ou de fréquenter certaines personnes.

M. le Garde des Sceaux - Cet amendement a quelque chose de miraculeux dans la mesure où il nous montre que ceux-là mêmes qui nous font un procès d'inconstitutionnalité font finalement la même analyse que nous et proposent les mêmes solutions ! L'idée que défend M. Caresche d'un traitement thérapeutique pendant la durée de la réduction de peine est reprise dans l'amendement du Gouvernement, qui va plus loin grâce à la notion de surveillance judiciaire, laquelle recouvre différentes mesures de sûreté telles que le port du bracelet, l'interdiction de se rendre dans certains lieux, de fréquenter certaines personnes... Dès lors que nous nous situons dans ce cadre des modalités de l'application de la peine, nous ne courons aucun risque d'inconstitutionnalité et les mesures que nous proposons peuvent être d'application immédiate.

M. Georges Fenech - Au nom de l'UMP, je regrette un peu que le ministre ne nous donne pas l'occasion de voter l'amendement de M. Caresche, car démonstration aurait ainsi été faite que nous partageons tous le souci de la réinsertion, n'en déplaise à M. Mamère, qui, dans un réquisitoire à l'emporte-pièce et un peu insultant, nous a accusés de ne pas en faire un des éléments de notre politique pénale. Je rappelle à M. Mamère qu'il a voté mon amendement sur l'obligation de soins donnant droit à des réductions supplémentaires de peine.

M. Christophe Caresche - Je ne voudrais pas qu'il y ait confusion des amendements comme on dit qu'il y a confusion des peines. Autant nous pouvons nous rejoindre sur les dispositions favorables à la réinsertion et au suivi, autant je suis très opposé à tous les mécanismes qui visent à alourdir la peine d'emprisonnement des récidivistes.

Je regrette que vous refusiez mon amendement, Monsieur le Garde des Sceaux, car il n'est pas identique au vôtre...

M. le Garde des Sceaux - Mais il l'intègre !

M. Christophe Caresche - ...il ne fait courir aucun risque d'inconstitutionnalité, contrairement au vôtre, qui intègre le bracelet électronique mobile dans la surveillance judiciaire ! Si le Conseil constitutionnel nous donne raison sur l'idée que le bracelet est une peine et s'il retoque votre dispositif, le suivi médico-psychologique que nous souhaitons tous deux introduire en ce point du texte disparaîtra.

M. Noël Mamère - Je ne soutiens pas l'amendement de M. Caresche, car il s'inscrit dans une logique qui est celle de toute la proposition de loi et que nous désapprouvons. Se focaliser sur la question des soins et prévoir une réincarcération quand le condamné ne se conforme pas, une fois libéré, à cette obligation de soins, c'est vraiment ignorer la grande misère des prisons, l'absence de toute préparation à la sortie, la faiblesse de l'accompagnement pendant la durée de la détention ! Il manque huit cents psychiatres dans nos prisons. Actuellement, la prison fabrique les conditions de la récidive. Je ne regrette pas d'avoir voté l'amendement de M. Fenech, qui concernait les détenus encore en prison, mais je voterai contre l'amendement de M. Caresche, car on ne peut s'associer ni de près ni de loin à des dispositions inutiles et dangereuses.

L'amendement 66, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Garde des Sceaux - Les dramatiques affaires de récidive survenues ces dernières semaines rappellent à nouveau la nécessité de permettre au juge de l'application des peines d'imposer à sa sortie de prison à la personne auteur d'un crime ou d'un délit sexuel, à titre de mesure de sûreté, le respect de certaines obligations destinées à prévenir une nouvelle récidive. Tel est l'objet de l'amendement 55 rectifié, qui permet au juge de l'application des peines d'ordonner la surveillance judiciaire du condamné pour une durée égale à celle des réductions de peines dont celui-ci a bénéficié. Les obligations qui pourront être imposées par le juge seront celles de la libération conditionnelle, dès lors qu'elles présentent un aspect de mesure de sûreté, du suivi socio-judiciaire et du placement sous surveillance électronique mobile. L'érosion légale ou judiciaire de la peine privative de liberté sera ainsi compensée par la possibilité d'imposer, non à titre de peine, mais à titre de mesure de police, la surveillance du condamné libéré afin d'empêcher sa récidive.

Il ne s'agit donc pas d'une nouvelle peine, mais d'une modalité d'application d'une peine déjà prononcée par la juridiction de jugement. Il n'y aura dès lors aucun obstacle constitutionnel à prévoir l'application immédiate de ces dispositions, y compris à l'égard des personnes condamnées pour des faits commis avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi : l'article 16 fait l'objet d'un amendement à cette fin.

Ainsi, une personne condamnée à vingt ans pour viol en récidive et libérée au bout de dix-sept ans par le jeu des réductions de peines pourra se voir imposer par le juge de l'application des peines une surveillance pendant trois ans.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. Noël Mamère - Cet amendement va évidemment dans le sens de la fixation d'un statut dérogatoire du récidiviste. Mais il n'est pas dans le rôle du législateur de faire des « coups médiatiques » censés répondre à une supposée inquiétude de l'opinion publique.

M. Jean-Paul Garraud - Parole d'expert !

M. Noël Mamère - Personne ici ne veut absoudre les récidivistes sexuels, mais vous manifestez une fois encore votre suspicion à l'égard des juges, considérés comme trop laxistes. Nous voyons bien là l'ombre portée du ministre de l'intérieur, dont vous êtes en quelque sorte le télégraphiste, Monsieur le Garde des Sceaux (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Ce même ministre de l'intérieur, ne connaissant pas le code pénal, avait prétendu qu'un juge avait commis une faute en accordant une libération conditionnelle, alors que celle-ci, conformément à la loi, avait été décidée collégialement par trois juges...

Pour donner le sentiment que vous allez surveiller et punir, que vous allez protéger le bon peuple de France contre les dérives des malfrats, vous vous immiscez dans le travail de juges. Mais je vous rappelle les résultats de l'étude que vous avez vous-même commandée sur les personnes libérées en 1996 et 1997 : elle montre que dans l'immense majorité des cas, la libération conditionnelle ne conduit pas à la récidive, bien au contraire, et que les cas de récidive sont l'exception. Nous n'avons pas à nous fonder sur des exceptions pour créer des statuts dérogatoires du droit commun.

M. Christophe Caresche - Monsieur le Garde des Sceaux, le dispositif que vous nous proposez n'a rien à voir avec ce que vous nous aviez proposé en première lecture, à savoir une mesure de sûreté s'appliquant après l'accomplissement de la peine, et éventuellement pendant très longtemps - jusqu'à vingt ou trente ans. Nous nous étions montrés très opposés à une telle mesure, qui nous paraissait totalement disproportionnée et pouvait être assimilée à une double peine.

Les choses ont changé avec le rapport de M. Fenech et la position du Sénat. Vous avez décidé de réintroduire le bracelet électronique mobile dans un cadre juridictionnel clair - liberté conditionnelle ou suivi socio-judiciaire. Dans ce contexte, nous n'avons pas d'objection de principe ; d'ailleurs, en 1997, nous nous étions abstenus au sujet de l'institution du bracelet électronique. Néanmoins, comme je l'ai indiqué en défendant l'exception d'irrecevabilité, un doute demeure sur le plan constitutionnel ; c'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons, même si ce dispositif va dans le sens d'une meilleure réinsertion des condamnés.

M. Jean-Paul Garraud - Je veux réagir aux propos inadmissibles de M. Mamère. Nous avons eu jusqu'à présent des débats d'une haute tenue, en présence d'un public et de victimes, et il nous faut poursuivre dans la sérénité. Ce n'est certes pas la première fois que M. Mamère manie la provocation. Il se pose en défenseur des juges : il me semble très mal placé pour cela... Peut-être veut-il leur être sympathique, on devinera pourquoi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Hervé Morin - Le groupe UDF n'aurait pas voté une disposition clairement affichée comme contraire à la Constitution. Celle-ci, selon nos analyses, serait constitutionnelle ; le mieux serait que le Conseil constitutionnel, saisi par le Gouvernement, le confirme. Nous la voterons donc, préférant le suivi socio-judiciaire des détenus aux sorties sèches.

M. le Président - Monsieur Mamère, je veux bien à titre exceptionnel vous redonner la parole...

M. Noël Mamère - Je suis accusé par un collègue dont je ne connais d'ailleurs pas le nom (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui intervient dans ce débat uniquement pour s'attaquer à ma personne.

J'estime que mes interventions ont toute leur place dans le débat. Nous ne partageons pas tous le même point de vue, y compris au sein de l'opposition, mais il serait temps de considérer que si les députés verts ne sont que trois, cela ne leur donne pas forcément tort juridiquement et politiquement !

M. Georges Fenech - M. Mamère n'est pas fondé à nous reprocher de ne pas faire confiance au juge puisque nous prévoyons expressément de lui laisser une marge d'appréciation : « le JAP peut ordonner le placement sous surveillance judiciaire ». Introduite par cet amendement, la notion de surveillance judiciaire est extrêmement intéressante et l'on peut fonder de grands espoirs sur son utilité sociale. Un mot enfin pour dire que je souffre pour M. Caresche tant ses contradictions sont flagrantes : se déclarant favorable à la surveillance judiciaire, il refuse d'en voter la création, par crainte de son inconstitutionnalité ! La logique commanderait plutôt de voter selon ses convictions, quitte à déférer ensuite la disposition au Conseil constitutionnel pour contrôler sa conformité.

L'amendement 55 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Garde des Sceaux - L'amendement 3 vise à augmenter le délai maximal d'épreuve de la libération conditionnelle pour les condamnés récidivistes ou les condamnés à perpétuité. Une telle augmentation est cohérente, tant pour les condamnés à une peine « à temps » que pour les condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité. Pour les peines « à temps », l'article 729 du code de procédure pénale fixe déjà un régime spécifique pour les récidivistes, en portant le temps d'épreuve aux deux tiers - au lieu de la moitié de la peine -, tout en fixant le maximum à quinze ans. Il en résulte qu'une personne condamnée à trente ans de réclusion peut bénéficier - sous réserve d'une éventuelle période de sûreté - d'une libération conditionnelle après quinze ans de détention. Pour la réclusion criminelle à perpétuité, le délai est de quinze ans que la personne soit ou non récidiviste. Il en résulte que le régime spécifique applicable aux récidivistes ne concerne que les peines inférieures à vingt-trois ans et demi de réclusion, ce qui est illogique puisque cela tend à favoriser les auteurs des crimes les plus graves, lesquels sont souvent les plus dangereux. C'est pourquoi l'amendement tend à porter de quinze à vingt ans le délai maximum d'épreuve pour les récidivistes condamnés à une peine « à temps » - en pratique, pour les condamnés à trente ans de réclusion. Pour les condamnés à perpétuité, ce délai serait porté de quinze à dix-huit ans pour les non récidivistes et à vingt-deux ans pour les récidivistes.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. Christophe Caresche - Un mot pour ne pas décevoir mon ami Noël Mamère tout l'après-midi... Plus sérieusement, je tiens à faire part de notre opposition formelle à cet amendement, lequel témoigne des incohérences flagrantes de la majorité et du Gouvernement. Le Garde des Sceaux et les parlementaires qui le soutiennent prétendent vouloir privilégier l'accompagnement du détenu en vue de sa réinsertion. Soit. Mais alors, pourquoi durcir les conditions d'obtention d'une libération conditionnelle, alors même que la mission d'information sur la récidive a insisté sur son utilité sociale ? Mise au point en juillet dernier, cette disposition ne reprend ni les conclusions de la mission d'information ni les mesures adoptées en première lecture par le Parlement. Chacun sait en effet qu'elle a été inspirée par le fait divers tragique qui avait conduit le ministre de l'intérieur a mettre en accusation un magistrat pour avoir accordé une libération conditionnelle. Monsieur le Garde des Sceaux et chers collègues de la majorité, il faut choisir : soit l'on se donne les moyens d'améliorer l'accompagnement et l'on prépare des sorties de prison réussies, soit l'on s'enfonce dans le tout carcéral avec le risque de désocialiser irrémédiablement les détenus.

M. Hervé Morin - Nous avons déjà abordé ces sujets hier soir et il faut être très clair : ceux qui commettent des actes odieux doivent payer, et ils doivent payer cher. Mais qui peut penser que l'allongement de la durée d'emprisonnement nécessaire pour obtenir une libération conditionnelle peut avoir un effet dissuasif sur des individus tels que Bodin ou Fourniret ? (M. le Garde des Sceaux s'exclame)

M. le Président de la commission - Quelle méconnaissance de la réalité carcérale !

M. Hervé Morin - Veut-on adopter la démarche américaine du bannissement à vie et de la relégation définitive ? Vous ne pourrez me convaincre que l'on préviendra plus efficacement la récidive en durcissant les possibilités d'obtention d'une libération conditionnelle !

Au reste, si l'on veut garantir l'effectivité de la peine prononcée, il n'est que temps de rompre avec la pratique d'ancien régime qui consiste à signer des décrets de grâce - y compris pour les personnes reconnues coupable d'assassinat - tous les 14 juillet !

M. le Garde des Sceaux - La méconnaissance du sujet vous égare et donne à nos échanges un tour surréaliste. L'amendement que je viens de défendre est de simple coordination. Son but n'est pas d'aggraver le régime de la libération conditionnelle mais de tirer les conséquences de la loi de 1992 qui a créé la peine incompressible pour rétablir la progressivité de l'échelle des peines. Lorsqu'il m'est donné d'expliquer que des condamnés à la perpétuité peuvent sortir au bout de quinze ans, les Français n'en croient pas leurs oreilles et ne comprennent rien à notre système. Libre à chacun de dire des stupidités...

M. Hervé Morin - Vous me flattez !

M. le Garde des Sceaux - Cela ne me découragera pas de proposer des mesures de bon sens. Il est parfaitement logique qu'un récidiviste écope d'un régime plus dur que les autres et que, le cas échéant, le prononcé d'une période de sûreté soit pris en compte. Il n'y a pas matière à débattre sur un plan philosophique : le système pénal est fondé sur le principe de la progressivité de l'échelle des peines. Si l'empilement de textes successifs l'a mise à mal, il nous revient de la rétablir. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.

M. le Garde des Sceaux - Il n'est pas justifié que les récidivistes puissent bénéficier des dispositions de l'article 729-3 du code de procédure pénale, lequel permet d'accorder une libération conditionnelle au terme d'un délai de quatre ans aux personnes exerçant l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans. Cette disposition ayant au surplus généré des fraudes, le Gouvernement propose par l'amendement 4 d'en fermer le bénéfice aux personnes en situation de récidive légale.

L'amendement 4, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 6

M. le Président de la commission - Le dernier alinéa de l'article 132-19 du code pénal dispose qu'en matière correctionnelle, le tribunal ne peut prononcer une peine de prison ferme qu'après avoir « spécialement motivé » ce choix. Par cohérence avec la jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation, l'amendement 15 supprime cette obligation de « motivation spéciale » lorsque le condamné est en état de récidive légale.

M. le Garde des Sceaux - Le Gouvernement est favorable à cette consécration de la jurisprudence de la chambre criminelle.

L'amendement 15, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Je laisse à M. Fenech le soin de présenter l'amendement 14, la commission l'ayant adopté.

M. Georges Fenech - En vertu du principe de la progressivité des peines que vient de défendre le Garde des Sceaux, cet amendement de cohérence vise à permettre à la Cour d'assises de porter de vingt-deux à vingt-cinq ans la période de sûreté durant laquelle un condamné à perpétuité ne pourra pas bénéficier d'une libération conditionnelle et d'autres aménagements de peine tels que les permissions de sortie.

M. le Garde des Sceaux - Sagesse.

M. Christophe Caresche - En fait de cohérence, il s'agit bien de durcir le régime applicable aux condamnés. Ne présentez pas un choix politique comme la simple mise en cohérence de dispositions purement juridiques. Assumez vos choix ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Je vois que M. Fenech confirme que c'est un choix, et je me réjouis que ce point soit clarifié. Ce choix a été fait au moment où le ministre de l'intérieur a gravement mis en cause un magistrat dans une affaire consécutive à une libération conditionnelle. Ce choix n'est pas le nôtre et nous voterons contre cet amendement.

L'amendement 14, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Les délits relevant de la compétence du juge unique en matière constitutionnelle sont tous punis soit d'une seule peine d'amende, soit d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. En 1999, cette compétence a été modifiée afin d'en exclure les délits commis en état de récidive légale et qui, du fait du doublement des peines résultant de la récidive, sont passibles d'une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans.

L'objectif de cette disposition est certes justifié : il s'agit d'éviter qu'un juge unique prononce une peine de plus de cinq ans ferme. Il en résulte toutefois que le parquet renonce souvent à relever l'état de récidive afin de conserver la compétence du juge unique, notamment en matière de vol simple, de violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de huit jours ou de blessures involontaires commises par un automobiliste ayant entraîné une ITT de plus de trois mois.

Le fait que l'état de récidive ne puisse être relevé n'est pas satisfaisant puisque la dangerosité du prévenu et son passé pénal ne peuvent être pris en considération. En outre, cet effet pervers sera aggravé par l'adoption de certaines dispositions du présent texte, telles que la limitation des sursis avec mise à l'épreuve ou l'impossibilité de délivrer un mandat de dépôt à l'audience à l'encontre des récidivistes, inapplicables par le juge unique.

Aussi l'amendement 69 propose-t-il que le juge unique puisse relever la circonstance aggravante de récidive, quand bien même la peine encourue est supérieure à cinq ans d'emprisonnement, dès lors que la peine prononcée y demeure inférieure.

M. le Président de la commission - Avis favorable

M. le Ministre - Avis favorable

M. Noël Mamère - Derrière son apparence technique, cet amendement constitue une nouvelle atteinte à l'état de droit. Il prévoit que le tribunal correctionnel peut relever d'office la circonstance aggravante de l'état de récidive, sans l'accord du prévenu. Il s'agit d'un article totalement inutile qui prouve d'ailleurs l'ignorance de certains de nos collègues. Lors des débats en commission, on a rappelé la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle les juges correctionnels ne peuvent ajouter de nouvelles circonstances aggravantes aux faits dont ils sont saisis par le procureur de la République ou par l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction.

Il convient de rappeler également la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui repose sur l'article 6 de la convention, relatif au droit à un procès équitable, selon laquelle le tribunal correctionnel peut procéder à la requalification des faits dès lors qu'elle est opérée à l'issue d'un débat contradictoire, ayant permis à l'accusé de préparer efficacement sa défense.

Cette jurisprudence nous permet de saisir le caractère pervers de votre proposition. Il appartient en effet à la juridiction de jugement, lorsque la requalification est envisagée, de faire discuter ce point entre toutes les parties présentes et de rouvrir éventuellement les débats si cette question apparaît lors du délibéré. Il est donc possible de retenir la même qualification, mais avec la circonstance aggravante de récidive si celle-ci n'a pas été visée initialement et apparaît officiellement dans les débats. Ce qui est très différent de votre proposition. En effet, la circonstance aggravante n'a pas pour effet de changer la nature des faits incriminés : c'est la position de la Chambre criminelle depuis fort longtemps. L'un de ses arrêts, en date du 18 février 2003, a justement été cité par le rapporteur au Sénat, qui a par ailleurs indiqué : « la proposition a pour mérite non pas de créer un précédent nouveau, mais de stabiliser la jurisprudence qui a présenté quelques incertitudes. Le droit de relever d'office l'état de récidive demeure, sous réserve de permettre au prévenu de s'expliquer. »

Cet article est inutile car il veut faire croire à une sévérité nouvelle du législateur et à un pouvoir accru des juges, alors que le principe en cause est acquis depuis longtemps. S'il fallait que le Parlement se mette à stabiliser des jurisprudences bien établies, il devrait siéger jour et nuit !

M. le Rapporteur - M. Mamère vient de nous lire in extenso un long réquisitoire contre l'article 6 pour conclure qu'il est inutile. Ce qui est inutile, c'est d'encombrer ainsi le débat, puisque l'article 6 a été adopté conforme !

M. Noël Mamère - Je parlais de l'amendement 69 !

L'amendement 69, mis aux voix, est adopté.

M. Hervé Morin - L'amendement 60 est défendu.

L'amendement 60, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 7

M. Noël Mamère - Le placement sous surveillance électronique a provoqué beaucoup de débats et cette disposition a d'ailleurs été supprimée par le Sénat. Je ne reviendrai pas sur cette polémique. Le bracelet, considéré comme une peine par beaucoup de juristes, est devenu une mesure socio-judiciaire après que M. Mazeaud est sorti de sa réserve pour indiquer au Garde des Sceaux que le respect de la Constitution n'est pas un risque mais un devoir et que l'on ne peut pas impunément inciter les parlementaires à ne pas saisir le Conseil constitutionnel.

Certes, il est possible de considérer, comme certains collègues socialistes, la surveillance électronique séduisante, puisqu'elle permettrait d'éviter des incarcérations inutiles. Mais c'est aussi un mode de répression supplémentaire, rognant plus le champ de la liberté individuelle que celui de la détention....

Le bracelet pose aussi des problèmes matériels considérables, en termes de suivi et de coût : le budget du ministère ne suffirait pas à financer les millions d'euros qu'il suppose.

Il est intéressant de se référer au rapport de M. Fenech, déposé en avril, qui affirme que le PSEM « s'inscrit dans un mouvement général de notre société qui réclame toujours plus de sécurité par le renforcement de la surveillance ». Votre appréciation de cette mesure, Monsieur Fenech, est mitigée, puisque vous expliquez qu'il s'agit pour l'instant d'un mode d'exécution de la peine, qui doit nécessairement être doublé d'un accompagnement social réel, et qui ne peut durer au-delà de quelques mois car il constitue une pression psychologique très forte.

Les quelques rares pays qui sont intéressés par le PSEM sont encore au stade de l'expérimentation. Les résultats de l'expérimentation mise en place par le gouvernement britannique en septembre 2004 sont attendus fin 2005 et il est bien précisé que l'évaluation de l'effet dissuasif ne pourra être faite qu'en fin d'expérimentation. La Floride a instauré depuis 1998 le bracelet électronique mobile, mais ce système n'est pas sans inconvénients car l'appareillage est tellement volumineux que le boîtier désigne le condamné aux yeux des passants et de ses collègues de travail. Un nouveau matériel moins encombrant est actuellement testé. L'Espagne, dernier pays visité par M. Fenech, n'en est toujours pas au stade de l'expérimentation puisque le bracelet électronique mobile sera bientôt testé sur dix détenus.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Noël Mamère - Tous les spécialistes de la question disent qu'il faut attendre avant de mettre en œuvre le PSEM car une période d'expérimentation préalable est nécessaire.

M. le Garde des Sceaux - Vous avez un temps de parole de cinq minutes, pas de dix. Si cela continue, je vais créer un incident de séance.

M. Noël Mamère - Je souhaite précisément évoquer le rapport que vous avez commis avec votre ex-collègue Léonard, Monsieur le Garde des Sceaux.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Noël Mamère - Vous aussi vous prévoyiez une expérimentation et en appeliez à un vaste débat national qui, en l'occurrence, n'a pas eu lieu. Votre précipitation est suspecte. Vous essayez une fois de plus de faire croire à l'efficacité d'une politique répressive.

M. le Président - Je vous demande de conclure.

M. Thierry Mariani - Les cinq minutes sont largement dépassées.

M. Jean-Paul Garraud - Et c'est un récidiviste ! (Sourires)

M. Noël Mamère - En fait, vous ne préparez en rien la sortie de prison des détenus, et je rappelle une fois de plus qu'il manque 800 psychiatres dans les prisons françaises.

M. le Président - Je suis bien placé pour savoir que M. Mamère a dépassé son temps de parole. Il arrive que je laisse dépasser le temps imparti lorsque le sujet en vaut la peine, mais je rappelle aux députés qui ne voudraient pas écouter la présidence que je peux couper le micro.

M. le Président de la commission - Je m'associe à vos propos, Monsieur le président, mais je souhaite néanmoins faire un rappel au Règlement fondé sur l'article 95-2 qui prévoit que les interventions sur les articles ne doivent pas dépasser cinq minutes. Je comprends certes qu'une certaine souplesse soit nécessaire, mais je crains que si M. Mamère, qui lit des textes qu'il ne comprend pas toujours, réitère son comportement, on ne puisse indéfiniment le tolérer.

M. le Président - Rassurez-vous : tolérance ne signifie pas laxisme.

M. le Rapporteur - L'amendement 16 vise à rétablir le PSEM, disposition adoptée en première lecture et supprimée par le Sénat. Nous avions alors indiqué que nous tiendrions compte des réflexions issues de la mission menée par M. Fenech, ce que nous avons fait. Ainsi, nous considérons que le PSEM doit être assorti d'un suivi socio-judiciaire personnalisé. Je rappelle qu'il s'applique le jour où cesse la privation de la liberté, qu'il faut avoir été condamné à une peine d'au moins cinq ans d'emprisonnement et qu'une expertise médicale doit avoir constaté la dangerosité de l'individu.

M. le Garde des Sceaux - Avis favorable.

M. Hervé Morin - Pour le groupe UDF, le bracelet électronique mobile ne saurait être qu'une modalité de la mise en œuvre du suivi socio-judiciaire et non la panacée pour éviter les récidives. Il est en outre indispensable de mettre en place un accompagnement social et médical ; or, c'est précisément cela qui fait défaut. M. le Garde des Sceaux a affirmé hier que le coût du bracelet ne serait pas de 60 euros mais de 18 euros. C'est en fait le chiffre correspondant à l'expérimentation de dix à quarante bracelets.

M. le Garde des Sceaux - Le coût décroît avec la quantité.

M. Hervé Morin - C'est faux. La société britannique qui les commercialise agit dans le cadre d'une expérimentation et d'une série de services auprès de sociétés privées. Elle est donc prête à casser les prix. Je ne vois pas comment la France pourrait obtenir un prix de dix-huit ou vingt euros quand le bracelet coûte cent euros par jour et par personne en Grande-Bretagne, pays particulièrement soucieux de limiter la dépense publique. L'expérimentation britannique démontre en outre que les difficultés d'application sont importantes. Je considère que notre argent public serait mieux employé à augmenter les crédits du ministère de la justice.

M. Christophe Caresche - Je partage les réserves de M. Morin et je ne pense pas que ce bracelet électronique mobile sera utilisé à très court terme. Néanmoins, cet amendement replace le bracelet dans un dispositif juridictionnel qui me semble plus acceptable que celui qui avait été proposé en première lecture puisqu'il s'agit de l'inclure dans le suivi socio-judiciaire avec toutes les garanties possibles en matière juridictionnelle.

M. Noël Mamère - Mon intervention s'inscrit plutôt dans la continuité des propos de M. Morin. Toutes les évaluations qui ont été faites montrent que le coût du bracelet électronique mobile est extrêmement élevé et que le ministère de la justice ne pourra pas le financer. Quid, en outre, des 800 psychiatres, des médecins coordinateurs, des nouveaux juges d'application des peines, des assistantes sociales nécessaires à une authentique réinsertion ? Arrêtez de faire croire que ce bracelet évitera la récidive alors qu'il ne constitue qu'une peine de plus. J'espère à ce propos que nous serons assez nombreux pour saisir le Conseil constitutionnel. J'ajoute que ce système risque même d'entraîner plus de récidives...

M. Jean-Paul Garraud - N'importe quoi.

M. Noël Mamère - ...alors que l'accompagnement psychologique, psychiatrique et social serait beaucoup plus indiqué. Vous le savez d'ailleurs, mais comme vous êtes des démagogues, vous préférez continuer dans cette voie. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Georges Fenech - Je comprends la préoccupation de M. Morin sur le coût de ce dispositif. Au début de la mission, j'ai moi-même craint qu'il ne soit prohibitif mais nous disposons déjà des chiffres concernant le bracelet électronique statique. Il y en a 730 en France pour un coup journalier de 11 euros, ce qui, comparé aux 60 euros que coûte une journée de détention, demeure très intéressant. Le bracelet mobile implique certes un coût supplémentaire. En Angleterre, il est estimé à cent euros mais les Britanniques externalisent pratiquement tout. En revanche, aux Etats-Unis, où la puissance publique se charge beaucoup plus largement de la pose des bracelets et de la surveillance de leurs porteurs, le coût du dispositif a pu être abaissé à neuf dollars par jour, ce qui n'est pas prohibitif.

M. Jean-Christophe Lagarde - Le public serait moins cher que le privé ?

M. Hervé Morin - Comment notre pays pourrait-il trouver d'un coup les crédits nécessaires à la généralisation des bracelets mobiles alors qu'il n'est même pas capable aujourd'hui de financer des bracelets fixes ? Au centre de détention d'Alençon, qui compte près de mille détenus, le juge d'application des peines n'en a pas un seul à sa disposition. Le bracelet électronique mobile doit aller de pair avec un renforcement des moyens du suivi social et médical. Faisons d'abord en sorte que les obligations posées par la loi de 1997 soient respectées.

L'amendement 16, mis aux voix, est adopté et l'article 7 est ainsi rétabli.

APRÈS L'ART. 7

M. Thierry Mariani - Mon amendement 61 reprend le texte d'une proposition de loi déposée en septembre 2004 et cosignée par 97 députés. Il vise à ne plus incarcérer les personnes âgées de plus de 70 ans au jour de leur condamnation, non récidivistes, ayant commis un délit mais n'ayant pas porté gravement atteinte à l'ordre public.

Il ne s'agit pas de libérer des détenus dangereux ou de dispenser de prison des personnes coupables de crimes contre l'humanité. Les personnes visées par cet amendement ne représentent à l'évidence pas un danger pour la société. La mesure ne s'appliquerait qu'en matière correctionnelle. Les auteurs de crimes, notamment de crimes contre l'humanité, dont la condamnation intervient souvent longtemps après les faits, ne bénéficieraient bien sûr pas de cette clémence, non plus que les personnes condamnées pour terrorisme, pédophilie, proxénétisme, agression sexuelle, viol, trafic de stupéfiants ou association de malfaiteurs, non plus que, je l'ai dit, les récidivistes.

Les personnes âgées n'en doivent pas moins, comme tout citoyen, répondre de leurs actes. Les coupables devront donc, dans tous les cas, s'acquitter des amendes et subir les peines complémentaires prononcées à leur encontre, comme l'indemnisation des parties civiles. Enfin, nos prisons ne sont pas adaptées pour accueillir dans des conditions satisfaisantes des personnes âgées.

Voilà pourquoi je dépose de nouveau cet amendement, espérant qu'il sera cette fois adopté, comme le fut celui sur les indics que j'avais dû déposer trois fois avant qu'on y donne suite...

M. le Rapporteur - Avis défavorable pour deux raisons. D'une part, un individu de 70 ans peut encore être dangereux. D'autre part, cet amendement créerait une rupture d'égalité devant la loi. Par ailleurs, une suspension de peine est toujours possible si la personne est atteinte d'une maladie grave engageant le pronostic vital.

M. le Garde des Sceaux - Même si cet amendement part d'un sentiment généreux, ce qui n'étonnera personne venant de M. Mariani, le Gouvernement y est défavorable. Tout d'abord, parce qu'il interdirait l'individualisation de la peine par le juge. Celui-ci, avant de prononcer sa peine, prend en considération tous les paramètres concernant le détenu, parmi lesquels bien sûr l'âge. Il peut notamment utiliser le bracelet électronique fixe - mille sont aujourd'hui posés - comme mesure alternative à l'incarcération. Ensuite, je ne suis pas convaincu de la constitutionnalité de la mesure proposée.

M. Christophe Caresche - M. Mariani ne nous a pas habitués à tant de mansuétude... Au-delà de cet amendement, se trouve posée la question de l'utilisation du bracelet électronique comme mesure alternative à l'incarcération - que préconisait d'ailleurs M. Fenech dans son rapport. Je regrette que cette approche n'ait pas été retenue.

M. Charles Cova - Permettez au seul septuagénaire présent cet après-midi de partager l'avis de M. Mariani.

M. Christophe Caresche - Auriez-vous des inquiétudes ?

M. Charles Cova - Non, pas pour l'instant, mais sait-on jamais ? J'ai 74 ans. Je suggère donc de porter la limite d'âge à 75 ans. (Sourires)

M. Thierry Mariani - La dernière fois, j'avais retiré mon amendement, car on m'avait prêté toutes sortes d'arrière-pensées sur certains bancs, une personne d'un certain âge impliquée dans un scandale pétrolier étant à l'époque emprisonnée... Décidément, quand je fais preuve de mansuétude, je suis accusé de tout !

Cet amendement introduirait une rupture d'égalité devant la loi, m'objecte le rapporteur. Mais il est d'autres cas d'une telle rupture. A preuve le droit pénal applicable aux mineurs, ou bien encore la contrainte judiciaire, qui ne peut être prononcée à l'encontre de personnes mineures au moment des faits ni de personnes âgées d'au moins 65 ans lors de leur condamnation.

Je précise enfin que la mesure proposée ne concernait, au 14 décembre 2004, que 28 personnes, le plus souvent impliquées dans des affaires de droit des sociétés. Pensez-vous réellement que la prison puisse avoir quelque vertu pour elles ?

M. Jean-Christophe Lagarde - Tant de personnes sont exclues du bénéfice de la mesure qu'en effet bien peu sont potentiellement concernées ! Par ailleurs, cet amendement créerait une nouvelle rupture d'égalité devant la loi, excluant les cas de récidive mais non de réitération.

L'amendement 61, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 8

M. Noël Mamère - Cet article tend à ramener le bracelet électronique mobile au rang de simple mesure de sûreté. Nous persistons, pour notre part, à considérer qu'il s'agit bien d'une peine, surtout vu le coût de sa mise en œuvre, qui, de fait, exclut toute possibilité d'accompagnement psychologique, médical et social. Par ailleurs, comme l'avait fort bien souligné M. Fenech dans son rapport, des expérimentations préalables sont nécessaires. Il y en a eu en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et en Espagne, pays qui a d'ailleurs renoncé pour l'instant à l'extension du dispositif. Ainsi faut-il évaluer les risques de discrimination pour les porteurs de tels bracelets, qui pourraient notamment déclencher l'alarme sonore des portiques de détection qui équipent de nombreux lieux publics.

Nous nous associerons bien sûr à ceux de nos collègues qui saisiront le Conseil constitutionnel.

M. Jean-Paul Garraud - Intervenir sur cet article est pour moi l'occasion de dire que cette proposition de loi, fruit d'un important travail préalable de notre commission des lois, va dans le bon sens et que je la voterai sans hésitation. Je remercie aussi le rapporteur d'avoir rappelé ma détermination et mon engagement sur le sujet de la récidive.

Le bracelet électronique mobile serait utilisé pour les détenus présentant une certaine dangerosité à leur sortie de prison. Là est le cœur du problème. Comment évaluer cette dangerosité ? Tous les professionnels de la justice le savent, en dépit de tous les efforts de réinsertion - dont il ne faut bien sûr pas se dispenser -, certains délinquants, récidivistes en particulier, ne souhaitent pas s'en sortir. Et tout ne se résume pourtant pas chez eux à une dimension pathologique. Au cours du débat, nous nous sommes beaucoup concentrés sur l'aspect pathologique. Il est évident pour les criminels sexuels, mais il n'y a pas qu'eux. Aussi est-il appréciable que la proposition vise aussi les auteurs d'assassinat, enlèvement, tortures et actes de barbarie.

Pour ceux qui sont ancrés dans le crime, l'évaluation de leur dangerosité prend toute son importance. Mais le système que nous mettons en place suffira-t-il à éviter la récidive chez ces grands prédateurs, peu nombreux, mais qui font de terribles dégâts ? Mon intime conviction est qu'il n'y suffira pas. Certes, il n'y a pas de solution miracle ; mais je reprends par amendement ce que propose la commission santé-justice et que pratiquent le Canada, la Suisse, l'Allemagne, à savoir, pour les individus reconnus comme très dangereux, des récidivistes assurés - certains le disent eux-mêmes et demandent à rester en prison - l'enfermement dans un centre de protection sociale. L'individu y sera protégé contre lui-même, et traité par les psychiatres de façon digne, et la société sera protégée. Ce placement sera soumis au tribunal de l'application des peines, susceptible de recours et soumis à débat contradictoire.

Je sais que le Gouvernement est très attentif à cette question. Bien sûr, se pose le problème du coût. Mais ne refusons pas le débat, au nom de tous ceux qui ont souffert de ces criminels prédateurs et ceux qui risquent d'en souffrir si nous n'agissons pas.

M. le Rapporteur - L'amendement 17 rétablit le texte voté par l'Assemblée en première lecture, qui introduit dans le code de procédure pénale une nouvelle section relative à la procédure applicable au placement sous surveillance électronique au titre de mesure de sûreté.

Néanmoins, compte tenu de l'insertion du PSEM dans la cadre du suivi socio-judiciaire, nous proposons les modifications suivantes : la durée du placement est limitée à trois ans pour un délit, cinq ans pour un crime, renouvelable une fois ; la commission des mesures de sûreté intervient auprès du juge d'application des peines, elle doit être pluridisciplinaire et la décision du juge doit être éclairée par recours à tous les spécialistes nécessaires pour évaluer la dangerosité du condamné ; le contrôle à distance de la localisation du condamné donnera lieu à traitement automatisé des données personnelles, auxquelles les officiers de police judiciaire auront accès dans certaines conditions.

Mais, comme dans le dispositif adopté en première lecture, les décisions de placement sous surveillance électronique seront prises contradictoirement et susceptibles d'appel ; le procédé, homologué par le ministère de la justice, devra garantir le respect de la vie privée de l'intéressé ; le juge d'application des peines pourra relever la mesure sur réquisitions du procureur ou demande du condamné ; à défaut de renouvellement exprès par ce juge, le placement sera interrompu.

M. Hervé Morin - Le sous-amendement 77 prévoit que le tribunal de l'application des peines peut d'office, sur réquisitions du procureur de la République ou à la demande du condamné, le cas échéant par l'intermédiaire de son avocat, supprimer le placement sous surveillance électronique en cours d'exécution en cas d'examen de dangerosité négatif.

Le sous-amendement 78 est inspiré par le président d'une grande association de victimes d'agressions sexuelles, qui estime qu'il faut faire en sorte d'éviter toute stigmatisation de la personne par port du bracelet, si l'on veut qu'il soit efficace.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné les sous-amendements. Le premier est satisfait par l'article 8, qui offre plusieurs modalités de remise en cause. Le second me laisse perplexe. Il s'agit d'une question de vie privée, et je ne vois pas qu'on puisse introduire cela dans la loi. A titre personnel, avis défavorable sur les deux sous-amendements.

Le sous-amendement 77 est retiré.

M. le Garde des Sceaux - Avis favorable sur l'amendement 17 et défavorable sur le sous-amendement 78.

M. Christophe Caresche - Pouvez-vous me préciser si l'application du PSEM par le juge d'application des peines est bien envisagée sur la durée du suivi socio-judiciaire ? En effet, les durées maximales que vous prévoyez me paraissent un peu longues. Dans son rapport, M. Fenech souligne bien qu'il est difficile de mettre en œuvre le bracelet électronique mobile pour une durée supérieure à deux ans, qui est celle retenue par d'autres pays.

M. le Rapporteur - Nous avons réduit très sensiblement la durée du placement pour tenir compte des observations de M. Fenech et aussi parce que le traitement médical est surtout efficace dans les premières années. De toute façon, le juge d'application des peines peut mettre fin à la mesure. Sans trop entrer dans le détail technique, la contrainte est assez différente selon que l'on est en mode actif, avec surveillance permanente, ou passif, avec enregistrement utilisable pour vérification. La durée retenue est conforme aux besoins, et les modalités d'application permettent de mettre fin à la mesure si nécessaire.

Le sous-amendement 78, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 17, mis aux voix, est adopté. L'article 8 est ainsi rétabli.

APRÈS L'ART. 8

M. le Rapporteur - L'amendement 72, de coordination, donne au juge de l'application des peines la possibilité d'ordonner le PSEM.

L'amendement 72, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Paul Garraud - Actuellement, le droit pénal ne fait quasiment jamais référence à la notion de dangerosité, qui est pourtant essentielle et qui est bien prise en compte dans d'autres pays comme le Canada, où la récidive en matière d'infractions sexuelles a de ce fait diminué de 60%. Dans mon amendement 33, auquel s'associent MM. Ferry et Bur, je propose d'ajouter un titre qui soit consacré à l'évaluation de celle-ci. Il comprend six articles.

Le premier dit que tout condamné à une peine égale ou supérieure à cinq ans et en état de récidive peut faire l'objet d'une évaluation de sa dangerosité par le tribunal de l'application des peines, saisi à cet effet par le JAP ou par le procureur de la République. Selon le degré de dangerosité, une mesure de sûreté en milieu ouvert ou fermé pourrait être ordonnée. Je propose qu'en milieu fermé, la mesure de sûreté s'exerce dans un centre fermé de protection sociale créé à cet effet.

Il est précisé dans mon amendement que la durée de la mesure d'exécution de la peine ne peut en aucun cas dépasser le maximum de la peine prononcée par la juridiction de jugement.

Le coût de cet amendement ne me paraît pas très important, car fort heureusement les grands criminels pervers ne sont pas nombreux et deux ou trois centres pourraient suffire pour les garder et les traiter. En 1992, lors des discussions sur les périodes de sûreté et les peines incompressibles, Pierre Méhaignerie avait dit que, pour ces individus dangereux, il fallait des hôpitaux-prisons. Malheureusement, c'est resté lettre morte.

A Mme Guigou qui l'interrogeait sur le coût du bracelet électronique mobile, le Garde des Sceaux répondait hier que c'est parce qu'il allait le faire voter qu'il aurait les moyens correspondants. Il en va de même ici. (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur - La question de l'évaluation de la dangerosité a été au cœur de la réflexion de la mission d'information, qui y a consacré beaucoup d'auditions, et elle est également au cœur de ce texte, en particulier avec l'article 8. Si nous avons fait du PSEM un outil du suivi socio-judiciaire, c'est bien pour éviter la récidive. L'article 8 satisfait donc les préoccupations de M. Garraud et le dispositif que nous avons retenu présente sur son amendement l'avantage suivant : la décision de placer sous surveillance électronique mobile est prise par la juridiction de jugement au moment du prononcé de la peine.

M. Garraud demande des centres fermés pour les condamnés qui restent dangereux, mais personne n'est aujourd'hui en mesure de dire quels moyens seraient consacrés à la création de tels centres.

Pour toutes ces raisons, la commission a repoussé cet amendement.

M. le Garde des Sceaux - La proposition de loi prévoit une évaluation de la dangerosité du délinquant à différents stades de la procédure. Cette évaluation est très délicate et la réflexion sur le sujet doit se poursuivre. D'ailleurs, le Premier ministre envisage de confier à un parlementaire une mission sur le sujet.

M. Christophe Caresche - Ah !

M. Michel Hunault - Je suis étonné d'entendre M. Garraud dire que c'est la première fois que l'on parle de dangerosité, alors qu'en première lecture, j'avais moi-même défendu des amendements tendant à ce que celle-ci soit évaluée avant des libérations conditionnelles et des réductions de peine, et que M. Clément, alors président de la commission des lois, m'avait répondu que cette notion était au cœur de sa proposition de loi, ce qu'il nous confirme aujourd'hui en tant que Garde des Sceaux.

J'ai l'impression que ce texte donne lieu à une certaine surenchère auprès de l'opinion publique, le but étant pour certains de se montrer plus sévères que la proposition de loi. En réalité, notre arsenal judiciaire contient déjà beaucoup d'armes pour lutter contre la récidive. Ce qui manque le plus, ce sont les moyens ! Si l'on votait l'amendement de M. Garraud, avec quels moyens construirait-on et ferait-on fonctionner les centres qu'il prévoit ?

La justice a besoin d'abord de moyens et de sérénité ! Confier une mission à un parlementaire, soit, mais ne vaudrait-il pas mieux créer un observatoire de la récidive, avec des professionnels du droit, comme nous le demandons depuis longtemps ? La France était, en 1981, à la pointe du débat sur l'abolition de la peine de mort, elle est aujourd'hui très avancée dans le débat, en particulier au Conseil de l'Europe, sur la réinsertion des détenus. Evitons donc aujourd'hui les effets d'affichage et la surenchère insincère !

M. Noël Mamère - Très bien !

M. Jean-Paul Garraud - M. Hunault m'accuse d'insincérité, voire de malhonnêteté, ce que je ne saurais laisser passer, car je travaille sur ces questions depuis longtemps et, pour avoir travaillé au service de la justice depuis vingt ans, je sais de quoi je parle.

M. Noël Mamère - Votre passé judiciaire ne démontre pas votre sincérité !

M. Jean-Paul Garraud - Pour M. Hunault, il est urgent d'attendre : je le laisse à ses responsabilités.

M. Michel Hunault - Caricature !

M. Jean-Paul Garraud - On limite le débat à un problème de moyens, alors qu'il faut répondre à de vraies questions, en faisant faire preuve d'imagination. Mes propos ne sont nullement dictés par le populisme, je dis sincèrement ce que je pense ! L'évaluation de la dangerosité a été au centre de nos préoccupations lors de la mission sur la lutte contre la récidive. Je suis très sensible à ce que vient de dire le Garde des Sceaux et je sais que le Premier ministre est très attentif à cette question, mais il me serait difficile de retirer cet amendement sans avoir consulté mes collègues Yves Bur et Alain Ferry. Je le peux d'autant moins que je parle ici au nom des victimes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF), qui ne sont pas toujours entendues. Le vote sur cet amendement placera tous les parlementaires devant leurs responsabilités.

M. Christophe Caresche - C'est inacceptable !

M. Hervé Morin - Je n'ai aucune envie de polémiquer sur ces sujets, mais il est inacceptable de dire qu'il y aurait d'un côté les défenseurs des victimes, et de l'autre les salauds qui défendraient les grands délinquants. Michel Hunault a posé la question des moyens dans une intervention qui était équilibrée. Je sais, pour avoir été membre de la commission d'enquête sur les prisons, qu'il faut trouver des solutions adaptées aux psychopathes dangereux, mais je demande à M. Garraud de retirer ses propos. S'il ne le fait pas, je demanderai la vérification du quorum !

M. Christophe Caresche - Monsieur Garraud, vos propos ne sont en effet pas acceptables : vous n'êtes pas ici le seul défenseur des victimes. Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 17 heures 35, est reprise à 17 heures 50.

M. le Président de la commission - Merci, Monsieur le président, de me donner la parole pour une rapide mise au point à la reprise de nos travaux. Je crois que nous pouvons nous féliciter collectivement de la tenue de nos débats. Les interventions des uns et des autres témoignent de l'attachement de chacun, quel que soit le groupe auquel il appartient, à ce que soit pris en compte en priorité l'intérêt des victimes. Nul n'a le monopole de la défense des victimes ou de l'émotion légitime que suscitent les faits divers particulièrement odieux qui ont marqué la période récente.

S'agissant de l'amendement 33, je pense que les assurances données par le Garde des Sceaux doivent permettre à M. Garraud de le retirer.

M. Jean-Paul Garraud - Je tiens moi aussi à préciser ma position, surtout si mes propos ont fait naître une ambiguïté dans l'esprit de certains. Bien évidemment, je ne revendique nullement l'exclusivité de la défense des victimes. Compte tenu cependant de mon engagement à leurs côtés, je ne me reconnaissais pas le droit de retirer cet amendement. Convaincu que le bracelet électronique ne serait pas suffisant, j'avais conçu le dispositif que retrace mon amendement. Dans la mesure où le Garde des Sceaux a bien voulu indiquer que le Premier ministre envisageait de demander une mission sur l'évaluation de la dangerosité des condamnés et que d'autres mesures complémentaires étaient à l'étude, je le retire. Mais je ne pouvais le faire sans ces assurances.

L'amendement 33 est retiré.

ART. 8 BIS A

M. le Rapporteur - L'amendement 18 est de cohérence.

L'amendement 18, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l'article 8 bis A est ainsi rédigé.

AVANT L'ART. 13 A

M. le Président de la commission - L'amendement 19 étend le suivi socio-judiciaire aux auteurs de meurtre, d'assassinat, d'enlèvement et de séquestration.

M. le Garde des Sceaux - Avis favorable.

M. Christophe Caresche - Attention ! Le suivi socio-judiciaire est déjà difficile à mettre en œuvre faute de moyens. D'accord pour l'étendre à de nouvelles infractions, mais il faudra que les moyens suivent.

M. Hervé Morin - Je remercie M. Garraud pour ses propos et je considère qu'il a eu raison de soulever la question des grands psychopathes. Par ailleurs, notre groupe est extrêmement favorable à l'extension du suivi socio-judiciaire.

L'amendement 19, mis aux voix, est adopté.

ART. 13 A

M. le Rapporteur - L'amendement 75 est de coordination.

L'amendement 75, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 13 A ainsi modifié.

APRÈS L'ART. 13 A

M. le Garde des Sceaux - Conformément à l'engagement que j'ai pris cet été, l'amendement 56 étend le suivi socio-judiciaire aux auteurs d'incendies volontaires, nombre d'entre eux souffrant à l'évidence de graves troubles du comportement. Cet amendement corrige en outre une erreur d'écriture au cinquième alinéa de l'article 322-5 du code pénal.

L'amendement 56, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

ART. 13

M. le Rapporteur - L'article 13 introduit dans le code pénal un article disposant que, si la personnalité du condamné le justifie, le médecin coordonnateur de l'injonction de soins ordonnée dans le cadre du SSJ peut inviter l'intéressé à choisir un psychologue traitant. Il s'agit - chacun l'aura compris - de faire face à la pénurie de psychiatres. L'article du code ainsi créé précise en outre que, dans le cadre du SSJ assorti d'une injonction de soins, les dispositions applicables au médecin traitant le sont aussi au psychologue. Le Sénat ayant complété les prérogatives dévolues au médecin traitant en l'autorisant à prescrire un traitement censé entraîner une diminution de la libido, mon amendement 70 - adopté par la commission - vise à réserver le pouvoir de prescrire des médicaments au seul médecin.

L'amendement 70, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 13 ainsi modifié.

ART. 13 BIS

M. le Rapporteur - Il ne s'agit pas ici de refaire le travail du Sénat, insuffisant sur ce point. Ce dernier a introduit par cet article la possibilité pour le médecin traitant de prescrire au condamné, avec le consentement par écrit et renouvelé de ce dernier, un traitement utilisant des médicaments entraînant une diminution de la libido.

Toutefois, la périodicité du renouvellement du consentement du condamné au traitement inhibiteur n'est pas déterminée. Une précision législative s'imposant afin de s'assurer du suivi du condamné par le médecin, je propose par mon amendement 71 - adopté par la commission - que le consentement écrit du condamné soit renouvelé au moins une fois par an.

M. le Garde des Sceaux - Favorable.

M. Christophe Caresche - Je souhaite dire ici pourquoi et dans quel esprit nous acceptons cette disposition introduite par le Sénat. Il est hors de question de considérer que le législateur doit s'immiscer dans la relation entre le médecin et le patient, celle-ci devant être préservée. Toutefois, le Sénat a soulevé la question de la responsabilité du médecin lorsqu'il prescrit des médicaments - mis sur le marché pour traiter certaines pathologies - afin de diminuer la libido. Il s'agit ici de faire en sorte que sa responsabilité ne soit pas mise en cause devant le juge. Nous considérons que cette disposition va dans le bon sens et nous voterons cet amendement.

L'amendement 71, mis aux voix, est adopté.

L'article 13 bis, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 14

M. le Garde des Sceaux - L'amendement 5 améliore sur deux points l'efficacité du fichier automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, entré en service le 30 juin dernier. En premier lieu, il ajoute à la liste des infractions sexuelles de l'article 706-44 du code de procédure pénale, les crimes de meurtre ou assassinat commis avec tortures ou actes de barbarie, les crimes de torture ou actes de barbarie ainsi que les meurtres ou assassinats commis en état de récidive légale. Les auteurs de ces crimes seront inscrits dans le FIJAIS, ce qui entraînera à leur libération l'obligation de justifier semestriellement leur adresse en se présentant auprès d'un service de police ou de gendarmerie. Cette inscription interviendra également si l'auteur des faits a été déclaré pénalement irresponsable en raison d'un trouble mental.

En second lieu, l'amendement étend la possibilité de consultation du FIJAIS par les préfets et par les administrations de l'Etat. La loi du 9 mars 2004 comporte en effet un oubli, puisqu'elle ne prévoit cette consultation que pour l'examen des « demandes d'agrément » concernant les activités ou professions impliquant des contacts avec les mineurs, alors que la réglementation relative à ces activités prévoit parfois une simple déclaration pouvant donner lieu à l'exercice d'un pouvoir d'opposition. Il est donc indispensable de permettre la consultation du FIJAIS en cas de contrôle de l'exercice de ces activités ou professions.

M. le Rapporteur - La commission a adopté cet amendement

M. Jean-Paul Garraud - Le sous-amendement 31 permet aux personnes devant justifier leur adresse de le faire auprès du service de police ou de gendarmerie le plus proche de leur domicile et non au service départemental.

Le sous-amendement 32 permet la consultation du FIJAIS par les OPJ lorsqu'une personne est gardée à vue pour des faits autres que ceux donnant lieu à inscription dans le fichier. Il donne aussi la possibilité aux services de police et de gendarmerie, qui sont chargés depuis le 30 juin 2005 de rechercher les adresses des personnes condamnées avant cette loi et de les convoquer aux fins de notification des obligations, d'user à cette fin de contrainte. Il apparaît en effet que, dans la pratique, certains condamnés ne défèrent pas à ces convocations.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. le Garde des Sceaux - Même avis.

M. Noël Mamère - Je ne peux que m'opposer à cet amendement qui tend à élargir le FIJAIS à toutes les personnes ayant bénéficié d'une décision retenant leur irresponsabilité pénale, et qui plus est, les oblige à faire l'objet d'une surveillance pendant une durée de trente ans. Voilà une nouvelle atteinte flagrante aux libertés, sous prétexte de rassurer les Français.

Le sous-amendement 31, mis aux voix, est adopté, de même que le sous-amendement 32.

L'amendement 5 sous-amendé, mis aux voix, est adopté. L'article 14 est ainsi rédigé.

APRÈS L'ART. 15

M. le Garde des Sceaux - L'amendement 6 est attendu par de nombreuses associations de victimes, car il complète les dispositions de la loi du 9 mars 2004 en permettant à l'avocat de la partie civile qui en fait la demande de faire des observations devant le tribunal de l'application des peines ou la cour d'appel, notamment pour les audiences de libération conditionnelle ou de suspension de peine pour des raisons médicales. Le point de vue de la victime pourra ainsi être défendu devant ces juridictions, compétentes pour les aménagements des peines supérieures à dix ans d'emprisonnement.

M. le Rapporteur - Avis favorable

M. Christophe Caresche - Cet amendement, tout comme celui qui suit, pose un problème puisqu'il fait peser sur la décision du juge d'application des peines le point de vue des parties civiles. Cela risque de freiner une démarche allant dans le sens de l'accompagnement de la sortie. Je n'approuve donc pas cet amendement.

M. Noël Mamère - Je formulerai les mêmes critiques. On voit bien que le législateur éprouve le besoin de préciser que l'avocat de la partie civile doit pouvoir s'exprimer avant les réquisitions du ministère public. C'est une nouveauté. En outre, je crois avoir lu qu'une association de parents de victimes n'était pas favorable à l'amendement 21 qui viendra tout à l'heure. Ces deux amendements ne me paraissent pas conformes au principe du procès équitable énoncé par la Convention européenne des droits de l'homme.

M. le Garde des Sceaux - Il s'agit au contraire d'un amendement bien équilibré et qui, contrairement à ce qui vient d'être dit, a recueilli l'assentiment des associations de victimes. De plus, il n'y a rien de choquant à ce que celui qui défend l'ordre public, à savoir le procureur, s'exprime en dernier lors de ces audiences.

L'amendement 6 mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Par l'amendement 21, cosigné par M. Fenech, la commission propose que les représentants des associations de victimes ou d'aide aux victimes ainsi que les associations d'insertion des condamnés soient préalablement consultées par le tribunal de l'application des peines lorsque ce dernier envisage d'ordonner une libération conditionnelle, une suspension de peine ou une suppression de la période de sûreté concernant un récidiviste. Afin d'éviter des consultations inutiles, celles-ci ne sont pas exigées lorsque le tribunal n'envisage pas d'accorder une telle mesure, en particulier lorsqu'il statue à la suite d'une demande du condamné n'ayant aucune chance de prospérer.

En outre, en cas d'appel d'une mesure concernant un récidiviste d'un crime ou d'un délit grave, le chambre de l'application des peines de la cour d'appel devra être celle dont la formation est prévue au 2e alinéa de l'article 712-13 du code de procédure pénale, à savoir celle composée des représentants des associations d'aide aux victimes et de réinsertion des condamnés.

M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable. Le Gouvernement a déposé un amendement permettant à l'avocat des victimes d'être entendu, mais à chacun son rôle. Si ce sont les victimes qui, au bout du compte, donnent leur avis et, soyons clair, font pression sur le tribunal d'application des peines, comment espérer une libération conditionnelle ? Or, celle-ci reste la meilleure méthode de réinsertion sociale. J'ajoute que les associations de victimes les plus représentatives ne sont pas non plus favorables à cette disposition.

M. Hervé Morin - Nous partageons le point de vue du Gouvernement. En effet, non seulement la mise en œuvre de la libération conditionnelle risque d'être considérablement limitée mais se poserait rapidement le problème de la représentativité des associations.

M. Christophe Caresche - Cet amendement ne pourrait même pas être appliqué : comment des associations d'aide aux victimes pourraient-elles se déplacer dans tout le pays ?

A l'occasion de la discussion de l'amendement précédent, M. le Garde des Sceaux a lui-même expliqué pourquoi la présence des avocats des parties civiles au tribunal d'application des peines est contestable : c'est précisément au procureur de faire valoir le point de vue de la société.

L'amendement 21, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christophe Caresche - L'amendement 65 précise que les dispositions relatives à l'appel formé par le condamné contre les ordonnances du JAP en matière de permissions de sortir ou d'autorisations de sortie sous escorte ne sont applicables qu'à compter du 1er janvier 2007. La loi du 9 mars 2004 a considérablement augmenté l'importance des fonctions confiées aux JAP. Cette proposition de loi alourdira à nouveau leur tâche parce qu'elle élargit le domaine du suivi socio-judiciaire, allonge la durée du sursis avec mise à l'épreuve et institue le placement sous surveillance électronique mobile. Il ne semble donc pas matériellement possible que toutes les ordonnances rendues par les JAP puissent être frappées d'appel par les condamnés à compter du 31 décembre 2005 comme le prévoit la loi du 9 mars 2004. Cette impossibilité est d'autant plus flagrante que l'arrivée de nouveaux greffiers dans les services de l'application des peines ne se fera que progressivement au cours de 2006. S'il n'est pas envisageable de reporter ce droit d'appel pour les ordonnances relatives aux réductions de peine, il semble en revanche nécessaire de différer à nouveau ce droit en ce qui concerne les ordonnances relatives aux permissions de sortir.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Christophe Caresche - Pas de pitié pour les juges d'application des peines !

M. le Garde des Sceaux - Je suis toujours sensible au fait qu'un parlementaire soutienne des magistrats...

M. Christophe Caresche - Ils le méritent.

M. le Garde des Sceaux - ...et en particulier une catégorie d'entre eux, mais le Parlement a-t-il pour mission de les soutenir, aussi sympathiques soient-ils ? (Sourires) En un mot comme en cent, M. Caresche demande que le bureau suspende encore un an la possibilité, pour le condamné, de faire appel des ordonnances du JAP, mais soyons franc, tous les détenus savent qu'il sera possible de faire appel de ses décisions, et ce report risque de poser un problème de sécurité.

Par ailleurs, depuis 2002, le nombre de JAP a augmenté de 76%, ce qui représente 134 juges supplémentaires. Ils sont aujourd'hui 310 dans les 186 tribunaux de grande et de première instance et constituent 7,5% du corps. Les services de l'application et de l'exécution des peines disposent quant à eux de 758 agents, effectif qui inclut les 87 greffiers affectés à la rentrée de 2005. Cent cinquante adjoints administratifs renforceront ces services d'ici à janvier 2006. Parmi les 3 600 agents d'insertion et de probation, 1 250 sont affectés à l'accompagnement et à l'insertion. En septembre 2006, 189 conseillers d'insertion et de probation sortiront de formation. En septembre 2007, ils seront 290 et le PLF 2006 a prévu la création de 80 postes supplémentaires pour les SPIP.

M. Noël Mamère - La plupart des syndicats avancent le chiffre de 250 JAP, au lieu de 310, mais M. le Garde des Sceaux pourrait-il nous dire combien de dossiers sont traités par ces magistrats ? Deux cent mille. Combien manque-t-il de psychiatres ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Huit cents. Nous savons aussi que l'on compte un travailleur social pour 120 détenus. Quelle contradiction de consacrer une part importante du budget de votre ministère au bracelet électronique mobile quand règne une telle misère en matière d'insertion et d'accompagnement !

L'amendement 65, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Ménard - Cent cinquante députés soutiennent mon amendement 62 rectifié. C'est un fait-divers sordide qui m'a amené à le déposer, en l'occurrence un double meurtre assorti d'actes de barbarie commis à Brest en août 2003. Trois personnes avaient été mises en examen et placées en détention provisoire. Parmi elles, un mineur âgé de 17 ans, qui en a aujourd'hui 19 et qui, en août 2005, a été remis en liberté en vertu de l'article 11 de l'ordonnance du 2 février 1945, relative à l'enfance délinquante, qui prévoit qu'un mineur ne peut passer plus de deux ans en détention provisoire. Cette décision a révolté la Bretagne, et en premier lieu les familles. Il n'est certes pas question de remettre en cause la présomption d'innocence, mais lorsqu'un magistrat décide de placer un mineur en détention provisoire et qu'il l'y maintient pendant deux ans, il a des raisons de le faire.

C'est pourquoi je propose de remplacer, dans le quatorzième alinéa de l'article 11 de l'ordonnance du 2 février 1945, les mots : « ; toutefois, la détention provisoire ne peut être prolongée au-delà de deux ans » par ceux-ci : « ; la détention provisoire ne peut, en principe, être prolongée au-delà de deux ans. Toutefois, lorsque les investigations du juge d'instruction doivent être poursuivies et si la gravité de l'affaire le requiert, la chambre d'instruction peut, à titre exceptionnel, décider, à l'issue de cette période, de maintenir le mineur en détention provisoire. » Cet amendement répondrait à la fois à ce qu'attendent nos concitoyens de la justice, et au sentiment d'incompréhension des familles si douloureusement éprouvées (Murmures sur divers bancs). Quelle serait votre réaction, chers collègues, si la victime était votre enfant ? S'il faut bien sûr penser aux condamnés, la priorité devrait quand même aller aux victimes et aux familles.

M. le Rapporteur - Notre collègue pointe une lacune de notre droit pour des affaires comme celles qu'il a citées. Toutefois, l'amendement qu'il propose, qui revient à supprimer toute limite pour la détention provisoire des mineurs, soulève des problèmes juridiques. Elle serait notamment contraire à la Convention internationale des droits de l'enfant. C'est pourquoi je lui suggère de retirer son amendement au profit du 51 rectifié de M. Mariani, que je me propose de sous-amender de façon à parvenir à un texte acceptable du point de vue juridique tout en atteignant l'objectif recherché, à savoir éloigner le mineur et l'empêcher de nuire à sa sortie de détention provisoire.

M. Christophe Caresche - Ce n'est pas le sujet.

M. le Rapporteur - Si, car toute personne encore dangereuse qui est libérée peut récidiver.

M. le Garde des Sceaux - Je partage l'émotion de M. Ménard ainsi que celle de ses électeurs... (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP) Pour autant, supprimer le délai-butoir de deux ans fixé pour la détention provisoire des mineurs, comme vous le proposez, n'est pas la bonne solution. D'ailleurs, dans la plupart des cas, l'instruction dure moins de deux ans - il y a certes des exceptions, mais il faut se doter de tous les moyens matériels et humains nécessaires pour les éviter. Ensuite, si nous supprimions ce délai de deux ans, nous contreviendrions à la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l'homme en matière de « délai raisonnable » de détention. Nous ne pouvons donc pas le faire.

M. Michel Hunault - Très bien !

M. Thierry Mariani - L'amendement 51 rectifié aligne tout simplement le régime applicable aux mineurs devenus majeurs durant leur détention provisoire sur celui des personnes majeures au moment des faits. Car il n'est pas rare dans notre pays que des mineurs dangereux, auteurs de crimes sordides, soient néanmoins libérés au bout de deux ans, l'instruction de leur dossier n'étant pas terminée.

M. le Rapporteur - Tel qu'il est rédigé, cet amendement présente le même défaut que le précédent, en ne fixant aucune durée limite pour la détention provisoire des mineurs. Je propose donc un sous-amendement 73 qui permet d'atteindre l'objectif recherché tout en étant satisfaisant sur le plan juridique. Il autorise la chambre de l'instruction, si l'instruction n'est pas terminée au bout de deux ans, à placer le mineur, à l'issue de sa détention provisoire, en centre éducatif fermé pour une durée de quatre mois, renouvelable une fois -huit mois supplémentaires devraient suffire au juge pour terminer ses investigations. L'amendement de M. Mariani, ainsi sous-amendé, a été accepté par la commission.

M. le Garde des Sceaux - Je suis défavorable à l'amendement de M. Mariani autant qu'à celui de M. Ménard. Cependant, sous-amendé comme le propose le rapporteur, il devient acceptable juridiquement. Fallait-il ouvrir ce débat ? Je n'en suis pas convaincu. Vous l'avez souhaité sous le coup de l'émotion... (Protestations sur plusieurs des bancs du groupe UMP)

M. Christophe Caresche - Outre que cet amendement constitue un cavalier et pourrait donc être censuré en tant que tel par le Conseil constitutionnel, je ne suis pas certain qu'une nouvelle disposition législative soit nécessaire pour mettre en œuvre la solution préconisée par le rapporteur. Il est sans doute d'ores et déjà possible de placer, dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance, un mineur ayant déjà passé deux ans en détention provisoire dans un établissement fermé. Pour le reste, j'approuve l'argumentation du Garde des Sceaux.

M. Noël Mamère - Une fois n'est pas coutume, je la partage moi aussi totalement. Dictée par le respect du droit, elle ne sacrifie pas à l'émotion. Nous avons d'ailleurs bien senti la gêne du rapporteur pour répondre à la demande de l'un de ses amis politiques... (M. le rapporteur fait un geste de dénégation) Nous ne pouvons pas légiférer sous le coup de faits-divers tragiques, aussi barbares soient-ils. Nous sommes là pour construire l'Etat de droit, non pour voter des lois de circonstance. Quoi qu'ait essayé de démontrer le rapporteur, cet amendement constitue bel et bien un cavalier. Il serait de surcroît contraire, cela a été dit, à la Convention européenne des droits de l'homme et à la Convention internationale des droits de l'enfant. Mais nos collègues ont de la suite dans les idées : ils veulent tordre le cou à l'ordonnance de 1945...

M. Thierry Mariani - Elle date de soixante ans !

M. Noël Mamère - ...ce qui a contraint le rapporteur à « bidouiller » leurs propositions pour qu'elles paraissent acceptables. C'est encore vous et vos amis, Monsieur Mariani, qui aviez proposé d'abaisser l'âge de la responsabilité pénale.

M. Georges Fenech - Je comprends le souci de mes collègues. Pour autant, je partage les objections du Garde des Sceaux sur l'absence de délai-butoir. J'appelle par ailleurs l'attention du rapporteur sur deux difficultés, auxquelles il n'a peut-être pas pensé. D'une part, les juges d'instruction auront beaucoup de mal à trouver des places en centre éducatif fermé ; d'autre part, une fois majeurs, les intéressés ne relèvent plus de ce type d'établissements. Une autre solution, suggérée par l'association des magistrats instructeurs, aurait pu être de porter à trois ans le délai-butoir.

M. Christian Ménard - Monsieur le Garde des Sceaux, ce ne sont pas mes électeurs, mais les familles des victimes qui m'ont demandé d'intervenir dans ce débat. Je suis favorable à l'amendement de M. Mariani ainsi qu'au sous-amendement, et vais donc retirer le mien, tout en relevant une contradiction, qui n'échappera pas non plus aux avocats. Le texte proposé laisse la faculté au juge de maintenir le mineur plus de deux ans en détention provisoire sans qu'ait pour autant été modifié l'article de l'ordonnance de 1945 fixant la limite à deux ans.

L'amendement 62 rectifié est retiré.

M. le Président - J'ai cru comprendre que l'adoption du sous-amendement 73 rendrait l'amendement plus acceptable pour le Gouvernement...

M. le Garde des Sceaux - Un peu moins inacceptable. Sagesse, par conséquent.

Le sous-amendement 73, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 51 rectifié, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Garde des Sceaux - L'amendement 7 2e rectification a pour objet de légaliser les fichiers d'analyse criminelle, comme SALVAC et Anacrim, nécessaires à l'identification des auteurs de crimes en série et qui, pour ce faire, contiennent plus d'informations que les fichiers traditionnels de la police judiciaire, et notamment des informations relatives aux témoins. Bien entendu, ces fichiers ne sont utilisés qu'à des fins de police judiciaire, et non de police administrative. Ils ne contiennent pas les antécédents de telle ou telle personne, mais décrivent les modes opératoires de certains criminels, aux fins de comparaison avec des affaires non résolues.

M. le Rapporteur - Favorable.

M. Noël Mamère - Voici un nouveau fichier, qu'on pourra croiser avec d'autres - et je crois qu'on les conserve quarante ans. Nous sommes dans une zone d'ombre du droit, puisque la CNIL ne sera pas consultée. Je ne peux que m'opposer à cet amendement.

L'amendement 72e rectification, mis aux voix, est adopté.

AVANT L'ART. 15 BIS

M. Thierry Mariani - Il arrive que le juge oublie de statuer sur le retrait de l'autorité parentale au parent condamné pour inceste. Une fois sorti de prison, celui-ci peut, s'il est dans le besoin, demander, en vertu de l'article 205 du code civil, des aliments à l'enfant victime devenu adulte ! Mon amendement 52 rend obligatoire le prononcé d'une décision par le juge pénal sur cette question. Toutefois, au regard des circonstances et de facteurs d'ordre psychologique, le juge conserverait la possibilité de ne pas prononcer le retrait de l'autorité parentale.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. le Garde des Sceaux - Favorable, sous réserve de quelques améliorations de rédaction qui pourront intervenir pendant la navette.

M. Noël Mamère - A première vue, on pourrait être favorable à une telle disposition. Mais beaucoup d'entre nous, qui sommes maires, n'ignorent pas la misère sociale dans laquelle vivent ces familles et l'absence criante de moyens pour les accompagner. En réalité, le terme de déchéance est détestable. On ne peut imposer ainsi la déchéance du parent défaillant, alors qu'il y a des possibilités de reconstruire une structure familiale. Pensons à ce qui s'est passé, sous le coup de l'émotion, dans les affaires d'Outreau et d'Angers.

L'amendement 52, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 20 aggrave la répression des viols commis en série, leurs auteurs étant particulièrement dangereux et le risque de récidive très élevé. Actuellement, la peine maximale est identique - quinze ans de réclusion - pour l'auteur d'un viol unique et pour celui de viols en série. Nous proposons de la porter à vingt ans pour le second.

M. Jean-Paul Garraud - Mon amendement 34 rectifié est identique. Le violeur en série, bien plus dangereux, mérite une sanction plus lourde.

Les amendements 20 et 34 rectifié, mis aux voix, sont adoptés.

M. Thierry Mariani - M. Mamère va pouvoir une fois de plus lever les bras au ciel... Je veux en effet revenir sur la loi du 16 juin 2000, dite loi relative à la présomption d'innocence. Celle-ci ayant posé des limites à la durée de la détention provisoire, il arrive que des criminels dangereux soient libérés avant la fin de l'instruction. Les socialistes expliqueront qu'ils ont prévu des garde-fous : la chambre de l'instruction peut, à titre exceptionnel, prolonger la détention provisoire de quatre mois, renouvelables une seule fois, quand l'instruction doit se poursuivre et que la mise en liberté présente un risque d'une particulière gravité. Aujourd'hui, le juge peut placer un dangereux criminel en détention pendant deux ans au maximum si la peine encourue est inférieure à vingt ans de réclusion, - soit le placement pour un an et deux prolongations de six mois -, trois ans dans les autres cas, avec quatre prolongations de six mois, et quatre ans au maximum pour trafic de stupéfiants, proxénétisme, extorsion de fonds ou crime en bande organisée. Ensuite, si l'instruction n'est toujours pas terminée, on libère les intéressés. Mon amendement 50 permet de prolonger la détention provisoire jusqu'à l'ordonnance de règlement. La commission l'a rejeté. Mais j'insiste. Peut-on ainsi remettre en liberté des individus potentiellement dangereux pour l'ordre public parce que le juge d'instruction n'a pas pu clore l'information dans les délais ? Ma proposition revient à l'esprit de la loi de 1989.

M. le Rapporteur - La commission a effectivement repoussé cet amendement qui supprime toute limitation de la détention provisoire. Elle peut déjà atteindre quatre ans et huit mois pour les crimes contre les personnes. Ce délai est suffisant pour traiter les affaires.

M. le Garde des Sceaux - Je ne comprends pas ce type d'amendement. Nous sommes dans un Etat de droit. Il se caractérise par l'existence de voies de recours, le respect des droits de la défense, des délais et formalités, contenus dans le code de procédure. Ne pas s'y conformer, c'est tomber dans l'abus de droit.

Certes, il y a des instructions qui n'en finissent pas. Faut-il pour autant abandonner un des éléments fondamentaux du droit dans une démocratie ? En outre ce que vous proposez est évidemment contraire à la convention des droits de l'homme, serait évidemment censuré par le Conseil constitutionnel, et politiquement, ce n'est vraiment pas la façon de régler le problème.

Je suis moi aussi très préoccupé par ces instructions qui se prolongent. M. Vioux, procureur général de Lyon, a rendu un rapport très intéressant sur le sujet et propose notamment de créer, dans la chambre d'instruction, un référent pour les cabinets d'instruction. Mieux vaut donner les moyens juridiques et humains qui permettront de boucler les instructions que de supprimer les délais, ce qui est contraire à toute la tradition juridique française et européenne, et à la Constitution. Bref, ce n'est pas possible, Monsieur Mariani.

M. Noël Mamère - Je ne peux qu'abonder dans le sens du Garde des Sceaux. M. Mariani n'a décidément pas changé : il voudrait toujours plus de prisons et de prisonniers, alors que nos prisons sont déjà surpeuplées et que les gens restent déjà beaucoup trop longtemps en détention provisoire ! M. Mariani sait fort bien que son amendement est inacceptable, car contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, mais par démagogie et pour faire plaisir à une partie de son électorat, il le présente quand même !

M. Hervé Morin - Ce n'est pas parce que la justice se montre parfois très lente qu'il faut prolonger à l'infini la durée de la détention provisoire ! Il faudrait plutôt s'attaquer à ses dysfonctionnements !

Je rappelle aussi à M. Mariani la présomption d'innocence : tant que l'on n'est pas condamné, on est présumé innocent. Et l'on n'est donc pas censé rester en prison.

Enfin, je conviens avec lui qu'il existe de dangereux criminels, mais n'oublions pas pour autant le risque d'erreur judiciaire.

M. Jean-Paul Garraud - Il ne faut pas accuser les juges d'être à l'origine de tous les dysfonctionnements. Il y a des affaires difficiles et des cas qui posent problème. Je pense par exemple à ce hold-up avec prise d'otages dont on avait arrêté l'un des auteurs. Certaines dates-butoir ayant été dépassées, il avait fallu le relâcher alors même que ses complices n'avaient pas encore été arrêtés.

M. Thierry Mariani - Je ne fais, Monsieur le Garde des Sceaux, que proposer d'en revenir à la situation de 1989.

M. le Garde des Sceaux - Mais les choses ont beaucoup évolué depuis.

M. Thierry Mariani - Nous ne vivions pas alors, que je sache, dans un Etat fascisant qui faisait fi des libertés individuelles !

Il me semble en outre que je place plusieurs garde-fous, puisque le magistrat ne pourrait prolonger la détention provisoire que pour quatre mois et par une décision motivée.

Enfin, je n'agis pas sous le coup de l'émotion, mais il y a quand même des cas révoltants !

M. le Garde des Sceaux - Depuis 1989, nous avons connu des condamnations en cascade de la Cour européenne des droits de l'homme. C'est ce qui fait, Monsieur Mariani, que l'on ne peut pas revenir en arrière. Libre à vous de le déplorer, mais c'est ainsi.

M. Christophe Caresche - De plus, cet amendement est un cavalier.

L'amendement 50, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 15 BIS

L'article 15 bis, mis aux voix, est adopté.

ART. 15 TER

L'article 15 ter, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 15 TER

M. le Rapporteur - L'amendement 22 de la commission a pour objet d'améliorer l'efficacité de la réponse pénale aux faits de violence intrafamiliale et de prévenir la récidive en offrant un fondement légal clair aux pratiques judicieuses de certains procureurs de la République.

L'amendement dit donc que l'auteur des faits peut être soustrait du foyer conjugal pour être placé en garde à vue ou en foyer afin que la victime demeure dans son domicile, et qu'il peut être astreint à une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique.

L'expérience de Douai montre que ces méthodes sont très concluantes.

M. le Garde des Sceaux - Le Gouvernement est très favorable à cette consécration de la pratique de certains procureurs.

M. Hervé Morin - Mon sous-amendement 79 inclut le placement sous surveillance électronique mobile dans les modalités possibles du régime de la mise à l'épreuve.

Le sous-amendement 79, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 22, mis aux voix, est adopté.

ART. 15 QUATER

M. le Président de la commission - M. Warsmann a fait sur cet article un important travail de précision. Son amendement 42 précise que le juge des libertés qui peut autoriser, au titre de l'article 76 du code de procédure pénale, la conduite d'une perquisition sans l'assentiment de la personne concernée est celui du tribunal de grande instance dont le procureur dirige l'enquête ou bien de celui dans le ressort duquel la perquisition doit avoir lieu. Son amendement 43 est de coordination, le 44 est un amendement de précision, le 45 corrige une erreur de référence, le 46 répare un oubli, le 47 corrige une imprécision rédactionnelle, le 48 met fin à une incertitude concernant la conversion des jours-amendes impayés et le 49 corrige une erreur de référence.

Les amendements 42 à 49, acceptés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 15 quater, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 15 QUATER

M. Christophe Caresche - L'amendement 64 est défendu.

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé, mais sans conviction. Cet avis pourrait évoluer...

M. le Garde des Sceaux - Avis favorable.

L'amendement 64, mis aux voix, est adopté.

AVANT L'ART. 16

M. le Rapporteur - L'amendement 76 précise l'intitulé du titre IV.

L'amendement 76, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Le 23 rectifié est un amendement de précision.

L'amendement 23 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

ART. 16

M. le Garde des Sceaux - L'amendement 53 du Gouvernement précise que les nouvelles dispositions permettant aux juridictions de l'application des peines de placer certains condamnés sous surveillance judiciaire afin de prévenir la récidive sont immédiatement applicables. L'application de ces dispositions à des personnes condamnées pour des faits commis avant l'application de la loi nouvelle est constitutionnellement possible pour deux raisons. D'une part, parce qu'il s'agit non pas d'une peine, mais d'une modalité d'application de la peine rendant possible le prononcé d'obligations pendant une durée égale à celle des réductions de peine dont le condamné libéré a bénéficié. D'autre part, parce que ces obligations ne constituent pas des sanctions, mais des mesures de sûreté - ou, pour reprendre l'expression du Conseil constitutionnel, des mesures de police - destinées à lutter contre la récidive.

En effet, si le 3° de l'article 112-2 du code pénal précise que les lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines sont d'application immédiate sauf si elles rendent plus sévère l'exécution de la peine, cette exception a toujours été considérée, tant lors de l'adoption du nouveau code pénal en 1992 - le ministre étant alors M. Badinter - que dans la circulaire d'application et par la doctrine, comme ne répondant pas à une exigence constitutionnelle ; le législateur peut donc y déroger s'il le souhaite.

En outre, dans sa décision du 2 mars 2004 relative à la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, le Conseil constitutionnel a autorisé l'application des dispositions sur le fichier des auteurs d'infractions sexuelles à des personnes condamnées pour des faits commis avant cette loi, en observant qu'il ne s'agissait pas d'une sanction mais d'une mesure de police, destinée à prévenir le renouvellement d'infractions - ce qui est également le cas ici.

Par ailleurs, le placement sous surveillance judiciaire devra être ordonné, non par le juge de l'application des peines, mais par le tribunal de l'application des peines, et le condamné pourra demander une contre-expertise s'il conteste les conclusions de l'expertise constatant sa dangerosité. Il est dès lors certain que ce placement ne pourra intervenir que s'il est absolument justifié.

Du fait de ces différentes garanties, les principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité sont pleinement respectés.

M. le Rapporteur - La commission a accepté cet amendement. Elle retire donc à son profit l'amendement 24, qu'elle avait adopté en juillet dernier.

M. Noël Mamère - Considérant qu'il s'agit de peine et non de mesure de sûreté, nous saisirons le Conseil constitutionnel. Cet amendement relance la polémique sur la rétroactivité de la loi pénale.

M. Jean-Pierre Soisson - Je remercie la commission d'avoir retiré son amendement, et le Garde des Sceaux d'avoir fourni à l'Assemblée des indications qui apportent toutes garanties.

L'amendement 53, mis aux voix, est adopté et l'article 16 est ainsi rétabli.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Christophe Caresche - Le texte sur lequel nous nous prononçons comporte des évolutions sensibles par rapport à la première lecture. Certaines sont positives, en particulier concernant le bracelet électronique mobile, même si je maintiens une réserve sur le dispositif de surveillance judiciaire - j'avais moi-même déposé en première lecture un amendement demandant que cette mesure s'inscrive dans le cadre du suivi socio-judiciaire. D'autres, conséquences de certains événements ou de pressions, sont négatives, puisqu'elles vont dans le sens d'un durcissement des peines au lieu de favoriser la réinsertion.

Mais la discussion parlementaire n'est pas terminée, et d'autres évolutions sont encore possibles. A ce stade, le groupe socialiste votera contre ce texte, sans qu'il s'agisse d'opposition « radicale », comme je l'ai lu ce soir dans un journal, mais dans l'attente des autres étapes.

M. Georges Fenech - Au nom du groupe UMP, je tiens à féliciter les promoteurs de cette proposition de loi, à commencer par le Garde des Sceaux, à l'époque président de la commission des lois, mais sans oublier naturellement l'actuel président et le rapporteur.

Nous n'en sommes pas encore à l'aboutissement du processus législatif, mais nous approchons du but, après une lente maturation. Ce texte équilibré apporte des réponses graduées à la délinquance, il donne des instruments juridiques nouveaux, notamment avec la surveillance judiciaire - sur la constitutionnalité de laquelle nous n'avons pour notre part aucun doute -, ainsi que des outils techniques très novateurs comme le bracelet électronique mobile - pour lequel la clé de la réussite me semble être la nomination d'un chef de projet, comme j'en avais émis le souhait dans mon rapport. Je note aussi votre engagement, Monsieur le Garde des Sceaux, de constituer une mission sur la dangerosité.

Ce texte va permettre à la fois de mieux lutter contre la récidive et, en dépit des critiques un peu rapides de l'opposition, de favoriser la réinsertion, en particulier grâce aux soins qui seront dispensés aussi bien en détention qu'en milieu ouvert.

Ce texte, attendu par nos concitoyens et par les praticiens du droit, répond à une nécessité, sans démagogie et dans la sérénité. Je constate que M. Caresche a parlé d'évolutions positives : au moins nous retrouvons-nous sur un certain nombre de points essentiels.

M. Hervé Morin - Comme nous l'avons dit et répété, le traitement de la récidive suppose une politique globale, allant bien au-delà du contenu de ce texte et touchant aussi bien aux conditions d'incarcération - dont l'amélioration nécessite beaucoup de moyens, nous en sommes conscients - qu'au développement de dispositifs évitant les sorties sans suivi et à un accompagnement global, dans lequel le bracelet électronique mobile a sa place.

Des améliorations ont été apportées à ce texte, notamment à partir des observations faites par notre collègue Zocchetto au Sénat ; les éléments les plus choquants ont été supprimés. Le groupe UDF, dans l'attente de la CMP, le votera donc.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

M. le Garde des Sceaux - Permettez-moi de remercier tout particulièrement le rapporteur, qui depuis près de vingt mois travaille sur ce texte, ainsi que l'administrateur de la commission qui en a été une cheville ouvrière. Je voudrais remercier aussi le Président Houillon, qui a pris le relais avec brio et compétence.

Ce texte n'est pas du tout qu'un texte de répression. Bien entendu, il vise à affirmer la sûreté de la peine, mais nous avons recherché l'équilibre. La conclusion que je tire, c'est que le parlementarisme est une chose bien faite : grâce aux navettes, le texte a été amélioré et le sera encore, et sera en fin de course de très bonne qualité. Il a été récemment médiatisé, j'y ai sans doute une part de responsabilité et j'en suis désolé. Cela n'a pas empêché un dialogue de grande qualité dans cet hémicycle, ce dont je remercie particulièrement Christophe Caresche, qui a travaillé avec nous sans cacher ses convictions - et c'est bien légitime ! - mais toujours dans un esprit constructif. Notre objectif partagé est bien entendu de prévenir les cas de récidive, si insupportables pour l'ensemble de la collectivité nationale. Bien sûr, nous ne disposons pas de la martingale qui nous permettrait de faire advenir un monde parfait, mais il est de notre devoir de mobiliser tous les moyens que nous donne l'avancée des techniques pour proposer de nouvelles solutions.

Je m'adresse à présent aux victimes, d'abord pour les remercier d'avoir participé à l'élaboration de ce texte, ensuite pour les assurer de notre détermination à boucler rapidement le travail législatif et à mettre en application les principales dispositions le plus vite possible. Il existe certainement un délai incompressible de mise au point technique, les appels d'offres devant obéir à une procédure strictement encadrée, mais j'ai bon espoir que les effets du bracelet électronique seront mesurables avant cinq ans...

M. le Rapporteur - Deux ou trois ans seraient préférables !

M. le Garde des Sceaux - Nous pouvons nous séparer en ayant le sentiment d'avoir fait avancer le droit pénal, de surcroît sans aucun esprit partisan. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

FIN DE MISSIONS TEMPORAIRES

M. le Président - M. le Premier ministre m'a informé de l'achèvement des missions temporaires confiées respectivement à MM. Cornut-Gentille et Godfrain.

SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le Président - J'informe l'Assemblée que la commission des finances a décidé de se saisir pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

Prochaine séance, lundi 17 octobre 2005, à 15 heures.

La séance est levée à 19 heures 30.

              La Directrice du service
              du compte rendu analytique,

              Catherine MANCY

ORDRE DU JOUR
DU LUNDI 17 OCTOBRE 2005

QUINZE HEURES - 1re SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 2341) d'orientation agricole.

Rapport (n° 2547) de M. Antoine HERTH, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Avis (n° 2544) de Mme Brigitte BARÈGES, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Avis (n° 2548) de M. Marc LE FUR, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE - 2e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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