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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 19ème jour de séance, 43ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 2 NOVEMBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

VIOLENCES EN SEINE-SAINT-DENIS 2

LUTTE CONTRE LA VIOLENCE 3

DÉCLARATIONS DU PRÉSIDENT IRANIEN SUR ISRAËL 4

UNE POLITIQUE POUR LES BANLIEUES 5

NÉGOCIATIONS DE L'OMC 6

AFFAIRE FIRMIN MAHÉ 7

LUTTE CONTRE LA VIOLENCE 7

DÉCLARATIONS DU PRÉSIDENT IRANIEN 8

ÉNERGIE ÉOLIENNE 9

PRIVATISATIONS 10

INDEXATION DES LOYERS 11

RECUL DU CHÔMAGE 11

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2006 (suite) 11

LOI DE FINANCES POUR 2006
deuxième partie 16

SÉCURITÉ, SÉCURITÉ CIVILE 16

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

VIOLENCES EN SEINE-SAINT-DENIS

M. Eric Raoult - Monsieur le Premier ministre, vous avez rencontré hier soir, avec le ministre de l'intérieur, les parents des jeunes Zyed et Bouna, de Clichy-sous-Bois. Avec tact et émotion, vous avez tous deux partagé la douleur des familles de ces deux adolescents « bien » morts accidentellement, morts pour rien.

Dans ce même département, à Epinay-sur-Seine, un technicien a été frappé à mort devant sa femme et son enfant. Ces derniers aussi ont été reçus place Beauvau. Notre émotion et notre indignation sont les mêmes : elles ne sont pas à géométrie variable selon l'origine !

La Seine-Saint-Denis, ce département populaire, refuse d'être caricaturisé comme une poudrière. Brûler une voiture n'est pas un jeu, c'est un crime. Incendier les voitures des postiers, caillasser les pompiers, ce n'est pas un jeu, c'est un grave danger. Lancer une grenade dans un lieu de culte, c'est une indignité.

Ces événements ne doivent à aucun prix se banaliser. Nos quartiers ne veulent pas être sous la coupe d'une minorité de hors-la-loi, qui refusent que l'on pénètre dans leurs zones de non-droit.

Pour retrouver l'apaisement, il faut maintenant agir dans trois directions : restaurer le dialogue entre les policiers et les adolescents ; garantir le respect dû aux autorités, aux familles, aux cités, pauvres mais fières ; réaffirmer la responsabilité de toute une société qui doit assumer ses quartiers, mais aussi de ses dirigeants qui ne peuvent s'exonérer de la lenteur de leur action, ni de leurs échecs dans des banlieues souvent issues des années Mitterrand (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Ces violences, ce n'est pas une révolution, mais de l'autodestruction. Les gens des cités réclament la dignité et la sécurité, comme les autres, ni plus, ni moins.

Ce week-end, la France entière a regardé Clichy-sous-Bois s'embraser, mais aujourd'hui, tous les quartiers veulent vous écouter, Monsieur le Premier ministre : comment peuvent-ils garder confiance dans la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Au cours des événements de ces derniers jours, deux enfants sont morts et un père de famille a été lâchement assassiné. Aussi permettez-moi tout d'abord d'avoir une pensée pour leurs familles et leurs amis. Le Gouvernement et la représentation nationale pensent à eux, car il n'y a qu'un territoire national, sur lequel les lois de la République s'appliquent. Il n'y a que des Français égaux en droits, qui aspirent tous à la sécurité et à la justice.

Oui, les violences dans les quartiers sont un défi pour nous tous. Cela fait des années que les habitants de certains quartiers urbains sont confrontés aux incivilités, aux dégradations, aux voitures brûlées...

Mme Jacqueline Fraysse - A la misère, au chômage.

M. le Premier ministre - ....mais aussi à des actes plus graves tels que le racket sur les mineurs, les violences faites aux femmes ou aux personnes âgées, ou les trafics de drogues.

Je veux conduire notre action avec volonté et humanité, avec détermination et discernement. Évitons de stigmatiser des quartiers auxquels leurs habitants sont attachés. Traitons différemment la petite délinquance et la grande criminalité. Luttons avec fermeté contre toutes les discriminations. Prévenons tout amalgame entre une minorité qui sème le désordre et l'immense majorité des jeunes qui souhaite s'intégrer dans la société et réussir sa vie.

Le Gouvernement tout entier est à la tâche...

Un député socialiste - Sarkozy aussi ?

M. le Premier ministre - ...avec une priorité immédiate : rétablir l'ordre public.

Les incendies volontaires et les affrontements sont inacceptables et seront sanctionnés comme il se doit. Le Président de la République l'a rappelé ce matin,...

M. Julien Dray - Il existe encore ?

M. le Premier ministre - ...il ne peut pas y avoir de zone de non-droit en France. Nicolas Sarkozy a pris les mesures nécessaires, et je sais que je peux compter sur lui (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Par ailleurs, l'ensemble du Gouvernement agit pour faire de l'égalité des chances une réalité dans notre pays. Cela passe en premier lieu par la prévention des violences. Etat, collectivités locales, associations, doivent unir leurs forces et leurs compétences autour des maires. Un projet de loi sera élaboré sous ma coordination dans les prochaines semaines.

M. Julien Dray - Six mois que l'on attend !

M. le Premier ministre - Cela passe aussi par des logements plus décents et le programme de rénovation urbaine de Jean-Louis Borloo changera durablement les conditions de vie dans les quartiers.

Cela passe surtout par des emplois pour tous. Des jeunes qui ne savent pas comment obtenir un emploi, un stage ou une formation, sont sans espoir et doutent de notre société. C'est à eux que je veux répondre avec le plan d'urgence pour l'emploi. L'accompagnement personnalisé par les services de l'ANPE, le dispositif « défense deuxième chance », les contrats d'accompagnement vers l'emploi leur sont destinés.

Ce matin, avec les ministres concernés, nous avons étudié les mesures d'urgence, en particulier pour l'emploi des jeunes en Seine-Saint-Denis et, s'agissant de l'éducation, le Gouvernement adoptera un plan d'action avant la fin de ce mois.

De la fermeté, de la justice, telle est la ligne du Gouvernement qui est entièrement mobilisé. C'est pour cette raison que j'ai informé le premier ministre canadien et le premier ministre du Québec du report de ma visite (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

LUTTE CONTRE LA VIOLENCE

M. Bruno Le Roux - L'odieux assassinat d'Epinay, la tragédie de Clichy, les violences incessantes depuis quatre jours témoignent du climat de tension qui règne dans notre pays. Il faut rappeler solennellement que les premières victimes de ces violences sont les habitants des quartiers, jeunes compris (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Nous demandons le retour au calme. Nous réclamons surtout la sécurité pour tous et une action résolue permettant de prévenir la délinquance, de la punir et d'empêcher toute récidive.

Aujourd'hui, Monsieur le Premier ministre, les violences contre les personnes ne cessent d'augmenter. C'est le signe que la politique menée depuis plus de trois années par votre ministre de l'intérieur et la vôtre ne marchent pas ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP ; « Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) Reconnaissez-vous votre responsabilité, vous qui avez démantelé la police de proximité ? Vous qui promettez depuis deux ans un plan national de prévention qui n'arrive jamais ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) La parole ne peut masquer l'inaction. Or, face à une crise grave, vous ne faites rien qui permette d'envisager d'en sortir.

Certes, la situation n'est pas simple et il faut bien l'analyser. C'est d'une politique globale qu'ont besoin nos quartiers, pas d'incursions ministérielles sans lendemain. N'oubliez pas que ces problèmes de sécurité s'ajoutent à d'autres, en matière d'éducation, d'emploi, de logement, de santé, qui aboutissent à ce qu'on pourrait caractériser comme une inégalité républicaine. Dans tous ces domaines, votre gouvernement est défaillant. Monsieur le Premier ministre, vous qui êtes détenteur de l'autorité de l'Etat, vous semblez aujourd'hui plutôt comptable de son impuissance. Que comptez-vous faire face aux risques d'aggravation ? Avez-vous pris toute la mesure de la crise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Sur des sujets aussi difficiles, il n'y a pas place pour la polémique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste). Je n'y céderai donc pas. L'histoire des vingt dernières années doit nous inciter tous à la modestie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Jamais la mobilisation dans la lutte contre l'insécurité n'a été telle que depuis 2002, et elle a donné des résultats que nos compatriotes connaissent tous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; « Non ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Il n'y a pas de solution miracle pour les quartiers : ce ne sont pas les nombreux maires et élus locaux présents qui me démentiront. Seule une grande ténacité nous permettra d'améliorer la situation. La politique du Gouvernement se résume en une idée : le respect des principes républicains. La liberté, c'est la liberté pour tous d'aller et de venir, de vivre en paix et de travailler dans les quartiers. La sécurité est la première des libertés, à commencer par celle des plus faibles, qui sont les premières victimes de la violence. L'égalité, c'est l'égalité des chances, la faculté de prendre son destin en main, de bâtir sa vie, de trouver un emploi et un logement. C'est cela que je veux pour tous les jeunes de France, quels que soient leur origine, leur quartier, la couleur de leur peau ou leur religion. La fraternité, c'est davantage de reconnaissance, de considération, de dialogue avec les jeunes, les habitants des quartiers, les associations et entre les différents acteurs de la prévention.

Le Gouvernement est uni autour de ces principes, dans la même volonté de répondre aux exigences de la sécurité tout en assurant l'égalité des chances à tous les Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

DÉCLARATIONS DU PRÉSIDENT IRANIEN SUR ISRAËL

M. Rudy Salles - Le président iranien a fait la semaine dernière, devant un parterre d'étudiants islamiques réunis sur le thème évocateur d'un « monde sans sionisme », des déclarations particulièrement choquantes, contraires au droit international et à la charte des Nations unies. Il a qualifié de très sages les paroles de l'ayatollah Khomeiny appelant à ce qu'Israël soit rayé de la surface de la terre. Pour lui, le monde islamique et le front des infidèles doivent se livrer une guerre totale et il exhorte à ne pas décourager les musulmans de livrer ce combat. Je n'épiloguerai pas sur le caractère belliqueux du nouveau régime iranien, qui s'en prend non seulement à Israël et à l'Occident, mais aussi aux Etats musulmans modérés. Les intentions de son dirigeant sont assez claires et les démocrates que nous sommes iront manifester ce soir, à 19 heures, devant l'ambassade d'Iran à Paris, pour manifester leur refus d'un tel discours, de telles méthodes, d'une telle vision du monde. Au moment où l'Iran cherche à se procurer l'arme atomique, il faut mesurer la gravité de la situation. Le Gouvernement français entend-il faire des propositions au Conseil de sécurité des Nations unies pour que soit condamnée l'attitude de l'Iran et que soient envisagées des sanctions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères - Nous avons immédiatement condamné les propos choquants du président Ahmadinejad. Ces déclarations inacceptables remettent en cause l'existence même d'un Etat. Personne n'en a le droit, y compris pour Israël, dont l'existence découle d'une décision de l'assemblée générale des Nations unies. Ces propos prônent également la guerre des religions, des civilisations et des cultures, et vont ainsi à l'encontre de la conception française des relations internationales, fondée sur le dialogue. Le Président de la République les a donc très fermement condamnés et l'ambassadeur iranien en France a été convoqué au quai d'Orsay dans les 24 heures.

Je profite de cette occasion pour lancer un message : l'Iran, qui est une grande civilisation, un grand peuple, un grand pays, doit jouer tout son rôle dans l'avenir du Moyen-Orient. Il ne le fera que s'il ne se met pas en marge de la communauté internationale. Il doit donc suspendre ses activités nucléaires sensibles. Ce sera l'objet de la réunion du conseil des gouverneurs de l'Agence pour l'énergie atomique le 24 novembre.

L'Iran doit d'autre part se garder de propos qui contreviennent au droit international, car celui-ci s'impose à tous les Etats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

UNE POLITIQUE POUR LES BANLIEUES

Mme Marie-George Buffet - Nous vivons des événements d'une extrême gravité : deux adolescents sont morts pour rien. A cette tragédie, qui s'est abattue sur une population déjà marquée par la souffrance sociale et par les discriminations, se sont ajoutés, de la part du gouvernement, des versions mensongères et des propos stigmatisants. L'inacceptable était atteint, l'explosion s'est produite. Son bilan est déjà lourd.

Les violences existent, insupportables et tragiques, comme celle qui a coûté la vie d'un homme à Épinay. La police et la justice ont besoin de moyens pour les combattre et non de déclarations guerrières à visée présidentielle. La stratégie de la tension, que suit le ministre de l'intérieur, est irresponsable ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Il déclare aller chaque semaine en banlieue, mais les hommes et les femmes de ces banlieues n'acceptent plus que l'on traite leurs enfants de « racaille » ou de « voyous » (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Ce qu'ils veulent, c'est que l'on respecte leur droit de vivre dignement et dans la tranquillité, tout ce qui leur est aujourd'hui refusé par votre politique, qui ne fait qu'empirer la ségrégation sociale, les inégalités territoriales et la précarité. (Mêmes mouvements ) Il faut que toute la transparence soit faite sur les événements de Clichy. C'est pourquoi les membres du groupe communiste ont demandé une commission d'enquête.

Mais dans l'immédiat, des décisions urgentes sont à prendre pour faire droit aux attentes des habitants. Monsieur le Premier ministre, vous venez de parler d'un plan d'urgence. Allez-vous dégager les moyens nécessaires pour redéployer une police de proximité, pour permettre à la justice et aux services de protection des mineurs de remplir pleinement leur rôle, pour assurer à chaque enfant une scolarité de la réussite, pour permettre à chaque jeune d'avoir accès à un emploi stable, pour redonner aux associations les subventions dont elles ont besoin pour agir sur le terrain avec les familles et les jeunes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Revenons aux réalités : deux enfants sont morts, un homme a été lâchement assassiné. Ces drames nous commandent de nous rassembler tous autour des valeurs qui fondent notre République.

Quelle est la réalité quotidienne pour trop de Françaises et de Français de nos quartiers ? Ce sont près de 180 voitures qui ont brûlé ces derniers jours, des commerçants qui ont été agressés, des enfants qui n'osent plus sortir, des mères de famille qui n'osent plus retourner au travail. Cela n'est pas tolérable ! Rien ne justifie de telles violences, de telles dégradations, de telles atteintes aux biens collectifs et aux biens d'autrui (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le Gouvernement assurera l'ordre public avec la fermeté nécessaire. C'est la tâche difficile de Nicolas Sarkozy (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), pleinement mobilisé ; c'est la tâche difficile des élus locaux, auxquels je veux rendre solennellement hommage ; c'est la tâche difficile de tous ceux qui servent dans les quartiers - les forces de l'ordre, les agents municipaux, les médecins et les infirmières, les enseignants, les pompiers - et qui doivent être respectés pour ce qu'ils sont comme pour ce qu'ils font au service des autres.

Le Gouvernement agira aussi dans un esprit de justice. Vous pouvez compter sur lui pour lutter contre toutes les formes de discrimination et pour renforcer le service public partout où c'est nécessaire. Il y mettra la même ardeur qu'à défendre l'emploi, qui est, vous le savez, notre priorité absolue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

NÉGOCIATIONS DE L'OMC

M. Jean-Marie Sermier - Monsieur le ministre des affaires étrangères, il y a une quinzaine de jours, lors des négociations sur la libéralisation des échanges menées dans le cadre de l'OMC, le commissaire européen Peter Mandelson a semé le trouble en déclarant que l'Union européenne était prête à réduire de 70% ses aides à l'agriculture. Plus récemment, M. Mandelson s'est targué de bénéficier d'un soutien massif des Européens.

Ces déclarations ont été interprétées par le monde agricole français comme une remise en cause de la politique agricole commune, pourtant renégociée en 2003 et pérennisée jusqu'en 2013. Lors de la récente réunion, à Luxembourg, avec vos homologues européens, vous avez redit la crainte de la France de voir le commissaire européen faire des concessions aux dépens des agriculteurs. Le risque, à Hong Kong en décembre, d'un accord mondial qui ne prendrait en compte que les produits agricoles n'est pourtant pas écarté. Vous savez le désastre qu'il provoquerait dans notre pays.

Pouvez-vous donc nous préciser la position de la France sur le mandat du commissaire européen dans le cadre des négociations de l'OMC et nous dire quelles garanties vous avez obtenues pour la défense de notre agriculture ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères - Les négociations de l'OMC sont l'occasion pour notre pays de définir la vision qu'il a du commerce international et de l'Europe. Concernant le premier, je commencerai par observer que les propositions faites par le commissaire Mandelson ne sont pas de nature - pas plus que la demande faite par les Etats-Unis d'une réduction des droits de douane européens - à aider les pays les plus pauvres à se développer, car ces pays n'ont déjà pas de droits de douane. Or, nous voulons que le cycle de Doha soit celui du développement.

Nous souhaitons ensuite que les négociations à l'OMC soient équilibrées entre l'agriculture, l'industrie et les services. Je vois avec plaisir que, pour la première fois, la Commission a fait, le 28 octobre, une proposition dans cet esprit d'équilibre, comme nous le demandions depuis plusieurs mois.

En ce qui concerne l'agriculture, nous défendons une vision qui est celle de la préférence communautaire. Lors du sommet informel qui a réuni tout récemment les chefs d'Etat et de gouvernement, le Président de la République a défini une ligne à ne pas franchir : la réforme de la PAC de 2003, telle qu'elle a été adoptée par le Conseil européen.

Au moment où nous parlons, nous n'avons aucune preuve que ce que propose le commissaire s'inscrit bien dans le cadre du mandat du Conseil. Si tel n'était pas le cas, la France n'accepterait pas l'accord de l'OMC (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

AFFAIRE FIRMIN MAHÉ

M. Yves Fromion - Madame la ministre de la défense, nous avons récemment évoqué ici même les événements qui ont conduit à la suspension du général qui commandait l'opération Licorne en Côte d'Ivoire. Vous avez annoncé une enquête de commandement, dont les conclusions vous ont, semble-t-il, été rendues. Il faut rappeler que nos militaires accomplissent en Côte d'Ivoire une mission extrêmement difficile et qu'ils ont payé le prix du sang.

Ils ont évité des affrontements meurtriers, ils ont sans doute évité une déstabilisation encore plus grande de ce pays. Nous devons leur rendre hommage. Toutefois, il est impossible d'éviter que des comportements individuels condamnables viennent entacher l'action collective. Si tel est le cas, Madame le ministre, l'Assemblée nationale vous demande la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Le rapport d'enquête de commandement qui m'a été transmis par le chef d'état-major des armées confirme la gravité des faits. Il est établi que Firmin Mahé a été tué par étouffement par des militaires français dans un véhicule blindé ; que la responsabilité de militaires autres que ceux qui ont déjà été suspendus est engagée ; que le commandement de la force Licorne a été informé des faits mais ne les a pas portés à la connaissance de ses autorités hiérarchiques. Le rapport fait apparaître deux niveaux de responsabilité : la participation directe ou indirecte à l'homicide ; la falsification des rapports et la dissimulation de l'ensemble des faits. En conséquence, j'ai décidé de suspendre les deux militaires du rang qui étaient présents dans le véhicule avec l'adjudant-chef qui a déjà été suspendu, et de traduire devant un conseil d'enquête ces trois militaires et leur chef de corps afin que soient proposées des sanctions adaptées à leurs responsabilités ; deuxièmement, d'infliger un blâme au général commandant la force Licorne à l'époque des faits ainsi qu'au général adjoint. Par ailleurs, les deux officiers généraux ayant convenu qu'ils ne pouvaient plus exercer leur commandement actuel, ils ont été mutés. Ces mesures sont prises, bien entendu, sans préjudice des suites pénales qui seront décidées par l'autorité judiciaire, à laquelle j'ai transmis le rapport de l'enquête de commandement après l'avoir déclassifié.

Comme vous l'avez dit, ce n'est pas parce que survient un fait grave qu'il faut oublier ou minimiser tout le travail accompli et tous les risques pris quotidiennement par nos militaires sur les théâtres d'opérations extérieures. C'est au contraire l'occasion de souligner leur comportement exemplaire, reconnu d'ailleurs au niveau mondial sur tous les théâtres d'opérations extérieures, et je ne doute pas que toute la représentation nationale leur apporte son soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

LUTTE CONTRE LA VIOLENCE

M. Manuel Valls - Monsieur le Premier ministre, je reviens sur la question que vous a posée mon collègue Bruno Le Roux.

Nous, élus de ces communes et quartiers qui concentrent toutes les difficultés de la France moderne, nous avons la conviction que la lutte contre la délinquance doit être une priorité, et c'est pourquoi nous considérons que l'abandon de la police de proximité est une faute : elle permettait en effet de construire des rapports de confiance entre la police et la population. C'est à l'Etat républicain d'assurer l'ordre et la tranquillité, pas aux associations caritatives ou religieuses, comme nous le voyons depuis plusieurs jours. Si notre société a besoin de repères, d'autorité, s'il faut faire preuve de fermeté, il faut aussi redonner espoir ; or votre politique renforce le sentiment qu'il n'y a pas d'espoir possible, elle accroît les injustices et les inégalités, elle approfondit la ségrégation territoriale, sociale et ethnique qui mine depuis des années notre pacte républicain. Les politiques de sécurité et de rénovation urbaine ne sauraient masquer le chômage, la précarité et la détresse sociale, qui font des ravages. Le Gouvernement et votre majorité ont coupé les crédits des associations qui œuvrent sur le terrain, abandonné les emplois jeunes et la priorité à l'éducation, mis en cause les services publics indispensables à la solidarité. Depuis trois ans vous annoncez une politique de prévention, et nous l'attendons toujours...

Comment la situation pourrait-elle s'améliorer alors que l'ascenseur social reste désespérément bloqué, que l'objectif de mixité sociale est bafoué, que la loi SRU n'est pas appliquée, que l'égalité des chances est pour la majorité un thème de débat mais n'est pas traduite dans les faits ? Quand nos concitoyens attendent des avancées sur l'emploi et le pouvoir d'achat, votre politique fiscale se préoccupe davantage des habitants des beaux quartiers que de ceux qui souffrent. Pour résoudre les problèmes actuels, il faut nécessairement s'attaquer à l'ensemble des difficultés de notre société : c'est toute votre politique - économique, sociale, fiscale, éducative - qui est en cause.

Monsieur le Premier ministre, vous parlez souvent de la France, mais quand allez-vous mesurer l'ampleur de ses difficultés et la profondeur des angoisses et des aspirations des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Georges Tron - Lamentable !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Comme maire d'Evry, vous savez mieux que personne que certaines communes ont concentré toutes les difficultés et ont un besoin considérable d'interventions, qu'elles viennent de l'Etat, des collectivités ou d'associations. Nous avons réformé la DSU, ce qui vous fait bénéficier dans votre ville d'une augmentation de 150% pour que vous puissiez intervenir directement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ; nous avons élaboré un plan de rénovation urbaine - que vous soutenez -, parce qu'il fallait une refonte globale de l'habitat et de son environnement, mais vous le savez, celle-ci demande du temps.

M. Christian Bataille - Vous ne répondez pas à la question !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Nous avons également mis sur pied un programme de réussite éducative qui regroupe tous les intervenants, dès la maternelle. Bref, nous avons pris un ensemble de mesures, qui comprend aussi les contrats d'accompagnement pour les jeunes et qui s'enrichira du programme que le Premier ministre, qui nous a tous réunis ce matin, nous a demandé de présenter avant un mois.

Sincèrement, sur ce sujet, nous sommes tous des républicains. Ce pays est en train de réaliser sa mutation, non pas pour l'intégration - qui concerne les nouveaux entrants - mais pour l'égalité des chances, parce que nous tendons la main autant que nous essayons de faire respecter l'ordre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

DÉCLARATIONS DU PRÉSIDENT IRANIEN

M. Didier Quentin - Monsieur le ministre des affaires étrangères, je reviens au nom du groupe UMP sur la question qui vous a été posée en début de séance par notre collègue Rudy Salles. Je veux exprimer l'indignation de tout notre groupe devant les propos du chef de l'Etat iranien. Dans un discours prononcé le 26 octobre dernier à l'occasion d'une conférence intitulée « Le monde sans sionisme », il a déclaré : « Comme l'a dit l'imam - Khomeiny -, Israël doit être rayé de la carte ». De telles déclarations publiques, qui pourraient être assimilées à un appel au génocide, sont tout simplement inacceptables.

Le droit d'Israël à exister ne doit être contesté par personne. Aucun membre de l'ONU ne saurait se soustraire aux principes fondamentaux de la Charte des Nations unies : tous les membres se sont en effet engagés à ne pas recourir aux menaces ou à la force contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un autre Etat. Ces propos scandaleux sont d'autant plus inquiétants qu'ils se situent dans le contexte difficile des négociations engagées avec l'Iran sur ses projets nucléaires.

Vous venez de confirmer, Monsieur le ministre des affaires étrangères, la condamnation des propos de M. Ahmadinejad, mais pourriez-vous plus précisément nous indiquer quelles initiatives la France va prendre pour obtenir que l'Iran revienne dans les meilleurs délais au respect du droit international et du droit des gens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères - Les propos de M. Ahmadinejad sont en effet choquants et inacceptables.

Le 24 novembre, lorsque se réunira le conseil des gouverneurs de l'Agence internationale pour l'énergie atomique, la France fera preuve de fermeté mais travaillera également à l'unité de la communauté internationale. L'Iran doit suspendre ses activités nucléaires sensibles, en particulier les activités d'enrichissement de son usine d'Ispahan. Oui, l'UE3 - Allemagne, Angleterre et France - a fait des propositions à l'Iran afin que ce pays ouvre une nouvelle page dans ses relations avec l'Europe. Si l'Iran ne souhaite pas une telle évolution, le rapport de M. El-Baradei reviendra au conseil de sécurité.

Quant au conflit israélo-palestinien, la France n'a pas changé de doctrine : la terre pour les Palestiniens, la sécurité pour Israël. L'Iran ne doit donc pas remettre en cause l'existence de l'Etat d'Israël : tel est le droit international qui s'applique à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

ÉNERGIE ÉOLIENNE

M. Jean Proriol - Jeudi dernier a été inauguré le plus grand parc éolien de France. Il est situé à 1 000 mètres d'altitude, dans le massif de la Margeride en Haute-Loire, sur les communes d'Ally et de Mercœur. Il a été accepté non seulement par les deux maires mais par les propriétaires, agriculteurs ou non, par les riverains, par l'ensemble de la population. D'autres projets voient le jour. Dans notre département, trois autres projets ont été validés, à Saint-Franc, Saint-Jean Lachalm et Moudeyres, et nous devrions ainsi couvrir en 2010 15% de nos besoins en électricité grâce à l'énergie éolienne. Qu'en est-il des dossiers en instance dans notre pays ?

Malgré des succès reconnus, des mouvements environnementaux ou associatifs s'opposent en effet à ces énergies renouvelables, au nom de la nature disent-ils, mais plus généralement en leur nom propre car il y a plusieurs demeures au royaume des écologistes ! Le conseil régional d'Auvergne s'est doté en 2003 d'un schéma régional éolien qui identifie les espaces naturels à préserver et les sites emblématiques à protéger. Je rappelle en outre que la directive européenne du 27 septembre 2001 exige qu'en 2010 nous tirions 21% de l'électricité que nous consommons des énergies renouvelables. Le Gouvernement compte-t-il donc développer l'éolien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable - L'énergie éolienne suscite certes des débats animés, mais je félicite d'ores et déjà tous les acteurs qui se sont impliqués pour faire aboutir les projets d'Ally et de Mercœur.

La France s'est en effet engagée devant l'Europe à atteindre une proportion de 21% d'électricité d'origine renouvelable en 2010. Notre pays en est aujourd'hui à 13%, ce qui en fait le premier producteur d'énergie renouvelable en Europe, mais nous devons faire mieux. L'éolien est avec l'hydraulique la source d'électricité renouvelable la moins chère, et donc celle que nous devons privilégier. Je suis favorable à un développement volontaire et harmonieux de cette ressource, à condition d'assurer le respect des paysages. Le problème essentiel est en l'occurrence celui du mitage, mais il est résolu grâce à la loi sur l'énergie qui a fait disparaître le plafond de 12 mégawatts et dispose que les projets éoliens aidés devront être situés dans des zones de développement spécifiques, définies sur le plan local. D'ores et déjà, une dynamique est lancée : des demandes de permis de construire pour une puissance supérieure à 3 000 mégawatts sont en cours d'instruction et près de 230 projets de parcs éoliens ont été recensés. Compte tenu des délais de raccordement, le cap des 2 000 mégawatts installés devrait être franchi dès 2006 et celui des 12 000 mégawatts autorisés pourrait l'être vers 2010. Nous sommes donc résolument optimistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

PRIVATISATIONS

M. François Brottes - Chaque fois que l'Etat abandonne la gestion des entreprises publiques, l'entreprise est guidée par les seuls intérêts de ses actionnaires et ce sont les Français qui trinquent. Votre méthode est connue. Premier temps, je critique la gestion publique et je cherche des poux sur la tête des personnels. Deuxième temps, je prends des mesures purement idéologiques et j'engage la privatisation. Troisième temps, je subis et j'accepte l'augmentation des tarifs en expliquant aux Français que, chaque fois que les tarifs augmentent, il leur en coûtera moins cher ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Pour la hausse colossale du gaz que le Premier ministre vient d'autoriser, la ficelle est énorme. La nécessité de cette hausse est en effet contestable compte tenu des contrats d'approvisionnement sur le long terme en vigueur. Les effets sur l'activité industrielle seront de plus considérables car, depuis l'accélération de l'ouverture du marché de l'énergie, les tarifs pratiqués sont insupportables et nombre de délocalisations sont à prévoir. Enfin, le pseudo-rabais sur une augmentation qui atteint en fait 33% en deux ans est une tromperie car il s'agit pour les clients de reculer pour mieux sauter. Les conséquences seront graves et immédiates dans le logement locatif collectif, donc le logement social, dans les maisons de retraite et les hôpitaux. Dans les zones rurales où l'on se chauffe surtout au fioul ou au propane, vous devrez trouver une autre astuce. Pour couronner le tout, chacun a bien noté que le régulateur, qui lui est favorable à la hausse des tarifs, dénonce l'illégalité de votre opération de marketing politique.

N'avez-vous pas l'impression, Monsieur le Premier ministre, que vous vous obstinez dans l'erreur en démontrant l'impact négatif de la privatisation des entreprises publiques ? N'avez-vous pas le sentiment qu'il est indécent, à seule fin d'augmenter les dividendes des actionnaires, de ne laisser à nos concitoyens que l'alternative entre accepter la hausse des tarifs et avoir froid l'hiver ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Que de démagogie ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et sur certains bancs du groupe des députés communistes et républicains) Le prix du gaz augmente : en mai de 7%, en novembre de 13%, en mai suivant de 9%, soit 30% en un an. Cela ne vous rappelle rien, Monsieur Brottes ? C'était les 1er mai et 1er novembre 2000 et le 1er mai 2001 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Cela, parce que vous aviez appliqué une formule qui existe depuis douze ans. Pour favoriser le grand capital ? Que nenni (Exclamations et huées sur les bancs du groupe socialiste). Les actionnaires ? Pas davantage. L'entreprise était un service public. Alors, un peu de responsabilité et de bon sens, un peu moins d'idéologie, à trois semaines d'un congrès qui s'annonce décidément difficile !

Oui, en appliquant la formule en vigueur depuis douze ans, le prix du gaz augmentait, hélas, de 12%. A la demande de Dominique de Villepin, j'ai discuté avec l'entreprise des moyens d'atténuer les effets de cette hausse, car nous, nous nous occupons de tous les Français qui ont à se chauffer cet hiver. L'entreprise a proposé deux mesures commerciales très importantes qui permettent de ramener la hausse à 3,8% en moyenne pour l'ensemble des foyers, avec deux garanties supplémentaires : pour tous ceux qui habitent des logements de moins de 100 m², il n'y aura pas d'augmentation, et pour trois millions d'entre eux, il y aura même une baisse. Telle est la réalité. Faut-il s'en satisfaire ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Non. C'est pourquoi, à la demande du Premier ministre, j'ai décidé de réunir les grands acteurs du secteur du gaz pour trouver une formule permettant de lisser le prix et de préparer l'avenir.

Telle est la réalité. Alors de grâce, assez d'idéologie ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

INDEXATION DES LOYERS

M. Gérard Hamel - Une majorité de Français sont locataires. Chaque année, les bailleurs peuvent réviser les loyers, sans que la hausse puisse excéder la variation moyenne de l'indice du coût de la construction établi par l'INSEE, sur quatre trimestres, l'indice de référence étant celui prévu au bail ou, à défaut, le dernier indice du coût de la construction connu lors de la location. Or ces dernières années, cet indice a fortement augmenté, provoquant une hausse des loyers de 10% en trois ans. Aussi avez-vous envisagé de mettre en place un nouveau mode de calcul de l'indexation. Quand entrera-t-il en vigueur et comment concilier les intérêts des locataires et des propriétaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - L'indice du coût de la construction évolue en effet en fonction d'événements extérieurs comme le prix du ciment ou du pétrole. Le prendre pour référence pouvait provoquer une flambée des loyers inacceptable. La loi récente a modifié l'indice de référence : l'indice des prix à la consommation hors alcool, hors tabac et hors logement comptera pour 60%, l'indice du coût de la construction pour 20% et l'indice du coût d'entretien des logements pour 20%. Il a fait l'objet de concertation entre les représentants des locataires et des propriétaires et s'appliquera au 1er juillet 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

RECUL DU CHÔMAGE

M. Henri Houdouin - Le chômage a reculé pour le sixième mois consécutif : la baisse de 0,9% du nombre des demandeurs d'emploi, soit 22 000 en septembre, ramène le taux de chômage à 9,8%. C'est une bonne nouvelle pour le Gouvernement et la majorité, qui ont fait de la lutte contre le chômage une priorité. La politique active qui est menée a des effets structurels et toutes les mesures prises dans le cadre du plan de cohésion sociale et du plan d'urgence pour l'emploi concourent à la décrue du chômage : ainsi la formation professionnelle par l'apprentissage, l'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi, le contrat nouvelle embauche ou le chèque pour faciliter l'embauche dans les très petites entreprises.

Il faut poursuivre en ce sens, notamment en luttant contre les délocalisations, qui pèsent lourdement sur l'emploi - mille emplois sont concernés à Laval, dans ma circonscription. Que comptez-vous faire dans ce domaine ? Confirmez-vous la tendance à la baisse du chômage et comment l'analysez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - En effet, cette baisse du chômage pendant six mois consécutifs est le résultat de la politique que nous avons menée et d'un certain nombre de mesures : le fait de recevoir les chômeurs tous les mois au bout de quatre mois, les recrutements par simulation, et toutes les mesures du plan d'urgence pour l'emploi, le contrat nouvelle embauche, la prime pour l'emploi, les contrats de professionnalisation, les contrats d'apprentissage, les contrats d'initiative emploi...

De plus, tout cela crée de la confiance. Et nous sommes en situation de connaître une croissance meilleure que les Britanniques et que les Allemands. Une politique active de l'emploi, le retour de la confiance, la croissance, nous laissent penser, en restant très prudents, que le retournement de situation constaté mois après mois sera durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 15.

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2006 (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités - Au terme de discussions riches et après l'adoption de 101 amendements, ce vote solennel va conforter les réformes des retraites et de l'assurance maladie tout en confirmant les principes sur lesquels repose depuis l'origine notre système de sécurité sociale - solidarité et responsabilité - et en en servant de nouveaux : qualité et sécurité des soins.

Solidarité : l'aide à l'acquisition d'une assurance complémentaire est accrue de 60% pour les personnes âgées de plus de soixante ans, ce qui porte à 2 millions le nombre de bénéficiaires. Comme le rappelait M. Bas, notre politique de soutien aux familles, aux personnes handicapées et aux personnes âgées dépendantes est ambitieuse : les crédits de l'assurance maladie sont en augmentation de 9% pour les maisons de retraite et les services médicosociaux, de 5% pour les personnes handicapées et de 14 et 6,16% respectivement si l'on inclut l'apport de la CNSA. Plusieurs amendements ont en outre contribué à améliorer le texte pour ce qui est des branches famille et vieillesse tout en confortant nos ambitions. Je tiens par ailleurs à saluer la contribution importante qu'apporte l'assurance maladie aux grands plans de lutte contre le cancer, le sida et la maladie d'Alzheimer.

Responsabilité : afin de pérenniser le système et de relever le défi que pose l'allongement de la durée de la vie, nous nous sommes fixé pour objectif de baisser de 25% les déficits d'ici à la fin de l'année 2006. Ainsi, au terme de la réforme de l'assurance maladie, le déficit prévu de 16 milliards a été ramené à 8,3 milliards pour la branche maladie. Cela n'est possible que grâce à l'engagement de tous, des professionnels de la santé comme des 32 millions de Français qui ont déjà choisi leur médecin traitant, mais aussi de l'industrie du médicament comme des organismes complémentaires.

Le parcours de soins est devenu aujourd'hui une réalité, alliant coordination et qualité. Grâce à ce PLFSS, les réformes du plan « Hôpital 2007 » se poursuivront, au service de la modernisation et d'une nouvelle gouvernance, sans que soit pour autant ignorée la situation financière de certains établissements : ceux-ci seront soutenus dans leurs efforts, les moyens consacrés à l'hospitalisation progressant de plus de 2 milliards d'euros.

L'attachement de tous à l'égal accès aux soins nous commande de prendre des mesures ambitieuses en matière de démographie médicale et en faveur de l'équité territoriale. Un amendement gouvernemental, adopté à l'unanimité, accorde ainsi une rémunération forfaitaire à des professionnels exerçant dans des zones déficitaires pour leur permettre de mieux répondre aux besoins des populations. Le désert médical n'est pas une fatalité ! D'autres amendements adaptent le dispositif du médecin traitant à l'exercice en groupe. Par ailleurs, nous nous réjouissons de la manière dont l'article sur l'ASV a été amélioré en réaffirmant le principe du double financement par les caisses et par les professionnels.

Nous avons choisi de payer les médicaments à leur plus juste prix tout en privilégiant les produits innovants, admettant au remboursement des nouveaux médicaments pour plus d'un milliard en 2005. Un amendement déposé par le Gouvernement instaure également une période transitoire de remboursement à 15% pour les médicaments dont le service médical rendu avait été jugé insuffisant par la Haute autorité de santé ; enfin, vous avez contribué à améliorer les modalités de prescription en vous prononçant en faveur de la dénomination commune internationale.

La sécurité sociale n'est pas encore complètement guérie, mais elle va mieux !

M. Maxime Gremetz - Non, elle est très malade !

M. le Ministre - Notre objectif est de dépenser mieux pour soigner mieux. Pérenniser notre système de santé et de protection sociale, tel est le sens de notre action. Nous y sommes déterminés, et nous sommes en passe de réussir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen - Nous avons tous constaté et reconnu l'échec du plan Douste-Blazy. Les déficits annoncés de l'assurance maladie et de la sécurité sociale sont confirmés, l'équilibre est reporté en une année d'au moins deux ans, l'objectif premier - revenir à l'équilibre en 2007 - étant d'ores et déjà abandonné.

Vous-même, Monsieur le ministre, êtes intervenu sur plusieurs sujets, marquant indiscutablement une rupture - appelée de nos vœux - avec la politique de votre prédécesseur.

Nous sommes ainsi satisfaits de vous avoir vu en finir avec le dogme du paiement à l'acte, acceptant le forfait pour la médecine libérale dans les zones désertifiées. Nous avions attiré votre attention sur les difficultés auxquelles se heurtent les réformes hospitalières, inquiets des conditions de mise en œuvre de la T2A : vous vous êtes engagé à mettre de l'ordre dans le financement par la tarification à l'activité. Nous soutenions que l'hôpital public ne supporterait pas la perspective d'une convergence à marche forcée avec le secteur privé : vous nous avez dit qu'il faudrait réfléchir à deux fois au principe de convergence. S'agissant des médicaments, nous avions demandé que la place de l'industrie pharmaceutique soit profondément revue : vous procédez finalement à des aménagements - que nous espérions moins tardifs et moins brutaux - et nous en prenons acte.

Voilà pour les points positifs, qui ne suffisent toutefois pas à faire oublier que vous êtes le seul ministre de la santé à avoir signé le décret sur l'aide médicale d'Etat, dont nous savons tous les problèmes que cela créera tant pour la santé publique que pour nos hôpitaux.

Vous n'avez pas su, dans les arbitrages intergouvernementaux, faire respecter les ressources de la sécurité sociale, qui perd une partie de ses recettes liées à l'alcool et au tabac.

Surtout, vous avez adopté une mesure d'une terrible injustice, le fameux forfait de 18 euros, qui met en émoi la population, les organisations syndicales, les caisses d'assurance maladie, la mutualité, les assureurs et est un pas vers la privatisation car, désormais, les actes lourds et coûteux ne seront plus intégralement pris en charge par la sécurité sociale. Les Français ne seront plus remboursés pour les soins les plus graves s'ils n'ont pas une assurance privée.

Par ailleurs, vous n'abondez pas suffisamment le Fonds de réserve des retraites, qui ne pourra ainsi assurer ses missions.

Quant à la famille, outre que vous reculez sur les prestations que vous leur aviez promises, vous privez de CMU 60 000 familles au RMI, du fait du nouveau mode de calcul du forfait logement, comme s'il ne vous suffisait pas de ne pas avoir honoré votre promesse à l'égard des 300 000 enfants dont les familles vivent au-dessous du seuil de pauvreté, et qui sont encore exclus de la CMU.

Voilà la réalité de votre politique sociale dont nous ne tarderons pas à mesurer les conséquences désastreuses dans les banlieues. Et vous vous étonnez qu'elles se révoltent ! Vous avez beau tenir de beaux discours, la vie est toujours plus difficile pour les plus démunis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Luc Préel - Nous allons donc, dans quelques instants nous prononcer sur les 373 milliards destinés à financer les retraites, ainsi que les politiques familiales et de santé de notre pays.

Après la réforme des retraites en 2003, celle de l'assurance maladie en 2004 et l'adoption d'une nouvelle loi organique en juillet dernier, où en sommes-nous ? L'équilibre financier sera-t-il atteint en 2007 ? Hélas non.

Tout le monde s'était accordé pour qualifier d'historique le déficit 2004 de la sécurité sociale. Outre que celui de 2005 est au même niveau - 11,9 milliards -, ce sont les quatre branches qui sont cette année déficitaires, sans oublier le Fonds de solidarité vieillesse pour 2 milliards, mais surtout le FFIPSA, le régime agricole, dont le besoin de financement atteint 7 milliards. Philippe Séguin a raison de dire que la protection sociale n'est plus financée. Il n'est plus possible de continuer à faire peser le financement sur les générations à venir.

Par ailleurs, cette loi de financement n'est pas sincère, car vous surestimez les recettes et sous-estimez les dépenses, en particulier l'ONDAM soins de ville avec une croissance globale prévue de 0,9% et une enveloppe prescription en baisse de 3,3%. Dans l'espoir d'atteindre ces chiffres peu crédibles, vous renoncez à la politique contractuelle avec l'industrie, au péril de la recherche et de l'emploi.

Tous les secteurs de la santé sont en crise, et les médecins manifestent le plus grand scepticisme à l'égard de votre réforme. Seuls 14% des 14 000 d'entre eux qui ont répondu au questionnaire que leur avait adressé l'UDF portent un jugement favorable sur la réforme de l'assurance maladie.

Après l'euro prélevé à chaque consultation, après l'augmentation du forfait journalier, vous proposez une franchise de 18 euros pour tous les actes dépassant 91 euros. Il s'agit là d'une mesure purement comptable !

Vous avez refusé le vote d'une ligne individualisée pour la prévention et l'éducation à la santé, mais en votant des sous-objectifs, vous renforcez la séparation ville-hôpital, sanitaire et médicosocial, pourtant tant décriée. Je rappelle que l'UDF s'est prononcée en faveur d'enveloppes régionales fongibles.

Le secteur hospitalier traverse aujourd'hui une crise sans précédent. Trois quarts des établissements sont en déficit. Jamais les budgets n'ont été aussi complexes, technocratiques et tardifs qu'en 2005.

Pour ce qui est de la retraite, maintiendrez-vous le pouvoir d'achat des retraités ?

M. Maxime Gremetz - Non !

M. Jean-Luc Préel - Il ne semble pas, car vous prévoyez une augmentation de 1,8% alors que l'inflation sur un an est de 2,2%. Vous poursuivez par ailleurs la politique des soultes pour adosser les régimes spéciaux au régime général, au détriment du contribuable.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF ne votera pas cette loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme Jacqueline Fraysse - Soixante ans après la création de la sécurité sociale, jamais ses principes de solidarité, d'universalité et de démocratie sociale n'auront été à ce point mis à mal.

Ce premier PLFSS issu de la loi organique traduit l'échec de vos réformes, et tout d'abord sur le plan financier, car pour la première fois, toutes les branches sont déficitaires.

S'agissant de la couverture de base, le reste à charge pour les salariés, déjà en progression de 3,1% en 2005, augmentera encore de 4,5% l'année prochaine selon la FNMF. Ce texte a pour seul mérite d'afficher votre véritable intention, la réduction de la prise en charge obligatoire de base.

Depuis trois ans, vous multipliez les coups de canif contre notre système solidaire. Entre la hausse de la taxe sur les organismes complémentaires, la nouvelle classe remboursée à 15% pour les veinotoniques, le déremboursement de 156 médicaments, la hausse du forfait hospitalier, les actes de prévention pris en charge par les mutuelles, ce sont 1,6 milliard de dépenses nouvelles mises à la charge des assurés.

M. Maxime Gremetz - Scandaleux !

Mme Jacqueline Fraysse - Sans parler de la franchise de 18 euros, qui donne le coup de grâce au principe historique de la sécurité sociale selon lequel la prise en charge intégrale des actes lourds et coûteux est un droit absolu pour tous. En revanche, les entreprises supporteront moins de la moitié des sommes mises à la charge des assurés !

Par ailleurs, vous ne répondez pas aux problèmes de l'hôpital. Alors que plus de 70% des hôpitaux sont endettés, vous n'avez entendu ni les personnels, ni les professionnels de santé, ni les élus locaux. Au contraire, vous persistez dans la mise en œuvre de la T2A qui provoque la faillite de l'hôpital, laquelle ne va pas s'arranger avec la convergence public-privé.

Comment ne pas s'indigner enfin du traitement réservé à la branche accidents du travail et maladies professionnelles ! Aucun enseignement n'est tiré des différents rapports qui insistent tous sur la nécessité de mieux reconnaître les maladies professionnelles et de mieux indemniser les victimes.

Vous n'améliorez pas le fonctionnement du FIVA, pas plus que vous n'élargissez le droit à cessation anticipée d'activité pour les victimes de l'amiante.

Vous vous entêtez à esquiver la question du financement. Vous êtes plus prompts à satisfaire les actionnaires des grands groupes et les contribuables assujettis à l'ISF qu'à réformer la cotisation sociale patronale ou mettre à contribution les revenus financiers spéculatifs (Interruptions sur les bancs du groupe UDF). Par là même, vous entretenez le trou de la sécurité sociale, dont vous vous servez pour mieux la livrer aux lois du marché.

Pour toutes ces raisons, et parce que ce texte qui ne règle rien avive notre inquiétude quant à l'avenir de la protection sociale, nous voterons contre (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Philippe Vitel - Comme chaque année, la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale a été l'occasion d'un débat riche, vigoureux et constructif, même si, selon les bancs, la vision, les convictions et surtout le courage pour affronter un dossier si difficile diffèrent (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). La faiblesse des arguments de l'opposition, son impossibilité à présenter des alternatives, ses critiques empreintes de démagogie, ses commentaires pleins de contrevérités et d'approximations (Même mouvement) nous amènent à penser que nous sommes sur la bonne voie. Nous allons en effet vers le retour à l'équilibre tout en poursuivant notre démarche d'amélioration de la qualité des soins et de responsabilisation des acteurs. C'est la seule méthode qui vaille pour pérenniser un système que les Français plébiscitent et que le monde entier nous envie.

C'est ainsi un budget de 373 milliards que nous allons voter. Si le redressement des comptes de la branche maladie ne suffit pas à compenser la dégradation des autres, c'est un ONDAM rigoureux et réaliste qui est retenu pour 2006, parfaitement cohérent avec les objectifs fixés lors de la réforme de l'assurance maladie. Fixer l'ONDAM à 2,5%, à périmètre constant, c'est envisager un déficit de l'assurance maladie de 6,1 milliards en 2006, contre 8,3 et 11,6 les années précédentes - et, ne l'oublions pas, 16 milliards sans réforme de l'assurance maladie ! Si nos prédécesseurs avaient eu autant de courage, nous ne serions pas aujourd'hui obligés de demander tant d'efforts à tous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Mais le courage n'a jamais été leur fort, et le sens de la prospective non plus ! (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale demande en effet d'importants efforts à l'industrie du médicament (« Oh ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) et aux organismes complémentaires. Nous en sommes conscients, mais tous savent que l'investissement qui leur est demandé aujourd'hui sera récompensé demain.

Le texte initial a été largement amendé par l'Assemblée. Les principales modifications concernent l'augmentation de la contribution au plan autiste, l'exclusion des médicaments orphelins de la taxe sur le chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique, l'amélioration du formulaire de prise en charge des affections de longue durée, la modulation des aides aux professionnels libéraux exerçant en zone déficitaire, les objectifs de convergence entre hospitalisation publique et privée, l'amélioration des dispositifs de soins palliatifs à domicile, le contenu des contrats responsables, la réforme des régimes d'assurance sociale vieillesse des professionnels de santé, l'aménagement du complément de libre choix d'activité et l'allocation de présence parentale.

Ce projet de loi est le moyen de pérenniser notre système libre, universel, solidaire et juste, qualités qui lui permettent de s'adapter depuis soixante ans aux évolutionS de la société. Nous avons grandement apprécié que le ministre s'engage, en réponse à un amendement de notre groupe, à mettre en place un groupe de travail sur les moyens de financement de l'assurance maladie. Messieurs les ministres, ce texte répond à notre souci de pérenniser un système qui a fait ses preuves de façon magistrale durant des générations. C'est donc avec enthousiasme et détermination que le groupe UMP le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

A la majorité de 339 voix contre 151, sur 494 votants et 490 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 50, est reprise à 17 heures 10, sous la présidence de M. Leroy.

PRÉSIDENCE de M. Maurice LEROY

vice-président

LOI DE FINANCES POUR 2006 - deuxième partie

L'ordre du jour appelle la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006.

SÉCURITÉ, SÉCURITÉ CIVILE

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la sécurité et à la sécurité civile.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Avant que ne commence l'examen des missions sécurité et sécurité civile, par lesquelles nous allons « inaugurer » la nouvelle loi organique, je souhaite attirer votre attention, non seulement au nom de la commission des finances mais aussi au nom de la mission d'information que Michel Bouvard coordonne, sur le caractère non conforme à la LOLF de la mission sécurité.

En effet, cette mission est incomplète, puisqu'une partie significative des moyens de la gendarmerie nationale n'y figure pas, à savoir la totalité des crédits consacrés à l'immobilier et une partie des crédits d'informatique. Ces crédits, qui sont intégrés au programme « soutien des politiques de la défense » de la mission défense, représentent un total de 602 millions et correspondent, selon M. Le Fur, rapporteur, à 42% des dépenses de la gendarmerie, hors crédits de personnels.

Cette décomposition des crédits de la gendarmerie est contraire à la LOLF, dont l'article 7 dit qu'une mission « comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie » et qu'un programme doit regrouper « les crédits destinés à mettre en œuvre une action ». Dès lors, la mission sécurité doit englober l'ensemble des crédits concourant à la politique de sécurité et le programme gendarmerie doit regrouper l'ensemble des crédits destinés à mettre en œuvre les actions de la gendarmerie.

Cette non-conformité à la LOLF a été relevée par tous les rapporteurs de la mission sécurité. Pour ma part, je souhaite ajouter que le rattachement de l'ensemble des crédits de la gendarmerie au programme gendarmerie nationale ne marquerait en rien une perte du statut militaire de la gendarmerie, puisque la mission sécurité est et restera une mission interministérielle et que c'est bien le ministre de la défense qui restera en tout état de cause chargé de ce programme. En revanche, ce rattachement est essentiel pour que la mission sécurité soit complète.

Mais je crois qu'il y a eu des discussions et que je peux donc déjà remercier le Gouvernement de déposer un amendement répondant au souhait de la commission des finances, de la mission d'information sur la loi organique et de mes collègues rapporteurs. (Applaudissements sur les bancs des commissions et du groupe UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Le problème du rattachement des crédits d'informatique et d'infrastructures de la gendarmerie a été discuté l'an dernier. Depuis, j'ai rencontré un grand nombre de parlementaires, dont le rapporteur général du budget qui a estimé qu'il n'avait aucune urgence.

Pourquoi y a-t-il une grande logique à rattacher ces crédits aux crédits similaires des autres armées ? Pas simplement du fait du caractère militaire de la gendarmerie ; également - et je ne doute pas que vous y soyez sensible, Monsieur le président de la commission des finances -, en raison d'un souci d'économies, qui me paraissait dans la logique de la LOLF. Ce rattachement permet en effet de mutualiser les efforts d'économies, notamment grâce à un service d'infrastructures unique et à un service informatique unique. J'ai bien vu que cela pouvait provoquer certaines incompréhensions, au regard d'une autre logique de rattachement ; en privilégiant celle-ci, le Gouvernement a décidé de présenter un amendement de rattachement de ces crédits à la mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances - Je veux saluer cet amendement, qui n'est pas incompatible avec la logique d'économies dans la mesure où le ministère de la défense reste compétent et où des mandats de gestion sont possibles. Il répond à la nécessité d'évaluer une politique à coût complet, ce qui est la logique de la loi organique, et d'effectuer des comparaisons avec le programme « police » de la mission « sécurité », lequel intègre les crédits informatiques et les crédits immobiliers. C'était une revendication ancienne et unanime de la mission d'information sur la loi organique.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances pour la sécurité - Pour la première fois, nous examinons et nous voterons concomitamment deux budgets, celui de la police et celui de la gendarmerie, rassemblés dans une même mission interministérielle. Deux budgets, deux ministres, un même objectif, servi par deux grands corps de l'Etat qui ont chacun leur statut, leur histoire, leur organisation, leurs usages : cet examen commun nous permettra désormais de comparer leur action et de leur fixer des objectifs communs.

Première question : sommes-nous au rendez-vous de la LOLF ?

Oui, nous y sommes, et je vous remercie, Madame la ministre, des propos que vous avez tenus à l'instant, qui m'ôtent à cet égard tout sujet de critique. La LOLF apporte plus de transparence, plus de responsabilité, plus de contrôle parlementaire, elle permet d'avoir plus d'informations puisque chaque programme comporte des actions, correspondant à des objectifs - sécurité routière, police judiciaire. Nos concitoyens apprendront avec intérêt que la sécurité routière ne mobilise que 7,5% des policiers et 12% des gendarmes, tandis que les actions de police judiciaire occupent 27% des policiers et 23% des gendarmes. Après l'adoption de l'amendement gouvernemental, tous les crédits de la gendarmerie seront rassemblés dans le programme « gendarmerie », sous le contrôle du directeur général de la gendarmerie, et nous parlementaires, bénéficiant de cette vision d'ensemble, aurons un pouvoir d'amendement.

Deuxième question : sommes-nous au rendez-vous de la LOPSI de 2002 ?

Pour l'essentiel, oui. Les crédits de la mission s'élèvent à 15,372 milliards en autorisations d'engagement et à 14,668 milliards en crédits de paiement, soit une augmentation de 8,7% pour les premières et de 3,25% pour les seconds. Les crédits de la gendarmerie augmentent davantage, ce qui était nécessaire après la pause de 2005.

En ce qui concerne les effectifs, au terme de l'année 2006 auront été créés 2 000 postes de gendarmes, 1 200 postes de policiers, et 100 postes de personnels administratifs et scientifiques dans la police - dont 71 postes de scientifiques pour appuyer la progression de la police scientifique.

Nous progressons également en termes qualitatifs, puisque nous respectons les engagements du protocole « corps et carrières » et ceux du « plan d'adaptation aux grades » de la gendarmerie. C'était nécessaire car policiers et gendarmes, qui font un travail extrêmement difficile, doivent se sentir soutenus et valorisés. Le PAGRE va créer une petite révolution dans la gendarmerie car le nombre d'officiers sera à terme multiplié par deux, et bientôt les brigades seront commandées par des lieutenants et non plus par des adjudants ou des adjudants-chefs. Les pyramides hiérarchiques de la police et de la gendarmerie se rapprochent et gagnent en cohérence. Il faut se féliciter aussi de l'augmentation du nombre d'OPJ dans la police - 3 000 de plus.

Nous sommes également au rendez-vous de la LOPSI pour d'autres sujets comme Acropol ou le fichier national automatisé des empreintes génétiques - FNAEG -, qui rassemble des informations génétiques et permet de confondre des coupables comme d'éviter de poursuivre des innocents. Au 1er juillet 2002, à peine 1 500 empreintes étaient enregistrées dans ce fichier national ; il y en a désormais plus de 100 000 et, dès l'an prochain, il y aura 200 000 enregistrements supplémentaires par an. De plus en plus d'affaires se trouvent ainsi résolues : nous sommes sortis des débats de principe, et le dispositif marche - même si nous sommes encore très loin de la Grande-Bretagne, dont le fichier comporte les empreintes de plus de trois millions de personnes.

S'agissant de l'immobilier, des progrès ont été faits, mais il faut poursuivre les efforts si nous voulons atteindre les objectifs fixés. Une petite déception : nous avions adopté en 2002 des dispositions permettant des rapprochements entre le privé et le public afin d'accélérer les réalisations immobilières ; hélas, du retard a été pris car il a fallu attendre deux ans pour que paraisse le décret d'application, et rompre avec certains corporatismes et conservatismes. Il nous faut rattraper ce retard, et j'observe des signes très encourageants, en particulier, Monsieur le ministre d'Etat, le rapprochement dans le même local à Levallois de la DST et des RG, opération réalisée en partenariat public-privé.

Troisième question : sommes-nous au rendez-vous de l'efficacité et de l'efficience ?

Le taux de délinquance est un instrument de mesure de l'efficacité, et il diminue depuis 2002 - les chiffres de l'Observatoire national de la délinquance le confirment. Cette baisse concerne la zone police comme la zone gendarmerie. Police et gendarmerie progressent également en termes de taux d'élucidation.

Concernant l'efficience, c'est-à-dire l'utilisation optimale des compétences des personnels, nous avons progressé, du fait de l'appel à des personnels administratifs pour effectuer certaines tâches, ce qui permet de libérer des policiers. Nous avons également progressé sur la « zonalisation » : désormais CRS et gendarmes mobiles sont prioritairement affectés dans leur zone, et les déplacements inutiles se trouvent ainsi réduits comme en témoigne la stabilisation, voire la légère diminution des crédits IJAT, l'indemnité journalière pour absence temporaire.

Néanmoins, des progrès restent à faire : je pense à l'externalisation de certaines tâches, dont l'intendance, aux gardes statiques, qui coûtent cher en hommes et en compétences - il importe d'utiliser les moyens modernes, dont la télésurveillance -, mais aussi les transfèrements et les extractions, ce qui implique également un effort de la part de la magistrature. J'ai déjà signalé dans un rapport précédent un scandale qui perdure : le tribunal de la zone d'attente de Roissy n'est toujours pas utilisé.

Quatrième question : sommes-nous au rendez-vous de la réforme de l'Etat ?

Nous avons là encore progressé. Les projets « cadets » sont importants puisqu'ils permettront d'intégrer, après une formation, des jeunes en difficulté dans les forces de police et, pourquoi pas, de gendarmerie. Nous avons également progressé quant à l'utilisation de la réserve. Les ministères régaliens doivent se montrer en outre très offensifs pour la rémunération au mérite. L'effort se poursuit puisque 15 millions y sont consacrés pour les policiers et 6 millions pour les gendarmes. Mais la vraie réforme de l'Etat, c'est le travail en commun constant des policiers et des gendarmes. Nous avons réussi ce qui semblait hier impossible et nous disposons désormais d'une nouvelle carte police-gendarmerie, même si cela provoque quelques difficultés, en particulier sur un plan immobilier. Les méthodes de travail ont également progressé, je pense aux transmissions entre les réseaux Acropol et Rubis.

Les policiers et les gendarmes font un travail difficile, ils souhaitent être commandés et soutenus : c'est le cas, grâce à des objectifs clairs et des moyens importants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour la gendarmerie nationale - Le projet de budget pour la gendarmerie s'inscrit dans le cadre d'une double programmation ambitieuse prévue par la loi de programmation militaire et la LOPSI. Il devrait constituer l'avant-dernière annuité de cette dernière.

Il était permis de s'interroger sur le rattachement des crédits immobiliers et informatiques au programme « soutien de la politique de la défense » de la mission « défense » au regard de la lisibilité de l'action spécifique de la gendarmerie et de l'exigence d'une nomenclature à coût complet voulue par la LOLF. Parce que tous les pays démocratiques disposent d'une force de police et de maintien de l'ordre duale et que le caractère militaire de la gendarmerie est essentiel en termes d'aménagement du territoire, il me semble nécessaire de disposer d'une force de police à statut militaire capable, en particulier dans le cadre des OPEX, de participer à la fois aux volets militaire et civil des opérations. Pour votre rapporteur comme pour la commission de la défense, il est alors logique que le budget de cette force relève durablement du ministère de la défense. Toutefois, il serait souhaitable de rechercher une plus grande autonomie budgétaire donnant à la gendarmerie les moyens d'atteindre ses objectifs car nous ne pouvons oublier que si, par ses missions, celle-ci diffère des autres armes, son histoire, ses méthodes, sa disponibilité la distinguent aussi de la police.

Depuis 2003, la gendarmerie a entrepris un effort de modernisation majeur qui s'est traduit par une réorganisation territoriale et la mise en place, au 1er juillet 2005, d'une nouvelle chaîne de commandement propre à accroître la réactivité opérationnelle de l'arme. Les résultats enregistrés dans les domaines de la lutte contre la délinquance et de l'insécurité routière attestent des efforts des personnels. Le nombre de crimes et délits constatés baisse de façon ininterrompue depuis février 2003. En septembre 2005, le nombre de faits constatés par la gendarmerie a reculé de 3,08%. Sur le réseau routier relevant de la compétence de la gendarmerie, le bilan 2004 de l'accidentologie montre une baisse de 10,45% du nombre d'accidents, de 9,25% du nombre de tués et de 10,71% du nombre de blessés par rapport à 2003.

Dans un contexte budgétaire difficile, l'effort consenti en faveur de la gendarmerie témoigne de l'importance de son action au service de la sécurité et traduit la volonté de donner à l'arme les moyens d'accomplir ses missions. Les dotations s'élèvent à 6,7 milliards, soit une progression de 6,41% par rapport à l'an dernier. Ces moyens permettent de conserver une perspective crédible d'exécution de la LOPSI en terme d'emplois et de poursuivre le déroulement du plan d'adaptation des grades aux responsabilités. Cependant, les crédits d'investissement, malgré la progression remarquable des crédits d'équipement alloués au titre de la LOPSI, ne permettent pas de rattraper les retards enregistrés surtout en matière d'immobilier domanial.

Le PLF pour 2006 prévoit la création de 2 000 emplois supplémentaires au titre de la LOPSI, soit une nette progression par rapport à l'annuité 2005 qui fut en retrait des prévisions. Il conviendra de prolonger cet effort de rattrapage en 2007 afin d'atteindre l'objectif fixé par la loi de 7 000 emplois supplémentaires. La deuxième annuité du PAGRE se traduit par la transformation de 1 656 postes de sous-officiers subalternes en 750 postes d'officiers, accompagnés du repyramidage de 906 postes de sous-officiers supérieurs.

L'équipement bénéficie de 200 millions de crédits de paiement au titre de la LOPSI, soit une progression de 66% par rapport à 2005. Ce montant ne permettra toutefois pas de rattraper le retard accumulé après trois années marquées par une insuffisance des crédits. L'effort de rattrapage nécessaire semble trop important pour que les objectifs puissent être atteints en 2007 mais un lissage sur deux ans constituerait un objectif louable.

Les moyens initialement prévus pour le programme « investissement » permettront de financer en partie le remplacement d'hélicoptères Alouette III par des appareils du type EC145 et des hélicoptères de surveillance et d'intervention du type Écureuil. Au titre de la LOPSI, le remplacement des véhicules de la gendarmerie mobile et l'équipement en nouvelles tenues et en gilet pare-balles ainsi que l'armement en pistolets automatiques nouvelle génération se poursuivront. Le programme de renouvellement des blindés sera quant à lui enfin engagé.

Les besoins immobiliers restent considérables. L'examen de la situation montre un effet de ciseau entre le parc domanial et le parc locatif : la dégradation du premier se poursuit tandis que l'état du parc locatif tend à s'améliorer. Le ratio entre les mises en chantier d'unités-logement construites par l'Etat et celles issues du parc locatif s'est inversé depuis 2005. Il serait particulièrement opportun de s'inspirer des résultats obtenus sur le parc immobilier locatif, grâce à des dispositifs attrayants, pour rechercher des solutions de nature à améliorer significativement le parc domanial. Il ne faut pas oublier que les gendarmes sont logés par nécessité absolue de service ; l'état de l'hébergement pèse sur les conditions de travail et la qualité de vie des militaires, ce qui n'est pas sans effet sur leur moral et celui de leur famille.

La commission de la défense a donné un avis favorable au programme gendarmerie pour 2006. Je demande à l'Assemblée de se prononcer dans le même sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité - La discussion du PLF pour 2006 constitue un grand moment pour tous ceux qui croient au concept de sécurité intérieure. En effet, grâce à l'application de la LOLF, il a été possible de regrouper dans une même mission interministérielle les dotations de la police et de la gendarmerie.

Il y a longtemps que je souhaitais cette approche pragmatique, plutôt qu'une discussion stérile sur l'éventuelle fusion des différentes forces. L'important est qu'elles soient adaptées partout aux réalités de la délinquance, ce qui exigeait l'unicité du commandement, la cohérence de la politique de sécurité intérieure et une gestion mieux coordonnée des moyens. Cette discussion budgétaire commune vient parachever la nouvelle organisation de la sécurité intérieure mise en place avec la LOPSI. Le rapprochement sera total avec l'adoption de l'amendement du Gouvernement visant à regrouper toutes les dépenses de la gendarmerie dans une même mission, y compris pour l'immobilier et l'informatique.

Les moyens de la police nationale et de la gendarmerie progressent nettement en 2006 par rapport à une année 2005 déjà très bien dotée. Les autorisations d'engagement augmentent de 8,67% et les crédits de paiement de 3,25%. La mise en œuvre de la LOPSI se poursuivra donc.

Ainsi pour la police nationale, les objectifs programmés seront exécutés en 2006 - c'est un peu moins vrai pour la gendarmerie, mais l'effort de rattrapage est incontestable. Avec 5 200 emplois nouveaux créés sur les 6 500 programmés dans le cadre de la LOPSI, au bout de quatre ans celle-ci est réalisée à 80%, et les grands programmes d'équipement sont en voie d'être menés à bien, qu'il s'agisse de l'accélération, si nécessaire, du renouvellement du parc automobile, de l'achèvement du programme d'acquisition de gilets pare-balles, du renouvellement de l'arme individuelle, de la montée en puissance du réseau Acropol, de l'équipement de l'ensemble des policiers avec le nouvel uniforme - je reviendrai sur le curieux amendement de la commission des finances à ce propos.

Pour ce qui est de l'immobilier, si l'objectif symbolique des 100 000 mètres carrés semble difficile à atteindre, un effort de construction et de réhabilitation sans précédent a néanmoins été réalisé en quatre ans. La réforme des corps et des carrières se poursuit également dans de très bonnes conditions.

Pour la gendarmerie, le bilan de la LOPSI est plus contrasté. Dans mon avis sur la loi de finances pour 2005, je m'inquiétais de l'insuffisance des dotations pour respecter la programmation, en particulier dans l'immobilier. Je me réjouis donc du réel rattrapage en 2006. Pour les personnels en particulier, l'ensemble des dépenses du titre II augmentera de 56,6%, ce qui permettra de créer 2 000 postes de gendarmes et compensera les faibles créations de 2005. L'effort est d'autant plus remarquable que la mise en œuvre du PAGRE, le plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées, se poursuit, permettant une meilleure harmonisation entre police et gendarmerie. L'augmentation de 5,33% des crédits de paiement permettra d'achever les grands programmes d'équipement des unités. En revanche, 75% de l'enveloppe prévue dans le cadre de la LOPSI pour le parc immobilier n'ayant pas été engagés, le rattrapage sur les deux dernières années semble impossible. Pourtant, les incidences sont directes pour les gendarmes et leurs familles qui sont logées. Ces crédits sont inscrits actuellement dans le programme « soutien des forces » de la mission « défense », mais vont l'être désormais dans la mission « sécurité intérieure». Selon mes informations, 396 millions seront consacrés aux loyers et 200 millions aux infrastructures, soit une hausse de 74% par rapport à 2005. Il faudra poursuivre l'effort en 2007, et probablement prolonger la LOPSI d'un an pour la gendarmerie, afin d'obtenir les résultats escomptés.

La nouvelle présentation budgétaire valorise l'évaluation. Il convient donc de s'interroger sur l'efficacité opérationnelle des services. Nul ne peut contester que les orientations de la LOPSI sont fidèlement respectées.

M. Jean-Pierre Blazy - Mais non !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis - Priorité a bien été donnée au renforcement des effectifs déployés sur la voie publique ; un nouvel équilibre est instauré entre police de proximité et action judiciaire ; les moyens sont clairement adaptés aux différents types de délinquance.

Du reste, celle-ci baisse en 2005 pour la quatrième année consécutive, et cette baisse semble devenir structurelle (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) comme semblait l'être la hausse de 1997 à 2002.

M. Christophe Caresche - Vous vous rassurez !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis - Le taux d'élucidation est passé de 26% en 2000 à 32 % en 2005.

M. Jean-Pierre Blazy - Pas pour les cambriolages !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis - Et le nombre de faits révélés par l'action des services progresse constamment. Néanmoins, si les résultats sont bien meilleurs pour la délinquance de voie publique, ils restent insatisfaisants en ce qui concerne les violences sur les personnes même si une décélération s'amorce après l'explosion des années précédentes.

Ces résultats globalement très satisfaisants sont le résultat de la politique volontariste menée depuis 2002, de l'engagement et du dévouement des policiers et des gendarmes.

C'est pourquoi je ne saurais approuver l'amendement de la commission des finances visant à réduire les crédits destinés au renouvellement des tenues, de 7 millions pour la police nationale et de 5 millions pour la gendarmerie. Le vote de cet amendement n'aurait de toute façon qu'une portée indicative, puisqu'à partir de cette année les crédits ne sont plus affectés. Mais interrompre ce programme en cours serait très dommageable. Et il me semble déplacé de vouloir faire des économies de bouts de chandelle en s'attaquant à ce symbole des forces de l'ordre qu'est la tenue. Le Gouvernement proposera peut-être d'autres économies.

La sécurité des personnes et des biens est la première des libertés. L'effort du Gouvernement dans ce domaine répond à l'attente de nos concitoyens. C'est pourquoi la commission des lois a approuvé ce rapport, et je vous engage à voter ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Georges Ginesta, rapporteur spécial de la commission des finances pour la sécurité civile - Pour la première fois, la politique de sécurité civile fait l'objet d'une discussion spécifique, avec une mission à part entière. Le ministère de l'intérieur s'est vu reconnaître le rôle de chef de file dans ce domaine, qui ressortit également des compétences de ceux de l'écologie, de l'agriculture, de la santé et des transports, la coordination entre eux étant renforcée par un document de politique transversale.

Dans ce domaine, l'Etat assure seulement un rôle de coordination, de solidarité et de mise en commun d'équipements lourds, tandis que l'action est menée essentiellement par les services départementaux d'incendie et de secours. Qu'on en juge : moins de 500 000 euros de crédits au budget de l'intérieur, plus de 500 000 euros pour les autres ministères, mais environ 3,7 milliards de dépenses pour les collectivités locales, soit plus que le budget des affaires étrangères, à 2,4 milliards, ou de l'agriculture, à 3 milliards.

La mission « sécurité civile » comprend deux programmes, « intervention des services opérationnels » et « coordination des moyens de contrôle ». Je me réjouis que plusieurs des préconisations relatives aux objectifs et aux indicateurs du rapport de la mission d'information sur la LOLF aient été retenus.

En ce qui concerne l'Etat, les crédits de paiement de la mission « sécurité civile » s'élèvent à 463,5 millions pour 2006 contre 452,6 millions en 2005. Les trois priorités sont de maintenir et améliorer la capacité et la performance des moyens aériens, de mieux parer aux risques naturels et technologiques et à la menace nucléaire, radioactive, bactériologique et chimique, et de garantir la cohérence de la sécurité civile au plan national.

La loi de modernisation de la sécurité civile de 2003 est en bonne voie d'application, puisque, à l'automne 2005, 70% des décrets d'application auront été publiés. Le nombre d'intervention des SDIS a crû de 3,07 millions en 1993 à 3,56 millions en 2004 et les secours à la personne en constituent 59%. Depuis la départementalisation de 1996, le coût de ces services a connu une explosion sans rapport avec le nombre d'interventions, et due essentiellement à l'augmentation du nombre de sapeurs-pompiers professionnels et à l'amélioration de leur statut, ainsi qu'à un effort important d'équipement. Paradoxalement, la mutualisation des moyens a entraîné une augmentation des coûts. Dans les départements du sud, où les feux sont les plus fréquents, le renforcement des moyens humains et matériels a peu d'effet : c'est dans les vingt premières minutes qu'on intervient efficacement, d'où l'importance des moyens aériens.

La Cour des comptes, dans son rapport public de 2004, estime que les SDIS devront maîtriser leurs dépenses et suggère de mettre en œuvre des outils de contrôle de gestion et une plus grande mutualisation des moyens. Si la responsabilité de la gestion incombe aux présidents de conseils généraux, la conférence nationale des SDIS institue un pilotage national du système.

Les budgets des SDIS, qui représentaient 3,7 milliards en 2004, ont triplé depuis 1996 et l'augmentation sera de près de 7% en 2005. Le mode principal de financement des SDIS est constitué des contributions des départements, des communes et des EPCI, complétées par la DGF et le fonds d'aide à l'investissement des SDIS. Les contributions des collectivités locales, de 3,07 milliards en 2004, ont également triplé depuis huit ans.

Les conseils généraux fixant librement le nombre et la rémunération des sapeurs-pompiers, la départementalisation a entraîné le recrutement de 9 000 sapeurs-pompiers professionnels entre 1996 et 2004. On peut s'interroger sur l'efficience d'une telle augmentation, due en partie à la réduction du temps de travail, et certainement aux pressions des organisations syndicales. Les dépenses de personnel des SDIS ont augmenté de 42,47% entre 2001 et 2004 et le taux d'encadrement est de 57,8 %, la départementalisation s'étant accompagnée de mesures de promotion internes importantes. Cette évolution doit cesser et il faut faire appel à une plus grande proportion de sapeurs-pompiers volontaires, payés au nombre d'interventions effectuées.

Avant 2001, le régime évoluait entre 80 et 160 jours de garde de 24 heures par an et les rapports Inizan et Gosselin de 1995 et 1998 concluaient que les sapeurs-pompiers professionnels devaient 113 jours de garde pour une durée hebdomadaire de travail de 35 heures. Cependant, le décret du 31 décembre 2001 dispose qu'à compter du 1er janvier 2005, la durée du temps de travail annuel doit être comprise entre 2 280 heures et 2 400 heures, ce qui revient à considérer, sur la base de gardes de 24 heures, que les sapeurs-pompiers professionnels disposent désormais de 270 jours de liberté par an. Les organisations syndicales sont attachées aux gardes de 24 heures. Mais le décret permet aux SDIS de combiner différents cycles en alternant des gardes de 8, 12 et 24 heures, selon les besoins du service : c'est à cette modulation des systèmes qu'il faut désormais tendre, sachant que l'activité est faible entre 23 heures et 6 heures du matin. Avec des gardes de 8 heures, les sapeurs-pompiers professionnels pourraient ainsi effectuer jusqu'à 200 jours de travail par an. On ne peut dès lors que s'inquiéter des tentations de négocier une augmentation du nombre de jours de gardes annuels contre un abaissement de l'âge de la retraite : il en va de l'équité de notre système national de retraite.

Une pause doit être observée dans la course aux recrutements et aux investissements, tant le niveau des coûts a atteint les limites du supportable, et il convient désormais de privilégier l'optimisation des moyens et leur mutualisation.

Je vous demande en conclusion d'adopter, à la suite de la commission des finances, les crédits de la sécurité civile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité civile - Du tsunami aux attentats de Londres, sans oublier les dramatiques incendies en France et au Portugal, l'actualité a rappelé cette année les enjeux de la sécurité civile.

Je salue les premiers pas de la loi sur la sécurité civile en notant le rythme satisfaisant de parution des décrets d'application et l'apaisement des relations entre les partenaires de la sécurité civile. Avec la nouvelle architecture budgétaire, la sécurité civile devient une mission ministérielle à part entière - seul le volet prévention relevant d'autres missions - et se décline en deux programmes : « intervention des services opérationnels » et « coordination des moyens de secours ». Le budget 2006 de cette mission témoigne du respect des engagements pris par le ministère de l'intérieur.

En tant que membre de la conférence nationale des SDIS, je peux témoigner des débuts réussis de cette instance de concertation. Créée par la loi de modernisation de la sécurité civile, elle réunit l'Etat, les élus et les sapeurs-pompiers : tout à la fois, elle est une caisse de résonance des revendications, elle facilite le dialogue entre les différents acteurs et elle s'assure que les solutions apportées sont adéquates. Le Conseil national de la sécurité civile, également né de la loi du 13 août 2004, doit être quant à lui un lieu d'analyse des risques et de réflexion ; il sera installé prochainement.

Selon les nouvelles modalités de répartition des dépenses, l'Etat prend à sa charge la mobilisation des moyens extérieurs au département, soit une dépense de 3,1 millions en 2005.

La procédure d'alerte doit bénéficier d'outils rénovés, comme les téléphones portables qui permettent une appréhension immédiate des risques par la population alors que les signaux d'alerte sont aujourd'hui totalement méconnus : trois expérimentations sont en cours dans le Haut-Rhin, le Vaucluse et la petite couronne.

La reconnaissance tant attendue de la dangerosité du métier de sapeur-pompier s'est traduite par deux dispositifs novateurs : le premier offre à ceux qui ne peuvent plus assumer leurs fonctions une affectation non opérationnelle au sein du SDIS, un détachement dans un emploi public, un congé avec faculté d'exercer une activité privée ou un congé avec constitution de droits à pension. La prestation de fidélisation et de reconnaissance constitue quant à elle un complément de retraite pour les volontaires et est attribuée aux personnes âgées de plus de 55 ans pouvant justifier de vingt années de service.

Le volontariat et sa fidélisation demeurent en effet un sujet majeur pour l'avenir de la sécurité civile, les volontaires représentant plus des trois quarts des effectifs. Les entreprises mettant à disposition des sapeurs-pompiers pendant leurs heures de travail bénéficieront désormais des dispositions de la loi mécénat : cette initiative, que je tiens à saluer, en appelle d'autres.

Les moyens attribués en 2006 aux SDIS continuent de progresser. Je souhaite relayer les interrogations sur la pertinence du fonds d'aide à l'investissement des SDIS. Il est doté de 64,85 millions, alors que le principal investissement consistera dans le déploiement du réseau Antarès pour 4,6 millions en 2006. Par ailleurs, ce fonds est réparti entre les zones de défense, à charge pour le préfet de l'attribuer aux différents SDIS selon les priorités zonales, ce qui a pour conséquence une faible lisibilité du montant et de l'affectation des crédits alloués.

La suppression de la première part de la DGE, prévue dans la première partie de la loi de finances, est compensée par une majoration de la DGF. J'ai proposé un amendement, qui a été adopté, précisant que cette majoration de la DGF, qui ne constitue pas - contrairement à la DGE - une ressource propre pour les SDIS, devra bien contribuer à leur financement. Enfin, 30 millions de la DGF financeront la prestation de fidélisation et de reconnaissance et 920 millions, au titre de la taxe sur les conventions d'assurance automobile, financeront les SDIS.

Plusieurs enseignements ont été tirés de la saison des feux, marquée cette année par de dramatiques accidents qui ont coûté la vie à quatre pilotes, auxquels je tiens à rendre hommage. La pertinence de la doctrine du guet aérien armé et de l'attaque des feux naissants a été confirmée ainsi que les choix en matière de structure de la flotte aérienne. Par ailleurs, le remplacement des avions perdus est acquis et provisionné.

Les accidents de cet été ont également été à l'origine d'une réflexion sur la sécurité des pilotes : des enregistreurs de voix équiperont désormais les différents appareils. D'autre part, un groupe de travail a été mis en place sur l'engagement des moyens aériens avec l'idée de privilégier le facteur humain.

Parce que la sécurité des sapeurs-pompiers est une priorité, comme l'ont rappelé les drames de cet été, un bureau prévention accidents-enquêtes a été créé au sein de la direction de la défense et de la sécurité civile et un comité d'hygiène et de sécurité a été installé dans chaque SDIS.

Enfin, les récents événements de Clichy-sous-Bois ont mis en lumière un aspect méconnu de la sécurité des sapeurs-pompiers, sur lequel il convient de se pencher.

Trois sujets doivent nous occuper pour 2006.

La loi de modernisation prescrit l'interopérabilité des réseaux de transmission radioélectriques pour la sécurité civile. La migration du réseau de la sécurité civile, Antarès, vers l'infrastructure nationale partageable des transmissions, qui sert déjà de support au réseau Acropol de la police nationale, nécessite un complément d'infrastructure ainsi qu'un ensemble d'équipements à la charge des SDIS.

Dans l'attente de la parution du décret d'application, une première expérimentation de raccordement au réseau Acropol a été lancée dans l'Ain. L'Eure-et-Loir commencera à exploiter le réseau partagé début 2006, puis suivront la Seine-et-Marne et les Vosges.

La Direction de la défense et de la sécurité civile a par ailleurs mis en place une procédure d'étude technique permettant à quinze départements à ce jour de préparer la migration de leurs réseaux.

S'il faut se féliciter du rattrapage opéré dans l'extension du réseau Acropol, il demeure nécessaire de déployer rapidement Antarès, au moyen d'infrastructures sécurisées, afin de minimiser les risques de dysfonctionnement.

Malgré la circulaire de 2004 sur l'aide médicale urgente, le secours aux victimes, qui représente les deux tiers des interventions des SDIS, souffre de la coexistence de plusieurs acteurs. Dans l'attente du bilan des conventions tripartites entre les SDIS, le SAMU et les ambulanciers privés, les SDIS ne parviennent ainsi pas à obtenir un remboursement satisfaisant des interventions effectuées à la suite de carence des ambulanciers privés.

Alors que les incendies du Portugal ont démontré la nécessité d' une solidarité européenne, on ne peut que déplorer l'état embryonnaire d'une force européenne de protection civile. Le mécanisme européen de protection civile communautaire est un outil de coordination utile mais insuffisant, aussi ne puis-je que soutenir le ministre qui s'est prononcé en faveur d'une force européenne de protection civile dotée de moyens propres.

En conclusion, je salue les progrès accomplis pour adapter notre sécurité civile aux enjeux actuels et je me félicite de la place accordée à la sécurité civile dans ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Nous en venons à la discussion générale.

M. Christian Decocq - Comme l'ont excellemment démontré les rapporteurs, voici un budget responsable, un budget efficace, un budget moderne.

Permettez-moi tout d'abord de rappeler qu'entre 1997 et 2002, la délinquance avait augmenté de 17%, alors que depuis 2002, elle a baissé de 8%.

Sans oublier aucun des maux qui frappent notre société, trois chantiers demeurent prioritaires : la lutte contre l'immigration clandestine, la lutte contre le terrorisme et la poursuite de la baisse de la délinquance.

Ce budget est d'abord responsable en ce qu'il consacre entièrement l'augmentation de 3,4% à la lutte contre l'immigration clandestine. L'abandon, au cours des dernières décennies, de la maîtrise des flux migratoires est à l'origine de la montée de la xénophobie et de la panne de notre ascenseur social.

Une première série de mesures a déjà été votée avec la loi du 29 novembre 2003 - contrôle des attestations d'accueil, lutte contre les mariages blancs, augmentation des délais de rétention - et les 38 millions supplémentaires seront consacrés à la poursuite de cette politique par l'augmentation du nombre de places en centres de rétention administrative, l'accroissement du nombre de reconduites à la frontière, la mise en place du visa biométrique. Mais il faudra aller encore plus loin.

La responsabilité, c'est aussi ne pas se contenter des résultats déjà obtenus, et fixer de nouveaux objectifs, en particulier en matière de lutte contre ces violences urbaines qui sont aujourd'hui au cœur de l'actualité. Pour un peu, ce serait le ministre qui en serait responsable ! Pourtant, ce phénomène n'est pas nouveau, puisque ce sont les violences des Minguettes au début des années 1980 qui ont donné naissance à la politique de la ville.

Travail au noir, économies souterraines, trafics, voilà ce que cachent ces manifestations de violence qui pourrissent la vie des habitants, et contre lesquelles les abondants crédits de la politique de la ville ont échoué. Pourquoi ? Parce que la politique de la ville est une politique d'action sociale qui ne doit pas être confondue avec une politique de prévention spécialisée, alors que pour la culture de la gauche, les pressions que la société fait peser sur chacun de nous sont responsables des dérives délinquantes.

L'échec de la politique qui a été menée est flagrant. Quelle est la réponse ? La vôtre, Monsieur le ministre, celle qui combine prévention et répression.

Nous ne pouvons plus nous contenter d'actions fondées sur une démarche socialisante et compréhensive des actes de délinquance. Trop d'actions sont reconduites automatiquement, sans avoir été évaluées, ce qui représente un coût inacceptable pour la collectivité.

Nous devons évaluer les politiques mises en œuvre, faire travailler en concertation travailleurs sociaux, élus locaux, justice, éducateurs spécialisés, forces de l'ordre. Cet esprit de responsabilité doit être partagé avec les élus locaux, dans le cadre des contrats locaux de sécurité, mais comment y parvenir quand certains se livrent à de l'antisarkozisme primaire ?

Ce budget est par ailleurs efficace. Vous faites preuve, Monsieur le ministre, d'un volontarisme politique qui vous conduit à évaluer vous-même le bilan de votre action. Le résultat, c'est le fruit d'un travail d'équipe et d'un engagement individuel, dans lequel le mérite doit être reconnu.

Le mérite est aujourd'hui une valeur admise par tous, et je me félicite de l'augmentation de la dotation « prime de résultats exceptionnels » qui passera de 10 à 15 millions. Cependant, les conditions d'attribution de cette prime faisant naître des tensions, peut-être faudrait-il laisser plus de latitude au commandement pour son attribution, et moduler les primes individuelles.

S'agissant de la reconnaissance et de l'uniforme, si je comprends les soucis d'économie de la commission des finances, je m'associe à l'amendement de M. Léonard.

Efficacité encore dans la gestion des effectifs puisqu'en 2006, 1 300 recrutements supplémentaires seront effectués, et dans le financement accru du dispositif Antarès pour le budget « sécurité civile ».

Il s'agit enfin d'un budget moderne. Cinq cents caméras embarquées seront installées, le recours à la vidéosurveillance sera accru, notamment pour lutter contre le terrorisme. On nous accusera d'atteintes à la vie privée, mais où sont ces atteintes dans un lieu public ? En vérité, ce sont essentiellement la conservation et l'exploitation des enregistrements qui seront en débat. Or, la République a suffisamment de verrous comme la CNIL pour exercer un contrôle démocratique et protecteur des libertés. En revanche, là encore se pose le problème du partenariat devant le refus idéologique de certaines collectivités locales. L'efficacité de telles mesures a pourtant encore été prouvée à Epinay-sur-Seine.

Le fichier des empreintes génétiques est un autre exemple des progrès de la police scientifique et le visa biométrique permettra de lutter plus efficacement contre l'immigration clandestine.

Permettez-moi de conclure par une indignation. La dernière mode est de lutter non plus contre la délinquance, mais contre le sarkozisme. Je ne sais pas si le sarkozisme existe, mais je connais en tout cas des sarkozistes, c'est-à-dire des Français qui se sentent enfin compris par un ministre qui combat l'impuissance publique. Et des sarkozistes, il y en aura de plus en plus car les Français adhèrent à cette nouvelle dynamique qui allie fermeté et justice, rigueur et ouverture.

Comment un député socialiste peut-il proclamer que Nicolas Sarkozy braconne sur les terres de l'extrême droite quand on sait que la gauche a instrumentalisé ce parti pour conduire à des triangulaires et battre la droite ! J'en sais quelque chose à Lille.

M. Jean-Pierre Blazy - Et en 2002 ?

M. Christian Decocq - Si les socialistes avaient combattu avec autant de vigueur la délinquance, peut-être auraient-ils obtenu des résultats. Mais laissons les socialistes à leur Congrès, nous, c'est la République qui nous importe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Blazy - On ne pourra au moins pas me traiter de sarkoziste, ni d'ailleurs d'antisarkoziste primaire.

Je voudrais commencer par une pensée pour les deux adolescents morts tragiquement à Clichy et pour leurs familles. Si les violences urbaines ne peuvent être excusées, ni la fermeté, ni les sanctions nécessaires ne peuvent justifier la mort de jeunes gens. C'est dans ce contexte dramatique que vous présentez le budget de la mission « sécurité », dont la première caractéristique est l'opacité, alors que la LOLF devait garantir plus de transparence et de lisibilité.

Je m'attacherai au programme « police nationale ».

Chaque année, votre budget compte une ou deux priorités de plus : rien n'est donc plus prioritaire. Cette année, vous avez sélectionné la lutte contre l'immigration et la lutte contre les violences urbaines, à propos de laquelle vous promettez une fois de plus la tolérance zéro. Votre budget est certes présenté en hausse, mais l'augmentation annoncée pour l'an dernier par votre prédécesseur n'avait pas empêché des gels, puis des annulations de crédits. Une mise en réserve de 5% est d'ores et déjà prévue. Qu'en sera-t-il en fin d'exercice ?

Ce budget doit couvrir l'exécution de la quatrième tranche de la LOPSI. Les engagements ne sont pourtant pas respectés, contrairement à ce qu'a voulu faire croire le rapporteur...

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis - Si !

M. Jean-Pierre Blazy - De graves interrogations persistent quant à l'exécution de la troisième tranche.

Les crédits destinés aux programmes immobiliers, notamment ceux des commissariats, chutent de près de 26 millions par rapport à l'an dernier. Tous les chantiers de 2005 n'ont pas débuté : c'est le cas par exemple pour le commissariat de Villiers-le-Bel, dans le Val-d'Oise. Il semblerait que ces crédits aient été affectés à hauteur de 49 millions à la construction de centres de rétention administrative. Est-ce vrai ? Quant aux effectifs, vous ironisiez en commission, Monsieur le ministre, sur les critiques de la gauche, mais la moyenne annuelle de création d'emplois hors adjoints de sécurité pour la période 2002-2006 est d'à peine 1 000 postes, au lieu des 1 300 prévus par la LOPSI. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le syndicat des commissaires et des hauts fonctionnaires de la police nationale ! Les professionnels sont très critiques sur les moyens que vous leur attribuez. Vous supprimez par ailleurs 320 postes d'adjoints de sécurité au profit des cadets, qui pourtant ne peuvent en aucun cas se substituer à eux.

Il y avait plus urgent, dans l'exécution de la LOPSI, que de commander des Tazers, ces « bâtons à foudre » qui peuvent être mortels, ainsi qu'on l'a vu aux Etats-Unis et en Angleterre. Certes, il faut équiper les policiers, mais aucun crédit particulier n'est prévu pour la formation à la manipulation de ces armes ! Vous préférez doubler les crédits de la réserve civile, c'est-à-dire l'emploi de retraités. On ne devrait faire appel à elle que dans des situations exceptionnelles, mais l'exception est devenue la règle : les deux tiers des personnes chargées de la formation de la police et de la garde de l'ambassade de France en Haïti sont des réservistes. La coopération avec des pays qui nous font confiance ne peut être qualifiée d'exceptionnelle et les réservistes ne sont pas à leur place ici. Vous avez aussi porté la prime pour résultats exceptionnels de 10 à 15 millions. Incitation à faire du chiffre, cette prime nuit à l'esprit d'équipe lorsqu'elle est individuelle et son attribution n'est pas entourée de la transparence indispensable, comme le soulignent certaines organisations syndicales. Face à ces augmentations, les crédits de l'action sociale sont bien décevants : malgré les exigences de la fidélisation, seulement 500 prêts à taux zéro et 80 places de crèche sont prévus en Ile-de-France. C'est bien peu !

La LOPSI dégage des moyens, certes, mais pour une politique qui donne des résultats bien décevants. Le niveau général de la délinquance reste très haut, si l'on sort de vos faux semblants statistiques. On a même constaté en août une hausse de la délinquance de 3,15% par rapport à août 2004 et, en contradiction avec vos effets de manche, l'Observatoire national de la délinquance a établi, au début de l'année, que 57% des vols subis par les ménages ne font pas l'objet d'une plainte et ne sont donc pas comptabilisés dans les statistiques. Vous aimez à vous réjouir de la hausse du taux d'élucidation, mais il n'est, pour les cambriolages, que de 8% et on élucide moins d'un vol d'automobile sur 10. Ce sont pourtant ces délits qui empoisonnent la vie quotidienne des Français.

Le niveau de la délinquance reste donc préoccupant, en particulier dans les territoires les plus défavorisés. En Ile-de-France, une enquête de victimation a montré qu'elle progressait dans les endroits les plus déshérités. Vous avez pu d'ailleurs, lors de votre visite nocturne à Argenteuil, Monsieur le ministre, mesurer la nécessité de renforcer les effectifs dans les départements de la grande couronne. Vous-même n'êtes pas satisfait de vos résultats : vous vous heurtez à la limite de votre politique. Vous réprimandiez les préfets, le 9 septembre dernier, disant que vous attendiez d'eux un nouveau sursaut. Vous reconnaissiez vous-même un « tassement des résultats » et leur disiez : « je vous ai donné des moyens, utilisez-les ». De telles admonestations ne sont pas en soi un remède.

Vous vous êtes en fait montré incapable de faire face à certaines réalités de la délinquance. La situation est extrêmement préoccupante s'agissant des violences aux personnes. Quant aux violences urbaines, vous avez déclaré vouloir leur mener une guerre sans merci. Vous avez déclaré aux chefs des groupements d'intervention régionaux : « J'ai besoin que vous ayez faim. Si vous n'avez pas bon appétit, faites autre chose ! ». Mais les GIR devaient s'attaquer au noyau dur de la délinquance, à l'économie souterraine, et force est de constater que votre bilan est plutôt médiocre en ce domaine. Enfin, vous avez annoncé récemment sur TF1 vous attaquer « maintenant » aux violences urbaines. Mais voilà trois ans que vous êtes arrivé pour la première fois place Beauvau !

Les événements dramatiques de Clichy traduisent l'échec de votre politique de sécurité et l'échec du Gouvernement, depuis trois ans, dans le traitement de fond de la délinquance. En annonçant 17 compagnies de CRS et 7 escadrons de gendarmerie mobile supplémentaires dans les quartiers sensibles, vous reprenez le concept de fidélisation que nous avions développé entre 1997 et 2002. Mais en même temps, nous avions créé la police de proximité...

M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis - On a vu les résultats !

M. Jean-Pierre Blazy - ...encouragé la prévention et développé la justice de proximité.

Mme Nadine Morano - Et vous avez déjà oublié la « naïveté » de Lionel Jospin !

M. Jean-Pierre Blazy - Ce n'est pas la vidéosurveillance qui réglera tous les problèmes ! Si elle a permis l'arrestation de l'assassin d'Epinay-sur-Seine, la caméra ne l'a malheureusement pas dissuadé de passer à l'acte, alors qu'il ne pouvait ignorer sa présence. Réfléchissez-y ! La répression de la délinquance sera toujours inefficace si elle n'est pas accompagnée d'une politique de prévention. Vous nous promettez un projet de loi sur la prévention de la délinquance depuis 2002 : le Premier ministre l'a une nouvelle fois confirmé tout à l'heure, ajoutant qu'il sera élaboré sous sa coordination.

Au total, Monsieur le ministre, vous vous êtes comparé au cycliste qui a parcouru avec succès une partie de l'étape mais qui n'a pas encore franchi la ligne d'arrivée.

Mme Nadine Morano - Vous avez toujours été en panne !

M. Jean-Pierre Blazy - A votre arrivée, vous avez stigmatisé la politique de sécurité de la gauche : trop de proximité, trop de prévention. Christian Estrosi, alors rapporteur de la LOPSI, déclarait que la police de proximité avait considérablement amoindri l'efficacité de l'action policière. Pour vous, la droite, c'était les résultats, la répression, l'arrestation des délinquants ! Aujourd'hui, alors que le niveau de délinquance reste, malgré de légers mouvements à la baisse, au sommet de la vague (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP), à son niveau le plus élevé depuis les années 1950 selon le chercheur Sébastien Roche, alors que les violences urbaines se développent à nouveau et que les violences aux personnes s'aggravent, alors que les enquêtes confirment la persistance du sentiment d'insécurité, en particulier dans les quartiers de banlieue, je crains que votre politique n'ait atteint ses limites. Vous avez en effet oublié que, dans un Etat de droit, il faut impérativement favoriser le lien entre le policier et le citoyen. Le policier doit avoir les moyens de son action et doit être respecté, certes, mais il doit en être de même pour le citoyen. Les voyous doivent être sanctionnés...

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis - Quand même !

M. Jean-Pierre Blazy - ...mais les jeunes peuvent aussi être des victimes.

M. le Président - Il faut conclure, Monsieur Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy - C'est parce que nous doutons de la sincérité de votre budget et de son efficacité, mais aussi parce que nous ne doutons plus de l'échec de votre politique de sécurité que le groupe socialiste votera contre les crédits de la mission « sécurité » pour 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Rudy Salles - Une ère nouvelle en matière de gestion publique s'est ouverte avec ce projet de loi de finances : performances et résultats doivent désormais être les maîtres mots de toute action publique. Une des priorités de la mission « sécurité » est de restaurer l'autorité de l'Etat, c'est-à-dire de garantir à chacun l'exercice de ses libertés et de ses droits fondamentaux. Cette exigence nécessite un engagement financier sur le long terme.

Vous avez souhaité que les programmes « police nationale » et « gendarmerie nationale » s'inscrivent dans la continuité. Malgré un contexte budgétaire défavorable, la quatrième tranche de la LOPSI sera donc engagée, ce qui permettra de moderniser les institutions et le travail des policiers. Des progrès étaient à faire en matière d'information et de communication : j'approuve donc l'affectation de 65,7 milliards à l'extension du réseau Acropol ainsi que le projet de fichier criminel commun à la gendarmerie et à la police. Le recrutement de 1 190 gardiens de la paix paraît indispensable, la présence sur le terrain étant un gage de réussite, ainsi que les mesures prises depuis 2002 l'ont fait sentir au niveau national. En 2004, la criminalité en zone de police a diminué de 2,71% et la délinquance sur la voie publique de 8,45%. Aujourd'hui, sur l'ensemble du territoire, plus d'un fait sur quatre est élucidé. En Provence-Alpes-Côte-d'Azur, les infractions constatées ont connu une baisse de 1,3%, ce chiffre étant nettement inférieur à la moyenne nationale.

Le nouveau cadre budgétaire nous donne des instruments pour améliorer ces résultats. Deux indicateurs me semblent particulièrement appropriés : il est effectivement nécessaire d'adapter la présence policière sur la voie publique au type de délinquance rencontré, et déterminant de pouvoir mesurer le niveau de sécurité dans tous les territoires. Je regrette cependant que ne soient pas disponibles des données fiables pour 2006, qui auraient permis au Parlement de mieux répondre à nos concitoyens.

Si les autorisations d'engagement augmentent, je m'interroge sur l'affectation précise des crédits. La diminution générale de la délinquance masque difficilement la persistance d'une criminalité endémique dans certains départements. Les moyens que nous vous accordons seront-ils affectés prioritairement à ces zones d'insécurité ?

Deux points devraient être détaillés par le projet annuel de performance de la police nationale. D'abord, le taux de criminalité ne faiblit pas dans plusieurs départements. En 2004, les Alpes-Maritimes ont connu une augmentation des infractions de 0,48%. Ce chiffre cache une situation très inquiétante : en effet, les infractions économiques et financières ont augmenté de 7,74%, les infractions aux stupéfiants de 6,54% et les crimes et délits contre les personnes de 3,37%.

Je m'interroge plus particulièrement sur le sort de l'agglomération niçoise, où la délinquance générale a augmenté de 1,8% et celle de voie publique de 0,7% et qui a le taux de criminalité le plus important des villes de plus de 250 000 habitants. Mais les procédures d'affectation de policiers ne semblent pas prendre en compte ces mauvais résultats. Certes, d'après les chiffres de votre ministère, nous disposons d'un fonctionnaire de police pour 358 habitants, chiffre légèrement supérieur à la moyenne nationale mais insuffisant pour une cité qui attire de plus en plus de Français et de touristes. En 1950, Nice comptait 240 000 habitants et bénéficiait de 1 100 agents, aujourd'hui elle compte 400 000 habitants pour 983 policiers !

Ce manque d'effectifs ne permet pas de lutter efficacement contre une délinquance qui s'est installée durablement. Pourtant, nous savons que la présence des forces de l'ordre sur le terrain est efficace. Cet été, lorsque des actions coordonnées entre la police nationale et la police municipale ont assuré une présence optimale sur les principaux lieux touristiques, les vols avec violence ont sensiblement diminué.

C'est pourquoi j'ai proposé la création de « zones d'affectation prioritaire ». S'inscrivant directement dans la logique de l'objectif n° 5, cette proposition mériterait d'être étudiée par vos services, Monsieur le ministre. Des mesures incitatives devraient être mises en place pour les fonctionnaires acceptant de travailler dans des zones difficiles. Augmenter les logements réservés et le nombre de prêts à taux zéro est une bonne idée. J'espère que l'agglomération niçoise pourra bénéficier des 20% de crédits supplémentaires alloués en 2006.

Par ailleurs, je pense qu'une véritable réflexion devrait s'engager sur les points de la LOPSI sur lesquels nous n'avons pas obtenu les résultats escomptés. Les réseaux de proxénétisme sont encore très présents sur notre territoire et beaucoup se sont adaptés à notre législation. Les moyens matériels et humains mobilisés en ce domaine ne me semblent pas adéquats, en particulier ceux de l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains, qui ne comptait en 2003 qu'une trentaine de fonctionnaires. Alors que le nombre de personnes prostituées a sensiblement diminué à Paris, il ne cesse d'augmenter dans d'autres agglomérations. A Nice, une soixantaine de personnes viennent chaque année grossir ces réseaux. Quelques actions spectaculaires ont certes permis de faire tomber des structures, mais des poches de résistance subsistent.

La volonté de restaurer un climat de sécurité a fait renaître beaucoup d'espoir chez nos concitoyens. S'ils entendent la détermination du Gouvernement, ils n'en mesurent pas toujours les effets au quotidien. Je vous demande donc, Monsieur le ministre, de nous donner des garanties sur l'application de vos grandes orientations budgétaires sur le plan local. Je me réjouis que la délinquance nationale diminue chaque année, mais certains territoires ne profitent pas de la même manière de vos mesures. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

La République est une et indivisible. Dotons-nous des moyens budgétaires capables d'assurer à chaque citoyen la jouissance d'un droit naturel et imprescriptible, le droit à la sécurité ! Les efforts vont dans le bon sens. En tant que député UDF, je voterai donc ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. André Gerin - L'actualité brûlante de Clichy et de la région parisienne nous montre que la politique gouvernementale a atteint ses limites, en particulier au cœur de la France populaire, qui cumule les discriminations négatives et qui se sent abandonnée. Jamais la méfiance entre les habitants et les autorités de la République n'avait atteint un tel paroxysme.

Nous sommes aujourd'hui dans l'affrontement. Les policiers sont envoyés au casse-pipe et on leur tient un discours quasi militaire : une guerre contre les jeunes.

La République est en danger. Cette France qui souffre est méprisée et humiliée. Des millions de gens sont mis au pilori. À la misère s'ajoutent l'injustice, l'inégalité et la réalité opulente des quartiers riches, de la jeunesse cachée, dorée, dorlotée, choyée. Il y a une France pauvre, de plus en plus pauvre, et une France riche, de plus en plus riche, une France de l'insolence. L'exclusion de l'ordre républicain crée le terreau de la haine, de la barbarie, de la sauvagerie.

Quand vous parlez de « voyou », Monsieur le ministre, le terme ne me choque pas. Ce qui me choque, c'est le fait de n'appliquer ce terme qu'aux cités populaires. Oui, il faut nettoyer au « karcher » les mafieux et tous ceux qui pourrissent la vie de nos quartiers.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire - Merci, André.

M. André Gerin - Mais que fait-on des têtes de réseaux qui s'enrichissent en dormant : les délinquants en col blanc ? Oui, il existe des voyous. Mais il faut définir une échelle de Richter, avec des voyous de première catégorie, de deuxième catégorie, et il faut parler des voyous de la France d'en haut ! Or, on cogne fort, très fort les petites gens, dans un climat de guerre civile, mais on ménage, on soigne, on protège la société d'en haut !

Les problèmes sont apparus il y a une trentaine d'années, bien appréhendés en 1982 par la commission Bonnemaison, dont 80% des recommandations n'ont malheureusement pas été suivies d'effet. Aujourd'hui, ce sont 20 à 40 voitures qui brûlent chaque nuit, ce sont des caillassages à l'encontre des policiers, des pompiers ou des bâtiments publics. Tout ce pourrissement social se fait sur fond d'un trop-plein de discriminations, qui pétera à la gueule de la société tout entière (Exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP). Nous allons droit vers une société « Orange Mécanique », après trente ans de réponses trop souvent symboliques et dérisoires, entre laxisme et sécuritaire, après trop d'effets d'annonce. Le droit de vote des immigrés promis en 1981 fut l'un d'eux. En ira-t-il de même du discours sur la discrimination positive, qui est un discours positif ?

M. le Ministre d'Etat - Écoutez-le !

M. André Gerin - Ce qu'il faut dans nos quartiers, ce sont des casques bleus républicains, à l'image de nos instituteurs, les hussards de la République, pour renforcer les missions de l'Etat et travailler au niveau de l'école, du logement, de la santé, de l'emploi et de l'ordre républicain.

L'heure est venue d'ouvrir un grand débat national et de partager un diagnostic sur les banlieues, sans esprit polémique, sans esprit politicien ou partisan. Il est indispensable de remettre à plat les questions de l'ordre et de l'autorité, de la sécurité du citoyen ; de repenser les missions de la République, le lien entre l'Etat, la République et la responsabilité individuelle de chaque citoyen; d'actualiser le triptyque prévention, dissuasion et répression.

Élaborons des réponses nouvelles et donnons à notre jeunesse l'apprentissage de la citoyenneté, de la coresponsabilité, donnons-lui le droit au bonheur au lieu de la laisser dans le « no-future » !

La dérive sécuritaire et l'emprise de plus en plus importante de la notion d'ordre public sur la notion de sécurité publique trouvent leur traduction dans les orientations budgétaires pour 2006. La mission interministérielle « sécurité » voit ainsi ses crédits augmenter.

Monsieur le ministre d'Etat, lors de votre audition le mardi 18 octobre en commission des lois, vous avez exposé votre conception de la sécurité et vous avez précisé que la lutte contre l'immigration irrégulière bénéficierait de la totalité des moyens nouveaux, lesquels contribueront notamment à financer l'augmentation du nombre de places en centres de rétention administrative...

M. Christophe Caresche - Ah !

M. André Gerin - Mitterrand s'était engagé à fermer ces centres, alors que chacun balaie devant sa porte !

Mais que fait-on des filières constituées pour fournir une main-d'œuvre bon marché à certaines entreprises qui ne respectent pas le droit du travail ?

La République a besoin de policiers sur le terrain. Or, l'objectif de 8 000 gardiens de la paix supplémentaires d'ici à 2012 s'éloigne. Pour le ministère de l'intérieur, le fonctionnaire est aussi la variable d'ajustement.

Le 26 octobre, vous avez présenté, Monsieur le ministre, en conseil des ministres, votre projet de loi sur la lutte contre le terrorisme qui intègre des dispositions aussi variées que la vidéosurveillance ou la déchéance de la nationalité française. Dans l'approche judiciaire, le terrorisme est considéré comme un phénomène d'exception. Avec l'approche d'ordre public, on peut craindre une banalisation de la menace terroriste.

Je terminerai par quelques questions, Monsieur le ministre. Quand allez-vous organiser un débat sur la police de proximité ? Le projet de loi sur le terrorisme remplace-t-il celui sur la prévention de la violence, ou celui-ci est-il toujours d'actualité ? Quand allez-vous rendre public le rapport sur le bilan et l'évaluation des conseils locaux et des contrats locaux de sécurité, dont vous disposez depuis fin août ?

Monsieur le ministre, j'ai tenu à vous faire part des sentiments que m'inspire l'actualité, eu égard à mon expérience personnelle. Les députés communistes et républicains veulent censurer les orientations sécuritaires du Président Chirac et du gouvernement de Villepin, c'est pourquoi ils voteront contre ce budget.

M. Dominique Caillaud - Je serai beaucoup plus modeste, ayant la chance de ne pas être dans un département aussi compliqué. Je constate cependant que sur l'analyse des problèmes, il y a de grandes convergences.

Avec les rapporteurs, qui ont souligné les avantages de la présentation au format LOLF des missions « sécurité » et « sécurité civile », je me félicite des crédits qui nous sont proposés, qui permettront des modernisations technologiques, des recrutements importants et une coordination accrue des moyens. Je centrerai mon propos sur la politique immobilière de la gendarmerie nationale et sur la mise en œuvre de la loi de modernisation de la sécurité civile.

Lors du débat sur cette loi, j'avais placé beaucoup d'espoir dans la conférence nationale des SDIS et souhaité qu'elle soit le remède aux maux financiers engendrés par les responsabilités conjointes de l'Etat et des départements. Malheureusement, les rapports financiers sur les SDIS montrent que la mise en œuvre a été très onéreuse, en particulier pour le renouvellement des matériels, et surtout pour le financement des sapeurs-pompiers professionnels ; je regrette que dans le dossier difficile de leur temps de travail, le rapport Nizan n'ait pas été davantage suivi.

Les crédits de la mission « sécurité civile », même s'ils sont très inférieurs au coût total des SDIS, évoluent d'une manière très positive. En particulier, l'effort est poursuivi pour l'acquisition et la maintenance des moyens aériens nécessaires à la protection incendie et aux secours à personnes.

Pour évoluer vers une sécurité civile citoyenne, la loi de modernisation prévoyait une sensibilisation à la prévention des risques et une formation minimum aux premiers secours, en particulier dans les établissements scolaires, pour lesquels un décret est en cours d'élaboration. Nous accusons dans ce domaine un grand retard sur les pays de l'Europe du Nord. Peut-on espérer une mise en œuvre rapide de ces mesures, et avec quels moyens ?

La loi, prévoyait aussi des réserves de sécurité civile aux côtés des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires dans les communes. Pourrait-on connaître les premiers résultats et les difficultés de mise en œuvre de ce dispositif, qui ne semble pas trouver beaucoup d'écho chez les maires ? Pour ma part, responsable d'une association départementale de protection civile, je pense que l'on pourrait explorer la possibilité d'une coopération plus étroite avec les associations locales de secouristes. Pourrait-on consacrer des moyens à moderniser et redynamiser les associations départementales ou nationales, afin d'assurer une couverture homogène du territoire?

En ce qui concerne, Madame la ministre, le programme immobilier de la gendarmerie, je veux vous exprimer, avec mon collègue Folliot, ma satisfaction quant à l'évolution des crédits, même si l'effort devra être poursuivi pour assurer le nécessaire rattrapage et répondre aux besoins liés aux recrutements.

Le parc domanial est le plus vétuste et celui qui compte le moins de mises en chantier. Permettez-moi de citer le cas de la caserne de La Roche-sur-Yon : alors que l'Etat avait acheté le terrain en décembre 1994, ce n'est qu'en 2004 que la construction a été programmée, mais entre-temps beaucoup de choses avaient changé. Il ne faudrait procéder aux achats de terrains et élaborer les projets techniques que lorsque la programmation financière est fixée.

A propos de l'externalisation, le rapporteur reste réservé. Je ne me prononcerai pas sur le choix technique, mais je suis persuadé que nous devons professionnaliser et décentraliser la gestion et la construction du parc immobilier au niveau départemental, ou au plus régional, tout en continuant de faire relever du ministère le cahier des charges technique. Nous devons utiliser toutes les possibilités juridiques pour développer un partenariat avec les collectivités locales.

Madame et Monsieur les ministres, parce que ces crédits vous permettent de répondre aux attentes de nos concitoyens en matière de sécurité, je les voterai avec le groupe UMP, en vous remerciant de persévérer ensemble dans cette voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Derosier - L'année 2005 aura été une année noire pour la sécurité civile. Je tiens à exprimer, au nom des députés socialistes, toute ma solidarité avec ces femmes et ces hommes, sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires, pilotes, qui consacrent leur vie à protéger et sauver celle des autres. Je rends hommage aux victimes et j'exprime ma sympathie à leurs familles.

La sécurité civile est un domaine partagé entre l'Etat et les collectivités territoriales, et les missions assumées par les collectivités territoriales n'apparaissent pas dans la mission « sécurité civile ». Or bien que l'Etat demeure l'autorité de coordination des interventions opérationnelles, les moyens mis en œuvre pour l'organisation des secours sont essentiellement à la charge des collectivités territoriales, qui assurent le financement des services départementaux d'incendie et de secours. C'est dire que la présentation des moyens alloués à cette politique est tout à fait incomplète, l'Etat intervenant à hauteur de 463 millions, contre 3,7 milliards pour les collectivités locales. Nulle part il n'est fait mention de cet engagement financier considérable. II est regrettable que le poids financier réel de la sécurité civile ne nous soit pas présenté, comme l'a souligné le rapporteur.

Il est certes prévu dans l'action « coordination des acteurs de la sécurité civile », qui dépend du programme « coordination des moyens de secours », une « harmonisation nationale de l'organisation et du fonctionnement des SDIS », mais il est à craindre que l'impact de cette action ne puisse être correctement apprécié car elle coûtera assurément plus aux SDIS qu'à l'Etat.

Il faut aller plus loin que ce qui est inscrit dans la loi de modernisation de la sécurité civile quant à la définition des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales dans ce domaine ; Monsieur le ministre, je me tiens à votre disposition pour en parler. La concertation avec les principaux financeurs doit être renforcée, afin d'éviter une débudgétisation progressive et un transfert aux SDIS. La conférence nationale des SDIS devrait être en mesure d'assurer une réelle harmonisation nationale des politiques locales et nationales relatives à la sécurité civile ; encore faut-il en avoir la volonté politique partagée. Pour l'heure, cette conférence ne peut émettre que des avis sur les projets de lois et de décrets. Comment les conseils généraux pourraient-ils dès lors contrôler les mesures nationales qui s'imposeront à eux pour des raisons de qualité ou d'interopérabilité du service ou en raison du statut des sapeurs pompiers professionnels ?

Lors du cent douzième congrès national des sapeurs pompiers de France, vous avez déclaré que l'attribution d'une fraction de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance automobile et l'abondement de la DGF pour financer la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs pompiers volontaires constituaient « la base du pacte politique et financier passé entre l'Etat et les représentants des élus locaux ». Il n'y a pourtant eu ni dialogue ni concertation... Comme pour les transferts de compétences, ce n'est pas de pacte qu'il s'agit, mais de décharge financière de l'Etat. Celui-ci décide, et fait payer les autres...

De même, on constate le manque d'ambition de l'Etat dans sa participation aux efforts de modernisation des SDIS.

L'explosion des budgets de ces services depuis la départementalisation est indéniable - le porte-parole de l'UMP vient d'ailleurs de la souligner. Elle découle notamment de l'augmentation du nombre de sapeurs pompiers professionnels, de l'amélioration de leur statut et de l'effort d'équipement entrepris depuis 2001, tant pour rattraper le retard pris par les communes ou les groupements de communes que pour améliorer la couverture du territoire et l'état du matériel.

D'une part, la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 a créé de nouvelles charges pour lesquelles il n'existe pas de compensation financière - il en est ainsi pour la réserve de sécurité civile, l'établissement interdépartemental EPIDIS ou encore le contrat à durée déterminée des sapeurs pompiers volontaires soumis aux charges sociales. D'autre part, l'Etat ne contribue plus de la même manière au budget des SDIS : depuis 2003, il a substitué au versement de la DGF un fonds d'aide à l'investissement. Cette modification a entraîné une certaine lourdeur administrative : dossier à constituer, rubriques d'investissement ne correspondant pas aux réalités du terrain et financées de manière déséquilibrée par rapport aux besoins, dotation initiale non redistribuée dans sa totalité. Pour 2006, la dotation du FAI s'élèvera à 65 millions d'euros, soit le même montant que celui prévu dans le PLF pour 2005. Rapportée à tous les services départementaux de France, cette prévision montre bien que vous voulez mettre en difficulté les collectivités locales. Le SDIS du Nord a, lui, prévu de dépenser 132 millions pour reconstruire 21 centres d'incendie et de secours et en réhabiliter 50 autres.

Monsieur le ministre, vous avez rappelé, lors de votre intervention le 17 septembre au congrès national des sapeurs-pompiers, que l'Etat soutiendrait les départements dans le financement des SDIS. Pour faire face à l'explosion du coût, vous proposez, comme en 2005, d'attribuer à chaque département une fraction du produit de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance automobile. Celle-ci devra couvrir une partie du financement des SDIS mais également les compétences transférées aux départements par la loi relative aux responsabilités locales : routes nationales, RMI, TOS, personnes handicapées, FSL... Il était initialement prévu que les conseils généraux pourraient moduler les taux de cette taxe par délibération. Or, le Gouvernement a décidé qu'il n'en serait pas ainsi, ce qui constitue une remise en cause implicite de l'autonomie de gestion des collectivités locales, principe pourtant inscrit dans notre Constitution. Vous me répondrez sans doute qu'en substituant cette part de taxe à la DGF, les collectivités locales bénéficieront d'une ressource dynamique. Peut-être le même effet était-il attendu de la TIPP consacrée au RMI - 415 millions non versés en 2004, un milliard à ce jour. Qu'il me soit donc permis de douter du dynamisme escompté.

Les SDIS rencontreront un problème similaire avec la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs pompiers volontaires créée par la loi du 13 août 2004. Le décret du 13 septembre 2005 prévoit que le financement de cette prestation est assuré par une cotisation personnelle et une contribution publique à la charge du SDIS. Vous vous êtes engagé à ce que l'Etat participe à hauteur de la moitié du coût de cette prestation pour les départements, évaluée à 60 millions d'euros par an. Pour 2006, vous avez indiqué que l'abondement de la DGF pour les départements serait porté de 20 à 30 millions. Engagement tenu, direz-vous, mais nous savons qu'au cours des prochaines années, compte tenu de la pyramide des âges, des recrutements et de l'effet de fidélisation, ce chiffre évoluera pour atteindre vraisemblablement 100 millions par an. Les départements n'ont aucune assurance que l'Etat maintiendra ses engagements.

Parce que le principe constitutionnel d'autonomie financière des collectivités locales n'est pas assuré, que l'action des SDIS et de leurs premiers financeurs n'est pas réellement prise en compte, parce que les crédits alloués à cette mission ne correspondent pas aux enjeux et aux attentes des acteurs de terrain, le groupe socialiste ne votera pas les crédits de la mission « sécurité civile ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Christophe Lagarde - Dès le début de la législature, notre Assemblée a souhaité que les attentes de nos concitoyens en matière de sécurité soient prises en compte et que la délinquance soit combattue avec efficacité. La LOPSI que vous avez proposée, Monsieur le ministre de l'intérieur, a ainsi été approuvée par une écrasante majorité des deux assemblées. Non seulement vous avez obtenu des arbitrages budgétaires prévisionnels très conséquents mais vous avez également œuvré pour une bonne application de cette loi, ce qui n'est pas le moindre de vos mérites en ces temps de disette budgétaire. Le seul engagement qui n'ait pas été tenu concerne la loi sur la prévention de la délinquance, qui n'est toujours pas inscrite à notre ordre du jour. Sans doute vos quelques mois d'absence involontaire au banc du Gouvernement n'y sont-ils pas étrangers.

M. le Ministre d'Etat - C'est vrai.

M. Jean-Christophe Lagarde - Les budgets que vous proposez sont régulièrement en hausse depuis 2003 et le PLF pour 2006 ne déroge pas à la règle. Avec plus de 3% d'augmentation, la mission « sécurité » sera dotée l'année prochaine d'une enveloppe accrue lui permettant de poursuivre les réformes voulues par le Parlement. Sur les cinq ans de programmation, il était prévu d'attribuer 5,6 milliards, dont 2,75 milliards pour la police, et de créer 13 500 emplois dont 650 dans la police. 3 900 emplois ont été créés, auxquels s'ajouteront 1 300 recrutements supplémentaires cette année. Les engagements sont donc globalement respectés. Nous observons également une évolution du type de recrutement. Sur ces 1 300 postes, 1 140 seront consacrés aux gradés et aux gardiens de la paix, c'est-à-dire à ceux qui sont sur le terrain, contre à peine 490 l'an dernier. L'UDF espère que vous poursuivrez cette politique salutaire en 2007, la LOPSI n'ayant pas été adoptée pour remplir le ministère d'employés de bureau. Il faut, selon nous, impérativement réformer la préfecture de police où de très nombreux gradés compétents employés à des tâches administratives seraient mieux utilisés pour encadrer de jeunes recrues.

M. Jean-Pierre Blazy - Absolument.

M. Jean-Christophe Lagarde - Si 1 325 adjoints de sécurité ont été incorporés en qualité d'élèves gardiens de la paix entre le début de l'année et le mois de septembre, nous savons que 2 900 contrats conclus en 2001 arrivent à échéance cette année. A quelle hauteur et sous quel corps comptez-vous combler la différence ? La question en revanche ne se pose pas pour le corps des gradés et gardiens de la paix puisque l'on prévoit 3 800 départs pour 5 300 recrutements. Comment la répartition des effectifs a-t-elle évolué par département depuis 2002 ? Si nous votons de nombreux recrutements chaque année, force est de constater que les effectifs n'augmentent pas autant dans les commissariats de la première couronne parisienne.

M. Jean-Pierre Blazy - Ni dans la deuxième.

M. Jean-Christophe Lagarde - De nombreux maires s'en plaignent à juste titre. Ce problème est en partie responsable du climat d'insécurité qui perdure et parfois s'accroît. Les délinquants s'approprient ainsi des territoires et créent une situation propice au drame d'Épinay-sur-Seine ou aux violences urbaines. Certes, un certain nombre de propos tenus à l'occasion de ces violences ont été imprudents, je pense à un distinguo insuffisant entre les voyous et les jeunes. J'ai néanmoins été encore plus choqué par la double absence de cohésion du Gouvernement - je pense aux prises de position de certain ministre contre le ministre de l'intérieur qui me paraissent déplacées et à l'absence de M. le Premier ministre - et par le fait que M. Sarkozy soit devenu subitement le ministre des banlieues alors que ces questions relèvent de la compétence du Gouvernement dans son ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP) Je comprends certes tous les enjeux d'une élection présidentielle, mais rien n'excuse cet affaiblissement de l'Etat en période de crise. Ce n'est pas le député UDF qui s'exprime ainsi, mais le maire de Drancy, qui n'aime pas que son téléphone sonne à minuit pour qu'on lui annonce que les émeutes, faisant tache d'huile, se répandent dans sa propre ville.

La LOPSI prévoyait de 1,7 milliard de moyens de fonctionnement. Les trois lois de finances précédentes ayant connu une augmentation cumulée d'environ un milliard, il reste du chemin à parcourir mais nous sommes en droit d'espérer un respect des dispositions adoptées en 2002 pour l'année prochaine.

Vous avez choisi de consacrer toute l'augmentation de votre budget - 38 millions - à la lutte contre l'immigration clandestine. Nous souscrivons à cet objectif. Cette enveloppe servira à financer l'augmentation du nombre de places en centre de rétention administrative, à accroître le nombre de reconduites à la frontière et à assurer le développement des visas biométriques. Ces crédits s'inscriront cependant dans le cadre d'une organisation trop peu modifiée. Le Premier ministre a en effet annoncé la mise en place d'un service public de contrôle de l'immigration chargé de coordonner les activités de toutes les administrations concernées par ce problème. En 2006, seront créées huit brigades mobiles de recherche en province et quatre autres en région parisienne. En 2003, lors du débat sur la maîtrise de l'immigration, nous avions demandé la création d'une police autonome, qui regrouperait des services de police et de gendarmerie existants sous l'égide de la PAF. Selon nous, la lutte contre l'immigration clandestine passe en effet par le développement d'une politique spécifique. Les mesures annoncées par le Premier ministre permettront sans doute de mieux découvrir un certain nombre de responsables de réseaux et de filières, mais nous ne pensons pas qu'elles amélioreront nos capacités de reconduite aux frontières de chaque clandestin. Si celles-ci ont fortement progressé ces dernières années, c'est sous votre impulsion et votre détermination, Monsieur le ministre, et également grâce aux modifications législatives que nous avons adoptées, pas du fait de cette coopération nouvelle. Un véritable service spécialisé de police de l'immigration permettrait d'assurer un meilleur contrôle de nos frontières et le suivi effectif des clandestins.

De même vaudrait-il mieux créer des centres de regroupement spécialisés pour ceux qui refusent l'expulsion plutôt que d'en encombrer des prisons - comme à Villepinte - qui ne peuvent plus accueillir de vrais délinquants.

M. Nicolas Perruchot - Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde - Sur les programmes d'équipement, les engagements de la LOPSI s'appliquent. Nous vous soutenons en ce qui concerne les gilets pare-balles et l'armement, et aussi dans votre volonté d'équiper de caméras les véhicules de police qui interviennent la nuit - il y en aura 500 cette année. A terme, nous souhaitons que tous les véhicules en soient pourvus, y compris de jour. Nous vous soutenons aussi dans votre volonté d'équiper les services en armes non mortelles, par souci de sécurité comme d'efficacité. Mais il faut interdire la vente libre de ces mêmes armes, qui finiront par être utilisées par les délinquants. Il faut aussi s'interroger sur la vente libre d'armes de poing, pistolets à grenaille ou pistolets d'alarme, dont l'utilisation est déjà détournée.

Cette année encore, je demande que l'on fidélise les nouveaux policiers à leur poste. Pour l'UDF, il serait souhaitable que la première affectation au sortir de l'école soit de cinq ans, avec des bonifications en zone sensible.

Vous avez précisé que l'augmentation de 3,3% des violences contre les personnes tient surtout à l'augmentation des violences dans la famille. Vous avez raison d'y consacrer des équipes spécialisées. Mais peut-on modifier les indicateurs pour identifier les violences dans et hors de la famille ?

S'agissant des violences urbaines, nous approuvons votre volonté d'affecter 17 compagnies républicaines de sécurité et 7 escadrons de gendarmerie dans les quartiers difficiles, dès lors qu'on leur aura appris des modes d'intervention et de surveillance adaptés. Je vous demande, cette année encore, d'en affecter dans les palais de justice comme ceux de Bobigny et Nanterre, où les forces de maintien de l'ordre sont souvent débordées par des jeunes qui ne les craignent pas.

Vous appliquez globalement la LOPSI que nous avons votée en 2002. Le groupe UDF votera donc votre budget, tout en sachant que les défaillances de la chaîne pénale, surtout pour les mineurs, nuit beaucoup à l'efficacité du travail de la police.

Enfin, je souhaite vous interroger sur l'évaluation de l'application de la loi de sécurité intérieure de 2003. Dans ce cadre, nous avons voté un délit d'entrave à l'accès et à la libre circulation dans les halls d'immeuble, puni de deux ans d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende. Quel en est le bilan ?

M. Jean-Pierre Blazy - Bien maigre.

M. Jean-Christophe Lagarde - Seulement 21 procédures ont été engagées et 11 peines de prison prononcées.

M. Jean-Pierre Blazy - C'est un échec.

M. Jean-Christophe Lagarde - Un échec, que l'on peut corriger. En effet, la preuve d'entrave est presque impossible à établir...

M. Jean-Pierre Blazy - Nous l'avions dit.

M. Jean-Christophe Lagarde - ...et la gravité de la sanction retient les juges de l'appliquer. Il est donc nécessaire de réprimer la présence en groupe dans des parties communes d'immeuble privatif, en la rendant passible d'une contravention de quatrième ou de cinquième classe. Cela rendrait son efficacité à la police, et la confiance à nos concitoyens qui n'ont toujours pas vu de changement en bas de chez eux.

M. Nicolas Perruchot - Très bien.

M. Jean-Jacques Descamps - Je limiterai mon propos au problème des gens du voyage, qui concerne les deux ministres puisque nous avons souvent besoin de l'intervention et de la police nationale et de la gendarmerie pour y faire face. Cette population est difficile à gérer, surtout les jeunes, et elle s'accroît. Nous avons élaboré depuis plusieurs années un schéma départemental d'accueil des gens du voyage et ma commune et ma communauté de communes ont respecté leurs engagements, soit l'installation d'une aire d'accueil principale et de cinq aires secondaires, malgré bien des difficultés administratives et financières. Nous avons aussi, avec l'aide de l'éducation nationale, un éducateur spécialisé et les écoles de ma commune sont ouvertes aux gens du voyage. Nous avons enfin favorisé leur sédentarisation. Tout cela a coûté très cher, et nous en sommes déjà à la deuxième aire principale - le renouvellement des aires secondaires ne va pas tarder. Pourtant, le problème n'est pas réglé.

Certaines familles d'habitués s'installent normalement sur ces aires. Mais d'autres, de passage, continuent de dégrader les locaux. Les occupations illégales ont certes reculé, grâce à vous, Monsieur le ministre de l'intérieur, sinon en nombre du moins en durée - et sur les terrains communaux, car sur les terrains privés il est difficile de trouver le propriétaire et celui-ci craint souvent de porter plainte. Sur les aires, la cohabitation entre familles est difficile. Les gestionnaires ont du mal à faire régner l'ordre et n'ont aucun moyen de faire expulser ceux qui ne jouent pas le jeu. Nous avons fait appel à une société spécialisée, qui se fait payer très cher mais qui hésite désormais à reconduire le contrat. Quant aux aires secondaires non contrôlées, leur durée de vie est très limitée. Je ne parle pas du chapardage, du non respect des règles de vie commune en centre ville, etc.

Les élus savent bien qu'il faut s'accommoder de quelques désagréments. Où en effet accueillir les gens du voyage, sinon dans cette formule ? Mais ils ne comprennent pas qu'il n'y ait pas plus de contrôles et de sanctions de ceux qui bravent les lois républicaines. Ils sont découragés, après avoir respecté ces lois, y compris la loi Besson. Leurs administrés sont exaspérés. Je vous demande donc d'exercer un contrôle plus strict sur cette population, son identité, ses ressources étant donné le niveau de vie de certains, pourtant sans emploi. Elus et habitants comprennent qu'il y a un problème, mais comprennent moins qu'on n'ait pas encore réussi à y apporter une solution, qui faciliterait d'ailleurs le travail des policiers et des gendarmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Christophe Caresche - Depuis quelques jours, certains quartiers de la région parisienne sont en situation presque insurrectionnelle. Personne ne peut s'en réjouir et il faut que l'Etat, au plus vite, y remédie : c'est sa capacité à agir demain qui est en cause. Il est défié ; s'il recule - or, dans la nuit d'hier, il a reculé, et des véhicules ont été incendiées sans qu'il y ait d'intervention - ce sera une défaite pour lui, et pour les instituteurs, les postiers, tous les agents des services publics qui travaillent dans ces quartiers.

Je le dis avec gravité, cette situation est extrêmement préoccupante. Elle est délicate. Il faut appeler au calme, mais aussi être capable de rétablir l'ordre, et c'est la responsabilité en particulier du ministre de l'intérieur.

Il faudra aussi, avec plus de recul, traiter des modes d'intervention dans ces quartiers. La police de proximité n'est pas parfaite. Mais elle avait le mérite d'avoir un lien avec la population, en particulier les jeunes. Il y a là une question qu'aucun ministre de l'intérieur ne peut éluder. Si je devais critiquer l'action menée depuis quatre ans, ce serait sur ce point. Il ne suffit pas de rendre confiance à la police et de réaffirmer ses missions ; il faut aussi être capable de résoudre le problème de son insertion dans les quartiers, qui reste à régler pour l'essentiel.

Je souhaite aborder la question des indicateurs retenus dans le cadre nouveau de la LOLF. Il est clair que la pertinence de ces indicateurs conditionnera le pilotage des politiques publiques et l'évaluation par le Parlement de leur efficacité. Sur ce point, le dispositif proposé est décevant et pourrait être amélioré.

Les indicateurs de mesure de la délinquance reprennent le chiffre global de faits de délinquance constatée et celui de la délinquance dite de voie publique, sans les enrichir d'une enquête de victimation. Le choix de ces agrégats me paraît contestable. Il faudra, tôt ou tard, renoncer pour la délinquance à un chiffre global, qui mélange des faits différents et mesure tantôt le phénomène, tantôt l'activité des services. L'observatoire national de la délinquance préconise d'ailleurs de lui substituer plusieurs indicateurs.

Le chiffre de la délinquance de voie publique est également une construction imparfaite, qui rassemble des faits ne se déroulant pas sur la voie publique, comme les cambriolages, et en occulte d'autres. Il réunit pas ailleurs des faits sur lesquels la police a peu de prise, le taux d'élucidation avoisinant les 10%. Son seul mérite est d'être en diminution constante, non pas en raison de l'action de la police, mais parce qu'il contient les contentieux sur les voitures et sur les habitations, en recul grâce à une meilleure sécurisation de ces biens.

Les violences faites aux personnes, phénomène le plus inquiétant de ces dernières années, tout comme les violences urbaines, ne figurent ni parmi les indicateurs ni parmi les objectifs assignés à la police et à la gendarmerie. Enfin, le travail effectué par l'Observatoire national de la délinquance n'a pas été pris en compte : il aurait pourtant permis la définition d'indicateurs plus pertinents, comme les atteintes aux biens, les atteintes volontaires à l'intégrité physique, la délinquance économique et financière ou les violences urbaines.

S'agissant des indicateurs de mesure de l'activité des services, un effort louable a été fait. Seront-ils pour autant opératoires ? Il est permis d'en douter : le rapport souligne ainsi que l'imprévisibilité de l'activité de la gendarmerie mobile rend délicates les prévisions. Les indicateurs proposés pour la sécurité publique sont quant à eux marqués par une certaine confusion : s'agit-il de mesurer l'activité des services ou de mieux concentrer les effectifs, là où la délinquance est la plus forte ? Quant aux indicateurs concernant la police judiciaire, ils sont très insuffisants.

Si nous voulons que la LOLF produise tous ses effets et devienne un véritable outil de conduite des politiques publiques, il faudra poursuivre ce travail d'élaboration des indicateurs. Les administrations sont en effet naturellement tentées de se protéger et de ne pas s'exposer au jugement des parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Nicolas Perruchot - Je ne reviendrai pas sur les chiffres mais je souhaite vous apporter quelques éclairages sur ce que nos attendons en matière de sécurité en tant qu'élus de terrain. Le rôle des collectivités locales est en effet important et doit être rappelé. Nous avons ainsi inauguré récemment avec le président du conseil général, Maurice Leroy, très impliqué dans cette matière, la nouvelle brigade de gendarmerie à Onzain et à Blois, ville dont je suis maire, nous avons embauché 57 policiers municipaux, qui apportent un vrai complément à l'action de la police nationale.

Nos attentes sont fortes concernant la loi relative à la prévention : j'ai pu m'en entretenir avec vous, Monsieur le ministre, lors de votre déplacement à Blois où vous avez pu rencontrer des acteurs de terrain. Cette loi devra préciser les missions de l'Etat, des collectivités locales et des associations, mettre des moyens nouveaux à la disposition des différents acteurs, et permettre un débat serein, notamment sur le rôle des éducateurs de rue, souvent absents des cités le soir et le week-end. Il faudra également s'interroger sur la cohérence de l'action de l'Etat, engagé dans des projets de rénovation urbaine d'un côté, déployant de nouveaux efforts en matière de sécurité d'un autre, ainsi que sur le rôle éducatif de l'Etat dans les ZEP, où certains professeurs manquent à l'appel.

La lutte contre l'immigration irrégulière est l'une de vos priorités, Monsieur le ministre, mais l'Etat répond lentement et mal : j'en fais le constat depuis l'arrivée massive de gens du Caucase dans ma ville depuis trois ans. Certes, des efforts ont été réalisés pour réduire les délais de recours auprès de l'OFPRA mais il est inadmissible de mettre deux ans à répondre à des personnes qui n'ont rien à faire sur notre territoire. J'ai ainsi été très choqué de voir qu'un hôtel de ma ville avait été ravagé par des réfugiés qui y avaient été accueilli, privant ainsi la gérante de son travail. Nous devons répondre plus fermement à l'immigration irrégulière, et donner davantage de pouvoirs au préfet.

Je suis enfin très attentif à l'évolution du trafic de stupéfiants. Vous aviez installé à Blois, en 2003, Monsieur le ministre, une brigade des stupéfiants. Elle a travaillé sur 117 affaires en 2004 !

Nous soutenons votre politique, car les fonctions régaliennes de l'Etat sont le socle de notre pacte républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Kert - Mon propos sera consacré à trois aspects de la mission « sécurité civile », et tout d'abord à l'organisation des secours, au commandement et au lien avec les populations concernées. Je rappelle que ma circonscription a été fortement touchée cet été par plusieurs départs de feux et par le décès de deux de ses habitants, les pilotes de Canadair, tués en service commandé en Corse.

Deux des nombreux incendies qui ont ravagé des centaines d'hectares de forêts provençale ont fait débat, les populations riveraines ayant contesté sur certains points le commandement et le déploiement des personnels sapeurs-pompiers. C'est la première fois qu'une telle contestation s'organise pour s'exprimer en associations, ce qui nous fait prendre conscience de l'absence de cellule institutionnelle de débat. De fait, les sapeurs-pompiers se sentent injustement agressés et les riverains incompris. Peut-être faudrait-il imaginer, Monsieur le ministre, que sous l'autorité d'un représentant de l'Etat, existe un tel lieu de débat.

Pour ce qui est de la prévention, la sécurité civile ne saurait y être étrangère. Dans le cas des incendies de forêts, la prévention passe notamment par le débroussaillement des propriétés publiques et privés. Si le droit existe en la matière, la législation est d'autant plus difficile à appliquer que les contrôles sont rares, aussi conviendrait-il de mieux impliquer les sapeurs-pompiers dans ce domaine. Je crois savoir que les hommes de l'Office national de la forêt n'y seraient pas hostiles.

Quant à la lutte aérienne contre les incendies - j'interviens là en liaison avec Eric Diard, sur la circonscription duquel la base de Marignane est située - deux questions se posent. Pourra-t-on financer le remplacement des avions bombardiers d'eau perdus accidentellement en 2004 et 2005 ? Vous savez que les pilotes ont besoin d'une flotte au complet pour assurer la sécurité en période estivale. A cet égard, compte tenu des drames de ces deux dernières années, nous devrions réviser notre conception de l'appel aux moyens aériens.

Par ailleurs, qu'en est-il de l'éventuelle création d'une flotte européenne de bombardiers d'eau susceptible d'intervenir sur le territoire des pays partenaires dont certains manquent cruellement de matériel ? A cet égard, je rappelle que différentes missions aériennes ont été remplies ces dernières années par les équipages des bombardiers d'eau français dans les pays méditerranéens voisins afin d'échanger et d'harmoniser les procédures de travail et qu'un exercice européen s'est déroulé sur notre territoire en avril 2004.

C'est vrai, cette création pose un certain nombre de problèmes, qu'il s'agisse du type de matériel à adopter, de la formation du personnel, ou de la localisation de cette flotte. Il faudra enfin réfléchir à son commandement, qui devrait revenir à un pilote bombardier d'eau expérimenté, sous l'égide de Bruxelles.

Ces problèmes peuvent se résoudre, mais il reste celui du financement. Les bombardiers en effet coûtent cher, mais on ne peut mettre en balance leur prix d'achat avec les nombreux hectares de forêt épargnés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Vanneste - « Les médias se préoccupent bien plus des agresseurs que des agressés » écrivait Christian Jelen dans un ouvrage publié en 1999 et dont le titre est malheureusement une fois encore d'actualité : « La guerre des rues ». Voici plusieurs jours qu'elle occupe le devant de la scène, voici plusieurs jours qu'entre deux événements également douloureux, l'un a pris des proportions considérables tandis que l'autre était à peine relaté. Il y avait pourtant bien dans celui-ci agresseurs et victime tandis que dans l'autre il n'y avait, semble-t-il, qu'un tragique concours de circonstances.

Cette différence de traitement n'est pas due aux faiblesses et aux travers des médias, elle est révélatrice d'un problème qui, depuis la sortie du livre de Christian Jelen, n'a pas été résolu et qui a même tendance à s'aggraver, celui de la violence urbaine et de cette guerre qui est présente au moins dans les esprits ; que l'on songe à ce jeune qui résumait la situation en disant « c'est la guerre » devant des millions de téléspectateurs.

A un degré heureusement moindre, le quartier de la Bourgogne à Tourcoing avait connu un scénario similaire en janvier 2004, ce qui vous avait conduit à le classer dans les 25 faisant alors l'objet d'une politique spécifique. Cette décision n'avait pas suscité l'unanimité. Pour certains, vous alliez stigmatiser ce quartier et ses habitants. Une telle attitude est malheureusement l'expression de notre principale faiblesse face à la violence urbaine. Tout le monde est d'accord sur le constat - les violences contre les personnes ont augmenté de 8,15% dans le département du Nord de septembre 2004 à septembre 2005 - mais plus personne ne s'accorde sur les remèdes. Une fois encore, notre pays, cédant à son travers favori, se livre à des oppositions idéologiques et stériles entre la prévention et la répression, l'assimilation républicaine et le communautarisme, l'action sociale et l'action policière, la vidéosurveîllance et la liberté individuelle.

Comme si devant un tel problème, il ne s'agissait pas d'abord de trouver des solutions concrètes et efficaces, lesquelles passent par une exigence : la tolérance zéro. Comme l'écrit Sébastien Rocher, « une politique de tolérance zéro consiste en une forme active de stratégie policière conçue pour réagir sévèrement à n'importe quelle infraction qui serait susceptible d'engendrer un enchaînement de violence incontrôlable ». Il s'agit avant tout de rétablir l'ordre dans les esprits en soulignant que tout manquement est déjà répréhensible. C'est la politique du « carreau cassé », dont on connaît les résultats : à New York la criminalité a chuté de 62% de 1993 à fin 2001 et de 6% encore en 2002.

Cette politique exige un état d'esprit et des moyens ; je ne suis pas sûr que nous ayons ni l'un ni les autres.

L'état d'esprit, c'est celui qui consiste à penser que la République est une, que les citoyens qui la composent n'ont pas vocation à former des communautés, même si la religion peut être pour beaucoup le meilleur moyen d'accès aux valeurs qui président à une vie sociale altruiste et ordonnée. Cet état d'esprit doit être présent au premier chef chez tous ceux qui concourent à l'action publique, de l'assistante sociale au policier, de l'enseignant au magistrat.

Quant aux moyens, il faut en souligner la nécessaire cohérence : la prévention et la répression sont une seule et même politique.

La politique de la ville, depuis 25 ans, a multiplié les actions sur les personnes et sur les pierres, et je ne suis pas sûr que ses résultats soient probants. Quels ont été les moyens mis en œuvre dans les 25 quartiers sélectionnés en 2004 et quels sont les résultats concrets?

Mais au-delà de cette première forme de prévention, il y a la prévention-dissuasion. Le retard de notre pays dans le domaine de la vidéosurveillance est effarant : plusieurs millions de caméras en Grande-Bretagne contre quelques dizaines de milliers en France. La lutte contre le terrorisme nous invite à rattraper notre retard. Encore faut-il se demander si la vidéosurveillance n'est pas plus utile pour repérer les dealers ou les meneurs que pour identifier les kamikazes après leurs suicides. Le développement de la vidéosurveillance implique une synergie entre l'Etat et les collectivités territoriales. Elle mobilise parfois bien des policiers nationaux qui pourraient être présents sur le terrain, alors qu'elle pourrait être confiée à des policiers municipaux, grâce au développement de polices municipales intercommunales. Enfin, l'exemple du Var, qui intervient à 50% dans les équipements des communes, pourrait être généralisé dans la mesure où l'Etat verserait une dotation d'équipement aux départements qui y auraient recours.

Ces nouveaux équipements permettraient de lutter avec plus d'efficacité contre ce qui est le coeur du problème, à savoir l'économie souterraine.

Christian Jelen indiquait que 116 quartiers étaient devenus des lieux d'approvisionnement pour héroïnomanes et que 72 présentaient les indices d'une économie parallèle avec apparition de caïds affichant des signes ostentatoires de richesse. Ces réseaux ont tout intérêt à couper les liens entre la police et la population, à rendre plus difficile la présence d'agents de sécurité, à faire régner l'omerta sous la menace de l'incendie, à bannir les résidants indiscrets. On voit mal les effets de la lutte contre ce processus. Quels sont les résultats des GIR dans ce domaine ?

M. Jean-Pierre Blazy - Très minces.

M. Christian Vanneste - Dans son excellent ouvrage consacré aux violences et à l'insécurité urbaines, Alain Bauer coupait les ailes à un certain nombre de canards, les grandes explications économiques et sociologiques, qui tendent toujours à montrer que de toute manière, on ne pourra rien changer !

Il montrait notamment, à partir des résultats new-yorkais, que la délinquance n'a pas une origine économique, démographique ni culturelle : l'origine la plus certaine du crime, c'est le criminel lui-même ! C'est donc lui qu'il faut combattre. Vous en avez la volonté : à cette volonté il faut les moyens nécessaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Voisin - Au nom du groupe UMP, je dois dire toute la satisfaction que nous a donnée le budget de la gendarmerie pour 2006. L'exercice de notre prérogative annuelle revêt aujourd'hui une profonde transformation dans sa forme, avec pour perspective de changer le fond : nous voici enfin à l'application de la LOLF ! Les expérimentations sont terminées et nous y sommes désormais complètement immergés, comme l'a montré le président de la commission des finances. Les crédits de la gendarmerie sont ainsi examinés avec ceux de la police nationale, au sein de la mission « sécurité », mais dans un programme « gendarmerie » spécifique. La nouvelle présentation budgétaire veut en effet donner la priorité aux objectifs plutôt qu'au volume des crédits.

De nombreux indicateurs de performance, comme le taux d'élucidation des affaires criminelles, permettent de retracer l'efficacité de la police et de la gendarmerie. Ils ne donneront en aucun cas lieu à une compétition, mais à une saine émulation entre les deux. Du reste, ces comparaisons ne doivent pas conduire à la confusion, et encore moins à la fusion. Les actions, mêmes identiques, ne sont pas réalisées dans les mêmes conditions. La gendarmerie assure en effet la sécurité de 46% de la population, mais surtout de 95% du territoire, ce qui explique son organisation en petites structures. Son originalité la plus fondamentale réside pourtant dans son statut militaire. Le nouveau statut général des militaires réaffirme ses caractéristiques principales, dont deux sont particulièrement importantes : la disponibilité et l'interdiction d'organisation professionnelle. La première introduit un élément déterminant dans la mesure de toute performance et la seconde nous fait obligation de veiller à procurer à nos gendarmes les moyens les plus adaptés à l'exécution de leur tâche.

Ce statut militaire est fortement ancré dans nos institutions. Il doit être conservé pour que les pouvoirs publics disposent en permanence des moyens nécessaires au respect de l'ordre public et de l'Etat de droit. Il trouve aussi un grand intérêt hors de nos frontières, pour les sorties de crise, lorsque la sécurité et l'ordre public doivent succéder à la restauration de la paix assurée par l'armé.

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis - Très juste !

M. Michel Voisin - Le choix de préserver le budget de la gendarmerie dans le budget global de la défense constitue une garantie essentielle à ce sujet.

A propos de l'amendement qui nous a été proposé, l'on m'a dit que les crédits ne sont pas diminués, mais au contraire augmentés. L'expert comptable et l'expert judiciaire que je fus pendant 35 ans sait que lorsque l'on se comporte en commissaire aux comptes, on s'attache aux chiffres et on joue avec les virgules, mais que lorsque l'on veut conseiller au mieux, on analyse l'exécution d'un budget en écarts, avec trois facteurs : écart sur budget, quantité et écart sur activité. Je pense que la commission des finances, l'année prochaine, aura à cœur de nous présenter l'analyse de ces écarts !

La diminution des crédits « exercice des missions militaires » est très regrettable. Ainsi, au 30 juin, le nombre de jours d'instruction effectués pour la gendarmerie mobile n'était que de 16, sur 35 prévus dans l'année. Au total, l'objectif ne devrait être réalisé qu'à 75%. On m'a dit le contraire, mais c'est bien ce qui ressort des chiffres qui nous ont été présentés. Toutefois, de nombreux autres objectifs de la programmation pour la gendarmerie seront réalisés en 2006.

Deux catégories de ressources concourent directement à l'amélioration des conditions de travail et de vie des gendarmes. Les crédits d'équipement, d'abord, vont connaître une forte croissance : 32%. Ainsi pourra se poursuivre l'amélioration indispensable des conditions du travail quotidien des gendarmes, avec des véhicules, des ordinateurs, des gilets pare-balles et le lancement du programme de véhicules blindés à roues. Ces éléments avaient largement été à l'origine du mécontentement des gendarmes à la fin de l'année 2001...

M. le Président - Il faut conclure.

M. Michel Voisin - Il est donc primordial que cette démarche engagée en 2002 se traduise concrètement dans chacune des unités de la gendarmerie.

Un soin particulier, ensuite, doit être apporté à un autre élément d'originalité de la gendarmerie : le logement des familles. Nous connaissons tous des exemples de casernes de gendarmerie qui sont loin de répondre aux normes courantes de confort. Un tiers des locaux de la gendarmerie seraient ainsi à réhabiliter. On mesure l'ampleur de la tâche, et du retard accumulé. Vous avez donc prévu 200 millions en crédits de paiement pour 2006 et 260 millions en autorisations d'engagement pour continuer l'effort dans les années suivantes. Dans le même temps, vous augmentez de façon significative les crédits destinés au paiement des loyers, eux aussi trop longtemps sous-estimés. Cet effort est d'autant plus nécessaire que les effectifs de gendarmes seront encore augmentés en 2006 : la hausse sera ainsi de 5 100 postes depuis 2003, pour un total de 7 000 prévus dans l'ensemble de la loi de programmation.

Ce budget traduit donc la volonté de poursuivre la modernisation de l'une des plus anciennes et des plus prestigieuses institutions de la République. C'est le devoir de tous les responsables politiques. Vous le remplissez en prévoyant les moyens indispensables au bon exercice par la gendarmerie de ses missions. Nous le ferons en votant et votre amendement et ce bon budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 h 45.

La séance est levée à 20 h 25.

              La Directrice du service
              du compte rendu analytique,

              Catherine MANCY


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