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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 22ème jour de séance, 49ème séance

1ère SÉANCE DU LUNDI 7 NOVEMBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2006 -deuxième partie- (suite) 2

      DÉFENSE 2

La séance est ouverte à neuf heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2006 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006.

DÉFENSE

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la défense.

M. Bernard Carayon, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'environnement et la prospective de la politique de défense - Le programme « environnement et prospective de la politique de défense », doté de 1 640 millions d'euros, comprend six actions que j'ai regroupées en trois pôles : la préparation de l'avenir, le renseignement et relations internationales.

La préparation de l'avenir, c'est avant tout l'analyse stratégique, qui repose essentiellement sur des crédits d'études, gérés par la délégation aux affaires stratégiques ne mobilisant que 0,32 % des crédits de paiement du programme, soit 4,57 millions d'euros.

L'action « prospective des systèmes de forces » concerne les études opérationnelles et technico-opérationnelles et les déplacements de personnels, dont le budget s'élève à 18,2 millions d'euros.

L'essentiel des 601,3 millions d'euros de crédits demandés au titre du maintien des capacités technologiques et industrielles sera consacré à un important effort en faveur des études amont. Le montant confié dans ce cadre aux PME devrait doubler par rapport à 2004 : je m'en félicite. Sans volontarisme politique et industriel, le tissu de PME, dont dépend la qualité des grands groupes français et européens, ne pourra en effet être renforcé.

Certes, la France commence à prendre conscience de l'enjeu que constitue la politique d'intelligence économique, mais ni le caractère administratif de cette démarche, ni le cadre choisi - le Secrétariat général de la défense nationale - ne sont à la hauteur de ce que font nos principaux concurrents. Il manque encore une véritable impulsion politique, qui ne peut venir que du sommet de l'Etat.

A ce titre, mon rapport présente un tableau édifiant du retard technologique que nous avons sur les Etats-Unis - dans 76 % des technologies-clé, alors que nous ne sommes en avance que pour 4 % d'entre elles - et sur le Royaume-Uni, sur lequel nous ne sommes en avance que dans 26 % de ces secteurs.

Je rappellerai donc inlassablement la nécessité de mutualiser les ressources publiques destinées à soutenir l'innovation technologique, en s'appuyant notamment sur des fonds d'investissement à capitaux mixtes destinés aux PME des marchés à forte densité technologique.

Les technologies de l'information et de la communication doivent devenir une priorité nationale, comme le nucléaire le fut en son temps. Un « CEA » des technologies de l'information, de la communication et de la sécurité doit être créé, non pas en tant que structure nouvelle, mais par la mutualisation des moyens et des expertises. Cette politique doit être menée à l'échelle européenne : une « Small Business Administration » aiderait les PME innovantes au sein d'un périmètre stratégique européen - quand l'Etat aura enfin pris l'initiative de le dessiner.

J'en viens aux crédits de renseignement. Outre ceux de la Direction du renseignement militaire, qui figurent au programme « préparation et emploi des forces », il s'agit des crédits de la Direction générale de la sécurité extérieure, de 449 millions d'euros, et de ceux de la Direction de la protection et de la sécurité de la défense, de 89,9 millions, soit un total de 538,9 millions.

En 2006, vingt emplois de catégorie A, ne représentant que dix équivalents temps plein, seront créés à la DGSE : compte tenu des nouvelles menaces, c'est une augmentation dérisoire au regard des priorités assignées à cette Direction. Tous nos partenaires occidentaux ont, depuis les attentats du 11 septembre, accru dans une tout autre proportion les moyens de leurs services de renseignement. Or je note aussi que la progression apparente des moyens de fonctionnement de la DGSE - 33,6 millions d'euros - correspond en fait à l'inscription à son budget de 573 000 euros de crédits de fonctionnement qui n'y figuraient pas auparavant.

Les dotations en crédits de paiement des dépenses d'investissement croîtront de 16 % - et même de 22,7 % s'agissant des seules dépenses d'équipement.

Quant à la DPSD, elle consacrera 7,7 millions d'euros à son fonctionnement et 4,4 millions d'euros en crédits de paiement à ses dépenses d'investissement, dont une partie au titre du programme « soutien de la politique de défense ».

Pour ce qui est des relations internationales, le soutien aux exportations de défense - animé par les attachés d'armement - mobilisera 13,78 millions d'euros, dont 12,81 au titre des dépenses de personnel de la direction du développement international de la DGA. Mais comment ne pas remettre ce dispositif en question après l'échec de l'exportation du Rafale à Singapour ? Je propose d'alléger les procédures de vente d'Etat afin d'aider les entreprises françaises et européennes à exporter. Il faut en outre harmoniser les procédures européennes ainsi que les conditions d'application de la convention OCDE sur la corruption, car nos industriels sont victimes de graves distorsions de concurrence.

Quant à la diplomatie de défense, elle est décisive au regard de nos ambitions et des risques nouveaux qu'il nous faut affronter. Elle contribue à la stabilité de l'environnement international et permet l'implication de la France dans la prévention et la résolution des crises. Les postes permanents à l'étranger regroupent 389 équivalents temps plein, et les frais de fonctionnement - que la commission des finances avait critiqués - ont été ramenés à 8,15 millions d'euros.

Face à la multiplication des menaces et, notamment, au terrorisme, et vous nous proposez donc, Madame la ministre, de renforcer les moyens de préparer l'avenir de nos systèmes de défense et de consolider les dotations des services chargés du renseignement - sans pour autant, il est vrai, engager les mêmes efforts budgétaires et organisationnels que nos partenaires. La commission des finances a donc approuvé les crédits de ce programme « environnement et prospective de la politique de défense » ainsi que ceux de l'ensemble de la mission « défense », et vous invite, chers collègues, à faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la commission des finances pour la préparation et l'emploi des forces, pour le soutien de la politique de la défense et pour l'équipement des forces - Pour la quatrième année consécutive, la loi de finances respecte strictement la loi de programmation militaire. Cet effort, voulu par le Président de la République et déployé sous votre autorité, Madame la ministre, est exceptionnel par son ampleur et sa continuité.

Ainsi, depuis 2002, malgré une faible croissance et en dépit de la difficulté à maîtriser les déficits publics, la France confirme sa détermination à moderniser ses outils de défense. Rares sont les pays qui ont fait un tel choix. En Europe, seuls les Britanniques soutiennent un effort comparable.

C'est dans ce contexte que certains reprennent des interrogations anciennes et, pour la plupart, faussement naïves, sur le budget de la défense : faut-il maintenir cette priorité alors que les ressources financières de l'Etat sont très limitées ? Ne peut-on pas faire à moindre frais ? En bref, pourquoi la défense devrait-elle être exemptée des efforts demandés aux autres ministères ?

Cette vision des choses ne correspond pas à la réalité. Loin d'être pléthoriques, les crédits certes importants du ministère de la défense sont strictement nécessaires au regard des objectifs affichés. En outre, le ministère participe activement aux efforts d'optimisation de la dépense et, même s'il reste encore beaucoup à faire, il a entrepris des réformes de structure qui ont déjà dégagé d'importants gains de productivité - et continueront de le faire.

Placé sous l'autorité du CEMA et doté de 20,9 milliards, le programme « préparation et emploi des forces » est, par son ampleur, le deuxième des 132 programmes de l'Etat. Il n'en faut pas plus pour que certains s'imaginent qu'il recèlerait en son sein d'importantes marges de manœuvre. Un examen plus attentif démontre qu'il n'en est rien et il faut au contraire souligner la forte contrainte qui pèse sur lui, cela sous au moins six points de vue.

D'abord, on observe que la construction budgétaire elle-même suppose que les effectifs civils et militaires du ministère ne correspondent qu'à une partie seulement de ce qu'ils devraient être selon la loi de programmation militaire, soit environ 97 %. Ainsi, depuis plusieurs années, on observe une adaptation des crédits de personnel au sous-effectif récurrent et cela semble paradoxal au moment où il apparaît essentiel de disposer de la ressource humaine nécessaire pour rester présent sur les théâtres d'opérations. En 2006, l'effectif budgétaire sera inférieur de 2 913 postes aux 443 242 postes inscrits dans la programmation

Deuxième contrainte : le ministère a demandé aux trois armées une baisse de leurs moyens de fonctionnement courant : de 3,5 % pour l'armée de l'air - soit l'équivalent du fonctionnement de trois bases - et pour l'armée de terre - soit l'équivalent de huit jours d'activité - et de 2,5 % pour la marine.

Autre contrainte, et non des moindres, le renchérissement du cours du pétrole. Pour finir 2005, la marine a déjà dû puiser 35 000 tonnes dans ses réserves et l'armée de l'air avait déjà consommé au 31 août 160 des 163 millions alloués pour l'année. A degré d'activité équivalent, les 358 millions inscrits dans le PLF pour 2006 suffiraient... à condition que le prix du baril chute de 28% ! On imagine la probabilité d'une telle hypothèse.

Quatrième contrainte, les besoins pour l'entretien programmé du matériel sont en très forte croissance. Le matériel ancien arrivant en fin de cycle présente un coût d'entretien renchéri par le prix des pièces de rechange et la position de monopole de certains prestataires. Quant au matériel neuf, de par sa haute technicité, il a également un coût élevé de maintenance : une heure de vol d'un hélicoptère Tigre coûte 7 500 euros, contre seulement 700 pour une Gazelle. Les conséquences de la gestion 1997-2002 ont un prix que les armées n'ont pas fini de payer ! A force de tergiversations techniques et de régulation budgétaire, nos armées doivent aujourd'hui entretenir un matériel vieillissant, souvent à la limite de la rupture, et financer la livraison trop longtemps différée des nouveaux équipements.

L'activité des forces est en baisse constante et l'armée de terre peine à atteindre l'objectif des 100 jours de sortie sur le terrain. Des choix sont désormais opérés pour garantir la sécurité des hommes. Bien entendu, les domaines phares conservent leur niveau d'excellence et les forces françaises peuvent toujours soutenir la comparaison à l'échelle internationale.

Enfin, le coût des opérations extérieures dépasse régulièrement 600 millions. Le ministère a considérablement progressé dans leur budgétisation : de 24 millions inscrits en 2004, on est passé à 100 millions en 2005, 250 millions étant inscrits dans le présent projet. Cependant, en raison de leur nature imprévisible - et on l'a encore constaté avec l'intervention humanitaire française au Pakistan -, les OPEX restent une source de contraintes supplémentaires, puisque le ministère les pré-finance et que l'ouverture de crédits complémentaires entraîne des reports venant déstabiliser l'exécution budgétaire.

S'agissant du programme « équipement des forces », la dotation de 15,2 milliards est conforme à la loi de programmation et traduit l'arrivée à maturité de nombreux programmes : l'avion de chasse Rafale, l'avion de transport A400M, les frégates FREMM, les hélicoptères Tigre et NH90. Toutefois, dans la réalité de l'exécution budgétaire, ces dotations initiales seront atténuées par le volume important des reports : 1,5 milliard de 2003 à 2004 et jusqu'à 2,77 milliards de 2004 à 2005. Bien entendu ces reports ne sont d'aucune façon dus à une éventuelle incapacité à consommer les crédits. Non seulement, au 30 juin de cette année, 47,81 % des crédits avaient déjà été consommés, mais les reports de charges et les intérêts moratoires issus des impayés connaissent une forte hausse : les premiers sont passés de 2,12 milliards en 2003 à 3,05 milliards en 2004. Quant aux intérêts moratoires versés au titre des impayés de 2005, la Cour des comptes craint qu'ils ne soient triples de ceux versés en 2003. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) La cause principale des reports est à rechercher dans la définition par le ministère des finances d'une norme de dépense en cours d'exercice budgétaire, ce qui aboutit à bloquer la dépense en cours d'exécution et à la reporter sur les exercices suivants. Il y a là une difficulté majeure, puisque l'article 15 de la LOLF limite les reports de crédits à 3 %, soit 445 millions pour la défense. Aussi, cette règle de bonne gestion comme le respect de la loi de programmation exige que soit rapidement résolue la question des reports et de leur résorption. Des discussions sont en cours entre les ministères des finances et de la défense, car la situation n'est satisfaisante pour personne. Il faut absolument parvenir à un résultat d'ici à 2007 : il en va de la crédibilité de l'action gouvernementale, comme de la responsabilité du Parlement qui a voté la loi de programmation militaire.

M. Pierre Lellouche - Absolument ! Le Parlement ne prend pas ses ordres de Bercy.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial - Quelques mots sur la mise en place de la LOLF et sur la réforme du ministère. A l'évidence, la réforme budgétaire est loin d'être achevée et la définition des programmes de la mission défense donne lieu à bien des interrogations, leur périmètre et leur volume suscitant des critiques. Je pense en particulier aux programmes « préparation et emploi des forces » - doté de 20,9 milliards - et « équipement des forces », doté de 10,6 milliards. La nomenclature retenue n'est pas la plus satisfaisante, en particulier pour le Parlement, même si le ministère a tenu compte de plusieurs des observations formulées par la mission Bouvard sur la mise en oeuvre de la LOLF - c'est ainsi que de nombreux indicateurs de performance ont pu être améliorés. Doit-on pour autant modifier dès à présent la nomenclature alors que la loi organique commence juste d'être appliquée ? Cela semble prématuré et il serait de bien meilleure méthode d'évaluer d'abord la pertinence des nombreuses réformes structurelles en cours au ministère.

N'oublions pas que la professionnalisation des armées a été décidée par le Président de la République en 1996 et qu'elle constitue une évolution d'une ampleur à ce jour inégalée par les administrations civiles. La restructuration de notre industrie de défense - DCN et GIAT -, est aussi à mettre à l'actif de l'actuelle majorité. Aujourd'hui, sous votre autorité, Madame la ministre, sont également conduites des réformes lourdes dans le fonctionnement de votre département ministériel. Je pense au décret récent donnant autorité au CEMA sur les autres chefs d'état-major, aux actions entreprises au titre de la stratégie ministérielle de réforme et à la réforme de la DCA.

Depuis 2003, d'importantes économies ont aussi été réalisées, grâce à la création d'un économat unique, d'un service d'infrastructure unifié, d'un commissariat unique et du groupement des archives. Il convient aussi de saluer la montée en puissance de la direction des réseaux interarmées et des systèmes d'information, la réorganisation de la fonction achat et l'externalisation de la gestion du parc automobile, lesquelles permettent de tabler sur une économie de l'ordre de 23 millions dès l'année prochaine. Bien entendu, il faudra aller encore plus loin dans les années à venir, qu'il s'agisse des fonctions de soutien, de communication ou de commandement. Il faut cependant comprendre que ces gains de productivité ne s'obtiennent pas du jour au lendemain et procèdent de réformes de structure très progressives.

Après avoir souligné les lourdes contraintes de gestion et les efforts accomplis pour réformer le ministère, je veux m'attacher à une mise en perspective tendant à relativiser des chiffres - que hors contexte - certains peuvent juger exorbitants. D'abord, l'effort consenti par les Britanniques reste sensiblement supérieur au nôtre...

M. Jean Michel - De dix milliards !

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial - Ensuite, l'effort engagé depuis 2003 ne permet que de compenser une partie du retard pris entre 1997 et 2002. Enfin, loin d'être pharaonique, le modèle d'armée 2015 qui sous-tend la loi de programmation 2003-2008 correspond à la stricte suffisance en matière de format des forces, d'équipement et de contrats opérationnels. Au cours des dernières semaines, l'âpreté du débat budgétaire, les joutes et autres rivalités politiques ont fait courir le risque d'une diminution des crédits opérée à l'aveugle. Si une telle démarche aboutissait, dans le contexte contraint que j'ai décrit, cela entamerait - y compris sur la scène internationale - la crédibilité du redressement engagé sous l'impulsion du Président de la République, au moment précis où nous entendons jouer un rôle majeur dans la construction de l'Europe de la défense et où notre statut de puissance nucléaire demeure plus que jamais indispensable face à l'émergence de puissances régionales menaçantes.

L'examen annuel de la loi de finances est un principe démocratique fondamental. Or, le crédit de nos armées, la modernisation de leurs équipements et la restructuration de leur format s'inscrivent par définition dans le long terme. La difficulté propre des crédits de la mission « défense » est de concilier ces deux exigences. Aussi, afin d'éviter tout dérapage, il est indispensable que le ministère poursuive son effort de réforme en y associant davantage le Parlement, tant sa commission de la défense que celle des finances. Et puisque chacun convient que le coup de rabot est souvent intempestif, engageons ensemble des audits approfondis permettant de prendre des décisions efficaces et mûrement réfléchies. C'est le meilleur moyen de sortir des rôles convenus et des divisions dans lesquels nous nous complaisons parfois.

Ma conviction, au regard de la situation internationale comme de l'engagement de nos troupes sur de nombreux théâtres d'opération, c'est que le budget de la défense doit faire l'objet d'un consensus national.(« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour l'environnement et la prospective de la politique de défense - Une fois encore, c'est dans un contexte international très incertain que nous examinons les crédits de notre défense, et j'identifie dans mon rapport trois sujets de préoccupation majeure pour la sécurité et la stabilité internationales : le terrorisme international, la prolifération nucléaire et la persistance de foyers de tensions ponctuelles posant la question des stratégies de sortie de crise.

La première des menaces, le terrorisme international, représente un facteur de fragilisation des Etats extrêmement préoccupant. Les attentats de Londres, au mois de juillet, ont confirmé la vulnérabilité de nos pays face au terrorisme international. Dans les démocraties occidentales, les actes terroristes posent la question du point d'équilibre à trouver entre le respect des droits fondamentaux de l'individu et l'impératif d'efficacité ; dans les Etats non démocratiques, ils compromettent la pérennité de l'Etat lui-même : on le voit en Irak et, un jour peut-être le constatera-t-on en Arabie Saoudite, minée de l'intérieur par une violence terroriste pouvant être nourrie par les djihadistes partis combattre en Irak.

La prolifération nucléaire est, avec le terrorisme international, la menace la plus préoccupante pour notre sécurité. Dans mon rapport précédent, je m'étais inquiété des fortes turbulences que subit le régime international de la non-prolifération. Le même constat s'impose cette année, même si les dernières évolutions du dossier nord-coréen incitent à nuancer l'analyse. Un accord est en effet intervenu à Pékin, le 19 septembre 2005, entre la Corée du Nord et les cinq pays qui tentaient depuis trois ans de convaincre Pyongyang de renoncer aux armes nucléaires. Mais la plupart des commentateurs considèrent que ce texte est une solution en trompe-l'œil, un accord bancal. Il est trop tôt pour en juger, tant la solution au problème de la Corée du Nord dépend du facteur chinois.

Le cas de l'Iran me paraît beaucoup plus lourd d'incertitudes, car l'évolution de la situation politique interne à la suite des élections présidentielles rend difficile tout pronostic. Comment va se traduire l'alliance du populisme et de l'islamisme conservateur dans un Iran conforté par la déliquescence de l'Irak et par la montée en puissance concomitante des Chiites dans ce pays ? Les paroles inadmissibles du nouveau Président iranien sur Israël - « Israël doit être rayé de la carte », a-t-il déclaré le 26 octobre 2005 - préjugent-elles d'une radicalisation du régime ? A ce stade, rien n'incite à l'optimisme.

Troisième sujet de préoccupation : l'existence de nombreux foyers de crise, qui peuvent aller jusqu'à menacer la pérennité de l'Etat, comme c'est le cas au Soudan. Face à ces crises, la communauté internationale est quelque peu embarrassée par leur caractère chaque fois spécifique et elle peine à définir des modes d'intervention adaptés. Pour l'heure, là où elle intervient, on assiste bien souvent à une pérennisation de son engagement sur le terrain, comme c'est le cas au Kosovo, en Bosnie ou en Afghanistan.

Une crise me semble à cet égard particulièrement préoccupante, dans la mesure où le temps joue contre la paix : celle de la Côte d'Ivoire, où le report des élections présidentielles pose la question de la poursuite du laborieux processus politique, d'autant qu'une autre échéance électorale se dessine avec la fin de l'actuelle législature le 11 décembre prochain. Or, rien n'est à ce jour prévu pour renouveler un Parlement sans légitimité après cette date.

Dans ce contexte d'incertitude stratégique, les acteurs de la sécurité et de la stabilité internationales peinent à définir des réponses adaptées. Aucun des trois acteurs à même d'élaborer des solutions ne semble aujourd'hui en mesure de remplir sa fonction.

Légitime, l'ONU souffre d'un manque d'efficacité que seule une réforme d'ampleur pourrait combler et force est de constater que les résultats du sommet mondial de l'ONU sont décevants, même si le pire scénario - la remise en cause du projet de résolution négocié depuis six mois - a été évité. Les Etats-Unis sont, eux, puissants mais pas suffisamment légitimes pour apporter les solutions adéquates, sans compter qu'ils ne sont pas prêts à mettre en œuvre des stratégies complexes, c'est-à-dire recourant à une palette de moyens variés, non exclusivement militaires. Quant à l'Union européenne, elle est influente mais elle ne se donne pas les moyens de peser suffisamment dans le débat international. A l'heure où elle doit définir un projet alternatif à celui qui a été rejeté le 29 mai dernier, la PESD pourrait utilement contribuer à une Europe des réalisations et des solidarités concrètes, qu'une majorité de Français appelle de ses vœux.

Le chantier principal en la matière est celui de l'accroissement des capacités européennes communes de défense. A budget de défense égal, l'Europe pourrait être bien plus efficace si les membres de l'Union consentaient à coordonner leurs politiques d'équipement militaire. Coordination nécessaire lorsque l'on songe que, sur les deux millions d'hommes et femmes sous les drapeaux en Europe, seulement 70 000 sont mobilisables pour être projetés sur un théâtre d'intervention extérieur. Ces chiffres montrent clairement qu'il est insuffisant d'additionner les efforts nationaux pour constituer une armée européenne.

Il est donc absolument indispensable de rompre avec la priorité accordée aux stratégies nationales en matière de politique d'équipement et de construire une véritable Europe des capacités communes. Le projet de loi de finances pour 2006 montre que cette nécessaire révolution copernicienne n'est pas encore à l'œuvre : il est, à l'instar de la loi de programmation dans lequel il s'inscrit, une occasion manquée de faire émerger une Union européenne susceptible de se poser en acteur politique de stature internationale (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Ce projet de budget pour 2006 est-il adapté aux besoins de notre défense en fonction du contexte international que je viens de décrire ? La réponse à cette question est, à mes yeux, triplement négative : vu les conditions d'exécution des budgets pour 2004 et 2005, il ne permettra pas de respecter les prescriptions de la loi de programmation 2003-2008, dont il supporte de toute façon les faiblesses intrinsèques ; il ne permettra pas d'atteindre le format d'armée prévu pour 2015, qui semble d'ores et déjà condamné ; il ne constitue pas une réponse satisfaisante aux ambitions européennes qui devraient être celles de la France en matière de défense.

Certes, il respecte globalement la loi de programmation militaire et porte l'effort de la nation en faveur de sa défense à 2,17 % du produit intérieur brut. Etabli à 47 milliards d'euros, en augmentation de 3,4 % en valeur et de 1,8 % en volume, il place notre pays en bonne position internationale, juste derrière le Royaume-Uni, pays européen de l'OTAN qui consacre le plus de crédits à ses dépenses de défense, notamment de fonctionnement. Si l'on considère les seules dépenses en capital, la France passe même devant le Royaume-Uni, puisqu'elle consacre cette année 0,66 % de sa richesse à l'équipement de ses armées, contre 0,57 % pour son voisin britannique, 0,26 % pour l'Allemagne et 1,02 % pour les Etats-Unis.

Dans un contexte budgétaire national difficile, l'effort mériterait d'être salué. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Je me prêterais volontiers à cet exercice si j'avais la conviction que les sacrifices consentis pour la défense sont adaptés aux objectifs. Tel n'est pas le cas.

Lors de son audition devant la commission de la défense, le 11 octobre, le chef d'état-major des armées a souligné que « les retards pris sur certains programmes risquaient de poser des problèmes », citant à ce propos le Rafale, et la version navale de l'hélicoptère NH 90, et indiquant que, à la fin de la loi de programmation militaire, seuls vingt-huit hélicoptères Tigre seront livrés sur les trente-trois prévus. Ces éléments mettent à l'évidence en cause la sincérité de la loi de programmation, sincérité dont vous avez vous-même reconnu devant la commission des finances du Sénat, Madame la ministre, qu'elle devait être renforcée. Il apparaît aujourd'hui que, s'agissant des programmes déjà engagés, le sous-calibrage des crédits s'élève, pour les années 2006 à 2008, à plus de 2 milliards d'euros.

Dans le même temps, nous persistons à consacrer toujours davantage de crédits à la dissuasion nucléaire : 13,4 % de plus en 2006 pour les autorisations d'engagement et 5,53 % pour les crédits de paiement. Ce sont ainsi 21,5 % des crédits d'équipement du ministère de la défense qui seront consacrés à l'arme nucléaire dans le projet de budget pour 2006, contre 20,9 % en 2005.

On peut se demander si cette focalisation sur la dissuasion est justifiée quand le développement du terrorisme international appelle un accroissement des moyens de prévention - notamment par le renseignement - et quand les aspirations de certains Etats à la maîtrise de l'arme nucléaire devraient également nous conduire à améliorer nos capacités de renseignement.

Le modèle d'armée 2015 reste officiellement la cible à atteindre. En réalité, en dépit de la chape de silence qui pèse sur le sujet, chacun sait que ce format ne sera jamais atteint en 2015 et qu'il serait plus juste de parler d'un modèle d'armée 2025. Pour le réaliser, il manquerait aujourd'hui, selon les projections, entre 40 et 70 milliards d'euros. Pour l'atteindre en 2020, soit déjà avec pratiquement une programmation de retard, les crédits d'investissement annuels nécessaires ont été évalués à environ 22 milliards d'euros, soit par rapport à l'enveloppe annuelle actuelle, qui n'est déjà pas respectée, une augmentation de pratiquement 50 %. C'est dire combien cette hypothèse est peu crédible.

Dans le cadre de la prochaine loi de programmation, nous devrons donc inscrire nos choix de défense dans une perspective européenne, quitte à revenir sur des choix antérieurs et à redéfinir un modèle d'armée nouveau. Cela impliquera des décisions douloureuses. De toute façon, les progrès de la PESD ne feront que rendre décalé et inadapté l'exercice actuel que constitue la préparation d'une loi de programmation militaire dans un cadre strictement national.

Pour l'heure, se donner les moyens de nos ambitions européennes passe par le lancement en priorité de deux initiatives.

La première devrait être de développer les moyens et la coordination en matière de recherche. Si l'on se fie aux chiffres globaux, la France n'a pas à rougir de son effort en matière de recherche de défense par rapport à ses partenaires européens. Elle occupe ainsi la première place en matière de recherche et technologie, devant le Royaume-Uni, ayant même, en 2003, dépensé 81 % de plus que son voisin britannique. Mais ce constat doit être relativisé, car cette supériorité est exclusivement due à la recherche liée à la dissuasion et au BCRD. Hors nucléaire, notre effort tombe largement en dessous de l'effort britannique.

Le deuxième projet structurant devrait consister à accroître et accélérer les programmes liés au spatial militaire. Si l'Europe est une puissance spatiale civile, l'approche européenne de l'espace comme enjeu de sécurité est encore très peu développée. Tout au contraire, le spatial militaire est un thème majeur aux Etats-Unis depuis cinquante ans et il connaît une actualité renouvelée avec les projets de défense antimissile et le concept d'Information Dominance. Il faut être lucide : l'Europe restera un nain stratégique aussi longtemps qu'elle n'aura pas acquis une crédibilité en matière spatiale.

En conclusion, je considère qu'en dépit de ce qu'on veut afficher, le projet de loi de finances pour 2006 révèle une fois encore que ni les mutations de l'environnement stratégique, ni les conséquences véritables de l'engagement en faveur de la construction d'une défense européenne n'ont été pleinement prises en compte. Sans compter que la « sanctuarisation » proclamée des crédits de la défense n'est plus de mise, comme le montre le taux historiquement faible de consommation des crédits d'équipement militaire en 2004.

J'ai donc invité la commission des affaires étrangères à donner un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « environnement et prospective de défense » de la mission « défense » dont nous étions saisis. Elle ne m'a pas suivi et a au contraire donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Charles Cova - C'est plus un rapport Quilès qu'un rapport au nom de la commission !

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l'environnement et la prospective de la politique de défense - Après avoir entendu M. Quilès, je vais commencer par ce qui devait être ma conclusion en félicitant le Gouvernement pour l'effort important dont bénéficie ce budget. Il s'agit d'un acte politique fort, non seulement en direction des personnels mais aussi de nos partenaires européens, dont nous ne percevons pas toujours la volonté de donner à l'Europe les moyens de ses ambitions face aux nouvelles menaces internationales.

Au-delà de la nouveauté que constitue la présentation de la mission « défense » dans le cadre de la LOLF, le programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » constitue un objet budgétaire vraiment particulier, tant il assemble des éléments que l'on pourrait qualifier d'hétéroclites - il ne comprend pas moins de six actions. C'est aussi le moins important en termes de moyens puisqu'il représente seulement 4,5 % du total des crédits de paiement prévus. Placé sous la responsabilité du directeur chargé des affaires stratégiques, il donne toutefois l'impression d'avoir été correctement doté.

Le projet de loi de finances pour 2006 porte la marque d'un intérêt réaffirmé pour la recherche et s'inscrit dans la durée : en 2003, les crédits votés au titre des études amont représentaient près de 432 millions d'euros, ils s'élèvent à 601 millions pour 2006 et devraient atteindre 700 millions en 2008. Cet objectif politique est parfaitement honorable mais 50 millions d'euros supplémentaires seraient nécessaires pour atteindre l'annuité moyenne de 647 millions inscrite en loi de programmation.

En matière spatiale, la recherche permet de compenser partiellement les lacunes capacitaires : les crédits de paiement des études amont progressent ainsi de 13,3 %. Je souhaite cependant souligner avec force l'urgente nécessité d'un soutien déterminé aux entreprises opérant dans le secteur des satellites : sans commandes suffisantes, elles ne pourront faire jeu égal avec leurs concurrentes américaines. Je ne peux d'ailleurs que saluer ici le travail des ingénieurs et des techniciens qui ont assuré la mise en orbite du satellite Syracuse.

Les études amont constituent de loin la principale masse de crédits - 498,8 millions d'euros en crédits de paiement - et la politique active de démonstrateurs technologiques se poursuit.

Dans ce domaine aussi, M. Quilès avait raison de le rappeler, l'avenir est européen. Des programmes fédérateurs peuvent être envisagés, notamment en aérobotique : le projet de drone Euromale pourrait ainsi être confié à l'Agence européenne de défense. Il n'est pas interdit d'être plus ambitieux en ce domaine comme dans le domaine spatial, où il serait indispensable de préparer la relève du système Hélios.

L'action 3, « recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France », concerne la DGSE et la direction de la protection et de la sécurité de défense, services présentant des différences marquées aussi bien pour ce qui est de leur poids budgétaire que s'agissant de leur périmètre d'action. La création de vingt postes, répondant aux besoins en matière d'analyse et de cryptographie, et la progression des crédits de rémunération, qui permettra de combler le décalage entre effectifs théoriques et effectifs réels, sont légitimes si l'on considère le rôle de la DGSE dans la libération de nos otages en Irak. En revanche, pour la DPSD, la masse salariale prévue a été établie sur la base d'un effectif moyen réalisé de 1 290, alors que les effectifs réellement affectés au sein de cette direction sont de 1 352.

La progression des investissements atteint 14 %. Les 122,96 millions d'euros en crédits de paiement concernent pour l'essentiel la DGSE et sont destinés à financer les priorités d'équipement liées au recueil du renseignement d'origine technique, à la cryptographie et à la gestion des flux massifs d'information, concourant ainsi à la lutte anti-terroriste et aux échanges avec nos partenaires.

Les actions « analyse stratégique » et « prospective des systèmes de forces » présentent pour leur part des points communs : un poids budgétaire limité, la concentration de personnels de haut niveau, une production intellectuelle et l'association d'acteurs tels que la DGA, l'EMA, la DAS.

Le Parlement, grâce à la LOLF, doit désormais s'intéresser à l'utilisation des crédits en termes de performance. Il pourrait donc être utile de se pencher sur les conclusions des études commandées par la DAS. La prospective de défense devient ainsi une responsabilité partagée. Afin que le Parlement fasse valoir son droit de regard sur les grands choix qui concernent la défense, il sera indispensable d'engager une réflexion avec le ministère de la défense pour le suivi et l'évaluation de la gestion du programme 144.

Je vous invite, mes chers collègues, à adopter avec enthousiasme et lucidité les crédits du programme 144 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Antoine Carré, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la préparation et l'emploi des forces - Pour la quatrième année consécutive, ces crédits sont conformes à la loi de programmation militaire, malgré un contexte économique difficile. Cependant, l'examen de ce projet de loi de finances pour 2006 est, à bien des égards, placé sous le signe de la novation. L'absence de loi de règlement rend certes les comparaisons malaisées pour le moment, mais la LOLF substitue la logique de résultat à la logique de moyens. La réforme implique d'autre part de nombreux changements de périmètres : désormais, la gestion des personnels relève de la responsabilité de chaque état-major, ce qui est diversement apprécié puisque la contrainte budgétaire peut mener, à terme, à la limitation des effectifs de certains personnels civils.

Le programme 178 « préparation et emploi des forces », placé sous la responsabilité du chef d'état-major des armées - dont il consacre le rôle central -, absorbe près de la moitié des crédits et les deux tiers des ressources humaines du ministère.

L'examen des crédits de la première action, dotée de 865 millions d'euros, permet de souligner les activités de l'état-major des armées dans le domaine du commandement interarmées et interalliés, domaine dans lequel la France occupe une place importante, par sa participation tant à l'état-major européen qu'à la Nato Response Force.

L'action « logistique interarmées », dotée de 1 152 millions d'euros, recouvre les activités du service de santé et du service des essences. Ces activités s'affirment indispensables et le SSA en particulier participe aux plans d'urgence sanitaire nationaux et internationaux. Toutefois, je souhaite appeler votre attention sur les problèmes d'effectifs qu'il rencontre, problèmes dus en partie aux conséquences de la professionnalisation. Malgré les réformes entreprises, s'agissant des médecins d'active, l'écart entre les droits ouverts et les droits réalisés, était, au 1er juillet, de 22 % pour la gendarmerie, de 19 % pour l'armée de l'air, de 16 % pour la marine et de 16 % pour l'armée de terre. Pour ce qui concerne les personnels civils, le déficit devrait être de 360 personnes.

Le service des essences des armées, pour sa part, assume l'ensemble de la logistique pétrolière pour les armées - à l'exception de la marine - remplissant aussi un rôle d'expertise. A ce titre, il participe au comité des risques mis en place pour assurer une couverture pétrolière en période de crise. Je m'interroge à ce propos sur l'hypothèse d'évolution du coût du baril retenue, qui semble bien optimiste : certains états-majors ayant fondé leurs prévisions de consommation sur l'hypothèse d'un baril à 60 dollars avec un dollar à 1,23 euro, les dotations seront-elles suffisantes ? Par ailleurs, la reconstitution du stock OPEX s'effectue à un rythme qui gagnerait à être accéléré.

Enfin, l'action « Surcoûts liés aux opérations extérieures », consacre une heureuse avancée dans la prévision des dépenses. Les dépenses supplémentaires occasionnées par le déploiement de 11 000 hommes, qui devraient être de 550 millions d'euros, seront ainsi entièrement financées par le décret d'avance publié à la fin du mois de septembre. Pour 2006, le projet de loi de finances initiale inscrit 250 millions d'euros à ce titre, ce qui constitue un progrès indéniable.

Ce budget, qui nous a semblé satisfaisant, a été adopté par la commission de la défense nationale et des forces armées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la préparation et l'emploi des forces : air - Du fait de la nouvelle architecture budgétaire, l'essentiel des crédits de l'armée de l'air se trouve dans le programme « préparation et emploi des forces », avec 4 908 millions d'euros destinés au fonctionnement des forces, et dans le programme « équipement des forces », avec 2 439 millions d'euros consacrés à la modernisation des matériels.

Dans l'ensemble, ce projet de loi de finances pour 2006 répond aux besoins de l'armée de l'air.

S'agissant du fonctionnement des forces, le niveau des effectifs reste stable : au sein du programme 178, sont inscrits 65 488 personnels civils et militaires, contre 65 684 en 2005, à périmètre identique. Toutefois, comme l'année précédente, l'armée de l'air enregistre en 2005 un sous-effectif global d'environ 4,5 % par rapport à ses effectifs budgétaires car elle a exclu tout dépassement du montant autorisé pour sa masse salariale.

En revanche, il est à craindre que la dotation en carburants, dont dépend pour partie le volume d'activité de nos forces et la qualité de leur entraînement, devra, comme chaque année depuis 2003, être abondée en cours d'année. En effet, son augmentation en 2006 - elle atteint 186,3 millions - ne permettra pas de couvrir la hausse du prix du carburant.

Concernant l'entretien des matériels, l'effort budgétaire engagé depuis 2002 est poursuivi en 2006. La SIMMAD, organisme interarmées chargé de l'entretien de tous les matériels aériens, est parvenue à améliorer la gestion de la maintenance : la disponibilité des aéronefs est passée de 54,2 % en 2000 à 63 % en 2004. Pour autant, la progression continue de la disponibilité des équipements connaît une pause en raison des lourdes contraintes financières pesant sur la SIMMAD. Par conséquent, il importe de veiller à la bonne exécution des crédits qui lui sont alloués, afin de lui permettre d'assainir sa situation financière.

S'agissant des équipements aériens, l'année 2006 sera marquée par l'entrée en service du premier escadron d'avions Rafale au standard F2 et la livraison de missiles Mica et Scalp EG, et d'armements AASM - Armement Air/Sol Modulaire. Par ailleurs, la mise en service d'un avion à très long rayon d'action - la livraison du deuxième exemplaire est prévue au début de 2007 - renforcera utilement la flotte de transport de l'armée de l'air. En effet, cette dernière se trouve dans une situation difficile en raison du retrait de deux DC 8 en 2004 et de celui des premiers appareils Transall cette année, alors que l'entrée en service de l'A 400 M n'est prévue que pour 2009. Quant aux drones, la livraison du système intérimaire de drone Male a été repoussée à avril 2006 alors que ce système devait prendre la relève des drones Hunter retirés en septembre 2004. Cela entraîne une réduction de capacités fort regrettable.

Enfin, je tiens à saluer les multiples réformes que l'armée de l'air a entreprises. Dans le cadre du projet Air 2010, elle a simplifié ses structures de commandement pour mieux les adapter aux caractères de plus en plus interarmées et international des opérations. De plus, elle a relevé cette année un véritable défi en prenant la direction pour six mois de la composante aérienne de la Nato Response Force 5. Par ailleurs, elle participe pleinement à la construction de la défense européenne comme en témoignent la mise en place de l'école de formation de pilotes de chasse franco-belges et la conclusion d'accords en matière de sûreté aérienne avec nos pays voisins. En sus, elle prend une part active aux opérations extérieures de la France : opération Serpentaire en Afghanistan et opérations humanitaires en Indonésie, au Pakistan et en Louisiane.

Pour conclure, j'invite l'Assemblée à voter ces crédits auxquels la commission de la défense a donné un avis favorable (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Vitel, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la préparation et l'emploi des forces : marine - « La marine se trouve maintenant au premier plan de la puissance guerrière de la France et ce sera, dans l'avenir, tous les jours un peu plus vrai ». Cette phrase, prononcée par le général de Gaulle à l'occasion de la mise à l'eau du premier sous-marin nucléaire stratégique français, Le Redoutable, reste d'une actualité incontestable. Ajoutons que la marine française participe également à la protection et à la surveillance de nos côtes, à la défense de notre environnement marin et au sauvetage en mer de vies humaines. Son apport à la défense de notre pays, au sens le plus global du terme, justifie l'utilité des investissements que la nation lui consacre.

Bien que la LOLF ait profondément modifié l'architecture du projet de loi de finances, notre commission a décidé avec sagesse de maintenir des avis budgétaires par armée. Cette intervention sera pour moi l'occasion de faire entendre les voix des marins que j'ai rencontrés à Toulon et à Brest.

En 2006, la marine bénéficie des crédits dont elle a besoin : dotation de 4,44 milliards à l'action « préparation des forces navales » et de 2,41 milliards à l'action « équipement des forces navales ». Seule inquiétude : l'enveloppe destinée aux carburants, compte tenu du renchérissement probable des prix du pétrole.

Concernant les ressources humaines, la marine disposera en 2006 d'un effectif total de 41 654 militaires et de 8 958 civils, ce qui signifie un sous-effectif militaire cantonné à 1 % - qui s'explique notamment par les carences rencontrées dans certaines spécialités, atomiciens et marins-pompiers - et un déficit en personnels civils de 7 % qui affecte directement le soutien. La fidélisation des personnels est donc plus que jamais essentielle. Ce budget prévoit plus de 6 millions pour la condition militaire. Pourquoi ne pas préférer les mesures indiciaires aux primes, que les personnels jugent discriminatoires et de nature à compromettre la cohésion des équipages ? Ajoutons que l'amélioration des conditions de logement et un meilleur accompagnement social - je pense spécialement à la garde des jeunes enfants - sont également attendus.

Malgré un plan d'investissement important, les infrastructures restent encore souvent les premières victimes des mesures de régulation budgétaire, comme en témoignent certaines grues vétustes ou les pontons dégradés des bases navales. S'agissant des matériels, les commandes en 2006 du second porte-avions, du premier sous-marin Barracuda ou encore du missile de croisière naval conjuguées à la signature prochaine du contrat des huit premières frégates européennes multimissions - FREMM - concrétisent la modernisation annoncée et tant attendue de notre flotte. Cependant, les marins s'inquiètent que deux FREMM soient consacrées à la lutte antiaérienne au lieu de deux frégates Horizon et que l'escadrille des Barracuda soit réduite pour des raisons de coûts.

Ce budget prévoit une revalorisation de 7 % des crédits de paiement en faveur du maintien en condition opérationnelle des bâtiments et des aéronefs de la marine. L'effort, jamais relâché depuis 2002, a porté ses fruits - la disponibilité technique globale avoisine aujourd'hui 70 % -, notamment grâce à la Direction des constructions navales dont nous saluons le rapide redressement financier et commercial. Néanmoins se pose toujours la question de son avenir et de son rapprochement avec Thales que vous souhaitiez, Madame la ministre, mener à terme cet automne. Quelles sont les perspectives actuelles, y compris européennes ?

La commission de la défense a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Préparation et emploi des forces » consacré à la marine, qu'elle vous invite à voter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Joël Hart, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la préparation et l'emploi des forces : forces terrestres - Compte tenu de l'application pour la première année de la LOLF, la comparaison entre les crédits alloués à l'armée de terre dans les budgets 2005 et 2006 se révèle particulièrement difficile. Par exemple, les dépenses d'effectifs de l'armée de terre ont été scindées entre différents programmes : 93 % d'entre eux sont pris en compte au sein du programme 178 « préparation et emploi des forces », les autres éléments étant comptabilisés ailleurs.

En fonctionnement, la masse financière pour la préparation des forces terrestres s'élèvera en 2006 à 7 500 millions : 4 650 au titre des rémunérations et charges sociales et 2 850 pour les pensions. Ce budget alloue à l'armée de terre un niveau de crédits cohérent avec les effectifs et les objectifs de la loi de programmation militaire. En revanche, les crédits de fonctionnement courant diminuent de 15 millions, malgré l'augmentation du prix des carburants. Le principal poste sur lequel pourront porter les économies sera donc celui du chauffage.

Au total, 3 100 millions de crédits d'équipement, répartis entre plusieurs programmes, sont consacrés à l'équipement des forces terrestres. Cette somme est légèrement inférieure à l'annuité inscrite en loi de programmation militaire, fixée à 3 300 millions d'euros. Ce décrochage explique la réduction progressive du parc d'hélicoptères Gazelle antichars, l'abandon de la rénovation des hélicoptères de transports Puma et de l'acquisition de certains engins de franchissement non prévue par la loi de programmation. Enfin, les crédits destinés à l'entretien programmé du matériel seront particulièrement affectés, ce qui risque de réduire encore la disponibilité des parcs de matériels.

Dans un contexte budgétaire difficile, l'entraînement des personnels est une variable déterminante. L'absence d'actualisation des coûts de fonctionnement ainsi que la nécessité de réaliser 3,5 % d'économies budgétaires par rapport à 2005 ont conduit le chef d'état-major de l'armée de terre à aligner les prévisions d'entraînement sur l'activité enregistrée en 2005 : 96 jours au lieu des 100 prévus par la loi de programmation. Compte tenu des contraintes auxquelles est soumise l'armée de terre, un tel niveau d'activité peut être considéré comme satisfaisant.

En revanche, la situation reste toujours délicate pour l'aviation légère de l'armée de terre, qui n'a pas réussi à faire voler ses équipages plus de 147 heures en 2004 alors que le seuil de sécurité est de 150 heures par an et que l'objectif a été fixé par la loi de programmation à 180. Le vieillissement des hélicoptères constitue le principal frein à l'entraînement : proche de 70 % en 2000-2002, la disponibilité des appareils est désormais inférieure à 60 %.

La disponibilité de ses moyens aériens va rapidement devenir un des principaux défis que l'armée de terre aura à relever au cours des prochaines années. L'école de pilotage franco-allemande du Luc devrait déjà être en possession d'une dizaine d'hélicoptères Tigre mais seuls deux engins avaient été reçus lors de ma visite, l'un d'entre eux étant d'ailleurs déjà immobilisé pour raisons techniques.

La disponibilité des matériels terrestres reste tout aussi préoccupante. La seule bonne nouvelle concerne le blindé léger AMX 10 P, dont les fissures apparues dans le châssis sont en cours de réparation. En revanche, le véhicule léger tout terrain P4, les camions de transport de troupe ou encore le véhicule de transport logistique pâtissent de leur grand âge. Pour une grande partie de ces matériels, la disponibilité oscille entre 58 % et 63 %, sachant que les engins en cours de rénovation ne sont pas pris en compte dans ces statistiques. Or l'armée de terre tenant à ce que les matériels envoyés en opérations extérieures soient disponibles à plus de 90 %, la disponibilité réelle des matériels qui restent dans les régiments est largement inférieure aux chiffres théoriques.

S'agissant du char Leclerc, de nouvelles difficultés sont apparues : les patins en aluminium, qui s'usent trop vite, doivent être remplacés par des patins en acier dont les délais de livraison sont très longs, ce qui immobilise de nombreux blindés. Le fonctionnement des récupérateurs de tir n'est pas satisfaisant, non plus que celui des épiscopes qui présentent un problème d'étanchéité. De l'aveu même du chef d'état-major de l'armée de terre, la disponibilité du Leclerc, char neuf dont la livraison n'est toujours pas terminée, ne dépasse pas aujourd'hui 40 %.

Sans détailler les opérations extérieures auxquelles participe l'armée de terre, rappelons qu'entre 18 000 et 20 000 de ses soldats sont en permanence stationnés outre-mer ou à l'étranger et que les forces terrestres assurent également des missions de sécurité publique sur le territoire national, comme Vigipirate, la lutte contre les incendies de forêt ou l'aide aux populations victimes de catastrophes naturelles.

Si j'ai pu relever toutes ces difficultés techniques au cours de mes visites dans les régiments, j'ai aussi pu mesurer, Madame la ministre, combien votre action est reconnue et appréciée des militaires. Et même si la vigilance doit rester de mise, en particulier sur la disponibilité de certains matériels qui conditionne directement l'entraînement des forces, le projet de budget pour 2006 respecte globalement les dispositions de la loi de programmation militaire. Compte tenu des contraintes financières de l'Etat, c'est un bon budget pour les forces terrestres. La commission de la défense a donc émis un avis favorable, et vous invite à l'adopter à l'unanimité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Beaulieu, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour le soutien de la politique de la défense - Doté de 3 milliards d'euros, le programme 212 « soutien de la politique de défense » retrace les fonctions transversales du ministère de la défense.

Les actions de « pilotage », de « contrôle » et de « gestion centrale » appellent peu de commentaires car elles ne mobilisent chacune que quelques centaines ou milliers de personnes et des moyens modestes.

L'action relative aux « systèmes d'information, d'administration et de gestion » regroupe tous les systèmes informatiques de la défense. Sa création a conduit le ministère à constituer deux nouvelles directions destinées, l'une à mettre fin à la dispersion des politiques en matière informatique, l'autre à assurer la fonction support de l'ensemble des réseaux de la défense. Les crédits de paiement de cette action s'élèveront à 106 millions d'euros.

Totalisant deux milliards d'euros et mobilisant les deux tiers des ressources, l'action immobilière est la plus lourde du programme. Les deux armes qui disposent du plus grand nombre d'emprises sont l'armée de terre et la gendarmerie, dont les préoccupations sont toutefois diamétralement opposées. Mais je ne traiterai que des forces terrestres, un amendement ayant transféré les crédits de la politique immobilière de la gendarmerie de la mission « défense » à la mission « sécurité ».

Malgré les cessions de biens immobiliers déjà intervenues, l'armée de terre dispose encore de 175 000 hectares de terrain et de 20 millions de m2 de planchers répartis entre 220 garnisons et 1 950 immeubles. Si 650 de ces emprises, soit un tiers du patrimoine total des forces terrestres, pourraient être cédées, une contrainte particulièrement lourde et onéreuse s'impose : la dépollution.

Un décret paru en 2003 assouplit les règles et permet de dépolluer en fonction de l'usage futur du terrain. Le coût de la dépollution étant directement lié à la profondeur des travaux, son ampleur est désormais modulée en fonction des projets de réutilisation des sites. Un autre décret, encore en préparation, permettra bientôt de faire réaliser par des entreprises privées dûment habilitées certains travaux, notamment pyrotechniques, que les armées ne peuvent assumer faute de personnels suffisants. En effet, les personnels du ministère de la défense, comme ceux du ministère de l'intérieur, sont censés intervenir principalement pour des déminages inopinés, et la dépollution systématique des emprises à céder ne fait donc pas partie de leurs attributions. Enfin, un fonds interarmées de dépollution a été créé en 2004 pour prendre en charge les opérations les plus onéreuses ; il est alimenté par une partie des revenus tirés des ventes de biens immobiliers.

Toutefois, les opérations d'infrastructure ne se résument pas à des acquisitions ou à des cessions : les chantiers les plus importants concernent des emprises qui appartiennent depuis longtemps à la défense : reconstruction de l'hôpital militaire Sainte-Anne, à Toulon - 230 millions d'euros ; construction de l'école d'hélicoptères franco-allemande du Luc destinée à former les équipages du Tigre - 87,5 millions ; création du pôle stratégique de Paris grâce à la rénovation de l'infrastructure de commandement stratégique et au renforcement de la sécurité du ministère de la défense - 136 millions ; construction du centre d'entraînement en zone urbaine, à Sissonnes - 75 millions ; ou encore installation du quartier général français de la force de réaction rapide de l'Otan, dans la citadelle de Lille - 45 millions.

Pour en venir à l'action sociale du ministère de la défense, la professionnalisation des armées a conduit au remplacement des appelés, pour la plupart célibataires, par des engagés volontaires et la proportion de chargés de famille a donc notablement augmenté. A cela s'ajoute la croissance impressionnante du nombre de militaires affectés en opérations extérieures depuis une dizaine d'années. L'action sociale est donc devenue un élément essentiel de la condition du personnel.

Sa mise en œuvre repose essentiellement sur l'Institut de gestion sociale des armées, avec lequel est passé un contrat pluriannuel d'objectifs, et qui gère une quarantaine d'établissements de vacances, ainsi que de nombreuses crèches et haltes-garderies. Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006 au titre de l'action sociale s'élèvent à 88 millions d'euros, mais atteignent 165 millions si l'on inclut les dépenses en personnel. Le principal défi ici est donc le suivant : comment réduire les coûts de fonctionnement pour que la plus grande partie des crédits soient consacrée aux prestations et non à la gestion ?

Je souhaiterais enfin insister sur l'intérêt évident de la nouvelle architecture budgétaire, qui nous permet d'avoir une meilleure vision des missions budgétaires dans des domaines comme l'immobilier ou l'action sociale auxquels le Parlement s'intéressait peu jusqu'à présent.

Compte tenu des contraintes financières que connaît notre pays, ce projet budget apparaît cohérent avec les besoins de la défense en général et de son soutien en particulier. La commission de la défense a donc émis un avis favorable à son adoption (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Rivière, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l'équipement des forces - Avant de me prêter à mon tour à un exercice quelque peu convenu, je voudrais, à l'heure où notre pays est confronté à de violents événements, rendre hommage aux forces de l'ordre, qui sont pour moitié de statut militaire. Ceux qui seraient tentés de faire de la défense une simple variable d'ajustement seraient bien inspirés de prendre en considération les efforts immenses demandés aux hommes et aux femmes de nos forces armées. Si nous évoquions l'an dernier Bouaké, où nos forces sont plus que jamais présentes, je voudrais cette année citer l'exemple de Nice. Comme partout ailleurs, les gendarmes mobiles ont été engagés dans la matinée de vendredi dernier dès 7 heures ; ils ont terminé leur service à 3 heures du matin, après les échauffourées de la nuit, pour être ensuite rappelés sur le terrain à 16 heures.

Conservons-leur donc leur statut militaire et continuons ainsi à leur donner les moyens d'exercer leurs missions. A ce titre, je ne peux que regretter l'amendement qui, la semaine dernière, éloignait ces forces de votre tutelle, Madame la ministre de la défense.

J'en viens aux crédits d'équipement des armées, désormais regroupés au sein du programme 146, « équipement des forces », sous l'autorité conjointe du CEMA et du DGA. Ils représentent 29 % des crédits de paiement au sein de la mission défense.

Ce programme se décompose en cinq actions, consacrées à l'équipement de la composante interarmées, à celle des forces terrestres, navales, aériennes, et enfin à la préparation et à la conduite des opérations d'armement.

Le montant de 10,6 milliards d'euros de crédits de paiement qui a été inscrit en loi de finances initiale mérite d'être salué car, pour la quatrième année consécutive, il démontre la volonté du Gouvernement de ne pas transformer ce budget en une variable d'ajustement discrète, mais de donner toute sa priorité à l'équipement des forces armées. En effet, par rapport à 2005 et si l'on tient compte des changements de périmètre résultant de l'application de la LOLF, les autorisations d'engagement augmentent de 2,5 % et les crédits de paiement de 2,3 %. Cela étant, seul l'examen de la loi de règlement pour 2006 permettra une comparaison fondée avec l'exercice. Mais, en l'état actuel, les principales évolutions semblent justifiées.

S'agissant de l'action 1, « équipement de la composante interarmées », les principaux paiements concernent les programmes M51, Syracuse III, ASMP-A et les hélicoptères pour unités spécialisées. L'augmentation des crédits de paiement de l'action 2, « équipement des forces terrestres », résulte notamment des livraisons et des paiements importants, comme la livraison des premiers Tigres, sans oublier l'ALAT. Au titre de l'action 3, « équipement des forces navales », le Rafale bénéficiera de 534,8 millions d'euros et le SNLE-NO n°4 de 389,5 millions. Les principaux postes de l'action 4, « équipement des forces aériennes », sont le Rafale et l'ATF, en pleine phase de production pour le premier et d'industrialisation pour le second. Enfin, la dotation 2006 est, à périmètre constant, en diminution de 4,41 % en crédits de paiement pour l'action 5, « DGA ».

Comme l'année dernière, les intérêts moratoires sont en forte hausse, alors qu'ils représentaient déjà 15 milliards d'euros cette année. C'est le fruit de reports de charge trop nombreux et il me semble bon de rappeler que cette méthode imposée à la Défense ne peut conduire à une bonne gestion des deniers publics quand les taux d'intérêt payés avoisinent 9 %.

Je terminerai en vous faisant part, Madame la ministre, de mon inquiétude concernant l'action 3. Vous avez affecté près d'un milliard d'euros au projet PA2, alors que le Président de la République a choisir de renoncer à la propulsion nucléaire pour notre deuxième porte-avions, en vue de renforcer notre coopération avec les Britanniques. Malheureusement, nos voisins peinent à arrêter leur choix, puisqu'ils ont encore repoussé de six mois la date de commande. Peut-être pourrions-nous alors reporter la moitié des autorisations d'engagement destinées au porte-avion vers les Barracudas, auxquels sont consacrés moins de 200 millions en 2006 ?

S'agissant de la commande des FREMM, je veux croire en l'engagement du Gouvernement italien, mais il me semble que nous ne devons pas nous y soumettre, aussi pourriez-vous nous indiquer à quelle date vous passerez commande, quoi qu'il arrive ?

Ce projet de budget nous permet, aujourd'hui encore, de respecter l'engagement souscrit avec la nation, aussi le voterons-nous avec conviction (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Michel, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l'équipement des forces : espace, communications, dissuasion - D'un point de vue historique, la construction de la force de dissuasion a entretenu des liens très étroits avec l'espace. Ces deux domaines ont également un poids budgétaire important puisque la dissuasion représente 20 % des crédits d'équipement, tandis que les systèmes de communications, de renseignement et de commandement correspondent à 10 % de ces mêmes crédits.

Surtout, il s'agit de véritables enjeux de souveraineté.

Pour ce qui est de la dissuasion, les crédits ont évolué plus rapidement en 2006 que ces dernières années, parce que nous en arrivons à des phases coûteuses des programmes d'armement - tirs d'essai de M51 et d'ASMP-A. L'exercice 2006 marquera un pic en matière nucléaire, avec 21,5 % du titre 5 contre 20,9 % en 2005.

La Force océanique stratégique est la principale composante de la dissuasion nucléaire, tant du point de vue opérationnel que du point de vue budgétaire - un peu plus de la moitié des crédits de paiement sont consacrés à la dissuasion. Cette situation s'explique par l'ampleur du programme de renouvellement de cette composante, mais aussi par la complexité du maintien en condition opérationnelle.

Les dotations accordées à la composante aérienne, beaucoup plus limitées, servent à financer les adaptations spécifiques et l'entretien des appareils des forces aériennes stratégiques d'une part, et le missile ASMP-A et la tête nucléaire d'autre part.

Enfin, 40 % des crédits de la mission Défense relatifs à la dissuasion nucléaire devraient être transférés à la direction des applications militaires du CEA, principalement au titre de la simulation.

Jusqu'à présent, le calendrier et les devis ont été respectés et, techniquement, les spécifications ont été atteintes.

L'ensemble du programme de simulation, véritable défi technologique, est estimé à 5,7 milliards, entre 1996 et 2010, dont un peu plus de la moitié pour le laser mégajoule. C'est le prix de l'indépendance. Les Britanniques ont fait un autre choix, et ils sont maintenant obligés de lever le petit doigt pour demander la permission !

Venons-en maintenant aux systèmes de communications et de commandement, dont la maîtrise impose de disposer d'un système spatial performant et complet. De ce point de vue, l'effort de la France est significatif, et malgré les gains financiers attendus dans le domaine de l'électronique, le poids relatif des systèmes C4ISR devrait se maintenir au niveau actuel.

L'année 2005 a été marquée par l'évolution formelle de deux grands programmes satellitaires. Avec Hélios II, la France dispose du seul système militaire de renseignement optique satellitaire en opération en Europe, et le premier satellite de la série Syracuse a été lancé avec succès le 13 octobre dernier.

Face à la montée de ses concurrents, et pour répondre à ses propres besoins, la France n'est pas restée inactive. Certains programmes satellitaires ont pu être réalisés en coopération - Hélios - mais ce sont surtout des coopérations a posteriori qui sont mises en œuvre, faute d'entente en amont pour l'échange de capacités avec l'Italie et l'Allemagne. Ce système est loin d'être le plus efficace.

Il s'agit désormais de réfléchir avec nos partenaires dès la phase de définition des futurs programmes, afin de combler les nombreuses lacunes capacitaires.

Au-delà du rôle de l'Agence européenne de défense sur ce plan, c'est la question de la décision politique qui ne tardera pas à se poser. La compréhension des enjeux et leur acceptation par l'opinion publique seront déterminantes, mais il est probable que l'Europe souffre de l'absence d'un objectif mobilisateur.

Si la consommation des crédits pour la dissuasion est suffisante, il n'en va pas de même de ceux prévus pour l'espace dont le taux de consommation est passé de 90 % en 2002 à 82 % en 2004. Cette évolution suit celle, inquiétante, du taux de consommation de l'ensemble des crédits d'équipement, passé de 93,4 % en 2002 à 81,7 % en 2004.

La commission a émis un avis favorable à l'adoption de ce chapitre budgétaire, mais la sincérité du budget « mission Défense » devrait être améliorée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense - Ce projet de budget s' élève à 46,8 milliards en crédits de paiement, et à 47,8 milliards en autorisations d'engagement !

Il s'agit de la quatrième annuité budgétaire conforme à la loi de programmation militaire. Les engagements pris ont été tenus.

Plus de cinq ans après son adoption, la loi organique du 1er août 2001, entre enfin en vigueur et cette grande réforme contribuera à améliorer l'efficacité des dépenses et la transparence de la présentation budgétaire, mais aussi à accroître les pouvoirs de contrôle du Parlement. La commission de la défense, dans cet esprit, a beaucoup travaillé à redéfinir le périmètre de chacun des rapports spéciaux, afin de respecter la transversalité des programmes tout en reconnaissant la particularité de chacune des armées.

La présentation faite par les rapporteurs spéciaux est donc de type matricielle, croisant les différentes fonctions assurées par le ministère avec ses diverses composantes organiques. Ainsi a pu être surmontée la difficulté d'analyse des deux grands programmes de préparation et d'emploi des forces d'une part, et d'équipement des forces d'autre part.

Plusieurs interrogations ont été soulevées par la mise en application de la LOLF, et tout d'abord celle des conséquences qu'aura la prééminence nouvelle du chef d'état-major des armées. Lors de son audition, l'intéressé a fourni les informations nécessaires à la commission. La nouvelle organisation interne du ministère conduit à une gestion de « collégialité arbitrée » des ressources, au sein du comité militaire des chefs d'état-major mais aussi entre vos grands subordonnés, Madame la ministre. Il faut en attendre une gestion plus cohérente et rationnelle.

Par ailleurs, la loi de finances initiale ne fixe plus d'effectifs, mais un plafond d'emplois autorisés, c'est-à-dire un maximum théorique dans la limite duquel les effectifs sont déterminés par une masse salariale, que le principe de fongibilité asymétrique des crédits permet de réduire au profit d'autres titres budgétaires, mais non d'augmenter. Or, recruter, faire partir ou transférer un militaire ou un civil d'un programme à un autre n'est pas chose facile, même pour les non-titulaires.

L'exécution du budget pourra en être affectée en cours d'année, car la gestion des personnels est très rigide, mais son coût réel est difficile à évaluer. La commission sera particulièrement attentive à ce point lors de son contrôle trimestriel, qu'elle poursuivra en parfaite cohérence avec la nouvelle donne budgétaire. Ce contrôle, que j'ai souhaité dès 2003 et dont la poursuite s'impose, fournit l'information nécessaire au contrôle parlementaire prévu par la LOLF et permet, grâce à une batterie d'indicateurs élaborés en commun, de vérifier les résultats de l'utilisation des crédits.

Toutefois, aussi novatrice et profitable que soit la procédure instaurée par la LOLF, elle n'est pas une fin en soi. Elle n'est qu'un moyen plus performant et mieux adapté à une gestion moderne, mais l'objectif ne change pas : nous devons à nos armées - et à la cohérence de notre majorité face à ses engagements - de leur fournir les moyens nécessaires à la bonne exécution de leurs missions, par le respect de la loi de programmation militaire de 2002.

Fait sans précédent, ce projet de budget correspond exactement à l'annualité prévue dans la LPM, et ce pour la quatrième année consécutive. La volonté affichée du Président de la République de ramener l'effort budgétaire de défense à la hauteur de notre action internationale est ainsi concrétisée. En effet, à l'automne 2002, il était urgent de remédier aux coupes si néfastes que la majorité sortante avait opérées dans les capacités opérationnelles de nos armées.

M. Fromion - Et oui !

M. Gilbert Le Bris - Et Juppé ?

M. Guy Teissier, président de la commission - Pourtant, certains nous proposent de nouvelles réductions de crédits. Se font-ils l'écho de ceux qui, par irresponsabilité, démagogie ou méconnaissance, s'interrogent sur l'utilité des dépenses de défense et proclament que leur seule réduction apporterait la paix ? Alors que les menaces actuelles sont plus grandes encore qu'au temps de la guerre froide, feignent-ils d'ignorer l'impératif de défense qui s'impose aux dirigeants de notre pays, ou l'ignorent-ils vraiment ? Terrorisme, armes de destruction massive, conflits ethniques ou religieux : tels sont les dangers qu'encourt notre village planétaire. Autant de réalités bien désagréables à entendre pour des sociétés comme la nôtre - trop sûres d'être à l'abri de risques mortels et trop tentées d'opposer la défense aux autres fonctions régaliennes de l'Etat - qui sont autant de raisons de conserver, au niveau de juste suffisance, notre assurance nationale ultime : la dissuasion nucléaire (Approbations sur les bancs du groupe UMP).

Aujourd'hui, ce besoin de défense ne peut plus être assuré dans les seules limites de notre territoire national comme dans une citadelle assiégée. Il n'y a plus de mur qui nous protège, plus de ligne fortifiée sur laquelle nous battre. C'est avec tous ceux qui partagent nos valeurs et nos intérêts que nous devons unir nos forces.

C'est cette voie que doit suivre l'Europe et nous devons l'encourager pour des coopérations industrielles, par des états-majors et des unités multinationaux, par des interventions conduites en commun. C'est une action de longue haleine que mène la commission de la défense et que vous menez aussi, Madame la ministre, auprès de vos homologues. La déception ressentie le 29 mai dernier par ceux qui voyaient dans le projet de Constitution européenne une formidable avancée pour la défense communautaire ne doit pas entamer notre détermination.

L'augmentation de 3,4 % des crédits de la mission « défense » correspond aux besoins importants de nos armées professionnelles. Le plan d'amélioration de la condition militaire se poursuit comme prévu, car nous devons être particulièrement attentifs aux conditions de vie et de service de nos militaires.

Les crédits destinés aux réserves augmentent à nouveau, à hauteur de 110 millions d'euros pour les rémunérations des journées de convocation, et nous reviendrons sur cet élément qui m'est cher.

La budgétisation des OPEX se poursuit : leurs crédits passent de 100 à 250 millions d'euros, pour plus de transparence et d'efficacité de gestion.

Les crédits destinés à l'équipement de nos forces doivent également être maintenus à un niveau élevé. Tout d'abord, nul ne peut contester l'impérieux besoin de redressement de la disponibilité technique opérationnelle des matériels en service. D'autre part, la reprise de l'effort de recherche - où de nombreux domaines ont une nature duale - permet seule de préparer l'avenir.

Ensuite, le financement de grands programmes qui arrivent à maturité - c'est-à-dire en production - permettra de doter les unités d'équipements neufs et adaptés aux missions de nos armées. Tous sont nécessaires : simulation pour la dissuasion, satellite Syracuse 3B pour les transmissions opérationnelles, Rafale pour l'armée de l'air, Tigre pour l'armée de terre, bâtiments de projection et de commandement et frégates Horizon pour la marine.

Enfin, l'activité et l'emploi de nombreuses entreprises de toutes tailles doivent être préservés. Je rappelle le cas particulier de Giat Industries, dont le succès du plan de restructuration suppose une meilleure visibilité à moyen terme.

Chacun des rapporteurs pour avis nous a présenté la liste exhaustive et impressionnante de ces équipements dans son champ de compétences. En outre, de nouveaux équipements majeurs se profilent déjà, en développement, tel l'A 400 M et le véhicule blindé de combat d'infanterie, ou en conception, comme les frégates FREMM et le second porte-avions. Au-delà de l'actuelle programmation, les besoins de financement seront considérables. Vous savez, Madame la ministre, combien ce sujet nous préoccupe.

M. Jean Michel, rapporteur pour avis - C'est vrai.

M. le Président de la commission - Parce qu'il répond aux engagements pris en 2002 et aux besoins de nos armées, nous voterons ce budget avec une grande satisfaction. Nous le ferons d'autant plus volontiers que le budget de 2005 connaît une exécution exceptionnelle, avec l'abondement d'une partie des crédits de report antérieurs. Nous veillerons à ce qu'il en soit de même en 2006 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Les crédits de la mission « défense » s'élèvent pour 2006 à 35,5 milliards d'euros. Le projet de loi de finances pour 2006 a une double particularité : pour la quatrième année consécutive - fait sans précédent - la loi de programmation militaire est intégralement respectée. D'autre part, c'est le premier projet élaboré selon les règles de la LOLF. Le ministère de la défense s'y était préparé depuis plusieurs années, et il s'adapte donc assez facilement au rendez-vous de cette réforme. Pour nous, la LOLF est un outil qui n'a de sens que s'il sert une ambition politique et une stratégie. Tel est le cas, puisque le projet de loi de finances est conforme à l'annuité de la LPM.

La LOLF induit cependant une nouvelle logique d'objectifs et de résultats, dans laquelle s'inscrit la mission « défense », regroupant un ensemble d'actions. Celles-ci concernent naturellement les opérations, les équipements, mais surtout les militaires eux-mêmes : jeunes, entreprises, usagers d'hôpitaux militaires, visiteurs de musées, chercheurs... Toutes ces missions, plus ou moins essentielles, sont satisfaites par les crédits mis à notre disposition.

Le président Teissier l'a rappelé : la LOLF permet aussi au Parlement de disposer d'indicateurs de mesure des résultats obtenus, en matière d'efficacité socio-économique et de qualité de service. Je me félicite d'ailleurs du travail accompli en commun avec la commission de la défense, à l'occasion des rendez-vous trimestriels initiés par son président. Dans une logique de transparence et d'efficacité lolfienne avant la lettre, ils ont permis d'agir au profit de tous.

La mission « défense » comporte 45 objectifs et 104 indicateurs définis en commun, qui sont fiables et facilement compréhensibles.

J'en donnerai deux exemples. Tout d'abord, à l'objectif de capacité d'intervention extérieure correspond le taux de réalisation du contrat opérationnel, qui indique la projection du nombre de militaires disponibles. La France est d'ailleurs le pays d'Europe qui a la meilleure « projectabilité » des forces. D'autre part, à l'objectif de maîtrise des coûts correspond l'indicateur d'évolution des devis.

Ensuite, la défense s'organise pour mieux répondre aux exigences de performance, de transparence et d'efficacité de la LOLF, dont la mise en œuvre s'inscrit dans la continuité de la stratégie ministérielle de réforme que je conduis depuis mon arrivée au ministère il y a trois ans.

Notre stratégie de réforme repose bien entendu sur une clarification des responsabilités, de manière à répondre de manière certaine à la question du « qui fait quoi ». C'est à ce titre qu'ont été menés notamment la réforme de la DGA et le renforcement du pouvoir d'arbitrage du CEMA, traduit dans le décret de mai dernier.

La même recherche d'efficacité conduit, partout où cela est possible, à la mutualisation des services, assez étrangère à notre tradition si l'on songe que coexistaient naguère un ministère de la guerre, un ministère de la marine, un ministère de l'air. Nous avons constitué un service historique et d'archives unifié, ce qui, pour des non-initiés, peut paraître relever de l'évidence, mais n'a été obtenu qu'au prix d'efforts considérables, que je salue. Dans le même esprit, le service des infrastructures de la défense et la direction générale des services d'information et de communication - répondant à un vœu exprimé par le rapporteur Beaulieu - agiront pour l'entier de leur champ de compétence respectif, sans dispersion des centres de décision ni des moyens.

La modernisation de notre ministère repose aussi sur des modes de gestion innovants. Ainsi, en juillet dernier, nous avons conclu un contrat de location de longue durée d'avions à long rayon d'action, pour garantir notre disponibilité dans l'attente de la livraison de l'A 400M. De même, la gestion des 22 000 véhicules commerciaux utilisés a été externalisée et je me suis fixé pour objectif que la gestion immobilière le soit également avant la fin de l'année prochaine. J'indique au passage à Jean-Claude Beaulieu que si notre politique d'aliénation des emprises devenues inutiles était jusqu'à présent freinée par l'obligation de dépolluer les terrains considérés - le processus étant désormais en voie d'achèvement -, la parution d'un décret récent permettra de le relancer.

Toujours au titre des modes de gestions novateurs, je m'attache à développer les contrats de partenariat entre l'Etat et des prestataires extérieurs. C'est ainsi que la formation initiale des pilotes d'hélicoptères a été confiée à plusieurs sociétés privées, pour tout ce qui concerne les gestes de pilotage non spécifiques (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Outre les économies réalisées, cela permet, cher rapporteur Hart, de préserver nos hélicoptères les plus anciens, l'industriel chargé de produire les nouveaux ayant malheureusement différé leur livraison.

Je tiens à vous remercier tout particulièrement de m'avoir aidée, profitant de l'impulsion donnée par la LOLF, à faire progresser la budgétisation en loi de finances initiale des opérations extérieures. Notre budget y gagne en transparence et en sincérité (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP). La dotation dévolue aux OPEX atteint 250 millions en PLFI pour 2006, alors qu'elle avait stagné à 100 millions précédemment, et j'ai bon espoir que nous parvenions à budgétiser la quasi-totalité des OPEX - compte tenu de la marge d'incertitude incompressible - dans le projet de loi de finances initiale pour 2007.

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis - Ce sera un très beau progrès !

Mme la Ministre - Cette évolution permettra de résoudre d'insurmontables problèmes de trésorerie et de régler la question majeure des reports, que nombre d'entre vous, dont les rapporteurs Cornut-Gentille et Bernard, ont évoquée. Oui, il est indispensable d'utiliser tous les crédits reportés et je réaffirme devant vous avec force que les reports non consommés à la fin de l'exercice 2004 ne sont pas le fait de mon ministère. Ils procèdent pour l'essentiel du mode traditionnel de financement des OPEX, fondé sur des demandes d'avances de trésorerie aux trois armées...

M. Pierre Lellouche - Scandaleux !

Mme la Ministre - Je rappelle que cela conduisait à prendre des gages sur l'entretien de nos matériels. Certes, nous en étions ensuite remboursés ; mais les remboursements n'intervenaient qu'au mois de décembre, ce qui plaçait les services dans l'impossibilité matérielle de consommer les crédits dans l'année civile. L'interdiction faite par Bercy de dépasser l'autorisation budgétaire donnée pour l'exercice achevait de bloquer la situation (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe UMP). Je me suis attachée à mettre fin à ce dysfonctionnement, indépendant de la volonté de mes services, et j'entends bien démontrer que lorsque le Parlement nous donne l'ordre de dépenser tel montant de crédits pour notre défense, nous sommes en capacité de le faire sans aucune déperdition (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Aussi-ai je le plaisir de vous indiquer que, par l'effet d'un arbitrage du Premier ministre, et conformément à la volonté du Président de la République, tous les reports de crédits autorisés seront utilisés avant la fin 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean Michel, rapporteur pour avis - On verra !

Mme la Ministre - Lorsque j'ai dit, il y a deux ans, que la LPM serait strictement respectée, beaucoup ont dit comme vous « on verra ». Eh ! bien, voyez où nous en sommes, et soyez sûr qu'il en ira de même pour les reports ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Nous franchissons une première étape dès cette année et nous tiendrons l'objectif de 2007.

L'outil que constitue la LOLF n'est utile à la défense nationale que s'il vient conforter la stratégie que nous avons mise au service de nos ambitions. La première d'entre elles est, bien entendu, de mettre nos forces au service de la sécurité des Français. Nombre d'entre vous ont rappelé ce matin le contexte stratégique mondial, marqué par la menace terroriste, la multiplication des crises et leur prolongation, la prolifération des ADM et la persistance de zones grises qui représentent autant de sanctuaires pour les trafics, les mafias, l'entraînement ou le repli des terroristes. Dès lors, le premier de nos impératifs, c'est de protéger nos concitoyens et nos intérêts où qu'ils soient dans le monde, notamment en anticipant les crises. Telle est la mission première de tous les militaires, de toutes celles et ceux, souvent jeunes, qui acceptent de prendre tous les risques et d'agir au péril de leur vie. 35 000 militaires des trois armées, de la gendarmerie, des sapeurs et marins-pompiers et de la sécurité civile forment le socle permanent des forces chargées de protéger notre territoire et nos intérêts extérieurs.

Comme chacun le sait, c'est surtout en OPEX que commence notre combat pour la sécurité : plus de 33 000 militaires sont engagés hors métropole, dont 11 000 dans le cadre des OPEX proprement dites. En Afghanistan et dans les pays de l'Océan Indien, nos forces terrestres et maritimes contribuons à la stabilisation de la situation intérieure et à la lutte contre le terrorisme, et nous enregistrons des résultats tangibles puisque, à titre d'exemple, les élections afghanes ont engendré moins de violence qu'on ne pouvait le redouter, neuf morts - mais le contexte force à dire « neuf morts seulement » - étant à déplorer. Dans les Balkans et dans plusieurs Etats africains, notre participation au maintien de la paix et à la stabilisation intérieure nous conduit à mener une action résolue contre le crime organisé, dont les retombées sont perceptibles jusque chez nous.

Je souhaite que nous nous retrouvions une nouvelle fois dans l'hommage unanime dû au dévouement de celles et ceux qui s'engagent au service de la sécurité, y compris jusqu'au sacrifice suprême. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et sur les bancs du groupe socialiste) L'an dernier, 17 militaires ont été tués dans l'exercice de leur mission et plus de 200 ont été blessés. Ayons une pensée pour chacun et assurons de notre soutien celles et ceux qui s'engagent, en ce moment même, dans les opérations utiles et périlleuses que je viens de décrire.

Deuxième ambition majeure, mettre toute notre action au service de l'Europe de la défense. Je le déclare solennellement devant vous comme je le répète presque chaque jour à mes collègues du Gouvernement : sans la volonté de la France, appuyée sur le crédit que lui confère l'importance de son engagement financier, la défense européenne n'aurait pas progressé comme elle l'a fait depuis trois ans. Oui, la politique européenne de sécurité et de défense est devenue une réalité concrète, et d'abord au plan opérationnel. C'est l'Europe qui a assumé le commandement des forces de l'OTAN en Afghanistan, c'est l'Europe de la défense qui est présente en Bosnie, ce sont des opérations européenne qui ont eu lieu en République démocratique du Congo ou au Soudan.

Oui, la défense européenne a fait les preuves de ses capacités, de ses savoir-faire et de son identité propres. Nous avons doté l'Union de nouvelles forces adaptées aux différentes situations opérationnelles. Depuis deux ans, nous avons ainsi réussi à créer la Force d'intervention très rapide européenne, les groupements tactiques 1 500, qui nous permettent de déployer 15 000 hommes en 72 heures sur un théâtre et donc d'intervenir au début même de la crise afin de l'empêcher de se développer. La force de gendarmerie européenne a été créée à l'initiative de la France. Elle regroupe cinq pays et de nouveaux candidats se sont déclarés, certains se dotant eux-mêmes d'une force de gendarmerie qu'ils n'ont pas ou n'ont plus. Celle-ci fait partie des moyens de sortie de crise.

M. Philippe Folliot - Très bien !

Mme la Ministre - Nous plaçons beaucoup d'espoir dans l'Agence européenne de la défense et de l'armement, pour consolider la démarche capacitaire de l'Europe et développer de nouveaux programmes. Alors oui, Monsieur Quilès, cela implique un effort de l'ensemble des pays européens. La France fait ce qu'elle doit, chacun le reconnaît, mais nous avons besoin que les autres pays européens consentent un effort financier qui se rapproche du nôtre et de celui de la Grande-Bretagne si nous voulons que l'Europe puisse jouer pleinement son rôle (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Je suis convaincue que la défense européenne va continuer à progresser. D'abord, parce qu'elle fait l'objet d'un consensus. Dans une Europe qui se divise sur un certain nombre de sujets, personne ne conteste la nécessité d'une défense européenne. Je pense même que c'est justement elle qui inspirera la relance et l'approfondissement du projet européen.

M. Pierre Lellouche - Très bien !

Mme la Ministre - Notre ambition est au service de l'avenir. Equiper nos armées de moyens adaptés aux nouvelles menaces suppose en effet un outil industriel performant et compétitif, comme l'a fort bien dit le président Teissier. Les investissements en ce domaine ont des retombées, qui correspondent à nos ambitions pour l'ensemble de notre économie. N'oublions pas que la défense est le premier investisseur économique du pays. Elle irrigue plus de 10 000 entreprises, dont beaucoup de PMI-PME, et concerne plus de deux millions de salariés.

Acteur économique de premier plan, la défense l'est aussi par son rôle en matière de formation. Elle a sous sa tutelle de nombreux établissements d'enseignement supérieur et de nombreux centres de recherche, parmi les meilleurs du pays. Elle s'occupe également de la formation professionnelle de base.

Je ne crois pas qu'il y ait vraiment un « gap » technologique avec les Etats-Unis. Ils peuvent certes obtenir une avancée dans certains domaines, mais je constate que, dans ceux où nous intervenons, nous obtenons des résultats au moins aussi bons, voire meilleurs. Je note par exemple que Syracuse 3 a été lancé par Ariane 5 avec un degré de précision qui n'avait jamais été atteint auparavant et qui va faire gagner aux satellites ainsi lancés trois années de vie supplémentaire (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Je constate aussi que nos missiles sont les plus précis, comme on l'a vu il y a quelques semaines en Afghanistan, et que s'agissant de la simulation, nous sommes en avance sur les Etats-Unis.

Il ne s'agit pas de nous livrer à un concours de beauté, mais simplement de reconnaître que la France n'a pas à rougir de ses performances, et d'en tirer une motivation à poursuivre nos efforts (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Nous devons pour cela nous appuyer sur nos entreprises et leur donner les moyens de rester en tête. C'est pourquoi, Monsieur Vitel, j'approuve le rapprochement envisagé entre DCN et Thalès. Il y a eu des difficultés, notamment pour l'estimation de la valeur des actifs, et les discussions ont pu prendre un certain retard, mais nous avons là une occasion de conforter notre industrie navale de l'armement et de faciliter ensuite des rapprochements européens.

Dans ce domaine comme dans d'autres, il faut que nos entreprises atteignent une taille européenne si elles veulent faire face à la compétition des grandes nations émergentes. Et vous avez raison, Monsieur Carayon : il faut aider nos entreprises à l'export. Nous le faisons. Mais je ne peux défendre un marché que si les produits proposés sont de qualité - je n'ai aucun souci à ce sujet -, proposés à un coût similaire à celui des offres concurrentes, et si nos entreprises peuvent donner des garanties quant au respect des délais de livraison et à la qualité du suivi. C'est bien pourquoi j'ai créé un certain nombre de structures destinées à détecter nos éventuelles faiblesses et à y remédier. Mais tout ne dépend pas de nous. Le Rafale était le meilleur projet technologique, les autorités singapouriennes nous l'ont bien dit, mais l'ouverture des plis s'est faite à un moment où le rapport entre l'euro et le dollar ne nous était pas du tout favorable.

Une politique de défense se doit d'être ambitieuse, volontariste, concrète, mais aussi visionnaire. Pour promouvoir un environnement favorable à nos entreprises, en particulier les plus jeunes et les plus innovantes, nous avons besoin de la mobilisation de tous, pouvoirs publics, entreprises et scientifiques, au service d'une politique d'intelligence économique lucide. Je tiens à saluer le rôle souvent précurseur qu'a joué M. Carayon en ce domaine, dans lequel nous avons beaucoup progressé depuis quelques années et qui a été une de mes préoccupations constantes depuis mon arrivée au ministère. Je me réjouis donc qu'existe aujourd'hui auprès du Premier ministre un responsable de l'intelligence économique. Mais une structure ne peut pas tout faire. Il faut aussi un état d'esprit général, que ce soit chez les industriels, les banquiers, les services ou les chercheurs.

Et il faut aussi, bien sûr, un accompagnement financier de la recherche et technologie. C'est ce qui m'a conduite à sanctuariser les crédits d'études amont. Je remercie M. Cornut-Gentille et M. Fromion de leur soutien à ce sujet. C'est important pour les crédits eux-mêmes, mais c'est aussi une façon d'adresser un signe fort aux chercheurs et aux industriels tout en leur assurant la visibilité indispensable. Plus généralement, la défense joue un rôle de premier plan dans les pôles de compétitivité.

La LOLF est donc un outil mis au service d'ambitions, et les crédits sont à la hauteur de ces ambitions : ils assurent l'exécution de la loi de programmation militaire, conformément à mes engagements.

Ce budget prévoit les commandes et les livraisons des équipements nécessaires à l'exercice de nos armées, dont MM. les rapporteurs ont rappelé avec précision le détail. Les crédits permettent de poursuivre l'effort de dissuasion grâce aux nouveaux sous-marins nucléaires lanceurs d'engins et aux derniers missiles M 51, approuvés par M. Michel. M. Quilès l'a souligné, la prolifération constitue une préoccupation, et face aux puissances régionales, dont les régimes ne sont pas forcément caractérisés par la stabilité ou la démocratie, il est indispensable de maintenir une dissuasion qui soit vraiment dissuasive, adaptée aux nouveaux risques et à la psychologie de ceux qui sont susceptibles de détenir des armements nucléaires. Les crédits, qui ont considérablement diminué depuis vingt ans, sont maintenus cette année.

M. Rivière a évoqué le retard concernant la commande du deuxième porte-avions. Ce retard, qui concerne en réalité le programme britannique, nous permet du reste de rattraper nos partenaires et de repartir sur une vraie dynamique de coopération, après quelques fluctuations dues aux industriels. L'année 2006 verra également la commande de frégates multi-missions, le lancement du programme du Barracuda, la montée en puissance du Félin, de l'A 400-M et des hélicoptères de la gendarmerie. Ce sera également l'année du programme Syracuse III dont M. Michel a rappelé l'importance pour notre capacité de maîtrise de l'information, celle de la livraison de missiles Scalp, de 34 chars Leclerc, de 14 Rafale. A ce sujet, je tiens à rappeler que le programme Rafale a quinze ans : les retards de livraison ne doivent donc pas être imputés à la loi de programmation (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP). 2006 verra aussi l'admission au service actif du deuxième bâtiment de projection et de commandement Le Tonnerre. Vous le constatez, M. Vitel, la marine est particulièrement bien servie. (Approbation sur les bancs du groupe UMP)

Ce projet de loi de finances permet aussi de maintenir globalement les effectifs au niveau actuel. J'ai tenu cette année encore à améliorer la condition militaire, gage d'attractivité. Il s'agit de compenser, ou du moins de reconnaître les missions difficiles et l'attitude exemplaire dont font preuve les militaires.

Monsieur Carré, la création d'emplois au sein du service de santé des armées n'est que justice dans cette entité perturbée par la fin de la conscription. Cet effort correspond à la capacité d'absorption du SSA, garantissant une certaine continuité. La loi de programmation militaire a permis par ailleurs de procéder à des assouplissements et de conforter le SSA sur les théâtres d'opérations extérieures, comme nous avons pu le constater ces dernières semaines.

MM. Fromion et Carayon ont souligné les besoins quantitatifs, mais aussi qualitatifs de la DGSE : nous avons créé des emplois dans les domaines où existaient des lacunes. Mais j'ai aussi constaté que certains postes auraient dû être pourvus par les armées. Celles-ci ne remplissant pas leurs obligations, j'ai demandé aux chefs d'état-major de veiller à ce que la qualité des personnels mis à la disposition des services de renseignement soit la plus élevée possible. Cela permet de valoriser ces postes dans la carrière des militaires, ce qui n'était pas le cas auparavant.

M. Bernard Carayon, rapporteur spécial - C'est le moins qu'on puisse dire...

Mme la ministre - J'ai tenu à reconnaître le dévouement et la qualité du personnel civil, dont le rôle a été renforcé par la professionnalisation et le recentrage des militaires sur leurs missions. Il existe, c'est vrai, des problèmes de tension qui seront en partie résorbés cette année grâce à de nouvelles formules. Je rappelle que les mesures d'amélioration de la condition du personnel représentent désormais, chaque année, cinq ans des crédits antérieurement dévolus à cette mission.

L'année 2006 marquera un nouveau pas dans la politique des réserves, avec 15 millions d'euros de crédits supplémentaires. Notre objectif est de parvenir à un nombre de 50 000 réservistes, dont 18 000 gendarmes fin 2005, et même 20 000 gendarmes fin 2006. Afin de renforcer l'attractivité de la réserve, la possibilité d'un crédit d'impôt destiné aux employeurs de réservistes vous sera soumise dans le cadre du projet de loi de finances rectificative.

M. Yves Fromion - Très bien !

Mme la Ministre - La transparence est un souci permanent, une nécessité démocratique mais aussi une question d'utilité, puisqu'elle permet un suivi régulier des moyens consacrés au ministère de la défense. Si vous acceptez de voter les crédits de cette mission, 2006 marquera un nouveau progrès de notre action de redressement de l'effort de défense, sous le signe de la protection de nos concitoyens, de la construction européenne de la Défense, de la participation à la paix dans le monde. Nous voulons nous donner les moyens d'une défense cohérente et envoyer un signal fort aux hommes et aux femmes qui, avec courage, dévouement et abnégation, assurent la sécurité des Français et protègent les intérêts de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Michel Boucheron - Si je devais utiliser une métaphore météorologique, j'évaluerais ainsi votre budget...

M. le Président de la commission - Beau fixe !

M. Jean-Michel Boucheron - Temps clair, annonce d'une forte dépression financière, risque cyclonique. Vos intentions sont bonnes, votre communication remarquable, le budget n'est pas mauvais. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) Mais pourra-t-il être tenu ? Et quel est le niveau réel de préparation de l'avenir ?

La première application de la LOLF à ce budget permet d'apporter de la clarté en matière de commandes et de livraisons et d'améliorer le contrôle de l'activité gouvernementale. Il est d'ailleurs à déplorer que cette nouvelle architecture budgétaire n'ait pas été l'occasion de mieux définir les grandes vocations du ministère : dissuasion, protection, projection, préparation de l'avenir. Néanmoins, la clarté de la présentation ne garantit en rien la rigueur de l'exécution (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). La LOLF rend la procédure budgétaire plus transparente, mais elle ne remplace pas l'exercice de programmation indispensable pour une vision de long terme.

Commençons par les résultats positifs de votre politique...

M. Michel Voisin - Il y a en donc !

M. Jean-Michel Boucheron - La réforme des procédures d'acquisition, de la délégation générale pour l'armement et de l'Etat-major des armées (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) sont de bonnes choses. Nous approuvons également l'effort fourni en matière de renseignement - renforcement des effectifs de la DGSE, mise en service attendue du navire Dupuy de Lôme et création de la direction générale de l'information et de la communication -, de même que la création de 2 000 postes de gendarmes et l'accent mis sur la recherche.

Quant à la création des établissements publics d'insertion de défense dont le financement n'est pas assuré, nous en soutenons le principe sans mésestimer les difficultés que représentent la rémunération des cadres et le traitement juridique des étrangers.

Enfin, Madame la ministre, dans l'affaire ivoirienne, votre position a été courageuse. L'âpreté du combat ne légitime jamais l'assassinat, fût-ce celui d'un voyou parmi les pires. Du fait de votre décision, l'armée française a perdu l'un de ses chefs les plus valeureux et les plus intelligents, mais elle a conservé son honneur.

M. Jérôme Rivière - Très bien !

M. Jean-Michel Boucheron - Soldat est un métier difficile, car il est aussi rude de maîtriser sa propre violence que celle des autres. Mettons en garde ceux qui voudraient porter des jugements trop faciles si loin du drame (Applaudissements sur tous les bancs).

A propos du budget, deux attitudes sont possibles : les amateurs de contes de fées approuveront, les autres constateront que les incertitudes financières sont bien trop nombreuses. Il y a le gel de 5% des crédits annoncé par le ministère des finances. Servira-t-il à financer le supplément d'OPEX ? Un prélèvement de 300 millions avec un remboursement tardif en fin d'année interdirait comme d'habitude la consommation des crédits.

M. Jérôme Rivière - Pure fiction !

M. Jean-Michel Boucheron - Vieille technique utilisée depuis toujours par Bercy...

M. Pierre Lellouche - Sous Jospin, en particulier !

M. Jean-Michel Boucheron - Avec un coût du carburant fixé à 38 dollars, deux fois moins que sa valeur actuelle, 0,5% du budget va disparaître. Quant aux autorisations de programme de 2005, seront-elles reportées en autorisations d'engagement en 2006 ? En outre, comme l'a souligné un récent rapport de la Cour des comptes, votre budget est structurellement déficitaire du fait de l'explosion des dépenses de maintien en condition opérationnelle - matériels surexploités, faible renouvellement, consommation supérieure à la production et surtout coût d'entretien des matériels modernes supérieur à celui des matériels anciens.

Autre indicateur de la tension maximale sur votre budget : la flambée des intérêts moratoires - 14,7 millions d'euros en 2005 au lieu de 13 en 2004. Madame la ministre, n'avez-vous pas été obligée de créer une mission de secours pour les PME affectées par les retards de paiement du ministère de la défense ? Malgré de bonnes intentions, ce budget ne pourra être appliqué. En apparence, il respecte les engagements de la loi de programmation militaire. Mais l'examen des crédits consommés au 31 décembre fait apparaître une réalité différente : 11,8 milliards au lieu de 13,6 en 2003 ; 12,5 au lieu de 14,9 en 2004. Bref, iI manquera une annuité en fin de parcours, même si l'on assure que « les crédits reportés ne sont pas annulés mais peuvent être consommés l'année suivante ». C'est le camouflage traditionnel ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Attention à ne pas sacrifier l'entraînement des forces - 147 heures pour les pilotes d'hélicoptères au lieu de 180, 325 pour les pilotes d'avions au lieu de 400. Les effectifs réels sont déjà inférieurs de 3 à 10% au niveau de programmation ! En attendant ces mesures extrêmes, nos programmes sont au mieux retardés - c'est le cas du Leclerc, du Rafale, du Tigre, de la rénovation de l'AMX 10 RC, du MICA, du Scalp, du Félin, du programme de simulation et des missiles de combat terrestre. Certains ne sont pas financés, tels ceux des FREMM, du porte-avions numéro 2, voire du Barracuda. L'impasse est globale. Madame la ministre, devant la commission de la Défense du Sénat, vous avez annoncé la résorption des reports de crédits avant la fin de l'année 2008. C'était sans doute pour détendre l'atmosphère ! Je sais bien qu'au Sénat tout est possible, y compris la prolongation de mandats ! La philosophie du Private Financing Initiative, d'inspiration britannique, a été abandonnée et l'on affirme que l'Etat assumera directement le coût du programme FREMM. Mais où trouvera-t-il les 5,3 milliards d'euros nécessaires ? En supprimant d'autres crédits ?

Bref, la réalisation de la loi de programmation militaire est impossible du fait de l'insuffisance des crédits et de l'absence de croissance. Pour la marine, il manque au moins 5 milliards d'euros ! La réalité est simple et crue : le modèle 2015 est désormais hors d'atteinte, il faudrait au minimum 40 ou 60 milliards d'euros pour y parvenir en 2020 !

Mme Patricia Adam - Tout à fait ! 

M. Jean-Michel Boucheron - Madame la ministre, si vous avez fait mieux que beaucoup d'autres, et notamment que MM. Balladur et Juppé, nous sommes aujourd'hui dans une impasse financière, et il nous revient collectivement de préparer la mutation nécessaire. Dans ce domaine, il n'y a pas d'enjeu électoral. Le privilège et le devoir de l'opposition sont de dire à haute voix que, face à un modèle 2015 obsolète, il faut envisager une organisation totalement différente des armées, à la hauteur des ambitions et des capacités de financement de la France.

Notre réflexion doit porter sur la défense européenne et la mutualisation assumée - j'y insiste - des fonctions essentielles, bien que l'environnement politique européen n'y soit guère propice aujourd'hui, les capacités financières de la Grande-Bretagne étant absorbées par la guerre en Irak et le niveau des financements allemands beaucoup trop faible. Restent les coopérations mais elles sont aujourd'hui en bien triste posture : incertitude sur le FREMM avec l'Italie, crise au sommet d'EADS avec l'Allemagne, doute sur le porte-avions avec la Grande-Bretagne et regret de voir les Espagnols choisir le système de combat Lockeed Martin pour équiper le sous-marin S80- et de sentir ainsi s'éloigner la perspective d'un EADS naval -, et enfin au niveau européen, le blocage sur Galileo. Le volontarisme européen en matière de défense est faible.

De notre côté, il importe que nous renforcions nos outils industriels : EADS, Dassault et GIAT. Reste le dossier de la fusion annoncée entre DCN et Thales. La différence des cultures d'entreprise n'est pas un obstacle : rappelons-nous le rapprochement spectaculaire de Matra et de l'Aérospatiale : en quelques semaines, des équipes qu'on disait inconciliables se sont fondues pour fabriquer la remarquable équipe fondatrice d'EADS.

Flou budgétaire, loi de programmation militaire irréalisable, modèle 2015 en panne, coopérations en phase difficile, politique industrielle à réaffirmer,...

M. Bernard Deflesselles - Ne soyez pas si cassant !

M. Jean-Michel Boucheron - ...il nous faut réfléchir à une nouvelle intégration européenne des forces armées. Le monde change. La Chine, troisième budget militaire au monde, possède missiles stratégiques de longue portée, satellites de surveillance et sous-marins lanceurs de missiles nucléaires. Les OPEX deviennent de plus en plus longues, sans que leur intensité diminue, ce qui n'est acceptable ni pour les populations locales, ni pour nos armées. L'OTAN ne peut plus être un simple instrument destiné à prendre le relais des Américains ou à nous imposer des standards techniques.

Le rôle de la dissuasion, qui ne peut être une variable d'ajustement, doit être réaffirmé à l'heure où la relance de nouveaux programmes nucléaires américains fait perdre beaucoup de sa légitimité au traité de non-prolifération.

Pour garder une présence politique dans le monde, l'Europe de la défense doit se construire en intégrant nos moyens et nos politiques de sécurité : iI est grand temps d'assumer l'interdépendance des forces européennes. C'est cette phase nouvelle qui s'ouvre aujourd'hui devant nous et qu'il nous faut préparer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Francis Hillmeyer - Je citais l'an passé le contexte très préoccupant de la Côte d'Ivoire. Solidaire des militaires engagés dans ce combat difficile, le groupe UDF regrette que le récent « dérapage » perturbe le remarquable travail des forces armées françaises.

Alors que chaque année se pose le délicat problème de l'évaluation financière des OPEX, dans lesquelles 11 000 hommes sont aujourd'hui engagés, je voudrais saluer le renforcement de l'enveloppe prévue - 250 millions d'euros - qui prend mieux en compte la dépense réelle que les 100 millions précédemment alloués. Notons également la publication en septembre d'un décret d'avance qui permet de couvrir les 550 millions d'euros de dépenses supplémentaires.

Le budget 2006 est le premier à être établi selon les règles de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, mais il respecte également, pour la quatrième année consécutive, la loi de programmation militaire.

Ceux qui pensaient hier encore que les forces armées devaient restreindre leur format, imaginant que nous entrions dans une ère dépourvue de conflits majeurs, se sont lourdement trompés. La situation internationale ne nous permet pas d'envisager un recul des situations de crise, ni des conflits ou du terrorisme.

Saluons donc les efforts consentis, comme la commande du second porte-avions, le sous-marin d'attaque Barracuda, mais aussi les premiers essais du TA 400 M, dont 180 exemplaires devraient être commandés dans le monde. Si le programme d'hélicoptères poursuit également son développement, nous sommes toujours en attente du contrat portant sur les frégates multi-missions FREMM, qui devraient renforcer l'efficacité de notre marine tout en créant plus de 2 000 emplois en France. Si nos amis italiens ne prennent pas un engagement rapide, il serait souhaitable que la France démarre seule ce programme.

Nous fondons aussi de grands espoirs sur le satellite Syracuse IIl B ; 14 avions Rafale sont attendus en 2006, de même que les 34 chars Leclerc manquants et 160 missiles Scalp-EG. Grâce aux 200 millions d'euros débloqués cette année, 2 000 véhicules nouveaux viendront renouveler l'équipement de la gendarmerie, et nous souhaitons un effort particulier en faveur de l'immobilier et des créations d'emplois - 2 000 emplois ont été promis pour 2006.

Il faut également se féliciter des efforts concernant le maintien en condition opérationnelle de nos forces. Deux avions sur trois sont désormais disponibles dans l'armée de l'air, et le taux de disponibilité est passé à 70 % pour les bâtiments de surface de la marine.

Au nom du groupe UDF, je voudrais souligner l'augmentation de 15 millions d'euros des moyens alloués à la réserve - pour un montant total de 110 millions. Les réservistes renforcent en effet la professionnalisation, en permettant aux militaires de carrière de se concentrer sur leurs missions premières, et ils ont également un grand rôle à jouer pour la sécurité intérieure et la réactivation du lien entre la société civile et l'armée.

Je voudrais donc saluer, Madame la ministre, l'examen d'un projet de loi relatif à la réserve militaire que vous annoncé il y a quelques semaines. Puisse-t-il enfin lui donner sa juste place. Les réservistes ne doivent plus être considérés comme des civils en uniforme, ou comme des clandestins au sein de leur entreprise. Très importante nous semble donc l'obtention d'un crédit d'impôt pour les employeurs qui autoriseront leurs salariés à effectuer leur travail de réserviste sans modifier leur niveau de rémunération.

Nous approuvons également la réforme de la Délégation générale pour l'armement, qui porte ses fruits, et il sera intéressant d'évaluer prochainement l'efficacité du décret du mois de mai qui renforce les pouvoirs d'arbitrage du chef d'état-major des Armées.

Si nous partageons le souci de renforcer nos capacités de renseignement, nous sommes en revanche plus réservés sur le dispositif de location d'avions de transport à long rayon d'action. Une acquisition patrimoniale semblerait en effet préférable.

Un mot sur la professionnalisation achevée depuis trois années, qui force l'admiration de nos alliés, et qui a permis d'acquérir une véritable crédibilité de nos armées dans les opérations multinationales. Il importe maintenant d'en stabiliser les effectifs, des inquiétudes se faisant jour dans l'armée de terre, où 10 000 hommes pourraient rapidement faire défaut.

Toujours attaché à la défense européenne, le groupe UDF voit en elle un moyen de relance de la construction européenne. La gendarmerie européenne nouvellement créée, la construction de matériels militaires communs, tels TA 400 M ou le NH 90, participent à cette entreprise. Si la France est un bon élève en Europe, car son effort pour la défense représente 2,17 % du PIB, nous regrettons vivement la lenteur des avancées en matière de défense européenne.

Celle-ci doit en effet nous permettre d'accéder à nouveau au rang de puissance mondiale, tout en répondant aux souhaits des deux tiers des citoyens européens, qui souhaitent que nous allions plus loin que les seuls systèmes intergouvernementaux.

Après avoir évalué hors de l'hexagone l'efficacité des SMA, nous saluons la réalisation de « Défense, 2eme chance ». Le centre de Montry ouvrant un horizon nouveau à tous ces jeunes en échec scolaire, professionnel ou social, nous attendons avec impatience d'autres implantations. Cela étant, il nous semble souhaitable de revoir le système des JAPD, peu pertinent et peu efficace - chantier que vous pourriez ouvrir à la réflexion, Madame la ministre, une fois réglée la situation des réservistes.

Passant de 550 à 600 millions d'euros, les crédits destinés à une véritable politique de recherche représentent un premier pas en avant dans la voie des 700 millions prévus pour 2008 par la loi de programmation militaire.

S'agissant de l'exécution des crédits, le contrôle parlementaire, voulu par le président Guy Tessier, nous a en quelque sorte permis d'anticiper l'application de la LOLF. Pour répondre pleinement aux défis d'engagements opérationnels croissants, il nous semble nécessaire de regrouper plus audacieusement certains moyens, dans une logique d'interarmisation. Les moyens héliportés en seraient un bon exemple.

Je m'étais enfin engagé à relayer les inquiétudes d'un certain nombre de nos concitoyens, regroupés en une association pacifique, devant les 5 milliards d'euros consacrés à l'armement nucléaire. Ils estiment que la France est suffisamment dotée, et que cet effort supplémentaire contrevient au traité de non-prolifération que nous avons signé. Mais vous venez de leur apporter une réponse, Madame la ministre : face à de nouveaux défis et des régimes dangereux, nous devons mettre à jour nos capacités.

Pour conclure, les choix capacitaires tracés par le modèle Armée 2015 s'avèrent judicieux, et les militaires reconnaissent l'effort que représente ce projet de budget. Il respecte en effet les grandes lignes de la loi de programmation, dont la vision de long terme reste indispensable.

Votre budget, Madame la ministre, augmente de 3,4 %, alors que les autres ministères ont revu à la baisse leurs prétentions - dans un souci légitime de réduire la dette publique. Après des années de dépouillement militaire, le retard accumulé est en voie d'être résorbé.

S'agissant des objectifs de transparence et de contrôle parlementaire fixés par la LOLF, nous en sommes encore à une phase de transition qui ne permet pas de réelles comparaisons. Mais nous avons bon espoir qu'ils seront atteints.

En raison de la qualité des engagements que vous avez pris, le groupe UDF votera donc votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Jacques Brunhes - Vous ne serez pas étonnée, Madame la ministre, que nous ne partagions pas votre lecture du budget de la défense. En hausse de 3,4 %, il échappe encore à la logique d'austérité budgétaire imposée à tous les ministères civils, et s'affranchit des règles de la LOLF en n'appliquant pas l'interdiction de reports dépassant 3% des crédits.

M. Yves Fromion - Encore heureux !

M. Jacques Brunhes - Et il s'agit de sommes considérables : plus de 2 milliards d'euros qui n'avaient pas été consommés !

Par les choix qu'il opère, votre budget n'est pas davantage adapté aux exigences posées par la sécurité de notre pays ni aux défis du monde actuel.

La répartition des crédits va ainsi générer de fortes tensions sur les effectifs : à périmètre constant, 5 307 emplois civils manqueront malgré leur réduction de moitié en dix ans. Les sous-effectifs s'établissent à 6 % pour l'armée de terre, 7 % pour la marine, et 4,5 % pour l'armée de l'air, ce qui ne manquera pas de porter un grave préjudice aux fonctions de soutien des forces.

Pareille compression des emplois civils encouragera l'externalisation des tâches et la déstructuration du ministère, voire l'abandon de certaines politiques de service public, que les syndicats avaient déjà dénoncé au cours des années précédentes lors de leur audition par la commission de la défense. Sans doute est-ce d'ailleurs la raison pour laquelle, contrairement à une tradition bien ancrée, nous n'avons pas pu les entendre cette année.

Tout aussi grave est la contrainte pesant sur les crédits de fonctionnement. Leur absence de réactualisation depuis 2003 pour l'armée de terre, ainsi que les économies de 3,5 % prévues par rapport à 2005, ne seront pas sans conséquences sur l'entraînement de nos forces. Malgré les efforts consentis, la baisse d'activité sera de 4 % dans la marine. Et je ne mentionne même pas le problème de disponibilité du matériel !

Comment donc expliquer de telles difficultés alors que le volume de votre budget est si conséquent ? C'est que vous privilégiez des options dénuées de tout rapport avec les impératifs de la défense nationale et européenne, ni avec les nécessités de la sécurité internationale. Malgré les critiques récurrentes, vous accroissez encore les crédits de modernisation nucléaire, qui augmentent de 5,5 % en paiement et de 13,4 % en AP.

Or, rien ne permet de justifier la « mise à jour » que vous invoquez. Qui voulez-vous donc que ces armes dernier cri dissuadent ? Les terroristes ? Cela n'a pas de sens. La prolifération nucléaire ? Seul un désarmement global et contrôlé permettrait de l'éradiquer. Or, la conférence de révision du TNP de mai 2005 n'a permis aucune avancée à ce sujet. Les engagements pris en conférence 2000 sur l'élimination des armes nucléaires, parallèlement au développement des moyens de contrôle, ne sont pas respectés. La sauvegarde du monopole nucléaire militaire au profit d'une poignée d'Etats est un pari perdu d'avance. Pis, vous incitez les Etats qui ont renoncé au nucléaire militaire à revenir sur leurs engagements.

Vous privilégiez les équipements pour une stratégie d'intervention sur les théâtres extérieurs. Si notre pays doit participer à la prévention des conflits dans le cadre des missions de l'ONU, il n'est pas nécessaire pour autant d'en arriver à un tel niveau, sauf s'il s'agit de nous rapprocher de l'OTAN qui s'est érigée en gendarme du monde sous l'impulsion américaine.

Le président de la République a approuvé en 2003 l'implication de la France dans la force de réaction de l'OTAN et la création du quartier général du corps de réaction rapide à Lille. Quel symbole pour le quarantième anniversaire de la décision du Général de Gaulle de sortir la France de l'OTAN !

Quant à la défense européenne, son autonomie n'est qu'un mythe, et d'autres intervenants de mon groupe y reviendront. Je constate simplement qu'après GIAT-industrie, l'ouverture du capital de la DCN, la fusion SAGEM-SNECMA, le désengagement de l'Etat et la politique de casse de nos sociétés nationales de pointe se poursuivent. Au nom de la rentabilité, le fusil Beretta est rénové par les Italiens et certaines pièces du char Leclerc sont fabriquées en Chine. Et demain, on craint la privatisation de la Direction des Essais de la DGA et la liquidation du CELM Toulon. Quant aux perspectives d'activité de DCN, elles restent incertaines.

Par ailleurs, la politique de restructuration et de regroupement dans le cadre européen n'empêche pas le contrôle par les groupes d'armement et fonds de pension américains de l'industrie de défense de certains pays de l'Union, notamment dans le secteur des armements terrestres, comme en atteste le rapport d'information de la commission de la défense sur l'Industrie de défense européenne, publié en mars 2005.

De surcroît, cette défense européenne demeure subordonnée à l'OTAN, comme le prévoyait d'ailleurs le projet de traité constitutionnel européen, ne faisant là que confirmer la réalité : l'Union ne peut mener aucune opération d'envergure sans l'OTAN. C'est en effet grâce à l'accord de « Berlin plus » qu'elle a pu conduire les opérations Concordia et Althéa.

Mme la Ministre - C'est faux !

M. Jacques Brunhes - Lisez le rapport de la commission de la défense ! Rendez-vous à l'évidence, il n'y a aucun consensus au sein des pays de l'Union sur une politique étrangère indépendante et une défense européenne autonome.

Si la politique militaire doit être consacrée prioritairement à la défense du territoire national et, dans le cadre européen, des Etats membres, elle devrait par ailleurs agir dans le domaine humanitaire, et s'attacher à prévenir les crises, sous l'égide de l'ONU, avant, en cas d'échec, de décider d'une intervention, toujours dans le cadre de l'ONU, rénovée et démocratisée.

Parce que votre politique ne répond pas à ces exigences, notre groupe ne votera pas votre budget.

M. Jean-Claude Sandrier - Très bien.

M. Michel Voisin - Tout d'abord, Madame la ministre, je souhaiterais vous féliciter. Trois ans après l'achèvement du processus de professionnalisation, nos armées ont acquis une stature reconnue par nos alliés, notamment grâce à la qualité de leur formation et de leur entraînement. Ce sont aujourd'hui plus de 22 000 hommes et femmes qui sont en posture opérationnelle. Depuis 2002, plus de 50 000 de nos soldats ont été engagés en Côte-d'Ivoire, 15 000 dans les Balkans et 7 000 en Afghanistan.

Votre ambitieux budget - 2,17% du PIB, gendarmerie comprise - respecte la loi de programmation militaire. Et je comprends alors les hésitations de Jean-Michel Boucheron qui, il y a un peu plus de trois ans, ne pouvait se targuer que d'un effort de 1,79%. Il lui fallait aujourd'hui noircir le tableau pour justifier son opposition.

Au total, le budget de la défense augmente de 3,4% en valeur, soit 1,8% en volume. Il répond aux attentes des Français en matière de sécurité, qu'il s'agisse de la protection de nos ressortissants à l'étranger, ou de la gestion des crises.

En matière de défense, cet exercice annuel de débat budgétaire est toujours périlleux. Les masses budgétaires colossales, les livraisons de matériels ne doivent pas nous faire oublier que derrière ces chiffres, il y a la réalité des hommes et des femmes qui ont choisi de servir notre pays. Quand les matériels vieillissent, quand ils ne sont pas suffisamment entretenus, quand l'entraînement des troupes est bâclé faute de moyens, nous hypothéquons certes l'efficacité de nos troupes, mais surtout nous les exposons à des dangers croissants. Heureusement, le budget de la défense a cessé d'être la variable d'ajustement du budget de la France, et il y avait bien longtemps que notre pays n'avait pas respecté une loi de programmation militaire.

Vos crédits permettront de continuer l'effort consenti en matière de dissuasion, tandis que la commande du second porte-avions sera passée et que le programme de sous-marins d'attaque Barracuda sera lancé.

Parallèlement, les programmes A 400 M, Felin et d'hélicoptères destinés à la gendarmerie poursuivront leur développement, et 14 avions Rafale, 34 chars Leclerc et 160 missiles Scalp-EG seront livrés. Le deuxième bâtiment de projection et de commandement « Tonnerre » sera également admis au service actif.

S'agissant des personnels, les effectifs seront globalement maintenus au niveau atteint en 2004, et des emplois seront créés au sein du service de santé des armées, en application d'un plan de rattrapage que vous avez lancé depuis trois ans. Afin de prendre en compte les menaces terroristes, vous accroissez les effectifs de la DGSE. Enfin, vous créez 2000 emplois dans la gendarmerie, ce qui porte à 5 100 les créations d'emplois de gendarmes depuis 2003.

Ce projet de loi de finances permettra également de franchir une nouvelle étape dans la politique des réserves, et vous nous soumettrez un projet de loi à ce sujet avant la fin de l'année.

S'agissant des opérations extérieures, la budgétisation des surcoûts résultant des OPEX enregistre des progrès considérables : pour 2006, 250 millions sont inscrits à ce titre, ce qui permettra d'ores et déjà de financer la moitié des opérations extérieures - c'est une demande que nous avions déjà formulée il y a dix ans. Le Président de la République a d'ailleurs souhaité que, d'ici le terme de la loi de programmation militaire, la quasi-totalité de ces surcoûts soit financée de cette manière. Cette avancée permet de réduire les difficultés de trésorerie des armées, notamment de l'armée de terre, et d'éviter le report de crédits sur l'année suivante.

La défense est aussi au cœur de l'activité économique et sociale de notre pays. Votre projet « Défense, deuxième chance » permettra d'accueillir 20 000 jeunes en échec scolaire, professionnel ou social, décelés lors de la journée d'appel et de préparation à la défense. Ce plan apparaît aujourd'hui prémonitoire au regard des évènements tragiques que nous connaissons. A ceux de ces jeunes qui le souhaitent seront proposés une remise à niveau scolaire et comportementale et un véritable apprentissage professionnel pour une durée d'un à deux ans. Les bénéficiaires recevront une allocation mensuelle de 300 euros, dont la moitié sera capitalisée en vue d'un versement en fin de contrat pour leur donner les moyens d'une première installation. L'encadrement sera constitué d'anciens sous-officiers et de personnels de l'éducation nationale. C'est une action majeure qui renforcera le lien entre l'armée et la nation.

Enfin, votre budget pour 2006 prépare l'avenir par une véritable politique de recherche. Les crédits destinés aux études amont passent de 550 à 600 millions d'euros - l'objectif de la LPM étant d'atteindre 800 millions en 2008. De même, les crédits de recherche et technologie passent de 1,4 à 1,5 milliard d'euros.

Le ministère de la défense contribuera également à la mise en place des pôles de compétitivité, grâce à la qualité de ses écoles, de ses centres de formation et de ses entreprises, qui placent la défense au cœur du dynamisme économique et industriel de la France.

Au nom du groupe UMP, permettez-moi, Madame la ministre, d'affirmer notre soutien reconnaissant à l'abnégation et au professionnalisme des femmes et des hommes de la défense placés sous votre autorité.

C'est sans surprise et avec enthousiasme que nous voterons les crédits de la mission « défense » pour 2006 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 5.

              La Directrice du service
              du compte rendu analytique,

              Catherine MANCY


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