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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 28ème jour de séance, 62ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 16 NOVEMBRE 2005

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD

vice-présidente

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2006 -deuxième partie- (suite) 2

      AGRICULTURE, PÊCHE, FORÊT
      ET AFFAIRES RURALES (suite) 2

      Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales 24

      ÉTAT B 24

      ART. 74 28

      APRÈS L'ART. 74 28

La séance est ouverte à neuf heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2006 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006.

AGRICULTURE, PÊCHE, FORÊT ET AFFAIRES RURALES (suite)

Mme la Présidente - Nous poursuivons l'examen des crédits relatifs à l'agriculture, à la pêche, à la forêt et aux affaires rurales.

M. André Chassaigne - Lors de nos débats sur la loi d'orientation agricole, je vous ai interpellé à plusieurs reprises, Monsieur le ministre, à propos de la revalorisation des retraites agricoles. Mais je n'étais pas parvenu à vous faire sortir de votre mutisme. Quelle satisfaction de constater que vous avez retrouvé la parole au Sénat et, surtout, que vous avez lâché un peu de lest !

Le Sénat a adopté un amendement autorisant à revaloriser les pensions des femmes qui ont cotisé au régime général lors d'une interruption d'activité destinée à élever un enfant, mais qui ont effectué l'ensemble de leur carrière en qualité de non-salariées agricoles. C'est ouvrir une brèche dans le décret Vasseur de 1997, qui exclut les polypensionnés de toute revalorisation de retraite agricole, mais il reste encore du chemin à parcourir pour faire tomber cette Bastille ! Vous renvoyez en effet le règlement définitif de ce problème aux conclusions d'une énième commission réunie autour de M. Garrigue.

Or nul besoin d'un nouveau diagnostic : un groupe de travail du ministère a déjà conclu l'an dernier à la nécessité d'accorder à tous les polypensionnés de telles revalorisations. Le dur labeur de tous ces hommes et de toutes ces femmes a permis à la France d'atteindre son rang actuel, et pourtant la République les condamne à un revenu de misère.

Cette situation est intolérable, Monsieur le ministre. Allez-vous enfin accepter de revaloriser les retraites des polypensionnés ? Allez-vous cesser de vous abriter derrière la nécessité de résorber le déficit du FFIPSA, déficit que vous avez vous-même créé en supprimant le BAPSA en 2004 ?

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche - J'aurais aimé que la précédente majorité ne se contente pas de voter une loi, mais qu'elle pense également à la financer. J'avais toutefois été heureux de voter ce texte. Tous les parlementaires qui reçoivent des retraités dans leurs permanences ont bien conscience, en effet, de l'extrême faiblesse des pensions agricoles. Des efforts ont déjà été faits par le Gouvernement pour améliorer la situation : la mensualisation, l'institution de la retraite complémentaire obligatoire. Et j'ai en effet annoncé au Sénat une mesure destinée aux polypensionnés, qui entrera en vigueur le 1er janvier prochain. D'un coût de vingt millions, elle bénéficiera à environ 15 000 retraités - des agricultrices pour l'essentiel. Il nous reste à relever le déficit du financement car nous devons combler un déficit de plus de trois milliards en stock et trouver 1,7 milliard en année pleine. Nous vous ferons des propositions d'ici à la loi de finances rectificatives et nous explorerons ensemble de nouvelles pistes d'amélioration. J'ai donc demandé à deux parlementaires, MM. Garrigue et Censi de réfléchir à des propositions complémentaires.

M. André Chassaigne - Cela vous permettra de gagner du temps !

M. François Liberti - La pêche française traverse une crise profonde à laquelle aucune réponse n'est apportée, comme le confirme la faiblesse de votre budget d'intervention pour 2006.

La nouvelle politique européenne de la pêche laisse à la Commission une maîtrise presque totale sur la gestion des flottes, de la ressource et de la commercialisation. Toutes les perspectives de gestion intégrée sont rejetées et les aides à la modernisation sont bloquées. De fait, on interdit ainsi l'installation des jeunes et on accélère les sorties de flotte, c'est-à-dire la cessation d'activité !

Au nom d'une politique de protection de la ressource plus que hasardeuse et pour satisfaire les monopoles agro-alimentaires qui tiennent le marché, ce sont les pêcheurs de nos côtes qui trinquent. Pendant ce temps, la pêche minotière se porte bien. Pas moins de sept kilogrammes de poissons pêchés et transformés en farine de poisson sont nécessaires pour produire un kilogramme de poisson d'élevage - bonjour la gestion des ressources !

L'existence même de certains segments est remise en cause, comme la pêche à l'anguille que la Commission prétend interdire. C'est d'un contrôle beaucoup plus rigoureux de la pêche illicite, qui alimente les grandes fermes d'élevage nordiques, que nous aurions besoin, et non d'une interdiction de la pêche des sujets adultes que l'on pratique dans nos lagunes et qui relève d'une gestion intégrée et de traditions spécifiques. Il en est ainsi encore de la thonaille, assimilée à tort à un filet maillant dérivant ! Cette activité traditionnelle participe de l'équilibre de la ressource et maintient la polyvalence en Méditerranée. Mais il faudrait aussi parler du diktat européen sur la taille des espèces, qui est totalement inadapté à notre biotope et qui ignore tant les études scientifiques que l'autoréglementation pratiquée par les pêcheurs.

Ce qu'on prétend imposer à la pêche française, c'est tout sauf une gestion de la ressource !

La France va-t-elle donc enfin reprendre la main en Europe et entendre les instances professionnelles, qui demandent une véritable politique de gestion de la ressource ainsi que la sauvegarde de l'emploi ? Allez-vous également améliorer votre dispositif « aléa carburant », qui exclut 90% de la flotte, pourtant durement touchée de ce point de vue ? Enfin, comptez-vous prendre les mesures nécessaires au financement de la caisse « intempéries chômage » des marins ?

M. le Ministre - Comme vous êtes un élu du beau territoire de Sète, quelques mots sur le « règlement Méditerranée » : la France s'est énergiquement battue pour obtenir son report lors de l'avant-dernier Conseil européen. Mais ce ne fut pas chose aisée en raison de notre isolement initial.

Nous nourrissions ainsi les plus grandes craintes pour les pêches traditionnelles, comme la thonaille, mais nous les avons sauvées. Nous nous opposons par ailleurs aux propositions de la Commission sur la civelle et l'anguille.

S'agissant de l'« aléa carburant », il est vrai que de la hausse n'est pas intégralement compensée, mais nous faisons déjà un effort considérable. Avec M. Copé, je cherche pour 2006 un système permettant de poursuivre l'aide que nous apportons tout en respectant la législation communautaire.

Nous nous heurtons à deux difficultés : la hausse du prix du carburant, qui accroît de 30 à 40% les coûts d'exploitation des navires et la volonté de la Commission de réduire la pêche en Méditerranée et, plus généralement, dans l'ensemble des mers européennes.

S'il faut gérer la ressource, nous proposons des quotas, de façon à ne pas fermer totalement la pêche pendant une année. En octobre, j'ai également présenté à Nantes un plan d'avenir pour la pêche qui comprend des aides à la modernisation, que nous demandons au fonds européen pour la pêche, un plan de sortie de flotte et des mesures de sécurité et de meilleure gestion.

Entre l'augmentation des coûts et la volonté exprimée par la Commission, la voie est étroite. Mais nous devons donner un avenir à nos pêcheurs pour les trente années qui viennent. Je reviendrai donc vous présenter ce plan d'avenir pour la pêche au début de l'année prochaine. C'est d'ailleurs bien volontiers que je vous associerai à son élaboration, Monsieur Liberti.

M. Francis Saint-Léger - Permettez-moi tout d'abord de rappeler qu'en 2003, le ministre de l'agriculture s'était engagé à augmenter de 50%, au cours de la législature, l'indemnité compensatoire de handicap naturel qui est un complément de revenu indispensable pour les agriculteurs de montagne. Aussi me semble-t-il nécessaire, après les évolutions de ces deux dernières années, de poursuivre dans cette voie, comme le propose par un amendement le rapporteur Alain Marleix.

J'en viens à ma question. Dans de nombreuses communes de montagne, en particulier en Lozère, les collectivités font fréquemment appel aux agriculteurs pour déneiger la voirie, sans que ces derniers soient titulaires du permis poids lourd. Or, tout dernièrement dans mon département, les services préfectoraux ont tiré de l'interprétation du code de la route l'obligation pour ces agriculteurs d'être titulaires de ce permis, alors même qu'ils utilisent leur propre matériel pour effectuer ces travaux.

Parce que cette interprétation peut être lourde de conséquences pour les communes rurales et leurs habitants, vous devez préciser la réglementation. Comment exiger des agriculteurs l'obtention du permis poids lourds pour assurer un service public simple, alors qu'ils peuvent conduire dés l'âge de 16 ans des engins agricoles souvent imposants ?

La même question se pose pour les agriculteurs à la retraite, à qui il paraît difficile d'interdire de conduire des véhicules qu'ils maîtrisent parfaitement, sous prétexte qu'ils ont plus de 55 ou 60 ans.

Par ailleurs, la loi sur le développement des territoires ruraux autorise les agriculteurs à exercer une activité complémentaire au sein d'une collectivité locale : comment imaginer alors qu'ils puissent utiliser leur véhicule le matin dans le cadre de l'exploitation, mais non l'après-midi au service de leur commune ?

M. André Chassaigne - Excellente question !

M. le Ministre - Je partage l'avis de M. Chassaigne. S'agissant de l'indemnité compensatoire, nous aurons l'occasion d'en reparler tout à l'heure, à propos d'un amendement du rapporteur spécial.

Par ailleurs, la loi du 9 juillet 1999 permet à toute personne exerçant une activité agricole d'assurer le déneigement au bénéfice d'une collectivité territoriale, au moyen d'une lame intégrée à son tracteur. L'agriculteur concerné n'est pas obligé d'être titulaire du permis poids lourd.

M. François Brottes - C'était mon amendement.

M. le Ministre - Et c'était une bonne initiative. L'agriculteur doit cependant exercer son activité sous certaines conditions pour ne pas concurrencer de manière déloyale les entreprises spécialisées dans le déneigement. Je vous donnerai tous ces éléments par écrit, pour que vous puissiez les faire valoir dans votre département.

Pour ce qui est des agriculteurs retraités et des pluriactifs, je vous répondrai par écrit, car je n'ai pas encore tous les éléments à ma disposition. S'agissant des pluriactifs, votre question est d'autant plus justifiée qu'en effet, la loi sur le développement des territoires ruraux permet à certains salariés de travailler pour une entreprise locale et pour une collectivité, et nous serons peut-être amenés à compléter le dispositif.

M. Alfred Almont - Dans un contexte difficile, ce projet de budget affiche des ambitions pour l'agriculture française, qui reste l'une des priorités du Gouvernement. Malheureusement, la réforme de la PAC et les hypothèques qui pèsent aujourd'hui sur l'organisation commune du marché de la banane antillaise inquiètent les élus d'outre-mer, car on peut s'attendre que les négociations devant l'OMC aboutissent à la réduction spectaculaire des barrières douanières et des subventions à la production. Et les dernières déclarations du directeur de l'OMC et du commissaire européen ne sont pas de nature à nous rassurer...

Dans ces conditions, comment nos agriculteurs pourront-ils affronter la concurrence de pays tiers dont les coûts de production sont de dix à quarante fois inférieurs aux nôtres ?

Je sais, Monsieur le ministre, que vous mesurez les enjeux, mais il est nécessaire que vous confirmiez à nos producteurs la détermination du Gouvernement à défendre la filière de la production antillaise de bananes, qui n'occupe que 18% du marché européen mais qui, plus que toute autre, garantit le respect des normes européennes de qualité.

M. le Ministre - Avec Mme Girardin, puis avec M. Baroin aujourd'hui, nous avons largement rappelé à la Commission les enjeux pour la France d'un nouveau régime tarifaire de qualité, qui tienne compte des intérêts de la production communautaire de bananes.

Un second arbitrage a été rendu le 27 octobre auprès de l'OMC, mais la proposition de la Commission a une nouvelle fois été rejetée. Il appartient maintenant à la Commission de proposer au Conseil européen une solution pour organiser l'importation de bananes dans l'Union à partir du 1er janvier 2006. Il y a donc urgence ! J'évoquerai bien évidemment cette question au Conseil européen des ministres qui se tiendra la semaine prochaine.

La France cherche une solution propre à préserver l'équilibre entre les diverses sources d'approvisionnement du marché communautaire, tout en veillant aux intérêts de la production communautaire de bananes. Nous avons aujourd'hui des alliés dans cette affaire, et nous avons remis à la Commission avec l'Espagne, le Portugal et Chypre, le 20 septembre dernier, un mémorandum pour proposer un nouveau régime d'aides compensatoires.

Le Gouvernement continue à se battre, et nous espérons des résultats satisfaisants avant la fin de cette année.

M. Philippe Auberger - Ma question concerne le régime de transmission des droits à paiement unique, qui va s'appliquer à compter de 2006. La période 2000-2002 sert de référence au calcul de ces droits. Lorsque le transfert a eu lieu après juillet 2005, on tient compte de cette période de référence, et la transmission s'opère dans de bonnes conditions. Il n'en va pas de même lorsque la reprise de l'exploitation est antérieure à juillet 2005, car le repreneur doit alors se retourner vers le cédant pour obtenir la clause de cession du DPU - et il n'est pas certain que le cédant accepte ! Les montants de reprise risquent alors d'augmenter, ce qui freinera l'installation des jeunes agriculteurs.

Quelles mesures comptez-vous prendre ? Envisagez-vous d'utiliser la réserve nationale des droits ? N'aurait-il pas été plus simple d'instituer un lien structurel entre ces droits à paiement unique et la terre ?

M. le Ministre - Cette affaire n'est pas simple. La France n'étant pas un Etat fédéral, il était trop compliqué d'avoir une gestion régionale des DPU comme en Allemagne. Nous avons choisi le découplage, mais pas pour tous les types de production. Le Parlement nous a beaucoup aidés, car une mission composée de parlementaires et de responsables agricoles a fait le tour des pays européens cet été pour trouver une solution.

Les agriculteurs ont reçu les documents, et les chambres d'agriculture organisent des réunions pour expliquer le fonctionnement des DPU.

Le principe général est que les nouveaux installés récupèrent par le biais de clauses contractuelles les DPU des exploitants en place pendant la période de référence 2000-2002 sur les terres reprises pour l'installation. Néanmoins, la réserve interviendra de façon systématique, soit pour revaloriser les DPU récupérés, soit pour attribuer de nouveaux DPU, afin que le niveau d'aides auquel pourra prétendre le nouvel installé en 2006 lui permette d'entamer son activité dans les meilleures conditions.

S'agissant des conditions précises d'attribution, nous soutiendrons prioritairement les nouveaux installés répondant aux critères d'octroi des aides nationales à l'installation, à l'exception du critère d'âge, les modalités de calcul du complément attribué par la réserve variant en fonction de la date d'installation.

Enfin, il n'était réglementairement pas possible d'établir un lien structurel entre les droits et la terre ; néanmoins, et comme le règlement européen en donne la possibilité, la France a choisi le lien entre les mouvements de foncier et les mouvements de DPU par l'application de taux de prélèvements sur la valeur des DPU différenciés en fonction de la nature des transferts. Elles permettent d'éviter également des agrandissements jugés excessifs, cela en cohérence avec le schéma directeur départemental des structures, et sous le contrôle de la CDOA, dont nous avons par ailleurs simplifié le fonctionnement dans le cadre de la loi d'orientation agricole.

Je reste à votre disposition, ainsi qu'à celle des agriculteurs de votre département, pour toutes explications supplémentaires.

M. François Brottes - Qui a dit : « La création d'un programme « forêt » dans le cadre de la LOLF permettra, grâce à une plus grande fongibilité des crédits entre la forêt et les autres domaines du ministère, de privilégier une politique de long terme contrairement à ce qui se faisait jusqu'à présent » ?

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - François Brottes !

M. François Brottes - Non ! C'était votre prédécesseur, Monsieur le ministre, en réponse il est vrai à une de mes questions, dans le cadre du débat budgétaire de l'année dernière.

Nous ne sommes pas déçus pour ce qui est de la consolidation d'une politique de long terme ! Les crédits pour la forêt baissent de près de 6%, et de 8% si l'on tient compte de l'inflation. C'est un coup dur pour la filière forêt-bois et j'ai trop d'estime pour vous, Monsieur le ministre, pour considérer que MM. Breton et Copé vous regardent comme l'arbre qui cache la forêt ! (Sourires) N'opposons pas forêt publique et privée, comme nous avons pu l'entendre faire hier soir : l'ONF est un bel outil qui nous est envié sur le plan international. Je note votre bonne volonté, Monsieur le ministre, pour donner des outils supplémentaires à la filière bois dans le cadre de la loi d'orientation agricole, mais le sacrifice budgétaire de ce secteur est inacceptable. La balance commerciale de la filière reste déficitaire alors que la demande ne cesse de croître, compte tenu de la hausse des tarifs du pétrole, du gaz et de l'électricité. Les communes forestières renoncent souvent à s'organiser et la forêt de montagne doit quant à elle retrouver sa légitimité comme forêt de protection, mais aussi comme source de bois d'œuvre de grande qualité - je pense à la démarche AOC du Bois de Chartreuse notamment.

Quel est le montant du soutien à la forêt versé par les chambres d'agriculture ? Comment le Gouvernement préservera-t-il les fonctions régaliennes assurées par les services de restauration des terrains de montagne ? Quelles mesures proposez-vous pour renforcer la coopération forestière ? Comment tiendrez-vous l'engagement, pris par l'Etat, de créer les 55 emplois qui manquent aux centres régionaux de la propriété forestière ? Enfin, que comptez-vous faire pour conforter l'interprofession France Bois Forêt ?

M. le Ministre - Vous êtes un redoutable spécialiste de la forêt et il me sera difficile de répondre au « débrotté », si j'ose dire, à vos cinq questions (Sourires).

Vous avez relevé avec raison, hier, une baisse « optique » des crédits, mais il convient de tenir compte également de la hausse du cofinancement européen ainsi que des dix millions qui figurent dans le budget du ministère de l'intérieur. Nous avons essayé de développer le volet « forêt » dans le cadre de la loi d'orientation agricole et, enfin, nous avons eu l'occasion, avec M. Saddier et vous-même, d'évoquer un certain nombre de réponses possibles dans le cadre du code de la montagne, lors du congrès des élus de la montagne en Corse.

Concernant la filière « bois énergie », j'espère que les parlementaires nous aideront à lui faire de la publicité : des mairies, des écoles peuvent être chauffées grâce à la mesure sur la TVA figurant dans la loi d'orientation. Cette filière peut également être au cœur des pôles d'excellence ruraux, sujet sur lequel nous aurons l'occasion de revenir avec M. Estrosi.

Je m'engage à vous répondre plus précisément par écrit, en particulier quant au montant réel du soutien financier des chambres d'agriculture. Les services de restauration des terrains de montagne sont réalisés par l'ONF mais payés par le ministère - et il est certain qu'ils ont de l'avenir : récemment, au Sénat, un élu de la Réunion a déploré qu'il n'en existe pas dans son département.

Concernant la coopération forestière, je suis comme vous à la recherche du financement des 55 emplois dont ont besoin les centres régionaux de la propriété forestière.

M. François Brottes - Vous êtes mieux placé que moi ! (Sourires)

M. le Ministre - Mais c'est vous qui votez le budget de la nation, donc les dépenses et les recettes. Vous pouvez m'aider ! (Sourires)

Enfin, nous verrons avec la nouvelle interprofession « France Bois Forêt » comment l'aider au mieux et ce sera l'occasion de travailler à nouveau avec vous, Monsieur Brottes.

Mme Geneviève Gaillard - L'hiver dernier, j'ai participé à une mission d'information sur les OGM. La semaine dernière, votre directeur de cabinet nous a informés que votre ministère attendait l'arrivée de nouveaux OGM sur notre territoire. Sachant que la directive 2001-18 CE n'est pas encore transposée, quels sont les moyens mis en œuvre pour contrôler l'implantation des OGM ? Nous avons appris cet été par voie de presse le nombre d'hectares implantés, et je souhaiterais avoir des réponses claires à ce sujet.

Vous savez en outre que les produits phytosanitaires peuvent créer de nombreux problèmes en matière de santé publique et d'environnement. Leur autorisation de mise sur le marché suit une procédure très rigoureuse, mais en cas de danger éventuel, aucune procédure de retrait n'est prévue. Comptez-vous y remédier ? Enfin, quid de la protection animale alors que dans les Deux-Sèvres et en Maine-et-Loire, par exemple, un trafic lucratif d'animaux vient dernièrement d'être démantelé ?

M. le Ministre - Les expérimentations d'OGM sont codifiées. Après avis du ministre de l'environnement, j'ai autorisé cette année douze nouveaux essais qui portent essentiellement sur le maïs, le peuplier et la vigne. Sur les 74 parcelles implantées, j'ai le regret de constater que 31 ont été détruites par les mouvements anti-OGM, alors qu'il s'agissait dans certains cas d'essais destinés à lutter contre la mucoviscidose, et je suis heureux que la justice ait fait montre hier de fermeté à leur égard. Ce sont des actes imbéciles et graves.

Les cultures d'OGM à des fins commerciales, autorisées par l'Union européenne, sont quant à elles très peu développées avec 500 hectares seulement en France, mais il s'agit en effet d'une approximation puisque leur déclaration n'est pas obligatoire. Le Figaro a publié cet été un article faisant état d'une surface deux fois plus importante. Des problèmes de transparence se posent donc. Nous devons transposer la directive 2001-18 CE. Un excellent travail a été réalisé par la mission présidée par M. Le Déaut. M. Goulard, ministre de la recherche, a préparé un projet de loi qui vise à organiser ces productions autour de règles précises et claires. Il sera déposé avant la fin de l'année sur le bureau des Assemblées.

M. François Dosé - Deux remarques préalables. Je rappelle que les agriculteurs furent en première ligne dans la crise de l'ESB, et je ne considère pas que l'excellence politique dépende nécessairement de la hausse des budgets, les objectifs et les méthodes constituant des indicateurs tout aussi pertinents.

450 millions seront consacrés dès 2006 au déstockage et à la destruction des 700 000 tonnes de farines animales, opérations qui devraient prendre dix ans. C'est là un signe fort, mais pouvez-vous nous éclairer sur les opérateurs choisis et sur les lieux qui seront privilégiés pour cette destruction : en d'autres termes, qui fera quoi, où, comment ? Nous entendons en effet des choses contradictoires dans nos circonscriptions : on parle tantôt d'incinérateurs, tantôt de cimenteries. J'ai participé à la commission sur les farines animales et l'ESB présidée par M. Sauvadet, et j'ai le sentiment qu'une fois le rapport déposé, il n'est plus question de rien. Pouvez-vous nous informer régulièrement sur la mise en œuvre des crédits correspondants ?

M. le Ministre - Nous sommes en train de passer des marchés de déstockage. Ils seront effectifs au premier semestre de l'an prochain. L'élimination des farines animales, qui est à la charge de l'Etat, est entamée depuis 2004. En 2005, plusieurs entrepôts ont été vidangés. D'autres chantiers ont été retardés pour des raisons juridiques, mais le mouvement se poursuit.

Pour 2006, une dotation de 55 millions nous permettra de lancer entre six et dix nouveaux marchés de déstockage portant sur 120 000 tonnes. Fin 2005, il restera 740 000 tonnes entreposées. Leur élimination est programmée jusqu'en 2008, mais elle suppose la mobilisation de capacités étrangères. Le coût global est estimé à 164 millions d'euros.

Nous devons maintenant expertiser les capacités réelles d'incinération disponibles dans les autres pays de l'Union européenne. Nous envisageons aussi une vidange massive par voie maritime et nous étudions aussi des alternatives à la solution des fours de cimenterie, qui n'a pas été concluante au début de la crise.

C'est un travail difficile et de long terme, mais qui avance à un rythme convenable.

M. Jean-Pierre Abelin - Les producteurs de melons, d'endives ou de pommes de terre sont contraints, en raison du cycle court qu'imposent ces cultures, de changer souvent de parcelles et de passer des contrats avec des tiers. Mais un fermier n'a pas le droit de sous-louer les terres que lui-même loue à un propriétaire bailleur. Je viens donc de déposer une proposition de loi qui aménage le statut du fermage en permettant la sous-location d'assolements pendant deux ans, ce qui permet de couvrir les cultures à cycle court. Cette solution vous paraît-elle intéressante ?

Par ailleurs, du fait de la réforme de la PAC et du découplage des aides, les céréaliers qui ont loué des terres aux producteurs de melons sur la période de référence vont être pénalisés sur le montant historique de leur aide découplée, car le melon n'est pas une production éligible aux aides de la PAC. Ils risquent d'être pénalisés sur leurs revenus futurs, tant qu'ils sont en activité et sur la valeur patrimoniale de leur exploitation le jour où ils céderont celle-ci.

De plus, la réforme prévoit que la non-activation de DPU pendant trois années successives entraîne le retour de ces DPU à la réserve nationale - et donc leur perte pour le céréalier. Cette nouvelle contrainte va inciter les céréaliers à ne plus louer aux melonniers, pour ne pas perdre leurs droits.

Connaissant votre attachement à la production de melons du Haut-Poitou et du Poitou-Charentes, j'aimerais savoir quelles solutions vous envisagez.

M. le Ministre - Je connais moi aussi votre attachement à cette production et je regarderai avec plaisir et intérêt votre proposition de loi.

Le cas des céréaliers qui ont loué à des melonniers est prévu dans les règles de gestion des DPU. Après des échanges avec eux, nous avons expertisé la correction des références historiques pour doter les céréaliers de DPU complémentaires, puisque certains hectares n'avaient pas été utilisés pour la production de céréales pendant la période de référence. Mais les céréaliers n'auraient pas pu les activer s'ils maintenaient des terres en location. Or, les DPU non activées sont par nature autant de DPU gelées pour la ferme France, ce qui n'est pas satisfaisant.

Nous avons trouvé une solution, qui consiste à doter en DPU, par la réserve nationale, certains agriculteurs entrant dans des programmes spécifiques, dont l'un dédié à ces cultures hors sol. Les céréaliers qui souhaitent définitivement ne plus louer des terres aux melonniers ne seront ainsi pas lésés, tandis que les producteurs de melons pourront trouver des terres à louer.

M. Charles de Courson - Le Gouvernement s'est engagé dans une politique de soutien aux biocarburants. Il a même accéléré le rythme prévu par le droit communautaire. Le groupe UDF, qui a toujours été à la pointe de ce combat, s'en réjouit. Mais j'aimerais savoir quand le Gouvernement va lancer le nouvel appel d'offres promis et quels sont les montants prévus par filière.

Par ailleurs, je constate que le Gouvernement a voulu réduire de moitié le dispositif de TGAP, que nous avions adopté à l'unanimité en vue d'encourager l'incorporation de biocarburants. La commission des finances ayant rétabli le dispositif, j'aimerais savoir quelle va être maintenant la position du Gouvernement.

Enfin, pouvez-vous nous confirmer que les taux d'incorporation obligatoire sont calculés en fonction du pouvoir calorifique inférieur massique et non du volume ? Certains membres de l'administration fiscale semblent vouloir retenir le volume, ce qui nous mettrait en retrait par rapport aux objectifs prévus.

M. le Ministre - Le Gouvernement a en effet « passé le turbo » en fixant de nouveaux objectifs pour l'incorporation de biocarburants : 5,75% dès 2008, 7% en 2010 et 10% pour 2015. Pour atteindre l'objectif de 2008, nous avons besoin de lancer un nouvel appel d'offres portant sur 1 800 000 tonnes. Il sera publié au Journal Officiel de l'Union européenne dans les prochains jours. Je ne suis pas en mesure de vous donner tout de suite la répartition précise du volume entre les deux filières, mais je vous la ferai tenir dans un moment. Nous entendons tenir compte des besoins exprimés, de façon à permettre à chacun d'avoir le volume qui garantira la rentabilité de son activité et nous retiendrons de nouveaux sites.

Pour ce qui est de la TGAP, que j'avais fait voter l'an dernier lorsque j'étais secrétaire d'Etat au budget, avec d'ailleurs le concours de votre groupe, je ne vois personnellement aucun inconvénient au maintien de ce qu'a voté le Parlement, mais nous devons attendre l'arbitrage du Premier ministre.

Quant au choix entre PCI ou volume, il n'est pas encore tranché. Je dois rencontrer demain le ministre de l'industrie à ce sujet et nous aurons le 21 à Bercy une grande table ronde avec des représentants de la profession agricole, des opérateurs des filières diester et éthanol, et des pétroliers. Je connais bien la position de l'administration des douanes. Celle du ministère de l'agriculture est différente. L'arbitrage se fera bientôt.

M. Philippe Folliot - Ce qui caractérise la ruralité, c'est la diversité des territoires. Si certains permettent de choisir entre différentes productions agricoles, d'autres ne laissent pas le choix, en raison de certains handicaps naturels liés à l'altitude, au climat, à la nature des sols ou à l'enclavement des parcelles. Les secteurs de moyenne montagne font partie de ceux-là et n'ont pas non plus, contrairement à ceux de haute montagne, la possibilité de compenser par le tourisme des sports d'hiver. Je pense en particulier aux contreforts sud du Massif Central, qui me sont chers, et plus particulièrement encore aux Monts de Lacaune.

En 2003, le Gouvernement a décidé de revaloriser l'indemnité compensatrice des handicaps naturels. Ce mouvement va-t-il se poursuivre ?

Au-delà du maintien des aides existantes, êtes-vous prêt à soutenir davantage ces territoires où l'agriculture représente encore l'une des principales activités ? Je suis conseiller général d'un canton où 40% de la population active travaille dans l'agriculture, soit presque dix fois plus que la moyenne nationale. Eu égard aux prix de plus en plus bas des productions, l'Etat doit soutenir ces territoires. Ce serait un message fort adressé à tous les producteurs qui s'engagent dans des démarches de qualité.

M. le Ministre - Monsieur Folliot, ces territoires méritent bien sûr une attention particulière. Je connais le vôtre, il est beau, il a besoin d'être aidé. Cette aide relève du deuxième pilier de la PAC. Or, si le règlement de développement rural a été adopté à l'unanimité le 30 juin au terme de difficiles négociations, le débat sur les montants financiers à partir du 1er janvier 2007 prend malheureusement du retard.

En tout état de cause, ces territoires de moyenne montagne bénéficient de toutes les politiques cofinancées - modernisation des bâtiments et aide à l'installation des jeunes. L'amendement de M. Marleix nous permettra de débattre du bel instrument que sont les indemnités compensatoires de handicap naturel. Leur montant a augmenté en 2002 et en 2003 et des primes spécifiques ont été accordées aux zones de montagne. En 2006, leur montant est stable mais cela pourrait évoluer grâce à l'amendement de M. Marleix.

Au niveau européen, notre inquiétude porte aujourd'hui sur la volonté exprimée par la Commission de redéfinir les zones défavorisées dans un sens qui exclurait notamment le Massif Central « élargi ». Le Conseil des ministres de l'agriculture a décidé de repousser cette discussion, abordée lors de l'examen du projet de développement rural, à 2010, ce qui revient à préserver le zonage actuel pour les prochaines années. Nous nous battons donc pour le maintien du zonage, pour obtenir les meilleures aides dans le cadre du deuxième pilier européen et pour améliorer les aides nationales.

Ces territoires, qui dépériraient sans agriculture, doivent davantage bénéficier de la solidarité nationale. J'aurai l'occasion d'en reparler avec les élus du Tarn lors d'un prochain déplacement.

M. Joël Beaugendre - Monsieur le ministre de l'agriculture, après le ministre de l'outre-mer, vous être le ministre le plus sollicité par les élus ultramarins, en raison de l'importance de l'agriculture dans nos territoires. Nous vous remercions d'avoir accepté de consacrer un débat à l'agriculture outre-mer lors de la loi d'orientation agricole. De nombreuses questions se posent sur le contingent de la canne à sucre et sur la banane. Votre mobilisation auprès des Espagnols et des Portugais permettra peut-être en 2006 à nos compatriotes de recevoir de bonnes étrennes.

La mission d'information relative à l'utilisation du chlordécone et autres pesticides dans l'agriculture martiniquaise et guadeloupéenne a mis en évidence l'ampleur des dommages causés à notre agriculture par les pesticides. L'application du principe de précaution a conduit les autorités à interdire la vente de produits révélant une teneur trop importante en chlordécone. Il s'agit certes de protéger la santé des Antillais, mais cette interdiction prive les agriculteurs de l'essentiel de leurs revenus. La fin d'année est traditionnellement une période de consommation importante de produits agricoles locaux. D'autre part, l'état des connaissances scientifiques actuelles montre qu'aucune dépollution des sols n'est possible à court terme.

Monsieur le ministre, afin d'éviter la cessation d'activité d'agriculteurs déjà défavorisés par les handicaps structurels et conjoncturels des régions ultramarines, la solidarité nationale doit pleinement s'exercer. Comment le Gouvernement va-t-il compenser les pertes des agriculteurs et, éventuellement, les aider à se reconvertir ?

M. Alfred Almont - Très bien !

M. le Ministre - Monsieur Beaugendre, mon ministère est très sensible à l'agriculture ultramarine et j'ai moi-même beaucoup travaillé sur ces questions lorsque j'étais membre de la commission des lois. J'espère me rendre prochainement aux Antilles, après avoir visité la Guyane en juillet et la Réunion dans quelques jours.

M. Joël Beaugendre - Je vous remercie.

M. Joël Beaugendre - Le chlordécone, pesticide utilisé jusqu'en 1993 dans les bananeraies, est à l'origine d'une très importante pollution des sols. Monsieur Beaugendre, le rapport que vous nous aviez remis à l'issue des travaux de la mission parlementaire d'information nous sert aujourd'hui de base de travail. Tout d'abord, après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, nous avons pris des arrêtés ministériels pour fixer le maximum de résidus de chlordécone acceptables dans les denrées alimentaires, afin de garantir la sécurité des consommateurs antillais. Ensuite, nous avons constitué avec les organismes de recherche - l'INRA, le CIRAD et l'AFSSA - une mission de prospective, pour préserver la santé des populations et l'environnement et pour promouvoir l'agriculture locale. L'IGAS assure la coordination de ce dossier avec les préfets des départements antillais. Concernant la compensation, le principe en est acquis. Nous sommes en train d'évaluer les pertes subies par les agricultures suite aux mesures prises au nom du principe de précaution.

Monsieur le député, nous sommes conscients de l'importance économique, psychologique et politique de ce dossier pour les Antilles.

M. Jean-Marc Roubaud - L'ampleur de la crise qui touche la viticulture française, particulièrement en Languedoc-Roussillon, rend nécessaire l'adoption de nouvelles mesures d'allégement des charges et d'accompagnement des exploitants en difficulté.

Monsieur le ministre, les réponses que vous avez apportées aux doléances de la filière viticole exprimées dans un mémorandum sont, à bien des égards, satisfaisantes. Restent néanmoins quelques points obscurs.

Ainsi, vous avez accordé par circulaire des crédits supplémentaires à la MSA pour qu'elle prenne en charge de manière temporaire une partie des cotisations sociales d'exploitants en difficultés. Quel sera le montant de ces crédits en 2006 ?

Par ailleurs, allez-vous publier le décret permettant l'harmonisation du taux d'abattement des cotisations sociales, en matière d'emploi occasionnel, à son niveau le plus élevé, soit 90% ?

Concernant la mise en place de guichets uniques dans l'ensemble des régions viticoles, la date butoir du 31 décembre 2005 fait manifestement difficulté. Les plans de paiement ne peuvent être respectés et l'on vous demande de bénéficier d'échéanciers, non plus seulement sur six mois, mais également sur 24.

Enfin, l'on vous a demandé le réaménagement de la procédure des majorations et pénalités de retard qui sont adressées par la MSA aux exploitants lorsque ceux-ci ont bénéficié d'un plan de paiement des cotisations sociales, ainsi que la réforme de l'accès au RMI, qui diffère selon que les exploitants sont au régime des bénéfices réels ou relèvent du régime forfaitaire. Ces demandes, qui tendent surtout à des simplifications, ont davantage un caractère psychologique que financier : les exploitants confrontés à de réelles difficultés financières ne comprennent pas la justification des procédures requises.

Monsieur le ministre, préciser ces quelques points permettrait de soulager un grand nombre d'agriculteurs malmenés par la crise actuelle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Monsieur Roubaud, je vous remercie d'avoir noté les efforts que le Gouvernement a fournis en faveur de la viticulture, avec notamment la procédure « agriculteur en difficulté » pour l'allégement des charges, l'enveloppe pour les prêts de consolidation aux coopératives et les aides aux départs en préretraite.

S'agissant des charges sociales, les employeurs agricoles bénéficient d'une exonération de prestation familiale totale pour les rémunérations inférieures ou égales à 1,5 SMIC pour l'emploi de travailleurs occasionnels, et de la réduction dégressive des charges patronales. D'autres mesures ont été également prises : un dispositif exceptionnel permet à la MSA de prendre en charge un étalement des cotisations sociales auquel vous avez fait allusion ; 11 millions ont été alloués à la MSA à ce titre, dont 1 pour la viticulture. Ce dispositif sera géré localement.

Concernant l'application des pénalités et majorations de retard, les caisses de la MSA seront particulièrement attentives à ne pas aggraver la situation des agriculteurs.

De manière générale, nous avons repris un certain nombre de propositions parlementaires s'agissant des exonérations de cotisations. Je veux vous assurer que le décret sur la cotisation personnelle sera pris dans les meilleurs délais et que la mesure du guichet unique sera prorogée, si nécessaire, après le 31 décembre.

Nous avons deux soucis, Monsieur le député : aider économiquement la viticulture du Languedoc-Roussillon en soutenant les prix et les exportations, et accompagner les viticulteurs en difficulté.

M. Jean-Pierre Decool - Depuis 2002, des avancées notables ont été enregistrées s'agissant des retraites agricoles, avec notamment le financement de la retraite complémentaire obligatoire et la mensualisation des retraites agricoles. Pourtant, quelques points restent en suspens comme la situation injuste des pluripensionnés : ceux-ci devraient pouvoir accéder à la retraite complémentaire et voir leurs années de cotisation au régime général assimilées à une activité salariée non agricole. Un groupe de travail a été réuni sur cette question : où en est-on aujourd'hui ? Par ailleurs, il est nécessaire de prévoir un mécanisme de revalorisation des petites retraites afin qu'elles atteignent 75% du SMIC annuel pour une carrière complète, et à plus long terme, 85% du SMIC.

M. le Ministre - Vous avez raison d'évoquer ce sujet difficile. Nous devons trouver 1,7 milliard en année pleine pour financer le FFIPSA, qui a par ailleurs accumulé 3,2 milliards de dettes. Vous avez à juste titre souligné l'action du Gouvernement. Le Sénat vient d'adopter un amendement revalorisant les retraites agricoles grâce à la prise en compte des périodes d'assurance vieillesse des parents au foyer : cette mesure concernera 15 000 polypensionnés, en grande partie des femmes, pour un coût de 20 millions. Le groupe de travail a analysé l'ensemble des propositions et MM. Censi et Garrigue se sont vu confier la mission de préciser les implications financières de ces mesures. Avant la fin de cette législature, le Gouvernement sera en mesure de présenter de nouvelles propositions.

M. Louis-Joseph Manscour - La situation de l'agriculture martiniquaise, comme de celle des autres départements d'outre-mer, est préoccupante : deux exploitations agricoles disparaissent chaque jour, des milliers d'emplois sont supprimés, la surface agricole utile diminue de 3% et les producteurs de bananes, de canne ou d'ananas sont découragés. Les perspectives sont sombres, des centaines d'hectares sont pollués par le chlordécone et les négociations de l'OMC sur la banane et le sucre ne sont guère rassurantes.

Une sorte de plan Marshall aurait dû répondre à cette situation, mais les crédits de paiement affectés à la Martinique sont en constante diminution. Si cette situation perdure, c'est que les gouvernements successifs n'ont pas su appréhender notre agriculture pour ce qu'elle est, une agriculture de pays en voie de développement, et que les crédits sont largement insuffisants pour résoudre les problèmes récurrents qu'elle affronte.

Monsieur le ministre, lors du débat sur le projet de loi d'orientation agricole, j'ai appelé votre attention sur le besoin de sanctuariser, dans une loi spécifique à l'outre-mer, de véritables outils de développement et de modernisation de l'agriculture. Vous m'avez répondu que vous n'étiez pas hostile à un texte, élaboré avec M. Baroin et les élus d'outremer, tout en précisant qu'il s'agissait là d'une réflexion personnelle. Qu'en est-il aujourd'hui ? Votre Gouvernement souhaite-t-il s'engager dans cette voie ? Pour notre part, nous sommes prêts à vous apporter notre concours.

M. le Ministre - Il est vrai que l'agriculture d'outre-mer nécessite un effort particulier. Je me suis entretenu avec M. Baroin des différentes possibilités qui s'offrent à nous : une loi que mon collègue présenterait ou des mesures prises au travers de différents textes. Nous vous indiquerons prochainement comment nous comptons procéder.

Nous devons par ailleurs défendre les filières spécifiques à l'outre-mer. Je peux vous affirmer que nous serons très attentifs à l'avenir de la filière de la canne lors du conseil des ministres qui aura lieu à Bruxelles la semaine prochaine, le texte proposé par la Commission ne correspondant pas à nos attentes. Quant à la filière de la banane, l'Europe a en quelque sorte été renvoyée dans ses buts lors des négociations de l'OMC et doit faire de nouvelles propositions, tout en maintenant des tarifs dissuasifs. Nous travaillons sur cette question avec l'Espagne, le Portugal et Chypre, pays également concernés.

M. Eric Besson - Je souhaite appeler votre attention sur la gravité de la situation que connaît l'arboriculture de la Drôme. Nombre de producteurs ont cessé leur activité, beaucoup sont au bord du dépôt de bilan. Un plan a été annoncé le 21 octobre, mais les crédits suffisent à peine à couvrir la seule perte des exploitations de pêches et d'abricots dans la Drôme. Monsieur le ministre, êtes-vous disposé à élaborer un véritable plan social, à appliquer les outils protecteurs en matière de prix minimum - ce qui suppose l'existence d'un coefficient multiplicateur -, à adopter un calendrier d'importations contraignant et à développer des mesures de promotion et de communication ? Par ailleurs, 200 000 euros vont être débloqués pour venir en aide aux agriculteurs touchés par la sharka : il s'agit là d'une somme dérisoire ! Quelle suite comptez-vous donner aux propositions intéressantes formulées par le rapport Derrien et dont nous n'entendons plus parler ? Enfin, concernant la crise des coopératives agricoles, l'interprofession vous demande quelles actions urgentes vous entendez engager pour stabiliser les cours, alors que les négociations avec les centrales d'achat s'achèveront dans moins de trois semaines.

M. le Ministre - Je devais me rendre dans votre département lundi mais la tenue exceptionnelle d'un conseil des ministres m'en a empêché. La crise de la filière des fruits et légumes est cette année plus aiguë qu'à l'habitude. J'ai en effet annoncé un plan de 15 millions d'euros de crédits exceptionnels et des prêts de consolidation pour aider les producteurs les plus en difficulté et mieux structurer le marché. J'ai bien conscience que des fonds supplémentaires seront nécessaires. Concernant les exportations, j'ai le sentiment que la surveillance n'a pas été à la hauteur de nos besoins en 2005. J'ai demandé le déclenchement d'une clause de sauvegarde sur les pommes.

Le Parlement a voté le coefficient multiplicateur dans la loi sur les territoires ruraux. Pourtant, cet été, la profession elle-même s'est opposée à sa mise en oeuvre, et actuellement, les conditions de sa mise en place pour la pomme ne sont pas réunies. Je suis prêt à revoir ce dispositif car l'impossibilité d'y recourir est d'autant plus dommageable que la crise est grave.

La sharka, maladie virale des arbres fruitiers très fréquente dans le Midi, a fait l'objet d'un rapport que m'a remis M. Derrien en mars dernier. Nous recherchons les ressources financières pour y faire face, même si nos progrès sont trop lents : je vais en demander l'accélération.

De même, nous devons mieux aider les coopératives viticoles et renforcer la contractualisation à l'approche de la réforme de l'organisation commune de marché viti-vinicole. Les différents plans qui concernent la viticulture tiennent compte de la fragilité de certaines coopératives en les dotant des instruments financiers nécessaires pour surmonter la crise. Je suis disposé, Monsieur Besson, à rencontrer à ce titre et avec vous les responsables de coopératives de votre région.

Mme Marylise Lebranchu - La crise laitière touche toutes les régions de France. Votre prédécesseur avait élaboré un plan national pour y apporter des remèdes structurels. Les mesures prises ont concerné les bâtiments, mais l'absence de volet industriel est inquiétante.

A Fougères, par exemple, la laiterie Nazard rassemble 440 producteurs, 95 salariés et produit 90 millions de litres de lait. Le redressement judiciaire rend très incertaine sa sortie de la crise. Producteurs, salariés et élus s'inquiètent : qu'en est-il du plan national alors même que ce cas a été cité comme modèle ?

Je m'inquiète également des rapprochements contraints opérés entre certaines coopératives et des groupes privés, loin de toute stratégie industrielle. Le prix au producteur devient ainsi la variable d'ajustement. Quelle est votre position en la matière ?

Après l'accord que vous avez annoncé au Space de Rennes sur les prix laitiers, vous ne pouvez pas être serein. L'accord qui interviendra en janvier devra, par sa nature et sa durée, correspondre à nos espoirs.

Enfin, sans remettre en question les excellentes conclusions de la mission Le Déaut, il me semble que la question des OGM est l'arbre qui cache la forêt de notre indépendance en matière d'approvisionnement céréalier. Que dire de toutes ces céréales, surtout venues d'outre Atlantique, dont les semences sont naturellement stériles ? Nous serions incapables de faire face seuls à une crise : il faut soulever le problème aux niveaux français et européen.

M. le Ministre - Cette dernière question est au cœur des actuelles négociations de l'OMC. Si l'on acceptait, comme certains le souhaitent, l'arrivée sur notre marché de la viande bovine ou du maïs sud-américains à bon marché, on adopterait le schéma anglo-saxon : bas prix, aucune traçabilité et, au-delà, fin de notre agriculture. Je m'étonne d'ailleurs que certains pays qui soutiennent tant l'aide aux pays en voie de développement mènent cette négociation dans l'intérêt de grandes puissances émergentes - le groupe de Cairns, par exemple. Si les grands latifundiaires sud-américains envahissent nos marchés de nos produits, le paysan malien ou burkinabé, lui, ne verra rien passer ! L'enjeu politique est donc essentiel.

Vos inquiétudes sur la filière laitière sont légitimes : la dénonciation des accords passés, n'est pas satisfaisante. Le médiateur a obtenu un accord au Space et travaille à stabiliser le système pour éviter les à-coups aux producteurs.

Le plan stratégique que vous évoquez prévoit un gros effort pour la bâtiment - et je remercie à ce titre l'ensemble des collectivités territoriales qui s'y associent - mais l'adaptation de l'outil industriel est plus chaotique. Les rapprochements, en effet, sont inquiétants, et les problèmes sociaux se sont multipliés dans les coopératives laitières de Bretagne ou de Pays de Loire. En outre, nous travaillons à éviter l'arrêt de la collecte qui menace les zones de montagne et de bocage pour des raisons de coût.

Nous avons avancé le versement de l'aide directe laitière, en vertu de l'engagement que j'avais pris à Saint-Malo au congrès de la FNPL.

L'évolution du marché laitier, au cœur de la vie de nombreuses exploitations agricoles, sera donc une préoccupation importante pour l'année à venir.

Le crédit d'impôt prévu par la loi d'orientation permettra aux éleveurs, notamment laitiers, de partir en congé pendant une quinzaine de jours, et améliore ainsi leur qualité de vie.

Nous avons du pain sur la planche en matière laitière cette année : une réflexion dépassant les clivages politiques serait la bienvenue.

M. François Rochebloine - Depuis dix ans, les apiculteurs français dénoncent les effets environnementaux de l'utilisation massive d'insecticides, notamment en zone de grandes cultures. Si le Gaucho ou le Régent TS ont récemment été interdits, d'autres produits restent susceptibles d'entraîner une même surmortalité des abeilles. La disparition de plusieurs milliers de ruches chaque année montre assez combien les pouvoirs publics doivent se soucier du développement de certaines substances actives contenues dans des produits phytosanitaires.

La disparition massive des colonies d'abeilles, qui sont de vrais témoins écologiques, met non seulement en péril la filière apicole elle-même, mais aussi la pollinisation dont la diminution menacerait l'équilibre naturel.

Seul le cadre européen permettra d'aborder efficacement le problème.

D'autres inquiétudes s'y ajoutent : l'existence de maladies contagieuses, qui impose de rigoureuses mesures de protection sanitaire, l'importation de miel de qualité médiocre en provenance de pays tiers ou encore des pratiques commerciales déloyales qui perdurent malgré les efforts d'inspection déployés aux frontières.

Face à tous ces problèmes, les apiculteurs français exigent du Gouvernement vigilance, détermination et fermeté. Quelles positions défendrez-vous au niveau communautaire en la matière ?

M. le Ministre - Je ferai mon miel de votre question : c'est vrai, il existe une surmortalité des abeilles. Vous avez rappelé les mesures prises à l'encontre de certains produits, dont les substances actives sont en cours d'évaluation au niveau communautaire, et nous suivrons les décisions qui en découlent.

L'introduction dans l'Union européenne d'un petit coléoptère de la ruche, l'athenina tumida, doit obligatoirement être déclarée, avant que ce parasite ne soit prochainement ajouté à la liste des maladies contagieuses.

Pour faire face au risque d'introduction, nous avons interdit les importations provenant des Etats-Unis sauf Hawaï.

Les abeilles importées sont soumises à un contrôle sanitaire en laboratoire - notamment celles du Texas. D'autre part, l'AFSSA organise des sessions de formation sanitaire apicole pour tous les agents concernés. Nous devons également être prudents sur les importations de miel. Sur tous ces points, il faut un plan de surveillance communautaire.

Un nouveau certificat sanitaire est nécessaire à l'importation. Les contrôles aux frontières sont réguliers et les lots refoulés sont détruits. Nous avons donc un bon dispositif de protection contre les maladies. Pourtant, l'apiculture connaît des problèmes de commercialisation et subit la concurrence des produits d'Europe de l'est ou de Chine. En outre, l'existence de miels de contrefaçon menace la sécurité du consommateur.

Nous serons très attentifs aux besoins de ce secteur très important comme activité principale ou secondaire.

M. Francis Delattre - Après le miel, les chevaux : la société hippique française est, depuis 130 ans, un auxiliaire fiable et reconnu du ministère de l'agriculture dans la valorisation des jeunes chevaux de sport. Elle est fort utile aux éleveurs, car la valeur d'un cheval de sport peut quadrupler selon ses performances.

Nous avons été agréablement surpris par les mesures prises par le précédent gouvernement, qui a attribué à l'ensemble de la filière le statut agricole, très intéressant fiscalement, notamment pour les clubs équestres. Mais l'autre volet de la modernisation de ce secteur éclaté et souvent divisé a été oublié : la création d'instances interprofessionnelles.

Certes la FIVAL a été créée, coiffée par un fonds de financement : l'EPERON. Depuis une dizaine d'années, nous nous efforçons d'apporter des moyens pérennes à ce secteur, en recourant notamment aux ressources du PMU, mais nous souhaiterions bénéficier aussi du même statut que France Galop ou France Trotteurs. Si ce fonds était une bonne idée, sont venus se greffer des partenaires qui n'ont rien à y faire. Pourquoi ne pas avoir pris comme pilier la SHF, dont les compétences sont reconnues et qui est la cheville ouvrière du ministère de l'agriculture ? Or, elle n'est même pas représentée au conseil d'administration de l'EPERON !

D'autre part, les moyens disponibles s'effondrent depuis des années. Les aides accordées à la SHF s'élevaient en 1995 à 1 400 francs par an et par cheval, contre 150 euros aujourd'hui. Or ces crédits ont des effets positifs sur toute la filière. Certes, vous m'avez indiqué par courrier que vous alliez augmenter de 50% la dotation de l'EPERON, mais cette hausse ne permet même pas de rattraper le niveau atteint en 1995.

Comment financerons-nous donc les nouveaux projets - création d'un circuit amateur pour le cheval de loisirs, organisation d'un circuit européen de valorisation et d'événements régionaux ? Toutes ces manifestations rencontrent pourtant un vif succès : le rassemblement interrégional de Cluny auquel j'assistais en juin a réuni 4 000 spectateurs, alors qu'il y a en avait 50 au stade de football !

Il conviendrait donc d'accorder l'autonomie financière à la SHF et de conclure avec elle des partenariats - elle travaille déjà avec vos directions ! Allez-vous pérenniser le soutien à cette structure qui a fait ses preuves et qui pourrait constituer le pilier d'une interprofession ? Les sociétés de race y sont prêtes.

M. le Ministre - J'avais préparé une longue et ennuyeuse réponse technique, mais je vous propose plutôt de nous rencontrer pour faire le point sur la situation. J'ai bien compris vos insatisfactions s'agissant de l'organisation actuelle de ce secteur et de nos orientations.

Cette filière présente un réel intérêt économique, mais aussi éducatif, tant l'intérêt pour le cheval est grand chez les jeunes. Voyons ensemble comment répondre à vos préoccupations.

M. Yannick Favennec - Ma question porte sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur et qui touche spécialement mon département de la Mayenne : l'enseignement agricole privé, qui scolarise une très grande majorité des élèves qui choisissent cette voie.

Cette filière subit depuis des années des réductions de crédits qui mettent en péril son activité. Grâce à des amendements, les maisons familiales rurales devraient recevoir un abondement complémentaire de huit millions, mais d'importantes restrictions budgétaires vont affecter l'enseignement à temps plein.

Des classes vont devoir fermer bien que les effectifs augmentent. L'enseignement agricole privé peut pourtant être fier du taux d'insertion des jeunes diplômés, qui résulte d'une parfaite adéquation entre la formation dispensée et les besoins des professionnels.

Comment la pénurie sera-t-elle gérée ? Et comment améliorer le statut précaire de 50% des enseignants de la catégorie 3, qui ne bénéficient ni de salaires satisfaisants ni de perspectives de carrière ? La loi du 31 décembre 1984 n'étant pas appliquée, qu'en est-il du reclassement des maîtres ?

Monsieur le ministre, donnerez-vous à l'enseignement agricole privé les moyens dont il a besoin pour remplir sa mission, si importante pour nos jeunes, pour nos territoires ruraux et pour le monde agricole ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Ministre - Vous avez raison d'insister sur le rôle des différents acteurs de l'enseignement agricole. Nous devons traiter le public et le privé de façon équitable en accordant à l'enseignement technique privé des dotations honorant nos engagements contractuels et lui permettant de poursuivre sa contribution éducative.

Il est vrai que de fortes contraintes budgétaires pèsent sur la rentrée 2006. Les maisons familiales rurales, où de nombreux jeunes acquièrent une efficace formation professionnelle, bénéficieront d'une dotation complémentaire.

Mais une réflexion devra être menée de façon à éviter que les suppressions d'emplois prévues pour 2006 conduisent à des fermetures de classes. La situation budgétaire est délicate, mais nous maintiendrons l'ensemble des établissements et des classes. Nous réfléchirons également au reclassement des maîtres que vous avez évoqué. Enfin, je reste à votre disposition pour tout problème touchant particulièrement votre département, Monsieur Favennec.

M. Alain Ferry - Dans quelques semaines s'ouvriront les négociations de l'OMC à Hong-Kong. Une des priorités françaises est de protéger les indications géographiques et les appellations d'origine. Mais donnerez-vous des moyens suffisants à l'Institut national des appellations d'origine, dont les compétences ont été étendues par la loi d'orientation agricole ?

En effet, ses crédits diminuent par rapport à 2005 et ne couvriront pas les dépenses de personnel. En outre, ses recettes professionnelles diminuent sous l'effet du gel des prestations et de la maîtrise des rendements. Nous souhaitons donc un accroissement de l'effort public en 2006 sous la forme d'une dotation exceptionnelle qui permettrait de reconnaître les efforts consentis par les viticulteurs.

Pouvez-vous vous engager, Monsieur le ministre, à redéployer les moyens au sein de votre ministère afin de tenir compte de cette situation exceptionnelle ?

Par ailleurs, le projet d'accord sur le vin entre l'Union européenne et les Etats-Unis, sur lequel vous devrez vous prononcer en décembre, affaiblit la protection de nos appellations d'origine. Pour la première fois, l'Union reconnaîtrait le droit à nos concurrents d'usurper le nom de certaines de nos appellations d'origine. De nombreux collègues se sont déjà émus de la portée de ces dispositions sur les semi génériques, dont je souhaite le retrait.

M. le Ministre - Nous allons en effet élargir les missions de l'INAO, par la loi d'orientation agricole, pour en faire véritablement l'Institut national des appellations d'origine et de la qualité, et nous lui donnerons des moyens supplémentaires grâce à des redéploiements internes.

S'agissant de cet accord sur le vin, nous l'avons signé en échange de l'engagement des Etats-Unis de ne pas retirer de certifications, ce qui aurait eu des conséquences désastreuses pour nos exportations vers les Etats-Unis qui représentent plus de 1,5 milliard. Après vingt ans de négociations, l'Union Européenne a accepté cet accord par lequel les Etats-Unis s'engagent à ne pas prendre de mesures de rétorsion et à retirer certaines appellations génériques - Chablis, Sauternes, etc... - qu'ils utilisent à mauvais escient.

Nous avons un délai de 90 jours avant de ratifier cet accord, pendant lequel l'Union vérifie que les Etats-Unis respectent leurs engagements.

Je reconnais que cet accord n'est pas formidable, mais au moins ne prenons-nous pas de risque économique. L'Union en a certes conclu un bien meilleur avec l'Australie, mais le contexte était différent.

M. Victorin Lurel - Je m'associe aux propos de mes prédécesseurs, notamment de M. Manscour, sur la crise structurelle que traverse depuis trop longtemps l'agriculture d'outre-mer.

Permettez-moi d'insister à mon tour sur la nécessité d'une loi d'orientation agricole propre à l'outre-mer afin notamment de tenir compte de notre climat - nous sommes un pays sans hiver.... Je vous demande, Monsieur le ministre, de montrer plus de détermination en la matière.

S'agissant de la production de bananes, je vous remercie de vos réponses. Vous avez indiqué qu'un mémorandum avait précisé le régime compensatoire, mais je souhaiterais que vous répondiez sur le régime d'importation des bananes dollars en Europe. L'OMC a rejeté la proposition de la Commission - 187 euros par tonne de bananes importées en Europe - mais celle-ci était déjà désastreuse pour l'avenir de la production européenne !

Je suis à la tête du comité de défense et de promotion de la banane antillaise, et la région Guadeloupe, que je préside, consent des efforts financiers importants pour soutenir la production de bananes. Quel niveau tarifaire proposez-vous ? Allez-vous enfin retenir ma proposition pour exonérer de charges patronales de sécurité sociale les exploitations de bananes de plus de 10 hectares réels ?

Pour ce qui est de la filière de la canne à sucre, cela fait déjà deux ans que nous n'avons pu récolter toute notre production, et le Gouvernement n'a pas indemnisé les agriculteurs. Cette année encore, 50 000 tonnes de cannes n'ont pas été récoltées faute de moyens. La région Guadeloupe, une fois de plus, a indemnisé à hauteur de 500 000 à 600 000 euros. Vous devez maintenant accélérer les procédures d'indemnisation.

Il y a quelques années, vous avez décidé d'un quota de sucre, et nous souhaiterions que ce quota soit réservé à la Guadeloupe, en accordant une attention particulière à l'unité de Gardel.

Pourriez-vous par ailleurs respecter votre engagement d'élaborer un plan de redressement de l'ODEADOM ?

Enfin, s'agissant de la sécurité alimentaire, le préfet a pris un arrêté pour interdire la production de tubercules sur certaines parcelles, sans qu'aucune indemnisation n'ait été accordée. La panique s'est emparée de la population, et les écologistes et les associations ne cessent de porter plainte. C'est vrai que l'Etat est responsable car il a permis pendant treize ans l'utilisation de pesticides pourtant interdits en métropole. On a empoisonné les sols ! Il faut agir vite.

M. le Ministre - C'est vrai qu'il faut faire jouer la solidarité nationale sur ce point.

Nous avons maintenu la dotation de l'ODEADOM, et je suis favorable à ce que nous décidions de mesures particulières pour l'outre-mer.

Pour ce qui est de la production de bananes, nous allons travailler avec la Commission pour proposer une troisième offre à l'OMC avant le 1er janvier 2006, mais je ne veux pas trop m'avancer sur les conditions tarifaires.

Je rappelle qu'un conseil des ministres européen se tiendra la semaine prochaine, et que nous y défendrons les intérêts de nos planteurs de cannes à sucre, mais aussi ceux de nos betteraviers et des pays ACP avec lesquels nous avons des accords historiques - je me rendrai d'ailleurs prochainement sur l'île Maurice.

Vous savez, de surcroît, que l'Etat aide financièrement la Guadeloupe, la Réunion et la Martinique en application de conventions pluriannuelles, pour soutenir le revenu des planteurs grâce au versement d'une aide économique à la tonne de canne produite. Les conventions quinquennales signées en 2001 à la Réunion et en 2002 en Guadeloupe représentent un effort supplémentaire de l'Etat de plus de 2% sur la période 2001-2006.

Par ailleurs, nous devons conforter durablement la situation industrielle et financière des deux usines guadeloupéennes de Gardel et Marie Galante. Près de 62 millions ont été accordés à la filière en 2005, dont plus des deux tiers auront bénéficié aux planteurs de canne.

Dans ces négociations de l'OCM sucre, la situation des planteurs d'outre-mer est au cœur de nos préoccupations, et mon directeur-adjoint de cabinet se rendra cet après-midi à Bruxelles pour insister auprès de la Commission sur la situation particulière des ultra-marins.

M. Jean-Paul Chanteguet - La loi sur le développement des territoires ruraux de 2005 a proclamé que la préservation et la gestion durable des zones humides sont d'intérêt général. Les grandes zones humides agricoles françaises couvrent environ un million d'hectares, dont la moitié est exploitée en prairie naturelle.

Malgré la mise en place de divers dispositifs dans les années 1990, les zones humides sont aujourd'hui menacées. Dans quelques mois, certaines zones humides bénéficieront d'une exonération totale ou partielle de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, mais ce n'est pas suffisant.

Le moment semble venu de profiter des négociations en cours sur le deuxième pilier de la PAC pour envisager une indemnité spécifique aux zones humides, sur le modèle de l'indemnité compensatoire de handicap naturel, et dont il existe déjà un exemple dans votre région, le Marais Poitevin, depuis 2003.

M. le Ministre - C'est vrai que nous menons cette expérimentation sur les départements des Deux-Sèvres et de la Charente-Maritime, et votre proposition est pertinente.

Le principe en a été discuté lors de l'examen de la loi d'orientation à travers deux amendements, l'un déposé par M. Jean-Louis Léonard à l'Assemblée nationale et l'autre par M. Michel Doublet au Sénat. Il convient maintenant de le définir, de l'adapter spécifiquement au marais et d' en évaluer le coût. Ce sera le cas dès l'an prochain, et votre contribution sera la bienvenue, Monsieur Chanteguet.

M. Jean Gaubert, suppléant M. Kléber Mesquida - Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Mesquida.

Je prends acte avec beaucoup d'intérêt des propos que vous avez tenus à Mme Lebranchu, Monsieur le ministre, concernant les problèmes relatifs à la production et à la collecte de lait. Si vous souhaitez créer un groupe de travail, c'est avec plaisir que nous y participerons.

La viticulture, en Languedoc-Roussillon, traverse la crise la plus grave de ces dernières décennies. Malgré la faible récolte régionale - moins de 16 millions d'hectolitres - et un millésime de qualité, les cours sont au plus bas avec des prix très éloignés des prix de revient qui ne permettent pas aux vignerons de faire face à leurs charges d'exploitation et de vinification. De nombreux exploitants sont menacés de dépôt de bilan, de la saisie de leurs vignes et de leurs biens. Plusieurs caves ont diminué de 30  à 50% les mensualités qui leur sont versées. Quelles mesures proposez-vous afin d'intervenir en aval de la filière ? Les vignerons ne demandent pas l'aumône mais veulent vivre dignement de leur métier.

Par ailleurs, 10 500 hectares en reconversion ont été replantés, ce qui induit un besoin de financement de 121,23 millions alors que le budget du FEOGA prévu pour cette campagne est de 96,7 millions. A la fin du mois de novembre, 35 millions devraient être payés. Dans quel délai seront payés les 86 millions restant alors que le contrôle de 50% des 10 500 hectares replantés n'a pas été assuré ? La France a été incapable de mobiliser complètement les fonds européens affectés à la restructuration du vignoble, or, on annonce aux viticulteurs qui replantent qu'ils ne pourront percevoir la prime que dans deux ans. Celle-ci, en outre, pourrait être réduite de 38%, ce qui est inacceptable. Quelle mesures comptez-vous prendre pour accélérer le paiement des aides 2004-2005 et pour maintenir les règles pour 2005-2006 ? La désespérance des vignerons est grande, la colère monte : il faut agir très vite, avant que l'irréparable ne se produise.

M. le Ministre - Je vous prie de me transmettre par écrit la question de M. Mesquida afin que je puisse lui répondre très précisément.

La restructuration du vignoble constitue en effet un grave problème dans cette région et nous nous devons d'aider les viticulteurs. Un gros effort a d'ores et déjà été accompli, vous l'avez rappelé, et nous avons pris de nouveaux engagements qui devraient leur permettre d'avoir une année moins difficile.

Les dépenses de restructuration excèdent l'enveloppe accordée car nous sommes d'une part confrontés à un engouement de plus en plus grand des professionnels pour les zones d'appellation - elles permettent de réduire les coûts d'investissements et de mieux s'adapter au marché - et d'autre part, les montants moyens d'aide à l'hectare ont fortement augmenté suite à la sous-consommation des enveloppes des deux premières campagnes. Les demandes enregistrées par l'ONIVIN pour 2005 et 2006 portent sur 146 millions contre 120 millions l'an dernier, et l'enveloppe 2005-2006 sera insuffisante pour payer l'intégralité des engagements pris au titre de la campagne. Nous nous servirons donc de l'enveloppe de 106 millions pour 2006-2007 de manière à finir de payer les engagements de 2004-2005 et à commencer à payer les engagements de 2005-2006. Il importe manifestement de réviser les critères d'attribution de l'aide, ce à quoi je m'emploierai dans les meilleurs délais.

Nous nous efforcerons, avec les collectivités territoriales, de préparer un avenir meilleur pour ce vignoble.

M. Daniel Garrigue - En matière de retraite agricole, de nombreuses mesures ont été prises depuis 1994, principalement pour les chefs d'exploitation, et ce n'était que justice. Beaucoup reste cependant à faire, notamment pour les femmes et les polypensionnés, je pense en particulier au problème des minorations.

M. Alain Néri - L'amendement Vasseur !

M. Daniel Garrigue - Un groupe de travail avait été créé par M. Gaymard, associant la MSA, la FNSEA et une délégation de l'association nationale des retraités agricoles présidée par M. Drapeyrou. Il a rendu ses conclusions en juillet 2004 qui évaluent les besoins à 300 millions. Dans le prolongement des initiatives prises à l'Assemblée nationale avec MM. Censi, Le Fur, Cousin, Mazouaud et d'autres encore, vous avez accepté au Sénat, Monsieur le ministre, deux amendements de MM. Mortemousque et César qui prévoient des mesures nouvelles pour les femmes ayant cessé leur activité pour élever leurs enfants ainsi que pour les aides familiaux, dont les années de formation n'étaient pas prises en compte.

Quid, donc, de la situation des femmes, qu'elles soient conjointes, veuves ou anciennes aides familiales ? Quid des polypensionnés qui ont accompli toute leur carrière dans l'agriculture mais dont les droits sont fractionnés lorsqu'ils ont été successivement, par exemple, salariés agricoles, aides familiaux, conjoints puis chefs d'exploitation ? Est-il possible de répondre rapidement à leurs attentes ?

M. le Ministre - Nous savons tous combien la situation de la sécurité sociale agricole est délicate. Les déficits doivent être résorbés : il s'agit d'une priorité gouvernementale. La majorité a bien travaillé en mettant en place la mensualisation ainsi que la retraite complémentaire obligatoire. Ce sont-là des mesures importantes.

M. Alain Néri - Votées par vos prédécesseurs !

M. le Ministre - Mais vous ne les aviez pas financées !

Comme vous l'avez rappelé, Monsieur Garrigue, nous avons pris une mesure importante pour les polypensionnés puisqu'elle se chiffre à 20 millions. Le groupe de travail poursuivra son action et le président Méhaignerie m'a demandé de vous désigner, Monsieur Garrigue, ainsi que M. Censi, président du conseil de surveillance du FFIPSA, pour évaluer les mesures supplémentaires que nous pourrions prendre. Je compte sur vous !

M. Thierry Mariani - J'ai l'heureux privilège de compter dans ma circonscription une maison familiale et rurale à Richeranche, un établissement d'enseignement agricole privé sous contrat à Valréas et un lycée vitivinicole, fleuron de la viticulture, à Orange. Je suis très satisfait qu'à l'occasion de l'examen des crédits relatifs à l'enseignement scolaire notre Assemblée ait reconnu l'utilité et l'efficacité de l'enseignement en alternance dispensé par les MFR en adoptant une enveloppe de 177,4 millions. Je compte néanmoins sur vous, Monsieur le ministre, pour que la situation de l'ensemble de l'enseignement agricole technique soit rééquilibrée. J'espère en particulier qu'une solution sera trouvée pour l'enseignement privé agricole sous contrat et pour l'enseignement agricole public.

La situation du lycée viticole d'Orange mérite un examen particulier puisque la fermeture de la classe de quatrième de l'enseignement agricole est annoncée pour la rentrée de 2006. Une telle suppression aurait des répercussions inacceptables compte tenu du travail spécifique effectué par l'équipe pédagogique mais aussi de la difficulté, pour les familles concernées, de trouver une structure adaptée aux enfants. Cet enseignement joue en effet un grand rôle en faveur de l'insertion sociale et offre souvent une deuxième chance aux élèves. Les résultats sont là : entre 60% et 70% des élèves restent dans la filière agricole, visant un CAP ou un BEP, et 40% d'entre eux présentent un bac professionnel agricole. Comme me le rappelait récemment le président du Syndicat des vignerons des Côtes du Rhône, cet établissement se doit d'accueillir tous ceux qui envisagent une carrière dans la viticulture, aussi doit-il continuer à accueillir dans cette classe de quatrième les élèves qui souhaitent concrétiser un projet personnel dans un contexte mieux adapté à leurs besoins. Pouvez-vous rassurer les familles, les équipes pédagogiques et les instances professionnelles ?

M. le Ministre - Le Gouvernement est à votre écoute, Monsieur Mariani, tant vous avez appelé à plusieurs reprises son attention sur les difficultés de la filière des fruits et légumes, je pense en particulier à la sharka, dans votre département.

Nous souhaitons en effet conforter les MFR, dont l'enseignement est de grande qualité, et nous défendrons un amendement en ce sens. L'enseignement agricole est néanmoins un ensemble : les secteurs public et privé ont en la matière une mission essentielle. Concernant le lycée d'Orange, le projet de fermeture de classe de quatrième n'a pas été retenu.

M. Gilbert Meyer - La hausse constante du coût de l'énergie doit nous inciter à mener une politique volontariste d'économies d'énergie et à développer les énergies renouvelables. L'exploitation de céréales, maïs ou blé, en tant que combustibles de chauffage pourrait dans ce cadre offrir une piste intéressante. Elle ne nécessite qu'une simple transformation des chaudières. D'ailleurs, il y a déjà en France et à l'étranger de grandes exploitations qui se chauffent ainsi.

Pourrait-on donc envisager une utilisation plus courante de ce mode de chauffage et lancer une grande campagne d'information à ce sujet ?

M. le Ministre - Le Gouvernement a annoncé, vous le savez, un effort sans précédent sur les biocarburants, avec un objectif de 5,75% d'incorporation dès 2008. Une table ronde avec l'ensemble des professionnels concernés doit avoir lieu le 21.

L'utilisation des céréales pour produire de l'énergie est déjà une réalité puisque 20 000 hectares de blé ont été affectés cette année à la production d'éthanol-carburant. A l'horizon 2008, il faudra arriver à 300 000 hectares - de blé ou de maïs - si nous voulons atteindre l'objectif fixé. Elles peuvent également être utilisées, ainsi que vous le rappelez, pour produire de la chaleur. La création d'au moins trois unités industrielles devrait favoriser l'émergence d'une filière de l'éthanol compétitive.

Un coordonnateur interministériel chargé de la biomasse a été nommé. Nous allons travailler avec lui à la valorisation énergétique des céréales.

M. Germinal Peiro - Après une première revalorisation des retraites agricoles en 1994, c'est sous le Gouvernement de Lionel Jospin qu'a été adopté un plan quinquennal de revalorisation, qui a permis de porter la retraite de base des chefs d'exploitation et des veuves au niveau du minimum vieillesse, ce qui a représenté une hausse de 29% en cinq ans pour les premiers, de 49% pour les veuves et de 79% pour les aides familiaux et les conjoints. Cette revalorisation a nécessité un engagement financier important : 1 milliard en 1998, 1,6 milliard en 1999, 2,2 milliards en 2002.

A la suite de ce plan, une loi sur le régime complémentaire obligatoire, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur, a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée comme au Sénat.

Malheureusement, cette marche en avant a été interrompue par le changement de gouvernement, puisqu'en dehors de la mise en place de la retraite complémentaire obligatoire et de la mensualisation, rien n'a été fait. Les chiffres sont éloquents : zéro pour cent de revalorisation des retraites en 2003, en 2004 et en 2005. Pourtant, les attentes sont fortes, en particulier de la part des conjoints, des veuves et des polypensionnés. D'où ma question : y aura-t-il, oui ou non, une revalorisation des retraites agricoles en 2006 ?

M. Alain Néri - Très bien.

M. le Ministre - Il ne s'agissait pas seulement de voter la mensualisation des retraites ou la réforme de la complémentaire obligatoire, il fallait aussi la financer. C'est ce que nous avons fait.

M. Alain Néri - Il fallait déjà la présenter !

M. le Ministre - Ce n'est pas le plus compliqué. Des propositions de loi, les parlementaires peuvent en faire beaucoup ! J'en ai moi-même rédigé des centaines.

La participation financière de l'Etat s'élève à 145 millions, ce qui représente un effort important et permet d'apporter un complément de revenu de près de 1 000 euros par an à plus de 442 000 retraités.

Nous avons mis ensuite en œuvre la mensualisation des retraites et nous allons prendre une mesure en faveur des polypensionnés - elle a été adoptée par le Sénat, pour un coût de 20 millions et je pense qu'elle sera reprise en commission mixte paritaire.

Enfin, en fonction des propositions que feront prochainement MM. Garrigue et Censi, le Gouvernement présentera des nouvelles mesures pour tenir compte des besoins des retraités agricoles, car nous savons tous que leurs pensions sont trop faibles, en particulier celles des femmes. L'effort collectif sera donc poursuivi.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Je pose ma question pour M. Philippe-Armand Martin et j'y associe M. Mariani. L'Institut national des appellations d'origine, qui est le principal instrument de la priorité que constitue l'amélioration de la qualité, a vu ses missions s'étendre, sans que les moyens suivent toujours. Pour la première fois depuis sa création, la dotation de l'Etat en 2005 couvrira à peine les seules charges de personnel. La participation de la filière viticole ayant atteint récemment le plafond prévu par la loi, les professionnels des autres filières sont prêts à faire évoluer leur participation au budget de l'INAO, mais ils lient cette évolution à celle des pouvoirs publics.

Pour 2006, le projet de budget prévoit une dotation publique qui ne couvre même pas les charges de personnel et qui est même inférieure à celle de 2005. Et il ne prend pas du tout en compte la situation exceptionnelle à laquelle fait face l'INAO en 2006, du fait de la diminution des recettes professionnelles viticoles liée au gel des plantations et à la maîtrise des rendements. Il appartient pourtant à l'Etat d'une part de couvrir les charges de personnel de cet établissement public, d'autre part de compenser ces pertes de recettes, car on ne peut pas à la fois demander aux professionnels de geler les plantations et de diminuer les rendements, et de l'autre côté, de contribuer davantage à l'INAO.

J'aimerais donc savoir ce que le Gouvernement compte faire pour l'INAO.

M. le Ministre - C'est un sujet délicat et récurrent que celui du financement de l'INAO. La loi d'orientation agricole lui confie de nouvelles prérogatives, puisqu'il va gérer tous les labels de qualité. Mon intention est d'intégrer dans le calcul de la contribution de l'Etat à cet établissement le surcoût qui en résultera à partir du 1er janvier 2007, lequel est évalué à 540 000 euros.

En 2006, qui sera donc une année de transition, l'INAO risquait de ne pouvoir assumer la très forte baisse de ses recettes issues des droits viticoles. Nous allons régler ce problème par des économies de gestion au sein de l'Institut et grâce à une dotation exceptionnelle supplémentaire de l'Etat. Ces éléments ont été examinés favorablement par le conseil permanent de l'établissement, qui s'est réuni lundi. Je ne vous cache toutefois pas que je souhaite que ce gros effort de l'Etat soit complété par un relèvement modéré de la contribution des professionnels. Si nous voulons faire de l'INAO le grand institut de la qualité, il faut qu'il ait les moyens de travailler.

M. Jean-Charles Taugourdeau - Je regrette tout d'abord que les crédits de paiement du programme consacré à la forêt baissent de 5,5% et je souhaiterais, Monsieur le ministre, que vous fassiez, chaque fois que l'occasion s'en présentera, tout ce qui est en votre pouvoir pour renforcer ce programme, car qui dit forêt dit aussi toute la filière bois en aval, avec ses milliers d'emplois. Sans parler du gisement d'emplois non qualifiés qui pourraient être un vecteur d'insertion ou de réinsertion. Dans le cadre du service civil voulu par le Président de la République, on pourrait aussi faire participer des volontaires à la protection des forêts contre les incendies.

Lors de l'examen de la loi d'orientation agricole, j'avais défendu un amendement tendant à ce que l'on favorise les emballages en bois pour la commercialisation des fruits et légumes. Je souhaiterais au moins que les emballages d'origine pétrolière ne puissent pas se substituer aux emballages en bois actuels, qui présentent en plus l'avantage d'être recyclés en bois-énergie. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - Monsieur, votre prise de position constante en faveur de la forêt vous honore. Chacun sait ici combien les forêts, après des siècles de déforestation, progressent plus encore en France que dans les autres pays d'Europe, et ce, sans parler de la forêt guyanaise indispensable à l'équilibre du carbone dans le monde.

La baisse des crédits de paiement que vous déplorez n'est qu'apparente : elle cache des moyens communautaires supplémentaires et l'attribution de crédits relevant du ministère de l'intérieur. Vous soulignez, à juste titre, l'importance de la filière bois énergie. De nombreuses collectivités ont commencé à chauffer mairie, école, foyer de personnes âgées, installations sportives avec des chaudières à bois et elles seront soutenues dans cet effort par une disposition figurant dans loi d'orientation agricole - reste à adopter définitivement cette dernière -, qui leur permettra de bénéficier d'un taux réduit de TVA. Nous devrons d'ailleurs veiller à ce que notre industrie puisse alimenter la demande en bois énergie en temps et en heure. J'ai bien noté votre suggestion sur les emballages. Quant à votre proposition sur le service civil, elle est intéressante et je propose que nous en reparlions ensemble.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Deux questions concernant l'agriculture de montage.

Tout d'abord, le traitement fiscal des aides sécheresse 2004 et 2005 à venir. Si ces aides - signes de la solidarité nationale en faveur d'un secteur d'activité ayant subi des dommages exceptionnels - devaient être prises en compte dans la définition des recettes de l'exploitation, elles pourraient conduire certains agriculteurs à changer de régime fiscal. Conscient de l'impact financier que représente le passage au régime réel pour les petites et moyennes exploitations de montagne, M. Lambert, en 2003, avait décidé de ne pas prendre en compte ces aides sécheresse dans les revenus des agriculteurs. Pouvez-vous vous engager à faire de même pour les aides sécheresse 2004 et 2005 ?

Ensuite, les difficultés financières rencontrées par certaines chambres d'agriculture. En Lozère, la taxe pour frais de chambre d'agriculture, la TFCA, ne représente que 20% du budget de cet établissement contre 48% en moyenne nationale. Nous sommes le dernier département de France en valeur ajoutée avec 932 368 euros en 2005 pour 2 922 902 euros en moyenne nationale, et ce malgré plusieurs dérogations obtenues pour son augmentation. Du reste, la situation de ces « petites chambres » est aggravée par la baisse des subventions FEOGA et le retard de paiement de certaines aides. Aujourd'hui, certaines structures ne peuvent plus remplir leurs missions essentielles de formation, de conseil, de promotion, de mise en œuvre des politiques publiques mais également de recherche et de développement. De plus, elles doivent entretenir une relation de proximité avec les territoires, les agriculteurs et les collectivités territoriales. Il serait donc souhaitable d'élaborer un plan sur quatre ans, à compter de 2006, permettant aux « petites chambres » de voter librement les taux d'accroissement de la TFCA et créant un fonds de péréquation destiné à corriger les écarts de ressources entre chambres d'agriculture. J'insiste sur le caractère urgent de cette démarche qui, avec le paiement prochain des subventions FNADT accordées pour les années 2003 et 2004, devrait servir au mieux les intérêts de la profession agricole.

M. le Ministre - Conscient de la situation difficile des exploitants touchés par la sécheresse, je vais demander confirmation par écrit au ministre des finances du renouvellement de cette mesure que vous réclamez. Par ailleurs, j'ai demandé, comme en 2003, l'application de la procédure de dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, prévue à l'article 1398 du code général des impôts, pour les parcelles sinistrées par la sécheresse.

Par ailleurs, concernant les problèmes de financement des « petites » chambres d'agriculture, nous avons rencontré ensemble le président de la chambre de Lozère. Certains départements souffrent, il est vrai, d'une insuffisance structurelle du produit de la TFCA au regard des charges assumées par la chambre d'agriculture qui s'explique par une assiette, plus faible qu'ailleurs, des mécanismes de dérogations au taux plafond insuffisant pour porter le produit de cette taxe à hauteur des besoins et l'impossibilité d'augmenter la TFCA dans ces départements souvent en zones défavorisée.

C'est pourquoi j'ai chargé le conseil général du génie rural, des eaux et des forêts de travailler à un nouveau mécanisme de péréquation du produit de la taxe entre départements. Nous testerons ensemble la proposition qui me sera faite sur l'exemple lozérien.

M. Jacques Remiller - Monsieur le ministre, la filière cheval, avec 50 races d'équidés reconnues, 900 000 animaux - chevaux, poneys et ânes...

M. François Rochebloine - Des ânes, pour sûr, il y en a !

M. Jacques Remiller - ...-, 500 000 licenciés à la fédération française d'équitation et 61 000 emplois, présente un réel potentiel de développement. Quelles seront les modalités de mise en place du fonds d'encouragement aux projets équestres régionaux ou nationaux, dit fonds EPERON ?

En outre, je m'associe à la question posée par M. Eric Besson car l'Isère, comme la Drôme, est un département arboricole touché par la sharka. Le rapport Derrien, avant qu'il ne vous soit remis, a d'ailleurs été présenté dans ma circonscription, à Bougé-Chambalud. Par ailleurs, les difficultés de la filière fruits et légumes sont bien réelles car à la grêle et au gel s'ajoute la mévente !

M. le Ministre - En tant qu'élu de Poitou-Charentes, je suis très sensible aux ânes car ils sont l'une de nos particularités locales même si comme disent nos paysans « il en passe plus qu'il n'en reste » ! (Rires.)

M. François Rochebloine - Le renouvellement des générations est assuré !

M. le Ministre - Nous devons préciser les conditions d'attribution des financements EPERON, fonds pour lequel sont prévus 9 millions, et mieux adapter notre gestion aux besoins de la filière.

Concernant la sharka, nous sommes en train d'appliquer le rapport Derrien. Je reconnais bien volontiers que la somme de 200 000 euros est insuffisante. Quant à la crise des fruits et légumes, j'ai rappelé le déblocage de 15 000 euros le 21 octobre pour aider la filière, en sus d'aides de restructuration. Dans cette affaire - c'est particulièrement vrai pour la pomme -, la Commission européenne n'a pas déclenché à temps le contrôle des importations ni fait jouer la clause de sauvegarde. J'ai donc saisi la commissaire sur ces points. J'aurai l'occasion d'en reparler avec les professionnels de l'Isère lors d'une prochaine visite.

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales

ÉTAT B

M. le Ministre - L'amendement 613 tend à augmenter de 15,5 millions la dotation des maisons familiales et rurales, les MFR, conformément au vœu de la représentation nationale. Lors de l'examen des crédits de la mission « enseignement scolaire », vous avez adopté un premier amendement afin de dégager 8 millions pour les MFR. Ce deuxième amendement tend à prélever 7,5 millions sur la mission « agriculture » pour atteindre la somme de 15,5 millions. Je vous présenterai un troisième amendement en seconde délibération permettant d'augmenter à due concurrence les crédits du programme « enseignement technique agricole ». Dès maintenant, je vous indique que le ministère se réserve la possibilité de revoir la répartition des crédits entre les programmes qu'il gère après ce prélèvement de 7,5 millions et, si nécessaire, de présenter un amendement lors de l'examen du budget au Sénat.

L'abondement de 15,5 millions de la dotation des MFR est un signe de reconnaissance de l'excellent travail mené sur le terrain par ces structures (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Ces maisons accueillent des jeunes qui, sans elles, seraient déscolarisés et n'auraient pas d'avenir. Au fil des années, elles ont diversifié leur offre en s'adaptant aux nouveaux métiers de l'accueil, des services et de la jardinerie. Gérées par des professionnels, elles permettent un enseignement en alternance de qualité. Elles méritaient assurément des moyens supplémentaires !

M. Alain Marleix, rapporteur spécial de la commission des finances - La commission des finances n'a pas examiné cet amendement, mais elle y aurait été très favorable car il reprend l'une de ses propositions. Le partage des 15,5 millions entre le ministère de l'agriculture et celui de l'enseignement me semble équitable. Il faudra veiller à ce que le Gouvernement nous présente le budget corrigé de la mission « enseignement scolaire » en seconde délibération et précise l'imputation de la réduction proposée avant l'examen du budget au Sénat.

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis - Nous vous invitons également à adopter cet amendement, à l'initiative duquel se trouvent le groupe UMP et son président, M. Accoyer. Nous serons attentifs à ce que le rééquilibrage se produise au profit de la mission « enseignement technique et agricole », car si nous nous soucions des maisons familiales rurales, cela ne signifie pas pour autant que nous oublions le reste. J'ai vu M. Forissier, alors secrétaire d'Etat à l'agriculture, prendre ce dossier à bras-le-corps et je souhaite que cette mobilisation continue.

M. François Rochebloine - Tout d'abord, je vous remercie, Monsieur le ministre, de tenir les engagements que vous avez pris cette nuit. Cela dit, notre excellent rapporteur a cité le groupe UMP, il aurait pu aussi mentionner le groupe UDF ! Mais personne ne cherche à s'approprier quoi que ce soit. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF) Les groupes parlementaires se sont réunis, ont travaillé ensemble sur ce dossier et ont reçu un très bon accueil au ministère. Ce qui compte aujourd'hui, c'est la satisfaction des maisons familiales rurales.

Mais permettez-moi de revenir sur l'amputation de 30% des crédits du centre pédagogique national des MFR, contraire aux engagements signés en 2004. Les responsables ont fait des propositions constructives, acceptant une réduction de 10% pour 2005, de 15% pour 2006 et de 20% pour 2007. Vous avez annoncé que vous y réfléchiriez. Nous comptons sur votre détermination et ne doutons pas de parvenir à une solution. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme la Présidente - Sur l'amendement 613, je suis saisie par les groupes UMP et UDF d'une demande de scrutin public.

M. Jean Gaubert - Nous avons tous alerté le Gouvernement sur la situation des MFR : nous ne pouvons donc être que satisfaits par cet amendement. Cela dit, j'ai bien peur que les craintes que j'ai exprimées hier soient fondées : en retirant 7,5 millions du programme « gestion durable de l'agriculture, de la pêche et du développement rural », cet amendement déshabille Pierre pour habiller Paul. Nous souhaiterions avoir des éclaircissements sur cette présentation quelque peu cavalière. Pour autant, nous voterons cet amendement.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Monsieur le ministre, vous respectez l'accord passé entre votre ministère et les organismes responsables. Conscient des efforts déployés par votre ministère, je tiens à vous en remercier. J'ai moi-même présidé la maison familiale rurale de Javols : je peux vous assurer de la qualité de la formation qui y est dispensée et de l'importance qu'une telle structure peut revêtir pour certains enfants et leur famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

A l'unanimité des 42 voix sur 42 votants et 42 suffrages exprimés, l'amendement 613 est adopté.

M. le Rapporteur spécial - Les indemnités compensatrices de handicap naturel permettent de restreindre les surcoûts d'exploitation liés à l'altitude et constituent un complément de revenu indispensable. M. Gaymard s'était engagé en 2003 à revaloriser de 50% les ICHN sur les 25 premiers hectares au profit des exploitations de taille modeste. Mais après deux exercices en augmentation, le projet de budget pour 2006 marque une pause, malgré la volonté affirmée par le Président de la République, lors de son discours de Murat, de soutenir cette revalorisation sur la durée de la législature. L'amendement 39 rectifié tend donc à majorer de 16 millions en autorisations d'engagement et de 15,424 millions en crédits de paiement le programme « gestion durable de l'agriculture, de la pêche et du développement rural » mais si le Gouvernement prend l'engagement de revaloriser les ICHN jusqu'en 2007, je suis prêt à le retirer.

M. le Ministre - Je confirme que les ICHN ont fait l'objet de revalorisations successives depuis le début de la législature : le montant total des crédits est ainsi passé de 430 millions à 510 millions, alors même que le nombre d'exploitants diminuait. En trois ans, le montant moyen des ICHN a ainsi été revalorisé de près de 30%. Par ailleurs, le projet de budget consacre une hausse de cette dotation de 7 millions.

Votre amendement, qui propose de porter le complément d'indemnisation des 25 premiers hectares à 40%, pose deux difficultés : il coûte 25 millions et nécessite une négociation avec la Commission européenne. Je serais heureux que vous puissiez le retirer et m'engage en retour à poursuivre la revalorisation de l'ICHN dans le cadre de la nouvelle programmation 2007-2013 et, pour ce faire, à obtenir un nouvel accord de Bruxelles.

M. Philippe Folliot - J'ai posé au nom du groupe UDF une question sur la valorisation des ICHN et M. Sauvadet est intervenu dans ce sens lors de la discussion générale. Cet amendement fournit une bonne solution à un problème important. S'il y avait lieu, le groupe UDF le voterait car la solidarité vis-à-vis des territoires de montagne est essentielle. Toutefois, nous prenons acte, Monsieur le ministre, de vos engagements et nous nous en remettons à la sagesse de M. le rapporteur.

M. Jean Gaubert - Qui n'adhérerait pas à cette idée ? Mais je suis plus dubitatif lorsque j'observe de près cet amendement : ce sont les dépenses de personnel du ministère de l'agriculture qui sont ponctionnées pour permettre cette augmentation de crédits. Je ne pense pas que vous ayez donné un accord en ce sens, Monsieur le ministre. Que je sache, la France ne s'apprête pas, comme le font certains régimes africains, à cesser de rémunérer ses fonctionnaires en fin d'année ! (Protestations sur les bancs du groupe UDF) Là est bien la limite de l'exercice qui nous est proposé.

Six millions seraient ainsi prélevés sur le programme « valorisation des produits, orientation et régulation des marchés », dont les crédits, déjà insuffisants, sont de surcroît en diminution ! Où est la volonté de valorisation des produits agricoles, qui se manifestait encore récemment sur tous ces bancs ? Je m'étonne que le rapporteur spécial ait choisi d'aller puiser dans cette ligne-là.

M. le Rapporteur spécial - Je m'étonne de votre étonnement ! Je n'ai fait qu'utiliser mon pouvoir de rapporteur spécial de la commission des finances tel qu'il est précisé dans la LOLF. J'ai naturellement proposé des économies pour retrouver ces 15 millions sur le fonctionnement des offices - et la commission des finances s'accorde unanimement sur la nécessité de faire ces économies.

Quoi qu'il en soit, je retire l'amendement et prends acte de l'engagement solennel du ministre, car je suis certain de sa détermination à obtenir de Bruxelles le feu vert nécessaire.

Mme la Présidente - Sur l'amendement 306, le groupe UDF demande un scrutin public.

M. Jean Dionis du Séjour - La LOLF a donné un peu de pouvoir à un Parlement qui en a bien besoin, tant le déséquilibre est grand entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif.

Nous pouvons désormais déposer des amendements pour abonder les crédits d'un programme en les prenant dans un autre. Le groupe UDF vous propose donc, par l'amendement 306, d'abonder le programme « gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural » de six millions pour les affecter à la politique de l'hydraulique, en diminuant d'autant le programme « conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » - une baisse modique : 1,5% sur 430 millions. Le ministère, compte tenu des départs en retraite par exemple, a sûrement la marge de manœuvre nécessaire pour faire cette économie ! Avec cet amendement, nous montrons combien nous sommes des « lolfeurs » certes débutants, mais respectueux des règles.

Cet amendement s'impose avant tout parce que ce budget - que nous voterons par ailleurs - n'a pas pris la mesure de l'enjeu de la maîtrise de l'eau. Le réchauffement climatique, la plus grande fréquence des épisodes de sécheresse, des régions jadis à l'abri et aujourd'hui sinistrées : ce ne sont pas là des craintes d'angoissé, mais la réalité climatique de la France, qui exige un bouleversement de nos comportements et de nos politiques de l'eau. L'augmentation de nos réserves en eau sera l'un des enjeux du prochain projet de loi sur l'eau. En l'absence d'obstacles juridiques, soyons au moins à la hauteur des enjeux pour l'hydraulique de proximité, les lacs collinaires et les petites retenues.

D'autre part, l'ensemble de la profession demande cet abondement : outre l'APCA, même la FNSEA et la coordination rurale ont émis un avis conforme ! Ce sont eux qui vivent la sécheresse : malgré leurs efforts pour mieux gérer l'eau, ils ne comprennent pas pourquoi l'Etat ne réagit pas à ce défi climatique majeur.

Troisièmement, Monsieur le ministre, vous avez détaillé le 14 septembre dernier, au congrès des maïsiculteurs, un programme décennal de création de retenues, cofinancé à hauteur de 20 millions par le budget 2006. Or, le compte n'y est pas ! Cet amendement vous aidera à tenir cet engagement raisonnable.

Quatrièmement, cet amendement sera bien vécu dans les régions traumatisées comme la vôtre, Monsieur le ministre. Avez-vous récemment observé la couleur de la terre dans l'Ouest ? Ces régions, traditionnellement à l'abri de tout déficit hydrique, sont aujourd'hui frappées de plein fouet par la sécheresse.

Cinquièmement, sur les cinq amendements à ce budget, deux viennent du Gouvernement, deux autres de nos éminents rapporteurs et un seul d'un député de base (Sourires). Monsieur le ministre, vous avez, à juste titre, la réputation d'aimer le Parlement, et la courtoisie comme la précision de vos réponses en attestent. Soutenez donc cet amendement raisonnable !

Enfin, je me tourne vers vous, chers collègues : alors que nous assistons généralement en sages spectateurs au grand spectacle budgétaire, la LOLF nous donne un peu d'oxygène et un peu de pouvoir : prenons-le !

M. le Rapporteur spécial - La commission des finances n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'y suis défavorable, car il propose une réduction trop importante des crédits du ministère. Les mesures en faveur de l'hydraulique agricole dépendent des agences de l'eau, et le projet de loi sur l'eau en apportera de nouvelles.

M. le Ministre - Votre diagnostic, Monsieur Dionis du Séjour, est excellent : nous souffrons en effet d'une sécheresse épouvantable, notamment dans l'Ouest atlantique où je l'ai vécue aux premières loges. Nous avons donc besoin de nouvelles retenues.

Ce programme, sur lequel les préfets feront le point dans leur département, sera doté de 20 millions. Mme Olin a précisé que les agences de bassin pourraient participer à ce financement : avec le ministère et les collectivités territoriales, nous pourront transformer les incantations en réalité. Vous êtes un interlocuteur habituel et sympathique du ministère de l'agriculture, mais vous voulez prendre des crédits à mes directions régionales qui n'en ont déjà pas beaucoup. Laissez-moi plutôt redéployer les quelques dizaines de millions d'euros dont ce programme d'1,5 milliard a besoin dans le cadre de la fongibilité, car je tiens à ce qu'avant l'été prochain les chantiers aient démarré.

C'est pourquoi, si je suis favorable à votre idée, je suis défavorable à votre amendement.

M. Henri Nayrou - Le groupe socialiste est d'accord avec l'idée de M. Dionis du Séjour, mais s'abstiendra de voter l'amendement, car on ne peut pas prélever les six millions nécessaires aux subventions pour les retenues collinaires sur les frais de personnel du ministère.

Il y a presque un an, j'avais d'ailleurs posé une question au Gouvernement concernant une politique de gestion des ressources en eau digne de ce nom. Outre les retenues collinaires, je demandais de grandes retenues d'eau pour réguler cette ressource selon un principe ancestral : il faut retenir l'eau quand elle tombe du ciel et la restituer lorsqu'on en a besoin. Les millions de mètres cubes que l'on peut retenir en amont pourraient alimenter les retenues intégrées dans la vallée.

Nous sommes donc favorables à la demande de M. Dionis du Séjour, mais pas à l'amputation des crédits du ministère. Vous vous honoreriez, Monsieur le ministre, en prenant ces fonds sur le budget global de l'Etat.

M. Jean Dionis du Séjour - Si M. le ministre proposait une affectation plus pertinente pour ces crédits, nous sous-amenderions l'amendement 306. L'essentiel, c'est l'urgence de la politique hydraulique.

A la majorité de 19 voix contre 7, sur 35 votants et 26 suffrages exprimés, l'amendement 306 n'est pas adopté.

M. le Rapporteur pour avis - L'amendement 227 a une vaste portée symbolique, car il vise à doter le FICIA à hauteur de l'engagement du Gouvernement, soit dix millions. Avec les nouveaux outils juridiques et fiscaux que la loi d'orientation agricole met au service de la transmission des exploitations, il est important de maintenir à son niveau actuel l'information des futurs candidats à l'installation.

M. le Rapporteur spécial - La commission n'a pas examineé cet amendement, mais j'y suis tout à fait favorable à titre personnel : il permet d'ajuster les crédits du FICIA aux besoins en matière d'installation.

Comme le montre un tableau figurant à la page 45 de mon rapport, il existe de très fortes disparités entre les régions, les DRAF faisant tantôt une surconsommation tantôt une sous-consommation de leurs moyens, notamment à cause de l'arrivée tardive des crédits.

Je voudrais suggérer au Gouvernement de faire un point sur la situation dès la fin de l'année et d'organiser une péréquation pour éviter la pénalisation de certaines régions.

M. le Ministre - Avis favorable.

M. François Sauvadet - Nous avons besoin de mieux renseigner les jeunes sur les conditions d'installation. C'est aujourd'hui le principal défi. Mais une meilleure communication ne suffira pas : il faut également rendre les aides plus souples et plus accessibles. Trop de jeunes y renoncent en raison de leur complexité.

Je suggère, Monsieur le ministre, que vous dressiez un bilan de l'utilisation territoriale du FICIA devant la commission des affaires économiques.

L'amendement 227, mis aux voix, est adopté.

Les crédits de la mission « agriculture, pêche forêt et affaires rurales », mis aux voix, sont adoptés.

ART. 74

M. Gérard Menuel - Je voudrais associer M. Morel-A-L'Huissier à mes propos. Vous avez déjà en partie répondu sur le fond de cet amendement 38, Monsieur le ministre. Mais l'encadrement des impositions affectées aux chambres d'agriculture, qui n'affecte pas les autres organismes consulaires, entrave parfois leur développement.

Or, la hausse du taux profite surtout aux départements qui bénéficient déjà de bases plus élevées que les autres. Certes, des dérogations sont possibles, mais les obtenir demande beaucoup d'énergie. Je sais de quoi je parle, étant ancien président d'une chambre d'agriculture ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur spécial - Cette taxe représente 50% en moyenne du budget de fonctionnement des chambres d'agriculture. L'article 74 prévoit, pour 2006, un plafond d'augmentation de 2%, au lieu de 1,5% en 2004 et de 1,7% en 2003. Et le taux qui est réellement perçu dépasse souvent ce plafond grâce au mécanisme dérogatoire.

L'amendement n'a pas été examiné par la commission, mais j'y suis personnellement défavorable : nous devons préserver un certain encadrement national afin d'éviter des disparités locales trop importantes.

M. le Ministre - Le taux de progression prend en compte les prévisions de dépenses, l'inflation et la situation financières des chambres d'agriculture. Et quand la situation le justifie, il peut être triplé.

Comme vous, je suis pourtant conscient des limites du financement actuel et j'ai donc diligenté une mission d'inspection. Dans l'attente de ses conclusions, je vous demanderai de retirer votre amendement.

M. Gérard Menuel - Je le retire. Nous nous reverrons dans deux ans ! (Sourires)

L'amendement 38 est retiré.

L'article 74, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 74

M. Louis Guédon - L'amendement 19 vise à soutenir les conserveries de poisson, qui ont partout subi de graves délocalisations vers des pays à plus faible coût de main-d'œuvre. Seules ont pu survivre des entreprises, souvent familiales, qui ont joué la carte des labels de qualité.

Elles pâtissent aujourd'hui du coût élevé de leurs matières premières : hausse du prix du thon et du maquereau à cause des quotas et suppression de la subvention européenne qui venait compenser la taxe sur les huiles prévue par l'article 1609 du code général des impôts.

Par souci de préserver l'équilibre financier des conserveries françaises, qui n'ont jamais démérité, cet amendement vise à les exonérer de la taxe spécifique sur les huiles.

M. le Rapporteur spécial - La commission n'a pas examiné cet amendement, mais j'y suis défavorable à titre personnel. Il ne me paraît pas opportun de modifier la taxe sur les huiles sans apporter de solution d'ensemble pour financer le FFIPSA.

M. le Ministre - Cette taxe étant affectée au FFIPSA, une exonération catégorielle me semblerait injuste - car tous les utilisateurs d'huile sont assujettis - et cette mesure serait inefficace. Même si je comprends vos préoccupations, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Louis Guédon - J'espérais une autre réponse, mais je forme des vœux pour qu'on se penche enfin sur les problèmes de cette industrie qui procure des centaines d'emploi sur le littoral.

L'amendement 19 est retiré.

Les crédits de la mission « développement agricole et rural », mis aux voix, sont adoptés.

Mme la Présidente - Nous avons terminé l'examen des crédits relatifs à l'agriculture et à la pêche.

Prochaine séance, cet après-midi, à 15 h.

La séance est levée à 13 h 10.

              La Directrice du service
              du compte rendu analytique,

              Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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