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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 12ème jour de séance, 26ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 20 OCTOBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Luc WARSMANN

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2006 (suite) 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 25

La séance est ouverte à neuf heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2006 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion générale du projet de loi de finances pour 2006.

M. Jean-Yves Cousin - Le principe républicain commande que le citoyen soit traité à égalité avec l'Etat. Or, notre société est encore trop souvent confrontée au fait du prince, notamment en matière fiscale, comme je n'avais pas manqué de le souligner dans le rapport que j'ai remis à Pierre Méhaignerie en 2003, sur l'amélioration des relations entre le contribuable et l'administration fiscale. J'y relevais en effet l'inégalité choquante entre la pénalité de 9 % appliquée aux citoyens en cas de retard dans la déclaration de leurs revenus, et celle de 3,25 % payée par l'Etat aux citoyens en cas d'erreur. « Selon que vous serez puissant ou misérable... »

De surcroît, si ce taux d'intérêt de 9 % pouvait avoir un sens à une époque où le loyer de l'argent était élevé, il devient injuste dès lors que ce loyer avoisine les 3 %.

Par ailleurs, cette mesure était particulièrement inique lorsqu'un salarié omettait de déclarer une partie de ses revenus, puisqu'il perdait alors le bénéfice des 20 % d'abattement sur les salaires, sur lesquels il devait encore payer 9 % d'intérêt. Les conséquences pouvaient en être très lourdes pour les plus modestes.

J'avais suggéré dans mon rapport d'aligner le traitement du citoyen sur celui de l'Etat. Vous proposez une harmonisation des taux à 4,80 %...

M. Gilles Carrez, rapport général de la commission des finances - Excellente disposition.

M. Jean-Yves Cousin - C'est une mesure courageuse, mais il est prévu par ailleurs au code de procédure fiscale que la contrepartie de la régularisation spontanée d'une erreur entraîne la réduction de moitié du taux d'intérêt de retard. Afin d'éviter les effets d'aubaine que le nouveau dispositif risque de provoquer, je défendrai un amendement tendant à porter cette réduction de 50 à 70 %.

M. le Rapporteur général - Très bon amendement.

M. Jean-Yves Cousin - Cela étant, votre proposition courageuse - elle aura un coût - corrige une profonde inégalité qui pénalisait les plus modestes, et rétablit la stricte égalité entre les droits et les devoirs de l'Etat et de ses citoyens. Je me réjouis que ce soit vous, Monsieur le ministre, qui restauriez ainsi la confiance de nos concitoyens dans leur administration fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Bapt - Permettez-moi d'associer à mon intervention M. Terrasse qui, ne pouvant être là ce matin, a eu l'obligeance de me céder son temps de parole.

« Presque tout pour un petit nombre, pas grand-chose pour un grand nombre », c'est ainsi que je serais tenté de qualifier ce projet de loi de finances, ainsi que la réforme fiscale 2006-2007.

Que ce projet de budget profite toujours aux mêmes, nous nous y attendions ; de même la poursuite de la dégradation des comptes publics ne nous surprend guère : le déficit public n'est jamais revenu au niveau atteint par le précédent gouvernement entre 1997 et 2002...

Mais que, pour le premier budget soumis à la loi organique du 1er août 2001, vous atteigniez ce niveau d'insincérité, je trouve cela déplorable, tant à l'égard de la représentation nationale, que des auteurs de notre nouvelle constitution financière, ou de nos concitoyens à qui vous voulez faire croire en un « zéro volume de dépenses » totalement artificiel.

Pis, par des tours de passe-passe dont vous semblez seuls avoir le secret, ce sont les comptes de la sécurité sociale qui sont aujourd'hui menacés ! Après les collectivités territoriales, auriez-vous trouvé là une nouvelle victime du délestage de l'Etat ?

Votre budget est faussé, injuste, anti-économique, et fait peser sur les comptes des collectivités locales et de la sécurité sociale les conséquences de votre imprévoyance.

La règle du « zéro volume » dont vous vous prévalez est purement artificielle. Vous avez ainsi décidé de comptabiliser les allègements de charge sociales que l'Etat compense, non plus en dépenses du budget général, mais en moins-values de recettes. A ce compte là, il est certain que les 18,6 milliards qui seront versés aux organismes de sécurité sociale n'iront pas grossir la colonne dépenses, et vous pouvez afficher une progression de 1,8 % en valeur, conforme au taux d'inflation attendu l'an prochain...

Quant à la sécurité sociale, elle servira de trésorerie aux entreprises en attendant la régularisation qui ne pourra intervenir, en compensation, que deux ans plus tard. Gageons que cela alimentera la reprise de la dette de la sécurité sociale par la CADES. A ce propos, quand le conseil de surveillance de cette caisse, qui comprend des parlementaires, sera-t-il enfin constitué ?

Rarement un projet de loi de finances aura été si difficile à lire. Je ne pense pas que l'objectif de la LOLF était de rendre si périlleuse la comparaison du PLF 2006 avec le PLF 2005 - d'autant plus que vous vous êtes bien gardés de communiquer sur l'évolution des crédits, poste par poste.

Votre budget est injuste. Un grand quotidien économique citait récemment M. Breton, pour qui ce budget serait bon parce qu'il est de droite. Au moins ce ministre a-t-il le mérite de la sincérité : budget de droite classique, il est en effet au service de quelques-uns. Et pourtant, ce n'était pas au lendemain de la journée mondiale contre la misère qu'il convenait de faire des économies de bout de chandelle sur le dos des plus modestes, comme en témoignent les 20 millions d'économies par rebasage du forfait logement pour l'accès à la CMU complémentaire.

Et que dire de vos cadeaux fiscaux aux plus privilégiés ! Vous prétendez accorder une baisse d'impôt de 500 millions à 126 000 contribuables, mais vous ne dites pas qu'elle profitera essentiellement aux 9 000 plus gros d'entre eux ! 31 % du gain attendu de cette réforme ira aux 5 % de contribuables les plus riches.

Le quotidien Les Echos publie d'ailleurs ce matin l'étude de l'OFCE qui confirme nos propos en concluant que la réforme creuse les inégalités de revenus, pourtant déjà excessives. Résultat de votre réforme : la mort programmée de l'impôt citoyen. Le Premier ministre a annoncé qu'il voulait simplifier l'impôt et alléger le poids de la fiscalité. Certes, notre système, particulièrement opaque, pénalise les couches moyennes mais cette réforme ne vise pas à les avantager et la simplification ne me semble pas non plus être son véritable but. Comment ne pas souscrire à ce souci de simplifications techniques tant abondent les exonérations, les abattements et les niches fiscales ? Grâce à la suppression de l'abattement de 20 %, les contribuables découvriraient que le vrai taux d'imposition marginal n'est pas de 48 %, comme beaucoup le croient, mais en fait de 38 %. L'opération consistant à supprimer l'abattement forfaitaire de 20 % et à réduire d'autant les taux d'imposition n'est pas un jeu à somme nulle, comme en fait foi un rapport publié en juin 2000 par le conseil des impôts selon lequel « l'intégralité de l'abattement de 20 % dans le barème serait favorable aux revenus qui n'en bénéficient pas jusqu'à présent ». C'est le cas de certains revenus fonciers, des capitaux mobiliers, des plus values immobilières, des revenus professionnels de non-salariés mais aussi de tous les contribuables dont le revenu imposable dépasse le plafond autorisé de 117 900 euros en 2005 au-delà duquel l'abattement ne joue plus. Or, un contribuable qui atteint ce seuil de revenu imposable peut-il légitimement être classé dans la catégorie des classes moyennes alors que le salaire médian est de 17 463 € ? Ce sont en réalité les 10 % des contribuables les plus riches qui, pour l'essentiel, tireront avantage du nouveau dispositif. Le conseil des impôts était lui-même conscient des effets pervers d'une telle réforme puisqu'il préconisait des mesures pour en limiter l'effet, notamment la création d'une nouvelle tranche d'imposition.

La réduction à quatre du nombre de tranches d'imposition au lieu de sept actuellement encourt les mêmes critiques, la moindre progressivité de l'impôt profitant aux contribuables les plus aisés. Depuis des lustres, la progressivité de l'impôt était une valeur de la République. C'est le principe édicté par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en son article 13. En 1990 et 1993, le Conseil constitutionnel, en marge du débat autour de la CSG, avait rappelé que la montée en puissance de ce prélèvement proportionnel était possible à la condition que cela ne remette pas en cause le principe de la progressivité garanti dans certaines limites par la Constitution. A la demande de l'aile la plus libérale de la majorité, la France enterre le seul prélèvement progressif dont elle dispose, l'impôt citoyen, et s'achemine vers un système de prélèvement proportionnel. Le Premier ministre qui, dans Le Requin et la mouette, affichait sa foi dans l'éternité de l'Homme né un soir de 1789, s'apprête dans le même temps à tourner le dos à de grands principes, notamment fiscaux, sur lesquels la République s'est construite.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat - Vous avez de bonnes lectures.

M. Gérard Bapt - Assurément, mais je n'ai pas précisé qui est le requin et qui est la mouette (Sourires).

Sous prétexte de relancer la croissance, que vous surestimez du reste largement, vous aggravez le poids et la charge de la dette publique qui représentera 65 % du PIB en 2006 contre 58,2 % à la fin de 2002, la gauche étant parvenue à la réduire de 2,7 points entre 1999 et 2001. Rappelons qu'en 2001 le budget, hors charge de la dette, était en excèdent et qu'aujourd'hui, du fait de votre gestion calamiteuse, la charge de la dette est devenue le deuxième poste budgétaire de l'Etat, avec 3% du PIB, malgré des taux d'intérêt exceptionnellement bas.

Ce budget ne favorise ni la croissance, ni l'emploi, alors que la relance de la croissance passe par une augmentation du pouvoir d'achat, comme les Français l'ont bien compris le 4 octobre puisqu'ils ont réclamé avec la gauche la réactivation de la TIPP flottante, l'ouverture de négociations dans la fonction publique et dans le secteur privé afin de définir une politique pluriannuelle des salaires. Vous faites des collectivités territoriales des boucs émissaires. Elles seront victimes non seulement du bouclier fiscal que vous accordez aux plus riches mais également de votre réforme de la taxe professionnelle. Sans doute jaloux de la réforme de MM. Douste-Blazy et Bertrand sur l'assurance maladie, vous instaurez en effet un ticket modérateur non plus sur les assurés sociaux mais sur les collectivités locales. Il coûtera cher puisque la perte est évaluée pour les départements à 177 millions, à 217 millions pour les régions et à 56 millions pour les intercommunalités.

Le groupe socialiste dénonce un budget qui manque de transparence, inéquitable et incompatible avec une véritable politique de croissance. Il démontrera son caractère outrancièrement libéral, comme il aura l'occasion de le faire également à l'occasion de la discussion du PLFSS. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Yves Chamard - Si notre scrutin législatif était proportionnel, nous aurions été contraints, comme les Allemands, de discuter de l'augmentation du déficit, nos collègues de gauche poussant d'ailleurs à une augmentation toujours plus importante.

M. Jean-Louis Dumont - Il faut un déficit dynamique.

M. Jean-Yves Chamard - En Allemagne, il ne s'agit pas de savoir comment augmenter le déficit, mais comment le diminuer. Le SPD propose 15 milliards de réduction, la CDU, 30 milliards...

M. Jean-Louis Idiart - Et la CSU ?

M. Jean-Yves Chamard - ...et sans doute un accord se fera-t-il autour de 20 milliards. Lorsque les principaux responsables de notre commission des finances ont suggéré de réduire le déficit de deux milliards, on les a traités d'irresponsables et on leur a demandé d'être raisonnables. C'est finalement la somme de 500 millions qui a été retenue, soit quarante fois moins que les Allemands. C'est, je crois, une excellente illustration de la culture de la dépense publique...

M. Jean-Louis Idiart - On croirait entendre M. Sarkozy !

M. Jean-Yves Chamard - ...qui règne en France, culture entretenue par une gauche démagogique, il suffit de lire le programme de M. Fabius. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Il est également vrai que la droite et le centre n'ont pas toujours le courage de dire la vérité aux Français. Or, il le faut. Le déficit du budget de l'Etat n'est pas de 3 % mais de 20 %, la dette accumulée est supérieure à 1 000 milliards et elle s'accroît de 30 000 euros par minute. Nous nous soignons à crédit sur le dos de nos enfants, la réforme des retraites, bien que très courageuse, ne comble que la moitié des besoins de financement, la formation d'un élève dans l'enseignement secondaire coûte 25 % de plus que la moyenne des pays de l'OCDE. On dénombre plus de 20 000 enseignants sans classe, ni activité pédagogique, ni décharge statutaire. Il y a deux fois plus d'agents par kilomètre parcouru à la SNCF que de cheminots allemands.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Exactement.

M. Jean-Yves Chamard - La gestion publique de la SNCM était calamiteuse, comme nous l'apprenons un peu plus chaque jour.

Certains pensent qu'il faut promettre toujours plus pour gagner les élections. Cela a peut-être été le cas dans le passé, mais les mentalités changent. D'ailleurs, à ce petit jeu, nous serons toujours dépassés par les socialistes, qui ont la dépense dans le sang, comme nous l'avons vu dans les régions.

M. le Président de la commission - Très bien.

M. Jean-Yves Chamard - En 2007 comme en 2002, les enjeux des élections seront sociétaux : le grand débat sera en l'occurrence sur l'immigration subie ou choisie.

Si nous parions sur le sens des responsabilités des Français, ce budget est raisonnable compte tenu des engagements passés, des contraintes présentes, de notre choix de mettre l'emploi au premier rang. J'ai cependant quatre regrets à formuler. Nous sommes loin du « zéro volume », comme l'ont démontré MM. Carrez ou de Courson. Les dépenses liées à l'Europe, aux collectivités locales, à la sécurité sociale seront en effet essentielles. Pourquoi, en outre, avoir baissé la garde en matière de productivité des agents publics ? Je rappelle que l'on dénombre 2,350 millions d'agents. Un point de productivité représente 23 000 postes et il y aura 65 000 départs en retraite cette année. En 2003, nous avons réduit l'emploi public de 2 000 postes, de 4 500 en 2004, et de 8 500 en 2005. Il me semblait logique d'atteindre 12 500 postes en 2006, ce qui représente 0,5 point de productivité et un départ en retraite sur cinq non compensé. Nous ne sommes qu'à 4 500 postes, soit seulement un départ sur 14 non compensé ! Enfin, ce budget ne comporte aucun indicateur de coût - combien coûte un élève dans le primaire, le secondaire, dans tel ou tel établissement ? - pas plus d'ailleurs que n'y figurent des comparaisons internationales.

Nous devrons d'abord revoir le périmètre de l'action de l'Etat, ses modes d'organisation, et passer un accord avec les fonctionnaires. Si la productivité progresse, ces progrès seront répartis entre une augmentation des salaires et une diminution des dépenses. Monsieur le ministre, nous sommes décidés à vous aider pour remettre les finances publiques sur la bonne voie.

Bravo pour les audits ! La commission des finances a commencé à organiser les siens, en particulier sur les enseignants sans classe ni activité pédagogique. Nous serons vigilants sur les suites qui leur seront données. Nous communiquerons sur l'état exact des finances, nous vérifierons que les projets de loi budgétivores seront financés par redéploiement. Nous expliquerons aux Français où veulent les amener les socialistes « dépensophiles » .

M. Jean-Louis Dumont - C'est méprisant !

M. Jean-Yves Chamard - Ce sont eux qui ont utilisé toutes les marges de croissance des années 1997 à 2000 pour générer de nouvelles dépenses. Ce sont eux qui ont créé une APA non financée, laquelle explique une hausse de 20 % de la fiscalité départementale. Ce sont eux qui ont lancé les régions dans la course folle à la dépense. Il faut un sacré culot pour donner des leçons à un Gouvernement qui va dans la bonne direction. Je voterai donc ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Idiart - Bravo Sarkozy !

M. Jean-Louis Dumont - L'examen du projet de loi de finances nous donne l'occasion de montrer qu'il est possible de faire autrement et de chercher ensemble comment améliorer le mode de fonctionnement de l'Etat.

L'article premier est celui qui autorise le Gouvernement à prélever l'ensemble des impôts et des taxes qui serviront à alimenter les dépenses. Cette autorisation à donner nous amènera à nous interroger sur certaines des conséquences de la LOLF. On nous dit par exemple que les reports ne seront plus possibles, mais des campagnes de presse précisent : sauf pour la défense. Que faut-il en penser ? Cette autorisation à donner nous amène aussi à nous interroger sur la fonction publique d'Etat, laquelle semble susciter chez certains des réactions exagérées, voire féroces. Pourtant, comment les choses se passeraient-elles sans tous ces agents et sans la qualité de leur intervention ?

Quand on veut préparer l'avenir, il faut se soucier de la gestion des ressources humaines. Cela vaut en particulier pour vous, Monsieur le ministre du budget, qui êtes à la tête d'un important réseau - celui du trésor public - dont j'ai d'ailleurs pu mesurer la mobilisation quand j'ai travaillé sur les fonds européens. Ces fonds dont la répartition sur le territoire conditionne bien des réponses aux problèmes locaux. A ce propos, Monsieur le rapporteur général, j'ai été un peu choqué de vous entendre parler du prélèvement européen de 18 milliards comme s'il n'y avait pas de retour. Si un jour un nouvel impôt était levé sur l'ensemble de l'Union européenne, selon un seul et même mode de perception, je ne doute pas, Monsieur le Président de la commission des finances, que l'on diminuerait d'autant les recettes de la loi de finances, de même que les maires, quand ils transfèrent des recettes à l'intercommunalité, diminuent d'autant le prélèvement effectué au titre de leur commune. Mais j'en reviens à la gestion des ressources humaines.

Y en a-t-il une, au demeurant ? Au-delà des missions techniques des fonctionnaires, s'attache-t-on à définir une mission plus générale, un déroulement des carrières, un renouvellement des postes et des qualifications ? Je m'étonne à ce sujet, Monsieur le ministre, que l'on puisse répondre à certains fonctionnaires qui demandent une promotion qu'ils l'auront s'ils veulent bien s'engager à partir à la retraite dans six mois ou dans un an. Ces fonctionnaires ne sont pas malheureux, ce sont les conservateurs des hypothèques, mais enfin... A un moment où le ministre du logement veut relancer la construction, assurer le renouvellement urbain et mettre sur le marché plus de logements, nous devons impérativement moderniser nos moyens. Et donner aux fonctionnaires une visibilité. Ce n'est pas le cas.

J'ai lu avec intérêt, Monsieur le ministre, vos réponses au journal Losange, le magazine des débitants de tabac, et j'ai entendu ce matin à la radio que le Gouvernement allait se mobiliser contre le travail au noir. Il faudrait commencer par s'attaquer à tout ce commerce parallèle, toute cette économie souterraine du tabac, qui se sont organisés dans le silence qu'a observé le ministère de l'économie au sujet du devenir du réseau des buralistes ! Vous interdisez aux buralistes de vendre du papier à cigarettes aux jeunes, mais ils peuvent en trouver à quelques mètres du bureau de tabac ! Si l'on considère que la consommation de tabac est un phénomène à maîtriser, il faut se donner les moyens de le faire, en termes de contrôle notamment.

Je voudrais aussi dire un mot de l'article 48. Alors que certains collègues de la commission des finances, je pense par exemple à M. Mariton ou à M. Tron, nous répètent qu'il faut dégraisser l'Etat et supprimer certains organismes, voici que l'on crée à cet article une nouvelle société d'Etat, chargée d'acheter à RFF certains biens pour ensuite les revendre. Notez que l'achat se ferait à la valeur comptable mais que la vente pourrait se faire au triple de celle-ci et que la différence irait au budget général de l'Etat ! Ce gouvernement n'est pas le premier à avoir besoin de prélever ou de préempter, mais là il agit vraiment en prédateur !

M. Augustin Bonrepaux - C'est scandaleux !

M. Jean-Louis Dumont - Que l'Etat récupère une partie de la plus-value, soit, mais il ne peut pas spolier ainsi RFF, alors que cette structure a déjà repris tout le déficit de la SNCF ! L'article 48 trahit une contradiction entre le discours politique officiel et l'action du Gouvernement. D'ailleurs, la commission des finances l'a repoussé.

M. le Ministre délégué - Je vous répondrai et je vous convaincrai.

M. Jean-Louis Dumont - Je ne demande qu'à être convaincu du bien-fondé de nos politiques économiques !

M. le Président - Il faut conclure.

M. Jean-Louis Dumont - Alors, je conclurai en dénonçant à mon tour, comme l'a fait hier M. Balligand, le prélèvement de 1,4 milliard que s'apprête à faire le Gouvernement sur le Fonds de garantie à l'accession sociale à la propriété ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Daniel Garrigue - Tout d'abord, je rejoins ceux des orateurs qui ont souligné la sincérité et le volontarisme de ce budget. Mais je voudrais parler plus particulièrement du Fonds de financement des prestations sociales agricoles, qui a succédé au BAPSA. Le déficit hérité du BAPSA s'élevait à environ 3, 2 milliards. Celui enregistré par le FIPSA depuis est malheureusement resté à un niveau assez élevé d'environ 1, 5 milliard.

Tout d'abord, pour rembourser la dette du FIPSA, qualifiée par la Cour des comptes de « dette de l'Etat », le comité de surveillance du FIPSA a proposé de contracter un emprunt dont le remboursement s'étalerait sur dix ans. Ensuite, il faudra doter le FIPSA de ressources suffisamment diversifiées et stables pour éviter l'accumulation de déficits à venir. Enfin, il est nécessaire de revoir les règles de compensation démographique en matière de dépenses de vieillesse et de maladie dont l'augmentation va croissant avec la fuite des actifs et le vieillissement du monde agricole.

Nous espérons donc que la mission parlementaire qui aura pour objet de rétablir l'équilibre financier du FIPSA et d'assurer l'équité des retraites agricoles, dont la création a été proposée par M. Méhaignerie et approuvée par le ministre de l'agriculture, verra bientôt le jour et pourra rendre ses conclusions rapidement. Devront y participer MM. Le Fur, Jean-Yves Cousin, Censi et moi-même qui sommes déjà impliqués dans ce sujet.

Monsieur le ministre délégué, la comparaison de notre système avec celui des autres est effectivement un exercice profitable. Cette démarche est d'ores et déjà engagée à l'Assemblée nationale - pour preuve, l'excellent rapport de M. Méhaignerie sur la « flex-securité » au Danemark ou les travaux de la délégation européenne sur l'aménagement du temps de travail et le financement de l'assurance maladie - mais doit être systématisée. De plus, ces comparaisons ne sont pas neutres : les transformations du système fiscal et de la protection sociale de nos voisins commandent en partie nos évolutions futures. Si le système de la flat tax, l'impôt à taux unique, déjà appliqué dans les pays Baltes et en République tchèque, était adopté par les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, nous serions obligés de réagir pour affronter la concurrence.

Aussi, l'Union aurait tout intérêt à accélérer l'harmonisation fiscale et sociale à l'échelle européenne, même si cela n'est pas obligatoire. M. Blair, après avoir envisagé d'organiser un sommet européen sur les modèles sociaux, s'est vu contraint de proposer la simple tenue d'une réunion informelle à la fin du mois d'octobre. Monsieur le ministre délégué, comment envisagez-vous d'aborder ce débat ? Par ailleurs, dans le cadre de la relance de la stratégie de Lisbonne, il était prévu d'établir des programmes nationaux de réforme. Le Parlement sera-t-il associé à leur élaboration et à leur adoption ? Nous devons sortir du caractère franco-français de nos débats et oser la comparaison. J'apporte mon entier soutien à votre budget ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Guillaume - Un professeur aurait attribué à votre copie budgétaire un « peut mieux faire »

M. Didier Migaud - Voire « à refaire » !

M. François Guillaume - Généralement cette annotation veut exprimer un encouragement plutôt qu'une critique et c'est le sens de mon intervention.

Tout d'abord, comment diminuer les impôts, maintenir la dépense en euros constants et revenir sous la barre des 3 % de déficit en 2006 quand le taux d'activité reste médiocre ? Ce ne peut être qu'au moyen d'une nouvelle cession d'actifs ou d'un mauvais arbitrage entre crédits de fonctionnement et crédits d'équipement. Les crédits d'investissement public, créateurs d'emplois, ne doivent plus servir de variable d'ajustement budgétaire. La réduction des effectifs de la fonction publique est également limitée à quelques milliers de personnes alors que la France souffre d'une hypertrophie administrative. Pourquoi n'avoir pas saisi l'occasion des départs en retraite de 70 000 fonctionnaires pour réduire le train de vie de l'Etat ?

Le relèvement de la prime pour l'emploi est une bonne décision mais le dispositif ne sera complet et dissuasif que lorsque les indemnités de chômage seront supprimées à tous ceux qui refusent, sans raison majeure, le deuxième emploi proposé.

Mais votre meilleure proposition est sans conteste le plafonnement de la globalité des prélèvements directs car il ôte à l'impôt son caractère confiscatoire. La modalité de restitution au contribuable du trop-perçu en cas de dépassement obligera à clarifier les responsabilités de l'Etat et des collectivités dans la hausse générale de la pression fiscale. En effet, les allégements d'impôt décidés par nos gouvernements depuis trois ans ont été chaque fois compensés par les hausses décidées par les collectivités. Monsieur le ministre, la liberté pour les collectivités de fixer l'impôt doit être encadrée par la loi afin de protéger le citoyen des éventuelles dérives de ses élus locaux. A cet égard, l'explosion de la pression fiscale dans les régions nouvellement dirigées par l'opposition est significative de bien des abus.

Un autre avantage du plafonnement est d'éviter que l'impôt sur le patrimoine ne s'apparente à une véritable spoliation. Chacun a en mémoire les cas aberrants de l'île de Ré. Des paysans, bénéficiaires d'une toute petite retraite, ne payent pas d'impôt sur le revenu mais sont assujettis à l'ISF en raison de l'augmentation faramineuse des prix des terrains. Votre règle des 60 % réduira de 40 % l'impôt mais le délai d'un an nécessaire au remboursement des trop-perçus exige une trésorerie dont ils ne disposent pas. Comment comprendre que leurs biens sont imposés quand les œuvres d'art sont exonérées grâce à un certain Jack Lang ? C'est pour mettre fin à cette injustice que j'ai déposé des amendements. Une telle décision de justice lèverait les doutes qui pèsent encore sur ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Etienne Pinte - De 1978 à 2001, les dépenses de l'Etat ont augmenté de 1,8 % celles de la sécurité sociale de 25 % et celles des collectivités territoriales de 30%. Ces chiffres montrent que les collectivités territoriales ont financé en grande partie les compétences transférées sans que l'Etat, corrélativement, diminue sa part de prélèvements du PIB.

En France, deux systèmes non aboutis se superposent : déconcentration et décentralisation. Décentraliser est considéré comme un dogme mais seule la déconcentration, qui correspond plus à l'esprit national...

M. Jean-Pierre Brard - Excellent !

M. Etienne Pinte - ...permet de simplifier notre structure administrative. Tant que l'Etat régulera tout, le système sera mauvais. Pour preuve, l'usine à gaz que constituent les dotations et les compensations.

Pour ma ville, Versailles, représentative de bien d'autres grandes villes de France, la liste de nos désaccords avec l'Etat est longue.

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

M. Etienne Pinte - La perte due au cumul des différentes mesures prises depuis 1992 s'élève à 8,4 millions d'euros, soit plus de 20 points d'impôts.

M. Jean-Pierre Brard - Dire que pendant ce temps-là, on ne pense qu'à réduire l'ISF !

M. Etienne Pinte - En outre, à partir d'une base 100 en 1990, la dotation globale de fonctionnement est passée à 108,5 en 2003 alors que l'inflation sur la même période atteignait 125. Il faut donc ajouter 1,2 million. Nous en sommes ainsi à 23 points d'impôts supplémentaires. Il est alors trop facile de dire que l'impôt local flambe !

Quant aux charges supportées par nos villes à la place de l'Etat dans ses missions régaliennes, elles représentent encore six points d'impôts : nous en sommes donc à 29 !

M. Jean-Pierre Brard - Ecoutez, Monsieur le ministre !

M. Augustin Bonrepaux - Voilà un élu courageux !

M. Etienne Pinte - Une ambiguïté doit être levée sur le statut des maires. Selon les textes, le maire agit dans certaines circonstances au nom et pour le compte de l'Etat. Ce dernier en profite pour confondre l'action elle-même et les moyens qu'elle nécessite. Il serait logique que le maire qui doit exercer des missions relevant de l'action de l'Etat les accomplisse avec les moyens financiers que celui-ci lui donne. L'impôt local et les dotations communales doivent être uniquement affectés à l'action locale : ce principe devrait être intangible.

Pourtant, nous supportons de plus en plus de charges transférées par l'Etat sans compensations financières : police municipale - car c'est l'Etat qui doit être le garant des libertés, de la sécurité, et de l'application des lois - ; prise en charge des contraventions et de leurs régies d'Etat ; gestion des objets trouvés ; instruction des demandes de cartes nationales d'identité et des passeports - et j'ai d'ailleurs fait condamner l'Etat cette année à reprendre à sa charge la gestion des passeports et à financer celle des cartes d'identité - ; délivrance des attestations d'accueil, par laquelle l'Etat abandonne une partie de sa souveraineté ; prise en charge des sans domicile fixe ; envoi des agents municipaux dans les lycées et les collèges afin d'y faire le recensement militaire car les résultats sont mauvais - on se demande pourquoi on n'envoie pas l'armée ; télétransmission des actes à la préfecture - il serait question de la rendre payante pour les villes alors que ce système économisera des moyens pour l'Etat - ; responsabilité de la politique de résorption de l'habitat insalubre et de la lutte contre le saturnisme. Je ne reviens pas sur le financement des Conservatoires nationaux de région ou sur la prise en charge par les communes des professeurs de natation scolaire dans le cadre de la scolarité obligatoire.

Par ailleurs, est-il normal que le ministère de la justice sollicite les communes pour apporter un fonds de concours à la réalisation d'une cour d'appel, faute de quoi le dossier ne serait pas prioritaire ? Est-il raisonnable que le ministère de la Défense demande aux communes de participer au financement de la dépollution des terrains qu'il envisage de leur céder ?

Je pourrais multiplier encore les exemples qui prouvent que, pour l'Etat, la décentralisation n'est qu'un concept de communication. Quel sens donner à tout cela si, au bout de vingt ans, il n'a pas été possible d'atteindre la moindre stabilité et un minimum de lisibilité ? Si décentralisation il y a, des moyens doivent d'abord permettre de solder le passé, comme cela vient de se passer en matière de transports collectifs entre l'Etat et la région Ile-de-France. Ensuite, et seulement ensuite, l'acte III de la décentralisation pourrait être réellement fondateur. Il faut que les transferts de compétences s'inscrivent dans une véritable vision de ce que doit être la France durant les vingt prochaines années. Ils doivent apporter une plus-value opérationnelle et un meilleur service aux citoyens. Encore faut-il que l'Etat soit honnête avec les collectivités territoriales et leur donne les moyens d'exercer les responsabilités transférées. Ce n'est malheureusement pas encore le cas du projet de budget pour 2006. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. le Président de la commission - Je comprends parfaitement le message de lisibilité que vient de faire passer Etienne Pinte, mais je voudrais souligner un grave malentendu.

Ce que vient de dire Etienne Pinte est probablement vrai : l'Etat transfère des responsabilités sans en donner les moyens. Mais je vais regarder à Versailles la part, de plus en plus importante, de taxe d'habitation et de taxe professionnelle prise en charge par l'Etat. Pour éviter de s'accuser les uns les autres, nous avons vraiment besoin d'une clarification et d'un débat sur les relations des collectivités locales avec l'Etat. Si on ne regarde que d'un côté, en effet, on arrive aux conclusions d'Etienne Pinte ; mais si on regarde aussi de l'autre, on constate qu'entre 1995 et 2005, les suppléments de dégrèvements et exonérations pris en charge par l'Etat ont atteint 11 milliards. En outre, ce fut une prime pour ceux qui ont augmenté les impôts. Il faut donc éviter les accusations injustes contre l'Etat.

M. Jean-Pierre Brard - Je voudrais faire un rappel au Règlement, Monsieur le Président.

L'intervention d'Etienne Pinte, dont chacun connaît l'engagement sincère, est une pierre blanche dans notre débat. C'est un réquisitoire implacable, sous la forme d'une description pure et simple, qui n'a pas plus d'idéologie qu'un fil à plomb. Le fait que ces propos soient tenus par le maire de Versailles, la ville où se tinrent les Etats généraux et où le Tiers Etat prit le pouvoir,est un symbole qui ne manque pas d'intérêt.

M. Bertho Audifax - C'est un rappel au Règlement ?

M. Jean-Pierre Brard - Je sens bien que certains bancs sont parcourus de grands frissons, mais après tout, il est permis à des élus qui ne partagent pas toutes les convictions de la gauche de la rejoindre dans ses valeurs fondamentales.

M. le Président - J'avoue ne pas avoir encore trouvé l'article du Règlement sur lequel vous vous fondez...

M. Jean-Pierre Brard - Je me fonde sur la nécessaire clarté de nos débats. Le problème est simple : quand on siphonne les caisses publiques pour alimenter les coffres-forts, il manque des sous pour accompagner les transferts de compétences aux collectivités locales. On ne peut pas distribuer deux fois le même argent, une fois aux privilégiés et une fois à ceux qui en ont besoin...

M. Augustin Bonrepaux - Je voudrais moi aussi faire un rappel au Règlement car il n'est pas habituel que le Président de la commission des finances intervienne au cours de la discussion générale.

M. le Président - Selon notre Règlement, il intervient quand il le souhaite.

M. Augustin Bonrepaux - Certes, mais c'est exceptionnel. C'est dire l'importance de l'intervention de notre collègue Pinte. Pour ma part, je n'avais parlé que des transferts de déficits sur les départements et les régions, et je ne connaissais pas toutes les conséquences des délestages de l'Etat sur les communes. Je remercie M. Pinte d'en avoir fait état. Je comprends pourquoi le ministre refuse de nous donner les simulations sur la réforme de la fiscalité, mais je le mets en garde : s'il ne nous les communique pas, nous ne pourrons pas débattre des articles relatifs aux collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Hervé Mariton - Nous sommes ici en tant que représentants de la nation. Nous devons sortir d'une attitude purement syndicale opposant l'Etat et les collectivités locales (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Il me paraît possible et utile que nous ayons aussi des mandats locaux, mais si cela nous amène constamment à ce type de discussion, la seule réponse institutionnelle raisonnable sera la fin du cumul des mandats.

Quelle est la réalité des chiffres ? L'augmentation des concours de l'Etat aux collectivités locales est l'une des contraintes du budget 2006.

M. Didier Migaud - Monsieur le Président, ce n'est pas un rappel au Règlement !

M. Hervé Mariton - Par ailleurs, au moment où nos compatriotes demandent que la charge de l'impôt ne soit pas excessive, au moment où l'on demande à l'Etat de meilleures performances, il n'est pas scandaleux de vouloir appliquer la même discipline aux collectivités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Je donne la parole à M. Laffineur pour un dernier rappel au Règlement ; il y en aura eu deux dans la majorité, deux dans l'opposition.

M. Marc Laffineur - Je voudrais quand même faire remarquer que le premier contribuable des collectivités locales est l'Etat qui leur verse 65 milliards à titre de compensation. Les collectivités bien gérées peuvent continuer à baisser leurs impôts ; pour ma part, je suis maire depuis vingt ans et je baisse les impôts pour la sixième année consécutive ! La réforme de l'année dernière a permis d'augmenter de 20 % la dotation de solidarité urbaine et de 20 % la dotation de solidarité rurale : voilà la vérité !

M. le Président - La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Augustin Bonrepaux - Je vous ai demandé la parole pour un rappel au Règlement ! C'est inacceptable !

M. Jean-Pierre Brard - Je demande une suspension de séance.

M. Victorin Lurel - Cela augure bien de nos débats sur les collectivités territoriales... Un grand nombre de collègues de l'opposition comme de la majorité l'ont démontré : votre projet de loi de finances ne répond pas aux attentes du pays, il est inefficace, irresponsable et injuste.

Ce budget est bâti sur une hypothèse de croissance de 2,25 %, que tous les experts s'accordent à taxer au mieux d'optimiste, au pire de fantaisiste. Didier Migaud a bien mis en évidence les tours de passe-passe et je serai magnanime en évitant de citer les propos féroces de Charles-Amédée de Courson. Au lieu de donner du grain à moudre aux Français en augmentant leur pouvoir d'achat, vous refusez, par dogmatisme, d'agir sur ce facteur de relance. Contrairement à ce qui a été claironné, le chômage et ses corollaires, exclusion et pauvreté, restent orientés à la hausse, singulièrement en outre-mer. Il ne s'agit pas d'un budget de transformation, mais de renoncement : votre politique est celle du chien crevé au fil de l'eau. (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

L'adjectif « irresponsable » est parfaitement adapté à votre politique puisque vous n'assumez pas les conséquences de vos actes et maintenez toujours l'écart entre le dire et le faire. Ce budget obère notre avenir pour plusieurs années. Vous légiférez pour 2007 et vos successeurs devront payer la note de vos cadeaux électoralistes. Ainsi, le déficit de l'Etat se creuse, comme celui du budget de la sécurité sociale, la dette a augmenté de 8 points en quatre ans et sa charge représente le deuxième poste de dépenses après l'éducation.

Vous demandez aux collectivités locales de cofinancer cette politique et de vous aider ainsi à vous maintenir dans les limites d'un déficit proche de 3 % du PIB. Ce faisant, vous n'hésitez pas à violer le principe constitutionnel d'autonomie fiscale des collectivités territoriales.

Enfin, votre budget est injuste : adossé aux théories libérales, il court après la fameuse flat tax et l'impôt proportionnel, ponctionnant les classes moyennes et laborieuses pour donner aux puissants. Comme le diraient nos collègues communistes, il s'agit d'un budget de classe.

M. Jean-Pierre Brard - De troisième classe !

M. Victorin Lurel - Vous estimez que les inégalités sont un accélérateur de croissance et c'est la raison pour laquelle votre gouvernement pratique une régulation budgétaire féroce. Ainsi, 4 milliards d'euros de crédits ont été annulés en cours d'année : dans l'outre-mer, le fonds pour l'emploi et le logement social subissent une glaciation budgétaire sans précédent depuis maintenant trois ans. Par ailleurs, vous procédez à une extorsion des rentes pétrolières, vous privatisez de façon précipitée les sociétés publiques et vous bradez le patrimoine immobilier pour boucler vos fins de mois. Enfin, vous avez décidé de taxer de 18 euros les malades qui auront le malheur de nécessiter des soins coûtant plus de 91 euros !

Votre politique de défausse sur les collectivités territoriales est calamiteuse en métropole, dramatique en outre-mer : en un mot comme en mille, l'Etat est absent dans mon pays. Comme dans bien des régions, il ne contrôle plus les sorties des écoles, ne surveille plus les frontières, n'aide plus nos voisins, n'indemnise plus les victimes d'intempéries, ne finance plus les universités ou les hôpitaux et est resté muet de longs mois après le séisme de novembre dernier. La Guadeloupe est la 211e région d'Europe et cette carence étatique est absolument condamnable.

Ce débat sur votre politique de mistigri me donne l'occasion de vous poser deux questions très précises. Respecterez-vous enfin les engagements pris par Mme Girardin et par M. Devedjian, lors des assises des libertés locales, en remboursant la DGF amputée des communes de Guadeloupe, qui, fortes de la parole des ministres, n'ont pas lancé de procédure contentieuse ? Le Gouvernement et vous-même, Monsieur le ministre, dénoncez la création d'« impôts socialistes », or la complaisance de l'Etat à l'égard de la gestion de la mandature précédente est révélatrice et, je vous le dis solennellement, les cabinets noirs sont encore à l'œuvre outre-mer. Accorderez-vous donc à la région Guadeloupe la subvention exceptionnelle de 40 millions d'euros que j'ai dû demander pour réparer les dégâts du passé ?

De nouveau, votre projet de loi de finances organise des attaques contre l'outre-mer qui ne recevra pas un euro supplémentaire en 2006. L'immensité des besoins en matière d'emploi, d'éducation, de santé et de logement le nécessiteraient pourtant amplement, mais vous préférez dénoncer les avantages prétendument indus dont l'outre-mer bénéficierait. Nous sommes très déçus de constater que M. Baroin, pourtant bien introduit, a perdu tous ses arbitrages. Les dispositifs d'incitation économique, de défiscalisation et d'exonération de charges sociales sont remis en cause, alors qu'ils ont été mis en place avec l'accord de Bruxelles. Par ailleurs, l'investissement public demeure très insuffisant, à l'exemple de la ligne budgétaire destinée à la construction de logements sociaux, amputée de deux tiers entre 2001 et 2004.

Dans ces conditions, faute d'un plan Marshall franco-européen, l'investissement privé doit être fortement incité. Ce que vous dénoncez comme privilège n'est qu'une norme fiscale, indispensable pour prendre en compte les difficultés reconnues par notre droit constitutionnel et par les traités communautaires. En appliquant une norme fiscale unique, vous renoncez à mener une politique de discrimination positive sur nos territoires, ce qui n'est d'ailleurs pas le cas en Corse puisque nos amis insulaires ont su mieux défendre leurs spécificités. Les députés ultra-marins sauront vous rappeler ces vérités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Augustin Bonrepaux - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58. M. Mariton a, de façon inacceptable, insulté tous les élus, en laissant entendre que les parlementaires qui sont aussi des élus locaux n'auraient pas le souci de l'intérêt national. Il est vrai que M. Pinte a jeté un trouble en venant dire ici ce que sont les problèmes des communes. Mais n'est-ce pas le rôle des élus que de le faire, et le rôle de la commission des finances de les écouter et de trouver des solutions ? Je demande donc une suspension de séance.

M. le Président - Elle est accordée, Monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux - Notre groupe doit apprécier les conséquences de ces propos, car ce budget est une attaque contre les collectivités locales, qui sont des boucs émissaires auxquels M. Mariton s'en est déjà pris dans de la mission d'enquête sur la fiscalité locale, pour imposer les seules orientations de l'UMP !

M. le Président - Je vais suspendre la séance, après avoir donné la parole à M. Brard - pour un rappel au Règlement ?

M. Jean-Pierre Brard - Un rappel au Règlement, qui me mènera tout naturellement à certaines conclusions.

Quand on parle de Canossa , on pense « capitulard », de Vichy, on pense « Pétain ». Quand on parle de Versailles, on pense à Thiers, le massacreur de la Commune. Et voilà que notre collègue Etienne Pinte est en train de rendre ses lettres de noblesse à la ville de Versailles (Sourires), qui est aussi la ville où la Révolution fit ses premiers pas et où fut adoptée la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui dispose que l'impôt doit être également réparti.

On le sait, depuis la Révolution, coexistent deux droites, celle qui a la fibre nationale, qui croit au Contrat social de Rousseau, et une droite du renoncement de la capitulation,...

M. Hervé Mariton - C'est scandaleux !

M. Marc Laffineur - C'est inadmissible !

M. Jean-Pierre Brard - ...La droite thatchero-bushienne d'aujourd'hui.

M. le Président - Veuillez conclure, nous sommes à des années lumière du Règlement.

M. Jean-Pierre Brard - Que non ! Nous n'avons pas la même conception de la politique, et les années lumière ne sont pas des unités de même valeur pour nous.

Ce à quoi je veux en venir, c'est que, chaque fois que notre pays connaît une situation difficile, des ponts s'établissent entre la gauche et, à droite, ceux qui portent les valeurs fondamentales de notre Etat. Mais M. Mariton, quand il entend quelqu'un décrire la réalité, menace de casser le thermomètre . De quoi rêve-t-il ?

M. Hervé Mariton - Laissez moi mes rêves !

M. Jean-Pierre Brard - Que ce ne soit plus les électeurs qui choisissent les candidats, mais que dans ce cabinet noir qu'a évoqué M. Lurel, ce soit un tandem composé du président de l'UMP et de celui du Medef qui le fasse, tandis que ceux qui ont les mains dans le cambouis, qui disent, d'expérience, ce qu'il en est, ce que votre politique a de désastreux, on les bâillonnerait. Mariton, c'est le bâillon ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. le Président - Je suspends la séance.

La séance, suspendue à 11 heures 5 est reprise à 11 heures 10.

M. Marc Le Fur - Je parlerai de la famille, car c'est aussi « une affaire publique », selon le titre du rapport de Michel Godet et Evelyne Sullerot pour le comité d'analyse économique.

M. Jean-Pierre Brard - Il y a aussi « les 200 familles ».

M. Marc Le Fur - C'est aussi une question fiscale, avec le quotient familial : pour établir l'impôt on tient compte des revenus, mais aussi des charges de famille. Nous devons d'autant plus manifester notre attachement à cette politique familiale que l'Europe est en pleine crise démographique, d'où le déclin, le doute, le repli. A cet égard, notre pays est un peu moins mauvais que les autres. Nous le devons à notre tradition, depuis 1939 et la Libération, et au modèle français, que, pour le coup, il faut conserver.

Nous sommes d'autant plus attachés au caractère familial de l'impôt sur le revenu qu'il est devenu assez modeste par rapport à d'autres.

M. Jean-Pierre Brard - Bien dit !

M. Marc Le Fur - La funeste CSG, créée par Michel Rocard, rapporte aujourd'hui une fois et demie le produit de l'impôt sur le revenu, le total de la TVA et de la TIPP trois fois son montant. Or, votre budget comporte des coups de canif à la « familialisation » de l'impôt, à commencer par le plafonnement des niches à 8 000 euros - par foyer fiscal, et c'est là où le bât blesse. On rajoute certes 850 euros par enfant, mais la logique voudrait que le plafonnement s'applique non au foyer fiscal, mais par part. Je déposerai d'ailleurs un amendement dans ce sens : à 4 000 euros par part, cela fera bien 8 000 euros par couple, mais 12 000 euros pour une famille avec deux enfants.

Cette modification est également nécessaire pour assurer la transparence fiscale. Deux jeunes cadres célibataires peuvent bénéficier chacun du plafond de 8000 euros. S'ils se marient, ils passent de 16 000 à 8000 euros.

M. Jean-Pierre Brard - Et s'ils font un Pacs ?

M. Marc Le Fur - En tout cas, on risque de remettre en cause la neutralité fiscale en fonction de la situation matrimoniale.

Pour les familles pauvres, se pose le problème de la décote. Actuellement, elle joue favorablement pour les célibataires au SMIC. Mais si deux concubins au SMIC se marient, ils paieront désormais 410 euros d'impôt sur le revenu. Je déposerai un amendement tendant à donner un caractère familial à la décote. Cela paraît de bon sens.

Nous pourrions aussi, comme l'a proposé M. Méhaignerie, remonter prioritairement les premières tranches de l'impôt sur le revenu.

S'agissant de la prime pour l'emploi, n'oublions pas de tenir compte de la charge des familles. Nous augmentons cette prime de plus de 50 % dans le budget 2006, mais nous ne touchons pratiquement pas à la part familiale, faisant par là-même perdre à cette prime son caractère familial, ce qui pourrait être sanctionné par le Conseil constitutionnel. N'oubliez pas qu'en 2000, le Conseil constitutionnel a sanctionné le Gouvernement de gauche de l'époque pour n'avoir pas tenu compte des charges de famille lorsqu'il avait entrepris de réformer la CSG en vue d'encourager la reprise d'une activité professionnelle. D'où l'idée de créer la PPE, mais encore faut-il maintenir son caractère familial !

La famille, c'est important. Prenons garde de ne pas tomber dans les errements de la gauche qui, dans la motion de François Hollande, propose de fiscaliser les allocations familiales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - M. Le Fur est inspiré !

Mme Pascale Gruny - Depuis trois ans, notre majorité défend la promotion des biocarburants, comme en témoignent les importantes avancées initiées par Xavier Bertrand, alors député, et nombre de ses collègues UMP et UDF.

Les biocarburants, outre qu'ils représentent des débouchés solides pour notre agriculture, et des investissements massifs pour notre industrie, permettent de réduire l'émission de gaz à effet de serre.

Après avoir donné tant d'espoir à nos agriculteurs et à nos industriels, gardons-nous aujourd'hui de les décevoir, d'autant que depuis trois ans, nos pas en avant ont trop souvent été suivis de pas en arrière. Nos bonnes intentions ne doivent plus rester lettre morte.

Qu'en est-il de l'incorporation des biocarburants ? La baisse proposée de la TGAP enlève à cette taxe tout caractère coercitif pour les pétroliers.

Qu'en est-il des débouchés pour les agriculteurs ? Rien n'incite les industriels à utiliser des matière premières françaises quand celles-ci arrivent en masse d'autres pays.

Qu'en est-il des investissements dans nos campagnes ? Les industriels concernés nous expliquent que les usines ne pourront sortir de terre s'ils ne reçoivent pas de garanties plus solides.

Qu'en est-il de l'indépendance énergétique de la France, quand des quantités importantes d'éthanol arrivent d'Amérique du Sud ou d'Asie pour être mélangées aux hydrocarbures ?

Qu'en est-il enfin de la production de biocarburants en France ? Tous les agréments donnés ont-ils été effectivement honorés par les industriels ?

Nous devons être ambitieux ! Des amendements importants ont été adoptés en commission des finances. D'autres seront proposés afin notamment de permettre l'essor de la filière éthanol. Parce que nous devons enfin respecter nos engagements, soyons dès aujourd'hui au rendez-vous des énergies renouvelables. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bertho Audifax - Nous mesurons tous l'effort que font les services de l'Etat pour soumettre aux représentants de la nation un projet de budget.

Que de statistiques, de modèles économiques, d'hypothèses de croissance ! Que de travail pour les hauts fonctionnaires, les spécialistes de l'économie et du social, mais aussi pour notre commission des finances et nos rapporteurs !

Dans un contexte mondial difficile, nous voici persuadés de présenter le meilleur budget possible, tandis que les membres de l'opposition sont convaincus de tenir à leur disposition demain une martingale gagnante qui leur permettra de retrouver miraculeusement la croissance et des marges de manœuvre.

Le budget peut-il encore traduire une volonté politique ? Nous voulons le croire, mais le vertige peut nous saisir lorsque nous songeons aux récents événements mondiaux.

Il y a quelques années, nos experts affirmaient que les nations riches devaient laisser à celles en voie de développement les secteurs de l'industrie à forte main-d'œuvre, pour se consacrer à l'innovation et aux technologies de pointe à forte valeur ajoutée. Et voici qu'hier, deux cosmonautes chinois rentraient d'un séjour dans l'espace, laissant ainsi se profiler la perspective d'une concurrence chinoise sur le marché des fusées porteuses.

A l'heure où nous parlons, les avancées informatiques se font peut-être plus en Inde ou en Asie qu'en Amérique. Que peuvent nous conseiller nos experts en stratégie économique aujourd'hui ?

Si notre nation reste encore puissante, le chômage gangrène notre tissu social.

Nous avons encore tous en tête ces images terribles d'un exode forcé de populations misérables. Le désert est-il si loin quand, dans nos cités, des foyers de misère s'agglutinent malgré nos lois sociales ? Quelles barrières peuvent endiguer le flot naturel de l'insécurité et de la pauvreté vers nos pays aisés, stables et respectueux des droits de l'Homme ?

M. Jean-Pierre Brard - Le co-développement !

M. Bertho Audifax - La misère du monde frappe à notre porte et nous ne pouvons que l'entrebâiller sous peine de perdre notre unité nationale. Sommes-nous loin du budget en souhaitant une ligne politique claire compatible avec l'humanisme français et nos capacités sociales, économiques et culturelles ?

J'ai été effrayé de lire dans l'un des hebdomadaires les plus sérieux de la presse française la déclaration d'un important syndicaliste français pour qui il n'y avait pas de limites au déficit social. La sagesse et le bon sens font-ils encore partie de notre culture ?

Que serait une nation sans budget ?

Alors que nous sommes en pleine crise pétrolière, que l'Europe est devenue un « machin » à règlements de plus en plus mal accepté par nos concitoyens, que notre pays est endetté, nous mesurons la difficulté de votre tâche !

Votre budget traduit une stratégie politique claire, en consacrant toutes les marges de manœuvre à l'emploi, et cependant vous remettez en cause, aux articles 61 et 73, certaines dispositions de la loi programme sur l'outre-mer, qui a pourtant fait ses preuves.

Chaque année hélas, le même scénario se répète : dès que l'on cherche un bouc-émissaire budgétaire, on se tourne vers l'outre mer !

Dans l'Hexagone, quelle collectivité de 35 000 habitants supporterait un taux de chômage voisin de 40 % sans aucune entreprise de grande taille pour le résorber ? C'est le cas de ma commune de Saint-Benoit. Pouvez-vous, dans ces conditions, imaginer les permanences du maire ?

Vous ne pouvez plus affirmer que la France d'outre-mer confère à notre pays une influence mondiale et refuser à nos compatriotes ultra-marins une priorité budgétaire pour leur développement.

M. Jean-Pierre Brard - M. Mariton va vous régler votre compte !

M. Bertho Audifax - La loi programme est un engagement de l'Etat sur 15 ans et nous l'avions votée comme telle parce qu'elle apportait une garantie aux investisseurs potentiels. La parole de l'Etat doit être tenue. Gardez-vous bien de tarir la source des investissements extérieurs en réveillant la méfiance vis-à-vis des engagements de l'Etat. Une évaluation est prévue en 2006, faisons-la sereinement, région par région, et apportons les corrections qui nous sembleront nécessaires.

Si la loi outre-mer était remise en cause, les entreprises de la Réunion seraient atteintes de plein fouet, l'emploi en pâtirait immédiatement et nous aboutirions à l'opposé des objectifs que le Gouvernement s'est fixés... Les parlementaires d'outre-mer, unanimes, refuseront en l'état les articles 61 et 73. (Applaudissements de plusieurs parlementaires du groupe UMP)

M. Gérard Menuel - La loi du 1er août 2001 assure un nouveau cadre budgétaire et comptable à nos lois de finance. Ce PLF pour 2006 est plus transparent et devrait permettre au législateur de mieux assumer son rôle grâce à une meilleure précision des coûts des politiques publiques, une meilleure connaissance des emplois affectés dans chaque ministère et une meilleure adéquation entre les objectifs et les moyens. Un projet de budget s'appuie sur des éléments de cadrage, sur des prévisions macro économiques - croissance interne et externe, évolution des prix - mais également sur les rapports monétaires entre les grandes zones d'échange et, sujet essentiel dont nous avons débattu, sur le prix du baril de pétrole. Je serai à ce propos plus optimiste que ma collègue Pascale Gruny en saluant, dans ce budget, les mesures fiscales concernant les biocarburants.

Priorité à l'emploi et à la justice sociale, a dit le Premier ministre. Personne ne peut nier que sur tous les plans, y compris celui de la ressource fiscale et sociale, la TVA à 5,5 % dans le bâtiment est une bonne chose. Ne conviendra-t-il pas également d'agir de même dans d'autres secteurs ? De la même façon, n'ayez pas une approche inflexible concernant les niches fiscales. Le plafonnement des avantages fiscaux à 8 000 € par foyer est séduisant mais il peut être contre-productif dans certains secteurs et décalé par rapport aux objectifs fixés en matière d'emploi, par exemple dans le secteur de la rénovation du patrimoine urbain. De nombreuses collectivités ont choisi de sauver le patrimoine bâti et ont imposé dans des quartiers entiers un niveau de réhabilitation qui entraîne d'importants surcoûts. Des cahiers des charges stricts, financièrement très lourds ont été établis, qu'il s'agisse de ce qui relève de la loi Malraux, des secteurs sauvegardés ou des ZPPAUP. De nombreux particuliers, plus passionnés qu'intéressés financièrement, ont répondu à l'appel des collectivités et du bien commun et il ne faudrait surtout pas les décourager. La mise en cause du dispositif fiscal antérieur bloquera inéluctablement cet élan observé dans de nombreuses agglomérations.

Les mesures fiscales contenues dans ce budget prennent trop peu en compte la mutation industrielle actuelle. Dans une économie globalisée et dans un pays qui délocalise chaque jour sa production industrielle...

M. Jacques Myard - Inadmissible !

M. Gérard Menuel - ...il faut poser la question de la taxation des importations. J'espère que tous les sujets peuvent être évoqués, y compris celui de la TVA sociale.

Ces quelques éléments de réflexion ne doivent pas oblitérer les aspects globalement positifs de ce PLF qui, dans un cadre contraint, s'inscrit dans une logique que je partage avec en particulier, la mise en place du plafonnement fiscal, la refonte en profondeur du barème de l'impôt sur le revenu et la PPE qui encouragera mieux le travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - La parole est à M. Fourgous.

M. Jean-Pierre Brard - Un libéral qui s'assume !

M. Jean-Michel Fourgous - Merci pour ce compliment.

M. Jean-Pierre Brard - C'était une flèche !

M. Jean-Michel Fourgous - Comment créer les richesses à redistribuer ? La famille « répartitionniste » est nombreuse mais tel n'est pas le cas de la famille « productiviste ». Tout le monde évoque la croissance, la croissance, la croissance...

M. Hervé Mariton - Cela peut aider à la faire venir !

M. Jean-Michel Fourgous - ...mais sait-on bien ce qu'elle est ?

M. Jacques Myard - La poussée lors de l'adolescence (Sourires) !

M. Jean-Michel Fourgous - C'est le produit du capital, gros mot tabou...

M. Jean-Pierre Brard - C'est plutôt un best seller !

M. Jean-Michel Fourgous - ...du travail et de l'innovation. Quelle est notre capacité collective à créer de la croissance ? La France souffre d'une forme de schizophrénie : c'est un pays de capitalistes...

M. Jean-Pierre Brard - Vous parlez de vos collègues de l'UMP.

M. Jean-Michel Fourgous - ...qui n'aime pas le capital. J'ai aussi la liste de nos collègues socialistes, Monsieur Brard. Elle subit les discours les plus archaïques sur le capital alors que l'on compte plus de sept millions d'actionnaires individuels et près de 22 millions d'épargnants. Le chiffre augmente régulièrement. Il est curieux de voir une classe politique arc-boutée sur les vieilles lunes marxistes. Sur les dix dernières années, la France est douzième sur quinze, en Europe, quant à son taux d'investissement productif, ce qui est faible. Or, il faut d'abord investir dans les activités productives.

M. Jean-Pierre Brard - Un vrai marxiste !

M. Jean-Michel Fourgous - Les entreprises françaises naissent petites et, hélas, le demeurent. Au bout d'un an, une entreprise française compte deux fois moins de salariés et de capital qu'une entreprise britannique. Au bout de sept, nos entreprises comptent quatre fois moins de capital et quatre fois moins de salariés en moyenne. Avec une fiscalité des plus punitives, merci à nos collègues socialistes, la France se prive du premier levier de création de richesses, d'emplois, de croissance. Les particuliers n'ont aucun intérêt à investir dans de jeunes entreprises à cause de ce fameux mot tabou qui commence par un I, finit par un F et comporte un S au milieu. Pourquoi risquer un investissement alors qu'il faudra de toute façon payer des impôts, même si l'investissement ne rapporte rien ? Il y a en France dix fois moins de business angels qu'en Grande-Bretagne et cent fois moins qu'aux Etats-Unis. M. Charasse, le concepteur de l'ISF, estime aujourd'hui qu'il était naïf de le créer en 1981 et bête de le rétablir en 1988.

L'argent existe en France.

M. Jacques Myard - Plus qu'ailleurs.

M. Jean-Michel Fourgous - Il y a aussi celui qui est parti.

M. Jacques Myard - Il peut revenir.

M. Jean-Michel Fourgous - La forte épargne des Français prouve qu'il y a de l'argent, mais il s'agit aujourd'hui de la débloquer. Il faut faire travailler l'argent qui dort...

M. Jacques Myard - Il a raison.

M. Jean-Michel Fourgous - ...en le mobilisant en faveur de l'investissement productif au lieu de le détourner pour financer les chèques de l'Etat. Je remercie à ce propos M. Copé qui a levé le gage pour nous permettre de développer l'épargne et je n'oublie pas l'audace dont il a fait preuve. Le capital, c'est comme le sang dans le corps humain : un garrot prolongé, et c'est la mort.

M. Jean-Pierre Brard - Ce n'est pas vous que j'irai voir quand je serai malade.

M. Jean-Michel Fourgous - La France est un grand pays capitaliste. Sur les 50 premières banques mondiales, la France est deuxième derrière les Etats-Unis. Sur les 50 premières assurances mondiales, la France se hisse également au deuxième rang. Les systèmes de participation ou d'intéressement touchent près de 37 % des salariés. L'assurance vie est passée en un an de 840 milliards à 923 milliards. Si le capitalisme progresse, on ne peut en dire autant des discours politiques. Les profits, les revenus du capital, l'investissement sont conçus comme une éternelle ressource d'impôts et de taxes, les débats sur les retraites, l'assurance maladie ou le prix du pétrole en ont témoigné. Chaque fois qu'il y a de l'argent, surgit le discours démagogique ! Les Américains sont heureux d'avoir des riches car c'est à eux qu'on doit la redistribution. En France, un riche est quelqu'un qui a beaucoup volé.

M. Jean-Pierre Brard - Mme Bettancourt et d'autres !

M. Jean-Michel Fourgous - Pourtant, sur un chiffre d'affaires de 100, l'Etat prend 50 et l'actionnaire seulement 1 ou 2.

M. le Président - Concluez.

M. Jean-Michel Fourgous - Le pays ne pourra pas échapper longtemps à cette question : quelle est vraiment notre capacité collective à créer de la richesse ? Face au club des diviseurs, ceux qui ne pensent qu'à diviser le travail et les richesses, il y a le club des multiplicateurs, ceux qui ont compris que ce n'est qu'en multipliant les richesses et le travail que l'on peut ensuite redistribuer ! En 2007, il faudra choisir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques Myard - La discussion générale doit être, me semble-t-il, l'occasion d'une réflexion macro-économique, avant d'entrer dans le détail des missions. Sur le plan technique, ce budget est optimal, Monsieur le ministre, compte tenu du cadre qui nous est imposé, et la réforme de l'IRPP va dans le bon sens.

Il est louable et même indispensable de maîtriser la dépense publique afin de maîtriser le déficit public, mais n'oublions pas que celui-ci peut avoir deux causes : l'excès de dépenses, voire la gabegie qu'il faut éliminer, mais aussi l'atonie des recettes. M. Breton a déclaré que la France vit au-dessus de ses moyens.

M. Jean-Pierre Brard - C'est lui qui vit au-dessus des moyens de la France !

M. Jacques Myard - Je dirai plutôt que la France produit au-dessous de ses capacités, en raison des choix macro-économiques contraires à nos intérêts qui ont été faits depuis vingt ans.

A commencer par celui du tout-Europe. « La France est notre patrie, l'Europe est notre avenir » : on a répété cela à nos entreprises, qui ont de ce fait privilégié l'Europe dans leur stratégie exportatrice. Cela se révèle aujourd'hui une faute, compte tenu de l'implosion démographique de nos partenaires. Le fameux axe franco-allemand, en particulier, se révèle un jeu de dupes, car l'Allemagne continue d'exporter mais ne nous achète plus. La France a eu tort de mettre tous ses œufs dans le même panier européen.

L'identité commerciale de l'Europe n'existe plus. L'Europe est devenue une sous zone de la globalisation et le tarif extérieur douanier a quasiment disparu. On sait à quel point la Commission a poussé à l'ouverture totale des frontières européennes. Ce devait être du « gagnant-gagnant », selon Pascal Lamy. On voit le résultat ! La France a perdu la moitié de ses emplois industriels en dix ans. Certains diront qu'ils ont été « tertiarisés ». Non, il s'agit bien d'une perte sèche, comme l'explique fort bien Maurice Allais dans son livre très pertinent sur la mondialisation. Comment faire concurrence à des pays dont la monnaie est artificiellement maintenue dans un rapport de 1 à 50 - la Chine - ou de 1 à 70 - l'Inde - avec la nôtre ?

Il est urgent de rétablir la préférence communautaire. Et que l'on ne me dise pas que ce serait du protectionnisme ! Voyez plutôt les Américains : ils ne font pas d'idéologie, mais ils savent fort bien défendre leurs intérêts. Que M. Barroso retourne donc à l'école du pragmatisme ! Et que la Commission cesse de se complaire dans une idéologie de la concurrence, qui n'est qu'une sottise - car on sait bien que la « main invisible » est incapable de construction sur le long terme - et qui nous empêche d'avoir une politique industrielle. Le démantèlement de Péchiney est à cet égard un crime contre l'économie française.

On ne dira jamais assez à quel point la monnaie unique a été un instrument de décroissance et à quel point l'euro cher nous coûte cher. Sa montée par rapport au dollar et aux autres monnaies nous a fait perdre 40 % de notre productivité. Il est urgent de placer la BCE sous le contrôle du Conseil. Confier le pouvoir monétaire à des technocrates irresponsables est une aberration.

Nous n'avons malheureusement pas à déplorer que des carcans européens. Il en est d'autres qui nous sont bien spécifiques. Je pense en particulier au rationnement du travail organisé par les 35 heures, à l'interdiction du cumul emploi retraite à l'heure où l'on veut prolonger l'activité des seniors, je pense aussi à la façon dont on matraque le patrimoine et l'épargne. L'ISF, l'impôt sur les sociétés et sur les plus-values, les droits de succession sont autant de pousse-au-crime dans une économie ouverte comme la nôtre ! L'épargne des Français va s'investir ailleurs qu'en France, comme en 1914, lorsqu'elle finançait les travaux de Shanghai et les emprunts russes - avec le résultat que l'on sait ! Or, le capital d'aujourd'hui, ce sont les investissements de demain - et les emplois d'après-demain.

Il faut certes faire la guerre aux gabegies, mais ne ressuscitons pas Laval pour autant ! Il y a des dépenses d'investissement à faire. Les Français sont prêts à travailler, ils ont le savoir-faire, ils ont l'épargne. Reste à desserrer les carcans dont j'ai parlé. C'est à ce prix que nous avancerons. Sinon, nous échouerons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - Rappel au Règlement. M. Fourgous semble s'être lancé dans la lecture du Capital. Mais il faut distinguer entre le capital investi dans les machines, qui est le capital mort, et celui que représentent les gens qui font tourner ces machines et qui produisent de la richesse : le capital vivant. Les capitalistes pour lesquels M. Fourgous a les yeux de Chimène sont ceux qui mangent le capital, empêchant par là son renouvellement, tant ils se servent goulûment ! M. Fourgous ne pense qu'aux actionnaires, pas au capital vivant !

M. Myard a dit qu'il fallait lutter conte les gabegies. J'aimerais donc avoir la réponse à ma question : combien y avait-il de gendarmes mobilisés pour le mariage de Delphine Arnault ? Combien cela a-t-il coûté aux finances publiques ?

M. le Ministre délégué - J'ai écouté avec attention tous les intervenants et je voudrais maintenant leur répondre.

M. Carrez a parlé de budget « raisonnable ». De fait, ce budget répond présent à tous les rendez-vous que nous nous étions fixés, que ce soit celui de la LOLF, celui de la réforme fiscale ou celui de la stabilisation de la dépense en volume - pour la quatrième fois -, du déficit et de la dette. Et il est parfaitement cohérent avec nos grandes priorités.

Je regrette comme vous que trop de dispositions fiscales se trouvent encore à l'extérieur du projet de loi de finances. Mais les choses ont déjà bien progressé à cet égard et continueront de le faire. Et c'est bien ici, lors de l'examen de la loi de finances, que nous parlons de l'essentiel.

Monsieur le président de la commission des finances, sachez que je partage votre détermination à placer la réduction des déficits au cœur de notre stratégie budgétaire. La somme de 500 millions d'euros a été évoquée. Prenons garde à ce que cet effort supplémentaire n'empêche pas l'Etat d'aller vers une plus grande efficacité. Le lancement des audits nous permettra de mieux le réformer.

Concernant le risque de trappe à bas salaires, je rappelle que l'un des objectifs majeurs du Gouvernement est l'augmentation du pouvoir d'achat. Or, le premier combat à mener est celui de la lutte contre la pauvreté et l'inactivité. Aujourd'hui, les personnes bénéficiaires de minima sociaux - RMI, ASS ou encore allocation de parent isolé - ont tout intérêt à ne pas reprendre un travail rémunéré au SMIC car ils y perdent toute une série d'avantages : la CMUC, l'exonération de la redevance audiovisuelle ou encore dans nombre de communes, l'exonération de taxes locales et la gratuité de la cantine pour les enfants, des transports et de la garde d'enfants. Dès lors, pour favoriser la hausse du pouvoir d'achat et la reprise d'activité, nous avons décidé d'augmenter la prime pour l'emploi. D'aucuns craignant un effet néfaste sur les salaires juste au-dessus du SMIC mais l'écart reste significatif. Du reste, le plan annoncé par M. de Villepin - réforme du service public de l'emploi, fixation de rendez-vous obligatoires avec les chômeurs, renforcement des contrôles et des sanctions - participe également de ce combat pour la reprise de l'emploi.

S'agissant de la réforme fiscale, le maître-mot a été la justice (Rires sur les bancs du groupe socialiste), l'autre mot-clé étant la compétitivité de la France. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Concernant les relations entre l'Etat et les collectivités, le partage des responsabilités doit effectivement être plus clair. Tous les Français doivent savoir ce que représentent les dégrèvements, 51 milliards d'euros, soit environ le montant total de l'impôt sur le revenu.

M. Augustin Bonrepaux - Peut-être, mais qui est responsable de cette décision ?

M. le Ministre délégué - L'Etat, bien sûr ! Cela n'empêche en rien que les Français doivent en être informés !

M. Augustin Bonrepaux - C'est de la faiblesse !

M. le Ministre délégué - M. Strauss-Kahn a-t-il fait preuve de faiblesse en décidant un allègement brutal de 14 milliards d'euros de dégrèvements et d'impôts locaux ?

M. Augustin Bonrepaux - Nous répondrons sur ce point !

M. le Ministre délégué - Monsieur Mariton, je vous remercie de vos encouragements et de votre contribution à ce débat.

M. Jean-Pierre Brard - Mariton reconverti en idéologue !

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement a besoin du soutien de la majorité pour mener au bout ces réformes difficiles et ambitieuses pour lesquelles nous devons faire œuvre d'explication...

M. Jean-Pierre Brard - D'intoxication, de mise en condition, de perversion !

M. le Ministre délégué - Nous préparons un retour de notre pays à une croissance équilibrée. L'objectif est donc la maîtrise dans la durée de la dépense publique, et nous y travaillerons ensemble, dans les fonctions que j'occupe aujourd'hui et celles dont j'aurai la charge à l'avenir.

M. Jean-Pierre Brard - Personne ne doute de votre prochain départ !

M. le Ministre délégué - L'exécution de la loi de finances sera l'occasion pour l'Etat de réaliser des gains de productivité au service du contribuable, mais aussi de l'usager du service public - le client est roi ! (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Pierre Brard - Vous possédez un talent certain pour le théâtre !

M. le Ministre délégué - ...et des fonctionnaires. La réforme de l'Etat n'aboutira que si elle est soutenue par l'administration...

M. Jean-Pierre Brard - ...qui vous a dit son mécontentement en défilant le 4 octobre !

M. le Ministre délégué - Monsieur Bonrepaux, votre intervention était pleine de reproches.

M. Jean-Pierre Brard - Justifiés !

M. le Ministre délégué - Le prélèvement opéré sur RFF servira une politique du logement.

M. Augustin Bonrepaux - C'est faux !

M. Jean-Louis Dumont - Quelle politique du logement ? Vous ponctionnez le Fonds de garantie à l'accession sociale à la propriété !

M. Jean-Pierre Brard - Quel rapport entre logement, rail et ballast ?

M. le Président - Laissez le ministre délégué s'expliquer !

M. le Ministre délégué - Nous avons accéléré le rythme de construction de logements neufs - fort bas sous le gouvernement Jospin - et pour construire, notamment en Ile-de-France, nous manquons de terrain.

M. Jean-Pierre Brard - Utilisons donc les compartiments !

M. Jean-Louis Dumont - L'ancien préfet qui dirigeait RFF était incompétent ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - Il était donc indispensable que RFF, l'établissement public qui possède la plus grande réserve foncière, fasse un effort. Depuis dix ans, l'Etat, dans ce domaine, a également manqué de volonté pour mener une politique de cession d'actifs. Pour 2006, nous nous sommes fixés un objectif quantitatif ambitieux : 600 millions d'euros.

M. Jean-Pierre Brard - Vous ne répondez pas à la question ! Pourquoi RFF ?

M. le Ministre délégué - Pour encourager RFF à mener cette politique de cession, nous avons décidé la création d'une structure juridique.

M. Jean-Louis Dumont - RFF dispose déjà d'équipes compétentes ! Pourquoi cette structure ?

M. Augustin Bonrepaux - Pourquoi 350 milliards ?

M. le Ministre délégué - Nous avons prévu un double retour pour RFF : l'intégralité de la valeur comptable du terrain et une participation à la plus-value. Cet accord est donc clair et équilibré.

M. Jean-Pierre Brard - Ce n'est pas un accord mais un oukase !

M. le Ministre délégué - M. de Courson a prétendu que l'objectif de maîtrise des dépenses n'était pas tenu. Les allègements de charges sont transférés à la sécurité sociale de manière tout à fait logique. Loin de nous l'idée de recréer un FOREC ! Ce sont des prélèvements obligatoires, ils doivent donc être compensés par des transferts de recettes et non par des crédits budgétaires. Nous voulons même aller plus loin avec la barémisation des charges : nous affichons aux yeux du monde un taux de cotisations de 46 % pour le SMIC alors que le niveau réel est de 20 %. Ce transfert est donc parfaitement transparent.

M. Augustin Bonrepaux - Cela ne fait aucun doute !

M. le Ministre délégué - Autre point : les prélèvements sur recettes. Le Conseil constitutionnel a validé leur présentation budgétaire. Quand il est question dans la LOLF de « rétrocession directe de recettes », cela signifie des recettes moindres pour l'Etat et, donc logiquement, les prélèvements sur recettes n'apparaissent pas dans les dépenses.

M. Michel Bouvard - Tout à fait !

M. le Ministre délégué - Notre budget est donc sincère. Si l'on basculait les dotations aux collectivités locales en dépenses budgétaires, on prendrait le risque de supprimer leur caractère automatique.

Quant à l'AFIT, elle a été créée à la demande expresse du Parlement pour améliorer les infrastructures de notre pays et nous lui avons garanti des ressources pérennes.

Par ailleurs, je ne laisserai personne affirmer que la progression des dépenses de l'Etat n'est pas limitée à l'inflation, soit une augmentation de 1,8 %. J'expliquerai ce point aussi longtemps que nécessaire.

M. Jean-Pierre Brard - Nous ne sommes pas sortis de l'auberge !

M. le Ministre délégué - Monsieur Brard, des désaccords innombrables nous séparent.

M. Jean-Pierre Brard - Jusque là, nous sommes d'accord.

Plusieurs députés UMP - C'est rassurant !

M. le Ministre délégué - Vous refusez de comprendre que la France doit s'adapter au nouveau contexte international.

Je plaide sans cesse pour que nous regardions ce qui se fait de mieux ailleurs, alors que vous souhaitez que rien ne bouge... La fuite des jeunes talents, des entrepreneurs, des investisseurs montre pourtant qu'il est temps de réagir. La question de l'attractivité et de la compétitivité de notre pays, dans le domaine social comme dans le domaine fiscal, est majeure. Si nous ne prenons pas nos responsabilités, nous continuerons à voir nos entreprises partir ailleurs. Nous devons être capables de proposer un modèle équilibré, compétitif sur le plan fiscal et social, garantissant un service public de qualité, encourageant l'embauche tout en protégeant les salariés, et assorti d'une protection sociale ouverte à tous et soucieuse de la maîtrise des comptes.

Monsieur Bouvard, je veux vous adresser mes remerciements car vous avez accompli un travail absolument remarquable pour l'élaboration de la LOLF. Sans aucune flagornerie, je tiens à le saluer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Votre diagnostic sur le volet « performance » va guider nos travaux tout au long de l'année. Nous devons avoir à cœur de présenter aux Français cette nouvelle constitution budgétaire, qui permettra désormais à chacun de savoir où va le produit des impôts. C'est un changement majeur, et nous devons, en nous inspirant de ce qui se fait ailleurs, élaborer les documents les plus lisibles possibles. J'ai proposé que sur notre site internet, un forum sur la performance soit ouvert à tous les Français à compter du 1er janvier.

En ce qui concerne les allègements de charges, je suis moi aussi favorable à des évaluations, comme pour toutes les politiques publiques. Nous aurons un débat sur le sujet et nous reviendrons sur la question de la « barémisation ».

Quant au compte d'affectation spéciale « radars », il a vocation à financer les dépenses d'investissement et de gestion des systèmes de radars automatiques et à prendre en charge les frais du permis à un euro. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

M. Pajon a été très caricatural dans sa description du PLF... Je veux lui rappeler que notre réforme fiscale bénéficiera pour 80 % aux ménages modestes.

Monsieur Perruchot, vous êtes bien plus sévère à la tribune qu'ailleurs... J'ai donc considéré que lorsque vous vous exprimiez avec autant de dureté sur ce budget, vous ne pensiez pas tout ce que vous disiez ! Je n'ai pas retrouvé dans ce discours le sympathique maire de Blois, ouvert, généreux et attentif à la contribution permanente de l'Etat au développement de sa ville... Mais nous connaissons tous ce genre de syndrome ! Si vous voulez des leçons sur le thème « comment éviter la langue de bois », relisez François Guillaume dans le texte !

M. Jean-Pierre Brard - Etienne Pinte, plutôt !

M. le Ministre délégué - Monsieur Laffineur, vous avez rappelé combien les priorités de notre budget correspondaient aux attentes de nos concitoyens et à nos engagements, qu'il s'agisse de l'abaissement du coût du travail, avec la pérennisation des allègements de charges, ou de l'allègement des formalités qui pénalisent l'emploi. Tandis que l'on s'emploie à gauche à entretenir la morosité et l'anxiété, il est de notre devoir de faire état de résultats qui peuvent être mis à notre actif. L'évolution de la consommation et de l'investissement et la baisse du chômage sont des signes encourageants.

M. Jean-Pierre Brard - Et l'augmentation du nombre de Rmistes ?

M. le Ministre délégué - On constate aussi le formidable succès du contrat nouvelle embauche, avec près de 10 000 signatures.

Monsieur Auberger, je vous remercie d'avoir qualifié ce budget de « sérieux » et « solide ». Je suis très sensible à ce que je considère comme un encouragement et même un compliment. Sur l'évolution des effectifs de la fonction publique, je partage votre diagnostic ; dans ce domaine, il va falloir continuer de travailler ensemble, mais plutôt que d'agir brutalement, prenons le temps de mesurer, notamment à travers les rapports d'audit, comment l'on peut rendre le meilleur service au meilleur coût. En ce qui concerne la réforme des plus-values, j'ai pris des engagements et je les tiendrai. Nous en reparlerons dans le projet de loi de finances rectificative de fin d'année, pour un toilettage et une mise en cohérence de tous les dispositifs existants, et surtout la mise en place d'un mécanisme permettant de supprimer toute imposition en cas de détention longue, de manière à inciter les actionnaires à être fidèles à leurs entreprises.

Monsieur Giacobbi, je voudrais tordre le cou à certaines erreurs. Nous avons retenu comme hypothèse de croissance une fourchette de 2 à 2,5 %, quand les prévisions des économistes se situent entre 1,8 et 2,3 % : l'écart est donc exactement le même. Par ailleurs, il n'y a pas de lien entre les prévisions de recettes et la croissance économique, j'en ai fait hier la démonstration.

M. Didier Migaud - Ah bon !

M. le Ministre délégué - Monsieur Deniaud, je partage pleinement votre analyse sur la nécessité de renforcer nos infrastructures pour lesquelles nous bénéficions d'un avantage comparatif. C'est pourquoi nous avons mis en place avec l'AFIT un outil performant.

Monsieur Descamps, vous avez comme souvent regardé le verre à moitié vide, mais croyez à notre détermination dans la mobilisation pour l'emploi et pour la réforme de notre fiscalité.

Monsieur Claeys, vous avez été très sévère sur le sujet des finances locales ; nous en reparlerons ce soir, notamment avec l'idée d'une conférence des finances publiques pour tout mettre à plat.

Madame Billard, la réaction du Gouvernement à la crise pétrolière a été fondée sur une double exigence, de vérité et de transparence. Le rapport Durieux, qui a été remis la semaine dernière, montre que l'Etat ne bénéficie d'aucune recette d'opportunité.

Monsieur Novelli, vous avez salué ce budget en le qualifiant d'imaginatif. Je vous rejoins naturellement dans votre combat contre les dépenses inutiles.

Monsieur Balligand, vous avez vous aussi contesté nos prévisions économiques, je n'y reviens donc pas.

Monsieur Edmond-Mariette, le Premier ministre a engagé une concertation avec les élus d'outre-mer. Tout peut donc encore évoluer. Notre objectif est évidemment de faire réussir la loi de programmation.

Monsieur Tron, vous avez rappelé l'exigence de la maîtrise de la dépense et de la modernisation de la fonction publique. Nous y travaillerons beaucoup ensemble tout au long de cette année, à travers les audits et notre politique immobilière.

Monsieur Cousin, je vous remercie d'avoir salué notre budget, notamment au sujet des intérêts de retard.

Monsieur Bapt, vous avez été très sévère, comme bien souvent. Vous ne faites pas dans la nuance, notamment lorsque vous parlez de la réforme fiscale, alors que nous avons pris des mesures profondément justes.

Monsieur Chamard, votre exposé a été très applaudi. C'est donc qu'il était très bon... Je reviendrai dans la suite du débat sur chacun des points que vous avez évoqués. Nous partageons les objectifs, tout est ensuite dans l'art de l'exécution.

Monsieur Dumont, je regrette que vous vous soyez interrogé de manière sévère sur la politique de ressources humaines conduite au ministère des finances, alors que c'est un sujet auquel je suis particulièrement attentif, qu'il s'agisse de la généralisation des contrats de progrès, de l'expérimentation de la rémunération au mérite et de la réalisation de gains de productivité.

M. Jean-Louis Dumont - Il faut des critères transparents.

M. le Ministre délégué - Ils le sont.

Monsieur Guillaume, vous avez été sévère...

M. François Guillaume - Toujours !

M. Jacques Myard - Qui aime bien châtie bien...

M. le Ministre délégué - Nous aurons dans la suite du débat l'occasion de satisfaire au moins en partie votre impatience.

Monsieur Pinte, nous sommes vraiment en désaccord sur le constat que vous dressez des finances locales. Prenez garde à la chimère de la simplification : l'abolition des financements croisés, c'est bon pour les colloques, mais nous savons tous en tant qu'élus locaux que l'on prend là où l'on trouve. Comme maire de Meaux, je peux témoigner que jamais je n'aurais pu entreprendre la restructuration de ma ville sans le concours important de l'Etat. Sans doute la solidarité nationale et la péréquation sont-elles nécessaires : à Meaux, il y a 53 % de logements sociaux, 27 nationalités, une zone franche installée sur la moitié du territoire et les réponses apportées par l'Etat méritent tout autant d'être soulignées que la situation du maire de Versailles, qui, je peux le concevoir, peine à boucler son budget.

Ce soir, Monsieur Bonrepaux, nous parlerons de la DGE, en deuxième partie, nous parlerons de la taxe professionnelle, et vous aurez les simulations que vous avez demandées.

M. Augustin Bonrepaux - Pourquoi les cachez-vous ?

M. le Ministre délégué - Votre réquisitoire, Monsieur Lurel est caricatural, mais je n'en suis pas surpris. Vous m'avez, quoi qu'il en soit, fait le plaisir de prendre, avec des trémolos dans la voix, la défense de la loi de Mme Girardin relative à l'outre-mer.

M. Victorin Lurel - Elle est insuffisante !

M. le Ministre délégué - Cela m'a touché car j'ai gardé en mémoire vos propos de juin 2003, lors du vote de cette loi. Vous déclariez : « Le groupe socialiste se fera un honneur et un devoir de voter contre un tel texte qui n'apporte rien à l'outre-mer ».

M. Victorin Lurel - Mais c'est la vérité !

M. Jean-Louis Dumont - Vous avez tout bloqué !

M. le Ministre délégué - C'était un moment de bonheur dans l'océan de vos critiques, qui ont fait oublier la contribution majeure de l'Etat au service de nos compatriotes d'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur Garrigue, vous avez évoqué le problème du FIPSA, en déséquilibre pour 2006 puisqu'il souffre d'une dette héritée du BAPSA. Cette question relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais nous vous proposerons d'ici la fin de ce débat de majorer les recettes sans dégrader le déficit budgétaire. En outre, j'envisage en seconde partie une reprise par l'Etat d'une fraction de la dette.

Nous partageons votre intérêt pour les biocarburants, Madame Gruny, et accélérons la montée en puissance de l'incorporation et de la TGAP. Je serai d'ailleurs ouvert à un amendement de la commission des finances concernant le mode de calcul de cette taxe.

Monsieur Audifax, je suis d'accord avec votre analyse, en particulier sur la nécessité de renforcer les fonctions régaliennes et de développer une politique globale de l'immigration. Nous travaillerons main dans la main sur ce thème.

Vous avez parlé des avantages liés à la loi Malraux, Monsieur Menuel, et je peux vous assurer que les travaux pourront toujours être déduits dans des proportions importantes puisque la déduction pourra représenter 40 000 euros pour un ménage à hauts revenus et plus encore pour un ménage à revenus moyens.

Monsieur Fourgous, j'ai bu vos paroles et je pense comme vous qu'il est nécessaire d'encourager la création d'entreprises, la prise de risque et l'investissement.

Monsieur Myard, nous n'avons pas la même vision de l'Europe, pour laquelle je suis profondément engagé. Les règles du pacte de stabilité sont de bon sens et il convient, s'il l'on veut observer une gestion de père de famille, de les respecter.

J'aurai l'occasion de rentrer cet après-midi dans le détail de la réforme fiscale, juste et indispensable pour le développement économique de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Didier Migaud - Sans abuser du temps qui nous est imparti, je souhaiterais évoquer les questions qui paraissent à notre groupe devoir revenir devant la commission des finances.

M. Hervé Mariton - On ne s'en lasse pas...

M. Didier Migaud - Oui, quand on aime, on ne se lasse pas et nous sommes tout à fait disposés à parler de la justice fiscale, des moyens des collectivités territoriales, de l'emploi.

Votre projet de loi ne répond pas aux préoccupations des Français : il ne suffit pas de mettre en avant la justice et la solidarité pour qu'elles deviennent réalité. Vous venez, Monsieur le ministre, de nous répondre avec le talent que l'on vous connaît, pour la forme, mais le fond reste insuffisant. Vous nous avez aussi gratifié d'un certain nombre de perles : lorsque je vous entends dire qu'il n'existe pas de lien entre croissance et recettes ...

M. le Ministre délégué - Permettez-moi de vous interrompre. Il s'agit d'une méprise, ou peut-être d'un lapsus. Nous connaissons les recettes sur la base des années passées, tandis que la croissance est une conjecture sur l'avenir. C'est en ce sens que j'ai dit que le lien n'était pas direct.

M. Didier Migaud - Malheureusement, vous êtes resté silencieux sur un certain nombre de nos questions : combien va rapporter la mesure de plafonnement des niches fiscales ? Vous dites que le bouclier fiscal profitera à 93 000 contribuables, ce qui ne signifie rien. Dites-nous plutôt combien de personnes, parmi les bénéficiaires, sont assujetties à l'ISF ? Cette question, qui montre combien sont injustes vos mesures fiscales, est l'objet d'une polémique qui se développe aussi sur les bancs de l'UMP. L'OFCE ainsi que des cabinets de conseil ont publié des rapports et des statistiques montrant que ce sont les Français les plus aisés qui bénéficieront des réductions de l'IRPP et de l'ISF. Il ne suffit pas d'affirmer, encore faut-il prouver. Pouvez-vous donc nous apporter des précisions en la matière ?

S'agissant de la prime pour l'emploi, vous n'avez pas confirmé le chiffre annoncé par le rapporteur général : compte tenu du relèvement à 30 euros du plancher au-dessous duquel l'Etat n'estime plus utile de la verser, combien de personnes sortiront de ce dispositif ? Et s'il ne vaut pas la peine que l'Etat intervienne pour 30 euros, va-t-on maintenir la réduction de 20 euros à ceux qui font leur déclaration de revenus par internet ? Combien cela a-t-il coûté l'an dernier, combien cela coûtera-t-il si dix millions de contribuables y recourent cette année ? Est-ce vraiment efficace, et n'y a-t-il pas deux poids deux mesures à accorder ces 20 euros d'un côté et de l'autre à supprimer la PPE, si elle est inférieure à 30 euros, à des centaines de milliers de bénéficiaires ? Si c'est votre conception de la justice fiscale, ce n'est pas la nôtre.

Nous voulions également savoir comment s'articulent les mesures de plafonnement des niches et de plafonnement de l'impôt total à 60 %. Vous ne nous avez pas répondu. Peut-être le ferez-vous au cours du débat. Ce sera aussi l'occasion de nous apporter des réponses sur des questions que la presse, et les organisations syndicales, soulèvent sur les montages fiscaux auxquels recourent certaines multinationales.

M. Gérard Bapt - Comme Hewlett Packard, qui délocalise !

M. Didier Migaud - Selon la CFDT, si ces pratiques se généralisaient à l'ensemble des multinationales présentes dans notre pays, cela pourrait représenter une trentaine de millions. Le confirmez-vous et que comptez-vous faire pour enrayer ces pratiques d'optimisation fiscale ? Hewlett Packard n'est qu'un exemple. Le ministère a, je crois, des propositions. Comptez-vous agir ?

La commission devrait aussi se pencher de nouveau sur les dépenses. Selon vous, elles n'augmentent pas plus que l'inflation. Mais dans son rapport sur l'exécution du budget pour 2004 - et il en ira de même pour 2005, je le crains - la Cour des comptes constate qu'elles augmentent bien plus que vous ne le dites. Et, à partir du tableau établi par le rapporteur général, j'ai poursuivi dans le temps la comparaison de l'écart entre la loi de finances initiale et l'exécution. En 1998, il était de 1,3 %, en 1999 de 1,6 %, en 2000 de 0,9 %, en 2001 de 3 %, en 2002 de 0,9 %, en 2003 de 3,5 %, en 2005 de 0,5 %, et pour 2005 ce sera 1,2 % et pour 2006 4,9 %. Pour la progression en exécution par rapport à l'année précédente, les augmentations les plus importantes ont lieu également lorsque vous êtes aux affaires : 5,3 % en 2002, en 2003- c'est un accident - moins 1,2 %, et en 2004 2,3 %. Pour tous ceux qui font une analyse objective, Cour des comptes ou commission des finances, votre fameuse norme d'évolution de la dépense publique n'est absolument pas respectée. Répéter un mensonge ne le transforme pas en vérité.

Je terminerai par les collectivités locales. Des collègues de l'UMP ont eu le courage de dire ce que certains pensent ou disent même dans des associations d'élus ou en privé. Etienne Pinte, cet esprit libre, l'a dit de façon très vraie, ce qui a déplu. Mais il n'est pas le seul de votre bord. Il y a quelques jours, M. Puech, ancien ministre et président de l'Observatoire de la décentralisation, regrettait le déficit de dialogue entre l'Etat et les collectivités locales ; Marc Censi, président de l'assemblée des communautés de France, se dit « horrifié » par l'agressivité à l'égard de l'intercommunalité, où il voit « une réaction de la technostructure jacobine ». Il parle d'or en ajoutant que lorsqu'un gouvernement a l'intention de restreindre la fiscalité locale, il a tout intérêt à affirmer que les collectivités dépensent trop. Je regrette que le président de la commission des finances se prête trop à ce discours, et je trouve insultant que M. Mariton puisse prétendre qu'un député, parce qu'il est élu local, perd de vue l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Hervé Mariton - Il y a des moments où l'on se pose la question.

M. Didier Migaud - Ce n'est pas notre cas. On peut regretter ces considérations partiales et partisanes de la part de quelqu'un qui a utilisé les moyens de l'Assemblée nationale pour publier un rapport sur la fiscalité locale...

M. Hervé Mariton - Cela vous va bien !

M. Didier Migaud - ...parfaitement mensonger, rédigé avant même les auditions, et qui se trouve d'ailleurs en contradiction avec la plupart d'entre elles, comme l'a rappelé M. Bonrepaux, président de la commission d'enquête.

M. Hervé Mariton - Le rapport a été voté à l'unanimité moins une voix. Il ne fallait pas fuir au moment du vote !

M. Didier Migaud - Je souhaite également vous interroger sur des simulations qui doivent nous être fournies. Ainsi, sur la DGE, qui est à l'ordre du jour de la séance de ce soir, nous ne les avons toujours pas. Les donner au dernier moment pour que l'opposition ne puisse pas les évaluer correctement ne correspond pas à l'esprit qui devrait présider à nos travaux. Ou du moins serait-il indispensable que la commission des finances se réunisse avant ce soir. Et pour la discussion de la deuxième partie, il est essentiel que nous ne disposions pas au dernier moment des simulations concernant le bouclier fiscal et le plafonnement de la taxe professionnelle.

Le rôle des collectivités locales dans l'investissement public est connu. Ne le remettez pas en cause. En tout cas, nous devons pouvoir apprécier les conséquences des mesures que vous voulez prendre sur leur budget. Vous avez fait modifier la Constitution pour réaffirmer leur autonomie financière, modifié divers textes pour réaffirmer leur libre administration. Mais vous ne cessez de multiplier les atteintes à cette libre administration.

Il reste trop de sujets à approfondir, et rien n'est pire que de rester dans l'ambiguïté. Nous nous proposons de vous aider en y revenant en commission des finances. C'est pourquoi, au nom du groupe socialiste, j'invite l'Assemblée à voter la motion de renvoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président de la commission - J'ai écouté avec beaucoup d'attention et de plaisir l'ensemble de la discussion générale, et elle m'a inspiré quelques réflexions.

En premier lieu, un auditeur installé dans les tribunes aurait bien du mal à qualifier le budget, compte tenu des appréciations si diverses qui ont été portées sur lui. Revenir à plus de rigueur vaudrait mieux pour le débat qui va s'engager.

En second lieu, sur le taux de croissance qui conditionne tout le reste, nul ne peut contester que sur la moyenne des deux dernières années, notre taux de croissance est meilleur que la moyenne des pays européens. Sans être idéal, c'est déjà quelque chose. On a pourtant dit le contraire. Didier Migaud a dit aussi que le coût horaire en France était inférieur à la moyenne européenne. Or, il est de 27,70 euros chez nous contre 24,90 en moyenne en Europe. Nous sommes seulement au deuxième rang, derrière l'Allemagne à 27,93 euros. Ce n'est pas sans importance, car les rigidités réglementaires sont un obstacle à la vitalité et à l'adaptation des entreprises.

En troisième lieu, sur les investissements étrangers, il y a convergence entre le Gouvernement qui met en avant l'action de Mme Gaymard et l'opposition qui estime qu'il n'y a rien à changer sur la fiscalité puisque nous sommes déjà le troisième pays d'accueil pour ces investissements.

Monsieur le ministre, un débat s'impose car la nature des investissements étrangers permettrait de relativiser les résultats. Je ne suis pas certain qu'il soit rentable, au bout du compte, d'acheter des PMI en France, compte tenu de l'impôt sur le patrimoine.

M. Jacques Myard - Parfaitement !

M. le Président de la commission - S'agissant des collectivités locales, c'est vrai, Monsieur Bonrepaux, que nous avons pu adopter des lois, comme celle sur le handicap, qui ont représenté un coût pour les collectivités locales, mais n'oubliez pas qu'au travers des exonérations et des dégrèvements, imposés par l'Assemblée nationale, l'Etat a pu en prendre en charge une partie.

Monsieur Migaud, il y a un nouvel arbitrage entre les dépenses collectives et le pouvoir d'achat des familles. De toutes les collectivités européennes, ce sont les françaises qui ont le plus augmenté leurs dépenses, comme le relève un rapport de la Commission européenne.

M. Jacques Myard - Heureusement qu'elles ont investi !

M. le Président de la commission - Une hausse des dépenses publiques locales au rythme de 4 % par an en volume n'est pas saine.

Quant à l'impôt sur la fortune, vous savez bien que les décisions du Gouvernement reviennent au même que les mesures prises par Michel Rocard sur le plafonnement en 1988.

Enfin, c'est vrai que le déficit public est un problème. Quand je vois que la CDU et le SPD se mettent d'accord sur la réduction du déficit, alors que chez nous, les appels à l'Etat se multiplient, je pense à François Furet qui disait, à propos de la campagne électorale de 1997, que sur l'emploi, la droite ne dit pas grand-chose de peur de déplaire, tandis que la gauche ment pour plaire.

Plusieurs députés socialistes - C'est une caricature.

M. le Président de la commission - C'est encore vrai aujourd'hui. Je souhaite sincèrement que nous puissions travailler ensemble pour redresser la situation de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - J'invite l'Assemblée à rejeter cette motion très excessive sur le fond, et permettez-moi de vous dire que je désapprouve totalement l'étude de l'OFCE, teintée de partialité et qui pervertit le message reçu par nos concitoyens.

Notre réforme fiscale vise à améliorer la compétitivité de la France, grâce à des mesures justes. Si vous combinez l'impôt sur le revenu avec le nouveau barème et la hausse de la prime pour l'emploi, vous réaliserez que cette réforme profite d'abord aux classes moyennes. Il s'agit de favoriser les gens qui travaillent, ceux qui ne bénéficient jamais d'aucune réforme dans notre pays.

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote.

M. Jean-Claude Sandrier - Nous voterons ce renvoi en commission. Ce budget n'est pas fiable, comme en témoignent les propos récents de Thierry Breton - « ces chiffres, j'y crois » - et du rapporteur général - « je croise les doigts ». Comment, dans ces conditions, accorder un quelconque crédit à vos hypothèses de croissance ?

Par ailleurs, vous avez souhaité, Monsieur le ministre, le divorce entre l'économie et l'idéologie, mais vous-même obéissez à une idéologie. L'idéologie du libéralisme, l'idéologie du libre-marché existent bel et bien, comme en témoignent les réflexions de l'excellent prix Nobel d'économie, M. Stiglitz, lequel souligne l'incapacité du marché à s'autoréguler et le fait que les partisans de la libre entreprise ont surestimé le rôle du marché. Il faut réguler ce dernier, et avoir le courage de reconnaître, comme nous, qu'il est irresponsable de permettre que l'économie soit totalement indépendante de la politique. Si la politique ne maîtrise pas l'économie, qui gouverne ? Tietmeyer l'avait dit aux chefs d'Etat du forum de Davos : « Désormais, vous êtes sous le contrôle des marchés financiers ».

Parce que ce budget ne répond pas aux intérêts de nos concitoyens, nous voterons cette motion de renvoi.

M. Augustin Bonrepaux - Depuis le début de ce débat, nous attendons vainement que vous nous remettiez des simulations qui nous permettraient d'évaluer les conséquences de vos mesures sur le budget des collectivités locales. Vous avez annoncé que vous rembourseriez 460 millions aux départements, mais vous commencez par leur en prendre 200 ! Et vous parlez de compensation à l'euro près !

Vous qui prétendez agir en toute transparence, donnez-nous les simulations, à moins que vous ne les ayez pas, ce qui serait alors de l'imprévoyance.

Vous êtes le seul aujourd'hui à juger juste votre réforme, alors que nous sommes nombreux à la dénoncer, et je vous renvoie à ce sujet au rapport de l'OFCE.

Où est l'équité quand vous réduisez la fiscalité pour les plus aisés et contraignez les collectivités locales à augmenter celle des ménages ?

Monsieur le président de la commission des finances, il serait temps d'être plus objectif, car le Centre d'étude pour l'emploi fait apparaître que la France est loin d'occuper en Europe la place que vous lui prêtez, et qu'elle demeure en dessous de la moyenne européenne pour le travail à temps plein. Cessez donc de rejeter sur les 35 heures la perte de notre compétitivité.

Quant aux investissements étrangers, l'important n'est pas tant de réduire l'impôt sur la fortune que d'améliorer les routes ou encore d'installer le très haut débit, comme en témoignent les demandes qui arrivent parfois au conseil général de l'Ariège.

Concernant les infrastructures, vous réduisez vos investissements et vous paralysez le développement des territoires ruraux.

M. le ministre a répondu à côté : nous n'avons pas demandé pourquoi vous vendiez le patrimoine de RFF mais pourquoi vous préleviez sur cette société 350 millions pour le budget de l'Etat quand RFF a d'énormes besoins pour entretenir un réseau dans un état déplorable.

Enfin, vous assurez que les exonérations seront compensées aux collectivités locales. Mais l'Etat ne fait que compenser ce qu'il leur doit, en les privant d'ailleurs d'autonomie ! La DGF est par exemple issue de la suppression de la taxe locale. Je l'ai dit : nous n'avons parfois pas eu le courage de faire les réformes nécessaires sur la taxe professionnelle ou la taxe d'habitation, mais il ne faut pas en tirer argument pour étrangler les collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Hervé Mariton - Je suis d'accord avec M. Migaud lorsqu'il pose la question de l'optimisation fiscale. C'est un sujet important dont je ne suis pas sûr qu'il sera réglé dans le PLF mais je ne suis pas sûr non plus que cela justifie un renvoi en commission. Travaillons ensemble sur ce point important.

Le nombre de gagnants que fera le bouclier fiscal vous est indifférent. Chacun d'entre eux appréciera. Quant à la réforme du barème de l'impôt sur le revenu, si elle n'est pas exempte de critiques, on peut tout de même constater qu'elle part d'un bon principe : qu'il n'y ait aucun perdant.

M. Didier Migaud - Il y en aura un : la justice.

M. Hervé Mariton - La PPE, enfin, est mieux orientée vers ceux qui en ont vraiment besoin et sa logique encourage désormais la reprise du travail.

Oui, la justice fiscale est au coeur de ce projet et se décline en solidarité et en responsabilité comme en témoigne la réforme du barème. Les collectivités locales aussi doivent être responsables, avec l'Etat, de l'évolution des finances publiques et des prélèvements. A ce propos, je pense que l'organisation de nos débats doit être revue de manière à ce que les questions fondamentales liées aux collectivités locales soient regroupées et non égrenées tout au long de l'examen du PLF.

M. Jean-Louis Idiart - La méthode ne changera rien aux réalités.

M. Hervé Mariton - Enfin, ce budget est favorable à l'emploi, ce qui constitue une raison supplémentaire de ne pas voter le renvoi en commission.

L'enjeu essentiel est que le contribuable comprenne la façon dont son impôt est utilisé. Passons maintenant aux travaux pratiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures 15.

La séance est levée à 13 heures 20.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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