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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 23ème jour de séance, 53ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 8 NOVEMBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

            DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT
            SUR LA SITUATION CRÉÉE PAR LES VIOLENCES
            URBAINES ET DÉBAT SUR CETTE DÉCLARATION 2

            LOI DE FINANCES POUR 2006
            -deuxième partie- (suite) 20

            ÉCOLOGIE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE 20

            Écologie et Développement durable 24

            ÉTAT B 24

            APRÈS L'ART. 79 27

            POLITIQUE DES TERRITOIRES (SUITE) 31

            QUESTIONS 31

            ÉTAT B 44

La séance est ouverte à quinze heures.

DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT SUR LA SITUATION CRÉÉE
PAR LES VIOLENCES URBAINES ET DÉBAT SUR CETTE DÉCLARATION

L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement sur la situation créée par les violences urbaines et le débat sur cette déclaration.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Depuis douze jours, notre pays connaît de graves accès de violence. Chaque nuit, des centaines de voitures sont brûlées, des commerces, des écoles et des lieux publics sont incendiés. Ce climat de désordre et d'insécurité plonge beaucoup de nos compatriotes dans l'inquiétude. A tous, je veux dire ici solennellement que l'Etat sera ferme et juste.

Le Gouvernement est entièrement mobilisé, dans l'unité et la sérénité. La République garantira l'ordre public à chacun de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF).

Le conseil des ministres a adopté ce matin un décret sur la base de la loi de 1955 autorisant les préfets, sous l'autorité du ministre d'Etat, à mettre en œuvre des mesures de couvre-feu (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Un décret simple établira la liste des communes concernées. Ces textes excluent expressément tout contrôle des médias (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Sur la base d'arrêtés préfectoraux, des mesures d'interdiction ou de restriction de la circulation des personnes et des véhicules pourront être appliquées à certaines communes ou parties de communes. Le refus de s'y soumettre donnera lieu à des sanctions pénales pouvant aller jusqu'à deux mois d'emprisonnement. Les préfets pourront aussi utiliser l'assignation à résidence ou l'interdiction de séjour à l'encontre des fauteurs de troubles, et exiger la remise des armes ou leur confiscation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Enfin, des lieux publics pourront être fermés s'ils deviennent le point de rassemblement de bandes. Des perquisitions pourront être opérées, de jour comme de nuit, notamment au domicile des personnes ayant lancé des projectiles ou tiré sur les forces de l'ordre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF).

Le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, réunit cet après-midi les préfets des zones de défense pour indiquer les conditions de mise en œuvre de ces mesures, qui devront naturellement être appliquées par l'autorité publique avec tout le discernement nécessaire.

Ces dispositions sont applicables pendant douze jours. Au terme de ce délai, si les circonstances l'exigent, le Gouvernement vous proposera un projet de loi en autorisant la prorogation. Vous pouvez être assurés que toutes ces mesures seront appliquées avec le sens des responsabilités.

Par ailleurs, 8 000 hommes assurent en permanence la sécurité dans les quartiers sensibles.

M. Maxime Gremetz - On ne les voit pas ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Premier ministre - J'ai fait appel aux réservistes de la police et de la gendarmerie, qui mettront à disposition 1 500 hommes supplémentaires.

Le ministre d'Etat a donné à toutes les forces de l'ordre deux instructions très claires. D'une part, l'interpellation systématique de tous les suspects : 1 500 personnes ont été arrêtées, plus de 600 sont en garde à vue et plus de 100 sont d'ores et déjà incarcérées. D'autre part, le strict respect des règles de déontologie, afin d'éviter tout incident.

Je tiens à rendre hommage aux forces de l'ordre et aux pompiers, qui travaillent sans relâche depuis plusieurs jours dans des conditions souvent difficiles et dangereuses (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF et sur de nombreux bancs du groupe socialiste).

Je tiens à vous redire l'estime et l'amitié que je porte au ministre d'Etat, qui se dépense sans compter, nuit et jour, pour la sécurité des Français. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen - Menteur !

M. le Premier ministre - Les Français attendent désormais que les responsables de ces violences soient sanctionnés pour leurs actes. Les magistrats se sont mobilisés pour répondre à l'urgence de la situation, et je les en remercie.

Les auteurs des délits les plus graves doivent être jugés et condamnés par le tribunal correctionnel. J'ai demandé au Garde des Sceaux de veiller à ce que les présidents de tribunal de grande instance et les procureurs de la République organisent leurs juridictions pour que les auteurs de ces faits soient, à l'issue de leur garde à vue, traduits sur-le-champ en comparution immédiate (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Pour les infractions moins graves, il faudra trouver la réponse judiciaire adaptée en utilisant toute la panoplie des mesures alternatives aux poursuites, telles que la réparation ou le dédommagement.

Enfin, je souhaite que les condamnations soient connues de tous, des victimes comme de l'opinion publique, pour montrer à chacun que la loi reste la plus forte.

Je rappelle l'existence d'un numéro de téléphone national pour les victimes...

M. Jean-Marie Le Guen - Allô Matignon !

M. le Premier ministre - ...qui pourront bénéficier de l'écoute, des conseils et de l'orientation de professionnels, notamment pour la réparation des préjudices.

Face à ces événements, nous adaptons en permanence notre dispositif de maintien de l'ordre, afin de renforcer la sécurité dans les quartiers sensibles. Ne nous y trompons pas : nous faisons face à des individus déterminés, à des bandes structurées, à de la criminalité organisée qui ne recule devant rien pour faire régner le désordre et la violence (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Rétablir l'ordre prendra du temps. Un travail de longue haleine est nécessaire. Nous avons mis sur pied des équipes plus légères et plus mobiles, formées aux interpellations en flagrant délit, qui agissent en tenue pour éviter toute provocation ou tout malentendu.

Nous avons aussi accru nos efforts de renseignement pour surveiller les blogs et autres échanges sur internet, et ainsi anticiper le mouvement des bandes. Nous renforcerons également les effectifs des groupements d'intervention régionaux, qui ont fait la preuve de leur efficacité dans la lutte contre les trafics (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Trafics et économie souterraine gangrènent les quartiers. La lutte contre l'argent facile et les patrimoines illicites est essentielle pour dissuader les jeunes d'y participer (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Je vous rappelle que cette séance est diffusée à la télévision et que nos concitoyens nous regardent ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Au-delà de ces efforts, nous devons permettre aux forces de l'ordre d'être davantage au contact des habitants des banlieues. J'ai été ministre de l'intérieur, et je sais que la police fonctionne sur quatre piliers : le renseignement, l'investigation, l'ordre public et la police de quartier. Il n'a jamais été question d'en supprimer l'un ou l'autre, car ils sont essentiels et totalement complémentaires (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

La police de quartier est au contact quotidien de la population pour la rassurer.

M. Julien Dray - Un tiers d'effectifs en moins !

M. le Premier ministre - Elle doit être un facteur d'apaisement et de règlement des différends. C'est pourquoi je vais donner la possibilité au ministère de l'intérieur de bénéficier, dès janvier 2006, des contrats d'accès à l'emploi afin qu'il puisse recruter 2 000 agents supplémentaires pour ces quartiers. Cette mesure complétera l'effort réalisé depuis 2004 avec la création des Cadets de la République.

Il nous faut améliorer encore l'accueil des victimes. A cet égard, le rôle des médiateurs sociaux est essentiel pour faire le lien avec les autres services publics.

Ces efforts donneront des résultats s'ils s'appuient sur deux piliers supplémentaires.

La prévention de la violence d'abord : le plan que le Gouvernement présentera dans les prochaines semaines permettra de lutter contre toutes les violences, celles du quotidien, qui frappent au cœur même des familles et des quartiers.

La lutte contre l'immigration clandestine ensuite : certaines déséquilibres sociaux viennent de la persistance de flux insuffisamment maîtrisés d'immigration illégale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Comment faire fonctionner la dynamique d'intégration et la promotion éducative et sociale, si chaque jour, des individus arrivent illégalement sur notre sol ? Les autres habitants de ces quartiers, qui font pourtant les efforts nécessaires, en sont les premières victimes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

L'Etat doit lutter davantage contre l'immigration clandestine, source d'exploitation et de misère. Notre responsabilité et notre volonté est de reconduire dans leurs pays tous ceux qui tentent de rester en France sans y être autorisés.

La sécurité dans les quartiers, c'est aussi la mobilisation quotidienne de tous ceux qui exercent une responsabilité. Je salue la détermination et le dévouement des maires et des élus locaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), des bénévoles et des salariés des associations (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) qui contribuent à renouer le dialogue entre les habitants. Je salue les agents de l'Etat et des collectivités locales qui garantissent la continuité du service public et, enfin, je salue le sang-froid et le sens civique de l'immense majorité des habitants des quartiers frappés par d'inadmissibles violences. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Certains ont vu leur voiture brûler, d'autres ont perdu leur outil de travail, d'autres encore ne peuvent plus mettre leurs enfants à l`école, et pourtant, ils font tout pour préserver le calme et la paix civile à travers leurs marches silencieuses et leurs appels au calme. Ils font preuve de dignité et de responsabilité, ils demandent à la République du respect et de la fraternité. Ils demandent également une totale transparence : c'est ce que nous avons fait depuis le début, en particulier concernant les événements de Clichy-sous-Bois où deux adolescents, Ziad et Bouna, sont morts électrocutés. Je m'y suis engagé : toute la transparence sera faite sur cette affaire. J'ai reçu les familles avec Nicolas Sarkozy afin de les tenir informées de l'enquête administrative. Un juge d'instruction a été désigné et a informé les avocats des familles du contenu précis des procédures judiciaires. Il en sera ainsi jusqu'à la fin de l'enquête. En ce qui concerne les gaz lacrymogènes qui ont été lancés près de la mosquée de Clichy-sous-Bois, je comprends l'émotion des musulmans de France. L'enquête administrative a montré qu'à aucun moment la mosquée n'avait été visée par un tir de la police. J'ai fait part à Dalil Boubakeur, président du Conseil français du culte musulman, de mes regrets devant ce malentendu. Je l'ai également assuré du respect de la République à l'égard du culte musulman, comme de tous les autres cultes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Le rétablissement de l'ordre public est un préalable. Notre responsabilité collective, c'est de faire de ces quartiers sensibles des territoires comme les autres, avec les mêmes services publics, les mêmes chances, les mêmes perspectives d'avenir.

Plusieurs députés socialistes et communistes - Des moyens !

M. le Premier ministre - Nous connaissons tous les efforts qui ont été accomplis depuis vingt-cinq ans par les gouvernements successifs en faveur des banlieues. Nous connaissons tous les moyens financiers importants qui ont été attribués à la politique de la ville : plus de 30 milliards selon le dernier rapport de la Cour des comptes. Depuis 2002, sous l'impulsion de M. Borloo, l'Etat accomplit un effort sans précédent en faveur de la rénovation urbaine ainsi que pour la mise en œuvre du plan de cohésion sociale. Au total, ce sont plus de 35 milliards qui ont été programmés. Ne sous-estimons pas ces efforts car ils ont souvent porté leurs fruits. Il reste néanmoins des quartiers où l'Etat et les municipalités ne sont pas assez présents, des quartiers frappés de plein fouet par le chômage, sans aucune mixité sociale, sans considération, des quartiers dont les habitants connaissent des difficultés d'intégration et dont les établissements sont confrontés à l'absentéisme des enfants ainsi qu'à l'indifférence de certains parents et à l'agressivité de certains élèves. Les repères font défaut, la tentation du communautarisme est là. Nous devons tirer toutes les conséquences de cette situation. Pour cela, nous n'avons pas besoin d'un nouveau plan : nous devons accentuer notre effort et prendre des décisions concrètes, rapides et courageuses.

La clé, c'est l'emploi. Les efforts que nous faisons depuis plusieurs mois ont déjà produit des résultats, mais nous devons les accentuer en direction des quartiers où le taux de chômage des jeunes est deux fois plus élevé que dans le reste du pays.

M. Daniel Paul - Quatre fois plus !

M. le Premier ministre - J'ai donc demandé à MM. Borloo et Larcher de mobiliser les services de l'ANPE, des missions locales et des maisons de l'emploi afin que tous les jeunes de moins de 25 ans habitant dans l'une des 750 zones urbaines sensibles soient reçus dans les trois prochains mois, qu'ils soient ou non inscrits au chômage. Chaque jeune aura droit à un entretien approfondi avec un conseiller. Je m'engage à ce qu'une solution spécifique soit proposée dans les trois mois à chaque jeune qui fait la démarche, formation, stage ou contrat. Les jeunes diplômés recevront un accueil particulier pour valoriser leur qualification. Pour les bénéficiaires de minima sociaux, nous renforcerons l'incitation de retour à l'emploi avec la création d'une prime de 1 000 euros et d'une prime forfaitaire mensuelle de 150 euros pendant douze mois. Ce projet de loi a été adopté ce matin en conseil des ministres.

M. Maxime Gremetz - Pour quelle politique globale ?

M. le Premier ministre - J'ai demandé au ministre de l'emploi que 20 000 contrats d'accompagnement pour l'emploi et contrats d'avenir soient réservés à ces quartiers afin de développer les emplois de proximité à destination des communes, des associations, des bailleurs sociaux. Je souhaite également doubler le nombre d'adultes relais : ils auront pour mission d'être des médiateurs de ville qui assurent en permanence le lien entre les familles et l'ensemble des institutions. L'Etat et les collectivités locales doivent également contribuer à la création d'emplois : telle est l'ambition du programme PACTE, qui propose à des jeunes faiblement qualifiés d'être embauchés directement dans les fonctions publiques. Les entreprises pourront aussi jouer tout leur rôle. Afin de les inciter à s'installer dans ces quartiers, nous avons créé des zones franches, dont les résultats sont très positifs : j'ai donc décidé de créer quinze zones franches urbaines supplémentaires en plus des 85 existantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Le logement et l'urbanisme sont également essentiels. Des efforts sans précédents ont été réalisés depuis trois ans. Aujourd'hui, 239 quartiers reçoivent des aides de l'ANRU. Ces améliorations ont bénéficié à 1,5 million de personnes. Je veux accélérer cet effort et j'ai donc décidé de dégager 25% de moyens supplémentaires sur une période de deux ans. Je souhaite que pour chaque opération l'ensemble des partenaires et des habitants soient consultés pour que les projets répondent le plus possible aux attentes.

L'éducation constitue un enjeu majeur. Pour notre République qui a fait de l'obligation scolaire l'un de ses principes fondateurs et la voie de l'intégration, 15 000 enfants qui ne vont pas à l'école et dont les chances sont compromises, c'est inacceptable. J'ai rencontré depuis plusieurs jours des enseignants, des chefs d'établissement, des infirmières scolaires, des conseillers d'orientation. Je les ai écoutés, je les ai entendus réclamer des solutions pragmatiques. Le statu quo n'est pas une solution. L'engagement sans relâche des professeurs des écoles, des collèges et des lycées au service de l'égalité des chances nous oblige. Vous me trouverez toujours du côté de ceux qui servent la République et qui défendent son idéal d'égalité et de fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Je veux renforcer le soutien scolaire aux élèves en difficulté, et cela passe par une relance et une réorganisation de l'éducation prioritaire. J'ai demandé à M. de Robien de me faire des propositions dès le début de l'année prochaine. Pour répondre à l'urgence, j'ai décidé d'augmenter le nombre d'assistants pédagogiques dans les collèges. Dès janvier 2006, 5 000 postes seront créés pour les 1 200 collèges des quartiers sensibles. Je doublerai enfin le nombre d'équipes de réussite éducative prévu par le plan de cohésion sociale. Il y en aura 1 000 à la fin de 2007. Mais cela n'exonère pas les parents de leurs responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Eux aussi ont leur rôle à jouer et ont l'obligation de veiller à ce que leurs enfants se rendent à l'école et respectent les règles de la République.

M. Maxime Gremetz - Et le patronat ? Il n'a pas de responsabilités, lui ?

M. le Premier ministre - Je veux construire de nouveaux parcours pour les élèves qui ne se retrouvent pas dans le système actuel. J'ai proposé que les élèves qui le souhaitent puissent entrer en apprentissage dès l'âge de quatorze ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) C'est une nouvelle chance, et c'est une nouvelle exigence qui permettra aux jeunes d'accéder à un programme éducatif plus motivant. Je préfère voir un jeune s'épanouir dans une activité qui lui plaît plutôt que de le laisser en butte à des difficultés insurmontables. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Certes, nous devrons adapter le dispositif pour permettre à chacun d'avoir accès au socle des connaissances fondamentales en prévoyant par exemple des allers-retours plus fréquents entre l'entreprise et l'école. La mise en œuvre de ce nouveau dispositif fera l'objet d'une concertation.

Dans ces quartiers pourtant, nombre d'enfants s'accrochent, veulent s'en sortir, mais ils ont du mal à accéder aux meilleurs établissements et aux meilleures filières. Ils doivent être mieux informés et encouragés, et nous allons les aider. J'ai décidé de multiplier par trois le nombre des bénéficiaires de bourses au mérite : il y en a moins de 30 000 aujourd'hui, il y en aura 100 000 à la rentrée de 2006. Nous ouvrirons dix internats de réussite éducative supplémentaire pour accueillir les élèves les plus prometteurs. Ces mesures doivent permettre à ces élèves d'avoir accès aux classes préparatoires et aux grandes écoles. Je demanderai également aux étudiants et aux élèves de première année des grandes écoles de venir partager leur expérience dans les ZEP, comme le font les étudiants de l'ESSEC. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Je demande aux grandes écoles de s'ouvrir davantage aux élèves issus de ces quartiers, comme le fait Science-Po.

L'emploi, le logement, l'éducation, ce sont les chantiers prioritaires, mais nous ne devons pas oublier tout ce qui contribue à l'amélioration de la vie quotidienne dans les quartiers sensibles. Je pense aux problèmes de santé, et en particulier à l'accompagnement psychologique. Je souhaite développer les ateliers santé-ville, qui permettent de mettre en réseau tous les acteurs de santé, et amplifier le dispositif des équipes mobiles psycho-sociales. L'accès aux urgences dans les hôpitaux devra être complété par un accueil psychiatrique dans les grandes villes.

Je pense aussi à l'accès aux loisirs, à la culture et au sport. Le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative va renforcer l'offre d'activités de qualité à visée éducative...

Plusieurs députés communistes et républicains - Avec quels moyens ?

M. François Liberti - Pas avec le budget qu'on a voté hier !

M. le Premier ministre - Je souhaite également professionnaliser et développer l'emploi dans les domaines de l'animation et du sport. Une spécialité du brevet professionnel jeunesse et sports autour de l'animation sera créée et les formations des jeunes aux métiers du sport seront développées.

Au-delà de ces solutions concrètes, nous devons doter ces quartiers d'une gouvernance plus simple et plus efficace : à certains endroits, plusieurs interlocuteurs sont en charge du même problème ; ailleurs, il n'y en a aucun ! Le premier devoir, c'est d'affirmer le rôle de coordination du maire. Incarnant la République au quotidien, il est le mieux placé pour piloter toutes les actions, en particulier dans le domaine de la prévention.

Le deuxième devoir, c'est d'accroître encore la présence de l'Etat dans les quartiers sensibles. J'ai donc décidé de créer une grande agence de la cohésion sociale et de l'égalité des chances... (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Avec l'ANRU, elle sera l'interlocuteur des maires pour toutes les questions relatives aux quartiers sensibles. Nous créerons également des préfets délégués à l'égalité des chances (Mêmes mouvements) et je réunirai avant la fin de l'année un comité interministériel des villes pour décider de l'avenir des contrats de ville et des nouvelles orientations de la politique de la ville.

M. François Hollande - Et voilà ! On réunit une commission et le problème est réglé !

M. le Premier ministre - Le troisième devoir, c'est d'aider les associations et les métiers sociaux. Aujourd'hui, les 14 000 associations subventionnées par l'Etat...

M. Maxime Gremetz - Il y en a moitié moins !

M. le Premier ministre - ...constituent un formidable réservoir d'idées et d'initiatives. En matière d'insertion, de soutien scolaire, d'accueil des populations étrangères, d'accès à la culture et au sport, elles sont le complément indispensable à l'action de l'Etat...

M. Yves Cochet - C'est pour cela que vous leur avez coupé les vivres !

M. le Premier ministre - Or les aides dont elles bénéficient ont diminué au cours des dernières années. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Nous voyons aujourd'hui qu'il faut inverser cette tendance. J'ai donc décidé de renforcer les moyens dont disposent les associations en débloquant 100 millions supplémentaires à leur profit en 2006.

M. Patrick Ollier - Très bien.

M. le Premier ministre - Mais nous devons être lucides. La République est à une heure de vérité... (Mêmes mouvements)

M. Jean Le Garrec - Et le Gouvernement aussi !

M. le Premier ministre - Ce qui est en cause aujourd'hui, c'est l'efficacité de notre modèle d'intégration, fondé sur la reconnaissance du seul individu et non des communautés ; un modèle fondé sur la reconnaissance égale de tous les citoyens, quelles que soient leur origine, leurs convictions ou leur culture ; un modèle fondé sur l'équilibre des droits et des devoirs de chacun. Faut-il renoncer à ces idéaux au profit d'un modèle dans lequel l'Etat ne prendrait plus en charge l'intégration des nouveaux arrivants ? (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Faut-il renoncer à l'exigence de cohésion nationale au profit du communautarisme...

Plusieurs députés socialistes - Sarko ! Sarko !

M. le Premier ministre - ...au risque d'accroître le repli et l'incompréhension entre nos concitoyens ? Aujourd'hui, nous avons le choix entre la division et le rassemblement. Je fais le choix du rassemblement autour de nos valeurs communes et de nos principes républicains. Ces principes, chacun d'entre nous doit les porter et les défendre. Au premier rang d'entre eux, il y a la laïcité, qui doit être défendue dans tous les quartiers de notre territoire... (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe UDF, sur quelques bancs du groupe socialistes et sur plusieurs bancs des députés non inscrits de l'opposition) Il y a aussi la citoyenneté, à laquelle nous devons redonner sens car elle est l'un des socles de notre modèle d'intégration. Il y a enfin l'égalité, entre les hommes et les femmes et entre tous les enfants de la République. Il y a aussi la citoyenneté, à laquelle nous devons redonner sens car elle est l'un des socles de notre modèle d'intégration. Il y a enfin l'égalité, entre les hommes et les femmes et entre tous les enfants de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

La lutte contre toutes les discriminations doit donc devenir une priorité pour notre communauté nationale. Celles-ci sont aujourd'hui une réalité pour tous les habitants des quartiers sensibles, lorsqu'ils cherchent un logement ou un emploi ou lorsqu'ils veulent accéder à certains loisirs. Nous devons aujourd'hui prendre conscience du fait que ces discriminations ont un coût considérable. Elles privent notre pays du talent et de la détermination de ces Français qui veulent réussir comme les autres. Elles nourrissent, notamment chez les jeunes, la frustration et le sentiment de ne pas appartenir à la communauté nationale. Elle sont une entorse quotidienne et répétée à nos idéaux communs. Nous disposons d'un outil essentiel mis en place par le Président de la République...

M. François Hollande - Lequel ?

M. le Premier ministre - La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, présidée par Louis Schweitzer...

M. Michel Bouvard - Lequel est sensiblement mieux payé qu'un animateur de quartier !

M. le Premier ministre - Elle est le fer de lance de ce combat, parce qu'elle aide les victimes des discriminations. En trois mois, elle a reçu près de mille plaintes, dont plusieurs ont été adressées à la justice. J'ai décidé de renforcer ses pouvoirs. La HALDE pourra désormais décider elle-même de sanctions contre les auteurs de discriminations.

Les entreprises doivent prendre leur part à ce combat. Aujourd'hui, l'envoi de deux CV identiques, l'un portant un nom français et l'autre un nom d'origine étrangère, ne donne pas les mêmes résultats. Comment, dans ces conditions, créer l'émulation parmi les jeunes de nos banlieues ? Comment leur donner le goût du travail, de l'effort et de la réussite ? Près de 300 entreprises ont signé des chartes de la diversité : je souhaite qu'elles soient plus nombreuses à le faire. Le ministère de l'égalité des chances accompagne depuis cinq mois, avec Azouz Begag, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) la mise en œuvre des chartes de la diversité. Je rencontrerai dans les prochains jours des signataires de ces chartes pour réfléchir avec eux aux initiatives qui nous permettraient d'aller plus loin.

Les médias ont également un rôle à jouer dans la valorisation de la diversité française. Parmi les jeunes gens issus de ces quartiers que j'ai rencontrés au cours des derniers jours, beaucoup m'ont dit combien ils souffraient de l'image que les médias véhiculent de leurs quartiers. Ils veulent qu'on parle aussi de ce qui marche dans les banlieues, de la solidarité qui les anime, de cette formidable envie de réussir de la plupart de leurs habitants, de leur fierté d'être Français et de l'espoir qu'ils ont dans la République...

Mme Jacqueline Fraysse - Donnons-leur des formations et du travail !

M. le Premier ministre - Il est temps que la violence cesse car chacune des heures que nous venons de vivre constitue une épreuve pour nos compatriotes. L'inquiétude et la tristesse, la colère parfois, ont gagné le pays. La France est blessée. Elle ne se reconnaît pas dans ces rues et ces quartiers dévastés, dans ce déchaînement de haine et de violence qui saccage et qui tue. Alors, bien sûr, le retour à l'ordre est la priorité absolue. Le Gouvernement l'a montré et il prendra toutes les dispositions nécessaires pour assurer la protection de nos concitoyens et rétablir le calme. La sécurité est le préalable à tout. Mais prenons ces événements comme un avertissement et comme un appel. La France n'est pas un pays comme les autres. Jamais elle n'acceptera que des citoyens vivent séparés, avec des chances différentes et des avenirs inégaux. Depuis plus de deux siècles, la République a su faire une place à chacun, en mettant au premier rang les principes de liberté, d'égalité et de fraternité...

Mme Muguette Jacquaint - Baratin !

M. le Premier ministre - Elle a fait grandir sur son territoire des intelligences, des volontés, des sensibilités et des talents exceptionnels. Elle est une promesse de réussite pour tous...

M. Maxime Gremetz - Oh ! là ! là !

M. le Premier ministre - Elle est un rêve partagé entre des Français d'origine et de condition différentes. Restons fidèles à la promesse et à l'exigence républicaines. A tous les jeunes avides d'espoir, de générosité et d'ouverture, à tous ces enfants qui grandissent dans les quartiers et ailleurs, offrons un autre visage de la France. Donnons leur le meilleur de nous-mêmes ! (Mmes et MM les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent longuement ; applaudissements sur quelques bancs du groupe UDF)

M. le Président - Je rappelle que la séance est télévisée jusqu'à 16 heures 30.

M. Jean-Marc Ayrault - Les émeutes urbaines sont devenues une crise nationale très grave et d'une ampleur sans précédent. Dans toutes les villes de France, l'autorité de l'Etat est défiée, bousculée. Les dégâts humains et matériels sont considérables. En cet instant, je pense particulièrement aux victimes, à la douleur de leurs familles et de leurs proches. C'est miracle qu'il n'y en ait pas eu davantage, et nous le devons au courage des forces de sécurité, des sapeurs-pompiers, des agents publics, des maires et des élus locaux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe UDF et du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains) mais aussi des habitants qui, malgré leur souffrance, font preuve d'un remarquable sang-froid.

Quelles que soient les fautes et les erreurs qui ont été commises par les autorités de la République ces dernières semaines (Protestations sur les bancs du groupe UMP), et elles sont nombreuses, il ne peut y avoir aucune justification à la violence. Les habitants des quartiers populaires en sont les premières victimes alors qu'ils sont parmi les plus défavorisés de notre société. Ils ont droit, comme tous les Français à la sécurité, au calme et à l'apaisement. Les bandes doivent être mises hors d'état de nuire. Les casseurs doivent être punis.

M. Richard Mallié - Alors, qu'est-ce qu'on fait ? Pourquoi critiquer Sarkozy ?

M. Jean-Marc Ayrault - On ne peut transiger avec la violence. La priorité, c'est le retour à l'ordre républicain, la sécurisation des populations et l'indemnisation des victimes, au profit desquelles, Monsieur le Premier ministre, nous vous demandons d'annoncer dès aujourd'hui la création d'un fonds national de solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Tel est l'objectif, mais encore faut-il que l'Etat soit exemplaire et que ses représentants les plus éminents montrent leur sang-froid en toute circonstance, qu'ils fassent preuve du calme et du respect qu'ils demandent à leurs services et à nos concitoyens...

M. Jean-Michel Fourgous - Montrez l'exemple !

M. Jean-Marc Ayrault - Votre gouvernement - et particulièrement votre ministre de l'intérieur - porte de lourdes responsabilités dans ce déchaînement des passions. (Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Mais il n'est plus temps d'en faire l'inventaire. Nous n'avons pas le droit d'attiser le feu comme le faisaient naguère vos amis. (Mêmes mouvements) Oui, Monsieur le Premier ministre, Mesdames et messieurs les membres de la majorité, vous savez désormais ce qu'il en coûte d'instrumentaliser la peur et l'insécurité. (Huées sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés UMP - Zéro pointé ! Minable !

M. le Président - Cela suffit !

M. Jean-Marc Ayrault - Je vous ai écouté tout à l'heure, Monsieur le Premier ministre, avec la plus grande attention et dans le silence. Je demande à la majorité, dans ce débat retransmis à la télévision, de respecter l'opposition. (Brouhaha persistant sur les bancs du groupe de l'UMP où des députés claquent violemment leur pupitre)

M. le Président - Si vous continuez comme cela, l'intervention de M. Accoyer ne pourra pas être télévisée. Un peu de calme, je vous prie. (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe de l'UMP où les huées et les claquements de pupitres recouvrent la voix de l'orateur)

M. Jean-Marc Ayrault - Les circonstances exigent que nous gardions tous notre calme et notre sang-froid, en premier lieu ici à l'Assemblée nationale. En de telles circonstances, les formations démocratiques que nous représentons sur tous ces bancs doivent savoir concevoir un pacte de non-agression. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) Dans tous les sens du terme. La fermeté oui, mais dans le respect de l'Etat de droit et avec la volonté d'en finir avec la ghettoïsation des cités. Nous ne réussirons pas en leur imposant des lois d'exception. Nous ne sommes pas hostiles par principe au couvre-feu. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) Il peut être utile dans certains cas et pour un temps limité, en concertation avec les maires. Vous avez décidé, Monsieur le Premier ministre, de recourir à la loi de 1955. C'est votre pleine et entière responsabilité. Nous serons particulièrement vigilants et ferons une évaluation exigeante de cette mesure, surtout si vous deviez présenter un projet de loi devant le Parlement dans douze jours pour en obtenir la prolongation. Et nous garderons jusqu'au bout toute notre liberté d'appréciation. Je le dis simplement sans polémique, (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP), Monsieur le Premier ministre, mais je crois que vous en êtes conscient : attention que ce couvre-feu ne soit pas un cache-misère, une nouvelle marque de ségrégation. L'état d'urgence, c'est d'abord l'état d'urgence sociale. C'est toute la République qui doit se ressaisir ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Dans son devoir de sécurité tout d'abord. Chacun a compris qu'opposer la police de proximité à la police d'investigation et de maintien de l'ordre, comme vous l'avez fait il y a trois ans, a conduit à une impasse. Les opérations coup de poing, par trop médiatisées, n'ont pas donné de résultats probants dans la lutte contre la violence et les trafics (Très vives protestations sur les bancs du groupe UMP). Le traitement policier des cités, pour nécessaire qu'il soit face à la loi des bandes, a trop servi de paravent à l'assèchement du soutien social et éducatif de l'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Sortons donc des logiques de rupture, qui ne font que creuser les fractures. Une sécurité durable impose un équilibre continu entre prévention, anticipation, investigation et répression. Il faut restaurer la confiance entre la police et la population des cités. Mais il faut pour cela mieux immerger notre police dans la vie des cités, revoir la formation de ses agents, souvent mal adaptée à la réalité des quartiers, et rendre leur recrutement plus conforme à la diversité du pays. Les députés socialistes vous demandent de rétablir le programme de recrutement des adjoints de sécurité, les emplois jeunes de la police, qui avait largement fait ses preuves. Ils étaient 20 000 en 2002... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; huées sur les bancs du groupe UMP) Mais cette adaptation des forces de sécurité sera un coup d'épée dans l'eau sans un appui financier et logistique de l'Etat au travail de prévention sociale accompli par les élus locaux, les services publics et les associations.

M. François Grosdidier - Autruche !

M. Jean-Marc Ayrault - Les crédits des associations ont été réduits de manière telle que des groupes religieux ont parfois pris en charge, par défaut, le travail de médiation sociale. S'il est temps de reconnaître à l'islam sa place de deuxième religion dans notre pays, dans le respect et la dignité, arrêtons de lui demander de régir la vie des cités à la place de la République. La laïcité doit retrouver tous ses droits (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). La médiation sociale est l'affaire des municipalités et des associations, pas des prédicateurs (Mêmes mouvements).

Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé le rétablissement des subventions aux associations qui en ont été privées depuis trois ans. Pourquoi a-t-il fallu attendre la crise pour découvrir le rôle essentiel de leur médiation ? Pourquoi oublier encore une fois les emplois jeunes alors qu'ils ouvraient la porte du travail à tant de jeunes des cités ? (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe UMP où les huées et le brouhaha persistent) Quant aux maires, c'est moins l'accroissement de leur pouvoir que l'érosion des dotations de l'Etat qui les interpelle. Alors que les cités commençaient de brûler, le 3 novembre dernier, un décret a été signé qui annule 11% des crédits de la politique de la ville. Croyez-vous qu'on puisse soigner la pauvreté des cités par la pauvreté de l'Etat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La force sans la justice, c'est l'arbitraire ou l'impuissance. Nous en sommes là. Les jeunes en révolte sont les enfants perdus de la société libérale (Mêmes mouvements bancs du groupe UMP). Nous en sommes tous comptables. Nous n'avons pas su collectivement trouver les réponses aux ségrégations économiques et sociales. Malgré d'indéniables réussites, la politique de la ville s'est trop souvent limitée à du saupoudrage et à des pansements, faute d'ambitions et, surtout, de continuité.

C'est toute la nation qui est interpellée. Est-elle prête à consentir l'effort de remise à niveau des quartiers en difficulté ? Accepte-t-elle les contraintes de mixité sociale en matière de logement, d'urbanisme et d'emploi ? Veut-elle se donner les moyens d'assurer la pleine égalité des chances à chacun de ses enfants, quels que soient son nom ou son origine ? Les responsables politiques que nous sommes doivent avoir le courage de poser ces questions aux Français. Il ne s'agit plus d'annoncer un énième plan banlieue, mais d'en faire une cause nationale prioritaire à travers une loi de programmation. C'est ce que proposent les députés socialistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La véritable égalité des chances implique de soutenir davantage les quartiers déshérités que les autres. Je ne suis pas sûr, Monsieur le Premier ministre, à voir la priorité éducative que vous avez retenue, que vous en ayez pris la mesure. Les bourses au mérite, les internats existent depuis longtemps. Les financements n'ont, hélas, jamais réellement suivi. Quant à promouvoir l'apprentissage à 14 ans, c'est se résigner à l'échec scolaire, tous les enseignants vous le diront. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; vives protestations sur les bancs du groupe UMP) La priorité, c'est la lutte contre l'illettrisme et la déscolarisation. Cela suppose que les écoles des zones d'éducation prioritaire aient moins d'élèves par classe, plus de professeurs expérimentés et plus de crédits comme l'a proposé la commission Thélot. (Mêmes mouvements) Cessons de distribuer les crédits à l'aveugle. Concentrons-les sur les familles qui cumulent les handicaps sociaux.

Voilà pourquoi, Monsieur le Premier ministre, les députés socialistes vous demandent solennellement d'abandonner votre projet de réforme fiscale aussi injuste qu'inefficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Ne soyez pas schizophrène ! Votre bouclier fiscal, ce ne sont pas les riches qui en ont besoin, ce sont les habitants des cités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; brouhaha sur les bancs du groupe UMP) Redonnez aux collectivités locales les moyens de leur action, à commencer par celles qui, dans les banlieues, cumulent toutes les difficultés.

M. Jean-Michel Fourgous - Démago !

M. Jean-Marc Ayrault - Je suis, comme beaucoup d'entre vous ici, également un élu local. Je n'ai pas une connaissance théorique ni technocratique des problèmes. Pour connaître le terrain, je sais qu'il n'y a pas de solutions magiques. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) Les cités sont le reflet de notre crise nationale, qui est profonde et ne se réduit pas au chômage. Cette crise est aussi la conséquence d'une perte de repères et de normes dans notre vie collective. Trop de jeunes Français, titulaires d'une carte d'identité nationale, vous y avez fait allusion, Monsieur le Premier ministre, se sentent étrangers dans leur propre pays. Trop souvent la société les renvoie à leurs origines et les discrimine. Chacun sait qu'un jeune des quartiers, même titulaire d'une qualification, a plus de mal qu'un autre à trouver un stage ou un emploi. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) Voilà des discriminations concrètes auxquelles il faut mettre un terme. Les mots, les rappels aux droits et aux devoirs ne suffisent plus. Tant que la République oubliera de transmettre ses valeurs, tant qu'elle s'accommodera des barrières sociales et urbaines, le sentiment d'appartenance nationale ne pourra pas être.

Pourquoi, Monsieur le Premier ministre, restez-vous sourd à la proposition de loi, que j'ai défendue ici avec l'ensemble des députés socialistes, visant à instituer un service civique obligatoire pour tous les jeunes Français, garçons et filles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Plusieurs députés UMP - Il n'existe pas de solution socialiste !

M. Jean-Marc Ayrault - Je veux croire que l'Etat est encore capable de réussir le brassage social et suffisamment respecté pour obtenir un effort collectif partagé. Donner quelques mois de sa vie à la collectivité (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP). N'ironisez pas, chers collègues, le sujet est grave. Donner quelques mois de sa vie à la collectivité, disais-je, c'est donner un sens à la solidarité là où elle semble avoir parfois avoir disparu et je sais que certains, sur vos bancs, partagent cet avis.

Nul ne peut ici accepter cette image d'une France écartelée. La République est au pied du mur. En rester à quelques mesures d'urgence l'exposerait à de nouveaux embrasements. Il faut redonner vie à ses valeurs. Les députés socialistes prendront toutes leurs responsabilités à cet égard car ils veulent donner des perspectives et un espoir à tous les Français. Oui, il faut redonner à tous le goût de la fraternité. Les cités ne sont pas un archipel oublié. Les cités, c'est la France ! (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste où les députés se lèvent ; applaudissements sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains ; huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Christophe Lagarde - La France traverse une crise grave, sans précédent dans l'histoire de l'après-guerre. A cet instant, plutôt que de donner l'image d'un Parlement et d'une nation divisés, nous devrions d'abord penser aux victimes de ces dernières semaines, celles de Clichy-sous-Bois, mais aussi celles d'Epinay et de Stains. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP) Les violences qui secouent notre pays depuis maintenant douze jours et suscitent partout la consternation ne sont pas le fruit du hasard. Elles doivent cesser car rien n'est possible dans la violence. Nous le savons bien, nous qui vivons dans des villes plus défavorisées que d'autres et devons gérer au quotidien, et pas seulement lorsque les télévisions se déplacent, les conséquences d'un urbanisme inhumain, de l'échec de l'école à transmettre les règles de la vie en société et donner accès à un emploi, de l'impuissance de la justice qui a, depuis longtemps, renoncé à faire respecter l'Etat de droit de manière équitable partout sur le territoire. Dans nos villes, quelle que soit leur couleur politique, il est plus difficile qu'ailleurs de construire et de donner à chacun sa chance. Alors quand on y détruit, qu'on y brûle et qu'on y pille, il est encore plus difficile qu'ailleurs de repartir de l'avant et de reconstruire.

Oui, Monsieur le Premier ministre, la priorité absolue de l'Etat et de chacun ici, - les maires, de tous bords politiques, l'ont montré ces derniers jours - doit être de rétablir l'ordre, sans lequel la République ne peut rien. Je voudrais exprimer toute notre admiration et toute notre reconnaissance pour le travail des forces de police : malgré leur épuisement, elles ont conservé un sang-froid qui nous a permis d'éviter de nouveaux drames (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP) Mais je veux aussi saluer les sapeurs-pompiers qui n'ont jamais renoncé à porter secours en dépit des agressions et des menaces (Même mouvement) ; sans oublier les maires, les agents locaux, les associations, les éducateurs, les animateurs et les enseignants, qui ont contribué au rétablissement du calme dans des quartiers qui brûlaient hier encore. Je voudrais aussi citer les 25-35 ans, les « grands frères », qui sont descendus, malgré l'image qu'on leur accole, pour ramener à la raison les plus jeunes (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF ; désapprobation sur quelques bancs du groupe UMP).

Vous avez décidé d'appliquer la loi de 1955 sur l'état d'urgence. Il est en effet du devoir de l'Etat de se donner les moyens nécessaires pour rétablir la paix civile face à de tels événements. Mais si cette mesure pourra être utile dans certains quartiers, nous ne l'avons pas attendue pour travailler au rétablissement du calme. Pour un département comme la Seine-Saint-Denis, la décision de l'Etat arrive un peu tard...

Je voudrais, Monsieur le premier ministre et Monsieur le ministre de l'intérieur, vous mettre en garde : ne prenez pas de décision sans consulter les maires ; n'établissez pas de couvre-feu sans nécessité locale, à moins de vouloir raviver les tensions que nous avons pu apaiser (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Au nom des milliers de victimes d'incendies de voitures, de commerces, d'entreprises ou de bâtiments publics, nous demandons des sanctions lourdes. Trop longtemps faible et sans volonté, la République doit défendre ses citoyens et ses principes, pour que la violence ne devienne jamais un mode de revendication normal. Mais la justice doit également s'appliquer chaque jour, et non pas seulement quand les quartiers brûlent : l'écrasante majorité de nos concitoyens, qui respecte la loi, doit pouvoir s'en sortir mieux que ceux qui trichent avec elle (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Le rétablissement de l'ordre ne réglera pas une crise aussi profonde. Elle est le signe d'une République faible, dont l'absence de volonté n'a rien de nouveau. Notre système politique est-il si malade que nous n'ayons rien vu venir ? Pendant vingt-cinq ans et au fil des alternances, les dirigeants successifs ont beaucoup évoqué les banlieues, proposant de repeindre les boîtes aux lettres, de renforcer le nombre d'enseignants ou de financer quelques séjours de vacances ; mais ils essayaient seulement d'accompagner la misère pour la rendre plus supportable. Dans un domaine qui exige la constance de l'action, chaque nouveau gouvernement n'a eu de cesse de défaire ce que le précédent avait fait. En fin de compte, concentrer toutes les difficultés au même endroit ne dérangeait personne, pourvu qu'on n'en parle pas trop (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Et vingt-cinq ans plus tard, le drame est là...

Malgré leurs divergences, tous les partis politiques doivent désormais se réunir et s'engager à appliquer un même pacte républicain pour les banlieues, applicable quelles que soient les alternances. Monsieur le premier ministre, vous avez déjà réuni des maires venant de tous horizons qui ont fait preuve d'une grande identité de vue et d'une vraie capacité à se rassembler. Nous sommes capables - n'est-ce pas, Monsieur Gérin, Monsieur Cardo - d'apporter notre contribution (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Le premier pilier de ce pacte serait de réparer les erreurs d'urbanisme des années 1950-70, en reconstruisant des quartiers où il soit permis d'espérer vivre mieux grâce à ses efforts. Des annonces sur dix-huit mois ne suffiront pas : nous avons besoin d'efforts portant sur une décennie au moins. Si le centralisme et la bureaucratie freinent aujourd'hui tout progrès, l'Etat doit aussi imposer une meilleure répartition du logement social dans toutes les villes, au risque de heurter les sensibilités de certains élus locaux (Applaudissements bancs du groupe UDF et du groupe socialiste).

M. Maxime Gremetz - A Neuilly !

M. Jean-Christophe Lagarde - Le deuxième pilier serait d'adapter l'éducation nationale aux besoins réels des enfants. Comment peut-on encore penser que tous avancent sur un tapis roulant, comme dans le film The Wall, et sont conformés selon le même moule ? Vous avez proposé des pistes, Monsieur le Premier ministre, mais bien d'autres sont nécessaires. Ce qui exige, là encore, un accord entre les courants d'opinion.

Confortons enfin la justice dans son rôle de protection des faibles et des victimes, et non des coupables ! (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Remettons sur le métier l'ordonnance de 1945 : les mineurs d'aujourd'hui n'ont plus rien à voir avec ceux de l'après-guerre. Il faut aussi replacer la responsabilité des familles au cœur des devoirs civiques, tout en aidant celles qui perdent pied ou dépendent aujourd'hui de leurs enfants pour apprendre les lois de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Par delà le nécessaire rétablissement de l'ordre, notre République doit retrouver sa force et sa volonté - faute de quoi nos citoyens risquent de sombrer dans des solutions extrêmes. Brisons les tabous pour éviter les flambées de violence et la désespérance de la jeunesse ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Nous devons mener ensemble des efforts déterminés pour faire appliquer nos valeurs. L'DUF y est prête, sans esprit de parti (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe UMP).

M. François Asensi - La situation de notre pays est gravissime. Chaque nuit apporte son lot de voitures brûlées et d'équipements publics détruits. Les premières victimes en sont les habitants des quartiers difficiles, qui subissent déjà les conséquences de l'injustice sociale. De tels actes sont parfaitement intolérables.

Les députés communistes souhaitent saluer la mobilisation des élus locaux, des agents municipaux et des citoyens qui ont apporté leur concours à la force publique (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Tous ceux qui refusent de pareils actes de violence savent bien que ces écoles, ces postes, ces gymnases sont notre bien commun.

Mettons un terme à ces exactions. Rétablissons l'ordre républicain ! Mais respectons aussi la liberté, l'égalité et la fraternité (Même mouvement). Ne voyez-vous pas d'autre réponse que ce texte de 1955, loi d'exception et attentatoire aux libertés publiques ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Vous répétez une des pages les plus sombres de notre histoire, celle des guerres colonialistes (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains ; exclamations sur les bancs du groupe UMP). Mesurez-vous la portée symbolique de cette loi qui visait à contrôler la presse et les émissions radiodiffusées, à fermer provisoirement les lieux de réunions et à restreindre les libertés publiques ?

Divers députés du groupe UMP - Et le pacte de Varsovie ?

M. François Asensi - Quelle dégradation du pacte républicain a permis d'en arriver là en 2005 ? Le parti communiste français s'élève vigoureusement contre pareille mesure. Vous voulez que nos concitoyens s'enferment chez eux, alors que nous avons besoin au contraire de la plus large mobilisation citoyenne, pour faire reculer la peur et construire d'authentiques alternatives politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Certaines formulations sont choquantes. Je pense par exemple à l'expression « jeunes issus de l'immigration ». Imaginez-vous l'humiliation qu'on éprouve quand on doit falsifier son CV pour trouver un emploi, ou franciser son nom ? La richesse de la France résulte de sa diversité, de son pluralisme, de ses couleurs ! La République a pour devoir d'assurer l'égalité des chances à tous ses enfants (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste)

Ce n'est pas à un état de guerre que nous faisons face, mais à un état d'urgence sociale. Reconnaissez que depuis 1974, les politiques publiques ignorent certains quartiers, devenus des lieux de relégation sociale, des ghettos de la misère. Sans cesse, les députés communistes ont dénoncé cette fracture sociale et ont proposé des solutions alternatives (Protestations sur les bancs du groupe UMP). A quoi répondaient les sarcasmes, parfois les insultes, les accusations de misérabilisme. Or les faits sont là ! Le chômage est deux fois plus élevé dans les zones sensibles que dans le reste de notre pays, 40% des 15-24 ans demeurent sans emploi, tandis que le retard scolaire dépasse de dix points la moyenne nationale. La ségrégation spatiale empire dans notre pays.

Et que dire de la solidarité quand le potentiel fiscal s'élève à 2 152 euros dans une commune des Hauts de Seine, que je ne nommerai pas, contre 395 à Sevran, dans ma circonscription ?

Mais n'incriminez pas pour autant notre République, fille des lumières et de la révolution française : toutes les sociétés occidentales se heurtent aux mêmes difficultés, qu'il s'agisse des Etats-Unis, de l'Allemagne ou du Royaume-Uni. Los Angeles, Liverpool et Birmingham connaissent également des lieux de relégation sociale et des violences urbaines (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Divers députés du groupe UMP - Et Moscou ?

M. François Asensi - Seul le libéralisme est responsable, et non notre modèle social. Si ce dernier est en panne, la faute en incombe aux politiques menées, prônant ou accompagnant une libéralisation destructrice.

Des millions de nos concitoyens vivent aujourd'hui dans une insécurité sociale permanente alors que l'argent coule à flot pour certains privilégiés. Les jeunes ne peuvent plus bâtir de projets : quand ils ne sont pas au chômage, ils ne bénéficient que d'emplois précaires - CDD, intérims ou contrats « nouvelle embauche » - qui ne leur permettent ni d'emprunter, ni d'acheter, ni même de louer un logement. Voilà comment se met en place le terrible cycle de la marginalisation. Chaque nouvelle mesure du Gouvernement nous écarte de notre modèle social républicain et des droits fondamentaux. En privatisant les services publics, en réformant l'ISF, le Gouvernement pratique une solidarité inversée, où les pauvres paient pour les cadeaux faits aux plus riches ! (Approbation sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Au nom de la décentralisation, l'Etat abandonne ses responsabilités dans la cohésion sociale et territoriale. Mais notre Constitution, la Déclaration des droits de l'homme ne disposent-elles pas que la République, une et indivisible, doit assurer l'égalité des chances pour chacun, quelle que soit son origine ?

Monsieur le Premier ministre, vous disiez hier qu'être citoyen de notre République donne des droits mais impose des devoirs. Mais l'Etat n'en a-t-il pas, et d'abord celui d'assurer l'égalité des chances ? Parlons donc de ses devoirs. A ce jour, et c'est un engagement de votre prédécesseur, il doit toujours au département de la Seine-Saint-Denis 119 millions pour compenser les transferts de charges liés à l'APA et au RMI. (« Voilà ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Vous laissez ce département en grande difficulté dans une misère totale. Et les élus ne doivent-ils pas donner l'exemple en appliquant la loi républicaine ? Certains membres de votre gouvernement, ou parlementaires, qui sont maires, refusent d'appliquer la loi SRU et de construire des logements sociaux, (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) ils refusent égoïstement la solidarité nationale pour s'attirer quelques voix.

Nous ne faisons pas d'angélisme. L'histoire des communistes est marquée de courage. (« Et le goulag ? » sur de nombreux bancs du groupe UMP) Bien sûr, des individus dérogent aux règles sociales pour vivre de l'argent facile et des trafics. Il faut mettre un terme à cette économie souterraine, mais refuser avec vigueur tout amalgame, toute stigmatisation. Et les propos d'une extrême violence tenus par le ministre de l'intérieur, ministre d'Etat, ne sont pas dignes d'un ministre de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

Ces quelques minutes ne suffisent pas à traiter d'une crise d'une telle ampleur. Le Parlement doit se saisir de la question dans les prochains jours. Il faut refaire le budget, qui ne répond pas aux besoins de la société et dont les mesures fiscales font la part belle à une infime minorité, à commencer par les barons du CAC 40 qui, aux stock options et aux « parachutes en or » vont ajouter les cadeaux de l'ISF et des exonérations de charges. L'heure n'est pas à mener une politique comptable centrée sur les déficits publics, mais à un redéploiement des moyens vers les quartiers en difficulté. Il faut faire un diagnostic de la situation pour prendre les mesures qui s'imposent, il faut informer et dialoguer pour que nos concitoyens comprennent la situation des grands ensembles. Il faut cesser de stigmatiser, de culpabiliser toute une partie de la France pour s'exonérer du devoir de regarder la réalité en face.

Monsieur le Premier ministre, vous devez la vérité aux Français. Il faut qu'ils sachent ce que sont les inégalités, les souffrances, et qu'on cesse de culpabiliser tel ou tel pour sa religion ou la couleur de sa peau. Une France laïque a besoin de syndicats, d'associations, de police de proximité, de tous ceux qui assurent le lien social sur le terrain, et auxquels le Gouvernement ne donne pas sa confiance, puisqu'il a supprimé les subventions aux associations.

Le 21 avril 2002, une grande anxiété sociale s'est déjà manifestée dans les urnes. Le 19 mai, la majorité des Ftrançais ont exprimé leur refus d'une société libérale où l'argent s'étale avec insolence. Il faut rendre espoir à toute la jeunesse. Une société qui est incapable de lui ouvrir les portes de l'avenir se condamne. En aucun cas nous ne défendons le nihilisme, la violence, l'autodestruction. Nous disons à la jeunesse qu'il faut savoir se rebeller pour s'affirmer comme citoyen d'une société ouverte sur l'avenir. Nous choisissons de faire confiance à cette jeunesse et voulons lui donner les moyens d'espérer dans notre République et ses valeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Bernard Accoyer - Depuis 12 jours, notre pays est confronté à des violences urbaines d'une ampleur jusque là inconnue, que rien ne saurait justifier. Ce qui est en cause, c'est le respect de notre pacte républicain, la liberté des habitants de ces quartiers, premières victimes des violences et pour lesquelles, Monsieur Ayrault, j'ai déjà demandé au Gouvernement, au nom des députés UMP, qu'elles ne soient pas obligées en plus de payer les conséquences des violences qu'elles subissent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Ce qui est en cause, c'est leur sécurité, leur liberté d'aller et venir, de travailler, leur droit de propriété. Nous, députés de la nation, nous nous exprimons pour cet homme, battu à mort à Epernay-sur-Seine devant sa famille (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF), pour cet habitant de Stains froidement assassiné à la porte de son immeuble (Mêmes mouvements), pour cette femme handicapée gravement brûlée à Sevran (Mêmes mouvements), pour tous ces habitants des quartiers victimes d'une infime minorité de délinquants, de criminels, de chefs de bande qui manipulent sans scrupule des jeunes en désespérance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilbert Biessy - Il en oublie deux !

M. Bernard Accoyer - Ce qui est bafoué par ces dégradations, ces incendies, ces destructions de commerces, de commissariats, d'écoles, de bus, de bibliothèques, de gymnases, de bureaux de poste, de perceptions, c'est l'Etat.

M. Henri Emmanuelli - C'est incroyable ! Il a oublié deux victimes !

M. Bernard Accoyer - Ce sont les services publics pour tous. C'est inacceptable, car les habitants de ces quartiers n'aspirent, comme tous les Français, qu'au respect de leurs droits et des lois de la République (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

La démocratie ne peut s'accommoder de zones de non droit. L'ordre républicain et la paix publique doivent s'appliquer sur tout le territoire national et rien ne saurait justifier un quelconque renoncement, un quelconque abandon, car, ainsi que l'a rappelé le Président de la République, le dernier mot doit revenir à la loi. Seule la République peut garantir la justice, seule la justice peut déterminer les responsabilités en toutes circonstances, y compris les plus tragiques, telle la mort accidentelle de deux jeunes à Clichy-sous-Bois. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP, dont quelques députés apostrophent vivement l'opposition)

Le courage, le calme, le professionnalisme avec lesquels les forces de l'ordre assurent sans relâche leur difficile mission appellent la plus grande reconnaissance de la nation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Monsieur le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, soyez notre interprète pour remercier au nom de tous les Français les policiers et les gendarmes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe UDF). Nous voulons également témoigner notre gratitude à tous les courageux sapeurs-pompiers, à tous les agents de l'Etat et des collectivités territoriales (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP) victimes de ces violences contre les transports publics, contre les écoles et qui ne renoncent pas à leur mission. Monsieur le Garde des Sceaux, grâce à la prompte réponse de vos services, et au recours à la procédure de comparution immédiate, les actes de délinquance sont rapidement punis. Il doivent l'être sévèrement, comme vous l'avez demandé. Le témoignage sous anonymat, institué par la majorité dans la loi du 9 septembre 2002, permet l'interpellation des fauteurs de trouble, presque toujours connus des habitants des quartiers dont ils pourrissent la vie quotidienne. Les mesures de placement en centre éducatif fermé prises à l'encontre des mineurs de moins de 16 ans, prévues par cette même loi, permettront d'éviter une dérive vers des actions de plus en plus violentes mettant en danger leur propre vie.

Certains parents ont aussi leur responsabilité quand de jeunes mineurs, livrés à eux-mêmes en pleine nuit, participent à ces violences. Si la République accorde des droits financiers aux parents, elle attend en retour qu'ils exercent l'autorité parentale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et de M. Jean-Christophe Lagarde)

Quant le pacte républicain est en cause, c'est par un mouvement de cohésion, d'unité nationale que Gouvernement et élus doivent répondre. L'heure n'est pas aux polémiques politiciennes. Le retour à l'ordre républicain est le préalable indispensable. Nous faisons confiance à votre gouvernement, Monsieur le Premier ministre, pour le rétablir. En décrétant l'état d'urgence, en appliquant la loi de 1955, en établissant là où cela est nécessaire un couvre-feu, vous avez pris une décision d'exception pour répondre à une situation exceptionnelle. La force doit rester à la loi républicaine. C'est ce qu'attendaient nos compatriotes, et plus encore les victimes de ces violences.

C'est une fois la paix civile retrouvée que nous pourrons, ensemble, débattre des causes profondes qui ont conduit à cet embrasement. Certes, depuis plusieurs décennies les gouvernements successifs ont investi beaucoup d'argent dans les politiques de la ville et de l'intégration. Maires et élus locaux, auxquels nous devons rendre hommage, ont travaillé inlassablement, comme les services de l'Etat et les associations. Les maires sont en première ligne dans ce combat et vous avez raison de vouloir renforcer leurs capacités d'action en ce qui concerne la prévention, l'insertion et la sécurité. Comment avons-nous pu en arriver là alors que les ZEP et les 85 zones franches urbaines, qui ont permis de créer 85 000 emplois, ont apporté des réponses concrètes à l'échec éducatif et à la lutte contre le développement de l'économie souterraine ? Elles n'ont pourtant pas suffi. Aujourd'hui, avec le plan de rénovation urbaine adopté en 2003, et un effort financier de 15 milliards sur 30 milliards prévus au total, ce sont déjà 239 cités qui sont en rénovation. Mais l'ampleur de la tâche, les délais de réalisation, empêchent que les effets de ce plan soient déjà clairement perçus. Vous avez donc raison, Monsieur le Premier ministre, d'avoir demandé à Jean-Louis Borloo d'en accélérer la mise en œuvre. Le plan de cohésion sociale répond avec pertinence aux besoins d'éducation, de formation en alternance, d'apprentissage, d'accès à l'emploi et au logement, pour assurer l'insertion indispensable à l'égalité des chances, à l'appartenance à la communauté nationale et au refus de toute discrimination. De même, l'effort de construction de logements sociaux est aujourd'hui à la hauteur des besoins : 100 000 en 2005 contre seulement 40 000 en 2000.

Les violences urbaines ne doivent pas conduire à caricaturer la réalité des cités et à oublier l'intégration réussie d'innombrables familles qui ont choisi la France et adhèrent aux valeurs de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ces femmes, ces hommes, ces jeunes qui cherchent un emploi, qui travaillent, qui étudient et - plus souvent qu'on ne le dit - qui réussissent, ce sont eux que nous voudrions voir et entendre à la télévision plutôt que des images de violence, complaisamment relayées par les télévisions étrangères, et qui contribuent à allumer d'autres feux ! (Même mouvement)

Nous devons nous attaquer avec détermination aux causes de l'échec de l'intégration, mais en sachant que la générosité, si forte soit-elle, trouve ses limites dans notre capacité d'accueil. Il nous faut par conséquent améliorer le contrôle des flux migratoires (Même mouvement) afin de mieux intégrer les populations immigrées et leurs enfants. Nous devons veiller à ce que le droit d'asile, le droit au regroupement familial, les lois sur le mariage et notre générosité humanitaire ne soient pas dévoyés, ne soient pas galvaudés ! (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Comme souvent dans notre histoire, la nation sortira renforcée de cette épreuve en offrant à tous un message d'espoir et d'avenir. Fermeté, justice et respect nous permettront de retrouver tous ensemble, quelle que soit notre origine, les valeurs qui fondent la République : liberté, égalité et fraternité ! (Applaudissements fournis sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire - Nous avons voulu aborder ce débat sans esprit de polémique, parce que la responsabilité de tous les gouvernements depuis quarante ans est à l'évidence engagée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), parce que les émeutiers profiteraient de la division de la représentation nationale pour justifier l'injustifiable (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP), et parce que seul le consensus national peut faire bouger notre pays en faveur des quartiers les plus déshérités (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Comme le Premier ministre l'a affirmé, nous traversons une épreuve de vérité : la loi de la République contre la loi des bandes. Quelles que soient les motivations des émeutiers - l'argent, la violence, l'intégrisme ou je ne sais quel sentiment -, la République doit l'emporter ! Sa force, à la différence de celle des émeutiers, est légitime. Elle obéit à des valeurs et à des règles. Elle ne peut pas céder devant la force des bandes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

J'admets volontiers la durée exceptionnelle de ces événements. Mais rappelons qu'entre 1998 et 2001, on a comptabilisé 23 jours de violences urbaines (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Je n'en fais le reproche à personne mais il est de mon devoir de ministre de l'intérieur de signaler qu'au cours des 13 derniers jours, 1 250 personnes ont été interpellées. Entre 1998 et 2001, aucune ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Ce n'est pas de la polémique, ce sont des faits !

Je veux d'ailleurs rendre hommage à MM. Gérin et Vals et, dans une certaine mesure, à M. Dray, pour avoir relevé les ravages que provoque le sentiment d'impunité dans notre pays (Mêmes mouvements). Vous avez été nombreux à rendre hommage aux forces de l'ordre et, de fait, leur compétence et leur professionnalisme ont permis d'éviter toute bavure. Permettez-moi de porter ce succès aussi au crédit du Gouvernement puisqu'il est d'usage de le blâmer quand des dérapages se produisent ! Ce n'est pas un miracle, mais le résultat d'une stratégie ! (Mêmes mouvements)

Quelques mots sur le vocabulaire (« Ah ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Ce qui me choque, c'est que l'on parle de « tournante » pour désigner un viol (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP), « d'incivilités » pour des émeutes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) et de « grands frères » pour des caïds (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP). Monsieur Lagarde, ce sera là notre seul point d'opposition, sachez que ces « grands frères » n'ont aucun scrupule à utiliser les mineurs, à les mettre en avant. Nous avons découvert il y a quelques jours sept mineurs de 13 à 17 ans occupés à fabriquer des cocktails Molotov dans un laboratoire clandestin. L'un d'entre eux vient d'avouer qu'il avait été manipulé par celui qu'il appelait son « grand frère » et qui n'était en fait qu'un délinquant !

A quoi avons-nous affaire ? A des injustices ! (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) A du racisme ! A de la désespérance ! Nous devons donc faire plus pour ceux qui ont moins. Mais ayons le courage de reconnaître qu'il ne s'agit pas que d'une question d'argent ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Depuis des années, des moyens considérables, procurés par le travail des Français et par leurs impôts, ont été mobilisés sans que nous obtenions la récompense de cet investissement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ayons le courage de dire aux jeunes que le proverbe populaire « Aide-toi, le ciel t'aidera » vaut dans les quartiers comme dans toutes nos familles de France ! (Même mouvement) Ayons le courage d'affirmer que l'aide de l'Etat ne sert qu'à ceux qui ont la volonté de se lever tôt le matin pour travailler et s'en sortir ! Aucune solution n'est possible sans volonté personnelle !

Monsieur Ayrault, vous avez raison : il ne faut plus justifier la violence. Le Gouvernement vous remercie de votre soutien. A force d'expliquer l'inexplicable, notre pays en est venu à excuser l'inexcusable (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP). Vous avez le droit de penser que le Gouvernement instrumentalise la peur...

Plusieurs députés socialistes - C'est précisément ce que vous êtes en train de faire !

M. le Ministre d'Etat - ...mais il ne fallait pas nous la laisser en héritage !

M. François Hollande - Et vous, que nous laisserez-vous en héritage ?

M. le Ministre d'Etat - On ne peut instrumentaliser ce qui n'existe pas. Quant à notre stratégie policière, je ne la prétend pas parfaite, mais elle a permis de réduire de 8% la délinquance. Pourquoi ne pas faire preuve de la même sévérité à l'égard de votre bilan ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Quant aux adjoints de sécurité, ils n'ont jamais été supprimés, mais je pense que mieux vaut cesser d'envoyer les plus jeunes et les moins expérimentés de nos fonctionnaires dans les quartiers les plus difficiles !

Même si le Gouvernement a apprécié la prise de position courageuse de certaines organisations, nous ne voulons pas de l'ordre des religieux. Nous avons tous été émus par l'attaque de la mosquée de Clichy-sous-Bois - mais nous le sommes tout autant par celle d'églises au moyen de cocktails Molotov (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Les lieux de culte sont égaux en droits, en devoirs et en émotion ! Je regrette qu'aucun député n'ait évoqué ce point lors de son intervention.

Messieurs Lagarde et Accoyer, effectivement, il faut penser aux victimes. Le Premier ministre a demandé à M. Breton de traiter ce problème en urgence. Mais nous ne voulons pas encourager des gens peu scrupuleux à profiter de notre effort en faveur de ces victimes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Les décisions les concernant seront donc annoncées une fois que l'ordre républicain sera rétabli (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Concernant le couvre-feu, il n'est pas question de le décider sans l'accord des maires (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Le Premier ministre a demandé l'application mesurée (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) de cette décision de prévention et de précaution, qui ne menace la liberté de personne, et il est cocasse que M. Asensi, au nom du parti communiste, donne des leçons de liberté à la représentation nationale (Rires sur les bancs du groupe UMP).

Monsieur Asensi, vous avez raison de dire que la « France multiple » est une chance. S'il n'y avait eu que des « Français de souche » - comme les appelle un triste représentant d'une formation politique - dans notre équipe de football, il n'est pas sûr que nous aurions remporté la coupe du monde en 1998. Mais si la France multiple a des droits - et peut-être n'avons-nous pas été assez généreux sur ce point -, elle a aussi des devoirs. Nous ne l'avons sans doute pas rappelé assez fermement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Maxime Gremetz - Que faites-vous de la Constitution ?

M. le Ministre d'Etat - Enfin, Monsieur Accoyer, nous croyons tous à la famille. Mais elle n'est pas simplement un moyen d'obtenir des allocations. C'est aussi le lieu où doit s'exercer une autorité. Un jour, nous devrons clairement poser la question du maintien des allocations en cas de manquement de cette autorité ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Telle est la réponse du Gouvernement ! (Les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent.)

La séance, suspendue à 16 heures 45, est reprise à 17 heures 5, sous la présidence de M. Leroy.

PRÉSIDENCE de M. Maurice LEROY

vice-président

LOI DE FINANCES POUR 2006 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006.

ÉCOLOGIE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits relatifs à l'écologie et au développement durable. Je rappelle que la discussion de ces crédits a eu lieu à titre principal en commission des finances élargie. Elle fera donc l'objet en séance publique d'un débat restreint auquel prendront part le Gouvernement, pour une brève intervention, et un orateur pour groupe, pour une explication de vote.

Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable - M'étant déjà longuement exprimée en commission élargie, je n'interviendrai pas de nouveau, mais je répondrai volontiers à toute question.

Mme Marcelle Ramonet - L'adoption de la Charte de l'environnement, désormais adossée à notre loi fondamentale, place la France à la tête du mouvement pour la préservation et la reconquête de l'environnement. Nous posons ainsi les bases d'une société plus respectueuse de son environnement, plus vertueuse quant à l'emprise des activités humaines sur les milieux mais aussi en instaurant les bonnes pratiques garantes d'un développement durable, d'une société plus responsable.

La prise en compte des problèmes environnementaux dans toutes nos politiques publiques marque de son empreinte ce budget pour 2006. Parce que les enjeux sont multiples et complexes, nous sommes particulièrement attentifs à la maîtrise des dépenses et à l'efficacité de nos engagements financiers.

Grâce au volontarisme qui marque la mission ministérielle « écologie et développement durable » et de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur », vous fournissez, Madame la ministre, des réponses offensives, garantes d'un effort constant. En 2006, les autorisations d'engagement s'élèvent à 913 millions et les crédits de paiement à 895 millions.

Cependant, je le répète, la notion de développement durable irrigue désormais toutes nos politiques publiques, et l'effort de notre pays en matière d'environnement va bien au-delà des crédits de votre ministère. L'écologie exige en effet une action transversale.

La somme des différentes missions ministérielles concernées atteint 2,6 milliards de crédits, dont 633 millions sont consacrés aux mesures agri-environnementales. D'autre part, les établissements qui, sous la tutelle de votre ministère, ont un financement propre comme l'ADEME, l'IFEN, l'INERIS, etc., sont dotés d'une enveloppe de 2,4 milliards, dont 1,9 pour les seules agences de l'eau. Enfin, l'action des collectivités territoriales et locales représente un montant de 27 milliards.

L'action globale de notre pays en faveur de l'environnement mobilise donc 31,8 milliards par an.

Vos priorités pour 2006 répondent à nos attentes.

Pour protéger la santé et la sécurité de nos concitoyens, et dans la lignée de la loi du 30 juillet 2003, vous poursuivez la mise en œuvre des plans de prévention des risques technologiques et naturels, et vous amplifiez la politique de gestion et de prévention des crues et des inondations.

En matière de climat, nos engagements internationaux seront tenus grâce à une économie annuelle de 54 millions de tonnes équivalent pétrole de gaz carbonique. Notre ambition est de diviser nos émissions par quatre d'ici à 2050. Cette politique s'inscrit dans le droit fil du protocole de Kyoto : ainsi, en 2010, 21% de la production électrique française devra provenir de sources d'énergie renouvelables. De même, vous avez défini une politique offensive pour le développement des biocarburants.

Les économies d'énergie et le développement des technologies propres et des énergies renouvelables permettront seuls de relever les défis environnementaux. A ce titre, le rôle central dévolu à l'ADEME est confirmé par l'affectation à cette agence de la taxe intérieure sur les consommations de gaz naturel, soit 170 millions par an.

En ce qui concerne le programme « gestion des milieux et biodiversité », la future loi sur les parcs nationaux permettra de mieux protéger et valoriser les espaces naturels. Je me réjouis aussi que la France comble enfin son retard dans la mise en œuvre du plan Natura 2000.

Elue d'une région maritime, je suis sensible à votre souci de renforcer le Conservatoire du littoral par l'affectation de 80% du droit de francisation des navires, ainsi qu'à votre volonté d'agir en faveur des milieux aquatiques et de préserver la ressource en eau. A ce dernier égard, le projet que nous examinerons au début de 2006 devrait clarifier le rôle des différents acteurs de la politique de l'eau.

Le groupe UMP a confiance en votre politique et accorde son soutien résolu à votre budget ! (Applaudissements sur le banc de la commission des finances)

Mme Geneviève Gaillard - Pour la troisième année consécutive, le budget du ministère de l'écologie et du développement durable est en baisse. Comme à votre habitude, vous me répondrez qu'un bon budget ne s'apprécie pas à l'aune de sa dotation. Mais souvenez-vous de ce qui a été dit en commission élargie : bientôt, avec rien, nous ferons tout !

En matière de protection de l'environnement, les attentes de nos concitoyens sont considérables. En outre, ce sont les populations les plus défavorisées qui subissent de plein fouet les effets des problèmes écologiques.

Le budget de l'environnement représente 0,3% du budget de l'Etat. C'est faible, avouez-le ! Et il baisse de 2% cette année : les autorisations d'engagement passent de 791 à 612 millions. Des annulations budgétaires sont déjà en cours pour 29 millions. Comment répondrez-vous ainsi aux attentes ?

Les associations vont, elles aussi, souffrir de cette baisse, alors que leur rôle sur le terrain est considérable.

Même si des taxes sont affectées au fonctionnement de l'ADEME, son budget n'est pas à la hauteur des besoins alors même que le Gouvernement prétend faire de la lutte contre les gaz à effets de serre une priorité. Comment l'ADEME pourra-t-elle faire sans renoncer à aucune de ses missions ? Lorsque l'on sait en outre combien la politique de traitement des déchets est déficiente, nous serons immanquablement confrontés à un certain nombre de déconvenues.

Ce budget, de plus, est anticonstitutionnel. Nous avons en effet adossé à la Constitution une Charte de l'environnement et M. Raffarin avait dès 2003 affirmé que la stratégie du développement durable devait informer toute l'action du Gouvernement. Le niveau de ce budget témoigne mal en faveur de cette ambition et du principe auquel nous avons donné valeur constitutionnelle !

M. Jean-Louis Dumont - Très bien.

Mme Geneviève Gaillard - Enfin, l'absence de document transversal ne nous permet pas d'apprécier précisément l'action gouvernementale.

Mme la Ministre - Cela n'a jamais été fait, mais nous sommes en train de le réaliser.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Le Gouvernement s'y emploie, en effet.

Mme Geneviève Gaillard - Le budget n'en fait pas état.

M. Jean-Louis Dumont - C'est bien plutôt le règne de l'opacité !

Mme Geneviève Gaillard - Le groupe socialiste ne votera donc pas ce budget étriqué et en diminution, qui ne répond pas aux exigences de notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean Lassalle - Ce budget s'élève à 620 millions et, par les temps qui courent, nous comprenons qu'il soit difficile de faire mieux, même si c'est peu au regard des dix milliards de bénéfices de Total.

Tout le monde a noté combien les structures s'empilent dans le secteur de l'environnement et je vous sais gré, Madame la ministre, d'avoir demandé à l'inspection générale de l'environnement l'organisation d'une mission afin de clarifier la situation et de faire des propositions. Des moyens nouveaux sont affectés à l'ADEME, dont 15 millions provenant des recettes de la taxe additionnelle sur les certificats d'immatriculation applicables aux véhicules à forte émission de gaz carbonique. Le salaire de M. Desmaret, patron de Total, ayant été de 6 millions l'an dernier, cela ne représente jamais que deux fois son traitement : c'est bien, mais il doit être possible de mieux faire. A cela s'ajoutent toutefois les recettes de la taxe intérieure sur la consommation des gaz naturels qui, elles, s'élèvent à 170 millions. En ce qui concerne l'incorporation des biocarburants, le projet du Gouvernement va dans le bon sens mais nous souhaiterions une politique encore plus volontariste. Pourquoi, par exemple, ne pas mettre en place un péage urbain pour les conducteurs de véhicules qui émettent le plus de gaz carbonique ?

Ce ministère dispose d'un budget modeste alors qu'il suscite bien des attentes. De plus, il n'est pas adapté aux grandes préoccupations de notre temps. Nous sommes en effet confrontés à d'immenses défis, et en particulier celui de l'urbanisation massive : selon l'OCDE, 70% des 6,5 milliards d'êtres humains vivent aujourd'hui dans des zones de campagne ou de montagne, mais le rapport avec la population urbanisée s'inversera dans les quinze prochaines années, certaines villes dépassant alors 30 ou 40 millions d'habitants. En France, 80% des habitants vivent déjà sur 20% du territoire, et l'on voit ce qu'il en est.

M. Philippe Folliot - Très juste.

M. Jean Lassalle - Le ministère de l'écologie ne peut certes pas résoudre ce type de problèmes, mais faisons tout pour attirer l'attention de nos concitoyens sur les défis auxquels nous serons confrontés. Veillons également à ne pas incriminer les habitants des campagnes, qui acceptent mal des textes et des directives laissant penser qu'ils seraient responsables de tous les maux.

Nous parlons beaucoup des espèces en voie de disparition, mais hélas, on n'évoque pas assez l'espèce humaine, qui sera bientôt la plus difficile à préserver.

Le groupe UDF s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. André Chassaigne - L'actualité fut dominée cet été par les conséquences de la sécheresse. Pendant la même période, notamment dans le Puy-de-Dôme, de nombreuses parcelles de cultures d'OGM ont été détruites par des faucheurs volontaires. Alors que le programme Reach est en négociation à Bruxelles, un rapport d'information du Sénat vient de faire le point sur les ravages de l'amiante : environ 100 000 personnes, essentiellement des ouvriers, en mourront. Enfin, comment ne pas faire référence aux destructions causées par le cyclone Katrina aux Etats-Unis ? De plus en plus de scientifiques sont persuadés que la violence croissante des cyclones dans les zones tropicales est une conséquence directe du réchauffement climatique.

Après l'adossement de la Charte de l'environnement à la Constitution, nous avions donc toutes les raisons d'attendre des pouvoirs publics un budget à la hauteur des attentes. Or, tel n'est pas le cas. Certes, il est en apparence stable par rapport à l'année dernière, en tout cas plus stable que les faramineux profits du CAC 40, mais il représente une part des dépenses de l'Etat inversement proportionnelle à son importance politique, soit à peine 0,23% du total soumis au vote du Parlement.

Je ne prendrai que quatre exemples pour illustrer mes propos, et tout d'abord celui du réchauffement climatique et de l'épuisement progressif des énergies fossiles. Le développement d'énergies renouvelables se situe évidemment au cœur de cette problématique. La République a construit un formidable établissement public, EDF, qui dispose des capacités financières et techniques pour répondre, en partie, à cet enjeu. Mais plutôt que de l'utiliser, le Gouvernement a décidé de le jeter en pâture aux marchés financiers: combien de projets d'investissement dans la recherche seront bientôt sacrifiés au profit d'opérations financières de croissance externe ou de paiement de charges financières toujours plus lourdes ?

La gestion des déchets devient également un sujet de préoccupation croissante : la loi de 1992 est à bout de souffle. Notre réglementation ne parvient plus à maîtriser ni l'explosion des déchets ménagers ni celle de leur coût. Les sociétés agréées, comme Eco-Emballages, sont sous la coupe d'industriels plus intéressés par les profits que par la maîtrise de la production des déchets. Comme nombre de collectivités territoriales sont démunies, des dizaines de départements ne seront bientôt plus en mesure de traiter leurs déchets ménagers. Nous devrons donc refonder notre politique et j'ai déposé une proposition de loi sur cette question.

Madame la ministre, je vous ai interpellée en commission élargie sur la baisse dramatique, à hauteur de 20%, des crédits de fonctionnement des parcs naturels régionaux. Je n'ai pas eu de réponse, alors que ces restrictions budgétaires sont lourdes de conséquences pour le bon fonctionnement de ces parcs. Comment les justifiez-vous ? Dans quelle mesure pouvez-vous garantir le bon fonctionnement des parcs naturels régionaux ? Votre silence nous inquiète.

M. Philippe Rouault, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'écologie et le développement durable - Quelle mauvaise foi !

M. André Chassaigne - Il est vrai que vous nous accusez toujours de mauvaise foi dès que nous posons des questions sérieuses et précises.

La politique de prévention des risques technologiques et des pollutions recouvre des questions extrêmement diverses, depuis la prévention des risques industriels jusqu'au problème des OGM. Sur cette question, qui relève strictement de votre budget, les moyens des pouvoirs publics sont insuffisants : comment accepter que plus de mille hectares de maïs transgénique soient cultivés à des fins commerciales, à l'insu dit-on des pouvoirs publics et sans qu'aucune réglementation ait été votée au Parlement ? Il s'agit là d'une offense à la puissance publique et de la manifestation d'un véritable mépris à l'endroit de la mission d'information parlementaire dont les travaux n'ont toujours pas été pris en compte.

Vous comprendrez, dans ces conditions, que les députés communistes et républicains rejettent ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Écologie et Développement durable

ÉTAT B

M. Alfred Trassy-Paillogues - Mon amendement 181 vise à supprimer les moyens mis à la disposition de l'Observatoire national des effets du réchauffement climatique - ONERC. Malgré dix-huit mois de recherches approfondies et de consultations diverses, je ne suis toujours pas parvenu à identifier la valeur ajoutée de cet organisme - notamment par rapport à la mission interministérielle sur l'effet de serre, la MIES -, ni à me faire préciser la nature de certaines de ses dépenses. Je rappelle que plus d'une dizaine d'entités - sans compter une quinzaine d'associations - sont actives dans le champ de compétence de l'observatoire, l'empilement des structures nuisant à la lisibilité de l'action menée contre l'effet de serre. C'est à croire que le raisonnement par missions permet d'occulter la destination de certains crédits.

Lorsque j'ai soulevé le problème en commission, le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères a craint que ma proposition nuise au rayonnement international de l'ONERC et de la MIES et compromette leur participation aux grands colloques sur les changements climatiques. Qu'il se rassure : les personnels de ces organismes - et plusieurs personnes qu'ils avaient « invitées » - ont fait l'an passé un véritable tour du monde pour participer aux principales manifestations, notre présence sur ces sujets étant assurée quel que soit le continent où se tenait le colloque...

M. Jean Dionis du Séjour - C'est un peu fort !

M. Alfred Trassy-Paillogues - Les notes de frais de déplacement attestent d'une grande « souplesse », les billets étant souvent pris au dernier moment et donc au prix fort - alors que les dates des grands colloques sont connues des mois à l'avance -, et les participants ne se faisant pas prier pour goûter aux attentions de la classe affaires, ce qui est bien compréhensible lorsqu'il s'agit de rallier Wellington ou Buenos Aires...

Madame la ministre, compte tenu des besoins en crédits frais qui apparaissent sur certains de vos programmes - je pense notamment aux parcs nationaux -, sans doute ne serez-vous pas insensible à l'occasion de redéploiement que je vous offre via cet amendement... (Rires sur les bancs du groupe UDF) Et si j'ai présenté les choses sous un angle un peu anecdotique, les faits que je rapporte sont malheureusement avérés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe UDF)

M. le Rapporteur spécial - La commission des finances n'a pas examiné cet amendement et j'indique à M. Trassy-Paillogues que les conclusions du contrôle sur pièces et sur place que j'ai effectué auprès de l'ONERC seront connues au début de l'année prochaine. Même si je suis moi aussi très attentif à la bonne utilisation de la ressource publique, il me semble plus sage de retirer cet amendement et d'attendre les résultats du contrôle.

M. Jean Dionis du Séjour - Mais non ! Tiens bon, Alfred ! (Sourires)

Mme la Ministre - Je partage évidemment votre souci de bonne gestion et, depuis ma prise de fonction, je fais en sorte que chacun des satellites de mon département ministériel fasse l'objet d'un audit approfondi. S'agissant de l'ONERC, j'appelle votre attention sur le fait que ses moyens ne sont pas individualisés sur la ligne budgétaire qu'il partage avec la MIES. Il est donc abusif d'estimer ses crédits à un million. Par ailleurs, comme vient de l'indiquer votre rapporteur spécial, les conclusions d'un audit de l'Observatoire seront rendues au début de l'année. Je souhaite par conséquent, Monsieur Trassy-Paillogues, que vous ayez la gentillesse de retirer votre amendement.

M. Philippe Tourtelier - Siégeant au conseil de l'ONERC en qualité de suppléant, je m'étonne que notre collègue Trassy-Paillogues n'obtienne pas les informations qu'il demande puisque le membre titulaire appartient à son groupe... Quoi qu'il en soit, je n'approuve pas la méthode qui consiste à prendre le problème par le biais des frais de déplacement. C'est un peu facile, et à ce compte-là, nombre de nos groupes d'études ou d'amitié pourraient être mis en cause. De même, il ne me semble pas justifié d'adresser une critique globale à la MIES et à l'ONERC, chacun ayant un rôle à jouer et l'Observatoire s'étant parfois montré précurseur dans son approche du changement climatique. Je ne conteste pas qu'il y ait un peu d'ordre à mettre dans tout cela, mais il ne faut pas céder à la facilité et renoncer dans la précipitation à un organisme expert qui peut assurer la représentation de nombreux intérêts.

M. Alfred Trassy-Paillogues - Je ne doute pas, Madame la ministre, de votre bonne foi et je regrette d'autant plus de ne pouvoir vous donner satisfaction que vous m'avez demandé de faire preuve de gentillesse... Le fait est que j'aurais volontiers retiré mon amendement si je ne me heurtais pas depuis dix-huit mois à une véritable fin de non-recevoir de la part de vos services, lesquels se sont même cru autorisés à m'accuser d'être subversif parce que je voulais faire la clarté sur ces dépenses ! La même attitude de fermeture persiste malgré mes demandes réitérées et je maintiens par conséquent mon amendement.

M. Jean Dionis du Séjour - Le groupe UDF soutiendra cet amendement très sérieux. Notre collègue est dans son rôle en mettant en évidence une dérive, et si nous avons voté la LOLF, c'est bien pour pouvoir présenter ce type d'amendements ! Bien entendu, si une ouverture est faite d'ici à la discussion par le Sénat, il sera toujours temps de reconsidérer la question.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je profite de l'occasion pour poser une question... en espérant une réponse ! Il y a trois ans, Jacques Pélissard et moi-même avons fait voter une taxe sur les courriers non adressés, considérant qu'à l'heure où nombre de syndicats d'ordures ménagères sont en grande difficulté, il n'était pas pensable que les entreprises responsables des milliers de tonnes de déchets liés à la distribution de prospectus ne contribuent pas au coût de la collecte, de manière à alléger la charge fiscale supportée par les ménages...

M. Jean Dionis du Séjour - Pollueur payeur !

M. le Président de la commission des finances - Las, le Conseil constitutionnel a censuré la mesure au prétexte qu'aucune distinction n'était faite entre la presse d'information et le courrier publicitaire. Le texte est donc toujours bloqué...

Mme la Ministre - Je n'y suis pour rien !

M. le Président de la commission des finances - L'éco-emballage donne la possibilité de maîtriser les coûts et de contenir la dépense fiscale. Je déplore donc tout particulièrement que la taxe sur les courriers non adressés votée il y a trois ans peine à s'appliquer.

Mme Geneviève Gaillard - Pour en revenir à l'amendement de M. Trassy-Paillogues, je regrette que M. Dionis du Séjour parle de dérive sans preuves, sans attendre les conclusions de l'enquête...

M. Alfred Trassy-Paillogues - Attendre ! Pourquoi faudrait-il toujours attendre ?

Mme Geneviève Gaillard - Qui veut tuer son chien l'accuse de la rage ! Le contenu de la mission de l'ONERC ne fait pas de doute : les événements de Louisiane ne vous ont-ils pas convaincus de l'incidence du réchauffement climatique ? Faisons toute la lumière sur les dépenses de l'Observatoire mais ne le supprimons pas d'un trait de plume.

L'amendement 181, mis aux voix, est adopté.

MM. Jean Lassalle et Jean Dionis du Séjour - Très bien !

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères - Point n`étant besoin d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer, je demande, pour la troisième année consécutive, le renforcement des moyens humains de la MIES - qu'il faut bien distinguer de l'ONERC, dont nous venons de parler. La MIES est chargée de l'allocation des quotas d'émissions et de l'ensemble de la politique de lutte contre le réchauffement climatique. Elle a également un rôle d'expertise lors des négociations internationales où la France, quoi qu'on en dise, est peu présente - ainsi n'y avait-il aucun expert français à la conférence de Buenos Aires. Alors même que notre pays se veut exemplaire en matière de lutte contre l'effet de serre et que votre ministère en a fait l'une de ses priorités, la MIES ne dispose que de neuf postes et demi quand les organismes jouant le même rôle en Allemagne et en Grande-Bretagne emploient, eux, respectivement 90 et 35 personnes. La MIES travaille donc dans des conditions très difficiles, d'autant qu'elle doit actuellement opérer les recensements nécessaires au plan d'allocation de quotas.

Mon amendement 147 vise donc à augmenter le programme « prévention des risques et lutte contre les pollutions » de 450 000 euros, prélevés sur le programme « conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable », et qui permettraient d'augmenter l'effectif de la MIES de quatre personnes. Je souligne que deux personnes seulement de cette mission sont rémunérées sur les crédits du ministère de l'écologie, les autres étant détachés d'autres ministères.

M. le Rapporteur spécial - La MIES joue un rôle essentiel dans la coordination de l'action de notre pays pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Cela étant, par l'amendement précédent, nous avons réduit d'un million les crédits de la mission « écologie et développement durable ». Il n'est donc plus possible d'espérer utiliser l'argent gagné du fait de la suppression de l'ONERC. Le ministère devra trouver autre part les crédits nécessaires si l'effectif de la MIES doit être renforcé. Je ne puis donc qu'émettre un avis défavorable à cet amendement, que la commission n'a pas examiné. Il aurait été sage que l'amendement précédent et celui-ci soient retirés, le temps que Mme la ministre puisse rendre les arbitrages nécessaires.

Mme la Ministre - Si, sur le fond, je souscris bien sûr aux objectifs de cet amendement, je dois rappeler que, dans un contexte de réduction sensible des crédits, les moyens de la MIES ont été préservés, lors de son rattachement en 2004 au ministère de l'écologie. L'essentiel de ses personnels, notamment ses experts techniques, sont mis à disposition par différents ministères, ce qui est tout à fait cohérent avec la nature interministérielle de la mission et le caractère transversal du thème du réchauffement climatique.

Pour l'heure, tant que les conclusions de l'audit en cours ne sont pas connues, il ne paraît pas opportun de procéder au transfert de crédits proposé entre programmes, lequel ne serait de toute façon que partiel, les crédits de personnel figurant dans le programme « conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable ».

Je signale par ailleurs que, pour rendre plus lisible la politique de lutte contre le réchauffement climatique, le Gouvernement envisage de mettre au point, d'ici à la loi de finances pour 2007, un document transversal Climat permettant d'identifier dans l'ensemble des programmes de la LOLF les actions contribuant, pour tout ou partie, à la lutte contre l'effet de serre. Dans ces conditions, je souhaiterais que cet amendement soit retiré. Faute de quoi, j'y serais défavorable.

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur pour avis - Je me félicite que le Gouvernement envisage d'élaborer un tel document transversal, qui est en effet indispensable. Cela étant, cet amendement ayant été adopté à l'unanimité par la commission des affaires étrangères, je ne saurais le retirer. Je suis d'ailleurs sceptique sur les arguments avancés par le rapporteur spécial, lorsqu'il soutient que les crédits de la mission ayant été réduits d'un million, il deviendrait impossible d'augmenter les crédits d'un programme. En effet, c'est sur un autre programme que je propose de prélever la somme en cause.

M. Philippe Tourtelier - Alors que chacun sait que le réchauffement climatique sera le grand sujet des quinze prochaines années - nos concitoyens en sont les premiers conscients -, nous pinaillons sur un million ! Pour conduire des actions efficaces, les relais associatifs seront indispensables. Je regrette à cet égard que l'on cherche à supprimer, sans autre forme de procès, l'ONERC.

Le Gouvernement revient, et c'est heureux, sur sa politique de réduction des crédits aux associations de terrain. (Mouvements divers sur les bancs du groupe UMP) Ceux des associations de protection de l'environnement n'ont cessé de diminuer depuis trois ans. Or, nous aurons impérativement besoin d'elles sur le terrain, pour promouvoir par exemple les économies d'énergie. Elles ne sont, hélas, pas représentées à la MIES.

Certains collègues ont regretté de ne pas disposer de plus de chiffres. La suppression de l'ONERC en vue de renforcer la MIES n'y changera rien. Mieux vaut une révision générale si c'est l'efficacité qu'on recherche. Alors que le sujet est essentiel, vous en êtes réduits à bricoler du fait de la faiblesse du budget de l'écologie.

Mme Geneviève Gaillard - Très bien !

M. André Chassaigne - Quel bricolage en effet ! Alors que vous avez accepté sans broncher un budget de l'environnement, de l'avis de tous, très insuffisant, vous faites jouer quelques vases communicants pour vous donner l'impression que vous existez ! Marat avait bien raison quand il explique que, pour enchaîner les peuples, on commence par les endormir. Vous essayez aujourd'hui de nous endormir pour cacher l'extrême faiblesse des crédits de l'environnement !

L'amendement 147, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les crédits de la mission « écologie et développement durable », modifiés, mis aux voix, sont adoptés.

APRÈS L'ART. 79

M. Yves Jego - L'amendement 48 2e rectification concerne la filière du recyclage des vêtements. La crise du textile, liée à des importations massives de productions de faible qualité, la met en péril. Elle a aujourd'hui beaucoup de mal à valoriser les produits qu'elle retraite, sans compter que nos concitoyens déposent de moins en moins de vêtements auprès des associations caritatives. Elle procure pourtant 3 000 emplois à des personnes souvent en grande difficulté et qui trouvent par ce biais un moyen d'insertion. Sa disparition, inéluctable si nous ne faisions rien, aurait des conséquences désastreuses en matière d'emplois mais aussi pour nos collectivités qui devraient éliminer ces vêtements - et sachant que le coût d'élimination d'une tonne de textile s'élève à 150 euros en moyenne, sans parler de celui de sa collecte.

Afin d'assurer à cette filière de retraitement textile le financement pérenne qui lui permettrait d'augmenter son activité et de porter à 6 000 le nombre de ses emplois - ce qui serait tout à fait possible selon Emmaüs -, je propose d'instituer une taxe de un ou deux centimes d'euro sur chaque vêtement vendu, notamment par la grande distribution et les grands réseaux de vente par correspondance.

M. le rapporteur spécial - Cet amendement vise à trouver une solution pour la filière du recyclage de textile, en lui apportant un financement stable et à la hauteur des enjeux. La plus grande prudence est toutefois de mise s'agissant d'une taxation supplémentaire qui affecterait le petit commerce.

Je suggère donc le retrait de cet amendement, de façon à pouvoir évaluer sa portée et à le modifier le cas échéant d'ici au collectif budgétaire.

Mme la ministre - Je voudrais rappeler notre attachement aux emplois d'insertion, destinés à remettre sur la route ceux qui se trouvent dans la précarité. Néanmoins, ce sujet relève des ministères de la cohésion et des finances. J'ajoute qu'une notification à la Commission européenne s'impose au-delà d'un certain seuil.

Chacun connaît les difficultés du Relais au regard du code du travail. Dans l'exercice de mes précédentes fonctions ministérielles, je m'étais engagée auprès de son président à apporter 500 000 euros pour aider à la mise en conformité, et Mme Vautrin a tenu cet engagement.

Dans ces conditions, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme Geneviève Gaillard - Il y a quelques années se sont créées des associations d'insertion qui aident les personnes les plus en difficulté à retrouver du travail. Or les budgets successifs de l'Etat ne leur donnent pas les moyens de continuer à fonctionner correctement - elles sont obligés de réduire leur personnel pour survivre.

Leur activité concerne le retraitement et le recyclage des déchets ou des vêtements, d'autant plus difficile que les textiles sont devenus complexes. Il est donc indispensable d'aider ces associations en leur assurant un financement convenable, pour reprendre les propos tenus cet après-midi par le premier ministre.

Le groupe socialiste votera donc en faveur de cet amendement.

M. Jean Dionis du Séjour - Le groupe UDF fera de même, car cet amendement nous semble excellent, même si le montant forfaitaire évoqué aurait pu être précisé. Il s'agit de concentrer les aides sur les entreprises qui feront preuve d'un véritable effort en matière de contrats aidés.

Le financement proposé se distingue en outre par sa modernité : il ne repose ni sur l'Etat, ni sur les producteurs, ce qui est tant mieux, tant le budget est difficile à boucler et la concurrence internationale aiguë. Il touche en revanche la distribution qui est impossible à délocaliser et qui est assurée par des entreprises aux reins solides. A l'instar de la TACA, affectée au FISAC, il permettra également de mieux responsabiliser les distributeurs.

Sur le fond, je me demande à quoi nous servons si nous ne pouvons pas voter des amendements ! Le déséquilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif est déjà suffisamment marqué en France ! Cet intéressant amendement mérite d'être adopté.

M. André Chassaigne - Quelques mots pour souligner à mon tour le rôle social de ces associations : dans ma circonscription, Emmaüs réalise un travail remarquable de recyclage des vêtements, dont une partie est mise à la disposition des personnes en difficulté.

Vous ne pouvez, Madame la ministre, nous renvoyer aux ministres des finances et de la cohésion sociale. Toutes les analyses concluent à la nécessité d'internaliser le coût du recyclage ou du retraitement des déchets. Les associations éprouvant de plus en plus de mal à écouler leur production, il nous faut conforter leur action méritoire.

En compagnie de MM. Louis Giscard d'Estaing et Laurent Wauquiez, j'avais, l'an dernier, proposé de créer un centre où seraient rapidement rassemblés et conditionnés les vêtements acheminés en cas de catastrophe naturelle. Il faut aujourd'hui des semaines pour tout expédier.

Pour ces deux raisons, je demande de voter cet amendement.

L'amendement 48 2e rectification, mis aux voix, est adopté.

M. André Chassaigne - Très bien !

Mme la ministre - L'amendement 126 rectifié concerne le fonds Barnier, qui est alimenté par un prélèvement de 2% sur les primes additionnelles pour risque de catastrophe naturelle.

Ce fonds finance pour moitié les plans de prévention des risques naturels prévisibles, mais également des études et travaux portant sur les risques naturels dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par les collectivités locales. Il est proposé d'accroître sa participation face à l'accroissement des besoins - 6 000 communes font ainsi l'objet d'un PPR contre les risques naturels et pour la gestion des crues.

A cela s'ajoutent des actions d'information des populations, pour lesquelles l'amendement propose de faire croître la participation du fonds. Celui-ci devrait enfin intervenir dans le suivi des ruines de Séchilienne, dont l'éboulement menace l'agglomération grenobloise.

Il importe d'apporter des recettes pérennes à ces opérations qu'attendent tous nos concitoyens. Il serait préférable que les contributeurs du fonds - les assurances - participent au financement de la prévention, au lieu de se contenter du remboursement des dommages causés. C'est pourquoi je vous demande d'adopter cet amendement.

M. le rapporteur spécial - En vue de réduire la vulnérabilité des personnes et des biens, cet amendement a pour objet d'amplifier la politique de prévention. Il mobilise le fonds Barnier à hauteur de 36 millions pour 2006, en augmentant d'autant le budget du ministère de l'écologie et du développement durable. Avis favorable.

L'amendement 126 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Christophe Caresche - L'Assemblée a voté récemment une disposition permettant de remplacer les sacs de caisse en plastique par des sacs biodégradables. Le Sénat la remettant en cause, je propose, par l'amendement 49 rectifié de confirmer notre décision. On utilise en France 500 sacs en plastique par seconde, soit 17 milliards par an, dont 80% sont mis en circulation par la grande distribution ; il faut 400 ans pour qu'un sac en plastique disparaisse, mais 60% ne sont ni recyclés ni incinérés et ils représentent 60% à 75% de la pollution sous-marine. Si nous ne faisons rien, cette pollution continuera. Certaines entreprises ont déjà pris elles-mêmes des initiatives et la collectivité territoriale de Corse a interdit la distribution de ces sacs. Pour aller plus loin, nous proposons de les soumettre à une taxe. L'Irlande a institué une taxe de 15 centimes par sac en 2002, et la distribution a diminué de 90%. Le produit de la redevance irait à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. Je connais les réticences des distributeurs, mais cette mesure serait efficace et comprise des Français.

Mme Geneviève Gaillard - Très bien.

M. le Rapporteur spécial - L'Assemblée a, par amendement à la loi d'orientation agricole, rendu obligatoire le passage aux sacs de caisse biodégradables. Le Sénat a fixé la date d'application à 2012. La mise en place d'une nouvelle filière est préférable à l'institution d'une taxe. La commission a émis un avis défavorable à cet amendement.

Mme la Ministre - La ministre de l'écologie ne peut qu'être favorable à la réduction des sacs en plastique, donc au principe de l'amendement. Mais l'objectif d'une réduction de 50% de 2003 à 2006, que j'ai fixé, a été accepté par tous les acteurs économiques. C'est déjà une grande avancée. Dans plusieurs grandes surfaces, j'ai pu constater qu'il n'y a plus du tout de distribution de sacs en plastique, mais vente de sacs que l'on peut remplacer. Alors que la loi d'orientation agricole, avec la disposition votée par l'Assemblée, va être examinée par le Sénat, il ne me paraît pas opportun d'y revenir par un amendement à la loi de Finances. J'émets donc un avis défavorable.

M. François Vannson - Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de réduire l'utilisation de poches en plastique notamment dans la grande distribution, car l'enjeu pour l'environnement est réel. Mais des industriels de la plasturgie s'interrogent : les films alimentaires et certains emballages et conditionnements pour lesquels il n'y a pas forcément de produit de substitution sont-ils aussi concernés ? Pourriez-vous les rassurer sur ce point ?

M. Marc Laffineur - Le groupe UMP est très sensible aux problèmes d'environnement et à l'utilisation des sacs en plastique. Mais ses propositions ont été approfondies par le Sénat et l'on est parvenu à un bon consensus avec les écologistes et les industriels. Restons-en là, et ne votons pas cet amendement.

Mme Geneviève Gaillard - Faire disparaître ces sacs en plastique le plus rapidement possible est très important. Il est très bien de voter une charte de l'environnement à valeur constitutionnelle. Ce serait mieux encore d'en appliquer les principes. Le Sénat s'interroge sur la disposition votée dans la loi d'orientation agricole et on ne peut ignorer les pressions qu'exercent les entreprises de plasturgie pour éviter que l'on rentre dans cette logique. Mais le développement durable est économique, social et aussi environnemental. C'est pour mettre ce dernier volet en pratique qu'il faut voter l'amendement.

M. Laurent Wauquiez - Ayons conscience que ce qui est en jeu, c'est l'avenir d'une filière économique employant 45 000 personnes, et notamment l'avenir de 5 000 familles en Haute-Loire.

Mme Geneviève Gaillard - Et l'avenir de la planète !

M. Laurent Wauquiez - Je ne dis nullement qu'il ne faut pas tenir compte des enjeux écologiques. Mais il faut permettre aux entreprises de s'adapter pour concilier défense de l'emploi et progrès de l'environnement. Je souligne que ce secteur n'est pas aux mains de grosses entreprises sur lesquelles certains pourraient fantasmer, mais de toutes petites PME très enracinées dans un territoire où elles défendent l'emploi, et cela aussi c'est une dimension du développement durable. Perturber leur équilibre du jour au lendemain, c'est condamner au licenciement et à la détresse nombre de familles. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Geneviève Gaillard - C'est du chantage à l'emploi !

M. Laurent Wauquiez - L'emploi est un argument véritable. Depuis que ce débat a été lancé il y a deux ans, l'emploi a diminué de 20% en Haute-Loire, où nous avons subi une série de licenciements collectifs.

Ensuite, nous devons évidemment progresser. Grâce au groupe de travail qui se réunit avec les associations et les partenaires économiques et l'appui de Mme la ministre, nous avons réussi à faire diminuer de 30% en deux ans l'utilisation des sacs en plastique et les partenaires se sont engagés à poursuivre dans la voie de cette réduction concertée et compatible avec la défense de l'emploi.

Enfin, le plastique est une des matières les plus recyclables. Encore faudrait-il organiser la collecte. Or, alors que l'on acquitte l'écotaxe sur ces sacs, la collecte pour recyclage n'existe pas. C'est pourtant un élément de solution. Les entreprises du Puy-de-Dôme et de Haute-Loire travaillent d'ailleurs à produire des sacs entièrement biodégradables qui répondent à vos exigences. En ce domaine comme en d'autres, je ne crois pas à l'interdiction, mais plutôt à une démarche qui permet aux acteurs de faire eux-mêmes les efforts nécessaires. Il est facile de se faire plaisir, d'être démagogue...

M. Christophe Caresche - Cela existe ailleurs !

M. Laurent Wauquiez - ...mais ce qui est en cause, c'est aussi l'emploi.

M. Christophe Caresche - Méconnaissance totale du sujet !

M. André Chassaigne - J'irai dans le même sens que M. Wauquiez, mais avec des conclusions sensiblement différentes. Effectivement, les entreprises de plasturgie de Haute-Loire et du Puy-de-Dôme sont confrontées à d'énormes difficultés, qui sont d'abord la conséquence de l'étranglement que leur font subir les donneurs d'ordre en baissant toujours les prix. Face à cette crise, elles ont réagi et je me félicite également de l'initiative prise par huit PME de Haute-Loire de mettre au point, en liaison avec l'université de Clermont-Ferrand, un sac biodégradable - dont la biodégradabilité est par ailleurs contestée par certaines associations. C'est au travers de la recherche publique que nous trouverons des solutions. Or aujourd'hui nous sommes incapables d'obtenir une expertise publique certifiant le caractère biodégradable de tel ou tel produit, faute de moyens. Madame la ministre, vous dites ne pas disposer de financements.

Mme la Ministre - Je n'ai jamais dit ça !

M. André Chassaigne - Par cette proposition, destinée à permettre la suppression progressive des sacs en plastique adoptée à l'unanimité en loi d'orientation agricole, nous disposerons de sources de financement supplémentaires. Parce que la réponse est dans la promotion de la recherche et de l'innovation, je voterai cet amendement.

M. Jean Dionis du Séjour - Compte tenu de l'adoption ce matin par le Sénat d'un amendement repoussant à 2012 la suppression des sacs en plastique, nous sommes un peu à vif. Madame la ministre, nous comptons sur vous pour faire respecter notre volonté. Quant à la plasturgie, elle est face à une révolution, non en raison de la suppression progressive des sacs en plastique mais de l'augmentation des prix du pétrole. Par ailleurs, comme l'a souligné M.Vansson, la question est beaucoup plus large que le sac distribué en grande surface et concerne notamment les emballages de palette.

Cet amendement 49 rectifié diffère de celui adopté lors de l'examen de la loi d'orientation agricole car, cette fois-ci, il s'agit d'appliquer aux consommateurs le principe pollueur-payeur, que nous avons choisi d'inscrire dans la Constitution. Cette proposition n'est donc en rien scandaleuse ! Du reste, en Irlande, un des pays les plus libéraux qui soit, la population a très bien accepté cette taxe et je suis intimement convaincu que l'opinion publique française y est très favorable. Le groupe UDF votera donc cet amendement qui permet de compléter le dispositif adopté lors dans la loi d'orientation agricole (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

L'amendement 49 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la ministre - Cessons d'opposer écologie et économie ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Avec un peu de bon sens, les deux peuvent aller de pair. Pour preuve, en quelques mois, mon ministère a fixé pour objectif la réduction de 50% d'utilisation des sacs en plastique dès 2006. Il est vrai que la planète est en danger et nous avons encore beaucoup à faire pour diviser nos émissions de gaz à effet de serre par quatre mais l'on ne peut décemment faire table rase d'un seul coup. D'ailleurs, les grandes surfaces ne distribuent presque plus de sacs en plastique aux clients, lesquels le regrettent car ils s'en servaient comme sacs poubelle. De même, ne soyons pas trop excessifs concernant les films alimentaires que l'on ne sait remplacer aujourd'hui. En matière d'écologie, l'explication vaut mieux que l'interdiction (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Afin de préserver les emplois, nous devons faire preuve d'un peu plus de patience (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits relatifs à l'écologie et au développement durable.

POLITIQUE DES TERRITOIRES (SUITE)

M. le Président - Nous poursuivons l'examen des crédits relatifs à la politique des territoires.

QUESTIONS

M. Léonce Deprez - Monsieur le ministre délégué, l'organisation territoriale du tourisme sera-t-elle prise en considération comme un élément de la mise en valeur du territoire ? Par ailleurs, êtes-vous prêt à reconnaître la fonction économique des 2 280 communes touristiques répertoriées au ministère de l'intérieur ? Ensuite, allez-vous maintenir le principe d'équité, garanti par la déclaration obligatoire annuelle des hébergements touristiques, entre ces communes touristiques et les 520 stations classées ? Enfin, quand sera admise l'importance du tourisme pour la France, dont j'essaie de faire la démonstration depuis vingt ans dans cet hémicycle, sera-t-elle enfin admise ?

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme - En somme, Monsieur Deprez, vous m'interrogez sur l'organisation territoriale du tourisme. Elle est déjà structurée à plusieurs niveaux avec les comités départementaux et régionaux de tourisme, les parcs naturels régionaux ou encore les pays touristiques. Ceci étant, cette architecture doit être améliorée. Des propositions sont à l'étude, auxquelles je vous propose de vous associer, pour lesquelles nous devons obtenir l'accord préalable des ministères de l'intérieur et de l'économie.

Mme Juliana Rimane - La fracture sociale, préoccupation d'actualité, est aggravée en Guyane par une triple fracture territoriale - avec la métropole, les autres départements d'outre-mer et enfin, en Guyane même, entre l'intérieur et le littoral. Rappelons que le PIB par habitant en Guyane est le plus faible de toutes les régions métropolitaines et ultramarines. Les disparités économiques, sociales, éducatives, culturelles, administratives entre le littoral et l'intérieur enclavé et isolé sont considérables.

Certes, la grande majorité de la population se concentre sur la bande côtière, mais la population de l'intérieur - des milliers de personnes - s'accroît.

Dans ces régions, des villages entiers ne disposent ni d'eau potable, ni d'électricité, ni de téléphone, ou s'ils en disposent, les réseaux ne fonctionnent pas toujours. Il y est très difficile de se déplacer, de se soigner, de se former ou de trouver un emploi.

Outre la mise en place d'équipements publics de base, le désenclavement est la condition sine qua non du développement de l'intérieur guyanais. Il suppose la création ou la réhabilitation d'équipements de transports - routes et aéroports - et de communication - notamment nouvelles technologies. Enfin, un service public de qualité et mieux réparti sur le territoire doit permettre à l'ensemble de nos concitoyens de vraiment bénéficier de l'égalité des chances.

Pour cela, il faut une volonté politique et un projet cohérent, adapté aux spécificités locales, qui apporte les moyens adéquats pour faire face aux problèmes techniques et aux surcoûts dus à l'enclavement et à l'éloignement.

Comment, Monsieur le ministre, réduirez-vous la fracture territoriale guyanaise ? Les difficultés financières empêchent les collectivités territoriales - particulièrement le conseil général - de jouer un rôle majeur en la matière. Allez-vous améliorer les ressources des collectivités locales de Guyane ? Nous ne demandons que l'équité et la solidarité pour nos territoires.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire - Je suis conscient des difficultés territoriales de la Guyane, que avez défendue avec une énergie farouche.

Le développement économique est le deuxième axe de l'action de l'Etat en Guyane. Le contrat de plan Etat-région s'est fixé des objectifs ambitieux et prévoit de nombreuses actions concrètes : construction de bâtiments scolaires, de médiathèques, de routes et d'équipements sanitaires, sociaux et sportifs, développement d'un pôle universitaire, soutien d'initiatives culturelles.

En matière de fonds européens, les moyens dégagés par le CPER et le Docup sont en forte augmentation. La contribution de l'Etat s'élève à 191 millions - contre 103 pour le précédent CPER. La Guyane est ainsi en tête des régions pour la dotation par habitant.

Ces crédits ont largement bénéficié aux équipements publics et aux infrastructures de transports des communes des fleuves Maroni et Oyapock.

Les crédits européens sollicités au titre de l'objectif 1 ont presque doublé pour atteindre 371 millions.

L'ensemble des contributions publiques et privées excède donc plus de 975 millions et dépasse même le milliard si l'on y ajoute les contributions non contractualisées. Cela représente environ 7 000 euros par habitant !

En outre, le CIADT du 18 décembre 2003 a confirmé le soutien de l'Etat à un plan de développement des télécommunications pour l'intérieur guyanais. L'Etat s'est engagé à contribuer au plan de déploiement des télécommunications dans une dizaine de communes. Le Gouvernement a également choisi de soutenir certains grands équipements de transports comme le pont sur l'Oyapock, déjà financé, qui permettra une nouvelle ouverture sur le Brésil. Lors de son déplacement en Guyane en juin dernier, M. Baroin a fait le point sur tous ces dossiers.

Je veux l'équité - vous avez vous-mêmes utilisé le terme - et non l'égalité : placer tous les citoyens français, sur tous les territoires, dans la même situation face aux services publics et à l'action de l'Etat.

Je veillerai au respect des engagements pris en matière de numérique, qui est un moyen de désenclavement fondamental avec la téléphonie mobile et le haut ou même le très haut débit. La Guyane doit être à la pointe des nouvelles technologies de l'information et de la communication, comme la France - DOM-TOM inclus - doit être en 2007 le premier pays européen en numérique.

Pour l'ensemble des dossiers qui la concernent, mon ministère reste à l'entière disposition de votre énergie et de votre volonté de faire avancer la Guyane.

M. Bernard Perrut - Dans un contexte de concurrence accrue, nous sommes convaincus qu'il faut renforcer la place touristique de la France, première destination mondiale. Au sein de l'action « promotion de la France », comment le GIE Maison de la France peut-il promouvoir le tourisme en ne mettant pas seulement en valeur nos grandes régions touristiques, mais aussi les atouts - savoir-faire, qualité d'accueil, traditions - de nos régions rurales, notamment les régions viticoles ?

Face à la grave crise qui la touche, le tourisme peut valoriser la viticulture française et augmenter ses ventes. Il faut promouvoir ce tourisme fondé sur la culture du vin, les traditions et la gastronomie.

Par ailleurs, comment les pôles d'excellence ruraux prendront-ils en compte la promotion et l'organisation du tourisme, ainsi que la mise en valeur du patrimoine et la préservation de l'environnement ? Les créations d'emplois ne peuvent pas constituer le seul critère déterminant. Dans ce cadre, comment les actions menées par une ville moyenne dans l'ensemble du territoire dont elle est la capitale pourront-elles être soutenues ?

M. Léon Bertrand, ministre délégué - Vous avez raison : les atouts de la France méritent d'être valorisés. Pour cela, Maison de la France est notre outil de prédilection. Plusieurs opérations existent déjà pour valoriser la viti-viniculture, dont un club récemment créé.

En 2004, Maison de la France a mené auprès du grand public plusieurs campagnes d'information touristique, mais aussi de dégustation, de promotion et de vente de vin. Un atelier a été organisé avec plusieurs partenaires européens et 90 voyagistes étrangers.

Nous sommes donc très sensibles à la promotion de ces atouts, et je ne peux que vous inviter, Monsieur Perrut, à poursuivre les fructueuses relations que votre groupe entretient avec Maison de la France.

En ce qui concerne la création de pôles d'excellence, M. Estrosi pourra mieux vous répondre, mais en tant que ministre du tourisme, je suis prêt à soutenir toutes les bonnes candidatures si elles font du patrimoine, de la culture et du tourisme leurs objectifs reconnus.

M. Yves Deniaud - Le « 1% paysage et développement » est un outil remarquable pour accompagner l'ouverture d'autoroutes nouvelles, mais les règles ne s'appliquent pas de la même manière selon que l'autoroute est concédée ou non. Alors que le 1% que paient les concessionnaires s'applique exclusivement à des opérations paysagères, des opérations de développement économique ou touristique peuvent être financées sur des autoroutes construites sur crédits publics.

Quel sera l'accompagnement de l'Etat par le FNADT et les collectivités sur les autoroutes à financement mixte, comme l'A28 Rouen-Alençon, qui vient d'ouvrir, ou l'A88 en construction ?

Pour l'A28, la répartition du 1% payé par le concessionnaire a été très appréciée, mais nous n'avons reçu aucun crédit sur part des subventions publiques. Pourtant, en Basse-Normandie, le 1% de l'autoroute des estuaires, au financement exclusivement public, a permis des actions de développement autre que paysager.

M. Christian Estrosi, ministre délégué - M. Perben peut être réjoui : votre préoccupation concerne, hélas, mon budget.

Nous connaissons l'intérêt que vous portez à l'accompagnement économique et touristique de la partie ornaise de l'A28. L'association pour le développement et l'aménagement du pays ornais, que vous présidez, a d'ailleurs formulé une demande de FNADT. Celui-ci n'a pas vocation à se substituer au 1% payé par les sociétés concessionnaires. Le ministère de l'équipement prépare une circulaire sur ce sujet.

J'ai rappelé ce matin la nécessité d'inscrire les contrats de pays dans la nouvelle génération de contrats de plan, dès lors qu'il s'agit d'un projet, et non d'une volonté de gestion du pays lui-même. Vous pouvez faire appel à la section locale du FNADT auprès du préfet de Basse-Normandie. Vous savez que le volet FNADT est en augmentation substantielle. A cet égard, je veillerai à ce que la Basse-Normandie voie la partie régionale se mobiliser dans des proportions correspondant aux ambitions des élus de l'Orne, et qu'une partie de cette attribution puisse être intégrée à votre projet.

M. Francis Vercamer - Une partie des objectifs de la mission « politique des territoires » concerne le renforcement de l'attractivité économique. Cette ambition se traduit dans le programme « aménagement du territoire » par la création de pôles de compétitivité et une anticipation accrue des mutations économiques en vue de mieux accompagner les territoires qui connaissent d'importantes difficultés. Plusieurs milliers de suppressions d'emplois ont eu lieu dans l'agglomération Roubaix-Tourcoing, dont je suis élu, et qui regroupe près de 500 000 habitants. Dans un bassin qui compte d'ores et déjà 37 000 demandeurs d'emplois, il ne s'agit plus de mutations mais d'un véritable séisme social et territorial. Parce qu'ils ont contribué à l'essor industriel de notre pays, la solidarité nationale à l'endroit des bassins d'emplois les plus touchés doit s'exercer en favorisant l'implantation de nouvelles activités innovantes. Monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire, je vous ai reçu au mois de septembre au cœur du site de l'Union où doit notamment s'installer le pôle de compétitivité UP TEX dédié aux textiles techniques. J'ai pu constater que l'Etat a pris acte de la mobilisation des industriels ainsi que de leur capacité à formuler un projet innovant. Parmi les défis que nos collectivités doivent relever figure la requalification des friches industrielles. Réhabiliter, dépolluer, rénover pour commercialiser à nouveau, c'est peut-être prosaïque, mais tel est le préalable à une véritable politique de redéploiement industriel. Nos villes ne pouvant agir seules, quel sera l'effort de l'Etat en faveur de la résorption des friches industrielles afin d'activer la commercialisation de milliers d'hectares en attente de requalification sur lesquels bien des projets économiques pourraient prendre place ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Nous avons en effet visité ensemble un certain nombre d'entreprises qui participent au pôle de compétitivité UP TEX. Nous savons ce que représente la filière textile pour le Nord, comme nous savons à quelle concurrence elle est confrontée. Il était donc nécessaire de relancer une industrie aux nombreux savoir-faire. Le pôle textile du nord, ainsi, travaille à une mise en réseau avec les pôles textile du Rhône et des Vosges pour qu'à terme nous puissions constituer un véritable « pôle France » du textile. Je rends hommage à l'ensemble des acteurs économiques et sociaux de cette région qui se sont mobilisés, et je salue en particulier votre action, Monsieur le député.

La reconquête de ces espaces dégradés que sont les friches industrielles ne passe pas que par les pôles de compétitivité. Sur les 18 000 hectares recensés, 56% ont été traités. Il importe aujourd'hui d'aller plus loin. De 2000 à 2006, près de 73 millions sont mobilisés, dont 30 millions de crédits d'Etat et 28 millions de crédits européens. Après un démarrage difficile, la mobilisation de ces crédits s'est sensiblement améliorée : sur les 73 millions, seuls 15 millions sont en effet encore disponibles. Bien qu'insuffisants par rapport aux besoins, ces crédits permettront d'engager d'ici à la fin de la période plusieurs opérations significatives dont l'instruction est en cours. Au-delà de cette période, il faudra poursuivre l'effort financier, et nous nous y attacherons.

M. Maxime Gremetz - Le Plan existera-t-il encore après le limogeage de son directeur ? Les CPER existeront-ils toujours ? Quid, en outre, du passage du TGV à Amiens, seule capitale régionale à ne pas être desservie ?

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances - Clermont-Ferrand ne l'est pas non plus.

M. Maxime Gremetz - Mais vous n'en voulez pas !

Je m'interromps quelques instants pour permettre au ministre de m'écouter.

M. le Président - Poursuivez, Monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz - Pourquoi ce projet n'est-il pas encore en voie de réalisation alors que tout le monde le soutenait, du conseil général à M. de Robien ? Quid, enfin, du troisième aéroport dans la région parisienne ? Le site était choisi, là encore tout le monde était d'accord, cela créerait 60 000 emplois en Haute-Picardie, qui compte près de 12% de chômeurs. Or M. de Robien s'y est subitement opposé, le transport aérien international connaissant, selon lui, une baisse. Or, le trafic international ayant en fait augmenté de 11%, un troisième aéroport international sera évidemment nécessaire. Comme il faudra douze ans pour le construire, il serait temps de prendre une décision. La région Picardie est candidate.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer - La ligne à grande vitesse Paris-Amiens-Londres figure au CIADT du 18 décembre 2003 et compte parmi les projets qui ont été revalidés au mois d'octobre dernier. Un débat public doit être organisé en 2006. Un certain nombre d'études préfonctionnelles ont été réalisées par RFF pour préparer le dossier de saisine de la commission du débat public sous le pilotage d'un comité animé par le préfet de la région Picardie. Aujourd'hui, le dossier de saisine de la commission du débat public est prêt. Cette commission pourrait donc être saisie en 2006, ce qui marquera le début de la procédure.

Le projet de troisième aéroport de la région parisienne a, quant à lui, été abandonné en 2002 au profit d'une politique de développement durable des aéroports s'appuyant sur un développement maîtrisé de l'aéroport Paris Charles-de-Gaulle, avec le plafonnement de la gêne sonore globale à son niveau moyen des années 1999 à 2001 et la limitation du trafic nocturne. Cette politique s'appuie également sur le développement des aéroports de province, avec notamment le projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes dans le Grand Ouest et la montée en puissance des plateformes spécialisées, en particulier pour le fret, avec par exemple l'aéroport de Chalons-Vatry. Même si le trafic aérien connaît une reprise significative, les études à moyen terme sur l'évolution de la demande montrent que la politique engagée permet de faire face à ces augmentations au moins jusqu'en 2025 sans aggraver les nuisances.

Enfin, je crois que M. Estrosi a répondu ce matin à votre interrogation sur le Plan et les CPER.

M. André Chassaigne, suppléant M. Patrick Braouezec - M. Braouezec a été contraint de rentrer rapidement dans sa circonscription et vous prie de bien vouloir l'excuser. Vous devrez donc faire preuve d'imagination, ce qui vous réveillera s'il le fallait, en oubliant mon accent, ma corpulence et mes origines rurales. (Sourires)

Comment ne pas établir de lien entre l'actualité et nos débats ? Comment ne pas voir dans les événements que nous vivons l'échec de votre politique ? Par un désengagement généralisé de l'Etat, par une décentralisation libérale toujours plus poussée, vous remettez en cause le travail des collectivités et l'indispensable cohésion des territoires. Lors de la convention nationale de l'Assemblée des communautés de France le 7 octobre dernier, un membre du Gouvernement affirmait que l'intercommunalité n'a pas procuré les économies d'échelle escomptées, a compliqué les rapports entre les élus et rendu les circuits de décision plus opaques. Les COMMUNAUTÉS d'agglomération, telles que nous les concevons, jouent un rôle essentiel dans la cohésion territoriale, notamment en matière de développement économique et urbain. Elles redonnent du pouvoir aux élus locaux en mutualisant les recettes, elles réalisent des économies d'échelle importantes qui sont réinvesties dans le développement de services publics pour tous. Là n'est sans doute pas votre conception de la cohésion des territoires. La preuve: votre budget accuse une baisse de trois milliards d'euros de la taxe professionnelle...

M. Maxime Gremetz - Vous vous rendez compte...

M. André Chassaigne - ...alors que celle-ci représente jusqu'à 80% des recettes des communautés d'agglomération. Votre décentralisation transfère des compétences sans donner les moyens aux intercommunalités de les assumer, tout en leur demandant d'assurer le relais des péréquations territoriales incombant à l'Etat.

Dois-je rappeler que 83% de la population vit au sein d'une agglomération ou d'une communauté de communes et que 87% des communes sont aujourd'hui regroupées ?

M. Braouzec ajoute que la communauté d'agglomération qu'il préside a été conçue selon des objectifs opposés à ceux du Gouvernement : créer les conditions d'un développement solidaire, dégager des économies d'échelle et construire un rapport de coopération entre les villes. A l'inverse, votre politique met en danger les intercommunalités et la cohésion territoriale.

Alors que nous vivons des moments critiques, quelles mesures allez-vous prendre pour que les efforts des intercommunalités en faveur du développement solidaire ne soient pas anéantis par une baisse sans précédent de leurs capacités financières ? Il est par ailleurs urgent d'organiser un Grenelle des quartiers populaires, en vue de prendre des mesures immédiates et de plus long terme.

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Ce qui se passe en ce moment sur les bancs du groupe communiste est assez cocasse : M. Gremetz se croit autorisé à nous reprocher de n'être pas assez attentifs à ses propos alors qu'il ne nous a pas fait l'honneur d'être présent ce matin pour débattre des enjeux de fond...

M. Maxime Gremetz - Allons ! Je serai là cette nuit pour le budget des anciens combattants alors que vous serez rentré dans vos foyers !

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Et il vient nous reprocher de ne pas assurer les suites des CPER alors que nous devons rattraper les erreurs commises tout au long de la législature précédente, et singulièrement en 2000 par le ministre de l'équipement au moment de la négociation initiale. Je crois pourtant me rappeler qu'il s'appelait Jean-Claude Gayssot et qu'il était de vos amis politiques... (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) N'oubliez pas qu'entre M. Pons et moi-même, il y a eu un gouvernement que vous avez soutenu...

M. Maxime Gremetz - Vous dites n'importe quoi !

M. Christian Estrosi, ministre délégué - La vérité, c'est que nous sommes contraints de rattraper vos erreurs...

M. Maxime Gremetz - C'est bien parti !

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Quant à M. Chassaigne, qui est, lui, un député sérieux et assidu, il appelle le matin à plus de solidarité avec les territoires ruraux pour défendre l'après-midi, au nom d'un député absent, la cause des pauvres intercommunalités urbaines ! (Mme Sylvia Bassot s'exclame)

M. Maxime Gremetz - C'est nul !

M. Christian Estrosi, ministre délégué - J'observe en outre qu'en bonne logique, sa question eût dû s'adresser à mon collègue Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. J'y réponds cependant volontiers, en dépit de son ton inutilement polémique.

Certaines structures intercommunales rencontrent des problèmes réels, qu'il serait malvenu d'ignorer, sauf à gâcher l'image de l'intercommunalité : des périmètres non pertinents, un intérêt communautaire souvent flou - voire inexistant -, le maintien dans le même ressort de SIVU ou de SIVOM, etc. Au reste, plusieurs rapports l'ont déjà relevé et un rapport à paraître de la Cour des comptes devrait poser un diagnostic plus sévère encore. Il ne s'agit donc pas d'un parti pris du Gouvernement. Notre objectif n'est pas de casser l'outil intercommunal mais de le rationaliser. Au demeurant, je ne doute pas que la communauté d'agglomération que préside M. Braouezec soit parfaitement vertueuse...

Vous prétendez que le budget des collectivités accuse une baisse de 3 milliards du fait de la réforme de la taxe professionnelle. A cet égard, je rappelle que celle-ci vise à atteindre un juste équilibre entre les besoins des entreprises et l'autonomie financière des collectivités. Il s'agit de partager l'effort, au bénéfice des entreprises et de l'emploi. Pour ce qui concerne le ticket modérateur, le Gouvernement considère qu'il n'est pas anormal que les collectivités soient associées à la baisse de la pression fiscale que les entreprises subissaient auparavant. A ce titre, une répartition des coûts mettant 1,4 milliard à la charge de l'Etat et 469 millions à la charge des collectivités qui ont fait progresser leurs taux entre 2000 et 2005 n'est pas inéquitable. Le mécanisme a cependant ses limites, en ce qu'il ne doit pas concourir à des transferts de charges insupportables pour les collectivités et vous pouvez être sûr que l'Etat y sera particulièrement attentif.

Enfin, je ne peux pas vous laisser dire que nous privons de marges les collectivités, alors que le contrat de croissance et de solidarité leur garantit une hausse des dotations d'Etat très supérieure à l'inflation et que la DGF progressera de 2,73% en 2006. J'ajoute que les transferts de compétences prévus l'an prochain seront compensés à l'euro près, sous le contrôle vigilant de la commission consultative d'évaluation des charges ; ils concerneront pour l'essentiel le transfert des routes nationales aux départements - ce qui n'a rien à voir avec l'intercommunalité. Le lien avec les structures intercommunales me semble donc des plus ténus.

M. Max Roustan - La disparition des services publics - poste, douanes, banques, DRIRE, etc. - en zone rurale ces dernières années provoque l'inquiétude et l'incompréhension de nos concitoyens...

M. Maxime Gremetz - Tiens !

M. Max Roustan - Quant aux élus, ils se sentent abandonnés et victimes des décideurs parisiens. Le pays Cévennes, composé de 91 communes et doté d'un contrat de pays, est riche de 120 000 habitants. A terme, nous sommes menacés de désintégration administrative alors que l'arrivée continue de nouveaux habitants crée de nouveaux besoins.

M. André Chassaigne - Excellente question !

M. Max Roustan - Les services au public - notion plus large et que vous préférez à celle de services publics - doivent répondre au mieux à la réalité du terrain. Telle est la politique que vous revendiquez. Permettez-moi cependant de réclamer une action pour demain et pour après-demain.

M. Maxime Gremetz - N'y comptez pas ! Ils ne voient que le court terme.

M. Max Roustan - Dans ma région - et plus particulièrement dans l'arrière-pays cévenol -, nombre de fermetures qui se justifiaient hier posent aujourd'hui problème du fait de l'arrivée de nouveaux habitants. Je rappelle que la population du Languedoc-Roussillon augmente en moyenne de plus de 3%.

Vous avez ouvert une phase de concertation à laquelle les élus sont étroitement associés et ceux-ci demandent un moratoire sur la fermeture des services publics pendant les débats : qu'en est-il ? Est-il envisageable de mettre à profit cette période de pause pour créer un fonds destiné à garantir le maintien des activités de base pendant une période transitoire ? Fermer un service pour le rouvrir quelques années plus tard ne coûte-il pas plus cher à la collectivité que de le maintenir en l'adaptant aux besoins ? Le financement des pôles publics - telles les maisons de santé - à l'échelle des communautés de communes est-il concevable ?

MM. Maxime Gremetz et André Chassaigne - Bravo ! Excellente question !

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Cher Max Roustan, nous étions ensemble dans le Gard il y a quelques jours et je sais avec quelle détermination vous défendez le pays cévenol et la ruralité française. J'ai rappelé ce matin que nous avions à résoudre la terrible fracture qui divise aujourd'hui nos villes et nos campagnes. 70% de nos territoires ruraux - et le vôtre au premier chef - suscitent cependant de nouvelles envies, leur pouvoir d'attraction s'étant sensiblement renforcé sous l'effet de multiples facteurs. C'est ainsi que la population y croît en moyenne deux fois plus vite que dans l'ensemble des territoires urbains. Il en résulte que les élus sont confrontés à des difficultés nouvelles : dans un passé récent, on a en effet vu les services publics fermer l'un après l'autre et la capacité globale de satisfaire les besoins d'une population accrue s'en trouve aujourd'hui dégradée.

Dans ces conditions, le moratoire que vous avez évoqué s'imposait : le 2 août dernier, avec le ministre d'Etat, nous avons adressé une circulaire aux préfets de département pour leur indiquer que nous faisions une pause dans les fermetures de services au public en milieu rural. Un processus infernal avait été conduit au cours des trois dernières décennies, avec des schémas nationaux élaborés à Paris - c'est l'une de mes prédécesseurs qui les avait mis en place - qui conduisaient Bercy à fermer les perceptions sans concertation ou la Chancellerie à fixer unilatéralement la carte judiciaire sans considérer que la France était riche de sa diversité.

M. André Chassaigne - Décidemment, plus c'est gros, mieux ça passe !

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Quant à nous, nous considérons que la France mérite qu'un débat sans tabou sur la modernisation des services au public soit engagé territoire par territoire. C'est ce que nous avons commencé de faire avec tous les élus locaux. Parallèlement, la commission Durieu, chargée du schéma national d'aménagement du territoire rural et des services au public en milieu rural, doit rendre ses conclusions et nous ferons remonter toutes les propositions des départements de France. Nous tiendrons largement compte des propositions que vous avez faites, notamment en matière de démographie médicale. Il faut aujourd'hui décloisonner public et privé, mutualiser les moyens et renforcer les synergies, par exemple entre les hôpitaux ruraux et les cabinets d'infirmières et de médecins libéraux. C'est ainsi que nous pourrons inverser le cours des choses dans le monde rural. Soyez en tout cas assuré que nous procéderons bien ainsi dans le pays cévenol, comme d'ailleurs dans l'ensemble des territoires ruraux. Je remercie les parlementaires et les élus locaux qui nous ont fait remonter du terrain des idées particulièrement innovantes. Plusieurs d'entre elles seront du reste reprises dans la charte que nous proposerons avec Nicolas Sarkozy (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) lors du Congrès des maires de France.

M. Yves Deniaud - Les différents pays de l'Orne, dont celui d'Alençon que j'ai l'honneur de présider mais aussi celui du Bocage, présidé par Sylvia Bassot, portent le plus grand intérêt aux pôles d'excellence rurale. Comme nous avons l'intention de nous porter candidats, nous sommes impatients de connaître le calendrier, les modalités de sélection des projets et le rôle que pourraient jouer les pays dans le montage et la réalisation de ces pôles.

M. Maxime Gremetz - Ce sont des objets volants non identifiés...

M. le Président - La correction et la courtoisie républicaine voudraient que vous vous taisiez, Monsieur Gremetz, pendant les interventions de vos collègues. Vous n'êtes pas obligé de venir en séance, si vous ne voulez pas écouter les autres.

M. Yves Deniaud - Quelle place exacte comptez-vous donner à ces pôles d'excellence rurale ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Je constate que l'Orne est très mobilisée...

Je l'ai dit ce matin, la France qui gagne et qui innove n'est pas seulement celle des grands projets industriels et scientifiques. C'est pourquoi, après avoir beaucoup consulté et m'être déplacé dans de nombreux départements ruraux, dont la Somme, Monsieur Gremetz, mais vous étiez ce jour-là absent au rendez-vous... (M. Gremetz s'exclame)

M. le Président - Monsieur le ministre, tenez-vous en à votre réponse, je vous prie.

M. Maxime Gremetz - Je suis mis en cause. Je demande la parole pour fait personnel.

M. le Président - Vous l'aurez en fin de séance.

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Vous devriez écouter la réponse car la Somme est en effet un département qui gagnera à s'engager dans une telle démarche. Des élus, d'un autre bord que vous, m'ont d'ailleurs dit tout l'intérêt qu'ils y portaient.

Nous pouvons aujourd'hui imaginer dans nos territoires ruraux, dont le bon sens, le talent, l'intelligence et le savoir-faire ne sont plus à louer, des pôles d'excellence qui y seront ce que les pôles de compétitivité en matière de recherche et d'innovation industrielle seront à nos villes. Il faudra là aussi décloisonner, associer, fédérer des collectivités, des espaces de projets comme les pays en effet, des entreprises innovantes, artisanales notamment, pour, dans un bassin de vie de 30 000 à 45 000 habitants, faire émerger des projets nouveaux en matière touristique, culturelle - je pense par exemple à des routes du patrimoine -, mais aussi de nouvelles technologies pour favoriser le développement du télétravail ou de la télémédecine...

M. Maxime Gremetz - Paroles, paroles, paroles !

M. Christian Estrosi, ministre délégué - C'est ainsi que nous enracinerons des activités créatrices d'emploi dans les territoires ruraux. Nous allons lancer un appel pour 200 projets d'ici à janvier au plus tard, de façon qu'ils puissent être labellisés au cours du premier semestre 2006. Nous y consacrerons des moyens importants, qu'il s'agisse de crédits du FNADT ou des ministères compétents, ou bien encore d'exonérations fiscales et sociales.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Une large consultation sur les services publics étant actuellement menée sous l'égide du ministre de l'intérieur et la récente loi relative au développement des territoires ruraux disposant que toute adaptation des services publics doit être menée en concertation avec les préfets de département, je souhaite vous faire part d'une idée, particulièrement adaptée aux territoires ruraux. Il s'agirait d'associer toutes les forces vives d'un secteur - citoyens, personnes-ressources, collectivités, associations, organismes sociaux comme la MSA ou la CAF, antennes d'administrations d'Etat.. - dans une structure de type associatif -maison de services au public ou association d'intérêt général local. Ces structures, ouvertes toute la semaine à l'ensemble de la population, locale ou de passage, devraient, sous réserve de respecter certaines règles administratives et comptables, pouvoir recevoir des subventions, d'investissement et de fonctionnement, de la part de l'Etat et bénéficier, pour un nombre limité de leurs salariés et sous réserve d'un plafond, des allégements de charges prévus au titre des ZRR. Il conviendrait, pour cela, qu'elles bénéficient des mêmes dispositions que celles prévues à l'article 16 de la loi relative au développement des territoires ruraux.

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Les maisons de services publics ou les maisons de services au public constituent en effet un bonne réponse. Elles sont d'ailleurs fortement réclamées dans certains départements, bien que pas dans d'autres. Je sais combien en Lozère vous avez fait de propositions intéressantes, porteuses de résultats.

L'ouverture de ces maisons a été considérablement simplifiée ces dernières années. La loi relative au développement des territoires ruraux y a en outre autorisé l'implantation de services assurés par des prestataires privés, en cas de carence de l'offre. J'ai d'ailleurs transmis au début du mois le décret afférent au Conseil d'Etat. Faut-il aller plus loin, notamment en faisant bénéficier ces structures des allégements de charges prévus pour les ZRR, qui entreront en application début 2006 ? Le sujet est délicat car y coexistent des services publics et privés. Les entreprises privées bénéficient déjà de plein droit des avantages fiscaux et sociaux accordés dans les ZRR. Pour ce qui est des services publics, cela n'aurait pas grand sens de diminuer les charges sur le salaire du secrétaire de mairie, au motif qu'il exerce dans une maison de services publics. Cela étant, je veux bien examiner la question plus en détail avec mon collègue Brice Hortefeux.

L'intérêt de ces structures est de permettre une mutualisation des moyens et des synergies. Pourquoi un secrétaire de mairie d'une commune de 300 habitants ou moins, qui ne peut être recruté qu'à mi-temps sur le budget de fonctionnement de la commune, ne pourrait-il pas l'être pour l'autre moitié du temps par l'Etat ou le département ? Pourquoi n'aurait-il pas un statut mixte, revalorisé en conséquence, ce qui ferait d'ailleurs qu'il serait mieux considéré ? Grâce aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, il est parfaitement envisageable qu'un fonctionnaire, qu'il relève de la fonction publique d'Etat ou de la fonction publique territoriale, puisse, à 80 kilomètres d'une préfecture, délivrer une carte grise, ouvrir un dossier d'APA, gérer une demande d'inscription en lycée ou à l'université, enregistrer une demande de permis de construire... C'est ainsi qu'il faut réfléchir, sans tabou, à mettre en commun tous les moyens, publics et privés, pour le plus grand bénéfice de tous dans les territoires ruraux.

Mme Sylvia Bassot - Je me réjouis de voir autant de parlementaires présents ce soir, militants de la ruralité et convaincus de sa modernité.

Le Gouvernement a fait, à juste titre, de l'emploi sa priorité absolue. C'est aussi l'une des priorités des collectivités pour que les zones rurales soient attractives et compétitives. L'aide publique la plus significative pour les PME est le soutien financier à leurs investissements immobiliers. Les communes et les EPCI ont ainsi aidé à la réalisation d'ateliers-relais, subventionnée également par les départements, l'Etat et l'Union européenne. Hélas, cette formule leur est aujourd'hui fortement déconseillée au vu des risques pris par les collectivités maîtres d'ouvrage et des limites posées à leur endettement. On conseille aux entreprises de faire porter leur projet par une société de crédit-bail ou de solliciter l'octroi d'une aide directe à l'investissement immobilier - autorisée depuis un décret du 27 mai dernier. Mais, dans l'un et l'autre cas, seule l'aide du département est mobilisable car les crédits du FEDER sont épuisés et ceux du FNADT ne peuvent être attribués que si les collectivité sont maîtres d'ouvrage.

Il est donc impossible d'atteindre le plafond autorisé par la réglementation européenne relative aux aides « de minimis ». En vue de soutenir l'emploi et de renforcer l'aménagement du territoire, le Gouvernement ne pourrait-il pas élargir le champ d'attribution de la DRR et du FNADT aux projets immobiliers créateurs d'emploi ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Je suis naturellement sensible aux arguments portant sur le développement économique et l'emploi. Une importante partie de mon budget y est d'ailleurs consacrée via la PAT, les pôles de compétitivité et les pôles d'excellence ruraux. Mais il me semble difficile d'élargir systématiquement les conditions d'éligibilité au FNADT.

Depuis les lois de décentralisation de 1982, l'Etat a en effet laissé aux collectivités locales la responsabilité de soutenir l'immobilier d'entreprise, pour se concentrer sur l'investissement productif. L'acte II de la décentralisation a même renforcé cette répartition des compétences, les régions pouvant désormais intervenir. Les seules exceptions concernent les grands projets internationalement mobiles.

Votre proposition risquerait en outre de dévorer toutes les marges de manœuvre du FNADT et de la DDR, au détriment des projets portés par les collectivités locales. Je suis néanmoins prêt à examiner l'adaptation des dispositions existantes pour les bassins frappés par des sinistres industriels ou les zones rurales sensibles. Car ce qui compte pour moi, c'est la prise en compte de ce qui remonte du terrain.

M. Jean-Claude Guibal - En réponse aux dramatiques incendies qui se sont récemment produits, le Gouvernement envisage de réformer les règles de prévention et de protection contre les risques d'incendie, en durcissant les prescriptions de l'arrêté du 22 juin 1990 relatif aux établissements accueillant du public. Un deuxième escalier deviendrait obligatoire au-delà d'un étage, et les portes coupe-feu seraient généralisées.

Les commissions de sécurité donnent par ailleurs une interprétation de plus en plus stricte de la réglementation et imposent des délais extrêmement brefs. Il en résulte des investissements importants pour l'hôtellerie familiale, d'autant plus lourds que l'établissement est petit et que la comptabilité générale se refuse à les considérer comme des charges du compte d'exploitation.

Au regard de l'importance économique et sociale de l'hôtellerie familiale, ne serait-il pas opportun de l'aider à se conformer aux normes de lutte contre les incendies et d'accessibilité des handicapés ? Deux mesures seraient envisageables : une provision, sur le modèle prévu en matière de sécurité alimentaire par la loi du 2 août 2005, ou bien un amortissement exceptionnel tel que celui consenti, sur une période de douze mois, par l'article 39A1 du code général des impôts en faveur des « installations de sécurité destinées à assurer la sécurité de l'entreprise ou la protection du personnel » ?

M. Léon Bertrand, ministre délégué - Les conséquences des incendies qui ont endeuillé la petite hôtellerie il y a quelques mois nécessitent un renforcement des normes de sécurité, qui ne sont pas sans coût. Une commission a été mise en place avec la participation du ministère.

Je suis tout à fait incapable d'évaluer maintenant quelle est la meilleure solution possible - l'amortissement ou la provision ? Mais dès que la commission se sera prononcée, nous répondrons à votre préoccupation de compenser les surcoûts induits. Nous veillerons à respecter un rapport qualité prix permettant de sauvegarder l'attractivité de la petite hôtellerie.

M. Daniel Garrigue - La mise en place des pôles de compétitivité est un facteur d'intense mobilisation en matière de recherche et de développement économique. Cela étant, toutes les régions ne parviennent pas à atteindre le seuil critique nécessaire pour créer de tels pôles. Les élus locaux ont donc noté avec un intérêt particulier l'idée évoquée en juillet par le premier ministre de créer une autre catégorie de pôles, axée sur la culture, le tourisme ou l'environnement.

L'intérêt serait manifeste pour l'ensemble Biarritz-Anglet-Bayonne, dont le projet de pôle de compétitivité n'avait pas été retenu, comme pour la Dordogne. Je voudrais donc savoir si cette démarche fédératrice reste d'actualité et quels critères pourraient être adoptés.

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Votre question va me permettre de clarifier la notion de pôle de compétitivité. Il ne s'agit pas de susciter une concurrence entre les pôles retenus - 66 du fait d'une fusion - mais de créer des champions mondiaux, et non locaux. En matière de recherche et d'innovation, nous appelons donc à la fédération des énergies nationales : nous avons par exemple exigé une véritable mise en réseau de chacun des trois pôles textiles sélectionnés. Et si le pôle de Biarritz n'a pas été accepté, c'est qu'il ne respectait pas le critère de décloisonnement de l'université, de la recherche privée et de l'industrie.

Je ne dis pas que des pôles de compétitivité ne peuvent pas porter sur le tourisme ; mais la condition est de permettre un accompagnement des entreprises prêtes à consacrer des efforts importants dans le domaine du R&D, efforts qui peuvent ne porter leurs fruits que dans dix ou quinze ans. Un tel rassemblement des énergies publiques et privées ne peut se faire à l'échelle d'un seul territoire.

Au service des territoires, nous proposons en revanche des pôles d'excellence ruraux, par exemple en matière de tourisme, de culture, de biodiversité, d'énergies renouvelables ou d'exploitation des parcs naturels régionaux. Là où l'offre touristique n'est ni structurée ni suffisante, là où les synergies peuvent être accrues, un pôle pourrait être créé. Nous soutiendrons tous les dossiers qui nous seront proposés.

M. Robert Lecou - La France, pays de contrastes, est riche de ses espaces, de ses villes moyennes et de ses bourgs centres. Mais elle est malade des difficultés de développement qu'ils rencontrent, alors que l'hyper concentration débouche ailleurs sur des situations dramatiques.

Il est donc indispensable qu'une vraie politique d'aménagement du territoire vienne atténuer les inégalités et rétablir les équilibres. On ne peut pas laisser se concentrer les problèmes dans les villes ou dans les banlieues alors que des petites villes, des villes moyennes et des territoires ruraux ne trouvent pas les moyens de se développer.

Fiscalité et péréquation, réflexion sur l'empilement des structures, proximité et accessibilité doivent accompagner le développement. Il faut ainsi que la couverture du territoire soit complète pour la téléphonie mobile et le haut débit en 2007. Vous m'avez indiqué en commission et avez répété ce matin que le cap fixé pour 2007 sera atteint, je vous en remercie.

Autre facteur structurant pour les territoires, le service public doit être un vrai service au public. Or ces dernières années, les élus locaux ont trop souvent dû se battre pour le conserver. Il faut réactiver les commissions départementales d'organisation, de modernisation et d'amélioration des services publics pour que, autour du préfet et des élus locaux, elles réfléchissent à des schémas départementaux Que comptez-vous faire pour leur donner une réelle capacité de coordination, d'harmonisation et de décision ? Plus largement, comment envisagez-vous la présence des services publics dans les bourgs centres qui assurent l'équilibre du territoire ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Vous avez raison. Trop de services publics ont été démantelés sans la moindre concertation. Nous revenons donc sur les schémas nationaux, pour que les décisions soient prises avec les acteurs locaux. Nous voulons que cette concertation soit systématique. Quand je parle de services publics, je ne pense pas seulement à l'Etat. Le premier service public, ce sont les 36 000 mairies. Et les conseils généraux ont souvent plus de services publics - services sociaux, culturels, techniques - que l'Etat. La nouvelle phase de la décentralisation renforcera encore cette situation. Mais une fermeture en entraîne d'autres en chaîne : si les trois agents de la perception s'en vont, une classe, voire l'école fermera, d'autres services publics, des entreprises iront ailleurs. Nous disons assez. Il faut moderniser non le service public, mais un service au public. Les commissions départementales de modernisation ont un rôle pivot à jouer, et la conférence nationale des services publics en milieu rural ainsi que les préfets sont d'accord sur la nécessité de donner plus de souplesse à cette instance. Par exemple, certains préfets ont souhaité s'adapter aux pays qui correspondent à des bassins de vie, d'autres à l'échelon départemental à partir d'un état des lieux par service. Territoire par territoire, il nous faut adapter le fonctionnement des commissions départementales aux spécificités locales pour moderniser les services au public.

M. Dominique Caillaud - L'IGN a remarquablement respecté le contrat d'objectifs et de moyens 2003-2006 sur l'information géographique, notamment en mettant en œuvre efficacement le référentiel à grande échelle indispensable à tous les échanges entre les services de l'Etat et ceux des collectivités territoriales. Actuellement, l'accès pour tous aux données géographiques se développe extrêmement vite, comme le prouve le succès de googleearth. Alors que se prépare le contrat d'objectifs 2007-2010 de l'IGN, envisagez-vous d'y clarifier la place respective de la mission essentielle pour l'IGN que constitue la production, entièrement financée sur fonds publics, de données géographiques accessibles à tous et libres de droits, d'autre part le développement d'applications à vocation commerciale sur un marché concurrentiel et la mise en œuvre de procédures et de modèles sur le réseau internet, par exemple avec le géoportail, pour lesquels l'IGN peut nourrir de légitimes ambitions ?

M. le Ministre - Effectivement, l'information géographique sera de plus en plus utile à l'économie et à la recherche. Vous souhaitez qu'on distingue mieux les missions de service public de l'IGN de ses activités commerciales. Il est très important que le référentiel à grande échelle soit à la disposition de tous les services de l'Etat et collectivités locales, et le grand public peut également s'y intéresser. L'élaboration du prochain contrat d'objectifs a commencé et je veillerai à faire de cette mission de service public une activité prioritaire. La comptabilité analytique de l'IGN permet d'ailleurs de bien la séparer des activités commerciales et de bien estimer le coût du référentiel à grande échelle. Je veillerai à ce que les tarifs pratiqués facilitent sa diffusion la plus large possible.

M. Michel Lejeune - Au budget 2005, les crédits de consolidation des hébergements de tourisme social n'étaient pas abondés, alors qu'ils l'étaient à hauteur de deux millions l'année précédente. Après discussion, cette ligne avait été provisionnée en loi de finances rectificative en mobilisant des fonds de l'Agence nationale des chèques vacances. Au budget 2006, de nouveau, elle n'est pas créditée. Bien que modeste, elle est importante pour conforter le tourisme social et atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé des « vacances pour tous ». De surcroît l'intervention de l'Etat permet de mobiliser les aides des collectivités territoriales. Nous avons besoin de rénover et de moderniser les structures du tourisme social, tout le monde en est d'accord. Mais en pratique, pensez-vous pouvoir rétablir cette ligne budgétaire ? Nous le souhaitons très vivement.

M. Léon Bertrand, ministre délégué - Effectivement, il n'est pas prévu actuellement de financement sur la ligne concernant la rénovation des structures d'hébergement du tourisme social. Mais le Gouvernement identifie bien un programme pour le tourisme, et trois actions qui sont la promotion, le soutien à l'économie et le tourisme social. En 2005, nous nous étions trouvés dans la même situation. Je ne désespère pas de trouver, dans les mois qui viennent, ces crédits qui sont effectivement nécessaires. Au titre du tourisme social, 40 000 Français sont partis en vacances et c'est un facteur important d'insertion sociale.

M. Yves Censi - Le tourisme est très lié au développement rural. Celui-ci a besoin d'une croissance démographique, laquelle est aussi liée au développement de services divers non seulement pour les résidents mais pour les touristes de passage - qu'il s'agisse de communications ou de santé. Grâce à ces touristes, le taux d'usage des équipements est amélioré, ce qui justifie qu'on y investisse. De plus, le tourisme en France, et le tourisme rural en particulier, n'est pas un tourisme de masse. Il valorise la diversité et les activités séculaires de nos terroirs.

Un exemple parmi d'autres : la coopérative « Jeune montagne » sur les plateaux de l'Aubrac, créée au départ pour des motivations agricoles, reçoit aujourd'hui plus de 50 000 visiteurs par an. Bref, j'approuve très vivement la politique d'aménagement du territoire menée par le Gouvernement et je me réjouis que le terme « d'économie touristique » remplace celui « d'activité touristique ». Le tourisme rural n'est pas une activité d'appoint, mais une économie à part entière qui, contrairement à ce que l'on pense bien souvent, n'est pas administrée par l'Etat ou les collectivités (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Monsieur le ministre délégué, la création des pôles d'excellence ruraux est une excellente chose et je me félicite que leur périmètre intègre le tourisme et le patrimoine. Pouvez-vous préciser le calendrier prévisionnel de leur mise en œuvre et leur financement ? Par ailleurs, pouvez-vous nous confirmer que la qualité du projet primera sur les critères démographiques et que « les villes à la campagne », telle Rodez entourée de territoires profondément ruraux, ne seront pas exclues de ce nouveau dispositif ?

M. Léon Bertrand, ministre délégué - Vous rappelez à juste titre l'importance du tourisme rural. Il représente 19,1% de la consommation totale de tourisme et un tiers de la fréquentation touristique française. L'accueil touristique en milieu rural, qui repose sur l'offre d'une grande variété d'activités - randonnée, promenade en bateaux - et d'hébergement - chambre d'hôtes, hôtels -, concourt au développement économique des territoires. Le travail en réseau de l'ensemble des acteurs, notamment l'action que vous menez à la tête de la conférence permanente du tourisme rural, doit être approfondi pour proposer une offre touristique attractive et globale. La réponse se trouve peut-être dans la création des pôles d'excellence ruraux sur lesquels je vais laisser M. Estrosi s'exprimer. Concernant le co-pilotage des projets, je m'engage à faire entendre la voix du ministère du tourisme.

M. Christian Estrosi, ministre délégué - La création des pôles d'excellence ruraux satisfait à la légitime exigence d'une réponse enfin complète et crédible au développement des campagnes. Parce que nous n'avons pas le droit de décevoir, Monsieur Censi, la qualité des projets sera effectivement un critère important. La gouvernance de ces pôles, comme c'est le cas dans les pôles de compétitivité, ne doit pas être assurée par les collectivités elles-mêmes mais par les PME, les agriculteurs et les associations accompagnés par les collectivités. Nous lancerons un appel à candidature à la fin de l'année pour 200 premiers projets. Les financements proviendront du FNADT, d'exonérations de charges fiscales et sociales et, selon les sujets retenus, des ministères concernés. Enfin, concernant le périmètre, seules comptent la pertinence du projet, l'identité culturelle, géographique ou historique du territoire et sa cohésion. Enfin, ces pôles concerneront au premier chef la ruralité profonde plutôt que les villes.

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions.

ÉTAT B

M. le Rapporteur spécial - Par l'amendement 24, la commission des finances propose de réduire de 2 millions les 34,5 millions de crédits affectés au soutien des politiques locales foncières qui se répartissent de la manière suivante : 27 millions pour la région Ile-de-France, 2 millions pour les établissements publics fonciers hors Ile-de-France, 1,3 million pour les contrats de plan et 4 millions pour une aide à l'élaboration des schémas de cohérence territoriale. En effet, il ne semble pas nécessaire de financer le démarrage de nouveaux établissements publics fonciers, déjà fort nombreux. Par ailleurs, nous nous opposons à la création de taxes supplémentaires souvent réclamées par ces établissements publics (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je ne méconnais pas l'importance de la politique foncière pour maîtriser les prix et mutualiser la rente. Cela étant, faut-il encore multiplier les structures ? Les agences d'urbanisme et les présidents de communauté d'agglomération ont déjà la capacité de mener une politique de réserve foncière. La région constitue-t-elle le bon niveau d'intervention ? Toutes ont-elles réellement besoin d'un établissement foncier ? Par ailleurs, faut-il créer de nouvelles taxes sachant que ces établissements bénéficient déjà des subventions de l'Etat ? Assurément, non. Le moment est venu de se poser des questions sur la performance de nos actions ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - Messieurs le rapporteur et le président de la commission, vos questions sont intéressants mais, au juste, quel est le débat ? Nous constatons tous la difficulté d'accélérer la construction de logements, en particulier dans les grandes agglomérations en Ile-de-France, dans la région Rhône-Alpes et dans le sud de la France. Comment régler cette question foncière ? Il est vrai que les structures de coopération intercommunale peuvent mener des politiques foncières, ce qui n'est pas le cas des agences d'urbanisme dont la mission est de réaliser des études et non d'acheter, puis de revendre des terrains, après un certain temps. Que sont les établissements publics fonciers ? Leur périmètre d'action est fixé par l'Etat, il peut être régional, interdépartemental ou départemental. En tant que ministre, après concertation avec les collectivités et les parlementaires concernés, j'envisage la création de nouveaux établissements. Rappelons qu'il en existe en Lorraine et en Normandie. Les enjeux fonciers de ces deux régions sont très différents : en Lorraine, la réutilisation du foncier dégradé exigeait l'intervention d'un opérateur public.

Il ne s'agit donc pas de confier aux conseils régionaux une compétence nouvelle en matière foncière. La loi est claire : le périmètre, le conseil d'administration et le directeur général de ces établissements sont choisis par l'Etat.

La question du financement que vous évoquez est pertinente : à quel niveau devons-nous fixer les taxes ? Il y a là, Monsieur Méhaignerie, un paradoxe : si l'on supprime les deux millions d'euros de crédits budgétaires, il ne sera pas possible à l'Etat d'amorcer la création d'établissements publics fonciers, lesquels recourront alors à une taxe. Il existe aujourd'hui plusieurs projets, mais aucune décision n'a été prise. Si cette ligne de crédit est supprimée, nous pourrons difficilement mettre à la disposition des collectivités territoriales ce nouvel opérateur foncier, là où c'est nécessaire et où le consensus politique a été trouvé. Je souhaite donc que vous retiriez cet amendement.

Si c'est le cas, ne devrions-nous pas prolonger cette concertation sur les périmètres géographiques opportuns pour la création de nouveaux établissements publics fonciers ?

Vous avez, Mesdames et Messieurs les députés, une décision importante à prendre. M. Borloo et moi-même avons beaucoup travaillé à l'accélération de la construction de logements et à la baisse des prix fonciers. Oter à l'Etat la possibilité d'amorcer la création d'établissements publics qui ne sont pas forcément au périmètre des régions serait une erreur.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Je confirme les prévisions de M. le ministre : si ces établissements ne sont pas dotés de moyens de démarrage, le plan de logement que le Gouvernement vient de déposer au Sénat ne pourra pas démarrer non plus. La création de nombreux logements sociaux, à laquelle nous nous sommes engagés, serait ainsi empêchée.

Je comprends le souci d'économie du président de la commission des finances, mais on compromettrait en l'occurrence un ambitieux programme de logements sociaux, qui fait suite au plan de cohésion sociale et pourrait répondre à des attentes pressantes. Il serait préférable d'aboutir à un accord entre la commission des finances et le Gouvernement, plutôt que de supprimer ces crédits.

M. le président de la commission des finances - On peut toujours trouver de bons arguments pour créer de nouvelles structures. Nombreux sont les élus et les communautés d'agglomération qui n'ont pas attendu la création des établissements publics fonciers pour créer des logements, des équipements et des réserves foncières.

Ma question est simple : s'il y a un intérêt à créer des réserves foncières, elles doivent s'équilibrer, puisque l'objectif est de maîtriser les prix et de mutualiser la rente. Faut-il donc une taxe ? Si un établissement public foncier que vous estimez utile a une subvention, pourra-t-il aussi prélever une taxe ? S'il y a cumul, je m'y oppose et nous maintenons notre amendement.

M. le Ministre - M. Méhaignerie pose sa question avec malice, car il sait très bien que la loi - dont nous pouvons toujours débattre - prévoit cette possibilité.

M. le président de la commission des finances - Nous maintenons donc l'amendement 24.

L'amendement 24, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur spécial - L'amendement 25 2e rectification a trait à l'urbanisme, domaine dans lequel certaines compétences ont été transférées aux collectivités locales, notamment en matière d'instruction de permis de construire dans les communes de plus de 10 000 habitants. A cela s'ajoute la vaste réforme du ministère de l'équipement dans le cadre de la décentralisation.

Le projet de budget prévoit de doter le programme « aménagement, urbanisme et ingénierie publique » de 259 équivalents temps pleins travaillés, soit une hausse de huit postes, tous de catégorie A - alors que les postes de catégorie B restent stables, et qu'un poste de catégorie C disparaît. La masse salariale est donc de 17 357 000 euros. Nous proposons de ne pas augmenter les effectifs, pour aboutir à une réduction de 530 000 euros de dépenses de personnels des services centraux du ministère de l'équipement.

M. le Ministre - La LOLF conduit à comptabiliser dans les programmes des emplois correspondant à des agents mis à disposition d'organismes tiers par le ministère de l'équipement. En l'occurrence, on a imputé au programme « aménagement, urbanisme et ingénierie publique » les emplois d'agents mis à disposition de la DATAR. A périmètre égal, les effectifs de la direction générale diminuent en fait de deux unités. Je souhaite donc que vous retiriez votre amendement : il ne s'agit pas d'augmenter les effectifs, mais de les diminuer.

M. le Rapporteur spécial - Puisque ces agents sont mis à la disposition de la DATAR, s'agissant d'un programme qui englobe l'aménagement du territoire, je retire l'amendement 25 2e rectification.

L'amendement 26 concerne le programme « information géographique et cartographique ». L'Institut géographique national en est l'opérateur unique et reçoit 75 millions de crédits de paiement. Or, le directeur de l'IGN est aussi celui du programme : il devient ainsi juge et partie, et le ministère de l'équipement ne peut plus exercer sa tutelle.

L'amendement vise donc à intégrer à ce programme la subvention de l'Etat à l'IGN et les 60 800 euros inscrits au titre du programme « stratégie en matière d'équipement », qui correspondent en fait au financement du Conseil national d'information géographique. Le directeur du programme pourrait ainsi devenir le directeur de la recherche et de l'animation scientifique et technique du ministère de l'équipement. C'est l'occasion pour le Parlement de proposer, au titre de la LOLF, une lecture plus adaptée de l'exercice de la tutelle.

M. le Ministre - Je n'ai pas d'objection à cette modification.

L'amendement 26, mis aux voix, est adopté.

Les crédits de la mission « politique des territoires », mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits relatifs à la politique des territoires.

Prochaine séance, ce soir, à 21 heures 45.

La séance est levée à 20 heures 45.

                      La Directrice du service
                      du compte rendu analytique,

                      Catherine MANCY


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