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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 27ème jour de séance, 60ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 15 NOVEMBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

LOGEMENTS SOCIAUX 2

INDEMNISATION DES VICTIMES
DE VIOLENCES URBAINES 2

LOGEMENT SOCIAL 3

HAUSSE DES TARIFS DE GDF 4

IMMIGRATION CLANDESTINE 5

RÉSULTATS ÉCONOMIQUES 6

SITUATION DE L'EMPLOI 6

NÉGOCIATIONS OMC
SUR LES PRODUITS VITIVINICOLES 7

FONCTION PUBLIQUE 7

RÉFORME FISCALE ET COLLECTIVITÉS LOCALES 8

EMPLOI DES JEUNES LUTTE - CONTRE LE CHÔMAGE DANS LES QUARTIERS SENSIBLES 9

COUVERTURE NUMÉRIQUE DU TERRITOIRE 9

PROROGATION DE L'APPLICATION
DE LA LOI DU 3 AVRIL 1955 10

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 16

QUESTION PRÉALABLE 19

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 42

AVANT L'ARTICLE PREMIER 43

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

LOGEMENTS SOCIAUX

Mme Janine Jambu - Je suis élue d'un département, les Hauts-de-Seine, profondément marqué par les inégalités sociales et territoriales. Si Neuilly compte 2,6% de logements sociaux, Gennevilliers en compte 63%, et ma commune de Bagneux plus de 51%. Quant au revenu moyen annuel par habitant, il peut varier du simple au double, par exemple entre Sevran - 40% de logements sociaux - et Le Raincy - 5% de logements sociaux. C'est dire si, avec mes concitoyens et mes collègues parlementaires, nous avons été attentifs à l'intervention du Président de la République hier soir. N'a-t-il pas en effet rappelé à tous les maires que leur ville devait compter au moins 20% de logements sociaux ? Voilà une proposition que nous défendons depuis des années avec détermination, car c'est la seule réponse à la pénurie de logements.

Monsieur le Premier ministre, quelles mesures coercitives - j'insiste sur cet adjectif - allez-vous prendre pour répondre au vœu exprimé par le Chef de l'Etat, et quelle en sera la traduction dans le budget de la mission ville-logement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Permettez-moi tout d'abord de vous rappeler que, dans ce pays, les logements doivent tous être beaux et bien entretenus, qu'il s'agisse de logements aidés ou non. Par ailleurs, les locataires des logements aidés sont des citoyens respectables, et il n'est pas question de les loger dans telle ville plutôt que dans telle autre (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Il faut relancer le logement, en particulier le logement aidé, et nous nous y employons, comme en témoignera le projet de budget.

Quant à la loi, elle est appliquée (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Comme elle le prévoit, les préfets, à ma demande, ont dressé le constat des communes qui doivent rattraper leur retard, et je recevrai les constats de carence fin décembre. La loi, toute la loi sera appliquée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

INDEMNISATION DES VICTIMES DE VIOLENCES URBAINES

M. Georges Mothron - Monsieur le Premier ministre, même si la banlieue parisienne semble progressivement retrouver le calme, des villes de province connaissent encore de nombreux incidents, et il est prudent de proposer de maintenir l'état d'urgence, tant nous comprenons mal comment ces violences démarrent et même comment elles cessent.

N'oublions pas que si les collectivités publiques pâtissent de la dégradation des biens publics, les premières victimes sont les particuliers. Certes, la facture sera lourde pour les collectivités, mais elles arriveront toujours à y faire face, vaille que vaille. Il n'en va malheureusement pas de même pour les plus de 8 000 particuliers dont les véhicules ont été incendiés. Prisonniers de quartiers sensibles, leur détresse est d'autant plus grande qu'ils n'ont pas les moyens de remplacer immédiatement leur véhicule et qu'ils dépendent du remboursement des assurances. Il est urgent de les aider : quelles mesures allez-vous prendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Ces quinze derniers jours, la France a connu des événements d'une gravité sans précédent, et je sais, Monsieur le député, combien votre commune en a souffert. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 8 500 véhicules incendiés, une centaine de bâtiments publics détruits ou endommagés, et autant d'entreprises privées, 125 policiers blessés, sans oublier les agressions à l'encontre des services de secours, 2 800 personnes interpellées, et 600 écrouées.

Derrière ce bilan se cache la détresse de familles et parfois des situations individuelles dramatiques. Tout est mis en œuvre pour accélérer l'indemnisation des victimes.

Thierry Breton fait chaque jour le point avec les assureurs qui ont d'ores et déjà accepté d'étendre leurs garanties en faveur des victimes de voitures brûlées. La majorité d'entre eux se sont engagés à indemniser sans franchise, quel que soit le contrat souscrit.

J'ai demandé à M. Dutreil d'examiner avec les commerçants et les artisans les moyens de les aider. Par ailleurs, M. Hortefeux étudie avec les mutuelles comment indemniser la destruction des biens communaux, sachant que l'Etat apportera une aide complémentaire.

Cela étant, la priorité du Gouvernement reste le retour à l'ordre républicain, et toute infraction doit être sanctionnée. Je tiens à saluer la détermination du ministre de l'Intérieur et du Garde des Sceaux (applaudissements sur les bancs du groupe UMP), ainsi que la mobilisation sans précédent des forces de l'ordre et des magistrats.

La situation reste difficile dans de nombreux quartiers, et nous ne pouvons accepter que plus de 200 voitures brûlent chaque nuit. J'ai donc proposé au Président de la République la prorogation de la loi de 1955 pour trois mois. Il s'agit d'une mesure de précaution qui permet au préfet, avec l'accord du maire, de disposer des instruments nécessaires au rétablissement de l'ordre si les circonstances l'exigent. C'est également une mesure de protection des populations touchées par les violences. Comme vous avez pu le constater, nous avons recours à ce dispositif avec un grand discernement, en fonction de la gravité des incidents.

Le Gouvernement pourra par ailleurs y mettre fin par décret dès que le calme sera durablement rétabli.

L'Etat républicain aidera également tous ceux qui veulent réussir dans ces quartiers, et ils sont la majorité. Nous le ferons en renforçant le rôle du maire, pivot de la cohésion sociale, de la sécurité et de la prévention, mais aussi en luttant contre les discriminations et en donnant un vrai pouvoir de sanction à la Haute autorité. Nous le ferons enfin en prenant des mesures en faveur du logement, de l'emploi, de l'éducation, qui est essentielle, et par la création du service civil volontaire qui redonnera espoir à 50 000 garçons et filles de 18 à 25 ans.

Tout le Gouvernement travaillera pour faire rapidement des propositions concrètes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe des députés socialistes et du groupe des députés communistes et républicains)

LOGEMENT SOCIAL

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je me fais l'écho de la première question qui vient d'être posée. Hier soir, le Président de la République a solennellement appelé « tous les représentants des communes à respecter la loi qui leur impose d'avoir 20% au moins de logements sociaux ». Pour casser les ghettos urbains, il est en effet essentiel que toutes les communes se mobilisent et prennent part à la solidarité territoriale. Or, depuis trois ans, la majorité tente inlassablement de s'y soustraire.

M. Richard Mallié - Nous n'avons aucune leçon à recevoir de votre part !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - En septembre dernier, un député maire de la majorité a même adressé un courrier aux 742 maires qui n'appliquent pas la loi afin qu'ils s'organisent pour défendre ce qu'il faut bien appeler un « égoïsme municipal ». Vos gouvernements successifs sont restés passifs et se sont contentés de comptabiliser ce que tout le monde connaît en prévision de remontrances qui seront inefficaces. Quelles initiatives prendrez-vous, Monsieur le Premier ministre ? Comptez-vous enfin appliquer la loi en demandant aux préfets de se substituer aux maires défaillants...

M. Richard Mallié - Laissez les maires agir !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - ... pour engager à leur place la construction de logements sociaux ? Comptez-vous accentuer l'efficacité de cette loi en augmentant les pénalités que les communes défaillantes doivent supporter et en réduisant les aides publiques que l'Etat leur verse ? Comptez-vous enfin introduire dans la loi un dispositif suspendant dans ces communes les projets immobiliers qui ne comportent pas de logements sociaux ? « On ne sortira pas de la situation actuelle si l'on ne met pas en cohérence les discours et les actes », a ajouté le Président de la République. Comment comptez-vous donc mettre en cohérence le discours présidentiel et les actes gouvernementaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Je vous l'ai déjà dit : nous respectons la loi (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). J'ai saisi les préfets au mois d'août afin qu'ils dressent les constats de carence qui leur permettront de se substituer aux maires et de doubler les pénalités. Mais il faut quand même que nos compatriotes le sachent : la crise du logement social est celle de votre décennie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) La collecte pour le logement social prélevée dans le cadre des contrats de travail a alors servi en partie aux fins de mois du budget général (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Enfin, le budget de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat permet d'améliorer considérablement le cadre de vie et de remettre sur le marché 20 000 logements conventionnés dans le parc privé chaque année. Au total, nous proposons un doublement de la production de logements conventionnés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

HAUSSE DES TARIFS DE GDF

M. Jean-Christophe Lagarde - Monsieur le ministre de l'économie, vous avez décidé voilà environ quinze jours une augmentation de 12% du prix du gaz, augmentation très contestable puisque les contrats qui régissent GDF et ses fournisseurs sont conclus sur deux ans et ne connaissent pas une telle hausse. Les 3,8% de hausse affichés ne trompent personne puisque la baisse du prix de l'abonnement ne diffère qu'un peu l'augmentation que subiront sept millions de familles. Prétendre que l'on peut espérer pendant cette période une baisse du prix du pétrole et donc du gaz nous semble non seulement fumeux mais contradictoire avec le discours du Premier ministre sur la fin de l'ère du pétrole et donc le pétrole cher.

Mais il y a pire : les familles qui vivent en logement social ne bénéficieront pas de la baisse temporaire des abonnements puisqu'elles ne sont pas abonnées. L'an dernier, les locataires vivant en logement social ont dû subir une hausse non de 3,8% mais de 9%. Cette année, ce n'est ni 3,8% ni 12% de hausse qu'ils subiront mais, en moyenne, 18% ce qui représente 150 à 220 euros par famille. Entre novembre 2003 et novembre 2005, les locataires de HLM ont subi une hausse de 34% à 44%. Vous avez souhaité, Monsieur le ministre, qu'un certain nombre de mesures soient prises en faveur des particuliers chauffés à titre individuel. Pourquoi ne proposez-vous pas de mesures envers les personnes qui connaissent le plus de difficultés ? Où est la « croissance sociale » dont parlait naguère le chef du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur les bancs de plusieurs députés du groupe socialiste)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je ne reviens pas sur les raisons de l'augmentation du prix du gaz, je m'en suis déjà longuement expliqué. Que l'on soit de gauche ou de droite voire même du centre, tout le monde est obligé de procéder de la même façon. Nous avons demandé à GDF de faire des gestes commerciaux et le Gouvernement proposera au Parlement en loi de finances rectificative des dispositions permettant aux cogénérateurs d'éviter de répercuter sur leurs clients l'impact du plafonnement du prix d'achat de l'électricité, ce qui bénéficiera notamment aux locataires de logements sociaux. Par ailleurs, nous avons décidé, avec M. François Loos, de réunir l'ensemble des acteurs du secteur gazier début décembre, de façon à remettre l'ensemble de ces problèmes sur la table et à les régler une bonne fois pour toutes, ce qui n'a pas été fait depuis douze ans. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Enfin, je signale que le prix du baril de pétrole baisse, puisqu'il est maintenant à 54 dollars, contre 63 il y a un mois et demi. Baisse-t-il assez ? Non. La tendance va-t-elle dans le bon sens ? Oui. Sera-t-elle répercutée sur les consommateurs ? Oui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine David - Comment ?

IMMIGRATION CLANDESTINE

Mme Gabrielle Louis-Carabin - Ma question s'adresse au ministre de l'intérieur. La Guadeloupe, enclave de prospérité dans le bassin caribéen, est plus que jamais confrontée à l'immigration clandestine et son tissu social en souffre. Je salue à ce propos la création à l'Assemblée d'une mission d'information et au Sénat d'une commission d'enquête sur ces sujets. Je regrette simplement que la première n'ait pas été étendue aux départements de la Guadeloupe et de la Guyane.

L'ampleur du phénomène appelle une modification des dispositifs législatifs et réglementaires ainsi qu'un renforcement des moyens de lutte des acteurs de terrain. La régulation des flux migratoires dans notre archipel doit d'urgence faire l'objet d'une politique volontariste adaptée aux réalités locales. Que compte faire le Gouvernement en ce sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Baroin, ministre de l'outre-mer - On dénombre 15 000 reconduites à la frontière en métropole et 15 000 pour l'outre-mer, plus de 8 000 pour Mayotte, plus de 5 000 pour la Guyane. Pour la Guadeloupe, leur nombre a augmenté de 53 % entre 2002 et 2004, l'objectif étant d'atteindre 2 000.

La lutte contre l'immigration illégale doit se faire dans la fermeté et le discernement, en combinant la mise en œuvre de dispositifs répressifs et le traitement d'un phénomène humain. Il faut savoir que les organisateurs de ces filières n'hésitent pas, quand la police est sur le point de les interpeller, à faire passer par-dessus bord les hommes, les femmes et les enfants qu'ils transportent.

Sous l'impulsion du Premier ministre, nous avons décidé de réfléchir, dans le cadre d'un comité interministériel, aux moyens juridiques exceptionnels qu'appelle la situation exceptionnelle observée sur ces trois collectivités territoriales. Le comité a ainsi récemment décidé de poursuivre en Guadeloupe ce qui a fonctionné en Guyane. C'est dans cet esprit qu'à l'issue des travaux parlementaires que vous avez cités, des propositions seront faites et rassemblées dans un véhicule législatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

RÉSULTATS ÉCONOMIQUES

M. Georges Tron - Monsieur le ministre de l'économie, nous avons eu connaissance cette semaine des chiffres de la croissance pour le troisième trimestre de cette année. Ils sont bons - 0,7 % - et même meilleurs d'un tiers que ceux qui avaient été programmés par les économistes. Cela veut dire que les prévisions de croissance faites dans la loi de finances pour 2005 seront tenues et que celles du budget pour 2006 ont toutes chances de l'être. Cette bonne nouvelle fait suite à d'autres : la production industrielle a crû de 1 % en août et de 0,8 % en septembre ; la consommation des ménages est la plus importante depuis 2000 ; le chômage est descendu en dessous de 10 %.

Cette bonne tendance vous paraît-elle durable ? Le prix du pétrole et la valeur de l'euro risquent-ils de l'atténuer dans les prochains mois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Les chiffres annoncés par l'INSEE la semaine dernière confirment ce que M. Copé et moi annoncions depuis plusieurs mois, à savoir que la conjoncture se retourne. Nous n'avions pas alors été entendus, mais tous les indicateurs montrent que les mesures prises sous l'impulsion du Premier ministre commencent à porter leurs fruits. Pas encore assez, mais la tendance est là.

Que n'avions-nous pourtant entendu lors de la présentation du budget ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Par exemple que l'on ne ferait pas plus que 1,1 % de croissance en 2005. Or, nous en sommes à 1,5 % acquis. Que n'avions-nous entendu sur l'insincérité des prévisions ! Or, la tendance annualisée pour 2006 est de 2,8 % ! Nous avons quant à nous décidé de proposer une valeur médiane de 2,25 %, qui nous semble réaliste et réalisable. D'autant que l'euro se tient mieux et que le prix du baril baisse. En tout état de cause, cette bonne tendance traduit la cohérence de l'action gouvernementale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

SITUATION DE L'EMPLOI

M. Gaëtan Gorce - Monsieur le Premier ministre, votre ministre de l'emploi a manifestement plus de talent pour faire disparaître les chômeurs que pour faire apparaître les vrais emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP) Il les fait disparaître comme le joueur de flûte de Hameln faisait disparaître les enfants au son de son instrument ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Depuis juin 2002, le chômage a augmenté de plus de 120 000 personnes. Plus grave encore, le nombre d'emplois marchands a diminué de plus de 200 000. Comment dans ces conditions ne pas voir que la baisse affichée n'est qu'une baisse statistique, qui ne correspond en rien à la réalité.

Vous ne soignez que les apparences, pas les victimes du chômage. J'en veux pour preuve la faiblesse du budget de l'emploi, qui n'augmente que de 0,7 %, soit moins que l'inflation ! Au moment où notre pays connaît les difficultés que l'on sait, on pouvait espérer que le Gouvernement aurait compris que ce n'est pas avec les effets d'annonce que l'on fait une politique. Quand on veut défendre l'emploi dans les zones les plus difficiles, il ne faut pas simplement y mettre des ministres avec des discours pour le moins contestables, il faut y mettre des moyens, des hommes et des crédits ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Cela vous gêne mais c'est la réalité ! En entretenant aujourd'hui les illusions, vous nourrissez le désarroi et la colère de demain. Dans ces conditions, comment justifier le fossé béant qui sépare encore votre discours sur l'emploi des moyens insuffisants qui lui sont consacrés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Je n'entrerai pas dans une querelle sur les joueurs de flûte ou de pipeau... (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - ...bien que vous soyez très doué pour jouer de cet instrument !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - ...car ce n'est pas la mélodie que les Français souhaitent entendre. Plus sérieusement, il faut considérer chaque personne en recherche d'emploi comme une ressource humaine à mieux former et à mieux accompagner. Il faut la recevoir non pas une fois par an mais une fois par mois, élaborer des prévisions de besoins par bassin et engager un effort financier considérable pour adapter l'offre à la demande. Bref, il faut entrer dans une logique de ressources humaines. Naturellement, tout n'est pas parfait ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Naturellement, le regroupement de l'ensemble des services de l'emploi est important, et vous savez que j'y suis favorable. En tout état de cause, la baisse du chômage est constatée depuis six mois. En tant que membre de la représentation nationale, vous devriez vous en féliciter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

NÉGOCIATIONS OMC SUR LES PRODUITS VITIVINICOLES

M. Philippe-Armand Martin - Dans le cadre des négociations relatives à l'accord sur le commerce du vin entre les Etats-Unis et l'Union européenne, l'Union a, semble-t-il, accepté de reconnaître les pratiques œnologiques des producteurs américains - adjonction d'eau (Exclamations), « désalcoolisation » (Mêmes mouvements) ou aromatisation (Mêmes mouvements). En contrepartie, les Etats-Unis se seraient engagés à limiter l'usage des appellations considérées comme semi-génériques - telles le Champagne, le Sauternes et le Chablis - aux seules marques qui le pratiquaient antérieurement à l'accord.

Si certains professionnels de la filière se félicitent de cet accord, il ne faut pas être dupe. Les circonscriptions viticoles reconnues en AOC et leurs élus ne peuvent pas accepter cet accord au terme duquel l'appellation Champagne pourra continuer d'être apposée sur les étiquettes des bouteilles de vin mousseux américain. Monsieur le ministre, comment allez-vous défendre les AOC, fleurons de la France et d'autres pays européens, à l'OMC ? Cet accord, en l'état, est déséquilibré. La « clause du grand-père », c'est-à-dire le régime dérogatoire permettant l'utilisation de certaines appellations par les Américains, ne doit pas devenir définitive et les Américains doivent s'engager sur des dates de fin d'utilisation. Avez-vous l'intention de demander à la Commission de faire sur ce sujet une déclaration conjointe avec les Américains ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche - Monsieur, si ce projet d'accord n'avait pas été signé, les Américains auraient risqué d'imposer une nouvelle certification sur nos exportations de vins et de spiritueux, ce qui les auraient considérablement gênées. Or, ces exportations représentent 1,6 milliard d'euros par an, soit l'équivalent de 100 Airbus A320 ou de 400 TGV Duplex.

L'Europe a effectivement accepté de faire des concessions à condition que les Etats-Unis s'engagent dans les six mois à revenir en arrière sur l'utilisation illégale de certaines appellations telles celles de Champagne ou Chablis. Si, dans six mois, les Etats-Unis n'ont pas modifié leur législation, nous demanderons à la Commission européenne de ne pas signer en l'état cet accord.

Plus largement, nous menons un combat sous l'autorité du Premier ministre pour la reconnaissance des indications géographiques à l'OMC, également défendues hors de l'Europe par le Japon et la Chine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

FONCTION PUBLIQUE

M. Yannick Favennec - Monsieur le ministre, vous avez remis aux organisations syndicales un document cadre qui servira de base à la négociation salariale avec les partenaires sociaux.

Dans ma circonscription rurale du nord de la Mayenne, les habitants sont très attachés à leurs services publics, attachement que ressentent d'ailleurs tous les Français envers les services de l'Etat, des collectivités territoriales ou des hôpitaux. Ils savent que les fonctionnaires remplissent chaque jour une mission souvent difficile au service de l'intérêt général.

L'Etat employeur doit permettre à ses salariés de connaître des évolutions de carrière et des parcours professionnels attractifs, ce qui les incitera à plus de performance. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer la teneur du document remis aux organisations syndicales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique - Je m'associe à l'hommage que vous avez rendu aux fonctionnaires. Dans cette période difficile, policiers, gendarmes, personnels des centres de secours et des hôpitaux, sapeurs-pompiers, enseignants et agents territoriaux ont continué d'assurer la présence de l'Etat sur l'ensemble du territoire aux côtés des élus locaux.

Notre responsabilité est de rendre la fonction publique plus attractive et valorisante pour les agents. Pour ce faire, nous avons déterminé trois axes de travail avec les organisations syndicales : un volet social avec notamment la compensation des surcoûts de logement et de garde d'enfants liés à l'obligation de mobilité ; un volet statutaire pour une meilleure prise en compte de l'expérience de terrain dans la promotion ; enfin, le volet salarial. Le document cadre, qui reprend ces éléments de réflexion, a été distribué la semaine dernière et la prochaine réunion a été fixée au 6 décembre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RÉFORME FISCALE ET COLLECTIVITÉS LOCALES

M. Augustin Bonrepaux - Les collectivités locales jouent un rôle irremplaçable dans le maintien de la cohésion sociale. Elles assurent le service public de proximité, l'action sociale et le soutien aux associations, victimes de la réduction des crédits et de la suppression des emplois-jeunes.

M. Richard Mallié - Demain, on rase gratis !

M. Augustin Bonrepaux - Par leurs investissements, elles améliorent l'attractivité de notre pays et soutiennent la croissance et l'emploi. Mais vous en exigez encore davantage ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Vous transférez les charges de la décentralisation sans leur donner les moyens de les financer ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Richard Mallié - Vous n'avez pas fait autrement en 1983 !

M. Augustin Bonrepaux - Vous les appelez à l'aide pour financer le service public, et maintenant pour rétablir l'ordre et la cohésion sociale dans les banlieues ! Dans un esprit de grande responsabilité, les élus tentent de faire face aux difficultés qui s'accumulent avec les maigres moyens qui leur sont dévolus.

M. Richard Mallié - Ne cherchez donc pas de prétexte à la hausse des impôts locaux !

M. Augustin Bonrepaux - Votre réforme fiscale les privera de leurs moyens et paralysera leur action. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Ce sont les zones les plus en difficulté, confrontées aux crises industrielles et au problème des banlieues que vous allez contraindre à augmenter l'impôt des ménages.

Quand allez-vous cesser votre double langage, Monsieur le Premier ministre ? Reconnaissez le rôle fondamental des collectivités locales et donnez-leur les moyens d'agir. Allez-vous enfin retirer cette réforme fiscale aussi dangereuse qu'injuste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat - On ne peut pas souhaiter réduire le chômage, stimuler l'investissement et développer la croissance tout en refusant une réforme fiscale dont le premier objectif est d'augmenter le pouvoir d'achat et de favoriser l'investissement en France ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Vous ne pouvez pas verser des larmes de crocodile quand une entreprise délocalise et repousser le plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5% de la valeur ajoutée (Mêmes mouvements).

Comment vouloir renforcer la compétitivité de la France tout en s'opposant à une réforme fiscale qui aligne enfin la France sur les standards européens et internationaux ? (Mêmes mouvements) Nous allons ainsi plafonner à 60% du revenu l'ensemble des impôts dont les ménages sont redevables, y compris les impôts locaux (Mêmes mouvements). Mais nous prendrons garde aux injustices et les collectivités locales ne subiront pas les hausses d'impôts de l'Etat (Mêmes mouvements).

Sachez que selon un sondage récent, 71% des Français approuvent ledit plafonnement, et qu'une écrasante majorité d'entre eux se prononce en faveur de la totalité des mesures fiscales que nous allons vous soumettre (Mêmes mouvements). Je tiens ce sondage à votre disposition ! Peut-être permettra-t-il de nourrir les débats lors de votre congrès et d'en finir avec l'idéologie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; huées et claquement de pupitres sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

EMPLOI DES JEUNES
LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE DANS LES QUARTIERS SENSIBLES

M. Jean-Pierre Grand - Le Premier ministre a vigoureusement rappelé la double responsabilité du Gouvernement : rétablir et garantir l'ordre public ; mais aussi faire de ces quartiers dits sensibles des territoires comme les autres, offrant les mêmes services publics, les mêmes perspectives et les mêmes chances que le reste du territoire.

La décision a ainsi été prise de renforcer l'incitation au retour à l'emploi des bénéficiaires des minima sociaux, de réserver 20 000 contrats d'accompagnement pour l'emploi à ces quartiers et d'inciter les collectivités locales et les entreprises à embaucher. Le Premier ministre a également annoncé la création de 15 nouvelles zones franches urbaines, en sus des 85 existantes. Dans les 750 zones urbaines sensibles, les agences pour l'emploi devront enfin offrir dans un délai de trois mois ou bien un emploi, ou bien une formation ou un stage à tout jeune qui se rendra à un entretien approfondi avec un conseiller.

Comme j'ai pu le constater dans mon département de l'Hérault, où sévit un fort chômage des jeunes, un tel accompagnement par des agents de l'ANPE - compétents et totalement mobilisés - est indispensable pour aider ceux qui cherchent à s'en sortir en trouvant un emploi ou en réalisant un projet.

En réponse aux questions que nous posent tant les élus locaux que les familles, pouvez-vous nous préciser les mesures que vous envisagez et nous indiquer comment vous comptez mobiliser rapidement les services de l'Etat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Je suis heureux de vous dire que c'est la journée des bonnes nouvelles : l'AFP vient d'annoncer que les partenaires sociaux approuvent la hausse de 20 à 30 milliards d'euros des moyens consacrés au programme de rénovation urbaine. Permettez-moi de les en remercier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mais nous ne réussirons que si la lutte contre les discriminations et en faveur de l'emploi des jeunes vont de pair. Le Président de la République a annoncé hier la création d'un service civil volontaire. Et sur la demande du Premier ministre, je mobiliserai l'ANPE, qui offrira 20 000 contrats réservés aux jeunes des quartiers en difficulté et 20 000 places d'apprentissage dans les trois fonctions publiques. Par ailleurs, il sera proposé un contrat, un stage ou une formation à tous les jeunes qui ne sont toujours pas couverts par les dispositifs actuels. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

COUVERTURE NUMÉRIQUE DU TERRITOIRE

M. Emmanuel Hamelin - Ma question s'adresse au ministre délégué à l'aménagement du territoire. Vous avez fait, Monsieur le ministre, une communication en Conseil des ministres portant sur l'aménagement numérique du territoire. Votre ambition est de couvrir 100 % du pays d'ici à 2007 en matière de téléphonie mobile et de haut débit. Vous entendez ainsi supprimer la fracture numérique qui existe encore dans nos territoires.

Mais d'autres préoccupations se font jour. Quinze nouveaux sites d'émission ont été mis en service depuis octobre afin d'apporter la télévision numérique terrestre à 50 % du pays - 18 chaînes gratuites et une offre payante dès le début de l'année prochaine. Le succès est au rendez-vous car un million d'adaptateurs auraient déjà été vendus. L'objectif du Gouvernement est de couvrir 85 % du territoire dès 2007. Mais peut-on imaginer que 15 % du pays soient exclus durablement de ces nouveaux services ?

A l'instar de ce que vous avez fait pour la téléphonie mobile, il est nécessaire de résorber les zones blanches de la TNT. Vous vous y êtes récemment engagé, mais pouvez-vous nous préciser selon quelles modalités et quel calendrier vous comptez y parvenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire - La télévision numérique terrestre marque une révolution pour notre télévision. Alors qu'elle n'a été lancée qu'en mars dernier, on est en passe de dépasser le million de foyers équipés. Le plan de déploiement initial prévoyait une couverture de 85 % du territoire d'ici à 2007. Le Premier ministre m'a demandé de l'accélérer afin de parvenir d'ici là à couvrir 100% du territoire. C'est en effet une exigence d'équité. Le Gouvernement prend actuellement les dispositions nécessaires pour débloquer certaines fréquences dans les zones frontalières et étudie la possibilité d'utiliser des technologies alternatives comme le câble ou le haut débit. Pour autant, il nous faudra faire preuve de beaucoup d`imagination. Ma conviction est que, pour desservir l'intégralité du territoire, il faudra, comme pour la téléphonie mobile ou le haut débit, équiper un bouquet satellitaire. C'est la seule solution pragmatique. Alors que la France était avant 2002 un véritable désert numérique (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste), avec 46 millions d'abonnés au téléphone mobile et 8 millions au haut débit, elle est aujourd'hui le pays de l'Union européenne le plus dynamique en matière d'équipement numérique. Avec l'objectif d'une couverture à l'horizon 2007 de 100 % du territoire dans les trois domaines, nous entendons bien rester le premier pays de l'Union en matière numérique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 16 heures 50, est reprise à 16 heures 30.

PROROGATION DE L'APPLICATION DE LA LOI DU 3 AVRIL 1955

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi prorogeant l'application de la loi du 3 avril 1955.

M. le Président - La Conférence des présidents a décidé que le débat serait organisé ainsi : après l'intervention du Gouvernement, puis celle du rapporteur de la commission des lois, chaque groupe parlementaire disposera de quarante minutes au total, motions comprises, et les non-inscrits de cinq minutes. Le Gouvernement répondra ensuite. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire - A quinze minutes du centre de Paris et parfois au cœur de nos métropoles régionales, des voitures flambent ,...

M. Maxime Gremetz - Aux Champs Elysées !

M. le Ministre d'Etat - ...des écoles sont détruites, des gymnases sont incendiés. A quinze minutes du centre de Paris et parfois au cœur de nos métropoles régionales, des Français, de toutes conditions, baissent le regard dans la rue, verrouillent leur porte à triple tour, vivent, ou plutôt survivent, avec la peur au ventre, depuis trop d'années. La violence engendre l'angoisse, l'angoisse engendre le repli, le repli engendre la désillusion et l'amertume. Telle est la mécanique infernale qui rythme la vie de certains quartiers de nos villes. Cette situation n'est pas conforme à l'idée que nous nous faisons sur tous les bancs,...

M. Maxime Gremetz - Oh ?

M. le Ministre d'Etat - ...de la République, une République fraternelle, ambitieuse, protectrice, au sein de laquelle réalité des droits et respect scrupuleux des devoirs s'équilibrent.

Sans dramatiser, nous devons regarder les faits avec lucidité. Il s'agit là d'une des crises urbaines les plus aiguës que nous ayons jamais affrontée, et qui exige de la fermeté - celle-ci a du reste été appelée sur pratiquement tous les bancs de cet hémicycle - mais aussi du sang-froid, et un sursaut national. Nul n'a le droit de détourner son regard. Les quartiers, ce n'est pas la France d'ailleurs, ce n'est pas la France de la télévision, mais la France telle qu'elle est, telle que nous l'avons construite et gérée depuis trente ans.

Nous devons aborder cette épreuve avec le sens de l'intérêt général et de l'unité nationale car personne, aucune majorité ne peut éluder ses responsabilités. Responsables, nous le sommes tous, d'avoir construit ou laissé construire des cités dortoirs, de ne pas avoir dénoncé avec force tout ce qui minait la vie de nos concitoyens, sous prétexte que l'intégration exigeait de la complaisance. Responsables, nous le sommes tous, d'avoir longtemps prétendu que l'insécurité était un sentiment et non une réalité, d'avoir par facilité esquivé cette grande question de l'immigration dans notre pays, de ne pas avoir réglé celle de la discrimination qui touche jusqu'aux plus méritants de nos banlieues, d'avoir laissé bafouer ou moquer les valeurs nationales et républicaines, de ne pas avoir mieux évalué les politiques publiques et les financements multiples et massifs déversés dans nos cités sans que les résultats soient à la hauteur des sacrifices financiers demandés aux contribuables (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Chacun doit regarder les faits en face et balayer devant sa porte. Nous le devons à tous nos compatriotes qui, dans le calme et le respect des lois, vivent comme ils le peuvent dans ces quartiers.

Pourquoi cette révolte ? Plusieurs facteurs, notamment économiques et sociaux, l'expliquent. Ce qui ne veut pas dire qu'ils l'excusent. Vivre dans un quartier populaire ou être le fils de parents immigrés n'autorise nullement à fabriquer des cocktails molotov, ni à lancer des pierres sur la police et les pompiers. Prétendre le contraire serait insulter tous ceux qui, dans les mêmes conditions, se comportent en citoyens et non en voyous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Au-delà des facteurs économiques et sociaux, il y a la résistance de ceux qui ont fait de la délinquance leur activité principale, face à l'ambition qu'a la République de restaurer sa loi dans leurs quartiers. Je rappelle à cet égard que 75 à 80 % des personnes interpellées ces derniers jours pour des faits de violences urbaines sont déjà connues des service de police.

M. Maxime Gremetz - Pourquoi les avez-vous laissé faire ?

M. Bernard Derosier - C'est l'échec de la police de Sarkozy.

M. le Ministre d'Etat - Depuis trois ans, la lutte contre les violences est notre priorité, comme en témoignent la baisse de 7 % des crimes et délits et l'augmentation du taux d'élucidation de 25 % en 2001 à 33 % aujourd'hui. Je ne prétends pas que notre combat soit gagné, mais j'affirme qu'il est engagé sans complaisance. Le temps des hésitations est bel et bien fini, celui des excuses et de l'impunité aussi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Nous avons restauré la sécurité sur tout le territoire national, y compris dans les « zones de non droit », où nous avons bousculé les habitudes les plus discutables, traqué les trafics, contesté la logique des rapports de force, dénoncé la culture de l'irrespect...

Par le passé, la police et la gendarmerie n'ont jamais eu pour consigne claire d'agir en profondeur sur le terrain des banlieues. Dois-je rappeler qu'entre 1997 et 2002, il y eut 25 journées d'émeutes, 25 journées de casses, et guère d'interpellations... Face à la crise actuelle, certains observateurs, habitués à la démission de l'Etat, me demandaient même de retirer les forces de police et de gendarmerie et de rester passivement Place Beauvau ! Passivité et impunité ont trop longtemps prévalu dans notre pays.

Cette conception hésitante et accommodante de l'action publique n'est pas la nôtre. Grâce aux GIR notamment, nous avons renforcé notre action contre les bandes et les trafiquants : 1 600 enquêtes, 12 000 interpellations, 3 205 incarcérations, saisie de 27 millions d'euros, 1 500 armes, cinq tonnes de cannabis, 100 kg de cocaïne, 1 300 voitures... Voilà les fruits de notre détermination.

Dans ces lieux qui font l'actualité, nous avons frappé tout au long des derniers mois. En Seine-Saint-Denis, à Sevran, nous avons, en septembre, démantelé un trafic de contrefaçons. Toujours en Seine-Saint-Denis, à Montfermeil, nous avons, en septembre, démantelé un réseau d'aide à l'immigration irrégulière - vingt-six personnes ont été placées en garde à vue, et quatre écrouées. Le 25 octobre, c'est un autre réseau de trafic de cannabis qui a été démantelé sur les secteurs de Montfermeil, du Raincy et de Clichy-sous-Bois.

M. Maxime Gremetz - Et à Neuilly ?

M. Richard Mallié - Jaloux !

M. le Ministre d'Etat - A Dijon, fin septembre, un réseau de trafic de stupéfiants a été brisé : 12 individus ont été interpellés , 5 kg de cannabis, 2,5 kg d'héroïne, d'ecstasy et de cocaïne ont été saisis... A ce jour, dix opérations lourdes sont programmées dans les cités sensibles, contre des trafics de toute nature, et devraient se traduire par des dizaines d'interpellation.

Voilà le fruit d'une stratégie offensive qui va se prolonger et se structurer par le maintien durable sur le terrain d'une vingtaine de compagnies républicaines de sécurité et d'escadrons de gendarmerie. Ces unités, qui ont reçu une formation spécifique, ont été déchargées de la mission de maintien de l'ordre au profit de la sécurité quotidienne de nos concitoyens.

Je ne prétends pas que la carte de nos réussites en matières d'arrestations et de démantèlement de réseaux recoupe en tous points celle des émeutes urbaines, mais il est incontestable que certaines bandes se rebiffent dès lors que la République reconquiert les territoires qu'elle a trop longtemps délaissés et dont quelques individus se croient les maîtres (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Entre le monde de la violence et les valeurs de la République, l'heure de vérité a sonné. L'enjeu est considérable, car si ce n'est pas l'ordre de la République qui règne dans ces quartiers, ce sera celui des bandes ou des extrémistes, et nous n'en voulons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Nous abordons cette épreuve avec sang-froid et fermeté, mais aussi avec justice. L'autorité républicaine puis la générosité, voilà l'axe du Chef de l'Etat, du Premier ministre et le mien.

Partis de Seine-Saint-Denis, les événements ont gagné plusieurs départements de l'Ile-de-France et se sont étendus à plus de trois cents communes. Les violences, d'une exceptionnelle gravité, ont atteint sans distinction les personnes et les biens.

Des citoyens honnêtes ont été attaqués par des délinquants sans scrupule. Des fonctionnaires de police, des militaires de la gendarmerie nationale, des pompiers et des médecins en mission ont subi des jets de pierre et ont été blessés, quand ils n'étaient pas visés intentionnellement par des tirs d'armes à feu.

Plus de 8 000 véhicules ont été incendiés. Des édifices publics - dont des crèches, des écoles, des hôpitaux, des gymnases, des commissariats de police - ont été détruits. Des lieux de culte, de toutes confessions, ont été attaqués, sans parler des dizaines de bâtiments et installations privés, entrepôts, locaux commerciaux, mettant en péril l'activité et l'emploi de centaines de personnes, et perturbant gravement la vie quotidienne de milliers d'habitants.

Face à cette crise, le Président de la République et le Gouvernement ont décidé d'assurer la sécurité de nos concitoyens et de rétablir l'autorité de l'Etat. Ils ont à cet effet renforcé la présence massive des forces de l'ordre sur la voie publique : plus de 11 000 policiers sont mobilisés chaque nuit et je voudrais leur rendre hommage devant la représentation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste).

Une activité de police judiciaire déterminée a été conduite avec le concours du Garde des Sceaux : plus de 2 700 personnes ont été placées en garde à vue et 600 ont été écrouées, dont plus de cent mineurs. Le Gouvernement, déterminé à rétablir la paix civile, a fait usage des dispositions juridiques prévues par la loi du 3 avril 1955. Mercredi 9 novembre à minuit, l'état d'urgence a été déclaré sur l'ensemble du territoire métropolitain en vertu du décret du Président de la République adopté le 8 novembre en conseil des ministres. En conséquence, les préfets peuvent prendre les mesures prévues à l'article 5 de la loi du 3 avril 1955 adaptées aux nécessités du maintien de l'ordre public, notamment des mesures dites de couvre-feu. Le même jour, un décret du Premier ministre a défini les zones dans lesquelles des mesures complémentaires peuvent être appliquées si la situation l'exige : il s'agit en particulier de la possibilité, pour les préfets, d'ordonner des perquisitions. Ces zones ont été déterminées dans vingt-cinq départements. Depuis six jours, un usage mesuré et responsable a été fait des pouvoirs de police administrative étendus confiés aux préfets. Des arrêtés de couvre-feu sous l'empire de l'état d'urgence ont été pris par les préfets de six départements - Alpes-Maritimes, Eure, Loiret, Seine-Maritime, Somme, Rhône. Ces mesures ont été complétées par des arrêtés de fermeture de débits de boisson et de lieu de réunions - Alpes-Maritimes et Somme -, d'interdiction de rassemblement - Haute-Garonne et Paris - ou des arrêtés de perquisitions - Alpes-Maritimes. Par ailleurs, nombre de préfets, en faisant usage de leur pouvoir général de police administrative, ont interdit la vente de carburants au détail. Toutes ces mesures ont été prises en associant les élus, et singulièrement les maires...

M. Maxime Gremetz - Pas les députés !

M. le Ministre d'Etat - ...dont je salue le dévouement et le sens du service public. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste) La déclaration de l'état d'urgence, dont la régularité a été confirmée par le Conseil d'Etat, implique précaution et prudence afin d'encadrer les initiatives nécessaires au rétablissement de l'ordre public. Entre les exigences de l'ordre public et le respect des libertés individuelles, il faut un juste équilibre que le Gouvernement entend respecter scrupuleusement. Déjà nos efforts ont porté leurs fruits : depuis le 8 novembre, nous constatons une diminution des violences urbaines. Le nombre de véhicules incendiés, qui était de 1 400 lors de la nuit du 6 au 7 novembre, était de 215 la nuit dernière. Le nombre de communes touchées par les violences régresse, même s'il est encore trop élevé : il est désormais de 102 après avoir culminé à 300. Il semble donc qu'on assiste à un retour au calme progressif, même si rien n'est définitivement acquis. Le Gouvernement propose donc à la représentation nationale de proroger l'application de l'état d'urgence après le 21 novembre. Aux termes de la loi de 1955, l'état d'urgence prend fin douze jours après son entrée en vigueur par décret, en l'occurrence le dimanche 20 novembre à minuit. Il ne peut être prorogé qu'en vertu d'une loi, ainsi que l'exigent les articles 2 et 3 de la loi du 3 avril 1955. Il nous semble sage d'envisager cette prorogation pour une période de trois mois au plus à compter du lundi 21 novembre. Pendant cette période, les autorités publiques seront investies des mêmes pouvoirs de police administrative que pendant la période initiale de douze jours. Elles en feront usage avec le même esprit de discernement et de responsabilité. Le projet prévoit en outre que si les conditions de l'état de l'urgence ne sont plus réunies ou justifiées, un décret en conseil des ministres pourra y mettre fin avant que ne soit expirée la période de trois mois. Le Gouvernement en rendra compte, alors, au Parlement. Cette disposition, qui fait l'objet de l'article 3 du projet, est fondamentale.

Le Gouvernement a décidé que les perquisitions respecteront toutes les formalités des perquisitions judiciaires...

M. Henri Emmanuelli - C'est le Conseil d'Etat !

M. le Ministre d'Etat - ...et qu'elles ne seront effectuées qu'avec l'accord du procureur de la République. Le contrôle des perquisitions et des saisies sera effectué par les autorités judiciaires (Approbation sur les bancs du groupe UDF).

Les Français nous demandent de rétablir l'ordre de la République.

M. Yves Bur - Avec raison.

M. le Ministre d'Etat - Nous allons répondre à leur attente car l'avenir ne se construit pas dans la violence. Sans sécurité, il ne peut y avoir de liberté, condition de la dignité individuelle et du progrès collectif : liberté d'aller et venir, liberté d'étudier et de réussir à l'école, liberté de fonder une famille et de construire sa vie, liberté d'entreprendre, liberté d'habiter dans son quartier avec pour compagne non la peur mais la confiance en soi, en ses voisins et ses amis.

M. Henri Emmanuelli - Et l'égalité ?

M. le Ministre d'Etat - Un formidable potentiel humain, dans ces quartiers, ne demande qu'à être rassuré, épaulé, mobilisé et respecté. C'est pour toutes ces familles et tous ces jeunes qui ne baissent pas les bras que nous agissons, et c'est avec eux que nous construirons la France du XXIe siècle. Notre responsabilité est grande. Nous l'assumerons ensemble avec fermeté et autorité en enrichissant notre approche par le déploiement d'une politique de prévention contre la délinquance...

M. Jean-Pierre Blazy - Il est grand temps !

M. le Ministre d'Etat - ...dont je souhaite recadrer la doctrine, coordonner et rationaliser les efforts notamment autour du maire. Il s'agit également de réévaluer la formation et la carrière des acteurs sociaux. Nous devrons enfin exercer cette responsabilité avec hauteur de vue car nul ne doit s'y tromper, au-delà des mesures annoncées par le Premier ministre pour redonner de l'espoir aux quartiers, le mal des banlieues est aussi le reflet d'un malaise plus large et plus profond qui n'est autre que le malaise français. En tendant une main fraternelle vers ces quartiers où se concentrent tous les problèmes, c'est à toute la France que nous tendons la main. Les quartiers en difficulté sont emblématiques d'un pays qui doute, craint le déclassement et désespère de l'avenir. Comment proposer plus de justice pour les quartiers sensibles lorsque le sentiment d'injustice traverse toutes les couches sociales ? Comment promouvoir une politique d'égalité des chances alors que le mérite lui-même est insuffisamment récompensé et que le travail n'est pas assez considéré ?

M. Richard Mallié - Eh oui !

M. le Ministre d'Etat - Comment instaurer des valeurs communes lorsque c'est la société tout entière qui semble déboussolée, et, dès lors, tentée par l'individualisme, le communautarisme et le corporatisme ? Comment trouver des marges de manœuvre alors que notre pays vit depuis tant d'années avec un taux de croissance moyen inférieur à 2 %? Toutes ces questions fondamentales ne sont ni de droite, ni de gauche : elles sont au cœur du modèle français depuis plusieurs années et nul ne peut les esquiver (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Les secousses démocratiques du 21 avril 2002 et du 29 mai 2005 ont bousculé toutes les certitudes intellectuelles et politiques derrières lesquelles nous nous sommes longtemps abritées. Maintenant, nous avons le devoir de penser l'avenir différemment. C'est une nouvelle société de progrès et de justice que nous devons bâtir, c'est une nouvelle politique républicaine que nous devons imaginer. Nous devons rompre - j'emploie ce mot à dessein - avec les mensonges que trop souvent nous nous fîmes à nous-mêmes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF) et derrière lesquels prospèrent les conservatismes, les blocages et la pensée unique. Nous devons rompre avec l'angélisme coupable qui nous a contraints à ne pas employer les mots qui convenaient au regard de l'urgence et de la gravité de la situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Arnaud Montebourg - Provocateur !

M. le Ministre d'Etat - Nous devons engager un débat de fond avec la société française, car c'est ainsi que nous réinventerons la République.

M. Henri Emmanuelli - Ce n'est pas la droite qui l'a inventée !

M. le Ministre d'Etat - L'expression vous semblera peut-être excessive, mais elle ne l'est pas pour les Français qui nous regardent, ni pour celles et ceux dont les voitures sont parties en fumée. Elle ne l'est pas pour celles et ceux qui, nés de parents étrangers, attendent de pouvoir démontrer leurs capacités. Elle ne l'est pas pour tout un peuple dont l'histoire démontre qu'il n'est lui-même que lorsqu'il est invité à se dépasser et à se mettre en mouvement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois - Sans discontinuer depuis le 27 octobre dernier, des violences ont essaimé dans la plupart des zones urbaines de notre territoire. Lors des nuits du 5 au 8 novembre, on a dénombré chaque fois plus de 1 100 voitures brûlées et plus de 300 interpellations. Après la déclaration de l'état d'urgence, dans la nuit du 8 au 9 novembre, 600 voitures ont été incendiées et 280 personnes interpellées. La nuit du 9 au 10 novembre confirme la baisse des violences, avec moins de 500 voitures incendiées. Dans la nuit du 12 au 13 novembre, près de 375 voitures ont été brûlées et plus de 200 personnes interpellées. Cette nuit encore, 215 voitures ont été détruites et plus de 70 personnes interpellées. Au total, à ce jour, 2 750 interpellations et 600 mesures d'écrou ont été prononcées. De surcroît, des atteintes particulièrement graves à l'intégrité physique des citoyens ainsi qu'à celle des fonctionnaires de la police, des militaires de la gendarmerie nationale et des pompiers ou des médecins en mission ont été commises. La situation est donc d'une exceptionnelle gravité.

Il faut déployer tous les outils juridiques à notre disposition pour rétablir l'ordre public mais également pour le maintenir au-delà des manifestations les plus violentes de la crise, y compris par la dissuasion. Il s'agit d'accorder au Gouvernement les moyens gradués de répondre à ces objectifs, car si le nombre des voitures brûlées ou celui des interpellations sont en baisse depuis quelques jours, il ne faut pas y voir la garantie absolue d'un retour immédiat à l'Etat de droit.

Respectant les prescriptions de la loi du 3 avril 1955 sur l'état d'urgence, le Gouvernement a pris deux décrets le 9 novembre 2005 : le premier, un décret en conseil des ministres, déclare l'état d'urgence sur le territoire métropolitain pour une durée de douze jours, soit jusqu'au 20 novembre à minuit, car au-delà c'est à la loi d'autoriser l'état d'urgence ; le second, un décret simple, précise dans quelles zones particulières du territoire les préfets et le ministre de l'intérieur sont susceptibles de prendre des mesures spécifiques ; une vingtaine de départements sont concernés et, à l'exclusion de l'Ile-de-France, seules quelques communes - souvent une seule - sont concernées dans ces départements.

En conséquence, les mesures de restriction à la circulation des personnes peuvent être prises dans l'ensemble des départements métropolitains par arrêté préfectoral. En revanche, toutes les autres mesures - interdiction des réunions, saisie des armes, assignation à résidence, interdiction de séjour, perquisition - ne sont applicables qu'à l'intérieur des parcelles de territoires délimités strictement par le décret.

Certains feignent de croire que les pouvoirs de police du maire sont suffisants pour faire face à la crise. Mais les arrêtés de police municipaux ne peuvent édicter une interdiction générale et absolue, leur non-respect n'est sanctionné que par une faible amende, et ils ne peuvent faire l'objet d'une exécution forcée. Surtout, la nature limitée des territoires communaux et l'absence d'articulation systématique avec les communes voisines font que les interdictions municipales ne constituent pas une réponse adaptée.

Le caractère exceptionnel des circonstances exige une légalité exceptionnelle. Ce n'est pas un autre raisonnement qui avait conduit le gouvernement de M. Laurent Fabius à faire voter, en 1985, une loi instaurant pour six mois l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie. D'autres démocraties occidentales ont également recours, quand les circonstances l'exigent, à une légalité exceptionnelle.

Certains disent que le droit commun pouvait suffire. Je ne donnerai qu'un exemple, celui, emblématique, des perquisitions de nuit. La loi dite « Perben II » les a autorisées dans certains cas de crime. Mais l'incendie, même en réunion, n'en fait pas partie. Il ne peut donc pas y avoir, dans ce cas, perquisition de nuit. Or, qui nierait qu'il y a eu des incendies en réunion, ou que le risque demeure qu'il y en ait ?

Personne n'a contesté que les circonstances justifiaient un état d'urgence et le retour total à la normale est difficilement envisageable en un si court laps de temps. Avoir prévu que le Parlement se prononce, pour proroger l'état d'urgence, dans un délai de douze jours est la marque du rôle central donné à la représentation nationale pour juger de la pertinence de ce dispositif, de sa durée et de son champ d'application.

Les maîtres mots du dispositif qui nous est proposé sont nécessité, proportionnalité et caractère transitoire.

Nécessité, car les mesures que pourront être amenés à prendre le ministre de l'intérieur ou les préfets sous le régime de l'état d'urgence doivent être justifiées par les troubles apportés à l'ordre public. C'est pourquoi le présent projet, tout comme les décrets qui le précèdent, ne donnent au ministre de l'intérieur et aux préfets qu'une faculté, et en aucun cas une obligation, de recourir à l'une ou l'autre des dispositions prévues par la loi du 3 avril 1955. D'ailleurs, le dispositif en cours a été appliqué avec infiniment de discernement. Ainsi, l'arrêté du préfet de Seine-Maritime a limité le couvre-feu dans les agglomérations du Havre, de Rouen et d'Elbeuf aux seuls mineurs de moins de 16 ans non accompagnés par une personne ayant autorité légale. L'arrêté du préfet de la Somme a limité, de la même manière, le couvre-feu à Amiens et n'exige la fermeture des salles de spectacle, débits de boissons et lieux de réunion que dans certaines rues de la ville.

Proportionnalité, car les restrictions à la liberté de circulation et à la liberté de réunion, les perquisitions, les remises d'armes doivent être effectuées de manière circonscrite et pertinente. C'est pourquoi la plupart des dispositions qui pourront être prises sont limitées à une zone d'application qui ne comprend que les principales zones urbaines du territoire métropolitain. Et les perquisitions sont placées sous le contrôle de l'autorité judiciaire. Le Conseil d'Etat en a rappelé hier la nécessité.

Caractère transitoire, car les dérogations au droit commun ne doivent durer que le temps nécessaire à un rétablissement et à un maintien durable de l'ordre public. C'est pourquoi le projet proroge l'état d'urgence pour seulement trois mois, et permet d'y mettre fin avant ce terme, par l'adoption d'un décret en conseil des ministres. Ainsi, l'état d'urgence ne pourra se prolonger au-delà du 21 février. De toutes les lois qui ont été adoptées concernant l'état d'urgence, aucune n'a proposé un délai d'application plus court. En 1955, en 1985, les lois sur l'état d'urgence prévoyaient une application pour une durée de six mois.

M. André Chassaigne - Comparer à 1955 !

M. le Rapporteur - Enfin, les premiers jours d'application du régime de l'état d'urgence permettent aux parlementaires d'en juger par eux-mêmes : l'exemplarité des forces de l'ordre dans le respect de la légalité et l'esprit de mesure des préfets dans le recours aux pouvoirs qui leur sont confiés sont autant de preuves que l'état d'urgence est un dispositif à géométrie variable, bien en adéquation avec la situation que nous connaissons.

Si la loi qui nous est soumise doit œuvrer dans un premier temps à rétablir l'ordre public, elle porte en elle un dessein politique plus fort, qui est l'établissement de la concorde entre les citoyens, de l'harmonie entre les différents espaces qui forment la République. C'est pourquoi je vous invite à adopter ce projet, comme l'a fait ce matin la commission des lois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Jean-Marc Ayrault - Les violences urbaines depuis plus de deux semaines sont trop sérieuses pour prêter à la polémique et je pense que les forces démocratiques doivent donner l'exemple du sang-froid. C'est dans cet esprit que, lors du précédent débat sur le sujet, j'ai dit comprendre que le Gouvernement puisse recourir à cette mesure exceptionnelle de l'état d'urgence. Nous étions alors au pic des violences et il était légitime que les pouvoirs publics veuillent envoyer un message de détermination. J'ajoutais que la mesure devait s'appliquer de manière mesurée, dans un temps limité, en concertation avec les maires et qu'il appartenait à la représentation nationale d'en évaluer l'efficacité si vous deviez présenter un projet de loi devant le Parlement. En tout état de cause, nous gardions notre liberté d'appréciation.

Nous en sommes là. Avant même l'expiration du délai de douze jours, vous nous demandez, Monsieur le ministre, de proroger l'état d'urgence pour trois mois. C'est une lourde décision qui mérite un inventaire serré. Et je veux dire pourquoi, malgré tout l'attachement des socialistes à une politique de sécurité ferme (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP), votre décision ne nous paraît pas cette fois la plus appropriée.

Votre premier argument est que les violences n'ont pas pris fin. C'est vrai. Il serait inconvenant de considérer que deux à trois cents voitures brûlées, deux ou trois écoles incendiées et je ne sais combien de magasins saccagés deviennent une moyenne journalière acceptable. Il ne doit plus y avoir du tout de voitures brûlées, plus d'écoles incendiées, plus de dégradations ! La loi républicaine doit être appliquée partout, avec fermeté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Y a-t-il pour autant besoin d'un état d'urgence de trois mois pour y parvenir ? Les préfets eux-mêmes en doutent. Au plus fort des émeutes, ils n'ont été que six à recourir au couvre-feu, ce qui n'a pas empêché la poursuite des incidents dans certains départements. En revanche, le calme est progressivement revenu en Seine-Saint-Denis sans que le préfet ait utilisé ce couvre-feu. Ce constat ne vaut pas loi générale, mais il montre que les dispositifs classiques d'ordre public peuvent être parfois aussi efficaces qu'une disposition exceptionnelle. Vous-même, Monsieur le ministre, mettez en avant l'arrestation et la condamnation des fauteurs de trouble comme le principal facteur de retour au calme. Je partage cette appréciation, mais précisément ces actions ne s'inscrivaient pas dans le cade de dispositions d'exception.

J'ajoute que la loi ordinaire octroie aux maires le pouvoir de décider l'instauration de couvre-feu dans leur commune, notamment pour les mineurs, et que l'arsenal de notre code pénal est l'un des plus sévères d'Europe. Utilisons le donc ! Incendier un bus où des gens se trouvent, c'est un acte criminel passible de la cour d'assises ! Nous n'avons pas besoin de la loi de 1955 pour le réprimer, le code pénal suffit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Sans doute le choc psychologique de l'annonce de l'état d'urgence a-t-il pu avoir un effet dissuasif. Mais nous touchons maintenant à ses limites. D'abord parce que sa prolongation semble installer les quartiers populaires dans un état d'exception, au risque de renforcer leur sentiment de relégation. L'état d'urgence ne peut devenir le mode de gestion durable des banlieues. Ensuite parce qu'elle divise profondément les acteurs de terrain, alors que la meilleure sécurité repose sur l'intervention de tous. L'action des forces de sécurité a été d'autant plus efficace qu'elle a pu s'appuyer sur la médiation des maires, des élus, des agents publics, des associations, des habitants. La prolongation de l'état d'urgence risque de décourager cette communauté d'action en confortant l'idée que l'ordre public est de la seule responsabilité policière.

Beaucoup de jeunes sont sortis de la spirale de la violence parce que des parents, des voisins, des travailleurs sociaux sont intervenus. Ce sursaut civique collectif est une leçon pour aujourd'hui et pour demain. L'aide publique et les subventions aux associations ne sont pas de l'argent perdu comme le croit trop souvent notre Gouvernement : elles contribuent à la pacification des comportements, au vivre ensemble des cités.

Je veux aussi dénoncer l'anomalie qui consiste à placer le Parlement devant le fait accompli. Par essence, les procédures d'exception doivent rester exceptionnelles. Mais entre l'utilisation répétée des ordonnances, du 49-3 et maintenant de l'état urgence, elles tendent à devenir votre règle de fonctionnement. Croyez-vous que la République soit devenue si faible qu'elle ne puisse se protéger d'une telle crise par ses défenses ordinaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Etes-vous si peu sûr de votre propre politique de sécurité ? Au terme de la période des douze jours, la levée de l'état d'urgence aurait été un geste d'apaisement, elle aurait permis d'accélérer le retour au calme.

Un député UMP - Naïf !

M. Jean-Marc Ayrault - Au cas où les faits me démentiraient, rien ne vous empêche de présenter en urgence le même projet de loi.

Monsieur le ministre d'Etat, ne donnez pas des arguments à CNN qui montre des images caricaturales de la France ! Notre pays n'est pas en guerre civile. Les bases de la République ne sont pas en péril. Il n'existe pas de subversion organisée même s'il peut y avoir ici ou là des groupes qui attisent les braises. Même en mai 68, le général de Gaulle n'avait pas cru bon de recourir à la loi de 1955 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Un député UMP - Laissez le général de Gaulle tranquille !

M. Jean-Marc Ayrault - Je peux comprendre que le Gouvernement veille au principe de précaution, notamment pour la période des fêtes de fin d'année. Mais comment imaginer que certains soient interdits de sortie ces jours-là quand d'autres iront s'amuser ? Mesurez la portée du symbole !

Je reprendrai les propos de votre ministre pour la promotion de l'égalité des chances...

M. Christophe Caresche - Tiens, M. Begag n'est pas là !

M. Jean-Marc Ayrault - ...« les jeunes ont plus besoin d'un ascenseur social que d'un car de CRS » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste). Or l'état d'urgence que vous vous voulez prolongez ne constitue qu'une réponse sécuritaire aux événements. Il est vrai que trois mois d'investissements ne peuvent corriger trente ans d'insuffisances de la République.

M. Daniel Mach - Quel aveu !

M. Jean-Marc Ayrault - Mais enfin, votre plan d'urgence se limite à rétablir les subventions aux associations. Aucun des fondamentaux de votre politique économique et sociale n'est remis en cause. Votre réforme fiscale, dont nous allons débattre demain, s'adresse hélas davantage aux quartiers de noblesse qu'aux quartiers populaires (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP). Ces 3,5 milliards distribués gracieusement aux ménages les plus favorisés pourraient servir immédiatement à la création d'un fond d'indemnisation des victimes, à un plan d'emplois-jeunes dans les cités, à une augmentation des dotations pour les établissements scolaires les plus en difficulté, à un doublement de la construction de logements sociaux et à la création d'un service civique obligatoire pour tous les jeunes. Le Gouvernement n'a pas daigné répondre à ces propositions des députés socialistes.

Tous les élus locaux appellent à un consensus républicain pour sanctuariser les moyens de la politique des quartiers populaires afin d'en garantir la continuité. Monsieur le ministre d'Etat, la crise est trop profonde pour que chacun reste dans sa tour d'ivoire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Depuis le début, les députés socialistes ont constamment défendu l'esprit de responsabilité. Nous n'avons jamais cédé à la facilité d'instrumentaliser la peur. Notre seule préoccupation a été l'application ferme mais juste de la loi républicaine. Je regrette que le Gouvernement n'ait pas saisi cette main tendue.

En présentant ce texte, vous prêtez le flanc à ceux qui vous accusent de réduire la crise des quartiers populaires à la seule dimension sécuritaire et de vouloir en tirer des bénéfices politiques. Je veux pourtant croire que seul l'intérêt général vous guide. Faites-nous la même grâce et considérez que nous ne voterons pas ce texte, non par angélisme ou par pur esprit d'opposition, mais parce qu'il apporte une réponse inefficace et inadaptée à cette crise. Mon grand regret est que cette loi divise le pays quand toutes les conditions étaient réunies pour le rassembler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Le groupe communiste demande un scrutin public sur l'exception d'irrecevabilité.

La séance, suspendue à 17 heures 20, est reprise à 17 heures 25.

A la majorité de 209 voix contre 113 sur 322 votants et 322 suffrages exprimés, l'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Bocquet et des membres du groupe communiste une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement. Par ailleurs, sur la question préalable, le groupe communiste demande un scrutin public.

M. Patrick Braouezec - Malgré la confirmation du retour au calme sur l'ensemble du territoire et la régression des inacceptables violences et dégradations, le Gouvernement décide la prorogation de l'état d'urgence. Or l'état d'urgence, comme je l'ai entendu dire à la radio, n'est pas une mesure de prévention mais d'obligation.

Contrairement à ce que pensent de nombreux membres du Gouvernement, ce retour au calme ne peut être versé au seul crédit de la police et des pompiers. Je ne veux pas sous-estimer leur rôle mais souligner la mobilisation des élus locaux pour aller à la rencontre des jeunes ; celle des parents dont l'incapacité justifierait, selon certains élus, la suppression des aides ; celle des associations et des professionnels qui sont à côté de ces jeunes et de leur familles au quotidien ; et enfin celle des jeunes eux-mêmes qui ont exhorté leurs amis, leurs frères à cesser cette violence. Je pense notamment aux adolescents, membres du conseil consultatif de la jeunesse de Stains, qui ont affirmé dans un tract « qu'ils ne peuvent accepter la destruction des équipements publics qui sont à leur service ainsi que le climat de tension et de peur qui règne et risque de faire le lit de l'intolérance. »

Ces jeunes revendiquent leur statut de citoyen à part entière et rejettent les étiquettes dont ils sont affublés. En dénonçant les actes de violence mais aussi l'image que la société leur renvoie, ils font preuve d'un double regard qui manque trop souvent à ceux qui redoutent en eux des « objets ados non identifiés ».

La souffrance des quartiers populaires prend tantôt la forme de la résignation, du découragement et de la désespérance, tantôt celle d'une colère de moins en moins socialisée dont chacun pâtit.

Quand déciderons-nous donc de régler les problèmes de fond qui affectent les quartiers depuis quinze ans ? Il est faux de penser qu'ils ne sont pas identifiés. Le deuxième rapport publié par l'observatoire des zones urbaines sensibles pointe l'absence totale d'ambition des pouvoirs publics. Ces quartiers souffrent d'un taux de chômage deux fois supérieur à la moyenne nationale et de manques graves et récurrents en matière de santé et d'éducation. Ne croyons pas davantage que la politique de la ville n'ait pas eu d'effet : nombre de quartiers, pourtant classés en zone sensible ou difficile, ne se sont pas embrasés.

Il aurait fallu écouter ce qu'avaient à nous dire les intervenants du colloque que j'avais organisé en juin, avec Michel Vaxès, sur la prévention de la délinquance des mineurs. Depuis de nombreuses années, les professionnels du terrain et les élus locaux tirent toutes les sonnettes d'alarme.

Le premier problème de fond, c'est la situation économique. A force de commenter sans cesse les fluctuations mineures du chômage, on oublie la réalité du phénomène dans les quartiers populaires. Le chômage des jeunes y atteint parfois 50 %. Voilà ce qui alimente les sentiments de colère, d'injustice et d'exclusion, ce que Laurent Mucchelli nomme la « victimisation collective ».

La seconde cause de la crise tient à la discrimination face aux contrôles policiers incessants, perçus comme des contrôles au faciès et donc des humiliations. Un cercle vicieux s'est installé depuis des années entre certains jeunes et certains policiers. Or personne n'a le courage politique de le dénoncer : il faudrait réformer profondément les méthodes de notre police.

A cela s'ajoute la stigmatisation idéologique, qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler la théorie des « classes laborieuses, classes dangereuse » de la fin du XIXe siècle (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Le malaise et la révolte actuels résultent largement de l'ampleur et de la violence des discriminations de toutes natures, en particulier contre la jeunesse. Le Président de la République l'a d'ailleurs reconnu hier.

Comment donc croire que la création d'un service civil volontaire, qui concernera 50 000 jeunes, permettra de résoudre les problèmes ? Une fois de plus, les plans annoncés ne contiennent que des mesures d'urgence totalement insuffisantes. Nous avons besoin d'un travail de longue haleine défini en concertation avec les intéressés - jeunes, parents, éducateurs, travailleurs sociaux, enseignants, élus et préfets...

Au lieu d'un nouveau saupoudrage des crédits, qui ne calmera le jeu que pour un ou deux ans, il nous faut une nouvelle orientation politique. D'où notre proposition d'un accord de Grenelle en faveur des quartiers populaires, sans remettre en compte les acquis sociaux qui forment le socle de notre société développée, comme l'âge de l'apprentissage. Les enseignants se sont battus contre l'orientation des jeunes dès la fin de la classe de 5e. Le Gouvernement veut nous faire croire que telle est pourtant la solution pour les jeunes qui ne se plaisent pas à l'école. Mais pourquoi ne l'aiment-ils pas ? Est-ce inné, ou n'est-ce pas plutôt une question à retourner aux parents et aux enseignants ? Demandons-nous ce qui se passe à l'école pour que des enfants en soient rejetés!

Le logement est une autre clef de la situation actuelle. Nous avons fait adopter la SRU, qui demande 20 % de logements sociaux dans chaque commune. Or certains élus préfèrent payer des pénalités ! Comment expliquer aux jeunes leurs devoirs envers la République quand certains édiles ne s'en acquittent pas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste). Et que devient la solidarité ? Quand cesserons-nous de faire deux poids deux mesures ? Sous prétexte de rénover des quartiers, des barres entières ont été détruites dans le seul but de déplacer les populations indésirables ! Il nous faut réfléchir tous ensemble aux espaces communs de vie. La rénovation urbaine doit inclure, non exclure.

Depuis le début de cette crise, il y a trente ans, certaines populations souffrent d'un véritable déni d'accès à ces droits fondamentaux que constituent l'éducation, la santé, le travail, le logement et la culture. L'état d'urgence que vous nous proposez de proroger est le fruit de votre vision d'une société ségrégée, divisée. Vous organisez la division pour mieux régner.

Au dialogue, vous préférez la chape de plomb instaurée par cette loi d'exception de 1955. Le président Chirac a certes mentionné la crise d'identité des banlieues, mais elle touche en vérité l'ensemble de notre société et des pays développés, où les valeurs fondamentales y sont quotidiennement bafouées : la valeur du travail est remplacée par le profit, l'excellence culturelle par l'abêtissement télévisuel et l'épanouissement individuel par les comportements grégaires.

La situation actuelle ne justifie pas l'état d'urgence : nous ne sommes pas en guerre, et le fonctionnement de nos institutions n'est pas menacé (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). La vraie urgence est d'ordre social : c'est de rétablir l'égalité, la justice et de lutter contre les discriminations. Telle est la seule urgence qui devrait prévaloir dans nos débats ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

A la majorité de 202 voix contre 83 sur 285 votants et 285 suffrages exprimés, la question préalable n'est pas adoptée.

M. Nicolas Perruchot - La protection de nos concitoyens et de leurs biens, voilà ce que nous sommes en droit d'attendre de la République. C'est notre rôle d'y veiller, mais aussi de sauvegarder les libertés publiques.

Lors de son institution il y a une semaine, l'état d'urgence accordait aux forces de l'ordre des moyens supplémentaires pour assurer le respect des personnes et des biens. Mais sa prolongation doit s'assortir d'un strict respect des libertés fondamentales.

Il existe dans le pays une très forte demande d'ordre et un grand nombreux de Français et d'élus locaux souhaitent la prolongation de l'état d'urgence. Le but avoué est de rassurer la population française et en particulier les habitants des quartiers sensibles.

Si le Gouvernement estime avoir besoin de l'état d'urgence pour ramener le calme, le couvre-feu n'en est pas la condition nécessaire dans certaines villes : nous avons pu faire entendre raison aux jeunes avec la participation des habitants, des associations et des animateurs locaux.

L'objectif de cette loi est pour une grande part psychologique. Il s'agit de marquer les esprits. A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. C'est ainsi que nous considérons la prolongation de ce couvre-feu : il restera à disposition des pouvoirs publics, mais devra servir le moins possible.

Malgré notre perplexité, nous ne ferons donc pas obstacle à cette mesure. Mais nous affirmons solennellement la valeur fondamentale des libertés publiques.

Le Conseil d'Etat a ainsi rappelé hier le rôle essentiel de la justice dans ce domaine, même a posteriori. Il est donc essentiel que cet impératif soit pris en compte et nous voulons vous mettre en garde, Monsieur le ministre d'Etat : il serait irresponsable de mettre en œuvre de pareilles mesures sans tenir compte des élus locaux. Il y a une dizaine de jours, l'Etat n'existait plus dans certains quartiers, et ce sont les maires qui ont garanti l'ordre et maintenu la République. Il est donc indispensable de mettre les maires au cœur du dispositif : le couvre-feu ne doit être établi localement qu'en accord avec les élus et sur leur demande, sauf à vouloir précipiter les effets pervers.

Nous voulons aussi poser un certain nombre de conditions pour encadrer la suspension de certaines libertés publiques. L'UDF sera très vigilante sur ce sujet et nous n'entretenons aucune illusion sur la portée de ce dispositif : il ne permettra pas de résoudre la crise des banlieues, mais seulement de rétablir l'ordre.

Nous sommes déterminés à tout mettre en œuvre, à la place qui est la nôtre, pour que les banlieues reviennent au calme, mais sans perdre de vue qu'il ne s'agit que d'un préalable. C'est l'action de fond qui sera capitale. Car que se passera-t-il dans trois mois ? Une fois que les quartiers auront retrouvé leur calme, les policiers et les CRS partiront. Il ne faudrait pas alors que les hommes politiques, une fois les caméras éteintes et les journalistes occupés à d'autres sujets, se dérobent. Une action à long terme est nécessaire pour donner l'espérance à ceux qui aujourd'hui ne se voient pas d'avenir. Or, les mesures annoncées ne sont pas à la hauteur de la crise extrêmement profonde que traverse le pays. Il faut s'attaquer aux racines du mal, à commencer par les questions de logement, de mixité sociale, d'emploi, d'éducation.

Si tout a été tenté depuis trente ans pour répondre aux problèmes des banlieues, que les mesures fussent inspirées par la force ou par l'angélisme, il a manqué une vision d'ensemble, une cohérence. Entre la procédure Habitat et vie sociale, lancée en 1977 avec les ZUP, et l'ANRU, créée l'année dernière, se sont succédé une délégation interministérielle à la ville, un ministère du même nom, les grands projets de ville ou GPV, les zones urbaines sensibles ou ZUS, les zones de redynamisation urbaine ou ZRU, les zones franches urbaines ou ZFU, sans oublier la loi SRU... Cette accumulation de plans successifs, parfois contradictoires, n'aura été qu'autant d'emplâtres sur une jambe de bois ! Des sigles incompréhensibles, des investissements massifs dépassant sur la durée les 40 milliards d'euros, pour déboucher sur quoi ? D'après le dernier rapport de l'Observatoire national des ZUS, les quartiers difficiles souffrent toujours d'un taux de chômage double de la moyenne nationale, d'un sous-équipement médical persistant et d'une sur-délinquance. Depuis trente ans, les gouvernements successifs ont bricolé des réponses, usant tantôt de la carotte, tantôt du bâton, sans guère d'effets. Car, tous les maires en sont d'accord, de quelque bord qu'ils soient, le problème des banlieues ne se résoudra pas seulement avec des moyens financiers et des policiers supplémentaires. Derrière les flambées de violence, il faut lire un mal qui n'a jamais été traité à la racine avec les laissés-pour-compte de l'intégration, l'émergence et la montée du communautarisme, les limites de l'immigration, la discrimination. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Face à cela, que proposons-nous ? Tout d'abord un contrat d'intégration digne de ce noM. Aujourd'hui, un habitant sur deux de la ZUP de Blois ne parle pas le français.

M. Maxime Gremetz - Dites plutôt qu'ils le parlent mal.

M. Nicolas Perruchot - C'est un devoir pour le citoyen d'un quartier que de parler français. (Interruptions de M. Maxime Gremetz)

Il faut ensuite que les parents assument leurs responsabilités. Dans cette perspective, la justice des mineurs doit revoir son fonctionnement. Il faut remettre du droit dans les quartiers.

Il convient aussi de réformer la politique d'urbanisme. L'Etat ne doit pas hésiter à imposer une autre répartition des logements sociaux, afin que les enfants de ces quartiers puissent se dire qu'un jour ils vivront ailleurs. Par ailleurs s'impose un important travail de resocialisation des jeunes. Le Président de la République a évoqué hier soir un service civil ; je rappelle que François Bayrou avait proposé, lors de la dernière campagne présidentielle, un service civique universel conduisant tous les jeunes, garçons et filles, à donner un moment de leur vie aux autres, notamment aux plus fragiles, sur notre sol ou à l'étranger. Nous avons précisément défini ce que devait être ce service civique pour qu'un creuset de citoyenneté se reforme en France. La suppression du service militaire a fait disparaître celui qui existait, il faut en recréer un autre. L'opération « Défense deuxième chance », qui permet à des jeunes en grande difficulté scolaire d'apprendre un métier, participe de cette resocialisation.

Enfin, un des chantiers les plus importants concerne l'école. Le dispositif des ZEP doit être totalement revu. Donner une instruction égale à des personnes et des groupes inégaux, c'est entretenir les inégalités. L'exigence d'équité impose de prendre des mesures spécifiques. Les moyens des ZEP sont trop éparpillés - ils touchent aujourd'hui un élève sur cinq -, pour avoir des effets visibles. Ainsi les classes de ZEP ne comptent-elles en moyenne que deux élèves de moins que les autres ! Il faudrait au contraire concentrer les moyens sur un petit nombre d'établissements, les plus en difficulté. Par ailleurs, l'obtention du statut de ZEP, conditionnant l'octroi, temporaire, de moyens plus importants, devrait être subordonné à l'élaboration d'un contrat d'objectifs évaluables. Enfin, des mesures dérogatoires devraient être autorisées dans certains établissements, portant sur le mode de nomination des personnels, le nombre de postes d'enseignants, de médecins, d'assistants sociaux, d'infirmières..., les pratiques pédagogiques et les programmes car la clé réside bien dans une pédagogie différenciée. Le contrat d'objectifs devrait fixer bien sûr des objectifs en termes de résultats, mais aussi de comportement ou d'orientation des élèves.

Regardons au-delà des frontières. A nos frontières, les Allemands nous montrent qu'un pays peut avoir le courage d'une union nationale, transcendant les clivages politiques quand le salut du pays est en jeu, et engager des réformes profondes. C'est un exemple à suivre (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Parce que nous percevons le sentiment chez les Français d'un besoin d'ordre et de paix civile, le groupe UDF acceptera la prolongation de l'état d'urgence, lequel doit toutefois être assorti d'un respect total des libertés publiques. La décision annoncée qu'aucune perquisition ne pourra être organisée dans le cadre de cette loi sans l'accord préalable du procureur de la République et que celles-ci ne pourront avoir lieu qu'en cas de soupçon de détention d'armes nous paraît une garantie minimale La République française a toujours porté les valeurs de liberté et de justice. Soyons-en, en toutes circonstances, les ardents défenseurs. Nous avons, depuis le début de cette crise, en en mesurant la gravité, choisi la ligne du pacte républicain, dont nous espérons qu'il permette une action de longue durée, au-delà des alternances politiques. Retour à la paix civile, garantie des libertés publiques, pacte républicain : voilà le sens que le groupe UDF donne à son vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. André Gerin - Si l'on écoute Jacques Chirac, il ne faut pas transiger avec certains principes. Il nous a parlé de justice, de fermeté, de valeurs. Mais il est tout de même paradoxal qu'il ait attendu dix-sept jours pour dire cela aux Français et annoncer la prolongation de l'état d'urgence. Je le dis sans ambages, son discours est un discours à côté de la plaque.

Monsieur Chirac, qu'avez-vous fait depuis 1995 ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Aussi bien, qu'avons-nous fait sous l'ère Mitterrand ou bien encore sous l'ère Giscard ? (Mêmes mouvements) Vous n'avez rien dit, Monsieur Chirac, de vos propres responsabilités, préférant stigmatiser les parents ou les immigrés clandestins. Pour ma part, je vous infligerai un carton rouge pour votre politique économique et sociale ravageuse.

Rien de fort n'a été fait ni pour l'éducation, ni pour l'emploi des jeunes, ni pour le logement, ni pour la santé, qui constituent pourtant autant d'urgences sociales. Vous n'avez fait montre d'aucune politique volontariste pour combattre la misère qui gangrène notre pays, et traquer les discriminations dont sont victimes des millions de familles populaires et toute une partie de notre jeunesse, sacrifiée et trahie. Vous devriez présenter votre bilan réel. Rien ne justifie le prolongement de l'état d'urgence. La véritable urgence, c'est l'appel lancé par notre peuple le 21 avril 2002, aux élections régionales de 2004, au référendum du 29 mai 2005. Hélas, vous n'avez pas entendu cet appel au secours des classes populaires.

Vous avez parlé d'égalité, principe premier de la République. Mais que vaut ce beau mot ? Ce noble objectif est tout simplement devenu mensonge d'Etat, quand 10 % de la société vit en dessous du seuil de pauvreté et que l'insécurité sociale est généralisée. L'Etat a abdiqué devant la loi du marché et la dictature de la finance pour laquelle la vie sociale n'est qu'une marchandise. Je n'ai décelé dans votre intervention, Monsieur le Président, aucun courage politique de parler vrai ni de rétablir les missions régaliennes de l'Etat et de la République. Voilà dix, vingt, trente ans que le modèle social français est mis à mal ! Après les Trente Glorieuses, nous venons de vivre les Trente décadentes. Les conséquences dramatiques du tout-financier comme le déclin économique de la France sont la conséquence de l'américanisation sociale, politique et culturelle de notre pays, qui a abandonné ses classes populaires.

Vous n'avez pas répondu non plus à l'exigence démocratique ni à la défiance marquée vis-à-vis des élites. Les problèmes des cités sont le miroir des problèmes de notre société, dont le malaise s'exprime lors des élections par l'abstention, le vote protestataire ou d'extrême droite. En perte de vitesse, le capitalisme se fait impitoyable, conduisant à la multiplication d'emplois sous-qualifiés et mal rémunérés, érigeant, derrière le mur de l'argent, des barrières destinées à protéger les castes fortunées et les décideurs. Austérité pour les pauvres et les salariés, tolérance et largesses pour les privilégiés, insolence de l'argent qui coule à flots : voilà la vérité que vous nous cachez. Vous n'avez pas dit un mot pour dénoncer le triomphe de la rente, le règne des nababs, du « show-biz » et du sport. L'argent ne va plus au travail ni au mérite, mais à la puissance et au désir. Il écrase tout. C'est insupportable.

Que savent les autorités politiques, administratives, policières mais aussi les médias, de ce qu'est le quotidien dans les banlieues, l'ordinaire des jours sans incendies ni « baston », mais aussi sans travail ni perspectives ? Les meilleurs spécialistes des quartiers difficiles ne sont-ils pas d'abord les gens qui y vivent ou tentent d'y survivre ? Il faut parler avec respect à la jeunesse en désarroi qui s'entend dire par la France confortablement installée que la place lui est comptée au soleil de l'opulence et que seuls ceux qui feront des efforts herculéens pourront prétendre à des strapontins. Il faut également parler avec respect - en dépit des dérapages des BAC -, aux policiers et aux pompiers dont on peut aisément imaginer la peur parfois. Il faut admettre que ce qu'on leur demande est un service rendu à la nation.

Si les insultes devaient tenir lieu de politique, il serait à tout jamais impossible de combler le fossé culturel, économique, social, moral, qui sépare les bandes qui hantent nos quartiers la nuit et les porte-parole de la République. Si la loi du désordre devait s'instaurer au prétexte d'un mal-vivre, nous serions confrontés à une impossible cohabitation entre la France qui va de l'avant, profite de l'argent et se partage la croissance, et celle qui vit une non-vie et souffre d'un « no-future ».

Quels lendemains promettons-nous, nous, les intégrés, les munis, aux démunis et aux non-intégrés, depuis des décennies parqués par centaines de milliers à l'orée des grandes villes ? Nous résignerons-nous à ce que la politique n'éclaire plus le futur, ce qui fait pourtant sa noblesse essentielle ? Depuis trop longtemps, notre République se prosterne devant ses trois valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité, tout en se contentant de les faire vivoter sur le plan rhétorique, et en pratiquant un saupoudrage homéopathique de crédits qui contraste, ô combien, avec l'entretien coûteux de ses dépendances.

Par-delà les très graves événements de ces derniers jours, on sent bien que la source des maux est l'impossibilité pratique, pour nombre de jeunes, de trouver à employer dans l'économie officielle, leurs forces, leurs talents, leurs ardeurs. Nous leur avons, pour ainsi dire, claqué la porte au nez d'avance. Nos enfants et nos petits-enfants se sentent de plus en plus nettement exclus de l'opulence, de la croissance et de l'emploi. Si les jeunes Blancs eux-mêmes se sentent rejetés, que dire des jeunes beurs et des jeunes blacks qui viennent de se réunir sur le front de la révolte ?

Le plein emploi, la pleine éducation qui en est la condition, voilà les seules clés de l'avenir. Après trente ans de chômage et d'échec, osons cette utopie !

On n'enferme pas impunément une partie de la population derrière les barreaux de l'ennui et du mépris. Un éditorialiste de La Croix écrivait récemment qu'il manque à la fois politique économique et considération, des emplois et de la tendresse, que « le choix est entre un pays qui tremble devant une partie de sa jeunesse et un pays qui commencerait à lui dire : je t'aime et je compte sur toi ».

Mme Muguette Jacquaint - Mais on traite les jeunes de racailles !

M. André Gerin - Monsieur le Président de la République, vous êtes disqualifié ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP) Entendez le sursaut civique de milliers d'habitants prêts à se mobiliser pour défendre les valeurs républicaines, et aussi pour bousculer une classe politique qui a besoin d'une thérapie de choc.

La France doit se donner l'objectif commun, à droite comme à gauche, de reconstruire l'espoir, de marginaliser le Front national, de renouer avec les classes populaires pour qu'elles s'engagent dans l'action et qu'elle votent.

Que le Président et le Gouvernement sortent de leur autisme pour entendre le peuple, qu'ils mettent en place un plan Orsec de la formation, notamment en alternance, en mobilisant des dizaines de milliers de chefs d'entreprise ! Et à situation exceptionnelle, décision exceptionnelle : il faut revoir complètement le budget 2006.

Devant le risque de non-assistance à citoyens en danger, toute la classe politique est au pied du mur. Le Président, le Gouvernement, jouent sur la peur. Les députés communistes et républicains s'opposent résolument à votre proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - La parole est à M. Raoult.

Plusieurs députés communistes et républicains - Qu'il construise 20 % de logements sociaux dans sa commune !

M. Eric Raoult - Tout a commencé à Clichy-sous-Bois, qui pourtant a bénéficié de tous les dispositifs, de toutes les aides, de tous les ministres. La France vit de graves événements, Notre pays déplore des pertes matérielles considérables et notre pacte républicain a été menacé.

Le 27 octobre, deux « mômes bien » sont morts pour rien, et 20 nuits de violence ont fait reculer l'espoir de vingt ans dans nos quartiers. Outre des pertes matérielles, cette violence a provoqué des drames humains, et j'exprime toute la solidarité du groupe UMP pour leurs victimes.

Aujourd'hui, c'est pour eux, pour Ziad et Bouna, qu'il faut voter cette prolongation, pour prévenir tout nouveau drame. Pour cet homme battu à mort à Epinay-sur-Seine devant sa famille ; pour cet habitant de Stains assassiné alors qu'il cherchait à protéger ses biens ; pour cette compatriote handicapée gravement brûlée à Sevran, pour tous ces habitants des quartiers victimes des comportements de voyous, de délinquants, de criminels, il faut prolonger l'état d'urgence.

Ce qu'on appellera désormais « les événements de début novembre 2005 » témoignent d'un malaise profond, le Président de la République l'a rappelé hier soir. Certains ont provoqué des incendies dans leur quartier, ils ont brûlé les voitures de leurs voisins, de leurs cousins, ils s'en sont pris à leurs écoles, à leurs gymnases.

Face à ces violences intolérables, face aux souffrances de tant de gens, notamment les plus vulnérables, la première nécessité, c'est de rétablir l'ordre public. Il faut protéger cette jeunesse contre elle-même ! Le Président de la République, le Premier ministre, toute l'opinion publique l'ont réclamé, c'est la difficile action que mènent les forces de l'ordre, auxquelles je souhaite rendre ici hommage pour leur sang froid, leur professionnalisme. Nos policiers et nos gendarmes sont extra ! Nos pompiers sont sympas ! A Clichy comme dans tout le pays où ils ont été exemplaires, ils sont l'honneur de notre nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Muguette Jacquaint - Qui dit le contraire ?

M. Eric Raoult - Aujourd'hui, Monsieur le ministre d'Etat, vous nous demandez de proroger pour une période de 3 mois l'application de la loi du 3 avril 1955.

M. Jacques Floch - Et après ?

M. Eric Raoult - Cette loi, ce n'est pas vous qui l'avez élaborée, on ne l'a jamais abrogée, on l'a appliquée en 1984, sous François Mitterrand. Sachez que vous pouvez compter sur le soutien déterminé du groupe UMP, parce que le principe de précaution ne vaut pas que pour l'environnement, mais aussi pour la paix urbaine ; parce que la dissuasion est nécessité ; parce que depuis le 7 novembre on a constaté que l'application de la loi était mesurée.

Ceux qui prétendent que cette décision pourrait aggraver la situation ne connaissent pas la vie des quartiers (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Muguette Jacquaint - Au contraire !

M. Eric Raoult - Madame Jacquaint, prêcher la paix à la cité des 4000 et pas ici, c'est du double langage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Ne rien faire, c'est laisser la situation s'aggraver. L'escalade naît de l'inaction et je préfère un couvre-feu à un cessez-le-feu !

Du reste, depuis l'instauration de l'état d'urgence le 8 novembre, le bilan des destructions baisse régulièrement chaque nuit. Je l'ai constaté dans ma circonscription de Clichy-Montfermeil, il y a eu un sursaut de responsabilité, une prise de conscience. Et cet état d'urgence n'est pas militaire, il est citoyen ; il ne concerne pas la Bolivie, mais Clichy, le Raincy ou Bobigny !

Le prolonger est donc une décision réaliste et adaptée aux circonstances exceptionnelles que connaît notre pays, pour garantir le respect du pacte républicain et des libertés publiques. On ne peut pas réfléchir à la citoyenneté devant une voiture calcinée. Nous devons garantir aux habitants des quartiers la liberté de circuler, de travailler, ainsi que leur droit de propriété. Nous devons rendre le pouvoir aux parents, vrais détenteurs de l'autorité, et dire à tous, comme dans la cour du lycée : « maintenant, on se calme !».

Le Gouvernement qui a su faire un usage mesuré et efficace de la loi de 1955 nous propose une mesure de précaution et de prévention, et non une procédure de répression militaire comme certains le prétendent. La loi n'a as été appliquée de façon générale en Ile-de-France, pas même en Seine-Saint-Denis ; sept départements ont institué le couvre-feu, la plupart du temps pour les mineurs non accompagnés et 30 infractions ont été constatées. Dans ces conditions, la prolongation de l'état d'urgence va dans le sens de la paix : les images d'émeutes qui font peur dans les cités et honte dans le monde, cela suffit ! Elle va dans le sens du travail, pour mettre tous ces jeunes le plus tôt possible en stage, en apprentissage, en contrats aidés, grâce à l'effort de tous.

Comme l'a rappelé le Président de la République, des difficultés, beaucoup de Français en ont. Mais la violence ne résout rien, Quand on appartient à notre communauté nationale, on en respecte les règles. Quand il n'y a plus ni pères, ni repères, il reste la République.

L'Etat ne peut pas tout. Mais il faut un rappel à l'ordre et à la loi pour protéger les plus modestes ; pour celui qui n'a pas les moyens de se payer un garage ; pour celui qui marche, car les bus caillassés ne circulent plus ; pour celui qui a perdu son emploi, car le garage Renault d'Aulnay où il travaillait a flambé ; pour celle qui ne peut plus faire garder ses enfants, car l'école ou la crèche a brûlé : c'est pour eux, qu'il faut prolonger l'application de la loi de 1955.

Demain, notre débat semblera en décalage avec la réalité, quand on relira certaines déclarations...

M. Jean-Marc Ayrault - On verra.

M. Eric Raoult - Or il n'y a pas de couleur politique dans la lutte contre l'incendie urbain. Aujourd'hui, c'est tous ensemble que nous devons éteindre ce feu de la colère et de la haine. L'huile, mettons là dans les rouages de la société, pas sur le feu de l'incompréhension et de la discrimination. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Si ce texte était présenté aux maires, ils le voteraient, Avec leurs administrés, ils étaient dehors la nuit pour sauver leur ville, André Veyssière à Dugny, Hervé Chevreau à Epinay, Gérard Gaudron à Aulnay, Martine Valleton à Villepinte, Patrice Calmejane à Villemomble, Xavier Lemoine à Montfermeil, Michel Teulet à Gagny, Claude Pernès à Rosny, mais aussi Stéphane Gatignon à Sevran, Michel Beaumale à Stains, Daniel Feurtet au Blanc-Mesnil, et tant d'autres, de droite et de gauche. Ils sont la fierté de la notre nation.

Mme Muguette Jacquaint - Et Braouezec !

M. Eric Raoult - Monsieur le ministre d'Etat, nous ne voulons, pour la banlieue, ni d'un képi, ni d'une casquette retournée. Nous voulons des quartiers populaires, en bleu de travail (Vives exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) ou en costume cravate, des quartiers où l'on espère. Oui, il faut voter ce texte, pour que tout se calme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christophe Caresche - Décréter l'état d'urgence n'est pas un acte anodin, Monsieur Raoult. C'est un acte grave qui peut être lourd de conséquences. C'est un état d'exception qui peut comporter une restriction des libertés fondamentales. Même appliqué de façon mesurée, c'est l'état d'urgence. C'est un acte grave également pour l'idée que nous nous faisons de l'état du pays et l'image que nous en donnons à l'extérieur. Prenons garde à ne pas installer la France dans une situation de crise qui ne correspondrait que partiellement à la réalité. N'oublions pas la portée symbolique de notre décision.

Quels sont les éléments qui doivent nous guider ? D'abord, à l'évidence, il est impératif de ramener l'ordre dans les quartiers qui ont été touchés par les violences.

Mais si le climat reste tendu, la situation tend à se normaliser, et la prorogation de l'état d'urgence, dans ce contexte, est d'autant moins opportune qu'elle risque de dramatiser la situation.

Certains avancent le risque d'un retour des violences, mais l'état d'urgence dont certains, comme vous, Monsieur Raoult, veulent faire une sorte de principe de précaution, n'est pas une mesure préventive. Cette conception serait dangereuse car elle pourrait conduire à l'instauration d'un état d'urgence permanent.

C'est vrai, Monsieur le ministre, vous êtes confronté à une situation difficile, mais qui ne date pas d'hier. Cette crise aura révélé l'ampleur des troubles que connaît notre pays depuis plusieurs mois. Le directeur général de la police nationale a ainsi révélé que, durant le seul mois d'octobre, 30 000 véhicules ont été incendiés sur notre territoire ! Je ne crois pas que l'état d'urgence permettra de remédier à cette situation, et vous-même aviez hésité, Monsieur le ministre. Alors que l'état d'urgence est disproportionné et inefficace, la législation actuelle vous donne les moyens d'agir. Ainsi l'interdiction des regroupements, prise par le préfet de Paris samedi dernier, aurait pu être décidée en application du droit commun. De même, l'état d'urgence n'a pas été appliqué dans nombre de communes de Seine-Saint-Denis, parce que les maires ne le souhaitaient pas.

M. Eric Raoult - Ils ont un double langage !

M. Christophe Caresche - Et le calme est tout de même en train de revenir dans ces quartiers !

En revanche, la prorogation de l'état d'urgence pour trois mois comporte des atteintes aux libertés dont le Conseil d'Etat semble avoir longuement débattu. Sur ce plan, votre projet de loi est laconique, malgré les tentatives d'explications du président de la commission des lois. Je remarque par ailleurs que le Président de la République avait largement contesté l'instauration de l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie.

Je conclurai en reprenant la proposition de M. Ayrault, pour qu'au moins tous les quinze jours, le Gouvernement rende compte de l'application de l'état d'urgence au Parlement afin que celui-ci puisse exercer son droit de contrôle.

M. Roland Chassain - Il n'est même pas applaudi par son groupe...

M. Jean-Christophe Lagarde - Nous voici réunis pour la seconde fois en une semaine pour évoquer les conséquences de la crise que traversent nos banlieues. Malheureusement, le Gouvernement n'a toujours pas trouvé le temps de nous saisir des causes de cette crise, alors que ce serait à nous, représentants de la diversité des Français, de rechercher les racines de la désespérance d'une large partie de nos concitoyens parqués dans quelques quartiers commodément qualifiés de difficiles.

Je crains que les habituelles potions concoctées par notre haute fonction publique ne soient d'aucune efficacité, d'autant plus que le Gouvernement qui suivra s'empressera de tout remettre en cause afin de se démarquer et de montrer qu'il agit. C'est ce que nous faisons depuis trente ans et nous tenons aujourd'hui la preuve de l'échec de notre système de gouvernance qui nous condamne à l'immobilisme.

Pire encore, du fait de la proximité des élections présidentielles, aucune décision importante ne sera prise et le prochain débat électoral risque de tourner à la caricature dans un domaine où nous aurions besoin d'une analyse lucide et d'une mobilisation nationale propre à transcender les mouvements politiques.

En effet, un traitement efficace excédera nécessairement la durée d'un mandat présidentiel ou législatif, aussi notre assemblée devrait-elle constituer un groupe de travail pour entendre les maires concernés et dessiner un projet durable qui rassemblerait les grandes formations politiques de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Roland Chassain - Un de plus !

M. Jean-Christophe Lagarde - Hélas, tel n'est pas votre dessein, et vous nous demandez aujourd'hui de nous prononcer sur la prorogation de l'état d'urgence. Mais qu'est-ce que l'état d'urgence dans une démocratie comme la nôtre ? Inventé par une loi de 1955, il est censé répondre à une situation de guerre. Au-delà de cette mesure, il n'y a plus que l'article 16 de la Constitution qui confère les pleins pouvoirs au Président de la République. Devrions-nous y recourir si l'état d'urgence ne suffisait pas à ramener le calme ? Non, car la France n'est pas en guerre. La crise est grave, mais ce n'est pas la guerre civile. Il s'agit en réalité de la manifestation, d'une manière totalement inacceptable, du désespoir d'une partie des jeunes issus de quartiers où l'on ne peut plus se sentir « fille et fils de la République » pour reprendre la formule du chef de l'Etat.

Pour des milliers de Français, la République ne remplit pas la première de ses promesses, qui est de donner la même chance à tous ceux qui se battent pour réussir. On écrivait en 1789 que « Les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ». C'est vrai aujourd'hui. On ajoutait que « les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune ». Ce n'est plus vrai dans un grand nombre de quartiers.

Si je partage la détermination du Gouvernement à punir ces exactions inexcusables, je ne comprends pas qu'il veuille proroger l'état d'urgence - et j'ai cru comprendre que certains membres du Gouvernement se posaient la même question. Une loi d'exception est-elle le meilleur moyen de défendre l'Etat de droit ?

Cette mesure est-elle nécessaire ? Rappelons tout d'abord que les préfets peuvent décider d'un couvre-feu en dehors de toute déclaration d'état d'urgence. Par ailleurs, le Gouvernement ayant heureusement écarté de son projet de loi tout ce qui concerne la liberté de la presse, de réunion, ou d'association, il ne reste principalement que les mesures permettant d'effectuer des perquisitions sous l'autorité du préfet, sans l'intervention du juge d'instruction, et celles relatives à l'assignation à résidence. Là encore, une bonne coordination avec les magistrats instructeurs aurait pu éviter le recours à une loi d'exception pour les perquisitions du moins.

Quant aux mesures d'assignation à résidence et d'interdiction de séjour, il ne semble pas qu'elles aient été utilisées à ce jour. Or, la violence décroit.

Alors que le calme semble revenir peu à peu, vous invoquez le caractère dissuasif de l'état d'urgence, mais des parlementaires ne sauraient voter une loi d'exception pour ses vertus psychologiques ! Je crois bien davantage au caractère dissuasif des peines de prison prononcées par les tribunaux ces derniers jours, car cette sévérité nouvelle a eu un impact réel sur le terrain.

Enfin, est-ce une mesure efficace en terme d'ordre public ? Il ne semble pas, ne serait-ce que parce que les couvre-feux sont limités à des horaires inadaptés et ne visent que les mineurs de moins de 16 ans. Depuis quelques jours, nous n'observons d'ailleurs pas un retour à la normale plus rapide dans les quartiers où il s'applique. En tout état de cause, le seul couvre-feu ne nécessite pas l'état d'urgence. Les autres mesures induites par celui-ci n'ont pas été appliquées au plus fort de la crise, preuve qu'elles ne sont pas nécessaires. Là encore, il s'agit surtout de rassurer les Français, ne serait-ce que pour leur montrer que nous sommes prêts à faire face. Recourir à une loi d'exception alors que le calme revient, espérer que les Français en seront rassurés me semble en décalage avec la réalité : telle est cependant la décision du chef de l'Etat, et compte tenu de la composition de nos assemblées il ne fait guère de doute que ce projet sera adopté. Aussi reste-t-il aux parlementaires que nous sommes à obtenir une application mesurée, limitée et raisonnable de ce texte, ce qui implique quatre exigences.

La première, c'est que l'application de l'état d'urgence soit contrôlée tous les quinze jours par les représentants de nos groupes : en effet, on ne peut pas donner au pouvoir exécutif une telle responsabilité sans un contrôle vigilant et pointilleux. Il faut inscrire à l'ordre du jour des travaux du Parlement un débat permettant l'échéance de trois mois qui a été fixée pour mettre fin à l'état d'urgence.

La seconde, c'est que le pouvoir de perquisition confié au préfet soit encadré et contrôlé par des magistrats afin que le pouvoir exécutif ne prenne pas seul des décisions qui touchent aux libertés publiques.

La troisième, c'est que les maires et les magistrats du ressort soient informés des assignations à domicile et que celles-ci soient mentionnées dans un rapport que le Gouvernement remettra aux présidents des groupes parlementaires.

La quatrième, c'est qu'aucune mesure de couvre-feu ne puisse être appliquée contre la volonté du maire ou du conseil municipal d'une commune.

L'utilisation du décret pris la semaine dernière a été raisonnable et mesurée. Sur deux des exigences que je viens d'évoquer - le couvre-feu non imposé aux maires et le contrôle des conditions de perquisitions par les magistrats - le Gouvernement s'est déjà prononcé favorablement. Afin d'éviter toute dérive, je vous demande de veiller à ce que les deux autres exigences soient satisfaites.

Bien que cette loi ne me semble pas nécessaire et que je doute de son efficacité, je ne m'y opposerai pas, contrairement à mon intention première, mais je ne participerai pas au vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Maxime Gremetz - Je suis étonné de me retrouver face à un ministre qui n'applique pas la loi. Vous êtes maire, Monsieur le ministre de l'intérieur, mais votre commune de Neuilly-sur-Seine ne comporte que 2,56 % de logements sociaux quand la loi en impose 20 %. M. Raoult, quant à lui, donne beaucoup de leçons et fait beaucoup de manières.

M. Eric Raoult - Mon grand-père était communiste !

M. Maxime Gremetz - On peut toujours mal tourner.

Or, on dénombre moins de 3 % de logements sociaux au Raincy. Pire, vous appelez vos collègues maires à ne pas appliquer la loi. Voilà votre conception de la solidarité !

M. Yves Nicolin - Marly, ville communiste, 0 % de logements sociaux !

M. Maxime Gremetz - Je crois savoir que le conseil général des Hauts-de-Seine dispose de millions dont il ne sait que faire mais qui ne sont pas non plus affectés à la solidarité. La loi est faite pour tout le monde, et en particulier pour le ministre de l'intérieur.

Nous ne sommes pas d'accord avec le recours à la loi de 1955, de sinistre mémoire puisqu'il s'agissait alors de pacifier un département français, l'Algérie, en rébellion contre l'autorité.

M. Eric Raoult - C'est un député communiste de Bab El Oued qui l'avait demandée !

M. Maxime Gremetz - Peut-être étiez-vous pour l'Algérie française mais ce n'était pas mon cas. Je suis pour la liberté de chaque peuple.

M. Yves Nicolin - A Cuba aussi ? C'est nouveau !

M. Maxime Gremetz - Cette loi stigmatise les quartiers populaires et tente de diviser les Français de toutes origines. C'est extrêmement dangereux, comme le sont les provocations de M. Sarkozy sur la « racaille » et les « voyous ».

M. Yves Nicolin - Et les vôtres, alors !

M. Maxime Gremetz - Sur France 2, il a fait plus fort en disant aux jeunes Français de couleur qu'ils n'étaient pas Français mais Arabes et qu'ils parlaient mal. Quelle honte ! Si j'avais été sur le plateau, j'aurais réagi avec une vigueur telle que cela n'aurait pas durer.

M. le Ministre d'Etat - Il était au bistro !

M. Maxime Gremetz - Quelle insulte suprême, qui a fait réagir ces jeunes Français qui, comme tout un chacun, ont des droits et des devoirs ! M. le Président de la République, au moins, a rappelé à l'ordre le ministre d'Etat en disant que tous les Français, quelle que soit leur couleur, sont les enfants de la République. Il a bien fait d'agir ainsi.

M. Yves Nicolin - Falsificateur !

M. Maxime Gremetz - Le Gouvernement veut escamoter la crise qui frappe les Français, le chômage qui touche plus de cinq millions de personnes et un jeune sur quatre dans les quartiers populaires. Il vaut escamoter la précarité généralisée qui contente tant le Medef. Un travailleur précaire n'a pas le droit à un prêt bancaire ou à un logement et ne peut correctement envisager son avenir. Le Gouvernement veut masquer la crise du logement dont il est responsable, les formations qui ne sont pas à la hauteur, la baisse des moyens des collectivités locales, la hausse de la fiscalité, la suppression de la police de proximité, la justice en panne, les budgets d'aide aux associations en berne. Les moyens baissent également pour favoriser l'accès à la citoyenneté, pour œuvrer en faveur de la solidarité, de la fraternité, de l'égalité, pour lutter contre les discriminations et le racisme. Le budget du Gouvernement aggravera la situation en diminuant l'ISF et en multipliant les cadeaux aux grandes entreprises qui spéculent au détriment de la recherche et de l'investissement. C'est ainsi que les riches sont encore plus riches et les pauvres encore plus pauvres ! Les jeunes en ont assez de ne pas être écoutés : ils ont envoyé des messages clairs aux élections présidentielles, mais aussi le 29 mai et le 4 octobre. Notre peuple est excédé. Pourquoi le Gouvernement a-t-il besoin de déclarer l'urgence ? Pour prendre des voix au Front National, pour faire oublier son bilan désastreux et intimider notre peuple. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Il faut certes assurer la sécurité des biens et des personnes : les autorités connaissent les casseurs, qui doivent être durement punis. La justice doit passer, mais avec la population, il faut dialoguer. Le groupe communiste et républicain votera contre votre loi.

A Amiens, où il ne se passait rien, le préfet a instauré le couvre-feu à votre instigation, Monsieur le ministre d'Etat. Le lendemain, les télévisions, les radios nationales et étrangères étaient sur place pour expliquer que le couvre-feu avait tout résolu. Je le répète, il ne se passait rien, et voilà que les incendies de véhicules sont en nette augmentation depuis le couvre-feu. (Rires sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Quelle efficacité!

Vous jouez avec le feu, Monsieur le ministre ! Attendez-vous à des mouvements sociaux, car le peuple français n'en peut plus, qu'il s'agisse des travailleurs ou des 3,5 millions de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Gérard Hamel - Vous nous demandez, Monsieur le ministre d'Etat, d'approuver la prolongation de l'état d'urgence, compte tenu des circonstances exceptionnelles que connaît notre pays. Bien évidemment, nous vous apportons notre soutien et je peux témoigner du soutien de la très grande majorité de nos compatriotes, qui en a assez du désordre et des violences. Je vous remercie d'avoir souligné le rôle des élus locaux. Qui, en effet, peut mieux que le maire déployer au jour le jour et dans la durée l'ensemble des dispositifs existants ?

Notre politique doit être basée sur la fermeté et le discernement. L'intervention du chef de l'Etat, hier soir, nous a montré que l'ensemble des problèmes était pris en compte. Je vous demande en plus de déclarer l'urgence administrative sur toutes les politiques que le Gouvernement mène - cohésion sociale, rénovation urbaine, en particulier - car sur toutes ces politiques, nous avons besoin de simplification administrative. Il faut agir vite et en déconcentrer le suivi, car il n'est pas normal de consacrer aujourd'hui plus de temps à l'élaboration d'un dossier qu'à son exécution.

Dans les circonstances que nous vivons, l'union de tous les Français s'impose, autour de nos forces de l'ordre, de nos pompiers, de l'ensemble des acteurs qui tentent de prévenir les violences. Il faut que les délinquants soient interpellés et déférés devant les tribunaux. Nous, élus locaux, souhaitons que les condamnations actuellement prononcées puissent l'être durant toute l'année et pas seulement lorsque l'état d'urgence est déclaré. Nous ne voulons plus voir des délinquants parader devant les médias et nous parler de leurs problèmes sociaux, alors qu'ils possèdent des téléphones portables dernier modèle et des vêtements que beaucoup de Français n'ont pas les moyens d'acquérir ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Nous ne voulons plus les voir en liberté après qu'ils ont pourri la vie de nos quartiers. (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Vous avez tout notre soutien, Monsieur le ministre, concernant l'expulsion des étrangers fauteurs de troubles. Quand on a l'honneur d'avoir un titre de séjour, on doit en être digne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Je vous demande de persévérer dans votre lutte contre l'économie souterraine et les réseaux mafieux, car nous ne pourrons pas avoir une politique sociale efficace tant que ces mafias séviront dans certains quartiers.

L'immense majorité des habitants de ces quartiers n'aspirent qu'à la paix. Ils ne comprennent pas que les familles qui posent problème aient les mêmes droits que les honnêtes gens. Il faut que la responsabilité parentale soit recherchée et les sanctions réellement appliquées. Le Gouvernement a su montrer qu'il savait allier la fermeté envers ceux qui troublent l'ordre public et l'aide à ceux qui connaissent des difficultés sociales réelles.

Vous avez notre confiance, Monsieur le ministre d'Etat, et notre soutien. Nous voterons sans réserve ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - C'est toujours le parti des godillots !

Mme Martine David - Depuis près de trois semaines, les Français sont les spectateurs impuissants des violences urbaines et leur aspiration première est le retour à l'ordre. Celui-ci constitue donc pour nous tous un impératif et un préalable absolu.

M. Eric Raoult - Très bien.

Mme Martine David - Le sentiment de révolte des uns ne peut justifier le chaos que subissent tant d'autres.

M. Yves Nicolin - Très bien.

Mme Martine David - Seul l'apaisement peut permettre l'établissement du dialogue mais aussi la mise en œuvre des mesures audacieuses et volontaristes attendues par la jeunesse de notre pays.

L'état de droit semblant aujourd'hui rétabli et l'heure devant être au dialogue et à l'apaisement, la prolongation de l'état d'urgence ne va pas dans le bon sens. On ne peut pas en effet continuer à montrer du doigt nos quartiers populaires, leurs habitants, des villes, des agglomérations entières et à les enfermer durablement dans un statut d'exception.

Les mesures à même d'assurer le retour à l'ordre n'existent-elles pas dans notre arsenal juridique ? Nous savons tous que si. Mettre le feu à un véhicule ou à un équipement public, caillasser les pompiers ou les forces de l'ordre : heureusement, la loi punit de tels actes. Qu'il s'agisse d'assurer la surveillance et l'encadrement des mineurs, de lutter contre l'économie parallèle et les trafics, toutes les dispositions existent. Reste à dégager des moyens financiers.

Si l'on doit rendre hommage à la compétence et au sang froid des forces de l'ordre, il faut aujourd'hui réinstaurer la police de proximité, injustement caricaturée, notamment par le ministre de l'Intérieur. Ni professeurs-gadgets, ni moniteurs de colonie de vacances, ces policiers avaient su tisser un véritable lien de proximité avec les jeunes. Ce lien entre les individus et la loi, entre le citoyen et la République est à l'heure actuelle rompu.

S'il y a une situation d'urgence, elle est avant tout sociale, Si une loi doit être proposée à notre assemblée c'est une loi de programmation qui nous donne enfin les moyens d'une action en faveur du logement, de l'emploi, de l'insertion, des associations, de l'éducation.

M. Xavier de Roux - C'est la loi de cohésion sociale.

Mme Martine David - La vérité est que nos banlieues sont pleines de ressources, de richesse humaine. Le potentiel, la bonne volonté, l'espoir sont là. Ne les sapez pas par une politique de stigmatisation ! Donnons-nous les moyens de réussir. La sécurité et l'ordre républicain sont des préalables indispensables que nous devons à nos concitoyens. Mais nous devons aussi offrir à tous des perspectives. Telle n'est malheureusement pas l'ambition du projet de loi que vous nous soumettez. C'est pourquoi le groupe socialiste s'y opposera. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Billard - II nous est demandé aujourd'hui de proroger pour trois mois l'état d'urgence. Quelle image de notre pays est ainsi donnée à l'extérieur ! La République est-elle en danger ? Y a t il guerre civile ? Non. L'instauration de l'état d'urgence, nous sommes habitués à en entendre parler à propos de pays totalitaires, dictatoriaux. Mais dans une démocratie, et dans notre pays précisément, y avait-il besoin de déclarer l'état d'urgence, qui plus est, en utilisant cette loi du 3 avril 1955, qui avait institué l'état d'urgence en Algérie ?

Après le refus de reconnaître les terribles événements du 17 octobre 1961, après l'affirmation du rôle positif de la colonisation au détour d'une loi en faveur des rapatriés d'Algérie, voilà que pour réprimer les violences urbaines, vous ressortez cette loi issue du passé colonial de la France ! Quel terrible symbole !

Même lors des événements de 1968, le gouvernement de l'époque n'avait pas décidé l'état d'urgence.

Oui, il est de la responsabilité du gouvernement en place de trouver les solutions pour arrêter les violences. Mais cela ne peut se faire sans essayer d'en comprendre les origines, ni en mettant de l'huile sur le feu. Car il ne suffit pas de rétablir momentanément l'ordre, encore faut-il être capable de supprimer les raisons de ces violences.

Aujourd'hui, avez-vous besoin de cette loi de prolongation de l'état d'urgence ? Non. Les couvre-feux pour les jeunes, les interdictions de rassemblements et de manifestations, il y en a déjà eu avant cette loi. Quant aux contrôles d'identité, les jeunes de ces quartiers de relégation les vivent quotidiennement, sans état d'urgence. Ils ne se font que trop souvent au faciès. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Quelles sont donc vos raisons politiques profondes ? Depuis trois ans, toutes vos réformes n'ont qu'un seul fil conducteur : la restriction constante des libertés. Avec ce décret, ce projet et les discours que vous tenez, Monsieur le ministre, des cités entières et toute une jeunesse qui essaie de s'en sortir sont renvoyées à une même image : celle d'habitants de territoires à part. C'est la division de la France en deux.

La fracture sociale, raciste et territoriale de la France s'est élargie au cours de ces dernières décennies. Et la politique de sabrage budgétaire menée depuis trois ans ainsi que la stigmatisation constante de l'immigration débouchent aujourd'hui sur cette crise.

Vous sommez les jeunes de s'intégrer, mais la majorité d'entre eux sont nés ici ou y ont fait leur scolarité. A leur rappeler sans cesse qu'ils sont « Français d'origine étrangère », que veut-on affirmer si ce n'est que, pour certains, ils ne seront jamais des Français à part entière ?

M. Jean-Marc Roubaud - Qu'ils respectent les lois !

Mme Martine Billard - Quand vous stigmatisez les « étrangers qui ont participé à ces violences », vous oubliez qu'ils sont étrangers au regard de la loi mais Français par leur éducation.

M. le Rapporteur - Ah bon !

M. Jean-Marc Roubaud - On voit le résultat !

Mme Martine Billard - Vers quel pays voulez-vous les renvoyer ? Ce pays, dans la majorité des cas, ils ne le connaissent même pas !

Les Verts ne peuvent se reconnaître dans ces actions violentes contre des personnes ou des biens, et considérer normale la destruction des équipements publics qui nuit essentiellement aux habitants des quartiers en difficulté.

Un député UMP - Alors, que proposez-vous ?

Mme Martine Billard - Faire cesser les violences est bien sûr nécessaire. Malheureusement, nous le savons, la détresse sociale et les discriminations ne sont pas toujours bonnes conseillères pour choisir la façon d'exprimer sa révolte. Que demandent les jeunes de ces quartiers ? Du respect !

M. Roland Chassain - Qu'ils commencent déjà par nous respecter !

Mme Martine Billard - Du travail ! De l'espoir!

M. Yves Nicolin - Du respect et du travail, les moins jeunes en ont besoin aussi !

Mme Martine Billard - La fin des discriminations sociales et territoriales ! Et que propose le Gouvernement ? Des contrats aidés, des stages, l'apprentissage à 14 ans. Mais, même à 16 ans, ces jeunes ne parviennent pas à trouver d'emploi à cause de la discrimination à l'embauche ! Bref, vous ne faites aucune proposition constructive (Protestations sur les bancs du groupe UMP). On ne répond pas à une crise sociale par un régime d'exception. Par conséquent, non seulement les députés Verts voteront contre cette loi mais demandent l'abrogation de la loi de 1955 (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Frédéric Dutoit - Votre décision de prolonger l'état d'urgence pendant trois mois intervient au moment même où tous les observateurs s'accordent à reconnaître une véritable accalmie dans les banlieues françaises.

Un député UMP - Grâce à qui ?

M. Frédéric Dutoit - Pourquoi, plutôt que de jeter de l'huile sur le feu en stigmatisant les habitants des quartiers populaires, ne pas chercher à apaiser durablement les esprits ? Avec le président de la Ligue des droits de l'homme, je crois qu'une réponse policière à une question sociale n'augure rien de bon.

Ce projet de loi fait ressurgir les sombres heures de l'histoire coloniale de la France (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP). Pourquoi traiter les quartiers populaires comme des quartiers de seconde zone ? Pourquoi désigner à nouveau les immigrés comme des boucs émissaires ? Pourquoi stigmatiser leurs enfants, souvent de nationalité française au demeurant ? Avec ce projet de loi, c'est la démocratie et les libertés individuelles que vous mettez en danger.

Pendant trois mois, le droit de se réunir et de manifester sera subordonné à l'arbitraire gouvernemental (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)...

M. Thierry Mariani - Quelle caricature !

M. Frédéric Dutoit - ....des perquisitions pourront se dérouler jour et nuit sans contrôle des autorités judiciaires, le couvre-feu pourra être décrété, des étrangers en situation régulière pourront être expulsés.

Où s'arrêtera cette dérive sécuritaire? Vous voulez mettre la France en liberté surveillée !

La crise sociale que traverse notre pays mérite une autre réponse qu'un régime d'exception. En trois ans, le mal a empiré et plus encore dans les quartiers populaires. Selon le dernier rapport de l'Observatoire des zones urbaines sensibles, tous les indicateurs sont au rouge et le chômage y est à la hausse. Pour moi, cette crise n'est pas limitée aux banlieues où des enfants n'ont jamais vu leurs parents, et quelquefois leurs grands-parents, aller au travail.

M. Roland Chassain - Cette situation existait déjà avant !

M. Frédéric Dutoit - C'est celle de l'ensemble de la société française, celle de l'ultralibéralisme. Il y a urgence à sortir des logiques de ghettoïsation. Les habitants des quartiers populaires ont le sentiment d'être abandonnés par la République. En trois ans, les gouvernements qui se sont succédé ont défait les politiques, certes insuffisantes, bâties quelques années plus tôt. Les emplois-jeunes ? Les surveillants dans les collèges et lycées ? Supprimés ! Les policiers de proximité ? Disparus ! Les subventions aux associations ? Diminuées ! A chaque fois que j'ai dénoncé cette politique d'abandon, on m'a répondu que j'exagérais le mal-être de milliers de familles.

Observons que la colère des banlieues a contraint le Gouvernement à rétablir certains dispositifs. Il était temps. Mais, vous vous apprêtez à remplacer de vrais policiers de proximité par des CRS ! C'est une nouvelle provocation ! A Marseille, de l'aveu même des forces de police, il manque au moins 300 policiers et l'on nous annonce une réorganisation des services de police et la fermeture des commissariats de proximité dans le XVIe arrondissement. De qui se moque-t-on ? Les Françaises et les Français réclament le calme et la fin de toutes les discriminations. Ils aspirent à une vie meilleure, moins inhumaine, plus juste. Des mots, pardonnez-moi l'expression, ils s'en foutent !

Pour sortir de cette crise, il faut rompre avec les politiques qui ont échoué. L'urgence n'est pas de demander une énième fois au service public de l'emploi de rencontrer les jeunes sans travail ; l'urgence, c'est de leur proposer un emploi, une formation qualifiante. L'urgence, c'est d'augmenter les minima sociaux ; c'est de relever le pouvoir d'achat des ménages pour relancer la consommation et la création d'emplois ; c'est de réinvestir dans l'éducation nationale et de débloquer des crédits conséquents pour nommer plus d'enseignants tout particulièrement dans les zones d'éducation prioritaire ; c'est de rétablir et d'augmenter les subventions aux associations qui oeuvrent dans les cités ; c'est d'installer de nouveaux services publics de proximité dans les quartiers populaires, de favoriser par des mesures fiscales incitatives l'ouverture de nouveaux commerces ; c'est d'adresser des messages de respect à ces familles qui souffrent, c'est de redonner du sens à l'action de l'Etat. Bref, l'urgence, c'est de s'engager dans la voie de la transformation de cette société.

D'après Patrick Artus, directeur des études économiques à la Caisse des dépôts, l'efficacité d'un système économique se juge à l'aune de sa capacité à allouer les ressources rares aux bons endroits et aux bons moments. Il en déduit que l'évolution actuelle du capitalisme est inquiétante. Selon lui, l'exigence de rentabilité élevée conduit à privilégier les projets de court terme au détriment de la recherche et du développement. Il observe une autre évolution majeure dans la structure du capitalisme mondial : le désir d'enrichissement personnel des actionnaires est dissocié de l'esprit d'entreprise car ce ne sont plus les chefs d'entreprise qui détiennent le capital de leur société. Quant à l'ancien directeur du Crédit lyonnais, M. Peyrelevade, il note que, depuis 1947, la part des dividendes dans le revenu national a quadruplé aussi bien aux Etats-Unis qu'en France et que la rémunération des actions augmente à peu près deux fois plus vite que le taux de croissance (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

Face à cette crise de la société capitaliste, nous devrions débattre, non pas de l'instauration de l'état d'urgence, mais d'un vrai plan d'urgence sociale pour les quartiers populaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Thierry Mariani - La loi du 3 avril 1955 dispose que « l'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain, soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Cet état d'urgence est déclaré par décret pour douze jours. Monsieur le ministre d'Etat, vous proposez aujourd'hui au Parlement de prolonger l'état d'urgence pour trois mois en vous engageant à réduire ce délai par décret dès que l'ordre public sera rétabli.

De toute évidence, avec 8 800 voitures brûlées depuis le début des violences urbaines le 28 octobre dernier - 215 cette nuit - le rétablissement de l'ordre républicain doit l'emporter sur toutes les considérations politiciennes. Policiers et gendarmes sont sur le terrain depuis le début des émeutes, sans oublier tous ceux qui concourent au rétablissement de la sécurité dans notre pays - et je pense notamment aux pompiers et aux magistrats. Rendons un hommage collectif à ces hommes et ces femmes qui font preuve, dans des conditions particulièrement délicates, d'un sang-froid remarquable.

A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Vous souhaitez prolonger l'état d'urgence afin de rétablir au plus vite l'ordre républicain et, Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur notre soutien comme sur celui de la majorité des Français. Ce n'est pas là vous donner « carte blanche », ni même les « pleins pouvoirs » - expressions qu'utilisent ceux qui ont échoué en matière de lutte contre l'insécurité pendant des années - car, comme à votre habitude, vous nous rendrez compte de vos actions et de vos résultats. Il n'est pas acceptable que nos banlieues soient devenues des zones de non-droit et que les habitants de ces quartiers souffrent de cette situation intolérable. Pour toutes ces raisons, je voterai ce projet de loi.

Permettez-moi, Monsieur le Ministre d'Etat, de vous en demander plus. En effet, ces événements démontrent la faillite de la politique d'intégration républicaine menée ces vingt dernières années.

S'agissant de la prévention de la délinquance, l'on ne peut continuer à saupoudrer de subventions des associations - notons que ces dernières fournissent un bon travail au quotidien - pour se donner bonne conscience. Cette politique manque de cohérence et d'efficacité. Il est temps, comme cela a été appliqué dans la police, que ces associations développent une culture du résultat. Ainsi, nos jeunes comprendront enfin que la citoyenneté française implique des droits, notamment à la non-discrimination, mais aussi des devoirs au premier rang desquels le respect des lois de la république.

Du reste, pour réussir l'intégration - ne nous voilons pas la face - nous devons aussi nous donner les moyens de choisir notre immigration. Dès 2003, nous avons décidé de subordonner la délivrance de la carte de résident de dix ans à la preuve de « l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de sa connaissance suffisante de la langue française et des principes qui régissent la république française ».

Je souhaite vivement que nous puissions à l'avenir exiger cette condition d'intégration, y compris pour le regroupement familial. Certains Etats, comme le Canada, demandent une connaissance minimale de la langue et de la société. Pourquoi ne pas explorer cette piste ?

Et pourquoi ne pas privilégier l'immigration du travail ? Travailler est en effet la première condition de l'intégration et on ne brûle pas les voitures la nuit quand on travaille pendant la journée !

Les récents événements auront marqué la France, Monsieur le ministre. Puissent-ils également nous conduire vers une nouvelle politique d'intégration associant justice et fermeté. Tous ceux qui respectent nos lois doivent pouvoir trouver leur place au sein de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Exceptionnelle, votre intervention le fut également par sa forme, M. Mariani : vous avez respecté votre temps de parole...

M. Pierre Cardo - Pendant des années, nous avons échoué à transformer notre société, alors même que les tensions étaient déjà perceptibles. Si je suis favorable à l'application du couvre-feu dans certaines situations, son usage inconsidéré peut susciter des effets contraires à ce que nous souhaitons. Il en est du couvre-feu comme des antibiotiques !

Si le couvre-feu et les moyens d'exception ont dans l'ensemble été utilisés avec parcimonie et en concertation avec les élus locaux, faut-il pour autant proroger l'état d'urgence ?

Cette question masque d'autres interrogations. Sommes-nous certains de ne pas avoir besoin d'y recourir à nouveau dans les trois mois qui viennent ? Le conseil des ministres ne peut-il pas se contenter d'appliquer ultérieurement les mêmes dispositions que celles d'aujourd'hui ? Le Conseil d'Etat ne manquerait pas de tacler le Gouvernement, arguant que le Parlement doit bien servir à quelque chose ! Souvenons-nous également des réactions indignées lorsque le Gouvernement a annoncé qu'il allait recourir à des ordonnances pour aller plus vite (Signes d'approbation sur les bancs du groupe UMP). Je préfère pour ma part un débat dans cette enceinte !

Vaudrait-il mieux attendre un éventuel retour de la violence? Imaginez comment les télévisions étrangères traiteraient une telle imprévoyance ! Les médias français sont déjà enclins à stigmatiser les banlieues : je ne voudrais pas que les médias étrangers dégradent davantage l'image de notre pays tout entier.

Diverses voix sur les bancs du groupe UMP - Très bien !

M. Pierre Cardo - Constatons qu'aucun préfet n'a eu recours au couvre-feu en Ile-de-France - je ne peux d'ailleurs que vous remercier d'avoir poussé en ce sens, Monsieur le ministre de l'intérieur.

Nous avons désormais quelques mois pour lancer un débat sur l'état d'urgence sociale et politique : les Français ne se contenteront pas des mesures que nous devons approuver aujourd'hui. Nous devons nous saisir de tous les sujets qui viennent d'être abordés et pour lesquels le temps nous manque maintenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Hervé Mariton - Le maintien de l'ordre public justifie la prorogation de l'état d'urgence. Mais c'est le renouvellement de la politique de la ville qui permettra de résoudre le problème de fond : nous devons innover au lieu de nous contenter de fournir encore et toujours à nos concitoyens des moyens pour leur survie.

L'évêque de Saint-Denis nous invite à avancer sur la voie de la fraternité : c'est une question de générosité. Si le Gouvernement a pris des initiatives bienvenues, nous ne devons pas négliger les appels à la fraternité : le chanteur Jean-Louis Aubert nous a invité à saisir la chance qui s'offre aujourd'hui à nous et le rappeur Disiz la Peste a souligné la nécessité que chacun participe à l'élaboration de notre réponse.

Mais nous ne devons pas ignorer que beaucoup refusent l'appel à la fraternité, semant dans notre société les graines du refus. Je voudrais dénoncer la part d'idéologie dans la crise actuelle. Nous devons nous montrer à la fois fermes, généreux mais aussi lucides.

Je vous parle d'une minorité influente. « C'est la faute à Dieudonné », si j'ose dire. Et les frontières sont perméables : en consultant le site mome.net, vous trouverez aussi bien une annonce pour des coloriages qu'un renvoi à Ministere Amer. Certains insultent la France, tels que Dieudonné, Sniper ou la « FranSSe d'en bas ». N'ignorons pas les propos de Sniper : « La France est une garce », ou « Frères, faut que ça pète ». Ne passons pas sous silence ce défi, qui n'appelle pas une réponse judiciaire, trop souvent inappropriée et inefficace, mais un traitement politique. Nous devons condamner et isoler. Ne laissons pas passer les idées de ceux qui refusent l'intégration et insultent la France.

Nous préférerions qu'ils n'existent pas. Hélas, ils existent et ils s'expriment. Ils sont entendus. Leur influence ne doit pas être sous-estimée ou niée. Mais elle doit être combattue.

Je vous engage à la fermeté : c'est l'application de la loi de 1955 ; à la générosité : c'est le plan d'action du Gouvernement ; mais ne manquons pas de lucidité si nous ne voulons pas que la crise se reproduise (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Chantal Brunel - Six policiers blessés dont un gravement ; 17 bâtiments publics endommagés, dont un lycée, trois collèges, la mairie d'Emerainville et les postes de police de Torcy et Lognes ; trois centres de loisirs pour jeunes détruits ; une centaine de véhicules brûlés ; 31 personnes interpellées et 14 écrouées : le triste bilan de ma circonscription montre bien combien est légitime le recours à l'état d'urgence. Nul ne peut nier la gravité de telles atteintes à l'ordre public.

L'état d'urgence est légitime car il donne aux autorités administratives les moyens d'action indispensables pour faire cesser cette situation inacceptable et pour rechercher les responsables de pareille montée de violence.

Il est légitime car il correspond à l'attente de nos concitoyens qui réclament un Etat de droit et veulent vivre librement et sans peur dans leur pays, leur ville et leur quartier.

Vous savez bien, Monsieur le ministre d'Etat, que je ne cesse de réclamer des moyens de sécurité supplémentaires pour Torcy. Sans le renfort de deux compagnies de CRS, nous ne serions pas arrivés à obtenir le calme relatif qui règne ces derniers jours. Je ne peux que féliciter nos forces de police pour le travail qu'elles ont accompli dans des conditions particulièrement difficiles, mais cette révolte des banlieues doit susciter une réflexion plus profonde. Nous devons prendre conscience de ce qu'est devenu notre pays.

C'est notre devoir de répercuter l'exaspération qu'éprouvent nos concitoyens après tant d'années d'immigration non contrôlée. Osons dire que nous sommes passés d'une immigration de travail à une immigration de peuplement ; que nos frontières ont été des passoires ; que le regroupement familial est utilisé abusivement et que notre système social généreux, trop souvent fraudé, crée un immense appel d'air.

Qui ne partage pas l'analyse de cet ancien Premier ministre qui avait fort justement déclaré : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde ».

Diverses voix - Michel Rocard !

Mme Chantal Brunel - Même si nous le regrettons tous, les récents événements prouvent que nous avons été trop loin. Comment ne pas comprendre le malaise de ces jeunes qui ne peuvent supporter la vie qui leur est offerte ni l'avenir qui leur est réservé ? Ils paient le résultat d'années de politique incohérentes : des regroupements dans des quartiers où plus personne ne veut habiter et qui sont devenus de véritables ghettos ; mais aussi des situations familiales anormales dans un pays où la polygamie est interdite. Quand mettrons-nous enfin sous tutelle les prestations familiales des familles polygames (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), ou celles des familles où les enfants sont devenus une source de revenus et restent totalement livrés à eux-mêmes ? Ne faudrait-il pas abaisser l'âge de la majorité pénale lorsque la justice est aussi désarmée face à la violence des mineurs ?

Notre école également est inadaptée. Quand osera-t-on dire enfin que le collège unique est devenu un non-sens ? Quel sens y a-t-il à faire étudier en troisième Les Confessions de Rousseau à des jeunes qui ont du mal à maîtriser le français ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Le collège unique non seulement décourage les professeurs, mais conduit les jeunes à ne plus venir aux cours et à s'exclure. L'apprentissage à partir de 14 ans est, à cet égard, une excellente mesure. (Protestations sur les mêmes bancs)

Nous avons des devoirs vis-à-vis des étrangers qui vivent sur notre territoire. Il nous faut aider ces enfants nés sur notre sol à s'intégrer mais il faut aussi leur faire comprendre qu'ils doivent respecter nos lois. Je suis sûre que le Gouvernement, Monsieur le ministre d'Etat, redonnera toute leur place à nos valeurs républicaines. Il convient en effet de réhabiliter la liberté - qui s'arrête là où elle entrave celle d'autrui -, le respect des autres, le courage et le désir de vivre ensemble dans la fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Muguette Jacquaint - Ça fait drôle de vous entendre parler de fraternité !

M. Jean-Pierre Dufau - Madame Brunel, souvenez-vous de Pascal qui écrivait : « Ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

A la suite des violences urbaines qui ont débuté le 27 octobre et que chacun condamne fermement, le Gouvernement a déclaré, par décret du 8 novembre 2005, l'état d'urgence sur le territoire métropolitain. La gravité des atteintes portées aux personnes et aux biens, non seulement en Ile-de-France mais aussi en province, ont justifié ces mesures exceptionnelles pour une courte période à compter du 9 novembre 2005 à zéro heure. Les députés socialistes ont été solidaires de cette décision, dont le caractère exceptionnel s'accompagnait d'une limite dans le temps.

On ne peut cependant assimiler ces violences urbaines, condamnables, au drame insurrectionnel que vivait l'Algérie en avril 1955 ou aux troubles des années 1984-1985 en Nouvelle-Calédonie. Il faut raison garder. Aujourd'hui, faut-il ou non proroger pour trois mois l'état d'urgence ? Cette prorogation est-elle nécessaire, adaptée et opportune ?

Nécessaire, elle ne l'est pas. Fort heureusement, les violences diminuent - 211 véhicules brûlés la nuit dernière contre 1 100 d'il y a quelques jours. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Cette diminution a d'ailleurs été soulignée par le Gouvernement, les médias et l'ensemble des partis politiques représentés à l'Assemblée, et l'on ne peut que s'en féliciter. Monsieur le ministre, combien de perquisitions de nuit ont-elles été effectuées depuis le 9 novembre et quelle en a été l'efficacité ? Combien de préfets ont-ils décrété le couvre-feu au plus fort de la crise et combien de décisions de ce type ont-elles été rapportées depuis ? Enfin, aujourd'hui, combien de villes restent concernées par ces mesures ? A l'évidence, et c'est tant mieux, il n'était pas nécessaire de proroger l'état d'urgence au risque d'entretenir un climat de tension quand la tendance est à l'apaisement.

Cette prorogation n'est pas non plus adaptée. Le Gouvernement aurait dû tenir compte du fait que la situation se calme. L'arsenal législatif et réglementaire actuel suffisait largement pour faire face à la situation. Encore faudrait-il en faire usage. Les fauteurs de graves troubles à l'ordre public doivent être, sans complaisance, traduits devant les tribunaux, y compris en comparution immédiate. Dans les villes, les maires sont les mieux placés pour prendre les décisions de terrain qui s'imposent, comme le montrent les arrêtés municipaux d'interdiction de circulation des mineurs non accompagnés la nuit. Les relations de proximité facilitent en effet la cohésion sociale, ce que vous avez oublié en supprimant la police de proximité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) La fermeté est certes nécessaire, mais avec discernement et sans amalgame réducteur. Il s'agit de rétablir l'ordre républicain dans un climat d'apaisement, sans recourir à des procédures d'exception.

Cette prorogation enfin n'est pas opportune. Après un long silence, le Président de la République est intervenu hier soir, demandant fermeté et justice. Je ne reviens pas sur la fermeté. Il ne s'agit pas de faire la guerre aux quartiers mais à ceux qui les terrorisent. En revanche, il est urgent de retrouver la confiance de la jeunesse et des familles paisibles, de tous ceux qui espèrent en la République et qu'il faut conforter dans cette espérance. C'est désormais l'urgence sociale qui s'impose. Il faut consacrer les énergies à résoudre les problèmes de l'emploi, en particulier des jeunes, du logement et de la mixité sociale, de l'égalité des chances par l'éducation, de l'égalité d'accès aux sports, aux loisirs, à la culture, de la présence des services publics, des aides aux associations. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Ce grand chantier doit nous mobiliser tous, sur tous les bancs. Enfin l'image de la France dans le monde ne doit être ni ternie ni déformée. Notre pays n'est pas en guerre. La vérité des faits doit être rétablie sans complaisance ni exagération.

Le vote demandé au Parlement est une décision grave qui doit demeurer exceptionnelle. Je l'ai dit, la prorogation de l'application de la loi du 3 août 1955 n'est ni nécessaire, ni adaptée, ni opportune. L'heure est à l'urgence sociale, et sans délai. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. François Grosdidier - Oui, la situation justifie le recours à l'état d'urgence. Il est l'un des instruments nécessaires du retour à l'ordre public, en raison de son efficacité opérationnelle dans certains cas, et de sa puissance psychologique dans tous les cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Le bon sens populaire l'a d'ailleurs compris. Mais la gauche réputée modérée ou simplement réaliste est contre sa prorogation, tandis que la gauche plus idéologique en dénonce le principe même. Cette gauche a mené la politique de l'autruche face à la montée de la délinquance jusqu'au 21 avril 2002. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) En pleine crise, elle a demandé la démission du ministre de l'intérieur, à l'unisson des voyous. (Très vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains où des députés commencent de claquer leur pupitre) Marie-George Buffet, Noël Mamère, André Vallini l'ont demandé. Ce n'est plus là de la naïveté mais de la complicité objective avec les délinquants. (Huées et claquements de pupitres sur les mêmes bancs)

Maire d'une ville qui compte plus de 70 % de logements sociaux, je sais que personne n'a jamais brûlé de voiture, encore moins une école ou un gymnase, pour appuyer une revendication sociale. On ne le fait que pour tenter de faire reculer la police des quartiers et, quand des irresponsables en lancent l'idée, pour obtenir le départ du ministre de l'intérieur. Quand les GIR commencent à défaire les fils de l'économie souterraine, les voyous et la gauche souhaitent le retour à la police de proximité version Jospin qui consistait à faire circuler dans les rues des emplois-jeunes habillés en bleu à dix heures du matin. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs qui couvrent la voix de l'orateur) Les émeutiers veulent que ces quartiers redeviennent des zones de non-droit et ne veulent surtout pas d'insertion professionnelle. Jeune maire en 2001, j'avais très vite créé une maison de l'emploi et invité tous les érémistes et les demandeurs d'emplois. Les dealers du quartier l'ont alors incendiée et en cette nuit de l'été 2001, les émeutiers caillassaient les pompiers devant des policiers qui avaient ordre de ne pas se servir des flash-ball. Ce sont les mères et les grand-mères, en majorité maghrébines, qui sont sorties en pleine nuit pour chasser les voyous et protéger les pompiers. (Mêmes mouvements) Les représentants du pouvoir en place m'avaient à l'époque expliqué qu'il fallait éviter l'escalade et ne pas jeter d'huile sur le feu. J'ai triplé les effectifs de la police municipale et reconstruit la maison de l'emploi. La population du quartier m'a aidé à gagner ce bras de fer. Elle avait compris ce que la gauche ne veut pas admettre, à savoir que l'ordre républicain ne sera pas une conséquence du travail d'intégration, mais est une condition préalable pour que celui-ci porte ses fruits. (Mêmes mouvements)

La gauche a expliqué, et donc légitimé, la violence par une prétendue réduction des crédits de la politique de la Ville. C'est irresponsable et faux. Le programme de rénovation urbaine est sans précédent dans notre histoire : 240 quartiers sont en train de reprendre un visage humain. A ceux qui objectent que « c'est de l'urbain, pas de l'humain ! », je réponds que les crédits de «l'humain» n'ont jamais été aussi élevés qu'aujourd'hui. Ceux du Fonds interministériel pour la ville diminuent certes de 30 millions d'euros, mais ceux de la DSU augmentent de 120 millions et 60 millions de plus seront consacrés aux contrats de réussite éducative. Un demi-milliard ira également aux ZFU afin que la référence n'y soit plus l'économie souterraine mais le travail légal. Depuis trois ans, un travail de fond est engagé. La crise actuelle n'est en aucun cas le résultat de supposées carences du Gouvernement actuel, mais celui de trente ans de petites et de grandes lâchetés de la République, de trente ans de politique de l'autruche dans bien des domaines. (Protestations persistants sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Alors, état d'urgence sociale, oui, mais plus encore, état d'urgence sociétale. La politique de la ville et de la rénovation urbaine conduite par Jean-Louis Borloo est exemplaire, et j'espère que les moyens nouveaux annoncés par le Premier ministre vont encore la renforcer.

Cela étant, la politique de la ville ne pourra jamais compenser toutes les faiblesses de la société et de la République. Il est temps de rappeler aux parents leurs responsabilités. L'Education nationale doit enfin remettre en question sa sacro-sainte carte scolaire qui transforme la ségrégation urbaine en relégation scolaire, cesser d'affecter les enseignants débutants dans les secteurs les plus difficiles, abandonner le mythe du collège unique totalement inadapté et restaurer l'autorité, alors qu'aujourd'hui elle la refuse en son sein. Toutes ces propositions ne doivent pas être taboues.

Il est temps aussi que la justice pallie ses carences dans le traitement de la délinquance juvénile, l'exécution de la sanction et la réinsertion. II est temps aussi qu'elle ne laisse plus impunément se créer chez des jeunes en quête de repères, une véritable culture de la haine sociale et du racisme anti-blanc que propagent des dizaines de chanteurs et de groupes, ainsi Smala :

« ...Pour niquer la France.

Guerre raciale, guerre fatale,

...Organisation radicale, par tous les moyens.

Faut niquer leurs mères.

Gouers (Français), c'est toi qui perds,

Flippe pour ta femme, tes enfants, pour ta race,

On s'est installé ici.

C'est vous qu'on va mettre dehors »,

Je pourrais lire des textes bien pires encore. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; mêmes mouvements de protestations et claquement persistants de pupitres sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Des jeunes sont conditionnés par ces paroles. Les MP3 font office de moulins à prière. (Mêmes mouvements) Inutile de se demander pourquoi ces jeunes voient rouge quand ils croisent du bleu ou juste des Blancs I (Mêmes mouvements qui couvrent totalement la voix de l'orateur)

M. le Président - Monsieur Grosdidier, concluez.

M. François Grosdidier - Il faut notamment lever le tabou de la prévention spécialisée... (Mêmes mouvements)

M. le Président - Concluez, ou je vous coupe le micro.

M. François Grosdidier - Il faut en finir avec la politique de l'autruche.

M. le Président - Je vous remercie.

La discussion générale est close.

La séance, suspendue à 19 heures 45 est reprise à 19 heures 50.

M. le Ministre d'Etat - Si vous en êtes d'accord, je répondrai collectivement, puisque tous les intervenants ont abordé les mêmes thèmes. Les membres du Gouvernement présents ont trouvé le débat digne. Chacun a reconnu la grande difficulté d'interpréter les raisons profondes de la crise et d'y apporter des réponses structurelles. Chacun a esquissé ses réponses, sans prétendre détenir la vérité.

Tous, sur tous les bancs, et je me ferai votre interprète, ont salué l'action de la police de la République et de la gendarmerie nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Elles servent et serviront la majorité que le peuple désigne. Mais la nuit dernière en Seine-Saint-Denis, l'émotion était grande en raison de l'incarcération d'un policier. J'en ai rencontré beaucoup, et ce soutien sans faille de toutes les formations politiques est à leurs yeux capital.

J'ai compris que, à de rares exceptions, toutes les formations politiques de l'Assemblée demandaient au Gouvernement de mener une politique de fermeté et de rétablissement de l'ordre républicain. Le signal est clair : les délinquants seront punis comme il se doit (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et ils ne peuvent espérer aucune clémence en raison d'une division entre opposition et majorité, même si chacun a ses explications.

Tous, qu'ils s'apprêtent à voter pour la prolongation de l'état d'urgence ou contre, ont demandé une application mesurée, raisonnable, des mesures qu'il autorise et du couvre-feu. Ceux qui sont pour veulent qu'on n'en abuse pas, ceux qui s'apprêtent à voter nous ont dit que, si nous l'appliquons de façon raisonnable et mesurée,... (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) leur opposition sera de principe, non de circonstance.

Mme Martine David - Nous n'avons pas dit cela.

M. le Ministre d'Etat - ...Ne me faites pas regretter d'avoir adopté ce ton consensuel. (Sourires )

D'autre part, le président du groupe socialiste a demandé au Premier ministre devant le président de l'Assemblée, qui était pour, ainsi que MM. Lagarde et Perruchot au nom de l'UDF, - M. Accoyer me l'avait aussi fait savoir au nom de son groupe - que s'exerce un contrôle parlementaire particulier. Certains ont proposé qu'il soit effectué tous les quinze jours par la commission des lois, d'autres qu'il donne lieu à un rapport. Il ne m'appartient pas d'en décider. La décision de l'Assemblée nationale sera la bonne et à partir du moment où son Président m'en informera, je rendrai compte, dans les conditions définies par vous, devant la commission ou l'Assemblée, des conditions d'application de l'état d'urgence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe UDF) Sur les autres conditions qui ont été posées, le Gouvernement est d'accord. Je ne vois d'ailleurs pas comment nous pourrions décider un couvre-feu sans avoir consulté le maire au préalable et obtenu un avis obligatoire avant toute décision. Les perquisitions, comme l'a indiqué le Garde des Sceaux, se feront sous le contrôle de la justice.

M. François Sauvadet - Très bien.

M. le Ministre d'Etat - M. Hamel a demandé des précisions sur les expulsions d'étrangers pour fait de violence. Dix procédures ont été engagées et je rendrai compte de leur déroulement à la représentation nationale.

Tous ont également dit, avec leur sensibilité propre, qu'il fallait poser la question de l'immigration de façon raisonnable, mais lucide. Les problèmes de nos quartiers viennent aussi d'une politique d'immigration subie, alors que nous voulons une immigration choisie. On doit pouvoir dire que, s'il n'est pas question de remettre en cause le principe du regroupement familial, il faut poser la question des conditions dans lesquelles il a lieu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF) Cette mesure permet l'intégration, elle est garantie par la Convention européenne des droits de l'homme, mais celle-ci n'empêche en rien que l'on soit plus sévère sur les conditions dans lesquelles quelqu'un fait venir sa famille. On peut dire cela et être un parfait républicain.

Tous, sur la crise des banlieues, ont appelé à des mesures structurelles, en fonction de clivages politiques naturels. Le Premier ministre voudra organiser un débat sur les banlieues - ce n'est pas celui que nous avons aujourd'hui. J'observe cependant que, depuis bien longtemps, on aide les territoires sans trop se préoccuper des individus. Ne faudrait-il pas, en complément, aider ceux-ci ? Aider un territoire, c'est aider toux ceux qui y habitent, celui qui veut s'en sortir comme celui qui n'en a pas la volonté. En aidant des individus, on peut aider plus celui qui le mérite, et dire à celui qui ne le mérite pas que la République ne peut l'aider s'il n'est pas décidé à se prendre en mains. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF) Il ne s'agit pas de remettre en cause la politique sociale menée dans les quartiers. Mais les jeunes n'y demandent pas seulement des terrains de football et des colonies de vacances, ils demandent une formation et un travail. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP) Il est temps de comprendre que l'on n'achète pas la paix civique dans un quartier à coup de subventions à des associations, dont certaines font un travail remarquable, mais dont toutes ne le font pas dans les mêmes conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe UDF)

Par ailleurs, cette crise marquera une prise de conscience des ravages de l'impunité. Tout retour en arrière serait désormais catastrophique. C'est pourquoi la présence de la police dans ces quartiers sera définitive et structurelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Il y a un avant et un après « les événements de novembre 2005 », selon la formule de M. Raoult. Les forces mobiles qui sont installées dans nos quartiers y resteront.

Enfin, je retrouve ces derniers temps, entre la manière dont les évènements sont relatés dans la presse et la réalité du ressenti sur le terrain, le décalage que j'avais déjà perçu lors de la campagne pour le référendum entre les propos des médias et des élites, et la conception que les Français avaient de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

En revanche, je n'ai pas ressenti un tel décalage dans la classe politique, à qui pourtant l'on reproche souvent d'être éloignée de la réalité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Ceux qui ne se sont jamais sentis en décalage avec la société ont bien de la chance, car cela signifie qu'ils n'ont encore jamais connu d'échec, mais cela viendra. Je voulais simplement dire que nous n'avions pas eu cet après-midi de débat artificiel, et là est sans doute la différence entre des personnes capables d'être élues, et d'autres qui ne le sont pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du Règlement.

Conformément à l'article 65 de notre Règlement, la Conférence des présidents a décidé qu'elle donnerait lieu à un scrutin public.

M. Jacques Floch - Faut-il proroger l'état d'urgence ? La réglementation actuelle ne vous suffit-elle pas ? Avez-vous vraiment eu recours ces derniers jours aux articles de la loi de 1955 ? Très peu, sinon même aucune mesure d'interdiction de circulation, de couvre-feu, d'interdiction de séjour, d'assignation à résidence, de fermeture de salles de spectacles ou de réunion, de remises d'armes à feu, de perquisitions de jour et de nuit, ont été prises.

Le droit ordinaire suffit à protéger la République quand on en fait un bon usage, mais encore faut-il avoir compris notre histoire. Une nouvelle fois, j'ai entendu dire que les grands ensembles construits dans les années 1960 et 1970 étaient la cause de tous ces malheurs, mais personne ne rappelle que ces logements ont été construits à la hâte suite aux bombardements de la guerre de 1939-1945 - 1 800 000 logements détruits - et à l'exode rural qui imposait de construire 200 000 logements par an.

Par ailleurs, comment osez-vous, Monsieur le ministre, parler de sacrifice financier à propos des budgets accordés aux banlieues ? L'aménagement des beaux quartiers est-il aussi un « sacrifice financier » ? Il s'agit en vérité de dépenses budgétaires nécessaires à la population ! Arrêtez donc de prétendre que l'on a dépensé trop d'argent pour les banlieues !

De même, pourquoi avez-vous rejeté la police de proximité sans avoir mesuré les conséquences d'une telle décision ?

Pourquoi stigmatiser les jeunes Français en rappelant régulièrement leurs origines ? Lors des manifestations dans la région nantaise, 80 % des jeunes surpris par la police étaient d'origine bretonne ou vendéenne : leur a-t-on rappelé leurs origines ?

Monsieur le ministre, vous avez prétendu que les violences urbaines survenues entre 1997 et 2002 n'avaient donné lieu à aucune condamnation, mais comment expliquez-vous alors que nous ayons trouvé dans nos prisons, lors d'une enquête que nous avions menée, des jeunes incarcérés pour rébellion ?

Bref, il suffit d'appliquer les lois en vigueur.

Cela étant, si cette loi venait malheureusement à être votée, j'espère, comme vous l'avez accepté, que nous pourrons dès la semaine prochaine travailler avec vous sur l'évaluation de votre politique.

Je vous invite, mes chers collègues, à voter ce renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

A la majorité de 326 voix contre 139 sur 468 votants et 465 suffrages exprimés, la motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.

M. le Président - J'appelle les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. Noël Mamère - L'amendement 2 tend à abroger la loi de 1955 laquelle, décidée au moment des évènements d'Algérie, présente aujourd'hui des relents coloniaux très dangereux pour l'équilibre de notre société. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Je rappelle par ailleurs que nous avons déjà eu recours à cette loi en Nouvelle-Calédonie, mais que notre République n'est pas aujourd'hui en danger. Envoyer ce signal aux enfants des banlieues qui ont été qualifiés hier soir par le Président de la République d'« enfants de la République », à ces enfants de la deuxième ou troisième génération de ceux qui ont été colonisés, c'est leur rappeler leur condition d'indigènes, d'étrangers de l'intérieur. C'est indigne. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Cet état d'exception s'inscrit dans un climat de tension et de peur entretenu depuis l'élection du Président de la République par les lois Sarkozy, les lois Perben, la loi sur le voile, la loi sur la récidive, et surtout les mots du ministre d'Etat, d'une violence inouïe - « racaille », « voyous », « kärcher » - à l'encontre d'une population désespérée.

Je ne pense pas que l'état d'urgence puisse répondre à cette situation de catastrophe. Vous prétendez prendre les mesures qui s'imposent, mais en vérité vous mettez le couvercle sur une marmite qui bouillonne ! La victoire provisoire que vous êtes en train de remporter est une victoire à la Pyrrhus, et vous le paierez devant les Français ! (Huées sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marc Ayrault - Je respecte le point de vue de M. Mamère, mais je pense qu'il ne peut y avoir deux débats en un. La loi de 1955 a été appliquée en 1985, alors que François Mitterrand était Président de la République, Laurent Fabius Premier ministre, et Paul Quilès ministre de l'Intérieur, et il ressort des débats parlementaires de l'époque que Jacques Chirac et les députés du RPR avaient déposé un recours devant le Conseil constitutionnel. Je ne souhaite pas reprendre ce débat, car la situation est grave, aussi nous ne voterons pas cet amendement.

M. Bernard Accoyer - Nous pensions que ce débat avait assez duré, mais M. Mamère a tenu des propos provocateurs. Nous vivons des heures graves, et le groupe UMP votera ce texte, car ce sont les Français eux-mêmes qui nous demandent de prendre nos responsabilités à un moment où ils se sentent menacés dans leurs droits fondamentaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Bocquet - Le groupe communiste s'associera à cet amendement. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Cette loi d'exception est particulièrement dangereuse : on a beau essayer de nous rassurer sur son application, elle porte en elle quelques périls pour la démocratie et les libertés (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) .

M. Francis Delattre - Ils ne savent même pas ce qu'elles sont !

M. le Président - Laissez M. Bocquet s'exprimer ! Nous donnerons un triste spectacle si nous ne sommes pas capables de nous écouter entre nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe socialiste et du groupe communiste et républicain)

M. Alain Bocquet - L'arsenal judiciaire dont nous disposons permet d'ores et déjà de régler les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Il n'y a qu'une urgence, l'urgence sociale.

M. François Sauvadet - En période de crise, Monsieur Mamère, il faut se montrer particulièrement responsable et ne pas raviver les querelles du passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP) Nous avons eu un débat d'une grande dignité jusqu'ici. De grâce, recherchons les solutions à apporter à tous ceux qui désespèrent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

L'amendement 2, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les article premier, 2 et 3, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - Sur décision de la Conférence des présidents, l'ensemble du projet de loi est soumis à un scrutin public.

A la majorité de 346 voix contre 148 sur 498 votants et 494 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi est adopté.

Prochaine séance, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 20.

                      La Directrice du service
                      du compte rendu analytique,

                      Catherine MANCY


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