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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 11ème jour de séance, 25ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 19 OCTOBRE 2005

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD

vice-présidente

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2006 (suite) 2

      ORDRE DU JOUR DU JEUDI 20 OCTOBRE 2005 28

La séance est ouverte à vingt-deux heures.

LOI DE FINANCES POUR 2006 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2006.

M. Jean-Pierre Brard - Ce projet de loi de finances, devenu en somme bisannuel, marque une nouvelle étape dans la destruction programmée de l'impôt progressif. Les martingales fiscales de M. de Villepin visent le même l'objectif que les budgets précédents : réduire l'impôt des plus fortunés au prétexte que la baisse des prélèvements obligatoires est la condition sine qua non de la croissance économique. Malheureusement, l'expérience prouve que la baisse des impôts progressifs est aussi injuste qu'inefficace.

Du reste, la pensée unique, sur ce sujet, est de plus en plus souvent contestée. Selon M. Eric Heyer, analyste de l'OFCE, interrogé dans Le Monde du 4 octobre, « donner 100 euros à un ménage modeste ou à un ménage fortuné n'a pas le même impact sur la croissance » car « le premier en dépensera la quasi-totalité et dynamisera l'activité, alors que le second en épargnera une partie ». Par ailleurs, il montre que le gain obtenu grâce aux réductions d'impôt sera d'autant plus grand que le revenu est élevé, notamment à partir de 11 200 euros. Il ajoute que le niveau des prélèvements obligatoires ne constitue en rien un frein à la croissance puisque la France « se classe, selon les années, au deuxième ou au troisième rang mondial pour le montant des investissements directs étrangers ».

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - C'est complètement faux !

M. Jean-Pierre Brard - Et M. Heyer d'affirmer : « Il fait bon vivre en France » - mais nous le savions déjà (Sourires). Il souligne que la baisse de l'impôt sur le revenu, le seul qui soit progressif et redistributif, conjuguée à un taux de prélèvement constant revient à faire porter le fardeau de l'assurance-maladie et des retraites par la CSG et les cotisations salariales qui pèsent, elles, de la même façon sur les riches et les pauvres. Il conclut qu'affecter la même progressivité à l'impôt sur le revenu et à la CSG aurait été plus équitable et plus efficace car il aurait été possible, avec une assiette fiscale élargie, de baisser les taux d'imposition.

Cette analyse est confirmée par un récent rapport de l'OCDE, intitulé « Statistiques des recettes publiques », qui fait apparaître que la baisse de l'impôt sur le revenu - 25% des recettes fiscales des pays membres aujourd'hui contre 30% au milieu des années 1980 - s'est accompagnée d'une forte augmentation des cotisations sociales : celles-ci représentent le premier poste de recettes publiques avec 26 % du total. Cette augmentation des cotisations sociales, si elle peut s'expliquer partiellement par l'aggravation du chômage, le vieillissement des populations et la progression des dépenses publiques de santé, est d'abord le reflet d'une volonté politique : réduire le poids de l'impôt direct progressif au mépris de la justice fiscale.

Cette volonté se heurte depuis quelques mois à une résistance nouvelle. Dans Les Echos du 12 octobre, M. Stéphane Dupont, écrit ainsi : « Et si Dominique de Villepin avait enfourché le mauvais cheval de bataille ? En promettant de simplifier et de réduire l'impôt sur le revenu, en 2007, le Premier ministre pensait, apparemment, avoir trouvé l'arme électorale fatale. Il pourrait bien déchanter. » Il commente ensuite les revers électoraux qu'ont connus les partisans de la flax tax, l'impôt à taux unique, en Pologne et en Allemagne le mois dernier. Pour lui, « c'est le principe même des baisses d'impôts qui semble passé de mode sur le Vieux Continent. » Seules l'Italie et la France poursuivent dans cette voie. Monsieur le rapporteur général, la compagnie de M. Berlusconi n'a rien de flatteur, vous nous aviez habitué à mieux choisir vos relations !

Soulignons que cette opposition croissante et légitime des opinions au dogme des réductions d'impôts a pour effet de figer les écarts d'imposition entre membres de l'Union. Cela constitue assurément un poison redoutable pour l'avenir de la construction européenne car la concurrence fiscale y est rude. En 2004, indique le Centre d'études prospectives et d'informations internationales, les taux d'imposition nominaux maximaux sur les sociétés étaient de plus de 35% en Allemagne, en France et en Italie, contre seulement 19% en Pologne et en Slovaquie, 15% en Lettonie et en Lituanie, voire nuls - pour les bénéfices réinvestis - en Estonie. L'enjeu étant d'attirer les entreprises, ou de ne pas les laisser partir, la concurrence fiscale pourrait se traduire par une déformation de la structure des dépenses publiques en faveur des entreprises et au détriment des ménages, souligne l'étude du CEPII.

Dans notre pays aussi, l'état d'esprit des contribuables évolue. Ils comprennent beaucoup mieux comment vous siphonnez leurs portefeuilles tandis qu'ils sont distraits par vos miroirs aux alouettes. Le personnel politique progresse beaucoup dans la maîtrise du vocabulaire, en donnant de nouveaux sens aux mots, comme ces coquillages que le cuisinier vide du mollusque d'origine pour y mettre ce qu'il a préparé.

M. Yves Jego - Voilà un homme qui s'y connaît en mollusques !

M. Jean-Pierre Brard - Je ne voulais pas être désagréable, mais il est vrai qu'à force de voir certains d'entre vous, je commence à bien les connaître ! Idéologiquement parlant, j'entends.

Entre 2002 et 2005, les baisses de prélèvements obligatoires sur les ménages se sont élevées au total à 9 milliards : 5,9 milliards d'allègement de l'impôt sur le revenu, 2,1 milliards de prime pour l'emploi ; 1 milliard d'allègement des diverses taxations sur le patrimoine. Elles ont pour l'essentiel bénéficié aux privilégiés, et ont été plus que compensées par des hausses - 10,6 milliards au total - qui ont été pour l'essentiel supportées par les plus modestes : 5,7 milliards pour les prélèvements sociaux et 3,6 milliards pour la fiscalité locale, auxquels s'ajoute un relèvement de la fiscalité sur le tabac et les produits pétroliers.

L'absence de réduction des prélèvements se double d'un transfert des prélèvements progressifs vers les prélèvements non progressifs. Le même mécanisme se profile pour 2006 et 2007, avec des baisses d'impôts liées pour 3,5 milliards à la révision du barème et pour 400 millions au bouclier fiscal, parallèlement à une augmentation des cotisations de retraite des salariés de 666 millions d'euros par an.

D'après le rapport économique, social et financier, le taux de prélèvement est passé de 43,4% du PIB en 2004 à 43,9% en 2005 et devrait s'établir à 44% en 2006. Autant dire que les affirmations de M. Breton hier n'étaient que calembredaines. Le taux de prélèvement de l'Etat devrait baisser de 17% à 15,9%, mais celui des collectivités territoriales devrait augmenter de 5,6% à 5,8% et celui des administrations de sécurité sociale de 20,9% à 22,1%. Je rappelle en outre que les prélèvements assis sur la consommation, comme la taxe sur la valeur ajoutée ou la taxe intérieure sur les produits pétroliers, frappent tous les contribuables de la même manière, quels que soient leurs revenus.

Ces prélèvements de plus en plus injustes sont-ils économiquement efficaces, comme on voudrait nous le faire croire ? A l'évidence non. Le dernier point de conjoncture de l'INSEE confirme la prévision d'une progression du PIB de 1,5% cette année. La création d'emplois aidés, tout particulièrement dans le secteur non marchand, à laquelle vous avez dû vous résoudre au vu du fiasco de vos recettes libérales, devrait alimenter la consommation et compenser sur le plan statistique, mais non au niveau de chaque ménage, l'amputation du pouvoir d'achat résultant de la hausse du prix des produits pétroliers. Les collègues qui ont parlé cet après-midi d'augmentation du pouvoir d'achat sont victimes d'hallucinations ! La réalité de l'évolution du pouvoir d'achat est décrite par ce graphique publié dans Capital (M. Brard le montre) : 2001 : + 2,1% ; 2003 : - 0,8% ; 2004 : + 0,1%. Et il ne s'agit là que d'une évolution moyenne ; la situation est beaucoup plus défavorable pour les plus modestes.

Evidemment, la hausse du prix des produits pétroliers ne pénalise pas tout le monde : pour les compagnies pétrolières, elle provoque une explosion des profits, ce qui a contraint M. Breton à essayer de faire croire qu'il allait les mettre à contribution. « Quand j'ai convoqué les pétroliers, ils sont venus et ont fait ce que je souhaitais, notamment en s'engageant à augmenter les capacités de raffinage et à investir dans les énergies alternatives », a-t-il déclaré dans Le Parisien. On peut cependant douter de son autorité car le seul résultat constaté par les consommateurs a été l'augmentation du prix à la pompe. Je l'ai vu à 1,449 € pour le sans plomb 98 ! Je me perds en conjectures : est-ce que par hasard le ministre de l'économie et des finances n'arriverait pas à se faire écouter des pétroliers parce qu'il n'est pas assez ferme avec eux ? Sans doute qu'à force de les fréquenter, il finit par ne pas résister à leurs arguments !

M. Hervé Novelli - Je n'en crois rien !

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur Novelli, vous avez de bonnes raisons de comprendre ce que je dis, car tous ces gens baignent comme vous dans le bain libéral ! Nous n'avons pas la même vision. Vous voudriez revenir au temps béni où le Tiers état faisait vivre les deux autres ordres comme sur la fameuse gravure.

Pour qu'on ne pénalise pas les siens, les nantis, les privilégiés, les pansus et les ventrus qui se nourrissent du travail des autres, M. Breton a autorisé que Total utilise le « bénéfice mondial consolidé », statut fiscal qui permet à l'entreprise de payer ses impôts dans le pays où elle réalise ses activités, et surtout de faire remonter ses pertes.

D'une manière générale, les profits et les dividendes sont à la fête cette année. Quelques résultats de sociétés du CAC 40 au premier semestre 2005 sont révélateurs du bonheur des actionnaires dans notre bon pays. Total : + 44 %. Je ne parle pas de France Télécom, dont le président, qui nous a coûté des dizaines de milliards d'euros, coule des jours tranquilles sans avoir à répondre de sa gestion. BNP Paribas : + 27%. AXA : + 31%. Société Générale : + 30%. Renault : + 54%. Arcelor : + 124%. Vivendi Universal : + 49% - j'en passe.

Selon les gazettes, Matignon aurait donné son feu vert à un amendement ayant pour objet - je parle sous le contrôle de M. Novelli ...

M. Hervé Novelli - Je ne suis pas le seul signataire !

M. Jean-Pierre Brard - Oui, pour commettre un forfait, il vaut mieux être plusieurs ! Cet amendement aurait pour objet d'exonérer de l'assiette de l'ISF à concurrence de 75% les parts et actions nominatives, lorsque leur propriétaire exerce son activité principale comme salarié ou mandataire social dans la société, beau cadeau qui s'ajoute au mécanisme du bouclier fiscal. Nous avons affaire à une vraie manipulation s'agissant de ce dernier dispositif, puisque M. Copé dit qu'il va bénéficier aux couches moyennes...

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat - Et modestes !

M. Jean-Pierre Brard - Ça, c'est nouveau, et d'autant plus imprévu que les intéressés n'ont pas remarqué cette délicate affection. A moins que ce soit le principe qui aime bien châtie bien, car au vu de ce que vous leur avez pris, vous devez beaucoup les aimer ! Mais ils commencent à trouver la potion un peu amère...

En réalité, la réduction de l'ISF devrait profiter à 93 000 ménages. Si l'on en croit les indiscrétions publiées par le Canard Enchaîné, et elles sont fiables car soufflées par ceux qui rédigent les textes, la réforme profitera à 14 000 contribuables soumis à l'ISF, qui se verront rembourser 18 000 euros par foyer, soit bien plus que le revenu annuel d'un smicard.

M. Seillière était votre mentor, mais on a troqué l'aristocratie contre la roture et j'ai bien peur qu'avec Mme Parisot, nous ayons à regretter le Baron : la présidente du Medef n'a-t-elle pas déniché les causes du « désenchantement des Français » ? Le coupable serait le code du travail !

Monsieur le ministre, vous dites toujours qu'il faut que nous soyons plus productifs ; il a pourtant été largement démontré que les Français l'étaient déjà beaucoup. Mais vous ne récompensez pas la peine qu'ils se donnent de façon équitable. Ceux qui dégustent un « foie de canard sous la cendre au vin de pêches », suivi de « l'œuf de poule au caviar », puis du « bouillon de homard à la citronnelle », de la « rissole feuilletée de goûteuse volaille à la Dauphine », « dentelle de choux en jus de truffes » et, pour finir, le « flan brûlé rafraîchi d'améthyste d'abricot », ont-ils été productifs ? Non, ils se sont enrichis du travail des autres, ceux que vous réduisez à une vie difficile.

Votre politique répond à ce qui est inscrit sur les affiches du CCFD : « Tu mangeras quand tu seras compétitif » ! Nous la condamnons et nous nous battrons pour que s'installent d'autres rapports sociaux. J'en ai terminé, Madame la présidente, et je sens bien que M. Mariton est tout coi car il ne supporte pas qu'on lui montre ce sein dont il fait semblant de s'outrager, alors qu'il regarde par le trou de la serrure. (Sourires sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Bouvard - Avec le projet de loi de finances 2006, le Gouvernement affiche sa volonté de poursuivre le redressement des finances publiques, d'engager une réforme fiscale trop longtemps différée et d'affecter les crédits au soutien à l'emploi et aux missions régaliennes de l'Etat. Je souscris bien volontiers à cette politique qui correspond aux attentes du plus grand nombre de nos concitoyens.

Il s'agit du premier budget organisé selon la LOLF : le Parlement met beaucoup d'espoir dans ce nouveau dispositif, qui permettra d'appréhender l'efficacité de la dépense publique en apportant plus de transparence dans l'affectation des ressources. En ouvrant un droit d'amendement au sein de chaque mission, le législateur a souhaité traduire cette capacité d'évaluation par une possibilité de réaffectation des ressources entre programmes d'une même mission, innovation que nous entendons utiliser dès cette année.

S'agissant de la maquette budgétaire, force est de constater que, sur quelques points importants, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Ainsi le programme « équipement des forces » de la mission défense atteint-il un montant de crédits fongibles inégalés. Tout en comprenant le besoin d'une gestion active des autorisations d'engagement, nous souhaitons distinguer dans ce périmètre deux programmes, l'un dédié à l'armement nucléaire, l'autre à l'armement conventionnel. De même, il serait souhaitable que le programme « préparation et emploi des forces » puisse identifier clairement les actions de recrutement et de formation des personnels.

Il conviendrait d'isoler aussi, au sein de la mission « développement et régulation économique », un programme spécifique au développement des entreprises à l'étranger, qui permettrait un suivi plus fin du travail d'accompagnement à l'exportation.

Je souhaite par ailleurs saluer les progrès très nets enregistrés dans la construction des indicateurs et dans la définition des objectifs. Il reviendra à chacun des rapporteurs spéciaux et pour avis de dire leurs appréciations à ce sujet puisque nous ne disposons pas sur cette partie, de capacité d'amendements. Cependant, quelques indicateurs demeurent faibles par rapport à leur intérêt, et même insuffisamment fiables : c'est le cas de l'indicateur sur la recherche, lié aux publications, puisque faute d'une règle correcte d'identification et d'imputation des résultats de la recherche, la ventilation des publications et brevets n'offre que peu de crédibilité, ce qui pénalise les universités françaises dans le fameux classement de Shanghai. Le comité national d'évaluation et, plus récemment, la Cour des comptes ont souligné ce point.

D'une manière générale, la commission des finances sera amenée à effectuer un recensement des indicateurs discutables ou perfectibles. Nous souhaitons pouvoir déterminer pour le DOB 2007 les améliorations souhaitables.

Quelques observations sur la première partie de la loi de finances. La première a trait au transfert au budget de la sécurité sociale d'une partie des recettes liées aux allégements de charges patronales. Je n'approuve pas cette mesure qui fait sortir du budget de l'Etat une partie de cette politique et rendra plus difficile l'évaluation de l'efficacité de ces allègements sur lesquels je nourris, au regard de leurs coûts en augmentation, les plus vives interrogations. Cette modification aboutit de plus à masquer une partie du coût des 35 heures.

Si l'esprit de la LOLF est bien l'évaluation d'une politique publique à coût complet, comment ne pas considérer que celle-ci serait plus facile en maintenant au budget de l'Etat l'ensemble des moyens financiers ? Le transfert à la sécurité sociale devrait au moins s'accompagner d'une révision du barème permettant de stabiliser cette dépense et de simplifier la lecture par les entreprises du taux des cotisations réellement acquittées : tel est le sens de notre amendement qui vise l'utilité de ces allégements dans la politique de soutien à l'emploi. En effet, il est temps de constater que ce dispositif est peut-être moins efficace pour la création d'emplois que les investissements civils ou un soutien accru à la recherche.

Le dossier sensible du financement des infrastructures de transport attend quelques clarifications. Je ne reviendrai pas sur mon intervention lors du récent débat sur la privatisation des autoroutes, mais la discussion de cette loi de finances doit permettre de préciser une fois pour toutes le périmètre des actions de l'AFITF. En effet, si les choses sont désormais claires s'agissant de ses recettes - et je salue l'affectation à son profit de quatre milliards d'euros, et non pas un milliard comme initialement prévu, sur le produit de la cession par l'Etat de ses participations dans les autoroutes -, cette même clarté est loin d'être atteinte en matière de dépenses. Quelles seront-elles, au-delà des infrastructures nouvelles décidées au CIADT de décembre 2003 ? Quelle part des contrats de plan l'AFITF devra-t-elle assumer ? Que recouvrent les travaux de sécurité mentionnés dans l'exposé des motifs de l'article 34, qui crée un compte d'affectation spéciale destiné à recevoir le produit des amendes des radars ? Je doute d'ailleurs de l'utilité de ce compte à la différence de celui qui gérera le patrimoine immobilier de l'Etat. Il est temps, en matière de financement des infrastructures, de rompre avec trente ans de pratiques où le budget des transports était une variable d'ajustement et où tous les dispositifs nouveaux devenaient au fil des ans des outils de débudgétisation avant d'être finalement supprimés - comme ce fut le cas du FITTVN, enterré par le gouvernement Jospin alors que nous l'avions créé en 1995.

Enfin, Monsieur le ministre, je suis comme vous, convaincu, du caractère indispensable de la réforme de l'Etat quand 45% du budget sont consacrés au paiement des rémunérations et pensions des fonctionnaires et 15% au service de la dette. Si cette réforme n'est pas engagée dès 2006, la réforme fiscale que vous proposez, et que nous soutenons, sera financée à crédit, ce que la situation de nos finances publiques ne permet pas. S'il importe de ne pas accroître la dette, il convient aussi de réduire progressivement les dépenses de personnel en rationalisant les structures de l'Etat et en procédant aux externalisations nécessaires, grâce notamment - comme le recommande la Cour des comptes -, à l'application des stratégies ministérielles de réforme - SMR. Le nouveau mode de recouvrement de la redevance audiovisuelle est une preuve que l'on peut réduire l'emploi public sans nuire à la qualité du service.

Parce que l'emploi public est un enjeu central et parce que les plafonds d'emploi public permettent aujourd'hui d'avoir enfin une idée réelle des effectifs rémunérés par l'Etat - 2 338 584 pour ce projet de loi de finances, à rapprocher des 2 180 240 emplois budgétaires à temps plein autorisés par la loi de finances pour 2003 tels que récapitulés dans les verts -, il nous faut maintenant identifier les moyens nécessaires à chaque ministère. Je vous remercie, Monsieur le ministre, d'avoir accepté devant la commission des finances, que puisse être reclassé l'article 55. Cela permettra au Parlement de pouvoir exercer pour la première fois son droit d'amendement sur ces plafonds. Il faudra le faire avec discernement mais avec la volonté de tirer les enseignements de l'évolution du nombre d'emplois budgétaires, passé de 2 090 272 à 2 180 240 entre 1991 et 2003, alors même que la charge des retraites de la fonction publique s'accroît à un rythme presque trois fois supérieur à celui du budget de l'Etat. Quatre vingt dix mille postes supplémentaires ont ainsi été pourvus en équivalent temps plein sans que pour autant le service public se soit amélioré pour nos concitoyens. L'Etat ayant sur la même période décentralisé une partie de ses compétences, les effectifs auraient d'ailleurs dû diminuer.

Comme mes collègues du groupe UMP, je soutiens ce budget dans lequel je veux voir un budget de transition, devant conduire à une plus grande transparence, une meilleure évaluation de la qualité de nos dépenses mais aussi une plus grande maîtrise de leur niveau. Ce qui était encore hier une recommandation pour notre pays dans un contexte de concurrence est devenu aujourd'hui une exigence si l'Etat entend encore remplir ses missions de solidarité entre les Français et de préparation de l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Pajon - Ce projet de budget est dangereux et mensonger. Espérons au moins que cette fois-ci, lorsqu'il sera pris en défaut, le Gouvernement fera preuve de responsabilité et n'invoquera pas, comme à l'accoutumée, l'héritage ou le prix des 35 heures... Il serait grand temps que la majorité UMP, maintenant au pouvoir depuis plus de trois ans, assume ses choix. Hélas, sa stratégie est avant tout idéologique. C'est d'ailleurs pourquoi elle a échoué et échouera encore.

Je ne reviens pas sur vos hypothèses utopiques. Chacun sait que le déficit budgétaire se creusera de façon alarmante dans les prochains mois. Quant à votre prévision de croissance de 2,25%, elle apparaît davantage comme une variable d'ajustement que comme une estimation réaliste. Et vos prévisions d'inflation ne tiennent pas compte de la hausse inquiétante des cours du pétrole.

Ce projet de loi de finances est idéologique. Tout d'abord, parce qu'il est au service d'une clientèle, celle constituée par les contribuables les plus aisés. Que visait donc le ministre lorsqu'il évoquait le 14 septembre dernier sur LCI « la première réforme fiscale aussi profonde jamais entreprise ». Certainement pas la TVA payée par tous, indépendamment des revenus, ni la fiscalité des entreprises, véritable usine à gaz tant les régimes dérogatoires se sont multipliés. Mais bien l'impôt sur le revenu, que ne paient que la moitié des foyers fiscaux et qui représente seulement 7,6% du PIB contre 26% au Danemark, 10% au Royaume-Uni ou 9% en Allemagne. Cet impôt, le seul, avec l'ISF, à être juste parce qu'il est progressif, est donc loin d'être confiscatoire dans notre pays. Hélas, sous couvert de le simplifier, le Gouvernement affaiblit sa progressivité. Pis, la réforme profitera surtout aux ménages les plus aisés. Un célibataire gagnant 1 300 euros par mois économisera royalement 60 euros par an, tandis que celui qui gagne 20 000 euros économisera, lui, 10 000 euros. Dans le même temps, la prime pour l'emploi sera en moyenne revalorisée de 4,70 euros par mois... Nos concitoyens des classes moyennes, censés être au cœur de vos préoccupations, ont intérêt à faire partie au moins de la classe moyenne supérieure ! Quant à la mesure-phare de la réforme, le fameux bouclier fiscal, elle coûtera 400 millions d'euros au bénéfice de 126 000 foyers fiscaux. Croyez-vous sincèrement que c'est en abaissant les impôts des plus riches que vous relancerez la consommation ? Fallait-il ainsi amputer les recettes de l'Etat par des mesures qui, mécaniquement, favoriseront l'épargne, alors qu'avec plus de 15%, le taux d'épargne des Français est déjà l'un des plus élevés au monde ?

Ce projet de loi travestit la réalité. Alors qu'il mène une politique catégorielle propre à flatter son électorat, le Gouvernement adopte une posture électoraliste en se vantant d'un budget stable. Je n'insisterai pas sur les tours de passe-passe par lesquels des baisses de charges, habituellement comptabilisées comme des dépenses, se transforment miraculeusement en moindres recettes. Je soulignerai surtout combien il est facile de baisser les impôts quand on fait supporter de plus en plus de charges aux collectivités. La réforme de la taxe professionnelle est, à cet égard, un bon exemple. Du fait d'un singulier mode de calcul du plafonnement, certaines entreprises sont aujourd'hui imposées de manière excessive, taxées à près de 10% de leur valeur ajoutée. Quelle bonne idée donc de plafonner cette taxe à hauteur de 3,5%, l'Etat s'engageant de plus à reverser le manque à gagner aux collectivités. Hélas, ceux d'entre nous qui sont maires ou présidents de conseils généraux savent que les compensations par l'Etat à l'euro près ne sont que promesses en l'air qui n'abusent que ceux qui les croient ! L'Etat devait ainsi rembourser à travers une dotation de compensation, le manque à gagner provoqué par la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle. Les collectivités y ont malheureusement perdu, la DCTP ayant été l'éternelle sacrifiée des dotations de l'Etat. Il en ira de même demain, d'autant que les compensations seront calculées une fois pour toutes sur les bases de 2004 sans réactualisation. On estime à 450 millions d'euros au moins le coût pour les collectivités de la nouvelle réforme de la taxe professionnelle - l'Assemblée des départements de France parle même de plus de 470 millions... À l'inverse, l'Etat ne se gêne pas pour ponctionner les finances locales afin de compenser la réduction de ses recettes due à l'assujettissement de France Télécom aux impôts locaux dans les conditions de droit commun, et ce alors même que les bases d'imposition de l'opérateur ont depuis diminué ! Aujourd'hui, France Télécom verse moins aux collectivités, mais celles-ci donnent toujours autant à l'Etat ! Dans ma commune, le manque à gagner s'élève à 500 000 euros. Comment après cela, Monsieur le ministre, osez-vous donner des leçons d'orthodoxie budgétaire ?

Par ailleurs, en ne cessant de tailler dans les crédits, notamment ceux des associations de terrain, le Gouvernement contraint les collectivités à augmenter les impôts locaux pour pallier ce désengagement. Cela est d'autant plus injuste que la fiscalité locale touche beaucoup plus de contribuables que l'impôt sur le revenu.

M. Marc Laffineur - Vous parlez en expert ! Il suffit de voir les régions dirigées par la gauche !

M. Michel Pajon - Le Gouvernement a ainsi beau jeu de montrer du doigt la hausse de la fiscalité locale. Mais les collectivités locales ne veulent plus être les dindons de votre farce budgétaire !

Ce projet de loi de finances enfin est dogmatique. Il applique mécaniquement des recettes libérales éculées...

M. Marc Laffineur - Le gros mot est prononcé !

M. Michel Pajon - ...sans se soucier du vécu des salariés - on en n'attendait pas moins de l'UMP -, mais surtout sans tenir compte des réalités économiques. Censé servir la « bataille pour l'emploi » lancée par le Premier ministre, il amalgame emploi et coût du travail, si bien que les allégements de charges deviennent l'arme absolue pour lutter contre le chômage. J'ai déjà parlé de la réforme de la taxe professionnelle. Je pourrais évoquer aussi la suppression de la surtaxe Juppé qui répond à la même logique : si la France va mal et si le chômage est élevé, c'est que les entreprises sont trop taxées. Or, le taux moyen d'imposition sur les sociétés n'est que 13,6% en France contre 13,8% au Royaume-Uni ! Et quand on sait que la productivité moyenne des salariés est plus forte en France qu'en Allemagne, qu'en Italie ou qu'au Japon, on se demande bien pourquoi le Gouvernement a pour seul leitmotiv le discours creux sur la « libération des énergies ». Pour lui, les énergies seraient corsetées par le droit du travail, les protections sociales et les taxes. Ces raisonnements sommaires sont tout simplement démentis par la réalité.

Le sacrifice des dépenses publiques n'aura d'autre conséquence en matière d'emploi que les habituels et éphémères effets d'aubaine. Pis, il compromettra à terme la croissance, l'Etat s'interdisant toute politique de relance. L'expression « pouvoir d'achat » est absente de ce budget, alors que c'est une des préoccupations majeures de nos concitoyens, comme ils vous l'ont dit dans la rue le 4 octobre dernier, et que ce devrait être le maître-mot d'une politique de croissance ! Or, les mesures prises en ce domaine sont soit extrêmement timides soit inopérantes. Vous réformez la fiscalité sur les donations - encore faut-il avoir un patrimoine à transmettre ! Qui, une fois de plus, profitera de cette réforme si ce n'est les contribuables qui épargnent ? Alors que l'Etat est censé « se serrer la ceinture » et qu'il n'existe pratiquement pas de marges de manœuvre, il est étrange de sacrifier ainsi des millions d'euros, en contradiction avec le plus élémentaire bon sens macroéconomique.

Le Gouvernement s'entête une fois encore dans le dogme du moins d'impôts, moins de charges, moins de taxes, sans que jamais une étude ait été commandée sur le bilan de ces allègements. Nous aimerions pourtant savoir quel est leur impact sur l'emploi.

M. François Rochebloine - Il ne connaît vraiment pas l'entreprise !

M. Michel Pajon - Pour prendre ces mesures budgétivores, on rogne les crédits des services publics qui sont pourtant l'un de nos grands atouts économiques. Les défendre, ce n'est pas défendre des structures archaïques, des employés privilégiés,..

M. Hervé Mariton - Quelle synthèse remarquable des âneries socialistes !

M. Michel Pajon - C'est défendre une vision cohérente et équilibrée de l'économie de marché. Brader le patrimoine public en privatisant, supprimer 2500 postes dans l'éducation nationale, faire des budgets en trompe-l'œil pour la santé et les transports, c'est hypothéquer l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Nicolas Perruchot - Notre collègue de Courson a exposé avec brio pourquoi ce budget fondamentalement insincère ne peut nous satisfaire.

M. Marc Laffineur - Ça commence mal !

M. Nicolas Perruchot - L'engagement de maintenir le déficit public sous les 3% du PIB, le bouclier fiscal, la multiplication des cadeaux fiscaux alors que la France est endettée comme jamais, autant de mesures que nous ne pouvons accepter, de mesures mensongères.

M. Gérard Bapt - Très bien !

M. Marc Laffineur - C'est peut-être un peu fort ?

M. Nicolas Perruchot - Elles masquent l'état de notre pays, et donc les solutions nécessaires pour engager la réforme en profondeur des finances publiques que nous attendons. Il est regrettable que cette année encore, le Gouvernement n'ait pas l'audace ou le courage...

M. Jean-Louis Dumont - Oui, c'est un manque d'audace.

M. Nicolas Perruchot - ...d'expliquer aux Français ce qu'une telle réforme implique.

Quel gouffre, en effet, entre le diagnostic et les solutions proposées !

Pour le Gouvernement, la lutte contre le chômage est un impératif absolu, mais il n'existe plus de marge de manœuvre budgétaire et, nous a dit le ministre de l'économie, la France vit au-dessus de ses moyens. Mais en quoi les mesures annoncées dans ce projet répondront-elles à une situation aussi alarmante ? La dette publique dépasse 1 160 milliards, elle n'est pas maîtrisée, pas plus que le déficit.

Il faut engager d'urgence une réforme en profondeur, et cesser de sacrifier l'avenir au présent, comme c'est le cas avec la privatisation des sociétés d'autoroutes qui rapportera 11 milliards dans l'immédiat, quand on aurait pu espérer 40 milliards de recettes sur le long terme.

M. Marc Laffineur - C'est n'importe quoi !

M. François Rochebloine - Non, c'est la vérité.

M. Nicolas Perruchot - On préfère le court terme à la préservation de ressources pérennes.

En second lieu, j'évoquerais le plafonnement des niches dans le secteur de l'immobilier.

M. Hervé Mariton - C'est l'audace dans la réforme.

M. Nicolas Perruchot - Aux termes de l'article 156-I-3 du code général des impôts, les propriétaires peuvent imputer sans limitation sur le revenu les dépenses de réhabilitation des immeubles d'habitation situés dans le périmètre défini par la loi Malraux. On peut ainsi rénover les centres villes historiques et y fixer des habitants. Or, vous proposez de plafonner cet avantage fiscal dès 2006. Si cette mesure était votée...

M. Marc Laffineur - Et elle le sera !

M. Nicolas Perruchot - C'en serait fini des opérations de restauration à grande échelle. Les investisseurs préféreraient acheter des logements neufs en périphérie, abandonnant de nouveau les centres villes à leur insalubrité.

M. François Rochebloine - Assurément.

M. Nicolas Perruchot - De plus, cette mesure s'appliquerait à toutes les opérations pour lesquelles l'autorisation spéciale de travaux serait obtenue après le 1er janvier 2006. Cela pénaliserait des projets en cours. Dans l'intérêt de tous, mieux vaut abandonner le plafonnement, ou créer un plafonnement spécifique comme c'est le cas pour les investissements outre-mer.

M. François Rochebloine - Très bien !

M. Nicolas Perruchot - Et si le Gouvernement persiste à décourager la réhabilitation des centres anciens, qu'il reporte au moins la mesure d'un an pour ne pas nuire aux projets en cours.

Je laisserai Charles de Courson développer cet élément important à nos yeux qu'est la réforme du travail pour insister sur la nécessaire réforme de l'Etat. La LOLF doit permettre de mesurer l'efficacité de la dépense publique et faciliter les redéploiements dans le cadre d'un volume global qui doit se réduire. J'en attends beaucoup pour rendre l'action publique plus efficace. Mais pour assainir les finances, fonder une véritable culture de l'efficacité budgétaire, il faut mettre en œuvre une gestion par objectifs, qui implique baisse des dépenses, réduction du nombre de fonctionnaires et plus de mobilité dans l'administration. Or, le déficit du budget est en hausse, et ne pas remplacer 5 500 fonctionnaires qui partent à la retraite est bien insuffisant !

Enfin, j'insiste sur la responsabilité que nous avons envers les Français, mais aussi envers nos voisins européens. Il est indispensable de coordonner vraiment les politiques budgétaires nationales et les réformes fiscales en Europe, afin de mieux gérer la politique monétaire unique et le dialogue avec la Banque centrale européenne. Ce sont les enjeux déterminants des années à venir.

MM. François Rochebloine et Gérard Bapt - Très bien !

M. Jean-Louis Dumont - Ce fut un plaisir à entendre.

M. Marc Laffineur - Alors que le gouvernement de mobilisation pour l'emploi de Dominique de Villepin est en place depuis quatre mois, le chômage diminue pour le cinquième mois consécutif. C'est que les mesures lancées par Jean-Pierre Raffarin et poursuivies portent leurs fruits. Ce projet de loi de finances amplifie encore les efforts.

Il reprend à son compte nos grandes préoccupations depuis 2002 - revalorisation du travail, réduction des déficits, rétablissement de l'Etat dans ses prérogatives régaliennes - et propose de nouveaux chantiers avec la réforme fiscale, les grandes infrastructures, la fin du tout pétrole.

Il est tourné avant tout vers l'emploi et la hausse du pouvoir d'achat. Toutes les marges de manœuvre, soit 4 milliards supplémentaires, sont mobilisées dans la bataille pour l'emploi. Le chômage, les délocalisations, ne sont ni une fatalité ni un mal spécifiquement français. Mais pour sortir d'une spirale infernale, il faut revaloriser le travail. Il n'est pas aliénation, mais source d'épanouissement et de liberté. Aussi doit-il être réellement récompensé, par rapport à l'inactivité. C'est le sens des mesures de la loi de cohésion sociale et des contrats aidés, du plan de développement des services à la personne, des allègements de charges sur les bas salaires, ainsi que de l'augmentation de 50% en deux ans et de la mensualisation de la prime pour l'emploi, ou encore du crédit d'impôt de 1 500 euros pour encourager la mobilité des chômeurs.

Néanmoins, après dix ans d'allégements de charges, il faudrait s'interroger sur l'efficacité de cette politique. Il s'agissait, initialement, d'abaisser le coût du travail et d'élever les salaires. Les 35 heures ont renchéri le coût du travail et abouti à la création de cinq SMIC différents. Les allègements pratiqués avant 2002 n'ont que légèrement gommé la hausse du coût du travail due aux 35 heures, ceux que nous avons pratiqués successivement ont permis de réunifier le SMIC.

Mais pour créer de l'emploi, il faut investir, d'où la priorité donnée à la recherche et à l'innovation. Recherche et enseignement supérieur bénéficient d'un milliard de crédits supplémentaires et de 3 000 emplois nouveaux et le crédit d'impôt recherche pour les entreprises est élargi. La politique de renouveau industriel lancée avec les pôles de compétitivité, sera poursuivie avec les pôles de compétences ruraux. De nouvelles structures comme l'agence nationale de la recherche, l'agence pour l'innovation industrielle, l'agence de financement des infrastructures de transport en France, bien dotées, travailleront à renforcer notre compétitivité internationale. Toutes ces mesures s'inscrivent bien dans le cadre de la stratégie de Lisbonne : consacrer 3% du PIB à la recherche et de faire de l'Europe l'économie de la connaissance la plus compétitive en 2010.

Il ne suffit pas de créer des emplois. Il faut aussi les maintenir, et donc maintenir notre attractivité. Celle-ci passe par une réforme en profondeur de notre système fiscal pour plus de justice, de simplicité et de compétitivité. En effet, l'outil fiscal est essentiel dans la compétition internationale. Or nos taux dissuadent l'investissement. La réforme concerne à la fois les personnes - c'est l'impôt sur le revenu et la prime pour l'emploi - et les entreprises, avec la taxe professionnelle.

Pour plus de justice, la refonte de l'impôt sur le revenu et l'augmentation massive de la prime pour l'emploi profiteront dans 80% aux classes moyennes et aux revenus modestes, entre 1 000 et 3 500 euros, tandis que les gains seront limités pour les hauts revenus par le plafonnement des niches fiscales. On récompensera ainsi les efforts des Français qui travaillent par rapport à ceux qui tirent leurs revenus de l'assistance.

Pour plus de simplicité, les sept tranches du barème sont réduites à cinq, les taux diminués et l'abattement de 20% intégré dans le barème.

Pour plus de compétitivité, nul ne pourra payer plus de 60% de ses revenus en impôts directs, ce qui nous situe dans la moyenne des pays européens qui ont un impôt sur le patrimoine et un taux marginal d'impôt sur le revenu à 40%, comme au Royaume-Uni.

Par ailleurs, les entreprises ne paieront plus au-delà de 3,5% de leur valeur ajoutée au titre de la taxe professionnelle, et 200 000 d'entre elles bénéficieront de la prorogation des dégrèvements pour investissements nouveaux. Associée à la suppression de la deuxième partie de la surtaxe sur l'impôt sur les sociétés, la mesure contribue à créer un environnement favorable, tant pour la compétitivité de nos entreprises que pour l'implantation d'entreprises étrangères.

N'oublions pas de mentionner qu'à l'instar des trois précédents, ce budget s'appuie sur des préoccupations écologiques. L'augmentation durable du prix du pétrole nous oblige à envisager l'ère de l'après pétrole, non seulement parce que le renchérissement des cours pénalise les Français, mais aussi parce que nous devons, conformément aux accords de Kyoto, réduire nos émissions de gaz à effet de serre et développer les énergies renouvelables. La croissance exponentielle de la Chine et de l'Inde met en évidence l'insuffisance structurelle de la production de pétrole, cependant que les réserves mondiales s'amenuisent. L'accélération du plan en faveur des biocarburants, le crédit d'impôt pour l'acquisition de véhicules propres, la création d'une taxe additionnelle à la carte grise pour les véhicules les plus polluants sont autant de mesures destinées à anticiper la pénurie de pétrole et à inciter les constructeurs à proposer des véhicules fonctionnant avec des sources d'énergie alternatives.

Autre mesure retenant particulièrement mon attention, celle en faveur des équipements de chauffage domestique utilisant une énergie renouvelable, à commencer par le bois. Il s'agit en effet de la source d'énergie renouvelable la plus aisément disponible et la plus diffusée auprès des Français, même s'il est regrettable qu'elle reste sous-utilisée. En attendant que ces sources d'énergie arrivent à maturité, l'aide à la cuve de 75 euros permettra aux foyers les plus modestes de faire face à l'augmentation durable du prix du pétrole. Plus tôt nous nous attellerons au chantier de la fiscalité écologique, mieux nous intégrerons la dimension du développement durable dans l'économie de marché et serons compétitifs dans l'économie de demain.

A côté des priorités immédiates que constituent l'emploi et le pouvoir d'achat des Français, le budget pour 2006 ne néglige pas la nécessaire restauration de l'autorité de l'Etat dans ses prérogatives régaliennes. Les trois lois de programmation - défense, sécurité intérieure et justice - seront pleinement respectées : 1,6 milliard supplémentaire est mobilisé à leur profit. Mais l'autorité de l'Etat passe aussi par le rayonnement de la France sur la scène internationale et la diffusion de son message pour une mondialisation plus équitable. Aussi, conformément à l'objectif de Monterey d'affecter 0,5% du revenu national brut au développement d'ici 2007, le montant de l'aide publique au développement atteindra 3 milliards, soit 0,47% du RNB. Néanmoins, la distribution de cette aide devrait s'accompagner de contreparties, telles que la nécessité d'engager des réformes de structure susceptibles de profiter à l'ensemble de la population.

Enfin, la présente loi de finances fonde un budget responsable, qui entend juguler les errements financiers des deux dernières décennies, afin de respecter nos engagements européens et de laisser à nos successeurs une situation financière assainie. MM. les ministres l'ont souvent dit : la France vit au-dessus de ses moyens. C'est pourquoi, pour la quatrième année consécutive, les dépenses de l'Etat ne progresseront pas plus vite que l'inflation, cependant que le déficit sera stabilisé en valeur à 46,8 milliards et la dette publique à 66% du PIB...

Mme la Présidente - Il faut conclure.

M. Marc Laffineur - S'il en avait été de même entre 1997 et 2002, nous aurions aujourd'hui un point de moins de déficit...

M. Gérard Bapt - Parlez-nous plutôt du bilan de M. Juppé !

M. Marc Laffineur - Ce budget, qui permet à la fois de développer l'emploi, d'augmenter le pouvoir d'achat, d'aider les pays en développement, de mieux prendre en compte l'environnement est un budget d'équilibre et de consolidation que nous voterons avec plaisir. Au nom de notre groupe, je tiens enfin à remercier le ministre pour sa disponibilité dans les travaux préparatoires à son élaboration. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Auberger - Le présent budget est sage, sérieux et solide...

M. Jean-Louis Dumont - Le plus beau, c'est qu'il y croit !

M. Philippe Auberger - Sage d'abord, car fondé sur une hypothèse de croissance certes volontaire mais conforme à l'orientation favorable des principaux indicateurs depuis le début de cette année. Au reste, comme l'a rappelé Thierry Breton, la marge d'erreur inhérente à ce type d'exercice est souvent largement dépassée, le principal facteur d'incertitude étant lié à l'évolution de la conjoncture en Allemagne, en Italie et au Royaume-Uni.

Sérieux, ensuite, car le déficit budgétaire, fixé à 46,8 milliards - soit 2,9% du PIB - est désormais maîtrisé, les critères de Maastricht se trouvant de ce fait strictement respectés. Pour la quatrième année consécutive, l'effort de stabilisation des dépenses se poursuit, les charges publiques n'augmentant pas plus en volume que l'inflation ; quant à la stabilisation en valeur, nous l'appelons de nos vœux depuis trop longtemps pour ne pas nous réjouir de la voir enfin mise à l'ordre du jour.

Solide, enfin, car il ouvre la voie à une réforme fiscale d'envergure, en particulier pour ce qui concerne la taxe professionnelle et l'impôt sur le revenu. Attendue depuis plus de dix ans, finalisée par les socialistes en 1997, la simplification du barème, associée au plafonnement des niches fiscales, est source d'équité sociale et d'équilibre.

Bien entendu, il eût été possible d'aller plus loin dans plusieurs domaines. Ainsi, les effectifs de la fonction publique restent stables - à cinq mille unités près - alors que la population en âge de travailler commence de diminuer. Il est pour le moins paradoxal que le nombre de fonctionnaires ne baisse pas de façon corrélative, alors que l'amélioration du service public rendu n'est pas démontrée. Autre anomalie - dûment relevée par la Cour des comptes dans son rapport sur l'éducation nationale -, la règle du service fait ne trouve pas toujours à s'appliquer, plus de 5 000 enseignants continuant de percevoir leur rémunération ordinaire sans être placés devant une classe. Une telle situation n'est pas convenable et il est urgent d'y remédier.

Quant aux allégements de charges sociales, est-il bien fondé de mobiliser 2 milliards pour de nouvelles exonérations alors que leur efficacité économique - notamment pour la relance de l'emploi - n'est toujours pas démontrée ?

M. Michel Bouvard - La question mérite d'être posée !

M. Philippe Auberger - Là encore, la Cour des comptes nous alerte sur un décalage préoccupant : dans les dernières années, alors que le montant des exonérations de charges quadruplait, le taux de chômage est resté désespérément stable. Par ailleurs, il n'est guère justifié qu'elles concernent tous les salariés rémunérés jusqu'à 1,6 SMIC - au risque de créer une préférence française pour les bas salaires -, soit 50% des salariés du secteur privé, alors que la PPE est plafonnée à hauteur de 1,4 SMIC. A cet égard aussi, une mise en cohérence des différents niveaux de référence s'impose de manière urgente. Plus fondamentalement, il faut tout faire pour éviter que ne se creusent des trappes à inactivité, décourageant les personnes privées d'emploi de reprendre une activité...

M. le Ministre délégué - Tout à fait d'accord !

M. Philippe Auberger - Pour toutes ces raisons, il ne nous aurait pas semblé déraisonnable de concentrer les 2 milliards prévus au titre des nouveaux allégements de charges sociales plutôt sur la réduction du déficit - par exemple pour le ramener au niveau inscrit en loi de finances initiale pour 2005 - et sur une accélération de la revalorisation de la PPE. S'agissant de cette dernière, je salue la mensualisation et l'effort prévu en ce qu'ils constituent un encouragement réel à reprendre un emploi, mais je déplore que la prime pour l'emploi ne figure toujours pas sur la fiche de paie. Je continuerai de plaider pour sa liquidation par les URSSAF plutôt que par les services fiscaux...

Mme Martine Billard - La feuille de paie retrace le salaire, non le versement des aides de l'Etat.

M. Philippe Auberger - Rien, non plus, dans ce projet de budget pour favoriser l'épargne en actions, la modification du régime d'imposition des dividendes et l'assouplissement de celui des plus-values risquant pourtant de priver les PEA d'une partie de leur force d'attraction. Quant aux autres dispositifs - le Madelin, les FCPI et les tout récents FIP -, ils vont perdre eux aussi de leur intérêt du fait du plafonnement des niches fiscales. Alors que la Bourse connaît une belle embellie et que les besoins en fonds propres des entreprises demeurent élevés, il ne serait que temps de diligenter une mission sur la rémunération de l'épargne à risque.

Destiné à être voté selon les prescriptions de la LOLF, le présent budget est bon pour la France. Il repose sur des valeurs qui sont les nôtres, et c'est pourquoi nous le voterons massivement : il récompense l'initiative, le travail et l'effort dans une stricte équité.

M. Jean-Louis Dumont - C'est ce qui est inquiétant !

M. Philippe Auberger - C'est ainsi que nous aurons une croissance sociale et heureuse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) 

M. Paul Giacobbi - Un budget est généralement un instrument de prévision sincère, un document de comptabilité fidèle aux normes et aux bonnes pratiques en vigueur et un outil de politique économique. Or, dans ce budget 2006, la prévision est erronée, le traitement comptable est contestable et les marges de manœuvre sont si faibles que la conjoncture économique n'en sera aucunement influencée.

Néanmoins, il faut reconnaître à ce budget une originalité remarquable : la prévision de conjoncture, comme en 2005, n'est pas erronée mais volontairement faussée. Vous affirmez votre volontarisme, mais vous êtes incapables d'expliquer comment vos mesures entraîneront la croissance !

En 2005, M. Breton a dû baisser d'un point son hypothèse initiale de croissance de 2,5% car le prix du baril de pétrole avait doublé. Vous ne pouviez ignorer qu'une telle augmentation se produirait ! Je l'avais signalé au cours de la discussion, en rappelant des éléments objectifs tels que la hausse des cours du cuivre ou de l'acier. Vous envisagiez un baril à 38 dollars quand les hypothèses les plus réalistes le plaçaient à 50. J'indiquais aussi que la croissance perdrait un point : nous y sommes ! M. Bussereau, dans un moment de sincérité, l'avait dit lui aussi.

Aujourd'hui, ni l'INSEE, ni le FMI, ni les instituts privés n'approuvent votre projection de croissance à 2,25%. Le consensus s'établit plutôt autour de 1,7%.

Vous tentez d'expliquer l'inexplicable par l'impact de votre politique économique sur la consommation - ce « volontarisme budgétaire » qui, avec le patriotisme économique, démontre bien que vous n'avez pas peur du ridicule. Lorsque le Premier ministre nous disait qu'il fallait du courage pour se fixer un objectif de 2,25% de croissance, ne confondait-il pas courage et culot ?

Malgré des siècles de progrès en science économique, le Gouvernement, dont la désinvolture est désolante, persiste à évoquer l'effet de sa politique sans l'avoir fait expertiser.

Le PIB français représente 1 700 milliards d'euros en 2005. Le plan de cohésion sociale et ses 4 milliards d'euros - à supposer qu'ils soient effectivement convertis en consommation intérieure - n'entraînerait même pas une progression de 0,25% de la croissance ! Votre explication, Monsieur le ministre, est un peu courte ! Où sont les modèles économétriques qui justifient vos hypothèses ? Existe-t-il seulement une analyse économique pertinente de « l'effet stimulant » de vos mesures ?

Une telle désinvolture n'est certes pas nouvelle. En 2003 déjà, M. Mer prétendait que la réduction de l'impôt sur le revenu stimulerait automatiquement la consommation et la croissance. En jeune parlementaire naïf, je lui avais demandé de me fournir le modèle macroéconomique qui justifiait son analyse : il ne comportait aucune simulation sur les effets de la réduction de l'impôt sur le revenu !

Aujourd'hui comme hier, votre volontarisme n'est étayé par aucune analyse sérieuse. Dès lors, comment pouvez-vous prétendre que votre budget favorise la croissance ?

D'autre part, certains traitements comptables comme la soulte remettent en cause le sens même de l'exercice budgétaire. Vous prétendez que le versement de la soulte est une recette sans contrepartie, mais dans le même temps, le versement des retraites des personnels de La Poste passe hors bilan. Vous comptabilisez ce qui rentre dans les caisses, sans tenir compte des engagements pris en contrepartie de la recette.

En ce qui concerne les fonctionnaires de l'Etat, la LOLF comporte le compte d'affectation spécial « pensions » qui pose les fondements de la gestion du principal régime de retraite des agents publics. Tout arrive à qui sait attendre ! La commission des finances avait déjà demandé ce compte spécial en 1853 ! Je crains qu'il nous faille attendre aussi longtemps pour que l'évaluation de la charge des retraites figure au bilan de l'Etat. On nous dit en effet que ce compte spécial identifie « l'ensemble des flux budgétaires afférents aux engagements viagers sans que ces engagements soient nécessairement retracés en tant que tels dans le bilan de l'Etat ». Lesdits engagements représentent la bagatelle de 900 milliards d'euros ! Un tableau prévisionnel de l'évolution de ce compte serait bien utile, même si votre horizon se limite à 2007.

Le cadre de la LOLF est certes imparfait par rapport à des pays qui ont déjà opéré leur aggiornamento comptable mais il est novateur. Malgré cette révolution, on nous refait le coup de la soulte : un artifice comptable qui feint de respecter une obligation européenne et permet de rester flou sur l'essentiel.

Une prévision faussée à dessein, un volontarisme incantatoire et une désinvolture inconsciente : voilà à quoi se résume votre budget ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) 

M. Yves Deniaud - La loi de finances pour 2006 a deux vertus qui agaceront certains : la lucidité et la constance.

M. Didier Migaud - La constance, oui, mais la lucidité...

M. Yves Deniaud - L'appréciation de la croissance pour 2006 est lucide, malgré l'avis des tenants du défaitisme ! Il faut rompre avec cette sinistrose par des faits, et non des incantations ! Avons-nous en 2005 une décroissance comme celle qui nous fut léguée en 1993, ou même une croissance faible comme en 2003 ? Bien au contraire, la croissance sera supérieure à 1,5% et aurait facilement atteint 2,5% sans la crise pétrolière. Un nouveau choc pétrolier paraît d'ailleurs écarté.

En France, le chômage baisse pour le cinquième mois consécutif. Il reste élevé, certes, mais le renversement de tendance est décisif. L'effet sur la confiance des ménages est indéniable et va rapidement gagner, nous pouvons l'espérer, le secteur marchand et les emplois non aidés.

Le budget pour 2006 a été élaboré en prenant appui sur des mesures qui stimulent la croissance : le contrat nouvelles embauches - qui est un succès, notamment dans les très petites entreprises, comme les contrats de professionnalisation et les contrats d'apprentissage - le dégrèvement de la taxe professionnelle sur les nouveaux investissements et le financement enfin regonflé des infrastructures de transport - grâce à la création de l'AFITT.

Ce dernier point est particulièrement satisfaisant : enfin, ce secteur crucial pour la vitalité économique de notre pays est financé à la mesure de son importance.

La France possède deux atouts reconnus : la productivité de sa main-d'œuvre et la qualité de ses infrastructures de transport. Or, depuis des années, nous avions cessé de cultiver notre avance en matière d'infrastructures en prenant pour cible favorite des gels budgétaires leurs crédits d'investissement.

M. Michel Bouvard - Parfaitement !

M. Yves Deniaud - Ainsi, l'autoroute Rouen-Alençon, dont la construction fut décidée au printemps 1987 par Pierre Méhaignerie, alors ministre de l'équipement, sera inaugurée par le Premier ministre... après-demain.

M. le Ministre délégué - Eh bien !

M. Yves Deniaud - Monsieur le ministre délégué, après ces félicitations, une supplique. Veillez à assurer la pérennité de ce dispositif !

M. Michel Bouvard - Prions pour que les socialistes ne reviennent pas au pouvoir !

M. Yves Deniaud - Nous avons été trop souvent témoins de la mort par asphyxie financière de nos projets d'infrastructures : ce fut le cas pour le FITTVN...

M. Louis Giscard d'Estaing - Mis à mort par Jospin ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yves Deniaud - ...et pour les contrats de plan (Même mouvement). A juste titre, le Gouvernement est fier d'avoir impeccablement exécuté les différentes lois de programmation. Avant la fin de notre mandat...

M. Paul Giacobbi - Elle approche !

M. Yves Deniaud - ...nous aimerions avoir réalisé les infrastructures prévues et rattrapé les retards initiaux des contrats de plan.

Mme Catherine Génisson - Impossible !

M. Yves Deniaud - Nous sommes confiants dans l'hypothèse de croissance de 2% à 2,5%, d'autant plus le Gouvernement continue de lutter contre ces deux maux majeurs qui se nourrissent l'un l'autre : la surfiscalité et la complexité administrative.

Le fait de limiter au strict montant de l'inflation l'accroissement des dépenses constitue une performance que nous applaudissons avec enthousiasme, de même que la réforme de l'impôt sur le revenu. Cette réforme budgétaire permettra d'engager une véritable réforme de l'Etat en ce sens que l'évaluation systématique de la dépense publique facilitera les redéploiements d'une mission publique à une autre et l'allégement de l'ensemble.

Pour surmonter les réticences, voire les résistances, qu'il trouvera sur son chemin, le Gouvernement aura besoin de la majorité, et c'est dans cet esprit positif que la commission des finances a adopté des amendements. Tout d'abord, nous nous sommes prononcés contre la création d'une société de valorisation des biens immobiliers de RFF parce que tous les problèmes ne peuvent se résoudre par la création d'une structure.

M. Louis Giscard d'Estaing - Très juste !

M. le Ministre délégué - Je m'en expliquerai !

M. Yves Deniaud - Il est scandaleux que la séparation des actifs entre RFF et la SNCF ne soit pas achevée un an après la date butoir fixée par le Gouvernement.

M. Michel Bouvard - RFF existe tout de même depuis dix ans !

Un député socialiste - C'est la faute au départ de François Loos de l'industrie !

M. Yves Deniaud - Et il serait scandaleux de retirer à RFF la part immobilière de sa mission. Arrêtons de multiplier conseils et hautes autorités avec locaux, collaborateurs...

Mme Martine Billard - Vos amis !

M. Yves Deniaud - ...et frais de fonctionnement alors même que l'on mène une politique courageuse de réduction du train de vie de l'Etat !

Nous avons également voté deux amendements visant à accélérer la réforme de la gestion immobilière de l'Etat. Nous voulons aussi aller plus loin dans la limitation des dépenses et dans la diminution des effectifs. Sans cette précaution, gravir la marche, dont le Gouvernement a lui-même fixé la hauteur pour 2007, sera trop difficile.

Enfin, nous souhaitons qu'on applique les mêmes principes de clarté et de simplicité aux charges sociales qu'à l'impôt sur le revenu en leur appliquant la barémisation, c'est-à-dire en intégrant les allégements dans les taux. La mesure ne peut avoir qu'un effet psychologique bénéfique sur les employeurs et sur les investisseurs potentiels.

Monsieur le ministre, nous partageons votre désir de rétablir les finances de la France et de lui redonner une économie compétitive, capable de financer une solidarité active et non une assistance passive. Ce budget est la traduction de cette volonté et c'est pour cela que nous souhaitons le perfectionner. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Jacques Descamps - Avec M. Breton, je pense que « la France vit au-dessus de ses moyens » !

M. Michel Bouvard - Très juste !

Mme Martine Billard - Les Français apprécieront !

M. Jean-Jacques Descamps - Etat, collectivités et institutions sociales vivent à crédit. Nombre d'associations et de collectivités subsistent seulement grâce aux deniers publics. Malgré les contrats aidés, les allégements de charge et la prime pour l'emploi, le taux de chômage est élevé. Une bonne partie des Français, installés dans la sécurité de leur emploi et la complexité de leur administration, ne veulent pas être bousculés. Mais la dette continue d'augmenter en valeur absolue et les déficits demeurent. Le modèle français est en panne. L'honneur de notre famille politique, c'est de convaincre les Français de la nécessité de la remise en cause.

A mes yeux, ce budget préfigure l'action à mener, mais il reste un compromis entre la volonté de réforme et les pesanteurs d'une pensée conservatrice, de culture étatique et keynésienne.

M. Paul Giacobbi - Keynes, un conservateur ! On aura tout entendu !

M. Jean-Jacques Descamps - Vous nous proposez des mesures qui vont dans le bon sens. Avec la mise en œuvre de la LOLF, nous allons enfin réaliser des économies substantielles sur le fonctionnement de l'Etat. Pourtant, une entreprise se serait fixée des objectifs beaucoup plus ambitieux. Vous avez très justement renforcé les postes de la recherche et des investissements d'infrastructure, et respecté la priorité accordée aux fonctions régaliennes de l'Etat (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) mais ce budget reste fortement déficitaire.

Sur l'emploi, priorité affichée du Gouvernement, le contrat nouvelles embauches, les maisons de l'emploi, la simplification administrative entre l'Etat et les entreprises sont de bonnes initiatives, peu onéreuses. Les pôles de compétitivité sont également une bonne idée. En revanche, je suis sceptique quant aux aides financières à l'emploi - allégements de charges, PPE - car elles ne représentent qu'un soutien artificiel à l'emploi. Nous sommes partisans d'une plus grande rupture. Il faut tailler dans l'amoncellement des aides, des primes, des allégements et privilégier le revenu minimum, le droit au logement pour les plus démunis, le retour à la liberté des horaires et des salaires pour ceux qui veulent travailler. D'aucuns pensent encore que l'Etat est le meilleur vecteur de la création d'emplois, de la croissance et de la justice sociale alors que sa mission est de réguler, de rétablir l'égalité des chances, de mutualiser les risques éventuels et de préparer l'avenir.

M. Didier Migaud - Mission fort mal remplie ces temps-ci !

M. Jean-Louis Idiart - Il n'en a pas les moyens !

M. Jean-Jacques Descamps - Nous avons besoin de plus de souplesse et de liberté.

M. Hervé Novelli - Tout à fait !

M. Jean-Jacques Descamps - Un bon salaire vaut mieux qu'une prime de l'Etat, un code du travail respectueux de la liberté d'entreprendre vaut mieux que des allégements de charges et une bonne hiérarchie des salaires mieux que des trappes à bas salaires. Evidemment, des règles du jeu sont nécessaires, pour faire respecter la liberté des uns et des autres.

Le plafonnement des impôts à 60% du revenu est certes une innovation utile, mais dans le cadre du système actuel. Pourquoi ne pas avoir entrepris une véritable réforme fiscale ? Aujourd'hui, l'argent gagné est taxé à plusieurs reprises : impôt sur le revenu, impôt sur la fortune, droits de succession, taxation des plus-values, taxes foncières locales. Est-ce un bon système quand l'impôt sur la fortune, évalué en fonction d'un patrimoine qui a déjà été taxé, devient confiscatoire ? Quand les dernières tranches de l'impôt sur le revenu atteignent un niveau qui décourage l'effort et que la CSG n'est pas soumise au plafonnement alors que les impôts locaux le sont - ce à quoi je suis d'ailleurs opposé en tant qu'élu local ? Je n'ai pas touché aux impôts dans ma commune et ma communauté de communes depuis dix ans ; je ne vois pas pourquoi je devrais redonner de l'argent à tel ou tel contribuable au motif qu'il paie déjà beaucoup d'impôts ailleurs. Sur ce point, je ne suis donc pas d'accord avec vous.

M. Augustin Bonrepaux - Alors votez avec nous !

M. Jean-Jacques Descamps - De même, plutôt que de plafonner les niches fiscales, j'aurais préféré que vous vous prononciez sur l'intérêt de chacune d'elles. Ont-elles encore toutes un intérêt collectif? Pourquoi l'outre-mer est-il à part ? Est-ce une niche plus respectable que les autres ? La niche Malraux n'est-elle pas aussi honorable ? Supprimez les niches inutiles s'il y en a, baissez les impôts là où ils freinent les initiatives, au lieu de fixer un plafond global. Je déposerai un amendement sur ce point.

Monsieur le ministre, vous me trouverez peut-être un peu exigeant, mais je crois exprimer quelques vérités de bon sens. Vous me traiterez peut-être d'ultralibéral, ce qui me laisse assez serein quand je vois ce que font beaucoup de nos voisins. Je voterai bien sûr votre budget, mais je le ferai d'autant plus facilement si vous acceptez quelques-uns des amendements qui ont été évoqués en commission des finances et qui seraient des signes encourageants pour ceux qui veulent vraiment que la France change d'état d'esprit.

Lorsque j'entends les représentants de la gauche française démolir ce budget avec des arguments dépassés que leurs homologues européens, surtout ceux qui ont vu le rideau de fer tomber, ont depuis longtemps abandonnés, je me dis qu'ils sont bien amnésiques et qu'il est indispensable de vous aider, Monsieur le ministre, à démonter leurs critiques avant de répondre à mes impatiences (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Je voterai donc votre budget avec une grande sérénité, mais d'ici à 2007, j'espère que nous aborderons le vrai débat de fond sur notre politique économique, fiscale et sociale. La France a en effet besoin d'un changement de cap, d'un vrai changement d'habitudes pour assurer son avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Claeys - Effectivement, Monsieur le ministre, comme vous l'avez dit dans votre réponse à Didier Migaud, les désaccords entre le Gouvernement et le groupe socialiste sont majeurs. Je le confirmerai en traitant d'un seul sujet : les relations entre l'Etat et les collectivités locales depuis trois ans et demi.

La politique des gouvernements de M. Raffarin et de M. de Villepin est en train de tuer l'idée même de décentralisation. Il aurait fallu adapter celle-ci pour répondre aux aspirations de nos concitoyens, à leur demande de proximité et de solidarité. Tel n'a pas été votre choix : vous avez fait des collectivités locales une variable d'ajustement de votre politique et un enjeu politicien. Nous l'avons vu avec les conseils régionaux, nous le verrons demain au niveau de l'intercommunalité.

Vous avez procédé en deux temps. Un : transfert massif de compétences sans les compensations suffisantes - les routes nationales sont un exemple parmi d'autres -, sans visibilité financière à moyen terme, retard - de deux à cinq ans - dans l'exécution des contrats de plan, désengagement de l'Etat de ses compétences propres ou partagées, et transfert de recettes à l'évolution peu dynamique, en décalage avec l'évolution rapide des dépenses. Deux : constat des difficultés des collectivités et procès à charge contre leur gestion et les augmentations d'impôts locaux. Vous avez commencé par asphyxier les collectivités locales, pour ensuite mettre en cause leurs élus !

En 2004, et pour la première fois depuis 1995, les collectivités locales sont en déficit. Elles le seront en 2005 et en 2006. Le Gouvernement, qui présente la stabilisation du déficit en 2006 comme un exploit, ose accuser les collectivités d'être responsables de la dérive des comptes publics. Pourtant le déficit du budget de l'Etat représente 2,8 ou 2,9% du PIB, et le déficit des collectivités, 0,1%...

Nous sommes face à un véritable racket. Depuis trois ans et demi, votre obstination idéologique à baisser l'impôt des plus favorisés et les cotisations sociales sans contrepartie sur l'emploi conduit à la réduction des moyens d'action de l'Etat. Les Français subissent de plein fouet les effets de cette politique, dont les collectivités locales font aussi les frais.

Monsieur le ministre, il n'y a pas d'un côté l'Etat vertueux, et de l'autre les collectivités dispendieuses, d'un côté un Etat qui mènerait avec courage des réformes importantes et baisserait les impôts, et de l'autre des collectivités qui dépenseraient sans compter et augmenteraient leurs impôts ! Vous avez fait le choix de diaboliser les élus locaux pour mieux masquer vos échecs.

Je prendrai deux exemples dans ce projet de loi de finances.

Le premier : la compensation aux départements du financement du RMI.

L'an dernier, sous la pression des conseils généraux, une compensation de 450 millions a été accordée par le Gouvernement au titre de l'année 2004. Ce versement est exceptionnel et ne sera versé qu'en 2006. Rien n'est prévu pour 2005, alors que le besoin de financement des départements va être deux fois supérieur. Que comptez-vous faire, Monsieur le ministre ? Considérez-vous que cette compensation est utile pour assurer l'exercice de la solidarité sur l'ensemble du territoire ?

M. Augustin Bonrepaux - Très bonne question !

M. Alain Claeys - Deuxième exemple : la réforme de la taxe professionnelle.

Vous décidez de la plafonner en fonction de la valeur ajoutée, après avoir achevé la suppression de la part salaire, mais ce plafonnement n'est pas autofinancé par le relèvement en proportion de la cotisation minimale. Une bonne réforme serait celle qui rétablirait l'équilibre entre les entreprises qui paient trop, dont les investissements sont pénalisés, et celles qui paient peu. La vôtre se fait sur le dos des collectivités locales, dont vous remettez un peu plus en cause l'autonomie financière. Les hausses de taux décidées en 2005, dans l'hypothèse où elles conduisent les entreprises à payer plus de 3,5% de leur valeur ajoutée, ne seront pas prises en charge par l'Etat. Les contribuables locaux feront les frais de ce manque à gagner dû au plafonnement.

Monsieur le ministre, cette polémique que vous avez ouverte entre l'Etat et les collectivités locales est plus qu'une erreur, c'est une faute. Il est malvenu de faire des procès aux élus locaux alors qu'on demande aux collectivités de se substituer à l'Etat dans ses missions de solidarité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Billard - Monsieur le ministre, ce budget est selon vous « responsable, sincère et transparent ». Faut-il que vous en doutiez pour avoir besoin de l'affirmer ?

Vous misez sur un taux de croissance de 2 à 2,5%, alors que l'INSEE ne prévoit pas plus de 1,5%. Et comment croire le rapporteur général quand il parle de « hausse du prix du pétrole paroxystique en 2005 » ? Certes on avait prévu un baril à 39,3 dollars, et son cours s'est finalement établi à 58 dollars ; mais si vous aviez écouté M. Cochet, votre budget aurait été plus crédible ! Pour 2006, le rapporteur n'avoue-t-il pas lui-même qu'un baril à 65 dollars est plus probable qu'un baril à 60 dollars, qui est l'hypothèse retenue ? Vous refusez de reconnaître que la crise pétrolière est durable et d'en tirer les conséquences.

Quant aux emplois, leur qualité est tout aussi importante que leur nombre : sans doute la multiplication des emplois précaires fait-elle baisser les chiffres du chômage, mais pas ceux de la pauvreté. La question n'est pas de remettre la France au travail, mais de créer les fameux emplois durables promis depuis trois ans.

S'agissant des allégements de cotisations patronales, leur efficacité et leur coût sont désormais critiqués sur tous les bancs. En dix ans, l'augmentation des cotisations sur les salaires bruts a été de 55%, alors qu'elle n'a été que de 29% sur la part patronale et la trappe à bas salaires s'élargit.

Ce projet de loi de finances est chargé d'entériner les niches fiscales que la majorité n'a cessé de créer cette année : pas moins de 3,9 milliards d'allégements d'impôts ont déjà été adoptés pour 2006. Hors de la niche fiscale, y a-t-il encore place pour des politiques publiques ? La majorité empile les avantages fiscaux au bénéfice des ménages les plus aisés : baisse de l'IRPP, déductions fiscales pour emplois à domicile, franchises de droits lors des transmissions de patrimoine, réductions du champ d'application de l'ISF. Le Conseil des impôts a d'ailleurs souligné que 10% des ménages les plus aisés ont bénéficié de 85,9% des réductions d'impôts. Contrairement à ce que vous essayez de faire croire, votre réforme fiscale favorisera encore les plus hauts revenus : en vérité, le patrimoine s'est rarement aussi bien porté et les grandes fortunes n'ont jamais été autant épargnées !

Vous démantelez chaque année un peu plus les dispositifs de solidarité nationale. Avec les restrictions à l'aide médicale d'Etat, à la CMU complémentaire, à l'ASS pour les chômeurs de longue durée et l'introduction via le PLFSS d'une imposition sur les indemnités de licenciement en cas de plan social, ce projet de budget ne fait pas exception.

Les crédits transférés aux départements pour le financement du RMI sont insuffisants face à l'envolée du nombre d'allocataires et votre réforme fondant ce financement sur la TIPP prend déjà l'eau, le produit de cette taxe baissant : cela était prévisible et je vous avais averti de ce risque !

Alors que la crise du logement est patente, le budget est en régression et le financement concerne surtout les logements intermédiaires et les logements non sociaux : 300 millions d'euros vont ainsi au dispositif Robien, tandis que 60 millions d'euros seulement financeront les PLA et les PLI.

Les grandes missions de l'Etat sont pour leur part oubliées : vous bradez les autoroutes et vous vous tenez prêts à sabrer encore dans les services publics comme EDF, afin de colmater votre budget, déséquilibré par vos largesses fiscales électoralistes.

Vous avez créé une mission interministérielle sur l'effet de serre mais vous n'en tirez aucune conséquence sur les choix de développement, notamment sur la nécessité de réduire le transport routier et de donner la priorité aux frets ferroviaire et fluvial. Vous ne franchissez pas le pas vers un vrai plan de réduction de l'intensité énergétique du secteur résidentiel et les crédits de l'ADEME font une fois de plus les frais du manque de marge de manœuvre, alors qu'il y a urgence à développer les énergies renouvelables et à lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.

Voilà un bien mauvais budget, mauvais pour le présent et pour l'avenir, mauvais pour notre société et pour l'environnement. Les députés Verts voteront contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Hervé Novelli - Le projet de budget que vous nous présentez pour l'année 2006 est imaginatif : le périmètre de l'Etat demeurant le même, il évite une dégradation sensible des comptes publics. En effet, le déficit prévisionnel s'accentue de manière très modérée et l'endettement de notre pays ne s'élèvera qu'à 66% du PIB car vous avez utilisé toutes les marges de manœuvre pour contenir la montée de la dépense publique.

Votre réforme fiscale, qui vise à simplifier et à réduire l'imposition moyenne des Français sur le revenu est une avancée spectaculaire. Dans ce cadre, je souhaite que vous étudiiez la perspective d'une fusion entre l'IRPP et la CSG. Cette dernière, acquittée par tous, doterait l'impôt sur le revenu du caractère exhaustif qui lui manque, puisqu'un Français sur deux ne le paye pas. Je suis persuadé que cette nouvelle étape rendrait proportionnel le barème de l'impôt et permettrait une plus grande responsabilisation, enclenchant ainsi un processus vertueux de modération des dépenses collectives.

En instaurant le bouclier fiscal, vous reconnaissez combien une pression fiscale excessive est nocive et démotivante pour notre économie. C'est là la ligne de clivage entre la gauche et la droite, entre ceux qui veulent taxer et ceux qui veulent libérer.

M. le Ministre délégué - C'est, en quelque sorte, la prime à l'imagination !

M. Hervé Novelli - La question qui nous sera posée à l'avenir est simple : comment enclencher un cercle vertueux, qui, à partir de la baisse de la dépense publique, diminuera nos déficits, réduira notre endettement et fera baisser notre fiscalité ? Je souhaite vous proposer un certain nombre de pistes.

La première consiste, bien sûr, à traquer la dépense inutile. Je prendrai un seul exemple : la politique d'allégement des charges patronales, menée de manière massive avec des résultats très mitigés. Elle était motivée par le niveau élevé du coût salarial, frein à la création d'emplois. Mais si l'on rapproche les quelque 20 milliards d'euros qui seront mobilisés en 2005 à ce titre des 10% de chômeurs, force est de constater que cette politique n'a pas produit les effets escomptés. Je proposerai un amendement qui en tirera toutes les conséquences.

Cette traque devrait être facilitée par la mise en œuvre dès 2006 de la LOLF, dont beaucoup espèrent qu'elle permettra d'arriver enfin au cercle vertueux que j'ai décrit. La mise en place de critères de performance, la capacité nouvelle qui est donnée aux parlementaires de diminuer certains programmes et d'en augmenter d'autres fondent un certain nombre d'espoirs : puissent ceux-ci ne pas être déçus !

Car je voudrais attirer votre attention sur les rigidités du code général de la fonction publique, qui poseront immanquablement des limites à notre action et nous empêcheront de tirer toutes les conséquences de l'application rationnelle de la LOLF, à savoir un redéploiement des effectifs.

Enfin, je souhaite évoquer ce que doit être le périmètre d'un Etat moderne.

M. Jean-Louis Idiart - Ah ! C'est beau !

M. Hervé Novelli - Quelles sont aujourd'hui les fonctions que l'Etat doit assurer, quelles sont celles qui ne sont plus de mise ? Cette réflexion est encore balbutiante, mais est-il bien raisonnable que la configuration actuelle soit identique à celle d'après-guerre ? Je suis persuadé que nos concitoyens comprendraient qu'on ne peut sanctuariser le périmètre de l'Etat au moment où les entreprises et les individus sont contraints d'évoluer pour s'adapter à la concurrence et à la mondialisation.

La réforme de l'Etat, toujours présente dans l'organisation ministérielle et toujours absente dans les résultats de sa politique, doit enfin être mise en oeuvre à partir de quelques principes clairs : identifier les contours d'un Etat moderne ; redonner au secteur privé toutes les activités publiques exercées dans le champ concurrentiel ; introduire la concurrence dans des organisations trop centralisées comme l'éducation nationale ; créer des agences capables d'accomplir à moindre coût les activités de ministères obsolètes.

Vous nous avez proposé, Monsieur le ministre, de nous inspirer des expériences qui marchent, car vous voulez le meilleur : il nous faut donc changer de braquet. Notre Etat modernisé, allégé, recentré sur ses missions prioritaires sera d'autant plus respecté qu'il sera efficace. Nous ouvrirons ce chantier majeur lors des échéances de 2007. Pour l'heure, je voterai votre projet de budget car il n'interdit pas cet avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Louis Idiart - Ça va libérer les députés vers les circonscriptions !

M. Jean-Pierre Balligand - Quelle chute !

M. Dominique Tian - Le budget que vous nous proposez va dans le bon sens mais ne résout pas tous les problèmes. Pour la quatrième année consécutive, les dépenses de l'Etat n'augmenteront pas plus vite que l'inflation. Pour la première fois, notre endettement sera stabilisé en 2006. Notre dette se montera néanmoins à 66% du PIB et les prélèvements obligatoires à 44%. C'est clairement ce que Thierry Breton appelle « vivre au-dessus de ses moyens ».

Le ralentissement des dépenses publiques, qu'il convient de saluer comme une mesure courageuse, ne nuira toutefois pas à l'emploi, dont le Premier ministre a fait la priorité absolue et auquel seront consacrés quatre milliards d'euros. Le chômage est dès cette année repassé sous la barre des 10% et le contrat nouvelles embauches a connu dès son lancement un franc succès avec déjà plus de 100 000 contrats signés.

Ce budget est bon qui consacre 1,8 milliard d'euros à la poursuite des baisses de charges sociales pour les entreprises et deux milliards aux dégrèvements de taxe professionnelle.

Ce budget est bon qui n'ampute pas le pouvoir d'achat des Français, bien au contraire. Après l'augmentation importante du SMIC, l'impôt sur le revenu va diminuer et nos concitoyens vont être incités à reprendre un emploi grâce à la revalorisation de la PPE, à un crédit d'impôt de 1 000 euros pour les jeunes acceptant un emploi dans les secteurs connaissant des difficultés de recrutement ou bien encore une prime du même montant pour les titulaires de minima sociaux recommençant à travailler.

Il s'agit, au total, d'un budget responsable et stratégique.

J'en viens à la réforme fiscale, autre pilier de ce budget. Excellente mesure que la bouclier fiscal qui fait que nul ne pourra plus être taxé au-delà de 60% de ses revenus, niveau proprement confiscatoire ! Plusieurs problèmes demeurent toutefois en suspens à ce sujet. Tout d'abord, le dépassement du plafond du fait des impôts locaux. Cela risque d'être un sujet de conflit avec les collectivités et, en tout cas, une source de complexité. Les sommes en cause n'allant probablement pas dépasser 50 millions d'euros, il serait judicieux que l'Etat en prenne à sa charge le remboursement. Ensuite, le bouclier fiscal sera pratiquement sans effet pour les personnes payant l'ISF au titre de leur résidence principale, notamment les 300 000 petits contribuables à l'ISF, dont le nombre augmente chaque année du fait de l'augmentation des prix de l'immobilier, et qui paient un impôt sur un bien qui ne leur rapporte rien et qu'ils ont acquis avec des revenus déjà largement fiscalisés. Quant au syndrome de l'île de Ré, si j'ose m'exprimer ainsi, il touche en vérité des milliers de propriétaires fonciers aux revenus modestes qui se trouvent simplement posséder du terrain qui a pris de la valeur. Je regrette de n'avoir pas convaincu le Gouvernement sur ce point.

Concernant toujours l'ISF, la commission des finances a adopté une disposition tout à fait intelligente visant à exonérer de cet impôt 75% de la valeur des actions nominatives détenues par des salariés, anciens salariés ou actionnaires minoritaires à la condition qu'ils conservent leurs actions pendant six ans. Cette mesure, Jean-François Copé l'a dit, devrait favoriser l'emploi et la compétitivité. Elle marquera aussi la fin d'un tabou.

Le plafonnement des niches fiscales, quant à lui, inquiète beaucoup de nos concitoyens, car certaines de ces niches étaient fort utiles. Je pense en particulier à celle créée par la loi Malraux qui a permis de préserver et d'embellir le patrimoine architectural de nos villes dans les secteurs sauvegardés.

Ces observations faites, je voterai ce budget avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Balligand - Nous voilà entrés sans le savoir dans l'ère du tout-virtuel ! Nous savions déjà qu'était étranger à ce Gouvernement le quotidien de nos concitoyens : précarité croissante du travail, chômage de longue durée, fins de mois - voire désormais débuts de mois - difficiles, stagnation du pouvoir d'achat quand ce n'est pas dégringolade... Mais voici que le virtuel l'emporte aussi dans l'élaboration du projet de loi de finances ! Je regrette particulièrement que le camouflage comptable auquel se livre le Gouvernement et qui le fait soupçonner d'insincérité trouve son apogée au moment où s'applique pour la première fois la LOLF.

M. Didier Migaud - C'est en effet profondément regrettable.

M. Jean-Pierre Balligand - Notre excellent collègue Didier Migaud, père incontesté de la LOLF, méritait de voir son œuvre plus loyalement servie que par ce budget injuste et contourné.

Le Gouvernement a centré sa communication sur des mesures qui, comme la réforme du barème de l'impôt sur le revenu, s'appliqueront et devront donc être financées... en 2007. C'est, nous dit-on, « un budget d'attente ». Attente de quoi ? Des prochaines élections présidentielles ? Ne croyez pas que j'aie hâte que ces mesures entrent en vigueur. Je m'inquiète seulement d'une réforme de l'impôt sur le revenu qui, inique dans la mesure où elle en réduit la progressivité, ne pourra qu'être désastreuse pour les recettes des gouvernements qui vous succéderont. « Les recettes de 2007 sont dès aujourd'hui préemptées à hauteur de cinq milliards d'euros » : ce n'est pas moi qui le dit, mais Gilles Carrez, rapporteur général du budget et député UMP...

Autre hypothèse des plus virtuelles dans ce budget : la prévision de croissance. Depuis juin 2002, les gouvernements ont pris la fâcheuse habitude de ne pas se fier aux économistes, fussent-ils tous d'accord, et de surestimer systématiquement la croissance à venir.

M. Michel Bouvard - Ils le faisaient aussi avant 2002 !

M. Jean-Pierre Balligand - Ce budget ne déroge pas à la règle, à croire que les occupants de Bercy ne vivent pas sur la même planète que le reste des Français. En tablant sur 2,25% de croissance l'an prochain, vous ne pariez pas sur l'avenir, vous tires des plans sur la comète ! On lit ici et là que le ministre de l'économie « y croit »...

M. le Ministre délégué - Il a raison.

M. Jean-Pierre Balligand - ...mais aussi que certains éminents parlementaires «croisent les doigts ». Ce n'est pas gouverner de façon responsable que de faire preuve d'une telle insouciance. On peut certes favoriser et amplifier la croissance. Encore faut-il partir d'hypothèses réalistes. Or, la vôtre est artificiellement gonflée d'au moins un demi-point de PIB, sans que pour autant les fondamentaux budgétaires s'en trouvent améliorés de quelque manière que ce soit. Sous la glaciation apparente des déficits publics, une nouvelle fois la dette se creuse de façon abyssale...

Les lois de finances ressemblent de plus en plus à un savant exercice de maquillage comptable. Et vous y allez particulièrement fort cette année ! La plupart des médias, plus éclairés que de coutume - mais sans doute la ficelle était-elle cette fois vraiment trop grosse - ont pointé les « astuces comptables » et « petites combines », utilisées dans le seul but d'améliorer autant qu'il était possible l'affichage budgétaire. L'an dernier, l'un de vos nombreux prédécesseurs au ministère des finances, Nicolas Sarkozy, avait usé comme artifice de la soulte inespérée de 7,7 milliards d'euros versée par EDF. J'ai d'ailleurs cru comprendre que certains membres de la majorité se mordent aujourd'hui les doigts de ne pas avoir mieux rentabilisé cette manne en son temps... Cette année, hélas, pas de cagnotte providentielle ! Qu'à cela ne tienne : les experts de Bercy se sont attachés coûte que coûte à dénicher des marges de manœuvre, fût-ce au prix d'autant de mystifications.

Premier tour de passe-passe, la débudgétisation des allègements de cotisations sociales patronales sur les bas salaires : 18,9 milliards d'euros d'allégements, qui avaient toujours été comptabilisés comme une charge pour le budget de l'Etat, ont été miraculeusement transformés en moindres recettes pour la Sécurité sociale. Escamoter ainsi près de 6,5% des dépenses de l'Etat : il fallait le faire, il fallait y penser ! Dans les tours de magie, il y a, hélas, toujours un « truc »... Le « truc » en l'espèce, c'est l'alourdissement du déficit des comptes sociaux. C'est pourquoi vous avez décidé dans un second temps de transférer à la Sécurité sociale le produit de la taxe sur les salaires, dont l'un de vos prédécesseurs, Alain Lambert, demandait la suppression dans un rapport de 2001. Ici encore, j'ai le sentiment que les remous viendront de votre propre camp...

Deuxième manipulation comptable : la sollicitation tous azimuts des recettes non fiscales. Cette vieille technique retrouve avec vous, pour ainsi dire, une nouvelle jeunesse. La presse bruit depuis plusieurs mois de rumeurs, pour la plupart confirmées, de prélèvements exceptionnels de l'Etat sur EDF - on parle de deux milliards d'euros alors que Thierry Breton nous a expliqué hier, lors des questions au Gouvernement, que l'entreprise ne disposait pas des fonds propres suffisants pour honorer ses dettes... -, sur les sociétés autoroutières - qui seraient ponctionnées de 950 millions d'euros, juste avant d'être vendues dans des conditions que j'ai déjà publiquement dénoncées -, mais aussi sur La Poste, la RATP, RFF, la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, la Banque de France, laquelle a depuis démenti, et jusque sur la Caisse des dépôts et consignations. La tendance est en tout cas au grappillage, et pas de petits grains !

Une de vos manœuvres les plus contestables consiste à détourner 1,4 milliard d'euros du Fonds de garantie créé pour favoriser l'accession sociale à la propriété et garantir les prêts à taux zéro. La Fédération bancaire a dénoncé « un hold up du Gouvernement sur les prêts sociaux ». Votre initiative est effectivement contestable sur la forme et scandaleuse sur le fond.

Dans ces conditions, ce que vous présentez comme une stabilisation du déficit n'est qu'une opération de tuyauterie dont les autorités bruxelloises n'auront aucun mal à déjouer l'artifice, par rapport aux critères de Maastricht !

M. Didier Migaud - Très bien !

M. Jean-Pierre Balligand - Quant au contenu, votre budget est « de droite » nous a dit le ministre de l'économie, de plus en plus politique et de moins en moins homme d'affaires. Au moins, que la majorité UMP l'assume publiquement étant donné le degré de démagogie et d'injustice fiscale atteint cette année.

Ce que je critiquerai surtout, c'est la méthode. L'examen de la loi de finances au Parlement doit être un exercice de vérité. Depuis quelques années, ce n'est plus le cas. En remettant sans cesse en cause vos engagements, en enjolivant à n'importe quel prix la présentation du budget, vous allez au devant d'une crise de confiance - d'ailleurs le rapporteur général et le président de la commission témoignent de plus en plus souvent déception et défiance.

M. Didier Migaud - Et leur gêne !

M. Jean-Pierre Balligand - Entre les engagements solennels non tenus - sur les transports par exemple - et les gels massifs de crédits - 4 milliards en 2005 ! - le Parlement commence à être échaudé. Et avant même d'avoir voté la loi de finances pour 2006, nous apprenons par voie de presse que 4,1 milliards pourraient être mis en réserve dès le début de l'an prochain ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - C'est la transparence !

M. Jean-Pierre Balligand - Ce n'est pas sérieux.

M. Michel Bouvard - Ce sont les 2% du bleu budgétaire.

M. Jean-Pierre Balligand - Soyez sincères dans vos prévisions, et cessez de tromper les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Didier Migaud - Ou ça finira mal.

M. Philippe Edmond-Mariette - Hier, le Gouvernement présentait son projet comme « responsable, sincère et transparent ». Je voudrais partager cet optimisme, mais je ne connais rien à la magie financière. Ce que je sais en revanche, c'est que nous hypothéquons l'avenir de nos enfants.

Nous en sommes tous d'accord, pour relancer la croissance, il faut une réforme fiscale d'envergure. Mais sous prétexte d'assainir le budget de l'Etat, on assiste à des surenchères dans la chasse aux « niches » et, une fois encore, on se tourne vers l'outre-mer.

Je me concentrerai donc sur les articles 61 et 73 de ce budget, avec la volonté de tordre le cou aux idées reçues.

Pourquoi le Parlement a-t-il voté en juin 2003 la loi de programme pour l'outre-mer ? Pour tenir un engagement du Président de la République, pour tenir compte de la fragilité des économies insulaires, et pour construire sur le long terme. Comme l'a dit Mme Girardin le soir du vote, aucun des dispositifs inclus dans cette loi de programme pour quinze ans ne risquait d'être remis en cause chaque année à l'occasion de l'examen du budget...

Pourquoi dès lors, moins de deux ans après, porter une atteinte aussi grave à des mesures issues de la concertation ? L'exonération de charges sociales et la défiscalisation ne sont-elles pas des instruments justifiés, nécessaires - et même insuffisants - du développement économique et social des régions ultramarines ?

Parler à ce propos de « niche fiscale » relève de la confusion ! La loi de programme de 2003 est en effet totalement neutre pour les finances publiques et ce dispositif ne profite pas à des contribuables désireux de se soustraire à la règle de l'égalité contributive. En fait, en tenant compte des effets de retour sur la métropole, la défiscalisation produit autant de prélèvements obligatoires que de dépenses fiscales.

Ces mesures ont permis une reprise de la croissance et la création d'emplois outre-mer. Vous affirmez que la réforme a pour but premier l'emploi. Mais par ces articles 61 et 73 vous freinez le recul du chômage dans nos régions alors qu'il y atteint de 25% à 30% de la population. Par comparaison, le bouclier fiscal dont vous parlez est un luxe qui ne concerne pas les exclus d'outre-mer, qui n'ont rien à protéger.

Et comment la France peut-elle rester crédible à Bruxelles, quand après avoir sollicité deux avis pour adopter la loi de programme aux DOM en 2003 dans le cadre des aides régionales, elle détruit tout deux ans plus tard ?

J'appelle donc le Gouvernement à placer hors du champ de la réforme fiscale les mesures de la loi de programme pour l'outre-mer, votée pour 15 ans.

En 1848, Alexis de Tocqueville observait que ce ne sont pas les lois qui font les grands événements, c'est l'esprit du gouvernement. C'est donc celui-ci qu'il faut changer. L'Outre-mer ne peut accepter une perpétuelle discrimination. Il lui faut au contraire plus de solidarité nationale, et une véritable égalité de traitement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bertho Audifax - Très bien.

M. Georges Tron - Je suis heureux de m'adresser, en la personne du ministre du budget, à celui de la réforme de l'Etat. Il serait en effet illusoire de croire rétablir l'équilibre des comptes publics sans engager une réforme de l'Etat, qui seule permettra d'aller au-delà d'une stabilisation des dépenses. Or, un point de dépenses en moins, c'est trois milliards de marge supplémentaire.

La réforme de l'Etat est donc bien au cœur de la question budgétaire et je consacrerai quelques remarques générales à ce thème qui m`est cher, d'autant qu'au-delà de l'aspect budgétaire, moderniser l'Etat est nécessaire pour nous mettre à peu près au niveau de nos voisins.

D'abord, l'objectif de stabilisation des dépenses exclut de facto celle des rémunérations et pensions. Or elles ont atteint en 2004 127 milliards, soit 44% des dépenses du budget général, et 2,1% de plus qu'en 2003. Ces crédits vont pour 53% au rémunérations et 27% aux pensions civiles de retraite. Ces dernières sont celles qui ont augmenté le plus - de 6% en un an. En effet, depuis 1995, le nombre de pensionnés civils a crû de 21%, et l'augmentation a été de 3% du 31 décembre 2003 au 31 décembre 2004. Malgré tous nos efforts, le volume des pensions augmentera en raison de la seule démographie. Pour conserver quelques marges, il faut donc adapter la politique d'embauche.

Cet après-midi, lors des questions d'actualité, j'observais qu'aucun des audits lancés sur la modernisation de l'Etat ne concernait la gestion des ressources humaines, et je vous demandais si c'était provisoire. Vous m'avez rassuré sur ce point. Je répète qu'il me paraîtrait inconcevable que ces audits ne portent pas sur les effectifs. De ce point de vue, le gouvernement Jospin avait élaboré pour chaque ministère des plans prévisionnels d'emploi qui sont de bons instruments. Dans ce domaine, la continuité est souhaitable, car la réforme de l'Etat n'est l'apanage ni de la droite ni de la gauche.

M. le Président de la commission - C'est exact.

M. le Ministre délégué - Il n'y a aucune ambiguïté sur ce point.

M. Georges Tron - Je m'en réjouis. Cela ne peut d'ailleurs que faire l'unanimité.

S'agissant ensuite des effectifs, l'idée souvent avancée d'une diminution des postes mis aux concours dans les dix ans à venir en fonction des départs à la retraite doit être nuancée.

M. Richard Mallié - Très bien.

M. Georges Tron - D'abord, cela ne règle pas le problème du déficit. En ne remplaçant qu'un départ en retraite sur deux, on ne peut escompter qu'un milliard d'économies par an. Ce n'est pas la panacée, d'autant qu'en réalité, on restitue la moitié des économies réalisées sous forme de bonus aux rémunérations : du milliard, il ne reste donc que 500 millions d'économies budgétaires.

En outre, il est clair que l'ensemble de l'édifice ne doit pas être considéré comme un tout homogène mais qu'il faut bien plutôt appréhender la situation ministère par ministère, voire service par service. Rapporteur pour les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, j'aurai l'occasion de plaider dans quelques jours pour une stricte distinction entre les emplois directs de service à l'usager - les fonctions de front office - et les missions de support - le back office - car il y a sans doute lieu d'envisager différemment l'évolution de leurs effectifs respectifs.

Bien que la LOLF donne une meilleure connaissance globale de l'emploi public, il est choquant de constater que certains opérateurs - au premier rang desquels les établissements publics - mobilisent plus de 230 000 emplois que ne retrace aucun des documents annexés au PLF. Il n'existe aucun moyen de contrôler valablement l'évolution des effectifs de ces établissements et je sais que nous sommes nombreux à considérer que cette situation n'a que trop duré. Songez que, dans la période 1982-2003, alors que les effectifs de la fonction publique d'Etat augmentaient de 14%, ceux-là progressaient de 36% !

Par ailleurs, sans méconnaître la règle de l'annualité budgétaire, je souhaite que le Gouvernement s'engage à stabiliser dans les prochaines années les crédits de personnels, de manière à éviter que la LOLF soit détournée par le biais de reports des ouvertures de postes aux concours.

Un mot pour conclure sur l'immobilier de l'Etat. Au-delà du produit des indispensables cessions, je suis intimement convaincu qu'une meilleure gestion du patrimoine de l'Etat permettrait de réaliser une économie de l'ordre de 1,5 milliard, les frais d'entretien pouvant être réduits de moitié au moins. Le rapport de la MEC a en outre démontré que plusieurs dizaines de milliers de bâtiments publics étaient dévolus aux établissements publics sans que l'Etat dispose du moyen d'en contrôler valablement la gestion. Il n'est que temps de mettre un terme à ces pratiques anachroniques. En toute hypothèse, une économie de plusieurs milliards d'euros pourrait être réalisée en dix ans si le patrimoine immobilier de l'Etat obéissait enfin à des règles de gestion plus rigoureuses. Je pense que l'on conviendra que la question mérite d'être approfondie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Richard Mallié - « La résistance au changement n'est que le refus de la croissance » : cette citation d'Alexandre Rupertti rappelle combien l'innovation est nécessaire à l'engrangement de la prospérité. On ne crée pas de la croissance en se reposant sur les acquis, mais bien en faisant de la novation le moteur de sa politique économique. Le présent budget démontre s'il en était besoin que le Gouvernement a fait sienne cette philosophie, puisque ce projet de loi de finances est celui de la réforme.

Avec l'application de la LOLF, c'est toute l'architecture de notre budget qui se trouve revisitée. Exeunt chapitres et paragraphes : place aux missions, programmes et actions. Et le changement n'est pas anodin, puisque c'est une page d'un demi-siècle qui se tourne aujourd'hui. En choisissant la démarche de la performance, la LOLF constitue à l'évidence une révolution. Mais au-delà de sa présentation, ce PLF contient aussi plusieurs réformes de grande envergure, notamment pour ce qui concerne l'impôt sur le revenu.

Attendue de longue date, la remise à plat de ce dernier permettra à nos concitoyens de mieux appréhender l'univers fiscal, souvent jugé hostile du fait de son inutile complexité. Améliorant la lisibilité de l'impôt, la réduction du nombre de tranches est donc particulièrement bienvenue.

Toutefois, si je salue le courage du Gouvernement et nombre de ses initiatives, certaines mesures m'inspirent plus de réserves. S'agissant tout d'abord de l'impôt sur le revenu, si je suis favorable à la réduction du nombre de tranches d'imposition, la suppression de l'exonération de 20% jusqu'alors accordée aux travailleurs indépendants membres d'une CGA ou d'une AGA, me laisse sceptique. En effet, afin que les professions indépendantes membres d'une AGA ou d'une CGA ne soient pas pénalisées par la suppression de cet abattement, des mesures de « correction » ont été insérées. Ainsi, les professionnels n'adhérant pas à de telles structures auront l'obligation de déclarer leurs revenus qui seront assortis d'un coefficient de 1,25. Or, si je m'étais déjà permis de vous alerter sur les effets pervers liés à la remise en cause de cette exonération, la correction proposée m'inquiète pour au moins deux raisons.

La première est d'ordre juridique. Le coefficient 1,25 revient en effet à imposer un quart de revenus fictifs. Cela représente non seulement une entorse au principe fiscal voulant que l'on ne paie d'impôt que sur des revenus disponibles, mais aussi une atteinte à la Déclaration des droits de l'homme, laquelle énonce dans son article 13 le principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques. En l'espèce, la différence de traitement semble aussi flagrante qu'injustifiée.

Second motif d'inquiétude, le risque d'effets pervers associés au principe de correction. Il est patent que le nouveau système risque d'engendrer de nouvelles fraudes, la déclaration de revenus étant minorée pour éviter le surplus d'imposition créé par le coefficient de 1,25. Les conséquences sont faciles à deviner : les membres d'AGA ou de CGA continueront à supporter les contraintes de leur adhésion sans en tirer aucun avantage, cependant que l'Etat se verra amputé d'une part des recettes fiscales qui lui sont dues.

Ma dernière remarque concernera la mise en œuvre de la LOLF. Si nous avons fait le bon choix en engageant ce grand chambardement budgétaire, je m'interroge toutefois sur l'application concrète du dispositif. Rapporteur spécial du budget sur la sécurité sanitaire, je n'ai pu que constater, au fil des auditions menées depuis trois semaines, la perplexité de nos administrations face à une réforme dont beaucoup ne maîtrisent pas encore les tenants et les aboutissants. Ainsi, je ne vous cacherai pas que mon travail de rapporteur a été gêné par le retard pris dans la transmission des réponses aux questionnaires budgétaires. Si l'on peut, pour cette année encore, plaider l'indulgence et considérer qu'une telle réforme ne peut être totalement intégrée dès sa première année d'application, il est essentiel que tout soit mis en oeuvre pour que, dès l'an prochain, le travail de chacun puisse être mené avec toute la sérénité et la rigueur requises. Je n'hésiterai pas pour ma part à mener les vérifications sur place et sur pièces prévues par la loi.

La présentation du projet de loi de finances n'est jamais un exercice facile, et bien d'autres, Monsieur le ministre, y ont laissé des plumes avant vous ! Si le projet de loi de finances pour 2006 est marqué du sceau de la réforme, il s'inscrit dans la continuité de la politique de redressement menée depuis 2002. Nous le voterons donc sans état d'âme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, jeudi 20 octobre, à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 10.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 20 OCTOBRE 2005

A NEUF HEURES TRENTE - 1re SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion générale et discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540).

Rapport (n° 2568) de M. Gilles CARREZ, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

A QUINZE HEURES - 2e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE - 3e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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