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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 13ème jour de séance, 29ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 21 OCTOBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Yves BUR

vice-président

Sommaire

      RAPPELS AU RÈGLEMENT 2

      LOI DE FINANCES POUR 2006 (suite) 4

      APRÈS L'ART. 9 (amendements précédemment réservés) 4

      ART. 10 8

      ART. 11 (précédemment réservé) 9

      APRÈS L'ART. 11 (amendements précédemment réservés) 10

      ART. 12 (précédemment réservé) 12

      APRÈS L'ART. 12 (précédemment réservé) 14

      ART. 13 (précédemment réservé) 14

      APRÈS L'ART. 13 (précédemment réservé) 20

La séance est ouverte à neuf heures trente.

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. Jean-Pierre Brard - Mon rappel au Règlement se fonde sur l'article 58, relatif à l'organisation de nos travaux. Vous avez tous certainement en mémoire le mythe de la caverne de Platon : nous ne savons pas bien faire la différence entre l'ombre et ce qui la produit. Nous discutons de la loi de finances pour 2006 depuis plusieurs jours et, coup de tonnerre, M. Breton annonce hier au Sénat que l'exonération progressive des plus-values d'actions figurerait au prochain collectif budgétaire. En violation de l'esprit de la LOLF, sur lequel existe, semble-t-il, un certain consensus, les règles sont donc changées par un ministre de l'économie et des finances qui ne connaît rien au fonctionnement du Parlement, et peut-être pas grand-chose à celui du Gouvernement.

M. Philippe Auberger - Donneur de leçons !

M. Jean-Pierre Brard - En effet, on peut lui en donner, à commencer par des leçons de français. Il est parfaitement insupportable que M. Breton, docte en tout, fasse cette annonce au Sénat, alors que c'est ici que l'on discute de la loi de finances. Compte tenu de la gravité de la situation, je demande trente minutes de suspension de séance afin que M. Breton vienne s'expliquer sur cette mauvaise manière qu'il fait à l'Assemblée nationale, pour ne rien dire d'une décision qui revient à beurrer de nouveau la tartine des privilégiés.

M. Didier Migaud - J'interviens également sur la base de l'article 58 de notre Règlement. Je souhaite m'associer à ces propos car je m'étonne que des annonces, concernant des mesures dont les conséquences seront importantes, soient faites au dehors de cet hémicycle, alors que nous débattons du projet de loi de finances. Je voudrais profiter de cette occasion pour rappeler au ministre délégué notre souhait de disposer des simulations relatives à la prétendue réforme fiscale préparée par le Gouvernement. A entendre celui-ci, nous vivrions dans un monde à l'envers : les économistes et les universitaires céderaient à la polémique et lui serait le seul à dire la vérité ! Mais le ministre ne nous a toujours pas dit qui étaient les bénéficiaires de ses réformes. L'OFCE explique que 10% des contribuables les plus aisés bénéficieront de 40% du produit consacré à la « réforme fiscale ». M. Copé est-il en mesure d'infirmer cette analyse ?

Nous l'avons également interrogé sur les mécanismes d'optimisation fiscale, et M. Mariton a d'ailleurs reconnu tout l'intérêt de cette question, mais le temps passe sans que la réponse vienne. Le Gouvernement travaille-t-il aux mesures qui s'imposent ?

M. Hervé Mariton - Sur le fondement du même article de notre Règlement, je souhaite dire que le calendrier des annonces, en effet, n'est pas parfait. Pour autant, celle que visent nos collègues correspond à des engagements pris par le Gouvernement et la mesure est dans l'intérêt de notre pays. De surcroît, elle sera soumise à l'Assemblée.

M. Jean-Pierre Brard - Le Parlement est humilié !

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat - Permettez-moi de m'étonner du caractère vif de ces propos, qui tranche avec le climat dans lequel nous avons travaillé jusqu'ici. Je m'étonne également de votre étonnement, Monsieur Brard, concernant cette annonce relative à la fiscalité des plus-values d'actions. J'ai très clairement indiqué hier à cette tribune, en répondant à M. Auberger, que ce sujet, conformément à l'annonce faite par le Président de la République en début d'année, serait examiné par votre assemblée en loi de finances rectificative. Il est dès lors logique que M. Breton, interrogé ensuite sur cette question, réponde dans les mêmes termes.

Monsieur Mariton, de quelles difficultés de calendrier parlez-vous ? Puisque l'on m'interrogeait, pourquoi aurais-je temporisé alors que je détenais la réponse ? Que cette question soit examinée en collectif budgétaire me paraît au surplus de bonne gouvernance puisque cela donne à votre assemblée le temps d'y travailler.

M. Didier Migaud - La mesure sera-t-elle applicable immédiatement ?

M. le ministre délégué - Bien sûr que non, vous le savez bien. Elle le sera dans l'année qui suit !

M. Didier Migaud - Je vous pose une question, Monsieur le ministre.

M. le ministre délégué - Je ne suis pas gêné d'y répondre, mais je suis surpris que vous vous indigniez de pratiques pourtant respectueuses du calendrier.

Concernant votre demande de simulations, Monsieur Migaud, qui est légitime, je ne pense pas avoir été pris en défaut jusqu'à présent : les simulations concernant les finances locales ont été données hier soir...

M. Didier Migaud - Tardivement !

M. le ministre délégué - Quant à la réforme fiscale nous n'en traiterons qu'aux alentours du 16 novembre. Je n'ai pas pour habitude de « me défiler » et je ferai comme toujours ce à quoi je me suis engagé.

Pour vous répondre sur le fond, notre réforme repose sur deux piliers principaux: la compétitivité économique, mais aussi et surtout la justice. Comme l'ont clairement montré nos graphiques, elle bénéficiera pour 80% aux Français actifs dont les revenus sont modestes ou moyens, et qui ne jouissent aujourd'hui d'aucun avantage fiscal. Je le répéterai jusqu'à ce que je parvienne à vous convaincre, la justice est pour nous le critère déterminant - et vous savez, Monsieur Migaud, que mon énergie est inépuisable.

M. Jean-Pierre Brard - Economisez-la, comme le pétrole !

M. le ministre délégué - Mon énergie n'est pas fossile, mais renouvelable ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Brard - S'agissant des plus-values d'action, il est normal que vous jouiez le rôle du centurion en venant à la rescousse du ministre de l'économie, mais M. Breton a choqué les députés - tous les députés - par son mépris, son arrogance et sa désinvolture, même s'il faut lui accorder une circonstance atténuante : il ignore le fonctionnement du Parlement, contrairement à vous, qui êtes déjà un vieux routier.

M. le ministre délégué - Vous êtes d'une désobligeance !

M. Jean-Pierre Brard - Pas du tout, il n'est pas question d'état civil, mais de votre compétence, ...que vous employez à merveille pour défendre les privilégiés.

Piétinant la dignité de notre Assemblée, le ministre nous a tu ce qu'il allait ensuite révéler au Sénat. La réponse que vous avez apportée à M. Auberger témoigne de l'attention que vous nous portez, vous, mais n'excuse pas l'attitude de M. Breton. Vous couvrez aujourd'hui le ministre, mais peut-être gagnerions-nous un temps précieux si vous échangiez vos fonctions.

M. le ministre délégué - Je n'ai pas l'intention d'entrer dans votre petit jeu, tout à fait indigne de la qualité de nos débats. Quand un parlementaire m'interroge au cours de la discussion générale, je lui réponds, voilà tout. Notez d'ailleurs que M. Breton s'est exprimé après moi !

Et si ni lui ni moi n'avons évoqué cette mesure en présentant le budget, c'est qu'elle n'est pas prévue pour figurer en loi de finances, mais dans le collectif budgétaire.

M. Jean-Pierre Brard - Ce qui est anormal !

M. le ministre délégué - Souvenez-vous que nous avions clairement indiqué en commission des finances que la mesure n'étant pas totalement au point, elle serait intégrée dans le collectif.

M. Didier Migaud - Je ne suis pas convaincu, Monsieur le ministre, par ce que vous dites sur les effets de vos mesures fiscales selon les différents déciles, mais nous aurons l'occasion d'y revenir.

Pour ce qui concerne les plus-values, vous ne vous êtes pas réveillés un beau matin, M. Breton et vous, avec cette idée nouvelle en tête ! Je continue à penser que placer cette mesure en loi de finances rectificative est de mauvaise méthode et qu'elle viole l'esprit de la LOLF. Par souci de cohérence et de lisibilité, ne mélangez pas les genres ! Le collectif budgétaire n'est pas fait pour cela et il est regrettable que l'on ne renonce pas à ce genre de pratique.

Quant à l'optimisation fiscale, je m'étonne de votre silence. Est-ce seulement un oubli de votre part ? Peut-être allez-vous encore vous réveiller un beau matin en ayant rêvé d'un nouveau dispositif. En tout cas, il est essentiel que vous proposiez un mécanisme pour mettre un terme aux abus auxquels nous assistons depuis un certain temps.

M. le Président - Compte tenu des explications reçues, je pense, Monsieur Brard, que vous vous contenterez de moins de la demi-heure de suspension demandée.

La séance, suspendue à 9 h 50, est reprise à 10 h 5.

M. le Ministre délégué - Je vous prie de m'excuser pour vous avoir fait attendre, mais je contribuais d'une certaine manière au débat ouvert tout à l'heure puisque je conversais avec M. Breton au téléphone (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). M. Breton s'est donc exprimé au Sénat à l'occasion de la transposition de la directive anti-OPA et c'est dans ce cadre qu'il a évoqué la mise en place d'un dispositif absolument nécessaire, destiné à encourager la détention durable d'actions. Il a précisé que cette question serait évoquée lors du collectif budgétaire, voilà tout.

M. Jean-Pierre Brard - Il a donc fait une digression.

M. le Ministre délégué - Il a veillé à donner des informations complètes sur le sujet en discussion.

M. Jean-Pierre Brard - Quoi qu'il en soit, cette mise au point est tout à votre honneur, Monsieur le ministre, puisque vous-même avez été un peu choqué par cette affaire (Signes de dénégation de M. le ministre délégué). A la différence de M. Breton, vous êtes, vous, un vrai politique.

M. Didier Migaud - Je prends acte de la mise au point de M. le ministre, mais je continue de regretter que cette disposition ne soit pas discutée dans le cadre du PLF. Une fois de plus, je considère qu'il n'est pas de bonne méthode de séparer le collectif et le PLF.

LOI DE FINANCES POUR 2006 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2006.

APRÈS L'ART. 9 (amendements précédemment réservés)

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - L'amendement 3 vise à étendre le dispositif d'exonération des plus-values de cessions professionnelles - qui existe déjà pour les fonds de commerce - aux exploitations agricoles. La mesure, qui s'applique en deçà d'un seuil de 300 000 euros, expire le 31 décembre et c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous devons nous intéresser à la question des plus-values dans le cadre du collectif budgétaire.

M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 216 de M. de Courson, qui y est particulièrement attaché, est identique et je suis heureux que la commission défende la mesure. J'espère que le ministre délégué nous rejoindra sur cette position de bon sens.

M. le Président - Seriez-vous prêt, Monsieur le ministre, à lever le gage ?

M. le Ministre délégué - Comme l'on dit au PMU : « 100% des gagnants ont tenté leur chance » ! (Sourires) Nous avons eu de longs rappels au Règlement relatifs aux plus-values et voici que vous présentez ces amendements !...

M. Jean-Pierre Brard - Vous êtes maudit par la Providence, Monsieur le ministre ! (Sourires)

M. le Ministre délégué - Pas du tout ! Tout cela est bien rodé ! Nous avons commencé une tournée en province avec M. le rapporteur général ! (Sourires)

Soyons sérieux. Je suggère à leurs auteurs de retirer ces deux amendements puisque le Gouvernement proposera un « paquet complet » sur le sujet dans le cadre du projet de loi de finances rectificative.

M. le Rapporteur général - Compte tenu de cet engagement, je retire l'amendement 3.

M. Pierre-Christophe Baguet - Puisque nous avons en effet un engagement formel du Gouvernement, je retire également l'amendement 216.

M. le Ministre délégué - Je tiens toujours parole.

M. Didier Migaud - Pas toujours à l'euro près !

M. le Ministre délégué - Toujours à la simulation près ! (Sourires)

M. Didier Migaud - L'amendement 323 vise à subordonner les exonérations de plus-values à la poursuite effective de l'activité de production agricole.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable, même si cette idée est intéressante. D'une part, la loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement d'août 2004 ne subordonnait pas l'application de l'exonération, pour les fonds de commerce, à la continuation formelle de l'activité, mais à une reprise dans le cadre de la même branche d'activité. D'autre part, l'extension aux exploitations agricoles est délicate : la contrainte serait beaucoup trop forte dans la pratique.

M. le Ministre délégué - Je ferai la même réponse que pour les amendements précédents.

M. Didier Migaud - Est-ce à dire que vous reprendriez notre amendement dans le projet de loi de finances rectificative ?

M. le Ministre délégué - Nous débattrons de la fiscalité des plus-values dans ce cadre. L'ensemble des amendements sera alors considéré et je ferai part de la position du Gouvernement. Par cohérence, je vous invite donc une nouvelle fois à reporter cette discussion au collectif.

M. Didier Migaud - Je retire l'amendement, compte tenu de ces assurances, et, puisque le rapporteur général trouve l'idée séduisante, nous sommes prêts à travailler avec lui à une meilleure rédaction.

M. Jean-Pierre Brard - En raison de l'importance des charges transférées aux collectivités locales, la taxe sur le foncier bâti évolue à la hausse et pèse lourd dans le budget des foyers modestes, en particulier dans celui des titulaires de minima sociaux.

A propos de ces minima, le Premier ministre lui-même a parlé de « revenus d'assistance », ce qui est une façon de stigmatiser les personnes qui les perçoivent. Faut-il donc rappeler que les allocations chômage, pour ne prendre que cet exemple, constituent un salaire différé pour lequel les salariés cotisent quand ils sont en activité ? Faut-il rappeler que le préambule de la Constitution de 1946 dit que chacun a le droit d'obtenir un emploi et que tout être humain qui se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ? Les minima sociaux ne constituent donc pas une assistance, mais un droit constitutionnellement garanti.

C'est pourquoi nous proposons, par l'amendement 152, de faire bénéficier les ménages les plus modestes d'une exonération de taxe foncière. Je pense en particulier à ces veuves obligées de vendre la maison dans laquelle elles ont toujours vécu parce que la taxe foncière devient trop élevée et que celle-ci, contrairement à la taxe d'habitation, ne fait pas l'objet d'aménagements.

M. le Rapporteur général - Il est vrai que les titulaires du RMI bénéficient d'exonérations de taxe d'habitation, mais non de taxe foncière - celle-ci étant payée, je le rappelle, par les propriétaires. Cela étant, quand des exonérations ou des abattements sont demandés à titre gracieux, les services fiscaux les accordent, si la situation le justifie. La commission a donc repoussé cet amendement.

M. le Ministre délégué - M. Brard est très constant, mais nous essayons de sortir d'une logique qui fait que les titulaires de minima sociaux auraient en quelque sorte un handicap monétaire à reprendre un travail. Nous ne voulons pas créer de « trappes à inactivité ». Avis défavorable, donc.

M. Jean-Pierre Brard - Il est vrai, Monsieur le rapporteur général, que l'administration peut accorder des abattements, mais c'est un pouvoir discrétionnaire qu'elle a là. Plutôt que de renvoyer au bon plaisir, fût-il éclairé, d'un fonctionnaire, mieux vaut affirmer un droit.

L'amendement 152, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Le système mis en place depuis 2003 qui consiste pour l'Etat à reprendre aux collectivités locales ce qu'elles ont perçu en taxe professionnelle de France Télécom - et dans certains cas à reprendre beaucoup plus - devient très lourd pour le budget des collectivités locales concernées. Comme l'a souligné devant le Comité des finances locales le président de la communauté d'agglomération de Poitiers, M. Jacques Santrot, il y a là, de fait, une alimentation directe du budget de l'Etat par celui des collectivités locales.

Bien que France Télécom soit depuis 2003 soumise aux impôts directs locaux comme toute entreprise, ce retour apparent au droit commun s'est accompagné d'une disposition exorbitante : l'instauration, dans chaque collectivité locale où est situé un établissement de France Télécom, d'un prélèvement égal aux bases de l'opérateur de 2003 multipliées par le taux de taxe professionnelle de 2002. Ce prélèvement s'impute sur la compensation que verse l'Etat en contrepartie de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle et il est indexé sur la DGF.

En cas de diminution de bases, cas de plus en plus fréquent, l'Etat perçoit des sommes plus importantes que celles que les collectivités reçoivent de France Télécom !

Le récent décret relatif à la réforme du Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, qui assouplit les conditions posées par l'article 53 de la loi de finances pour 2004 pour le versement de la compensation des pertes de taxe professionnelle, n'apporte pas de réponse satisfaisante à ce problème. En effet, cet assouplissement valant pour toutes les pertes de bases de taxe professionnelle, les EPCI qui, à côté de pertes de bases de France Télécom, connaîtront des croissances de bases d'autres établissements et auront in fine une perte globale inférieure à 2% ne percevront pas de compensation.

Lors de la séance du 19 mai 2005 du Comité des finances locales, M. Carrez a demandé au Gouvernement un état des lieux. Les maires de France restent aujourd'hui mobilisés sur ce dossier. Le ministère du budget pourrait se diriger vers un règlement au cas par cas des situations les plus difficiles. Cela engendrerait vraisemblablement des discriminations d'une collectivité à une autre.

C'est pourquoi nous vous proposons d'adopter notre amendement 427 rectifié, qui pose, en application de la plus élémentaire équité, que le prélèvement de l'Etat ne peut excéder le montant du produit perçu par la collectivité.

M. le Rapporteur général - La commission a repoussé cet amendement. Quand France Télécom est devenue une entreprise, il a été décidé que sa taxe professionnelle serait versée à l'Etat. Les élus locaux ont obtenu, au bout d'une dizaine d'années, que, selon la règle commune, cette taxe professionnelle aille aux collectivités locales d'implantation. Comme cela faisait une ressource supplémentaire pour les collectivités, il a été décidé de compenser cela par une baisse équivalente de la DGF - en l'occurrence sur la fraction compensation de la part salaires. Or, il peut arriver en effet que cette compensation devienne supérieure aux recettes de taxe professionnelle perçues par les communes, qui se retrouvent donc perdantes. Mais dans beaucoup d'autres communes, les bases de France Telecom évoluent à la hausse.

M. Augustin Bonrepaux - A la baisse, en moyenne !

M. le Rapporteur général - Non. Mais il y a des cas aberrants. Par exemple, Lannion, où la DGF a été amputée du montant du gain espéré, quelques millions d'euros, mais où l'établissement France Télécom n'a jamais été implanté ! Il a donc été décidé de traiter les situations au cas par cas. Je peux vous affirmer ce matin que nous sommes sur la bonne voie, et que les services fiscaux s'occupent de ces communes.

M. le Ministre délégué - C'est un sujet très difficile car nous n'avions pas prévu les effets pervers de ce dispositif, sans parler des contraintes juridiques liées aux variations de bases divergentes selon les entreprises...

Pour autant, comme je m'y étais engagé l'an dernier, nous avons décidé de régler chaque situation au cas par cas, malgré le surcoût que cela impliquait. Par ailleurs, le Premier ministre, comme je le lui avais suggéré, a pris un décret, après avis du Comité des finances locales, pour modifier les modalités de compensation des pertes de base d'imposition à la taxe professionnelle, en élargissant l'éligibilité des EPCI à cette compensation. Ce décret a ainsi abaissé à 2% des bases, contre 5% auparavant, les seuils de perte, pour améliorer encore la situation de certaines collectivités.

Je suis prêt à poursuivre le travail, mais je ne peux pour autant accepter votre amendement qui serait source de difficultés juridiques.

M. Augustin Bonrepaux - La réponse du ministre est moins encourageante que celle du rapporteur général, et ce n'est pas ainsi que vous réglerez le problème. Comment expliquez-vous qu'après avoir rendu les bases de taxe professionnelle aux collectivités, elles se mettent à diminuer dans la plupart des départements, notamment le mien ? Le transfert s'est-il vraiment déroulé dans de bonnes conditions ?

Vous ne pouvez pas, Monsieur le ministre, prétendre régler le problème par la compensation de taxe professionnelle dans des situations aussi désespérées que celle de la commune de Lannion, d'autant que vous allez maintenant empêcher ces collectivités d'augmenter les taux.

J'aimerais que votre réponse soit plus adaptée à la gravité de la situation.

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur le ministre, vous organisez la rupture de la libre concurrence non faussée, dont vous êtes pourtant un adepte. Cela devient en effet très risqué pour une collectivité d'accueillir un établissement de France Télécom, car elle peut être amenée à débourser davantage qu'elle ne percevra de compensation. Elle risque ainsi de donner la préférence à des concurrents...

Il est vrai toutefois qu'il se pose des problèmes juridiques, car l'Etat a imaginé un système très complexe pour empêcher les collectivités de percevoir la taxe professionnelle de France Télécom. Je vous propose par conséquent de retirer cet amendement, en échange de votre engagement à travailler étroitement avec les élus locaux en sorte qu'aucune commune n'ait à payer plus qu'elle ne reçoit - ce qui est tout de même la moindre des choses !

Il serait d'autant plus judicieux pour vous d'accepter cette collaboration que vous ne savez pas dans quel sens trancheront les juridictions qui ne manqueront pas d'être saisies par les collectivités.

M. le Ministre délégué - Je ne peux prendre d'engagement aussi précis.

M. Jean-Pierre Brard - Ce n'est pas grand-chose !

M. le Ministre délégué - Je ne peux que vous répéter que le traitement de ce dossier ne doit pas être à l'origine de nouvelles inégalités, que ces dispositions ne concernent que les établissements existant en 2003, et que nous cherchons des solutions au cas par cas. Je ne puis aller plus loin.

M. Augustin Bonrepaux - Nous redéposerons un amendement lors de l'examen de la seconde partie. A cette occasion, pourriez-vous nous informer de l'évolution des bases depuis le transfert, et nous expliquer de quelle manière vous comptez résoudre le problème de collectivités comme celle de Lannion ?

M. Jean-Pierre Brard - Votre réponse n'est guère encourageante, Monsieur le ministre. Si nous sommes conscients des difficultés auxquelles vous êtes confronté, il n'est tout de même pas très sympathique de ne proposer que des solutions ponctuelles, sans parler de ce taux de 2%, bien faible.

Maire de Montreuil, ma démarche est complètement altruiste, mais si vous prenez l'engagement de travailler avec les élus, je peux, au nom de tous les autres députés qui ont co-signé cet amendement, le retirer.

M. le Ministre délégué - Je m'engage à être attentif.

M. Jean-Pierre Brard - Et moi, je souhaite que le jour succède à la nuit ! Je maintiens donc l'amendement.

L'amendement 427 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Sandrier - L'emploi précaire se généralise dans notre pays, en vertu du dogme de la flexibilité cher au MEDEF. Vos cadeaux fiscaux ont des conséquences sur les conditions de travail des salariés, sans que vous vous souciiez pour autant de leur utilité sociale. Singulière manière de valoriser le travail !

Le CDI doit être le contrat de travail normal, aussi l'amendement 233 rectifié tend-il à taxer le travail précaire.

L'amendement 233 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 10

M. le Rapporteur général - Les amendements 303 et 304 sont rédactionnels.

Les amendements 303 et 304, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Philippe Auberger - Le Conseil des impôts a produit un important rapport sur le thème « fiscalité et environnement » et notre société est désormais très consciente des risques qui s'attachent aux émissions excessives de dioxyde de carbone concourant à l'effet de serre. A ce titre, mon amendement 418 rectifié supprime l'exonération de la taxe sur les véhicules de société dont bénéficient les véhicules automobiles de plus de dix ans. Il faut en effet inciter les entreprises à s'équiper d'une flotte moderne, bénéficiant de l'évolution des techniques de dépollution.

M. le Rapporteur général - Méfiante par doctrine à l'égard de toute proposition susceptible d'entraîner un surcroît de charges pour les sociétés, la commission a repoussé cet amendement, à l'issue, il est vrai, d'une discussion nourrie. Qu'en pense le Gouvernement ?

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement pense beaucoup de bien de cet amendement. A quoi bon encourager les entreprises à conserver de vieux véhicules polluants ? L'exonération fiscale ne semble pas justifiée.

L'amendement 418 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général - Les amendements 305, 306 et 446 sont, respectivement, rédactionnel, de précision et de coordination.

Les amendements 306, 306 et 446, approuvés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 10 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 11 (précédemment réservé)

M. le Rapporteur général - L'amendement 307 est rédactionnel.

L'amendement 307, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Auberger - Toujours dans le but de décourager la circulation des véhicules les plus polluants, mon amendement 29 rectifié limite sensiblement la déduction fiscale pour l'amortissement, s'agissant des véhicules particuliers les plus fortement émetteurs de gaz carbonique. J'envisagerais en outre d'un très bon œil la réintroduction de la vignette pour les 4X4 et les voitures de sport, dont l'usage par des sociétés est rarement justifiable...

M. Didier Migaud - Bonne proposition !

M. le Rapporteur général - Même avis que sur le précédent amendement de M. Auberger, la commission en ayant longuement débattu... (Sourires)

M. le Ministre délégué - Etant contre la pollution, je suis pour cet amendement. Cependant, il convient de ne pas alourdir à l'excès les charges des sociétés, même pour des raisons vertueuses, et sans doute vaut-il mieux ne pas aller plus loin dans ce sens.

M. Jean-Pierre Brard - Allons, ce n'est pas cela qui va les faire boiter ! Encourageons notre collègue Auberger à franchir le Rubicon, fût-ce à pas comptés... Je suis pour ma part favorable au rétablissement de la vignette sur toutes les grosses cylindrées, les petites étant utilisées par des ménages modestes ou par des gens responsables, qui n'ont pas besoin d'étaler leur compte en banque en paradant dans des bolides surpuissants.

M. Philippe Auberger - Je remercie M. Brard pour ses encouragements mais j'irai à mon rythme. J'ai lancé l'idée de rétablir la vignette sur les 4X4 et les voitures de sport et j'espère que nous pourrons aboutir sur ce point dans une prochaine loi de finances...

M. Didier Migaud - Pourquoi pas dans le collectif ? (Sourires)

M. Philippe Auberger - ...Ayant cependant bien entendu les réserves de la commission et du Gouvernement sur l'accroissement des charges des sociétés lié à la suppression de tel ou tel avantage fiscal, j'annonce par avance que je retirerai mon amendement 30 2e rectification à l'article 12.

M. Jean-Pierre Brard - Il sera repris !

L'amendement 29 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 11 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 11 (amendements précédemment réservés)

M. Jean-Pierre Brard - Nous abordons maintenant un sujet sensible, sur lequel je doute que se dégage le même consensus que sur les amendements précédents... Notre amendement 226 rectifié vise en effet à taxer les bénéfices supplémentaires réalisés par les compagnies pétrolières du fait de l'explosion des cours du baril. Il n'est que temps de sortir d'un mécanisme de formation des prix foncièrement biaisé, où les compagnies - souvent complices d'Etats producteurs peu à même de donner un exemple de démocratie ! - s'achètent et se revendent le pétrole à elles-mêmes, réalisant au passage d'exorbitants profits que rien ne justifie. Quant à l'Etat, il n'est pas davantage fondé à s'enrichir inconsidérément sur le dos de l'automobiliste, via la TVA et la TIPP. Conscients des pertes de recettes fiscales engendrées par une modération des prix à la pompe, nous proposons de mettre à contribution les compagnies pétrolières en surtaxant leurs bénéfices. A ce que l'on sait, les mécanismes introduits sous la législature précédente n'ont contraint aucune à déposer le bilan, et il ne suffit pas - comme l'a fait Thierry Breton - de convoquer les pétroliers en leur faisant les gros yeux pour les ramener à la raison ! Songez, qu'à la porte de Vincennes, le litre de sans-plomb est à 1,50 euro !

M. le Rapporteur général - La commission a repoussé cet amendement pour plusieurs raisons. D'abord, il est beaucoup plus efficace de limiter le montant des provisions des entreprises pétrolières passées dans les comptes pour risque de hausse des cours, comme nous l'avons fait dans la loi de finances pour 2005 en fixant un plafond de 15 millions. C'est un dispositif assez puissant qui a donné de bons résultats. Ensuite, l'efficacité de dispositions fiscales assises sur les bénéfices est limitée pour les entreprises en bénéfice mondial dont l'essentiel des profits est réalisé au stade de la production. La matière fiscale que votre amendement prétend appréhender est quelque peu insaisissable...

M. le Ministre délégué - Avis défavorable pour les raisons que votre Rapporteur général a excellemment rappelées, le régime fiscal des entreprises pétrolières rendant peu pertinente votre proposition de surtaxe sur les bénéfices. Au surplus, n'en déplaise à M. Brard - dont l'entreprise de dénigrement systématique de Thierry Breton cache mal une certaine fascination... (Sourires) -, le Gouvernement n'est pas resté inactif. Le ministre des finances a accompli un travail exceptionnel. Comme l'a rappelé Gilles Carrez, la loi de finances pour 2005 a déjà plafonné à 15 millions le montant des provisions pour risques les engagements pris par les entreprises pétrolières le 16 septembre constituent des avancées extrêmement importantes. Ainsi, les hausses de prix seront étalées sur trois semaines et les baisses répercutées sur trois jours seulement. Des promesses d'investissement de 3,5 milliards dans les capacités de raffinage ont été faites, ainsi qu'un engagement à investir dans la recherche-développement sur les énergies nouvelles. Enfin, un rendez-vous aura lieu début 2006 pour dresser un premier bilan. Cette action très volontariste des pouvoirs publics est infiniment plus efficace que cette chimère de la TIPP flottante, qui coûte beaucoup aux finances publiques et rapporte très peu aux usagers ! Les dispositions que nous proposons sont bien adaptées à la situation et je suis défavorable à cet amendement.

M. Didier Migaud - Les déclarations tant du ministre de l'économie que des compagnies pétrolières continuent à susciter beaucoup de scepticisme chez ceux qui savent ce qui se passe sur le terrain et je crains que le résultat des évaluations en cours ne conforte cette opinion. En tout état de cause, il serait parfaitement légitime de mettre les compagnies pétrolières à contribution. Le problème est de trouver la bonne formule. Le rapporteur général a évoqué un mécanisme qui avait été voté sous l'ancienne législature et qui a donné de bons résultats : il devrait être repris. Il faut pouvoir agir. Je regrette une fois de plus que vos mesures pour améliorer le pouvoir d'achat des travailleurs contraints d'utiliser leur véhicule ou des personnes qui se chauffent au fuel soient très insuffisantes. Il ne suffit pas de parler, il faut prendre des décisions, et le rendez-vous est manqué !

M. Pierre-Christophe Baguet - Cet amendement montre le formidable décalage qui existe entre le comportement de ces grandes sociétés internationales et le quotidien de nos concitoyens. Dans ma circonscription, un groupe pétrolier national a purement et simplement licencié un gérant de station-service de 56 ans et sa femme, sans préavis ! Ces sociétés affichent ensemble plus de 100 milliards de dollars de bénéfices et ces gens vont se retrouver au RMI ! C'est inacceptable. Sans nier l'action volontariste entreprise par le Gouvernement, je pense qu'il faut aller plus loin et accepter cet amendement.

M. Jean-Pierre Brard - Pierre-Christophe Baguet découvre la lune ! S'il nous écoutait plus souvent, il saurait tout cela !

Je ne suis pas fasciné par M Breton, Monsieur le ministre : c'est vous qui êtes ensorcelé ! M. Breton n'est pas le soleil que vous semblez adorer, c'est plutôt une comète : il ne fait que passer ! Vous faites de l'« agit-prop », ou de la « com », pour employer un langage que la nouvelle génération est sûre de comprendre. M. Breton a reçu les pétroliers comme M. Sarkozy avait reçu les magnats de la grande distribution.

M. le Ministre délégué - La comparaison est élogieuse !

M. Jean-Pierre Brard - Mais du coup, on peut anticiper le résultat ! Parce que si vous allez dire aux Français que le prix de leur panier a baissé, ils vous répondront qu'il ne faut pas se payer leur tête ! De la même manière, vous parlez de la baisse des prix du baril, mais les particuliers jugent au prix du litre à la pompe !

Vous vous vantez des engagements pris par les compagnies pétrolières, mais croyez-vous vraiment que les hausses sont étalées sur trois semaines et les baisses répercutées en trois jours ? Allez donc voir dans une station-service ! Quant aux 200 millions de la limitation des provisions, ils ne représentent que 10% du bénéfice réalisé entre avril et juin par Total ! Et qui autorise le recours au bénéficie mondial ? Et d'ailleurs, où Total a-t-il ses comptes ? Il faudra faire le tour des paradis fiscaux pour les trouver ! Quant aux investissements, si l'on ne dit pas sur combien d'années ils doivent être effectués, ce n'est pas très sérieux... Certes, le Gouvernement n'est pas inactif : il se démène dans l'illusion, et dans la réalité, les Français continuent de payer !

M. Michel Bouvard - Il faut bien reconnaître que les compagnies pétrolières, Total en particulier, n'ont pas toujours eu une attitude citoyenne.

M. Philippe Auberger - C'est le moins qu'on puisse dire !

M. Michel Bouvard - Il n'y a qu'à se souvenir de la manière dont ce groupe a essayé d'échapper à la TVA relative aux sommes dégagées à la suite de l'affaire de l'Erika !

Faut-il opérer un prélèvement supplémentaire ? Le problème est en fait celui de la transparence de la constitution des prix. Les avancées obtenues par le Gouvernement sont certes importantes, mais il faut aller plus loin. Quel est le délai des stocks de chaque compagnie pétrolière ? Quel est le délai pour amener un supertanker du lieu de production au lieu de raffinage ? Quels sont le volume et la durée des stocks, donc les bénéfices réalisés si les hausses des prix sont répercutées trop vite ou les baisses retardées ? Qu'achètent-elles à court terme, au cours du brut, et à cours négocié sur le long terme ?

Ces questions doivent aussi bien obtenir des réponses pour le gaz naturel, au moment où une augmentation des prix est demandée, d'autant que la société est en majorité publique ! C'est l'ensemble du secteur de l'énergie qui est concerné. Lors de la libéralisation du secteur de l'électricité, le ministre de l'industrie a bien voulu, à notre demande, organiser une mission d'expertise sur le marché de gros de l'électricité et des mouvements spéculatifs ont été mis à jour. Compte tenu de l'influence de ces affaires sur le quotidien de nos concitoyens mais aussi sur les secteurs industriels grands consommateurs d'énergie - car le prix de cette dernière conditionne leur maintien dans notre pays - il faut se doter d'outils garantissant la transparence sur les éléments constitutifs des prix et permettant de repérer les actions purement spéculatives, qui ne doivent pas échapper à une taxation d'office.

L'amendement 226 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 12 (précédemment réservé)

M. Jean-Claude Sandrier - Dans Les Échos de la semaine dernière, on pouvait lire que les motorisations alternatives représentaient bon nombre des premières mondiales qui seraient dévoilées au salon automobile de Tokyo, avec des énergies vertes telles que les motorisations hybrides ou les piles à combustible, un sujet sur lequel les constructeurs japonais sont en pointe depuis longtemps et qui prend tout son intérêt avec la flambée des prix à la pompe. Malheureusement, cette tendance n'a pas encore atteint notre paysage automobile ! Nos villes se peuplent toujours davantage de 4x4 et de grosses cylindrées plus polluants, plus dangereux pour les piétons et globalement mal adaptés aux zones urbaines. L'amendement 34 rectifié propose donc d'instituer une taxe annuelle sur ce type de véhicules, pour compenser un peu, pour la collectivité, les inconvénients qui les caractérisent.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Les véhicules les plus polluants sont déjà fortement taxés, et il n'a pas semblé nécessaire pour l'instant d'aller aussi loin que vous le souhaitez.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Michel Bouvard - Je pourrais comprendre qu'on souhaite taxer des véhicules qui ne sont pas adaptés à la ville, mais la législation s'applique de la même manière sur tout le territoire ! Et il y a des endroits où ces véhicules sont indispensables. Il y a des gens, notamment dans les zones de montagne, qui ont besoin d'un 4x4 pour aller travailler ! C'est leur outil de travail, il est parfaitement adapté et il n'y a aucune raison qu'ils soient surtaxés alors qu'ils n'ont aucun moyen de transport alternatif ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Jean-Claude Sandrier - Proposez un sous-amendement !

L'amendement 34 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - L'amendement 308 est de correction.

M. le Ministre - Avis favorable.

L'amendement 308, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général - Les amendements 309 et 310 sont rédactionnels.

Les amendements 309 et 310, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.

M. Didier Migaud - La modulation des taxes d'immatriculation en fonction du degré de pollution, notamment recommandée par le Conseil des impôts dans son dernier rapport, constitue une nécessité pour assurer la viabilité de notre modèle de croissance à long terme. La proposition du Gouvernement instaurerait une désincitation fiscale trop limitée pour les véhicules les plus polluants. L'amendement 171 tend donc à aggraver la pénalisation fiscale afin d'inciter à l'acquisition de véhicules propres ou hybrides.

Je voudrais profiter de cet amendement pour attirer l'attention sur une nouvelle contradiction de la part du Gouvernement, qui affirme que la lutte contre les gaz à effet de serre doit être une priorité. Or les crédits de l'ADEME, destinés à promouvoir le recyclage des déchets, les économies d'énergie et les énergies renouvelables, sont amputés au titre de la régulation budgétaire. La ministre de l'écologie...

M. Jean-Pierre Brard - Qui ?

M. Didier Migaud - ...a annoncé un gel de 30 millions d'euros de crédits d'investissement auquel s'ajoute un gel de 15 millions d'euros provenant du ministère de l'Industrie. L'ADEME sera ainsi privée de 25 millions d'euros pour lancer ses nouveaux programmes, alors même que tout le monde considère qu'il s'agit d'une priorité.

Par rapport à la loi de finances initiale pour 2005, les autorisations d'engagement sont ramenées à 97 millions au lieu de 309 millions et les crédits de paiement à 130 millions au lieu de 141 millions. Certes, ce n'est pas parce que l'on dépense plus que les actions seront forcément plus efficaces, mais comment mieux lutter contre les gaz à effet de serre avec des moyens de l'ADEME considérablement amputés ? Il est indécent de contredire aussi ouvertement le Président de la République, qui ne cesse d'affirmer que c'est une priorité. Nous souhaiterions l'aider à faire entendre sa voix. Est-il cohérent, Monsieur le ministre, d'afficher des priorités, contredites par les orientations budgétaires de façon aussi forfaitaire et aveugle ? Ce que je dis est d'ailleurs partagé sur beaucoup de bancs de cet hémicycle.

M. le Rapporteur général - Défavorable

M. le Ministre délégué - Même avis. Par ailleurs, nous affectons le produit de cette taxe à l'ADEME.

L'amendement 171, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - L'amendement 311 est rédactionnel

L'amendement 311, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Je reprends l'excellent amendement 30 2e rectification de M. Auberger.

M. Philippe Auberger - Merci, quel hommage !

M. Jean-Pierre Brard - Mais la différence, c'est que nous, nous allons jusqu'au bout. Nous ne nous retirons pas prématurément... (Sourires)

Il est des sujets importants qui donnent une identité à notre pays, comme l'indépendance nationale et l'attitude que nous avons observée lors de la crise irakienne. Pourquoi le consensus ne se fait-il pas sur une question dont dépend la survie de la planète ? Le Président de la République a fait des déclarations au Sommet de Johannesburg, la France a ratifié le protocole de Kyoto, cependant nous sommes en retard. Toute mesure, aussi modeste soit-elle, et c'est le cas du peu révolutionnaire amendement de M. Auberger, doit être prise. C'est pourquoi nous nous honorerions d'adopter cet amendement.

M. Didier Migaud - L'amendement 172 est identique et procède de la même philosophie que l'amendement 171. Le silence observé par le Gouvernement sur l'ADEME est assourdissant mais je comprends que M. le ministre soit gêné d'avouer que les déclarations du Président de la République importent peu au Gouvernement. L'occasion nous est donnée de concrétiser les engagements pris par M. Chirac et d'adopter cet amendement qui repose sur une idée fort consensuelle.

Une fois de plus, affaiblir autant l'ADEME me semble être une politique de gribouille. M. Copé est également le porte-parole du Gouvernement et il se révèle plutôt performant en matière de communication... surtout lorsqu'il prend des libertés avec la vérité. Nous aimerions, Monsieur le ministre, que vos propos soient confirmés par les faits et que vous annuliez les effets désastreux de la régulation budgétaire pour l'ADEME.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis. Il est faux de dire que le Gouvernement ne fait pas son devoir. En affectant le produit d'une taxe à l'ADEME, en prenant des initiatives pour développer les énergies renouvelables, nous montrons notre volonté et nos exigences en matière d'environnement. C'est un bien mauvais procès : sachez que vous n'avez plus, depuis longtemps, le monopole de l'écologie.

M. Didier Migaud - C'est un peu facile ! Pourquoi la dotation de l'ADEME est-elle réduite de 40% en crédits de paiement et de 90% en autorisations d'engagement ? On ne peut afficher les priorités d'un côté et ne pas donner les moyens à l'ADEME de l'autre. Votre régulation forfaitaire est aveugle et inintelligente. Je me permets d'insister sur ce point car ce que je dis est partagé par la commission des finances. Rompons avec cette culture de soumission au Gouvernement !

M. le Ministre délégué - Je ne voudrais pas que l'on se trompe de débat. Nous discutons de la première partie de la loi de finances. Je n'ai pas vocation à traiter de la totalité des sujets. Nous avons largement évoqué la question de la fiscalité pétrolière et environnementale, j'invite votre assemblée à repousser ces amendements.

Les amendements 30 2e rectification et 172, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 12 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 12 (précédemment réservé)

M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 94 tend à étendre le crédit d'impôt aux véhicules équipés d'un système « flex fuel », qui permet de fonctionner soit à l'essence, soit à l'éthanol, soit avec les deux types de carburants à la fois. En effet, le Code Général des impôts mentionnant les véhicules fonctionnant exclusivement ou non au moyen du GPL ou du gaz naturel, il n'y a pas de raison que le système « flex fuel » ne soit pas concerné.

M. le Rapporteur général - La commission n'a pas pu retenir cet amendement.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable.

M. Pierre-Christophe Baguet - Le rapporteur général ne nous a pas indiqué quels éléments ont amené la commission à repousser cet amendement. A partir du moment où la double carburation est autorisée pour certains véhicules, pourquoi ne pas généraliser les règles et permettre l'éthanol aussi bien que l'essence et le fioul ? Tout cela manque de cohérence.

M. le Rapporteur général - Pour des raisons tenant au coefficient de volatilité, le « système flex-fuel » ne présente pas toutes les garanties techniques nécessaires. Je m'incline devant l'avis des experts.

M. Alain Gest - Ou plutôt du président de Total !

L'amendement 94, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 13 (précédemment réservé)

Mme Pascale Gruny - La majorité promouvant depuis trois ans les biocarburants, un véritable espoir est né dans nos territoires ruraux, mais il reste toutefois à concrétiser toutes les annonces qui ont été faites.

Nous honorerons ainsi notre engagement de lutter contre les gaz à effet de serre tout en diversifiant et en sécurisant nos approvisionnements énergétiques : la montée du prix du pétrole a mis en évidence notre dépendance et pèse sur notre balance commerciale.

Développer la filière des biocarburants permettrait également de satisfaire les attentes de nos industriels et de nos agriculteurs, car des richesses nouvelles seraient créées, ainsi que des emplois nouveaux : 9 pour 1 000 tonnes de diester, et 6 pour 1 000 tonnes d'éthanol.

Or le système actuel, qui repose sur de simples objectifs et sur la taxe générale d'activité polluante - TGAP -, n'a pas suffisamment contraint les distributeurs. Comment donc atteindre nos objectifs ambitieux et combler le retard accumulé par rapport à nos voisins ? Que répondrons-nous à nos agriculteurs, à nos industriels, mais aussi aux Français, auxquels nous demandons de plus en plus d'efforts en matière environnementale ?

Avec mes collègues de l'UMP mais aussi de l'UDF, nous allons donc proposer divers amendements volontaristes, rendant notamment obligatoire l'incorporation des biocarburants et confiant les agréments nécessaires à nos distilleries. Comme l'indique en effet le responsable des bio-ressources à l'ADEME : « Nous ne pourrons pas aller significativement au-delà des 5,75% de biocarburants sans développement de l'éthanol ». Rappelons aussi que cet objectif doit être atteint d'ici à vingt-quatre mois...

Il y va donc de la crédibilité de notre politique. J'espère que nous saurons respecter les engagements pris ces dernières années et répondre aux attentes que nous avons suscitées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) .

M. Jean-Louis Idiart - L'amendement 173 a pour but de supprimer le 1° du I de l'article 13. En effet, exclure les départements d'outre-mer de la pénalisation fiscale au titre de la TGAP n'a aucune justification légitime.

M. le Rapporteur général - J'étais d'avis réservé lors de l'examen en commission, car l'exclusion des départements d'outre-mer se justifie par l'absence d'unités de production sur leur territoire : ils devraient donc bénéficier de délais avant l'application de la pénalité. Certains collègues estimaient en revanche qu'il n'y avait pas lieu d'exclure l'outre-mer.

Je me demande donc si une formule intermédiaire ne pourrait pas être retenue. Mon amendement 449 tend ainsi à différer l'application de cette disposition jusqu'en 2010, afin de laisser le temps de construire des unités de production de manière à ne pas favoriser les importations, notamment en provenance du Brésil.

Je vous demande donc de repousser l'amendement 4, identique au 173, bien qu'il ait été approuvé par la commission, au profit d'une intégration de l'outre-mer dans le dispositif à partir de 2010.

M. le Ministre délégué - Les propos de M. Carrez me semblent frappés au coin du bon sens. Je souhaite donc le retrait des amendements 173 et 4 au profit du 449.

M. René-Paul Victoria - Je suis d'accord avec le rapporteur général et le ministre. Les départements d'outre-mer ont besoin de temps pour mettre en place une alternative économique, mais la date butoir ne devrait pas être figée. Cela étant, nous aurons l'occasion d'y revenir si nous ne sommes pas prêts à temps, donc je ne m'oppose pas à la mention de 2010.

M. le Ministre délégué - Il est nécessaire de fixer un calendrier précis pour guider les anticipations des décideurs économiques. Je vous propose donc de fixer le délai à 2010, quitte à le modifier ultérieurement si nécessaire.

M. Philippe Auberger - Je suis d'un avis différent. Les départements d'outre-mer ont peut-être besoin d'un délai, mais il doit être plus court. En effet, l'outre-mer ne produit pas aujourd'hui de carburants, si bien qu'elle doit en importer de toute façon : il n'y aucune différence avec le diester ou l'éthanol.

D'autre part, les installations ne seront jamais réalisées si l'on ne fixe pas un délai suffisamment rapproché. J'ajoute qu'une fois la décision d'investir prise, il suffit de deux années pour que la production soit effective. 2010 est une date trop éloignée.

Enfin, plus on attend, plus les obligations d'incorporation sont élevées, donc difficiles à remplir. Je propose donc, par le sous-amendement 450, de remplacer la date de 2010 par celle de 2008.

M. René-Paul Victoria - Chacun connaît les spécificités de nos territoires. Trois années ne suffiront pas pour être opérationnel. Je propose donc un sous-amendement 451 prolongeant le délai jusqu'en 2012.

M. le Ministre délégué - Pour citer Maurice Thorez, à l'instar de M. Brard : « il faut savoir terminer une grève ». Je me rallie au compromis fixant la date à 2010, car il faut fixer un délai pour stabiliser les anticipations. Je promets cependant une réactualisation si nécessaire.

M. Philippe Auberger - Si je comprends bien, le ministre propose une date flottante en matière de carburant : il propose 2010 tout en étant ouvert à un changement.

Voilà quinze ans que je défends l'usage des biocarburants et voilà quinze ans que les pétroliers renâclent (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Je prends acte de la position du Gouvernement mais peut-être faudra-t-il ultérieurement revoir la question si les pétroliers manifestent trop de mauvaise volonté.

M. le Ministre délégué - Il n'y a aucune ambiguïté : le Gouvernement est totalement déterminé à développer les biocarburants.

M. Augustin Bonrepaux - Il ne se montre pas très ferme.

M. le Ministre délégué - Si ! Je rappelle tout de même que toutes les mesures que nous préconisons vont dans ce sens. La date de 2010 me semble satisfaisante et nous verrons dans les mois à venir s'il convient ou non de la modifier.

M. Jean-Louis Idiart - Nous retirons l'amendement 173 au profit du 449 tout en reprenant le sous-amendement 450 car il faut faire preuve de suffisamment de fermeté.

M. René-Paul Victoria - J'ai bien entendu les propos de M. le ministre et je n'ai aucune raison de douter de sa parole, mais je maintiens quant à moi mon sous-amendement 451.

Le sous-amendement 450, mis aux voix, n'est pas adopté.

Le sous-amendement 451, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 449, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Auberger - Etant donné la fluctuation des cours des carburants, l'amendement 5, comme l'amendement 324 identique que j'ai cosigné avec Mme Gruny, tend à ce que le calcul de la TGAP demeure indexé sur les cours et non forfaitaire comme le propose le Gouvernement, car plus les cours augmenteront et moins la TGAP sera dissuasive.

M. Jean-Louis Idiart - L'amendement 174 est identique. A un mécanisme d'incitation à l'incorporation de biocarburants corrélé à l'évolution des prix du pétrole, le Gouvernement propose de substituer un niveau fixe d'incitation - 55 euros par hectolitre pour les essences, 45 euros par hectolitre pour le gazole. Compte tenu de l'élévation très forte et particulièrement rapide des prix du pétrole, ce choix pourrait conduire in fine à priver le mécanisme de toute portée réelle.

M. le Rapporteur général - Avis bien entendu favorable. Je rappelle simplement que ce dispositif a été mis en place à l'initiative de l'Assemblée l'an dernier et que nous avons longuement débattu pour savoir si la taxe devrait être ou non assise sur l'assiette de l'impôt sur les sociétés. Nous avons finalement adopté une formule équilibrée et il y a eu unanimité en commission pour la maintenir.

M. le Ministre délégué - J'hésite : le maintien de l'indexation est-il rationnel ? Plus le prix du pétrole augmente, plus il y a intérêt à incorporer des biocarburants, mais quid s'il diminue ? Or, on peut penser que tel sera le cas. L'opération est neutre pour l'Etat, mais je ne comprends guère la logique de ces amendements. Quoi qu'il en soit, si vous les adoptez, le Gouvernement n'en fera pas une jaunisse.

M. Marc Laffineur - Nous avons longuement débattu de ce sujet en commission, et je ne suis pas certain que la TGAP soit un bon choix car les pétroliers répercutent son coût sur les prix et se fichent d'incorporer ou non des biocarburants.

M. Philippe Auberger - Il est vrai que l'an dernier une majoration de l'impôt sur les sociétés avait été également proposée et que c'est à la demande du ministère de l'économie que l'on a finalement majoré la TGAP. La concurrence est insuffisante en matière de carburants. Le ministre de l'économie a d'ailleurs convoqué les pétroliers pour leur demander de baisser les prix à la pompe quand les cours du pétrole baissent, mais cela semble moins facile pour eux que de répercuter les hausses (Applaudissements de plusieurs députés de l'UMP). Si la concurrence est faible, elle existe néanmoins. Dans mon département, il peut y avoir une différence de dix centimes sur le prix du litre de diesel. C'est également au consommateur de faire un effort.

M. Jean-Pierre Brard - Combien doit-il parcourir de kilomètres ?

M. Philippe Auberger - Je ne suis pas responsable de la densité des pompes à essence, mais chacun sait qu'elles se sont hélas raréfiées, c'est exact.

Cette concurrence marginale a donc un effet, même s'il est insuffisant, et il importe donc que la TGAP fluctue en fonction du cours du baril.

Mme Pascale Gruny - En l'état, nous devons maintenir la taxe, mais celle-ci est-elle vraiment efficace ? Dès lors que les pétroliers paient, ils peuvent s'exonérer de toute responsabilité. J'ai donc déposé un amendement qui viendra en discussion après l'article 13 et qui les oblige à incorporer les biocarburants. (Applaudissements de plusieurs députés UMP)

M. Marc Laffineur - Nous avons voté l'an dernier une taxe sur l'impôt sur les sociétés des entreprises pétrolières qui ne respecteraient pas l'incorporation de biocarburants. Cette mesure a été annulée par le Sénat, qui s'est couché sous la pression des lobbies pétroliers. Nous devons y revenir, parce que c'est le seul moyen de les atteindre où cela fait mal.

M. Guy Geoffroy - Absolument.

M. Marc Laffineur - Je me demande si la TGAP témoigne d'une volonté politique suffisamment forte.

M. le Ministre délégué - Nous évoquons un sujet techniquement et juridiquement très complexe et l'on ne peut, à la faveur d'une discussion sur les modalités d'application de la TGAP, en faire le tour. Je suis favorable à l'organisation d'un vrai débat.

J'ai beaucoup travaillé sur cette question de l'obligation, mais le droit du commerce l'interdit. En revanche, nous pouvons appliquer une politique fiscale incitative.

Nous n'avons pas à parler ce matin du caractère facultatif ou obligatoire de l'incorporation de biocarburants, débat que je vous invite à avoir en d'autres circonstances, mais des modalités d'application de la TGAP. J'avais émis quelques réserves, mais je me rallie volontiers aux amendements qui viennent d'être présentés.

M. Alain Gest - Personne ne doute ici du volontarisme du Gouvernement en matière de biocarburants...

M. Didier Migaud - C'est un peu excessif de dire cela.

M. Alain Gest - En tout cas, personne dans les rangs des groupes UMP et UDF !

M. Didier Migaud - Nous, nous attendons des preuves supplémentaires !

M. Alain Gest - L'an dernier, le Président de la République et le Premier Ministre ont déclaré qu'il fallait encourager la production de biocarburants et ils ont annoncé des objectifs chiffrés. Pour les atteindre, nous avions introduit dans la loi de finances pour 2005 un dispositif lié à l'impôt sur les sociétés, qui a malheureusement été remplacé par celui de la TGAP. Je dis malheureusement, car en fait les pétroliers sont indifférents à cette taxe dans la mesure où ils la répercutent sur le prix de vente. Où en sommes-nous aujourd'hui ? A une production d'environ 105 000 tonnes d'éthanol, alors que nous devrions être au moins au double. Cela prouve bien que la TGAP n'a eu aucune incidence. Ne refaisons donc pas la même erreur que l'an passé ! Les engagements du Premier Ministre ne pourraient pas davantage être tenus que ceux de son prédécesseur.

Il faut en revenir à la mesure liée à l'IS que nous avions initialement adoptée - et que le Sénat avait supprimée. Je ne comprends pas, Monsieur le ministre, que vous nous disiez que nous ne pouvons pas faire cela. Le droit, c'est ici qu'il se fait et c'est bien à nous qu'il incombe de déterminer les règles que doivent respecter les sociétés !

L'opinion défavorable des hommes politiques qu'ont, à en croire les sondages, beaucoup de Français tient justement à ce qu'ils pensent que nous nous résignons trop facilement à un discours du type « ce n'est pas possible ».

M. Bouvard, qui est un homme gentil, tempéré et affable, a dit d'une certaine entreprise qu'elle ne se montrait pas très citoyenne. Il faut faire en sorte qu'elle respecte la loi française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Philippe Auberger - Il ne suffit pas de poser urbi et orbi une obligation, il faut définir les sanctions applicables en cas de non respect de cette obligation.

M. Alain Gest - L'interdiction de distribuer !

M. Philippe Auberger - Ce n'est pas possible. On ne peut pas mettre des contrôleurs partout.

M. Alain Gest - C'est ce genre de réponse dont ne veulent plus les Français !

M. Philippe Auberger - Il faut voter les amendements proposés et voir si, d'ici à la deuxième lecture, le Gouvernement peut proposer de revenir à la disposition qu'avait supprimée le Sénat, à savoir une majoration de l'IS pour les entreprises pétrolières qui ne respectent pas leurs obligations d'incorporation. Nous serions alors très disposés à supprimer la TGAP.

M. Eric Besson - Je n'ai pas bien compris les arguments juridiques du ministre. Fixer un certain niveau d'incorporation serait contraire à la liberté du commerce ? Si vraiment tel est le cas, j'ai le sentiment que nous adoptons beaucoup de dispositions contraires à celle-ci...

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je comprends l'attente du monde agricole...

Mme Pascale Gruny - ...et des industries !

M. le Président de la commission - ...mais la réalité est complexe. Pour ne pas avoir chaque année le même débat, il faudrait, Monsieur le ministre, que nous disposions d'études d'impact.

M. le Ministre délégué - Un rapport de l'inspection des finances vient de m'être remis, je le tiens à votre disposition. La mesure que nous retenons y est préconisée.

Vous savez bien, Monsieur Gest, que le droit ne se fait pas seulement ici. Nous avons des règles européennes à respecter, en l'occurrence celle selon laquelle les politiques nationales destinées à promouvoir l'utilisation des biocarburants ne doivent pas conduire à l'interdiction de la libre circulation des carburants qui répondent aux normes harmonisées définies au niveau communautaire.

Concernant l'IS, je veux bien retravailler le dossier. Mais comme les sociétés concernées n'en paient pas beaucoup, je ne suis pas sûr que nous obtenions l'effet recherché.

Je vous invite donc à adopter les amendements.

Les amendements 5, 174 et 324, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur général - L'amendement 312 est rédactionnel.

L'amendement 312, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 6, adopté par la commission, a pour objectif de préciser la valeur énergétique qui doit être prise en compte pour le contenu en alcool des dérivés de l'alcool éthylique incorporés au supercarburant dont la composante est d'origine agricole. Cette valeur doit être celle de l'éthanol, qui est le produit renouvelable, et non celle de l'ETBE, qui contient une composante non renouvelable - l'isobutylène.

M. le Rapporteur général - Favorable.

M. le Ministre délégué - Nous sommes plutôt là dans le domaine réglementaire. Et je pense que nous devrions procéder à quelques consultations communautaires avant d'ajuster les choses par décret. C'est pourquoi je vous propose de retirer l'amendement.

M. le Rapporteur général - Je ne suis pas convaincu par le premier argument, mais par le deuxième, oui.

M. Pierre-Christophe Baguet - Pourrons-nous avoir les informations voulues lors du passage devant le Sénat ?

M. le Ministre délégué - Oui.

M. Pierre-Christophe Baguet - Dans ce cas, je retire l'amendement.

M. Didier Migaud - Le Gouvernement prend prétexte de la hausse des cours du pétrole pour diminuer la déduction de TIPP dont bénéficient les biocarburants, ce qui est évidemment en contradiction avec sa volonté affichée d'accroître l'effort en faveur de ces derniers. C'est pourquoi nous proposons, par l'amendement 175, de supprimer le II de l'article 13.

M. le Rapporteur général - Avis tout à fait défavorable. Le niveau d'exonération obéit à une règle qui doit être stable dans le temps.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable, car le niveau retenu répond à notre souci de préserver la compétitivité des productions françaises, notamment face aux importations en provenance du Brésil.

L'amendement 175, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre-Christophe Baguet - L'éthanol d'origine agricole pouvant remplacer le méthanol d'origine fossile pour la synthèse d'esters d'huiles végétales, l'amendement 90 rectifié tend à soutenir les biocarburants 100% renouvelables.

L'amendement 90 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre-Christophe Baguet - Si l'Etat veut respecter le calendrier annoncé par le Premier ministre en matière de développement des biocarburants, il doit adapter sa politique fiscale à ses ambitions. De ce fait, même s'il est nécessaire de tenir compte de l'augmentation des prix du pétrole, une baisse trop brutale de la détaxation de TIPP de 33 euros l'hectolitre à 25 euros risquerait de déstabiliser la filière en pénalisant la politique d'investissement nécessaire à la réalisation des objectifs du Premier ministre.

L'amendement 91 tend ainsi à substituer le montant de 28 euros à celui de 25.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Le montant de l'exonération découle de l'application stricte du mécanisme institué dans la loi de finances rectificative pour 2002, et il convient de maintenir la stabilité de cette règle pour garantir une certaine visibilité aux investissements.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Didier Migaud - Pourquoi en rester à cette règle qui date de 2002, alors que depuis, la situation a évolué et que nous devons afficher de nouvelles ambitions ? Que cache cette obstination ? J'invite l'Assemblée à réfléchir à cet amendement de bon sens.

L'amendement 91, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre-Christophe Baguet - Nous convenons tous qu'il faut favoriser le développement des biocarburants. Là encore, l'amendement 124 rectifié tend à étendre à tous les carburants le bénéfice de l'exonération, limitée aujourd'hui au seul carburant des voitures, afin de favoriser l'utilisation de l'éthanol d'origine agricole.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même position.

M. Didier Migaud - Le président de la commission des finances vient de m'expliquer en aparté que la fixation d'autres références ferait perdre des recettes à l'Etat.

M. le Rapporteur général - Ce n'est pas la seule raison !

M. Didier Migaud - Il faut parfois accepter une légère perte de recettes pour atteindre certains objectifs. Il est tout de même dommage que l'évolution des mentalités, relayée par de nombreux discours, y compris du Président de la République, ne trouve pas de traduction dans les faits.

L'amendement 124 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 92 poursuit la même logique que le 91. Il faut parfois mener une politique volontariste et choisir entre les intérêts financiers et la protection de l'environnement.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Nos décisions sont guidées par plusieurs préoccupations, qu'il s'agisse de la protection de nos productions contre les importations étrangères, ou de la baisse des recettes, mais il faut aussi prendre garde à conserver une certaine stabilité à la règle du jeu, dans un domaine qui va évoluer. Le Gouvernement aurait été sanctionné s'il n'avait pas respecté la règle du jeu.

M. le Ministre délégué - Je suis totalement d'accord. Monsieur Migaud, il n'y a aucune ambiguïté en la matière, d'autant plus qu'il ne serait pas dans l'intérêt des agriculteurs ou des automobilistes de fixer la défiscalisation à un niveau supérieur au surcoût lié à l'incorporation de ces biocarburants. Ce serait au contraire aller dans le sens des pétroliers.

Nous menons tous le même combat.

L'amendement 92, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 13 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 13 (précédemment réservé)

M. Jean-Louis Idiart - L'amendement 170 vise à rétablir le mécanisme de « TIPP flottante » afin de rendre aux Français une part des recettes fiscales supplémentaires perçues par l'Etat sous forme de rentrées de TVA.

Le Gouvernement s'était engagé à plusieurs reprises à proposer un dispositif en ce sens, afin d'atténuer les conséquences, sur le pouvoir d'achat des ménages, de la hausse des prix du pétrole, mais il s'est malheureusement contenté de mesures catégorielles qui ne répondent pas à la demande des professionnels et d'une « aide à la cuve » qui ne tient pas compte des difficultés de nombreux Français tenus d'utiliser leur voiture à des fins professionnelles.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. L'expérience réalisée entre 2000 et 2002 a largement prouvé l'inefficacité de ce mécanisme, qui est par ailleurs une hérésie dans le contexte actuel.

M. le Ministre délégué - Même avis. Comment le groupe socialiste peut-il encore défendre cette mesure, qui coûte très cher au contribuable alors que le gain est infime pour le consommateur ! A moins qu'il ne s'agisse d'une posture idéologique, voire de « com », et j'ai alors trouvé mon maître en M. Migaud !

Plusieurs députés UMP - Bien sûr !

M. Hervé Mariton - Le parti socialiste prend le risque de la démagogie. Oui, nos compatriotes vivent une situation difficile, mais l'Etat n'en sort pas plus riche. Le sénateur Miquel assistait à la réunion de conclusion et n'a pas contesté le rapport qui évalue le coût pour l'Etat à 600 millions d'euros pour 2005, avec une perte sur le bilan TIPP-TVA de l'ordre de 100 millions.

Il faut aussi tenir compte des surcoûts mis à la charge de l'Etat car celui-ci paie lui-même le carburant de ses véhicules. Au final, le solde négatif TIPP-TVA atteint 75 millions !

Nous soutenons sans réserve l'aide à la cuve pour les ménages les plus modestes et les aides ciblées pour les transporteurs routiers. Libre à vous de verser dans la démagogie mais cela ne règlera rien au problème de fond. Les cours du pétrole sont tendanciellement orientés à la hausse et, outre les effets sur le pouvoir d'achat des ménages, cette évolution doit nous conduire à bousculer l'ensemble de notre fiscalité pétrolière. Il faut être conscient du fait que l'augmentation durable du prix du pétrole va mécaniquement entraîner l'effondrement des recettes fiscales. Les 25 milliards de TIPP engrangés par l'Etat sont menacés, à court, moyen et long termes ! M. Migaud le sait pertinemment, comme il n'ignore pas qu'il ne réglerait pas le problème - si d'aventure son camp revenait aux responsabilités (Exclamations sur divers bancs) - à coup de TIPP flottante.

Ce qu'il faut faire, c'est aider les particuliers et les ménages les plus fragilisés par la hausse des cours, tout en veillant à ce que la démagogie ne prenne pas le pas sur la nécessaire pédagogie. Au reste, même si la situation est sérieuse, il existe des solutions, à rechercher dans la réorientation de nos politiques énergétique et fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Migaud - Je remercie M. Mariton de reconnaître implicitement que la responsabilité de traiter le problème va nous revenir d'ici peu, sans doute beaucoup plus tôt qu'il ne le souhaite...

M. le Ministre délégué - N'essayez pas de vous en tirer par une pirouette !

M. Augustin Bonrepaux - C'est une prévision, au moins aussi fiable que les vôtres !

M. Didier Migaud - Libre à vous de ne pas vous intéresser aux problèmes quotidiens des Français... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Mais la démonstration de l'inefficacité de la TIPP flottante reste à faire ! Au reste, à l'époque où nous l'avons créée, Gilles Carrez avait un point de vue bien différent de celui qu'il défend aujourd'hui puisqu'il trouvait que nous n'allions pas assez loin : « nous voterons le dispositif, même s'il est insuffisant »... Telle était, en substance, sa position d'alors. Et permettez-moi de dire que si nos solutions ne sont pas à l'échelle du problème, votre absence de solution l'est moins encore ! (Mêmes mouvements) M. Mariton soulève le problème de la stabilisation de la recette de TIPP comme s'il s'agissait d'une nouveauté liée à l'inflation des cours du baril. Il n'en est rien ! La vérité, c'est que les comportements individuels et collectifs évoluent et, par exemple, que les limitations de vitesse ont entraîné une baisse globale de la consommation de carburant...

M. Guy Geoffroy - Merci de reconnaître que notre politique de sécurité routière porte ses fruits !

M. Didier Migaud - Allons, n'en faites pas un enjeu partisan. Pour en revenir au problème qui nous occupe, le fait est que, depuis deux ans au moins, le Gouvernement surestime systématiquement la recette de TIPP. Au final, l'on est donc conduit à rapprocher la réalité des rentrées fiscales d'une prévision faussée, ce qui ne peut fonder un raisonnement valable...

M. Hervé Mariton - Piètre argument !

M. Didier Migaud - Les mesures ciblées de soutien à la consommation - notamment pour les agriculteurs et pour les entreprises de transports - ont toujours existé... (Murmures sur les bancs du groupe UMP) Mais, jusqu'à présent, elles n'étaient jamais prises en compte dans l'appréhension générale du problème.

J'entends l'argument selon lequel il ne faut pas desserrer la pression fiscale dans des proportions telles que cela pourrait être ressenti comme un encouragement à prendre sa voiture alors qu'existent des modes de déplacement alternatifs. Le problème, c'est que nombre de concitoyens n'ont pas d'autre choix...

M. Michel Bouvard - Eh oui ! Tout le monde n'habite pas à Paris !

M. Didier Migaud - Il faut donc prendre mieux en compte les difficultés quotidiennes de nos concitoyens et ne pas prendre de mesures tendant à attenter à leur liberté de déplacement. Au final, je regrette bien vivement que le Gouvernement communique autant pour aussi peu de résultats.

L'amendement 170, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Pascale Gruny - Mon amendement 269 vise à rendre obligatoire l'incorporation des biocarburants dans les carburants destinés aux véhicules terrestres à moteur. J'avoue du reste que je n'ai guère été convaincue par les réponses qui m'ont été faites tout à l'heure et que je vois mal comment les répercuter sur le terrain. On fixe des objectifs, on fait de belles déclarations, mais lorsqu'il s'agit de passer aux actes en prenant des mesures obligatoires, les arguments juridiques reprennent le dessus et l'on nous prie poliment d'enterrer l'affaire. J'observe pourtant que, dès 2004, l'Autriche a pris un décret tendant à rendre obligatoire l'incorporation des biocarburants...

M. Michel Bouvard - Les Autrichiens ont toujours une longueur d'avance !

Mme Pascale Gruny - Et il ne semble pas que les instances européennes l'aient censuré ! C'est à n'y rien comprendre !

M. le Rapporteur général - Je conçois que Mme Gruny trouve l'arme fiscale moins efficace que l'obligation réglementaire mais cela poserait un vrai problème de compatibilité avec le droit communautaire. Je ne connais pas précisément le précédent autrichien mais sa validité à terme est-elle bien établie ? (Murmures sur divers bancs)

M. le Ministre délégué - Madame la députée, il y a des moments où je préfèrerais sans doute être à votre place... Dieu sait que j'estime votre travail de parlementaire et que je respecte l'élue de terrain que vous êtes assurément. Mais quel intérêt trouvez-vous à défendre une proposition totalement contraire à notre droit ? Sommes-nous ici pour être efficaces ou pour nous faire plaisir ? (Mêmes mouvements) Lorsque nos partenaires européens prennent une mesure contraire au droit communautaire, nous sommes légitimement satisfaits qu'ils soient sanctionnés. Alors, je vous demande en conscience de retirer cet amendement et de mettre plutôt votre talent au service de la noble cause que vous défendez en nous accompagnant à Bruxelles dans notre combat pour convaincre les autres Etats membres.

Il faut privilégier les solutions efficaces. La TIPP flottante, Monsieur Migaud, c'est fait pour abuser les Français : cela coûte 700 millions aux contribuables pour un centime de moins à la pompe ! On a abusé les Français...

M. Didier Migaud - Vous parlez en expert !

M. le Ministre délégué - Ça, c'est une formule, pas une proposition de solution ! En bon connaisseur des finances publiques, vous ne pouvez ignorer que la TIPP flottante est un dispositif parfaitement inefficace. A preuve : si vous reveniez aux affaires (Huées sur les bancs du groupe UMP), vous ne la rétabliriez pas ! L'augmentation de la PPE va coûter 500 millions ; la TIPP flottante, c'est 700 millions pour récupérer un centime !

Madame Gruny, je ne puis que vous inviter à retirer l'amendement, en prenant devant vous l'engagement que la question sera étudiée au fond.

Mme Pascale Gruny - J'ai du mal à comprendre : cette mesure n'est peut-être pas conforme à notre droit, mais la directive, elle, nous fixe bien des objectifs ! Or, sur le terrain, rien n'est fait. Si l'on avançait, je ne viendrais pas vous ennuyer avec mes amendements, mais nous sommes en retard et nous subissons des pressions de toute part ! Vous dites ni plus ni moins qu'on n'a pas le droit d'obliger à respecter nos engagements. En revanche, par le biais de la taxe, on autorise les distributeurs à déroger au respect de l'environnement ! S'ils payent, ce n'est pas gênant ! Et si nous, nous ne respectons pas des engagements forts, ça ne dérange personne non plus !

M. Alain Gest - Je n'irai pas jusqu'à dire, Monsieur le ministre, que, par moments je ne souhaiterais pas être à votre place (Sourires)... mais pas aujourd'hui. Vous demandiez pourquoi nous déposions cet amendement ? Pour aider le Premier ministre à respecter ses engagements ! Si nous ne décidons rien aujourd'hui, nous savons pertinemment que rien n'aura avancé l'année prochaine ! La proposition de Philippe Auberger tout à l'heure a été écartée un peu vite : il existe des possibilités de modifier notre dispositif fiscal. D'ici à un an, il faudrait, d'abord, vérifier si nos partenaires européens sont aussi irréprochables quant à la réglementation européenne, et trouver le moyen que les pétroliers ne s'exonèrent plus de cette obligation.

M. Didier Migaud - Le raisonnement de Mme Gruny est très intéressant. En tout cas, il a le mérite de montrer les limites de votre stratégie de communication : vos discours sont contredits par les positions que vous prenez ensuite sur des mesures précises ! Si la réglementation européenne interdit de telles mesures, comment se fait-il que l'Autriche les ait prises ?

M. le Ministre délégué - La décision autrichienne sera annulée !

M. Didier Migaud - Mais il s'agit d'un combat important ! Ne pas le mener est la seule façon d'être sûr de le perdre ! Regardez ce qui se passe dans un autre domaine : il suffit de payer une taxe pour s'exonérer des obligations en matière de logement social !

M. le Ministre délégué - Ça n'a rien à voir !

M. Didier Migaud - Bien sûr que si ! Il s'agit de savoir s'il est normal que ceux qui ont les moyens puissent se soustraire à la réglementation. C'est trop facile ! Peut-être la rédaction de l'amendement de Mme Gruny doit-elle être améliorée, mais je suis persuadé qu'elle est ouverte aux propositions de la commission ou du Gouvernement.

M. Eric Besson - Comment, Monsieur le ministre, pouvez-vous être sûr d'une condamnation ? Appliquer la directive serait condamnable, mais acquitter une taxe pour non application ne l'est pas ? Il y a quelque chose d'étrange dans cet argument ! Et comment se fait-il que le Gouvernement ait pu se montrer si volontariste en matière de TVA sur la restauration ? Vous disiez, à l'époque, que vous vous appuyiez sur la volonté de l'Assemblée pour aller négocier à Bruxelles : pourquoi ne faites-vous pas la même chose pour les biocarburants ?

Par ailleurs, vous critiquez la TIPP flottante décidée par le gouvernement Jospin, qui serait une réponse très insuffisante aux problèmes de nos concitoyens : quelle est la vôtre ? Lundi, j'ai reçu une de mes administrées payée au SMIC et qui travaille à 25 kilomètres de chez elle : l'augmentation de l'essence lui coûte 150 euros de plus par mois ! Que faites-vous pour elle ?

M. Hervé Morin - L'UDF soutient cet amendement parce que cela fait trop longtemps qu'on nous mène en bateau sur cette question. Depuis des années, les pétroliers expliquent aux gouvernements successifs que ce que les autres font, il est impossible de le faire en France...

M. le Président de la commission - Mais non !

M. Hervé Morin - Allez en Allemagne, vous verrez des pompes à biocarburants ! Pourquoi n'est-ce pas possible de notre côté de la frontière ? Il est temps de prendre le taureau par les cornes !

J'imagine, dans ce contexte, que l'Etat s'est immédiatement opposé à la récente décision d'un président de communauté d'agglomération, Jérôme Cahuzac, de faire rouler ses véhicules de ramassage des ordures ménagères avec 30% d'huile végétale ! Il prend comme base juridique les directives européennes, mais vous allez certainement démontrer que sa décision est contraire à la réglementation communautaire !

M. le Ministre délégué - J'appelle votre attention sur le fait qu'en tout état de cause cette disposition, si elle est adoptée, n'est pas légale. On peut certes ne pas s'en soucier parce qu'on est content d'avoir fait un geste politique, mais à un moment où nous avons tant de dossiers à plaider...

M. Eric Besson - C'est faux !

M. le Ministre délégué - ...il me semble que ce n'est guère opportun. Il y a d'autres moyens de faire avancer les choses. Dans une quinzaine de jours, Madame Gruny, Thierry Breton et François Loos organiseront une table ronde avec les pétroliers pour avancer en matière de fiscalité. Je ne verrais que des avantages, compte tenu de votre connaissance du sujet, à vous y associer. Personne n'a jamais dissuadé les initiatives visant, comme M. Morin l'a vu en Allemagne, à faire de la publicité pour les biocarburants dans les stations-service ! Mais ce combat, qui intéresse autant les consommateurs que les producteurs compte tenu du niveau de la fiscalité, doit être mené en respectant le droit. Je n'ai jamais vu qu'on puisse gagner autrement.

Et s'il n'y avait qu'un argument, Madame Gruny : regardez donc le numéro de la gauche ! Ils vous trouvent formidable, ils vont voter avec vous d'une seule voix, socialistes, communistes et même notre ami de l'UDF Hervé Morin, qui vient de nous rejoindre ! Je vous demande donc de retirer votre amendement et de répondre à cette invitation à travailler avec le Gouvernement, car rien ne serait pire que de clore le débat en votant une disposition contraire au droit.

Mme Pascale Gruny - J'ai bien entendu vos engagements et je vous remercie de votre invitation. Dans ces conditions, je retire l'amendement 269.

M. Hervé Morin - Je le reprends !

M. le Président - Sur l'amendement 269, je suis saisi par le groupe de l'UDF d'une demande de scrutin public.

M. Eric Besson - Je voudrais faire un rappel au Règlement : je ne peux laisser le ministre accuser Mme Gruny de s'être laissé instrumentaliser par notre groupe. Elle a exprimé son point de vue avec beaucoup de sincérité, et nous avons évité de le souligner justement pour que vous nous épargniez, Monsieur le ministre, ce numéro politicien ! Comme elle l'a dit, il y a une forte distorsion entre ce que nous ressentons sur le terrain et ce que vous dites à l'Assemblée. Nous ne l'avons pas instrumentalisée : nous l'avons écoutée, et elle nous a convaincus.

M. Marc Laffineur - Je suis heureux que notre collègue vienne nous rejoindre pour participer à nos travaux.

M. Jean-Louis Idiart - Ça continue !

M. Marc Laffineur - Cet amendement permettait de faire avancer les choses, mais le ministre nous a convaincus de sa volonté en la matière. Un groupe de travail va mener la réflexion. Nous ne voterons donc pas cet amendement.

M. le Président - Monsieur Laffineur, je dois préciser que M. Besson est présent depuis un grand moment. Restons courtois, le débat en vaut la peine.

A la majorité de 20 voix contre 14, sur 38 votants et 34 suffrages exprimés, l'amendement 269 n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY


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