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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 28ème jour de séance, 63ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 16 NOVEMBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

ATTAQUES CONTRE DES LIEUX DE CULTE 2

SERVICE CIVIL VOLONTAIRE 2

COMMISSARIAT GÉNÉRAL DU PLAN 3

MESURES EN FAVEUR DES PLUS DÉMUNIS 4

FRÉGATES EUROPÉENNES MULTIMISSIONS 5

APPRENTISSAGE 5

AIDES AU LOGEMENT 6

PANDÉMIE À LA RÉUNION 7

SERVICE CIVIL VOLONTAIRE 7

RÉFORME FISCALE 8

RECHERCHE 9

LOI DE FINANCES POUR 2006
-deuxième partie- (suite) 10

ARTICLES NON RATTACHÉS 10

ART. 58 19

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

ATTAQUES CONTRE DES LIEUX DE CULTE

Mme Martine Aurillac - Ma question s'adresse au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Je la pose également au nom de notre collègue Gabriel Biancheri, qui en raison des événements récents survenus à Romans-sur-Isère, est retenu dans sa circonscription.

Alors que les émeutes sont aujourd'hui maîtrisées dans les quartiers sensibles, grâce à l'action des forces de l'ordre, un acte inqualifiable a pourtant eu lieu, la nuit dernière à Romans, avec l'incendie volontaire d'une église située dans un quartier difficile. Deux départs simultanés de feux ont été constatés par les pompiers. Tous les élus, dont notre collègue Biancheri, se sont rendus sur les lieux du drame pour appeler au calme et condamner cet acte gratuit qui ne saurait trouver de justification. Il n'est, hélas, pas isolé puisque la semaine dernière, un cocktail Molotov avait été lancé contre la grande mosquée de Lyon. Nous sommes particulièrement attachés au respect de tous les lieux de culte, quels qu'ils soient. Quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour que de tels actes ne se reproduisent pas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire - Depuis quelque temps, des voyous s'en prennent aux symboles de toutes les religions de France. Vous avez cité l'église Saint-Jean d'Ars de Romans-sur-Isère et la grande mosquée de Lyon. Vous auriez pu évoquer les mosquées de Carpentras et de Nîmes ou le véhicule d'un rabbin incendié juste à côté d'une synagogue à Vénissieux. Notre indignation est la même dans tous les cas, quel que soit le culte visé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe UDF) Les voyous s'attaquent aux symboles de paix et d'espérance que sont les lieux de culte. Une personne qui croit est en effet une personne qui espère, et l'espérance n'est en rien contraire à l'idéal de la République. S'il existe dans notre pays une loi sur la laïcité, ce n'est pas pour interdire le fait religieux, mais au contraire pour reconnaître le droit fondamental de chacun de vivre sa foi, et de la transmettre à ses enfants dans le cadre républicain. C'est cela, la laïcité à la française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF) Alors que la destruction d'un bien est passible de deux ans d'emprisonnement, celle d'un lieu de culte est plus sévèrement réprimée, une circonstance aggravante étant alors retenue.

Votre question me donne l'occasion de redire qu'il faut se garder de tout amalgame. Ce n'est pas dans les lieux de culte que se rassemblent les extrémistes, mais clandestinement dans les caves ou les garages. Vous ne trouverez d'extrémistes ni dans les mosquées, ni dans les églises, ni dans les synagogues, ni dans les temples. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

SERVICE CIVIL VOLONTAIRE

M. Jean Glavany - Le Président de la République a annoncé lundi soir la mise en place d'un service civil. Les socialistes travaillent depuis longtemps sur le projet d'un service civique, et ils avaient même présenté en 2003, dans le cadre d'une niche parlementaire, une proposition de loi de Daniel Vaillant en ce sens, à laquelle la droite s'est opposée. Nous souhaitons, nous, un service civique obligatoire universel, de façon que tous les jeunes de notre pays, filles et garçons, consacrent quelques semaines ou quelques mois de leur vie au service de leurs concitoyens, faisant ainsi un apprentissage concret de la citoyenneté et du civisme. Les enfants des cités s'y retrouveraient aux côtés des enfants des beaux quartiers comme des enfants d'ouvriers ou d'agriculteurs, dans un brassage social dont il est patent qu'il fait aujourd'hui défaut à notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) A l'inverse, un service civil volontaire qui ne concernerait que 50 000 jeunes, comme le propose le Président de la République, introduirait une nouvelle discrimination. La République ne saurait être à géométrie variable, non plus que la citoyenneté ne peut être à la carte. Ne croyez-vous pas que le meilleur investissement républicain serait aujourd'hui d'instituer un service civique universel et obligatoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire - Si nous partagions tous la même idée sur le sujet, ce serait plutôt une bonne nouvelle et il serait bien dérisoire de savoir qui l'a eue le premier !

Le Président de la République a proposé d'instituer un service civil volontaire. La différence entre vous et nous, c'est que, nous, nous allons le mettre en œuvre, tandis que vous, vous êtes contenté de le proposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; très vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Pour vous, un service civil volontaire créerait une nouvelle inégalité. Disant cela, vous êtes fidèles, et personne ne vous en fera le reproche, à vos valeurs puisque, contrairement à nous, vous croyez aux vertus du nivellement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Il est des jeunes qui, ayant moins que d'autres, ont besoin d'être davantage aidés. Un service civil s'adressant à ceux qui n'ont pas eu la chance d'une première formation est une nécessité, un pas vers plus d'égalité. Voilà trop longtemps qu'en France on dit « Ou bien c'est pour tous, ou bien ce n'est pour personne », et comme on n'a pas les moyens de faire pour tous, on ne fait rien pour personne (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Voilà comment les inégalités se sont creusées dans notre pays.

Le Gouvernement mènera une concertation approfondie sur la mise en œuvre de ce service civil. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Mais notre idée est simple, il s'agit de donner une chance à ceux qui n'en ont pas eu, de demander aux jeunes sans formation, sans travail ni occupation de se dévouer au service des autres plutôt que de leur empoisonner la vie, bref, d'inverser les valeurs. D'autres questions devront trouver réponse. Qui encadrera ce service ? Sera-t-il rémunéré, et si oui, combien ? Comment seront choisis les jeunes en bénéficiant ? Ce sera un beau débat au cours duquel nous plaiderons pour donner plus à ceux qui ont moins  et où vous soutiendrez qu'il faut donner la même chose à tous. Le pays jugera de quel côté est la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF ; très vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

COMMISSARIAT GÉNÉRAL DU PLAN

M. Jean Dionis du Séjour (qui peine à prendre la parole tant les exclamations se poursuivent sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) - Le Général de Gaulle doit se retourner dans sa tombe, lui qui parlait de « l'ardente obligation » du Plan. En effet, le Premier ministre a annoncé le 27 octobre la suppression du Commissariat général du Plan. C'est assurément une dissolution aventureuse, comme l'a dit l'ancien commissaire Alain Etchegoyen. Cette décision hautement symbolique et politique, prise sans concertation, tire un trait sur un instrument performant du développement de notre pays, hérité de la Libération. Le Plan, associé à des noms comme ceux de Jean Monnet ou Jacques Delors, a toujours été utile à l'Etat et à la nation, comme lieu de concertation avec les partenaires sociaux et comme outil de prospective pour l'Etat stratège. Toutes les grandes entités, nations ou grandes entreprises essaient d'éclairer leurs décisions stratégiques à long terme, et donc planifient ; ce n'est pas parce que cette belle idée a été caricaturée par les régimes communistes qu'elle doit faire peur aux gens de liberté que nous sommes. Nos décisions et arbitrages sont trop soumis à la dictature du court terme, dont les dangers sont illustrés par l'exemple de la privatisation des autoroutes.

Le Plan est indispensable pour préparer l'avenir sur des sujets aussi importants pour notre pays que l'énergie, la démographie ou les retraites ; sa qualité a toujours reposé sur sa liberté et son indépendance. Pourquoi avoir supprimé un organisme garant de l'intérêt général et du bien public, alors qu'on aurait pu le faire évoluer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement - Le Premier ministre a annoncé le 27 octobre dernier qu'il avait décidé de faire du Commissariat général du Plan un centre d'analyses stratégiques, directement rattaché à lui, mais je vous rassure, à aucun moment il n'a évoqué sa suppression (Exclamations sur les bancs du groupe UDF). Il a souhaité le faire évoluer afin de disposer d'une capacité d'expertise rapide et directement opérationnelle pour éclairer les décisions du Gouvernement, comme c'est le cas dans de nombreux autres pays. Ce centre devra être orienté vers l'action, mais il sera indépendant dans la conduite de ses travaux. Son programme de travail devra prioritairement intégrer les commandes du Gouvernement, et sa relation avec le Premier ministre combinera indépendance et confiance. Il ne s'agit donc pas de remettre en question l'utilité de certains travaux prospectifs, mais de leur ajouter un autre niveau d'analyse.

Le Plan a également assuré longtemps une fonction de dialogue avec les partenaires sociaux ; le Premier ministre souhaite que cette mission soit mieux assurée, et Mme Boissard, qui vient d'être nommée, sera notamment chargée de faire des propositions à ce sujet.

Quant à l'IRES, le Premier ministre s'est engagé auprès des partenaires sociaux à ne modifier ni son statut, ni ses missions.

Vous le voyez, il ne s'agit en aucun cas de faire table rase de ce qui existait, mais de faire du CGP un outil de réflexion prospective qui éclaire le Gouvernement sur des sujets qui nécessitent une expertise transversale. Le centre d'analyses stratégiques s'appuiera sur les ressources internes du CGP ainsi que sur la mise en réseau des différentes capacités d'expertise publique. Je pense vous avoir totalement rassuré ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Maurice Leroy - Pas du tout !

MESURES EN FAVEUR DES PLUS DÉMUNIS

M. Michel Vaxès - Les souffrances qui minent nos quartiers populaires confirment une fois de plus l'exigence d'un engagement fort et durable en faveur des populations que le libéralisme condamne à la relégation (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Parce que la source de l'ordre public est la justice, il y a urgence à prendre des mesures de justice sociale trop longtemps attendues. Or, en l'état, votre projet de loi de finances ne traduit en rien la volonté de répondre à l'injustice qui frappe les plus démunis. Pire, il multiplie les cadeaux fiscaux à une minorité, au détriment de l'intérêt du plus grand nombre. Sous prétexte de simplifier l'impôt sur le revenu, les 100 000 foyers les plus riches bénéficieront de 885 millions d'allégements fiscaux ; en application du bouclier fiscal, 250 millions iront aux 14 000 ménages les plus aisés ; la nouvelle baisse de l'ISF gratifiera de 68 millions PDG et actionnaires. Au total, 1,2 milliard iront aux plus favorisés. Cerise sur le gâteau, le plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5% privera tous les ans l'Etat, c'est-à-dire les Français, d'un milliard et demi, soit trois fois le montant alloué aux zones d'éducation prioritaire.

Dans le même temps, ce gouvernement et sa majorité viennent de décider de financer le soutien aux associations et l'augmentation du nombre des assistants pédagogiques en ponctionnant de 40 millions les crédits de l'enseignement secondaire : c'est scandaleux !

Le Gouvernement est-il prêt à modifier significativement son projet de loi de finances afin de répondre aux besoins des populations de nos quartiers populaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - L'action du Gouvernement dans nos quartiers part du constat, partagé sur l'ensemble de ces bancs, que pendant trop longtemps la politique de la ville a manqué de lisibilité et de continuité. Nous avons travaillé sur le sujet dès 2002, en mettant en place des outils s'inscrivant dans la durée : d'abord l'Agence nationale de rénovation urbaine, dont chacun reconnaît aujourd'hui l'intérêt pour nos quartiers - et demande donc l'optimisation des moyens pour faire plus et plus vite ; ensuite le plan de cohésion sociale, cette grande loi de programmation dont l'application a commencé avec les équipes de réussite éducative et la réforme de la DSU.

Le Gouvernement a décidé d'aller plus vite et plus fort pour répondre aux attentes des habitants des quartiers, à celles des associations, dont chacun souligne le travail, mais aussi à celles des élus. C'est pourquoi lundi, à l'occasion de la discussion budgétaire, nous pourrons ensemble examiner les moyens supplémentaires qui seront apportés aux associations, aux postes d'adultes-relais, aux équipes de réussite éducative, et ceux destinés à la mise en place d'une agence de cohésion sociale et d'égalité des chances. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

FRÉGATES EUROPÉENNES MULTIMISSIONS

M. Jacques Le Nay - La signature du contrat de construction de 27 frégates européennes multimissions qui devait avoir lieu au sommet franco-italien du 24 octobre a été repoussée in extremis, pour une question de procédure du côté italien, sans qu'une nouvelle date soit fixée. La construction de ces frégates - 10 par l'Italie et 17 par la France - est très attendue à Lorient et Brest. Lors du débat sur le budget de la défense le 7 novembre, vous avez indiqué que les négociations avec le gouvernement italien progressaient très favorablement, et selon la presse régionale, toutes les conditions sont maintenant réunies pour la signature. Pouvez-vous le confirmer, nous en donner la date et nous apporter des précisions sur le plan de charges de la DCN, notamment pour ses établissements de Brest et Lorient ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Le contrat de développement et de réalisation des frégates multimissions a été notifié et signé ce matin même. Après trois ans d'efforts, le plus grand programme naval jamais réalisé en Europe est désormais lancé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Ce contrat de plus de 11 milliards prévoit la construction de 27 frégates, dont 17 pour la France. Il permettra de renouveler la plus grande partie de la flotte de surface de la marine nationale. La première livraison est attendue pour 2011.

C'est une excellente nouvelle pour des milliers de salariés. En effet, le plan de charge de la DCN à Lorient est désormais assuré après 2008 et la charge de travail est également importante pour les autres sites de la DCN, à Brest dès 2006, mais aussi Ruelle, Toulon et Indret. D'autres entreprises comme Thalès et MBDA, sont également concernées.

La France et l'Italie apportent ainsi une contribution majeure à l'Europe de la défense, puisqu'il s'agit du premier contrat naval porté par l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement, et du deuxième contrat en volume financier pour cette organisation, après celui de l'avion de transport A 400 M.

Ce nouveau succès a été permis grâce à la loi de programmation militaire que vous avez votée et soutenue constamment depuis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

APPRENTISSAGE

Mme Irène Tharin - Dans les graves troubles que nous venons de connaître sont impliqués des jeunes dont la plupart sont en échec scolaire. Chaque année, 120 000 d'entre eux sortent du système scolaire sans aucun diplôme. Il faut nous mobiliser pour leur offrir les moyens de l'insertion professionnelle. Dans le rapport sur l'orientation que j'ai récemment remis au Premier ministre, je propose que l'on offre un contrat d'apprentissage à chacun de ces jeunes sortis du collège ou du lycée sans qualification. J'approuve donc sans réserve la décision du Premier ministre de faire bénéficier les jeunes dès 14 ans d'une véritable formation professionnelle et théorique grâce au contrat d'apprentissage.

Il semble que 84% des Français soient favorables à cette mesure. C'est que l'apprentissage est un véritable passeport pour l'emploi. Mais son succès passe par la reconnaissance de cette filière comme une orientation scolaire à part entière, à proposer aux jeunes de 14 ans, quel que soit leur domicile ou leur parcours scolaire. On ne doit pas l'assimiler à un arrêt des études, et il faut prévoir des passerelles pour les jeunes qui souhaitent revenir dans le circuit scolaire classique.

Quelles seront les nouvelles modalités de l'apprentissage et comment le Gouvernement entend-il en faire une réelle filière d'insertion professionnelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Pour assurer l'égalité des chances, nous avons voulu offrir des possibilités nouvelles aux jeunes, et nous nous sommes inspirés de votre excellent rapport (Ah ! sur divers bancs) qui propose de renouveler l'apprentissage. Nous l'appellerons « l'apprentissage junior », ouvert à 14 ans.

L'apprentissage est en effet une voie d'excellence. Sur 350 000 apprentis, plus de 80% obtiennent dans l'année un contrat de travail à durée indéterminée - et pas seulement dans le BTP, mais aussi dans l'informatique, les nouvelles technologies, les métiers de service.

M. Jean-Pierre Brard - Au Gouvernement...

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Du BEP, on peut passer au bac professionnel, puis au BTS, et j'ai rencontré hier deux parlementaires qui ont commencé leur carrière en apprentissage.

Mais il faut que ces jeunes acquièrent le socle commun de connaissances indispensables - lire, écrire, compter, et aussi les valeurs de la République, pour en faire des adultes responsables. Nous voulons enfin que les apprentis soient inscrits dans un collège de référence, car le collège unique, ce n'est pas terminé, et s'ils ne se plaisent pas en apprentissage, ils doivent pouvoir revenir sur leur choix.

Avec M . Dutreil, M. Larcher, les partenaires sociaux, les organismes consulaires et les conseils régionaux nous travaillons à élaborer un beau projet d'apprentissage junior qui concourra à l'égalité des chances dans notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et de nombreux bancs du groupe UDF)

AIDES AU LOGEMENT

Mme Danièle Hoffman-Rispal - La pénurie de logements a des conséquences graves, comme on l'a vu à propos des incendies de cet été, et la hausse des loyers grève fortement le pouvoir d'achat. Au budget pour 2006, dans la continuité des précédents, les crédits pour le logement n'augmentent pas. Pour les aides dont bénéficient les locataires modestes, la baisse est cette fois de 72 millions. De plus, le pouvoir d'achat des aides personnalisées au logement a été amputé de 8% depuis 2002, tandis que les loyers augmentaient de 4,5% par an, sans compter la hausse des charges. Le coup de pouce de 1,8% annoncé par le Premier ministre sera sans doute bien insuffisant pour combler notre retard, sans compter que 200 000 locataires doivent perdre leurs aides, puisque vous avez renoncé à les verser en dessous de 24 euros par mois ! Le Médiateur de la République étant lui-même intervenu, vous avez accepté de revenir sur cette mesure mais, reprenant d'une main ce que vous donnez de l'autre, comme à votre habitude, vous relevez de trois euros la participation de tous les bénéficiaires d'aides au logement ! Encore une fois, ce sont les plus pauvres qui font l'effort le plus important, tandis que la fiscalité des plus fortunés est allégée.

Le Gouvernement n'est pas à la hauteur de la crise du logement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Alors que l'Assemblée s'apprête à examiner votre budget, allez-vous enfin revaloriser les aides au logement, à concurrence de la hausse des loyers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - La revalorisation de 1,8% de l'APL a été appliquée au 1er septembre. Pourquoi la ligne budgétaire correspondante a-t-elle légèrement baissé ? Tout simplement parce que le retour d'activité et la légère baisse du chômage font qu'il y a plus de cotisants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

De façon générale, si vous cherchez les grandes périodes de construction de logements sociaux des dernières années, vous trouverez le plan de relance Chirac d'il y a trente ans, puis ceux de M. Périssol et de M. Daubresse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

PANDÉMIE À LA RÉUNION

M. René-Paul Victoria - Depuis le mois de mars, la Réunion doit faire face au développement d'une maladie à virus, le chikungunya, transmise par les moustiques. Plus de 4 000 personnes ont déjà été infectées et les spécialistes estiment que nous sommes passés de l'épidémie à l'endémie. Quelques cas de complications encéphaliques ont été constatés. Malgré les mesures de lutte prises par la DRASS et les campagnes d'information des collectivités locales, le nombre de cas est en constante augmentation alors que nous entrons dans la période chaude, celle de la prolifération des moustiques. Les Réunionnais sont inquiets. Je vous demande donc l'application de la loi du 16 décembre 1964 relative à la lutte contre les moustiques, modifiée par la loi du 9 décembre 2004, qui constituerait un cadre juridique adapté pour imposer les mesures nécessaires et donner compétence aux services départementaux pour mettre en œuvre les actions définies par les services de l'Etat. Nous avons besoin d'une opération coup de poing. Il n'est pas normal que les collectivités territoriales fassent face avec leurs seuls moyens. Nous avons besoin de l'aide du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Baroin, ministre de l'outre-mer - La réponse que je vais vous donner a été établie avec Xavier Bertrand, qui est retenu au Sénat par la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le développement du chikungunya est à prendre très au sérieux. Il se transmet par les moustiques et évolue très rapidement. L'épidémie, qui est passée au stade endémique, s'est répandue dans l'Océan indien et touche 4 500 personnes à la Réunion. Surtout, on compte 50 à 100 cas supplémentaires par semaine. Par ailleurs, il existe un risque de transmission de la femme enceinte à l'enfant. Une cellule de contact entre la direction générale des affaires sanitaires et sociales et la cellule épidémiologique est en train d'examiner cette question.

La lutte contre la maladie passe par la démoustication. Un partenariat est donc indispensable entre l'Etat et les collectivités territoriales, en matière d'information des populations et de mise à disposition de matériels et de moyens supplémentaires. Dans l'immédiat, le ministère de la santé a débloqué 52 000 euros pour permettre à la DRASS d'acheter du matériel. S'il le faut, nous irons plus loin. C'est la raison pour laquelle le préfet a mis en place un comité de pilotage, s'appuyant sur les forces armées, notamment pour l'élimination des gîtes larvaires. Ainsi, la DRASS et le ministère de la santé sont mobilisés, le ministère de l'outre-mer se tient à votre disposition et le préfet a toute latitude pour aider les collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

SERVICE CIVIL VOLONTAIRE

Mme Claude Greff - Le Président de la République a annoncé la création d'un service civil volontaire, ouvert à 50 000 jeunes en 2007, qui associera accompagnement et formation, et s'exercera notamment dans le secteur associatif. Le projet de loi sur le volontariat associatif a été défendu devant le Sénat le 12 mai et doit bientôt être examiné ici. Il devrait permettre à nos concitoyens, et notamment aux jeunes, de s'investir dans des projets d'intérêt général pour une durée déterminée. Les associations disposeront ainsi de nouvelles ressources humaines. Pouvez-vous nous préciser le rôle du volontariat associatif dans le service civil volontaire et nous dire combien de personnes seront concernées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative - Le service civil volontaire est une formidable opportunité. Il nous permet de signer un pacte de confiance avec notre jeunesse, celle qui attend un geste prouvant que nous ne faisons pas l'amalgame entre l'immense majorité des jeunes et quelques voyous. Il permet de les accompagner et de les former pour qu'ils puissent mieux s'insérer dans notre société.

Il permettra aussi de reconnaître leur engagement pour des projets d'intérêt général, en direction de personnes encore plus en difficulté. C'est ça le volontariat ! En aucune façon le service civil ne doit devenir obligatoire : ce serait envoyer un mauvais signal à ces jeunes. Mesdames et Messieurs les députés d'opposition, vous avez rappelé l'existence d'un projet de loi de 2003, mais en 2000, vous avez voté le volontariat associatif pour remplacer le service national. S'il y a géométrie variable, elle est de votre côté ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Le volontariat permettra aux jeunes sortis des écoles de commerce ou d'ingénieurs, mais aussi aux jeunes en difficulté de participer, ensemble, à ces projets : allez voir Unicité travailler dans tous les quartiers de France, et vous comprendrez que ce volontariat, comme le programme des Cadets de la République ou le projet deuxième chance, a du sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe UDF)

RÉFORME FISCALE

M. Gérard Bapt - Monsieur le ministre délégué au budget, alors que la crise sociale s'aggrave et que les inégalités progressent, vous venez d'annuler des crédits destinés à la solidarité, à l'insertion, à la jeunesse et à la vie associative, et de baisser les impôts sur le revenu et sur la fortune. Le président de la commission des finances l'a lui-même reconnu, ces mesures bénéficieront aux plus riches.

Vous prétendez évidemment le contraire en vous appuyant sur un sondage, commandé par vos services, établissant que 80% des Français sont favorables au principe de faire bénéficier en priorité les classes moyennes des réductions d'impôts. Mais le fait est que votre réforme avantagera avant tout les gros revenus. Non, Monsieur Sarkozy, vous ne donnez pas plus à ceux qui ont moins, vous donnez plus à ceux qui ont plus (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Ainsi, un célibataire déclarant un revenu mensuel de 1 000 euros verra son impôt diminuer de 24 euros, tandis qu'un célibataire déclarant un revenu de 16 000 euros gagnera plus de 5 000 euros : la diminution d'impôt de celui qui gagne seize fois plus sera 224 fois supérieure !

Le bouclier fiscal, la suppression de l'abattement de 20%, la réduction de l'ISF vont aggraver les inégalités, alors que la priorité doit être à la réduction de la fracture sociale (« La question ! » sur les bancs du groupe UMP). Vous allez rétablir dans l'urgence les crédits que vous venez d'annuler : vous seriez cohérent en annonçant aussi le retrait de cette réforme fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - La parole est à M. Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat . (« A l'euro près ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat - J'avoue avoir du mal à vous comprendre. Voilà un gouvernement qui baisse les impôts alors que les régions socialistes ne cessent de les augmenter ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Voilà une réforme qui oriente 75% de son produit vers les revenus moyens et modestes ! (Pour les riches ! à gauche) Voilà une réforme tournée vers le travail : la prime pour l'emploi augmentera de 50% pour celui qui perçoit le SMIC à temps plein ! (« Quelques euros ! » à gauche) Voilà une réforme qui garantit la progressivité, voire l'améliore puisque les plus aisés participeront davantage au produit de l'impôt sur le revenu. Enfin, voilà une réforme bien plus juste que celle menée par M. Fabius il y a quatre ans : celui qui gagnait deux SMIC voyait alors ses impôts baisser dans la même proportion que celui qui gagnait dix SMIC ! Mais il est vrai qu'alors, M. Fabius était plus à droite qu'aujourd'hui... Bon congrès, Monsieur Bapt ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président - Ne vous énervez pas !

RECHERCHE

M. Michel Lejeune - Monsieur le ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, vous avez présenté, lors de l'examen de votre budget en commission élargie, les dispositions que vous entendez prendre pour favoriser la recherche : un milliard supplémentaire y sera consacré en 2006 et 3 000 postes seront créés. Ce budget peut ainsi être considéré comme le préambule de la future loi de programmation. Aider la recherche française, qu'elle soit fondamentale ou appliquée, c'est préparer l'avenir économique de notre pays et se ménager une place importante dans la compétition mondiale. Pouvez-vous nous présenter les efforts que vous entendez déployer pour aider la recherche française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche - S'il existe un sujet qui doit faire l'objet d'un consensus, c'est bien la nécessité d'une politique de recherche ambitieuse. Sous l'autorité du Premier ministre, nous avons préparé avec M. de Robien un pacte pour la recherche, dont vous examinerez prochainement les aspects législatifs.

Il s'agit d'abord de donner des moyens nouveaux : 6 milliards de crédits supplémentaires seront ainsi débloqués, et 3 000 postes créés. A titre de comparaison, le gouvernement Jospin prévoyait à la fin de la législature précédente d'en créer 800 sur cinq ans ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Il s'agit ensuite d'atteindre en 2010 l'objectif de 3% du PIB consacrés à la recherche et au développement. Il s'agit enfin de promouvoir une recherche plus efficace, mieux orientée et mieux évaluée, grâce à l'agence de l'évaluation ; décloisonnée, grâce aux pôles régionaux d'enseignement supérieur et de recherche ; et plus attractive, grâce aux dispositions en faveur des jeunes chercheurs. Cette recherche bénéficiera de mesures de simplification administrative. Enfin, elle se trouvera davantage en phase avec les attentes de la société en matière de santé, d'environnement et de compétitivité, car l'emploi de demain se prépare aujourd'hui, dans nos centres de recherche. Cela mérite une grande politique ambitieuse, et c'est la nôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Pierre Lang - Depuis trente ans, différentes procédures ont été imaginées pour rénover la voirie des anciennes cités minières appartenant à Charbonnages de France - et donc à l'Etat - avant leur intégration dans le domaine public communal.

Si les travaux ont, pour l'essentiel, déjà été réalisés dans certaines régions, comme le Nord-Pas-de-Calais...

M. Albert Facon - C'est faux !

M. Pierre Lang - ...tel n'est pas le cas dans le bassin houiller lorrain. Les crédits spécifiques du GIRSOM ont été remplacés par ceux du FNADT.

L'actuel contrat de plan Etat-région prévoyait la rénovation de l'ensemble des voiries appartenant encore aux Charbonnages. Or, il arrive à son terme, et 60 millions manquent encore ! A la cité Cuvelette de Freyming-Merlebach, par exemple, il manque six millions pour pouvoir transférer plus de six kilomètres de voirie dans le domaine public communal. L'Etat est le responsable exclusif de ces rénovations.

De nombreuses cités minières - Hombourg-Haut, Behren, Farebersviller - ont été touchées par les récentes violences urbaines. A Behren, plusieurs dizaines de véhicules ont été incendiés. Chacun sait combien l'amélioration des infrastructures est essentielle à la préservation d'un climat serein dans nos quartiers.

Les communes du bassin houiller s'inquiètent. Quelles mesures prendrez-vous, Monsieur le ministre, pour rattraper le retard accumulé et accélérer dès 2006 l'application des programmes de rénovation ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire - Vous avez raison : depuis la fin des années 1960, l'Etat s'est considérablement engagé en faveur des bassins miniers de Lorraine, du Nord-Pas-de-Calais et du Centre-Midi, confrontés à la cessation progressive de l'activité charbonnière. Les moyens dégagés par tous les gouvernements ont constamment augmenté. Le volet après-mine de l'actuel CPER consacre 21 millions à la Lorraine et 160 millions au Nord-Pas-de-Calais.

Le Gouvernement est très attaché à ces territoires, qui ont connu des difficultés considérables et dont vous avez rappelé la détresse. Nous avons multiplié les rencontres à ce sujet. Certes, les différents gouvernements ont, depuis 2000, accumulé environ un an de retard sur le volet après-mine de l'actuel contrat de plan - mais ce n'est pas davantage que pour les contrats précédents.

L'Etat respectera ses engagements envers les cités des bassins miniers de Lorraine, du Nord-Pas-de-Calais...

M. Maxime Gremetz - Et la Picardie ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire - ...et des autres territoires concernés. C'est un devoir de solidarité nationale. En outre, nous sommes favorables au maintien d'un volet après-mine au-delà de l'actuel contrat de plan pour garantir la cohésion territoriale, sociale et économique.

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de Mme Guinchard.

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD

vice-présidente

LOI DE FINANCES POUR 2006 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006.

ARTICLES NON RATTACHÉS

M. Augustin Bonrepaux - Rappel au règlement. Nous débattons sans avoir connaissance des éléments nécessaires pour apprécier la portée de notre vote. Depuis quatre mois, nous demandons des simulations précisant l'effet de votre plafonnement sur les impôts locaux. Le président de la commission des finances nous a laissé entendre qu'elles sont si explosives que nous ne pouvons connaître que les données relatives à nos propres circonscriptions !

Or, nous sommes les représentants de la nation ! Nous vous remercions de nous avoir communiqué des évaluations portant sur les départements et les régions, mais nous voulons connaître les conséquences de cette réforme sur certaines zones qui seront particulièrement pénalisées, dans le Nord, le Pas-de-Calais ou la Seine-Saint-Denis. Nous voulons disposer des simulations relatives aux communes, et notamment celles touchées par la crise des banlieues, de même que des données relatives aux communautés de communes, dans les départements industriels par exemple.

Sans violer le secret fiscal, il est indispensable que nous sachions également quelles catégories d'entreprises seront imposées à la valeur minimale.

De graves difficultés se profilent en effet. Mieux vaudrait que nous puissions les prévoir.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat - Je vous trouve bien dur ! Votre exigence est extrême ! Je n'ai pas souvenir qu'un autre gouvernement ait été plus complet que nous ! Nous avons communiqué la totalité des simulations portant sur les régions, les départements, les communes et les EPCI.

M. Augustin Bonrepaux - Des simulations anonymes !

M. le Ministre délégué - Oui, elles sont anonymes ! En conscience, je vous dis que je n'en ferai pas davantage : je ne peux pas vous donner le nom des communes qui font l'objet de ces simulations. Comment accepter qu'on les jette ainsi en pâture ? Et je ne vous parle pas des erreurs informatiques toujours possibles ! Pour des raisons déontologiques, ce que vous demandez est impossible.

M. Didier Migaud - Nous ne serions pas dignes de confiance ?

M. le Ministre délégué - Ce n'est pas mon raisonnement : le secret fiscal fait partie de nos valeurs républicaines. Cette notion a un sens !

Par esprit d'ouverture, j'ai accepté de vous communiquer des simulations nominatives pour les régions et les départements, mais je ne le ferai pas pour les communes et les EPCI, et j'en assume la responsabilité. Cela étant, je vous répète que je tiens à la disposition de chaque maire et de chaque président d'EPCI les données relatives à sa commune ou à sa communauté de communes.

Cela s'appelle la démocratie, le respect et la transparence. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Augustin Bonrepaux - Nous avons remarqué des différences entre les simulations nominatives et anonymes ! Rien ne garantit donc l'exactitude des chiffres.

Il est également apparu que certaines communes et communautés de communes étaient plafonnées à plus de 90%. Je suppose que vous savez ce que ça veut dire ! Il est important de savoir si ces communes n'ont pas d'autres difficultés qui s'ajouteraient à ce plafonnement.

Je ne vois pas en quoi un secret pourrait être opposé aux élus de la nation. Nous demandons une clarification.

M. Charles de Courson - C'est une tradition de dire que nous travaillons dans des conditions difficiles et que nous sommes amenés à nous prononcer sur des articles et des amendements en l'absence de simulations permettant de savoir où l'on va.

Or, cette année, cela est en grande partie volontaire. L'article 58 prévoyant un plafonnement, nous avons demandé en commission quelle était la répartition de ses bénéficiaires. On a fini par nous dire : 93 000 contribuables - c'est dans le dossier de presse. Mais telle n'était pas la question : nous voulions savoir combien d'entre eux étaient soumis à l'ISF. On a fini par nous dire dans le creux de l'oreille : 14 000. Nous avons demandé quelle était la part des 400 millions qui bénéficierait à des contribuables imposés à l'ISF. On a fini par nous dire environ 250 millions - mais le rapporteur général lui-même n'en était pas sûr. De même, concernant la réforme du barème de l'impôt sur le revenu, nous avons demandé qui bénéficierait des 3,6 milliards d'allégements prévus. Là encore, il a fallu vous arracher in extremis que quelque 100 000 bénéficiaires profiteraient de 900 millions, mais de leur répartition, nous ne savons rien. Nous n'avons de même rien réussi à savoir des conséquences de la réforme pour les collectivités. Vous avez tellement peur que la représentation nationale diffuse les simulations concernant telle ou telle collectivité que vous refusez de les lui communiquer. Nous perdons ainsi un temps fou pour essayer de nous y retrouver. Ces conditions de travail ne sont pas acceptables.

Il est indigne de demander à l'Assemblée nationale de délibérer dans ces conditions, et il ne faudra pas s'étonner si nous faisons d'énormes bêtises tout à l'heure parce qu'on aura refusé de nous dire la vérité. Car vous ne me ferez pas croire, Messieurs les ministres, que vous ne disposez pas, vous, d'un minimum de simulations : si tel était le cas, il serait irresponsable de nous soumettre ces dispositions...

Mme la Présidente - Monsieur de Courson, vous êtes inscrit sur l'article. Vous aurez l'occasion de vous exprimer dans ce cadre.

M. Didier Migaud - L'opacité est voulue de la part du Gouvernement et de la majorité sur les conséquences de ces réformes fiscales. Monsieur le ministre, vous venez d'invoquer le secret fiscal. C'est la première fois que je l'entends invoquer s'agissant de collectivités locales... Sur quel fondement juridique nous l'opposez-vous ? La LOLF dispose qu'on ne peut pas l'opposer à la représentation nationale dès lors que la commission des finances organise des missions de contrôle. Si cela est nécessaire, nous demanderons au président Méhaignerie de nous autoriser à juger sur place et sur pièces des conséquences qu'auront pour les collectivités les mesures fiscales prises. Cela serait d'ailleurs d'autant plus nécessaire que les chiffres diffèrent selon que les données sont anonymes ou répertoriées par département. Opposer le secret fiscal au Parlement est lui faire offense. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Ministre délégué - J'ai compris que pour vous, comme pour M. Bonrepaux, un débat budgétaire ne commence jamais sans quelques demandes récurrentes de simulations !

C'est faire un mauvais procès à l'administration fiscale que de mettre en doute l'honnêteté de ses simulations.

M. Augustin Bonrepaux - Ce n'est pas le problème.

M. le Ministre délégué - Vous l'avez soulevé, je vous réponds.

La règle que j'invoque concernant le secret fiscal n'est écrite nulle part. Il y va seulement du respect de la démocratie. (Très vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) Je ne vois vraiment pas au nom de quoi je livrerais aux parlementaires, quelle que soit d'ailleurs leur appartenance, des listes nominatives de communes comportant des données statistiques dont on peut légitimement craindre qu'elles donnent lieu à des polémiques locales. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. Eric Besson - Pourquoi l'avez-vous fait pour les régions et les départements ?

M. le Ministre délégué - Peut-être ai-je eu tort (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), mais il m'a semblé, notamment pour les régions, que ces simulations pouvaient être éclairantes.

Pour le reste, je donnerai à tout élu qui en exprimera le souhait la simulation relative à la collectivité dont il a la charge. Je suis de même à la disposition de la commission des finances pour lui détailler les éléments dont nous disposons s'agissant de la taxe professionnelle, et même opérer des regroupements statistiques si elle le souhaite.

En tout état de cause, vous communiquer ces listes nominatives n'apporterait rien de nouveau et je suis persuadé que sur beaucoup de bancs, ceux qui ne disent rien m'approuvent.

Mme la Présidente - M. Brard me demande la parole. Pour un rappel au Règlement, je suppose ?

M. Jean-Pierre Brard - Exactement. Le ministre vient de nous dire que la règle du secret fiscal ne figurait pas dans la loi. Cela n'a rien d'étonnant car pourrait-on l'opposer à ceux qui font la loi ?

A nos collègues qui demandent des simulations, le ministre ne répond que dissimulation. Impérial vis-à-vis des sujets que nous sommes, il condescend à nous communiquer les renseignements concernant notre propre collectivité. Dois-je lui rappeler que nous sommes députés de la nation, et non représentants de tel ou tel fief local ? A moins que nous ne soyons déjà entrés dans la VIe République et que les règles constitutionnelles aient été modifiées...

Vous avez également, Monsieur le ministre, invoqué la démocratie. Mais la démocratie suppose sincérité et transparence, et non opacité et bidouillage (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), comme vous les pratiquez. Tout au plus accepteriez-vous de nous livrer à l'oreille certaines informations dans le secret du confessionnal...

La vérité est que, dans le contexte économique et social actuel, M. Breton, qui ne dit mot mais consent, laissant M. Copé s'exprimer à sa place car celui-ci, plus expérimenté en politique, est plus habile, la vérité, disais-je, est qu'il ne sait pas comment se dépatouiller des cadeaux royaux qu'il s'apprête à faire aux privilégiés quand tant de gens souffrent dans le pays et expriment avec force leur mécontentement.

Dans un mouvement de grande largesse, le Premier ministre a annoncé des moyens supplémentaires pour les associations. Savez-vous combien cela représentera à Montreuil ? 50 000 euros, soit l'économie d'impôt moyenne dont vont bénéficier trois des 14 000 contribuables que vous vous apprêtez à engraisser encore davantage !

Mme la Présidente - Ce n'est pas un rappel au Règlement.

M. Jean-Pierre Balligand - Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas considérer les députés de la nation comme des potentats locaux, soucieux seulement de leur commune ou de leur EPCI. Si tel était le cas, il faudrait d'ailleurs interdire le cumul d'un mandat parlementaire et d'un mandat local. Les simulations qui doivent nous être communiquées ne peuvent pas être celles concernant les collectivités que nous gérons. Ce serait même contraire à tout principe républicain d'anonymat. Monsieur le ministre, vous avez commis une faute. J'avais eu l'occasion, dans les mêmes circonstances, de faire le même reproche à un ministre lors du débat sur la loi Pasqua relative à l'aménagement du territoire. Le Président de l'Assemblée nationale avait demandé au ministre concerné de présenter ses excuses.

Lors de l'examen de la loi supprimant la patente et créant la taxe professionnelle, nous n'avions pas non plus disposé des simulations nécessaires, ce qui avait abouti à une catastrophe, vous vous en souvenez tous. Il avait fallu que le gouvernement de l'époque, dirigé par M. Barre, interdise que la taxe professionnelle puisse augmenter davantage que la moyenne des trois autres taxes.

Mme la Présidente - Ce n'est pas un rappel au Règlement. Vous pourrez vous exprimer sur l'article.

M. Jean-Pierre Balligand - Les simulations nominatives concernant la taxe professionnelle sont indispensables, d'autant que les deux seules dont nous disposons, anonymes et par département, sont contradictoires.

M. Jean-Marc Ayrault - Rappel au Règlement. Avec l'examen de la réforme fiscale, nous sommes à un moment-clé du débat budgétaire. Si nous n'examinons ces dispositions que dans la deuxième partie du projet de loi de finances, c'est pour des raisons juridiques que l'on nous a expliquées, de manière, il faut le dire, assez cafouilleuse. En première partie, le groupe socialiste a dû demander une suspension de séance et une réunion extraordinaire de la commission des finances dont le président Méhaignerie a accepté le principe et à laquelle vous avez participé, Monsieur le ministre. Lors de cette réunion, je vous avais déjà dit que vous ne pouviez pas demander à l'Assemblée nationale de délibérer sans simulations sur les conséquences des mesures proposées, tant pour les ménages que pour l'Etat et les collectivités.

Vous donnez ces simulations à titre individuel - moi-même, je vous les ai demandées pour la communauté urbaine de Nantes et je n'ai d'ailleurs toujours pas reçu la réponse - alors que, comme l'a dit Jean-Pierre Balligand, il ne s'agit pas d'une affaire locale mais d'un problème national. Il convient donc que la représentation nationale, et donc à travers elle les citoyens, soient parfaitement informés des conséquences de ce que vous allez lui faire voter : c'est une question d'éthique républicaine. Si nous voulons avoir la confiance de nos concitoyens, il faut que les décisions soient prises dans la transparence, et non pas à l'aveugle. S'agissant de collectivités publiques, Monsieur le ministre délégué, vous ne pouvez arguer du secret fiscal, qui ne vaut que pour les personnes privées ! Vous devriez donc nous faire connaître les simulations pour l'ensemble des régions, des départements, mais aussi des communes et des intercommunalités. De même que les politiques publiques doivent être soumises à évaluation, principe fort justement affirmé par la LOLF, nos décisions doivent être éclairées par des simulations : c'est exactement la même idée.

Vraiment, les conditions dans lesquelles ce budget a été préparé, je dirais même improvisé, sont très inquiétantes pour l'avenir de notre pays. En voici une autre illustration, qui justifiera encore davantage la saisine du Conseil constitutionnel par les députés socialistes, que je tiens à annoncer dès maintenant. Le président Méhaignerie, dans une interview ce matin à Ouest-France, a indiqué lui-même que la commission des finances avait cherché les économies qui pouvaient être faites sur le budget présenté par le Gouvernement. Or le ministre de l'éducation nationale, interrogé ce matin à la radio sur les moyens dont il disposerait pour financer les engagements pris par le Premier ministre sur l'aide à la réussite scolaire, a indiqué avoir demandé à la commission des finances de rétablir en conséquence les 80 millions qu'elle avait supprimés dans son budget ! C'est ce que j'appelle de l'improvisation et du cafouillage, lesquels font douter de votre capacité à tenir les promesses faites ici par le Premier ministre il y a huit jours...

Ne pouvant pas continuer à travailler dans ces conditions, nous demandons une suspension de séance, non seulement pour réunir le groupe socialiste mais pour demander à la Présidence de l'Assemblée nationale de faire en sorte que réponse soit donnée par le Gouvernement à notre demande solennelle de simulations, afin que le débat puisse avoir lieu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué - J'ai cru constater une toute petite contradiction dans le propos de M. Balligand : il me semble qu'on ne peut pas à la fois dire qu'un député n'est pas un potentat local et demander les noms des communes : en quoi la connaissance de ceux-ci permettrait-elle d'appréhender un problème national ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Quant à vous, Monsieur le président Ayrault, je me suis demandé s'il n'y avait pas dans votre raisonnement une toute petite - oserai-je le dire ? - arrière-pensée politicienne... En effet, lorsque le gouvernement socialiste a brutalement retiré il y a quelques années un allégement de taxe professionnelle de 12 milliards, je n'ai pas souvenir qu'il y ait eu la moindre simulation !

Je suggère qu'après cette suspension de séance, nous nous remettions au travail car la réforme fiscale très ambitieuse que nous vous proposons mérite que nous entrions au plus vite dans le fond du débat : c'est ce que les Français attendent de nous.

M. Charles de Courson - Je voudrais rappeler l'article XIV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ».

Je rappelle aussi le premier alinéa de l'article 146 de notre Règlement : « Les documents et les renseignements destinés à permettre l'exercice du contrôle du budget des départements ministériels (...) sont communiqués par les autorités compétentes au rapporteur spécial de la commission des finances ».

Monsieur le ministre délégué, le secret fiscal n'est absolument pas en cause puisqu'il ne s'agit pas de renseignements individuels. Il s'agit de connaître le taux de plafonnement de la valeur ajoutée par commune, par établissement public, par département et par région, et de savoir ce qui explique qu'il soit de 28% dans les Hauts-de-Seine et de 80% dans la Manche, écart qui crée une véritable rupture d'égalité. Les documents anonymes que vous avez transmis ne permettent pas de comprendre !

M. Hervé Mariton - La semaine dernière, la commission des finances a suspendu ses travaux pour que nos collègues socialistes puissent voter confortablement sur les motions de leur parti. Cette semaine, notre calendrier est perturbé par la tenue du congrès du Parti socialiste (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Nos collègues seraient bien avisés de ne pas entraver nos travaux au-delà du raisonnable ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Monsieur Ayrault, la réforme de la taxe professionnelle est une excellente réforme, qui protège l'emploi et les contribuables.

M. Didier Migaud - Ce n'est pas prouvé !

M. le Président de la commission - L'Etat va apporter cette année trois milliards pour protéger les entreprises et l'emploi ; s'il ne le faisait pas, il pourrait augmenter la dotation globale de fonctionnement de toutes les communes de 8,5%.

M. Jean-Pierre Balligand - Ce n'est pas la question !

M. le Président de la commission - Cette réforme, c'est vrai, exigera des collectivités une plus grande maîtrise de leurs dépenses, laquelle est d'intérêt général, tant pour protéger l'emploi que pour protéger le pouvoir d'achat de nos compatriotes.

La séance, suspendue à 17 heures, est reprise à 17 heures 45.

M. Didier Migaud - Nous avons formulé une demande conforme aux droits du Parlement. Le ministre ayant confirmé qu'aucun texte n'imposait le secret fiscal en la matière, nous souhaitons toujours disposer de l'ensemble des simulations pour toutes les communes, afin d'apprécier les conséquences de la réforme pour chaque type de collectivité. Nous avons en effet le sentiment qu'elle va entraîner des transferts importants entre de grandes entreprises et de plus petites, et de la fiscalité des entreprises vers les ménages, au-delà même de la question des marges de manœuvre que conserveront les collectivités en raison du plafonnement des bases. Il s'agit pour nous d'une question de principe. De quoi avez-vous peur, Monsieur le ministre ? Pourquoi acceptez-vous de donner ces informations pour les régions et pour les départements et pas pour les communes ? Serait-ce parce que le congrès des maires se tient la semaine prochaine... ( Ah ah ! sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Gest - Nous ne sommes pas tétanisés par les congrès, nous !

M. Didier Migaud - ...et que vous avez peur de la réaction des maires de votre propre majorité ? Nous le pensons, car nous ne voyons pas d'autre raison à votre refus obstiné de nous communiquer ces chiffres. Quant à l'argument évoqué par M. Mariton, il est trop indécent pour qu'on se donne la peine d'y répondre. Si la commission des finances rencontre des problèmes pour organiser ses travaux, c'est en raison de la levée de boucliers de certains, dans la majorité, devant certaines dispositions fiscales, et si l'ordre du jour de l'Assemblée a été modifié, c'est que le Premier ministre s'est aperçu que le budget de la ville dont nous allions discuter allait à l'encontre des orientations qu'il avait proposées le matin même !

Nous formulons donc de nouveau très solennellement notre demande : nous attendons de vous l'engagement de principe de fournir, d'ici la fin de la semaine, le bilan des simulations sur les communes, en les identifiant, ainsi que sur les EPCI. Et nous ne cesserons de poser cette question de principe, qui touche aux droits du Parlement et à notre possibilité de mesurer les conséquences de votre réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Augustin Bonrepaux - Pour apprécier cette réforme, il nous faut savoir quelles seront les conséquences du plafonnement de la taxe professionnelle pour les communes et structures intercommunales. Faute de pourvoir l'augmenter, elles ne pourront jouer que sur la fiscalité portant sur les ménages. Certaines collectivités seront même étranglées.

D'autre part, il nous faut savoir quelles sont les entreprises qui seront touchées par le plafonnement. S'agira-t-il vraiment, comme on nous le dit, d'entreprises qui, sinon, pourraient se délocaliser ? Ce sera à voir. Une centrale nucléaire concernée par le plafonnement risque-t-elle vraiment de se délocaliser ? Ce que je demande, ce n'est pas les noms, mais les catégories d'entreprises qui vont être concernées par le plafonnement, ainsi que celles qui sont actuellement imposées au minimum de la valeur ajoutée et dont l'imposition va progressivement augmenter. Les communes finiront par se trouver dans une impasse. Que se passera-t-il par exemple lorsque les entreprises textiles, et avec elles les bases fiscales, disparaissent ? En réalité, vous avancez le faux argument du risque de délocalisation parce que vous êtes incapable de faire la réforme proposée par la commission Fouquet. Il est évidemment plus facile de forcer les collectivités locales à jouer sur la fiscalité des ménages ou sur la part de taxe professionnelle sur laquelle elles peuvent encore agir. Ces simulations que nous demandons sont donc indispensables à tous les élus, avant que certains ne prennent des décisions graves pour l'avenir.

M. André Thien Ah Koon - Je suis, depuis 1976, maire d'une commune de 68 000 habitants. Sans donner de leçon, j'estime que les documents concernant la gestion d'une municipalité lui appartiennent. Le maire peut y accéder, et s'il préside une structure intercommunale, il a connaissance de ceux qui concernent d'autres communes. Mais je ne vois pas en quoi cela peut intéresser d'autres élus. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Didier Migaud - C'est proprement incroyable !

M. André Thien Ah Koon - C'est comme si je vous demandais de me fournir votre relevé de compte bancaire.

Mme Christiane Taubira - C'est intolérable ! Et la justice fiscale ?

M. André Thien Ah Koon - Ce n'est pas une question de justice. Vous êtes rétrogrades, seul le passé vous intéresse.

M. Gérard Bapt - Il se pose un problème de principe, mais aussi un problème très pratique pour les communes qui ont engagé une politique de développement économique au service de l'emploi. D'une part, comme l'a opportunément rappelé M. de Courson, la transparence fiscale s'impose, dès lors qu'il ne s'agit pas de personnes physiques. D'autre part, certaines communes ont engagé des programmes d'investissement pluriannuels en se fondant sur des prévisions de recettes qui intégreraient peut-être une augmentation des taux, mais surtout celle des bases, grâce au développement économique : ainsi, des communes comme la mienne ont équipé des réserves foncières et les ont progressivement vendues à des entreprises sans faire de plus-value, afin de développer l'activité. Elles ont évidemment gagé leur politique d'équipement sur une progression régulière des ressources liées à cette activité, y compris, éventuellement, avec un maintien des taux. Il est donc essentiel pour les maires d'évaluer l'impact de votre réforme sur les projets qu'ils se sont engagés devant les électeurs à réaliser.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Je regrette profondément que nos collègues socialistes adoptent une posture d'une telle mauvaise foi. M. Bonrepaux nous demande les noms des entreprises qui sont concernées par le plafonnement ou la cotisation minimale, mais il est évident que le secret fiscal nous interdit de les lui donner !

M. Augustin Bonrepaux - Je n'ai pas demandé les noms des entreprises, mais les catégories !

M. le Rapporteur général - Il nous demande les catégories d'entreprises, mais il sait pertinemment qu'elles sont détaillées in extenso dans le rapport Fouquet ! Il était membre de la commission Fouquet et s'est montré assidu à ses réunions : je m'étonne qu'il ne s'en souvienne pas ! Et, aussitôt que j'ai reçu du ministère les informations sur la ventilation en pourcentage de base de taxe professionnelle au niveau des 22 régions, des 100 départements et des établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique, je vous les ai communiquées !

Nos collègues font pour le moins preuve d'amnésie : à l'automne 1998, lors de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle, j'ai demandé la liste des communes et les pourcentages correspondants. J'ai demandé des dizaines de fois, et je n'ai rien obtenu ! On m'a répondu qu'on ne pouvait me donner une liste commune par commune. J'ai donc demandé les pourcentages par département, puis par région. Je n'ai jamais rien obtenu, et ce sont des informations dont vous disposez aujourd'hui ! Il me semble que vos principes sont à géométrie variable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Migaud - Ce n'est pas exact.

M. le Rapporteur général - C'était un samedi matin, et vous retrouverez ce débat au Journal officiel : voilà les conditions dans lesquelles avait été faite cette réforme de la taxe professionnelle ! Je me réjouis de pouvoir dire que c'est différent aujourd'hui. Chacun d'entre vous peut demander des informations sur les collectivités dont il est l'élu, mais nous ne disposons pas des éléments de plafonnement commune par commune.

M. Augustin Bonrepaux - Vous les avez !

M. Michel Bouvard - Il y en a 36 000 !

M. le Rapporteur général - Nous ne les avons pas et nous ne les donnerions pas de façon nominative.

M. Jean-Pierre Balligand - Nos collègues de la majorité sont bien naïfs !

M. le Ministre délégué - Vous n'êtes vraiment pas très fair play : vous multipliez les demandes, concernant les communes, les entreprises... bref, on ne sait plus très bien, alors que je vous ai donné le maximum d'informations. Je ne pense pas que beaucoup de gouvernements en aient fait autant. Vous avez tous les éléments pour faire toutes les analyses, aussi critiques soient-elles. Il me semble qu'il faut maintenant avancer. Je me tiens à votre disposition tout au long de la semaine pour vous donner encore des précisions. Vous évoquez maintenant les catégories d'entreprises : Monsieur Bonrepaux, je suis prêt à travailler avec vous sur ce point.

M. Augustin Bonrepaux - Et bien voilà !

M. le Ministre délégué - Il me semble donc que nous pourrions passer maintenant à l'ordre du jour.

M. Augustin Bonrepaux - Je reconnais volontiers que ce dernier engagement représente une avancée. Mais je souhaite une suspension de séance de quelques minutes pour me concerter avec mes collègues. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Je fais cette demande dans un esprit constructif, pour pouvoir reprendre le débat !

Mme la Présidente - Avant la suspension, M. Accoyer avait demandé la parole.

M. Bernard Accoyer - Rappel au Règlement, au titre de l'article 58. Je suis atterré par l'attitude de l'opposition, et en particulier par celle des membres du groupe socialiste, qui se livrent depuis plusieurs heures à des manœuvres d'obstruction indignes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Didier Migaud - C'est inadmissible !

M. Augustin Bonrepaux - Provocateur ! Pompier pyromane !

M. Bernard Accoyer - Les demandes qui sont formulées sont complètement disparates (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). On voit, par la véhémence des propos et le désordre des interventions, parfois contradictoires, que nos collègues se livrent en fait à une sorte d'avant-congrès socialiste.

M. Didier Migaud - Vous prenez la responsabilité d'allonger les débats !

M. Bernard Accoyer - Pour masquer la vacuité de leurs idées et les conflits de personnes, ils ne trouvent rien de mieux que d'empêcher le travail parlementaire, un travail indispensable à la modernisation qu'ils ont refusée pendant tant d'années à notre pays ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Je vous demande, Madame la présidente, de bien vouloir prêter la plus grande attention aux demandes de parole de la majorité et à son souhait de commencer enfin l'examen des articles qui sont à l'ordre du jour (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente - Je prête la plus grande attention à toutes les demandes de parole, d'où qu'elles viennent.

La séance, suspendue à 18 h 5, est reprise à 18 h 10.

M. Eric Besson - Rappel au Règlement. Quel tact chez M. Accoyer - qui n'est d'ailleurs plus là pour m'entendre. Il a choisi le moment où M. Bonrepaux faisait preuve du plus grand esprit d'ouverture pour porter des attaques d'autant plus inacceptables que ce ne sont pas les premières. Ses mots choisis - « vacuité », par exemple - faisaient du reste écho à la tonalité choquante des propos du ministre répondant à M. Bapt lors des questions. Votre ironie tend à remettre en cause le rôle démocratique des partis, pourtant reconnu par notre Constitution. Vous pouvez vous moquer à satiété de nos motions : au moins, nous dépassons, nous, la querelle personnelle pour régler nos différends !

M. Philippe Auberger - Comme s'ils étaient réglés !

M. Eric Besson - Rassurez-vous : nous resterons en tout état de cause unis contre l'action de votre gouvernement.

Le rapporteur général a évoqué la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle : à l'époque, la part salaires était compensée par l'Etat ! Bloquée, certes mais compensée !

M. Philippe Auberger - Et nous, nous ne compensons pas ?

M. Eric Besson - Le ministre nous parle de « nos » secteurs et de « nos » circonscriptions. J'aimerais savoir sur quelle base il se permet de nous y cantonner, car il me semble que nous sommes les représentants de la souveraineté nationale, les députés de la France.

Monsieur le ministre, vous avez d'autre part dérapé sur le secret fiscal. Mais cette faute en dit long sur votre conception de l'action publique, et M. de Courson vous a rappelé à juste titre quelques principes fondamentaux. De plus, en réponse à M. Balligand, vous avez ironisé en vous permettant de parler de « potentats locaux ». Vos propos sont invraisemblables et se situent à mi-chemin entre l'aveu et le lapsus. Reconnaissez votre faute et retirez ces termes qui ne vous honorent pas.

M. Hervé Mariton - Je demande à nos collègues socialistes de nous permettre de débuter ce débat et de s'abstenir de donner des leçons. Cette réforme fiscale permettra de protéger nos entreprises contre les tentations démesurées qu'ils peuvent avoir d'augmenter les impôts locaux, et notamment la taxe professionnelle.

M. Didier Migaud - Afin que nos débats se poursuivent dans la sérénité...

M. Philippe Auberger - Ils n'ont pas commencé !

M. Didier Migaud - A qui la faute ? Lorsque M. Bonrepaux répondait de manière constructive à une proposition du ministre - alors même que les motifs d'insatisfaction ne manquaient pas - le président du groupe UMP s'est exprimé de manière inadmissible, n'ayant que l'insulte à la bouche, et nous accusant d'esquiver le débat à cause de la « vacuité de nos propos ».

M. Hervé Mariton - Ce n'est pas faux.

M. Didier Migaud - Monsieur Mariton, souhaitez-vous donc reprendre le débat ou persévérer dans la provocation ?

M. Jean-Jacques Descamps - Cela peut durer 107 ans !

M. Hervé Mariton - Bientôt, le congrès du Mans !

M. Didier Migaud - Si M. Accoyer ne vient dans l'hémicycle que pour insulter les représentants du groupe socialiste, il peut s'abstenir. Votre intervention, Monsieur Mariton, était tout autant déplacée, d'ailleurs. Nous souhaiterions que les travaux reprennent dans la sérénité et le respect mutuel.

M. Jean-Jacques Descamps - Nous n'avons pas besoin de leçons !

ART. 58

M. Jean-Claude Sandrier - Il est surréaliste de percevoir d'un côté le malaise profond de la société, des quartiers minés par la précarité, et de l'autre d'observer l'Assemblée nationale examiner des allégements d'impôts pour les plus riches. L'article 58 en est une triste illustration. Vous affirmez faire un effort pour les catégories populaires, mais vous offrez 1,2 milliard aux plus riches grâce au bouclier fiscal, à la modification du barème et à la réduction de l'ISF. Est-ce de l'inconscience, de l'idéologie ou de la provocation ? Je le disais déjà le 18 octobre dernier, nos concitoyens en ont ras-le-bol. Il faudra bien les entendre et faire résonner ici leurs inquiétudes, sans quoi nous manquerions à tous nos devoirs.

Joseph Stiglitz a montré dans Le Capitalisme perd la tête combien la baisse des impôts aux Etats-Unis n'était qu'une tentative des riches de garder la plus grande partie de leur fortune. Patrick Arthus, professeur à Polytechnique et à Paris I, écrit dans Le Capitalisme est en train de s'autodétruire que l'argent coule à flots mais qu'il n'est que « trop rarement utilisé à bon escient. Il alimente la voracité des investisseurs dans une course aux rendements financiers à court terme. Cette logique porte elle-même sa propre fin ». Ne comptez donc pas sur nous pour donner davantage d'argent aux plus riches, afin qu'ils le détournent de l'emploi. Notre objectif est de favoriser le travail et non de rémunérer les dividendes, d'orienter l'argent vers la recherche et l'éducation et non de le distribuer à ceux qui, comme l'écrit Patrick Arthus, se « prosternent devant la déesse share holder value ».

Vous ne vous contentez pas de laisser faire, vous encouragez ces appétits en leur livrant de l'argent soustrait à la communauté nationale. Il est temps de rompre avec ce capitalisme sauvage, irrespectueux des hommes, des territoires et des nations. Il s'agit là d'un choix politique de rupture avec un système qui échoue. Nous voterons contre cet article, qui ne vise qu'à aider les riches à conserver la plus grand partie de leur fortune : c'est là le seul avenir que vous réservez à la France.

M. Didier Migaud - Cet article contient une mesure qui, avec le plafonnement des niches fiscales, le plafonnement de la taxe professionnelle et la révision du barème, constitue ce que vous appelez une réforme de l'impôt sur le revenu. Mais qui est concerné par ce bouclier fiscal ?

Vous l'établissez à 60%, ce qui fait qu'avec le nouveau barème de l'IR, il n'existera pas de tranche supérieure à 40%. Ce n'est donc pas l'impôt sur le revenu qui est concerné. Si l'on ajoute les impôts locaux, qui représentent entre 5 et 10% au maximum, on arrive à 50%. On voit donc bien que la seule raison d'être de votre proposition, c'est de faire baisser, voire de supprimer l'ISF. C'est d'ailleurs ce que reconnaissent tous les consultants fiscaux.

Nous demeurons dans l'opacité et la lecture du rapport général ou des documents communiqués par Bercy nous laisse sur notre faim. La mesure représente un coût de 358 millions pour l'Etat et de 43 millions pour les collectivités locales, et concernerait 93 000 contribuables. Comment ces 400 millions sont-ils répartis ?

M. Emile Zuccarelli - C'est la question.

M. Didier Migaud - La mesure, est-il écrit, profiterait à 87% à des contribuables appartenant au premier décile. Mais qu'en est-il des 12 ou 13 000 contribuables restants, sachant que la moitié d'entre eux appartient au dernier décile, avec un revenu fiscal de référence supérieur à 42 671 euros ? Dix à douze mille contribuables vont donc bénéficier de la moitié de ces 400 millions ? Les divisions seront intéressantes à effectuer, au regard des cinq euros de la prime pour l'emploi ! Il y aura pour ces heureux élus quelques milliers, voire, dans certains cas, de centaines de milliers d'euros de réduction d'impôt. La grande majorité des classes modestes et moyennes, quant à elles, n'auront que quelques euros.

Les bénéficiaires de vos réformes se trouvent dans les tranches supérieures : cette disposition n'est en fait qu'une nouvelle réforme de l'ISF, sur le chemin de sa suppression (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Augustin Bonrepaux - Notre collègue Migaud vient de démontrer combien cette réforme est injuste, car elle va bénéficier aux plus favorisés. Et même si, dans l'attente des simulations, vous n'en avez pas encore conscience, cette réforme associée à celle que vous voterez la semaine prochaine entraînera la mise sous tutelle financière des collectivités locales. M. Mariton l'a dit : vous voulez empêcher les élus d'augmenter les impôts - donc les recettes - tout en leur transférant des charges supplémentaires.

Aux 500 millions d'allégements pour les riches répond une somme équivalente pour les 8 800 000 bénéficiaires de la prime pour l'emploi. Quelle injustice fiscale ! Vous donnez à une poignée l'équivalent de ce que vous donnez au plus grand nombre.

Dans la première partie du budget, M. le ministre n'avait pu nous dire combien de personnes seraient concernées par l'allégement de 70 millions : on a su depuis qu'il n'y en aurait que 14 000 !

Alors que la misère est si grande et qu'elle entraîne les événements que vous connaissez, vous ne pensez qu'à alléger la fiscalité des plus riches. Vous êtes coupés de la réalité ! Le Premier ministre est venu ici même demander aux élus locaux de l'aider à rétablir l'ordre dans les banlieues : ils l'ont fait ! Dans le même temps, certains d'entre vous les accusent d'irresponsabilité fiscale et veulent les mettre sous tutelle, les empêcher de répondre aux besoins de la population et les obliger à alourdir la charge fiscale sur les ménages, notamment les plus défavorisés.

Dans de nombreuses communes, certains contribuables plafonnés par votre bouclier fiscal ne paieront plus d'impôt aux collectivités.

M. Hervé Mariton - N'importe quoi !

M. Augustin Bonrepaux - La collectivité devra rembourser le montant de l'augmentation d'impôt subséquente. Qui paiera ?

Le président de la commission des finances aime à citer la Suède et la Finlande. Mais on n'y demande pas aux collectivités locales de rembourser les impôts des bénéficiaires du bouclier fiscal !

Vous faites des cadeaux aux plus riches, mais faites payer les plus pauvres.

M. Richard Mallié - Cessez de caricaturer !

M. Augustin Bonrepaux - Nous voterons naturellement contre cet article. La population et les élus se rendront bientôt compte de la supercherie. N'est-ce d'ailleurs pas pour cela que vous avez voulu nous cacher les simulations ?

M. Jean-Pierre Balligand - Le bouclier fiscal est un engagement de campagne de Nicolas Sarkozy, ex-ministre de l'économie mais surtout maire de Neuilly, qu'il a su habilement imposer à Dominique de Villepin. Convaincre Thierry Breton n'aura certainement posé aucun problème.

Le plafonnement à 60% du revenu de la somme de l'IR, de l'ISF et des impôts locaux est une véritable imposture, car il ne protège pas le contribuable lambda, mais une minorité de redevables de l'ISF dont les conseillers fiscaux ont échoué à faire diminuer l'IRPP !

Le rapporteur général nous apprend que 93 000 contribuables bénéficieront du dispositif, dont 6 000 dans le dernier décile de revenus - les foyers les plus fortunés. Pour autant, il ne donne pas le coût global par catégories de ménages, qui n'est certainement pas favorable au Gouvernement... En effet, la moitié des 400 millions que coûte ce dispositif ira à moins de 10% des bénéficiaires, parmi les plus favorisés.

Le rapporteur général, qui a, lui aussi, une conscience, reconnaît d'ailleurs que le bouclier fiscal sera souvent plus favorable que le « plafonnement du plafonnement » de l'ISF actuellement en vigueur. Ce n'est donc pas un bouclier, mais un parapluie fiscal que le Gouvernement et le Parlement s'apprêtent à ouvrir au-dessus d'une poignée de privilégiés, sous prétexte de protéger les Français d'une injustice fiscale. En faisant de ce parapluie un « bouclier », et donc du fisc un ennemi du contribuable, vous adhérez aux thèses les plus démagogiques et réactionnaires du moment !

A cela s'ajoute une imposture supplémentaire : le Gouvernement prévoit le remboursement par les collectivités territoriales de la quote-part correspondant à la part des taxes locales dans les impôts payés par les contribuables concernés. Les associations d'élus, de maires notamment, ont expliqué en vain que vous portiez à nouveau atteinte à leur autonomie financière et à leur libre administration. En effet, puisque votre objectif principal est de réformer l'ISF en douce, il est légitime que l'Etat en assume lui-même le coût.

A cet égard, les deux avancées que la commission des finances a proposées n'en sont pas. L'amendement qui impute à l'Etat la restitution intégrale de l'impôt lorsque la somme de l'impôt sur le revenu et de l'ISF dépasse 60% du revenu...

M. Hervé Mariton - C'est cohérent.

M. Jean-Pierre Balligand - ...n'allait-il pas déjà de soi ? Quant à celui qui mutualise la restitution des impôts locaux au contribuable, il reportera le prélèvement des 43 millions estimés sur la DGF. Autant dire que l'article 58 annonce une diminution de 43 millions de la DGF ! Certains diront qu'il ne s'agit que de 0,1% de celle-ci, mais c'est un symbole fort que ne manqueront pas de percevoir les collectivités locales - qui, je le rappelle, ne sont quand même pas toutes de gauche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gérard Bapt - Le bouclier fiscal est symbolique, puisque vous l'avez inscrit à l'article premier du code des impôts. Les impôts directs ne pourront pas dépasser 60% des revenus et les collectivités locales, directement ou sous forme mutualisée, rembourseront leur quote-part à l'Etat. Quelle sera-t-elle ? Les évaluations sont floues.

Quoi qu'il en soit, cette mesure concerne 93 000 contribuables, dont 85% ont un revenu annuel déclaré n'excédant pas 7 400 euros. Mais la suppression induite - véritable motif de cette réforme - du « plafonnement du plafonnement » pour les plus gros contribuables à l'ISF - qui n'étaient que 1 972 l'an dernier ! - coûtera 200 millions. Et les 10 000 contribuables les plus aisés bénéficieront de 250 millions.

Ainsi, plus de la moitié du coût de la mesure ira à 10 000 foyers fiscaux, qui y gagneront chacun 25 000 euros. Vous nous répondrez que ce bouclier fiscal profite aussi aux ménages affectés par une chute ou une disparition de revenus, dues au chômage par exemple. Mais ces cas étaient déjà pris en compte, sous forme de dégrèvements et d'étalement. Vous déguisez donc la remise en cause de l'ISF pour les plus gros contribuables, alors même que le Gouvernement a déclaré que, pour des raisons économiques et d'emploi, la réforme de l'ISF n'était pas d'actualité.

Or, ni l'emploi, ni aucune raison économique, ne sont en cause. Il s'agit tout simplement d'atténuer l'ISF qui frappe les plus gros contribuables. La moitié du montant de la réforme ira à 10 000 contribuables, leur procurant un gain moyen de 2 000 euros - soit deux fois la valeur du SMIC net !

Alors que la crise sociale s'aggrave et que toutes les inégalités se creusent, quelle indignité ! Quelle provocation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Louis Dumont - L'article 58 fait partie de ce que vous appelez vos grandes ambitions, que nous préférons appeler vos grandes injustices. Si votre réforme s'appuyait sur des valeurs, même libérales, elle serait plus transparente ! On en mesurerait mieux les conséquences pour les quelques milliers de contribuables auxquels elle va profiter ainsi que pour les collectivités dont elle va réduire les recettes.

L'addition que vous faites concerne en réalité deux entités très différentes : l'Etat et les collectivités locales. Ces dernières sont depuis des années durement touchées par vos exonérations non compensées et par vos plafonnements non maîtrisés. Ce sont les ressources des collectivités locales qui sont affectées !

Nous sommes encore quelques-uns à considérer que le lien entre le citoyen et la nation s'appelle la solidarité : chacun apporte sa contribution pour que la nation puisse faire face à l'ensemble de ses responsabilités. Or, la loi de finances pour 2006 est injuste - ainsi que déjà celle pour 2007, car certaines mesures seront applicables sur les bases de 2006 -, elle va continuer à distendre le lien social. De plus en plus, les individus deviennent des porteurs de droits, et non plus de devoirs. Redonnons sa place à l'impôt !

Les restitutions que vous proposez démontrent que votre véritable objectif est de revoir l'ISF. Vous vous abritez derrière le bouclier fiscal - votre « parapluie » disait M. Balligand - sans assumer les mesures que vous destinez à votre électorat privilégié. Le coût de cette réforme injuste sera concentré sur les classes moyennes, qui perçoivent déjà de plus en plus leur contribution comme une injustice, et non comme leur juste participation à la vie de la nation.

Nous aurions mérité plus de clarté dans les débats. Votre refus de la transparence et du dialogue montre bien que votre ambition n'est pas celle que vous affichez. Vous cherchez à faire adopter cette réforme le plus rapidement possible et avec le minimum d'information.

M. Eric Besson - Les impôts ont-ils baissé comme le prétend le Gouvernement ? Tel était le slogan électoral en 2002 : baisse des charges, baisse des impôts. Or, les cotisations ont augmenté, comme le fera encore la cotisation vieillesse en 2006, et les prélèvements obligatoires ont crû d'un point en quarante mois. Le déficit et la dette ont de même grimpé en flèche.

Deuxième question : cette hausse est-elle répartie de façon égale ? Non. Seuls, quelques-uns bénéficient de vos largesses fiscales. La baisse de l'impôt sur la fortune, voilà votre obsession : c'est même la quatrième fois que vous vous y attaquez depuis 2002 ! Certains ont également profité de vos largesses en matière d'impôt sur le revenu, mais la grande majorité des Français auront payé plus d'impôts et de taxes, qu'il s'agisse de la CSG, de la cotisation vieillesse, de la TIPP ou du forfait hospitalier.

Corrigez-vous donc le tir dans ce PLF ? Vous persistez plutôt ! Votre réforme de l'impôt sur le revenu ne sera financée qu'en 2007, c'est-à-dire à crédit ! Rien de nouveau à cela, car les exonérations de taxe professionnelle prévues par la loi Borloo seront pour l'essentiel financées en 2009. Vous franchissez allégrement les échéances démocratiques ! Et votre réforme profitera surtout aux plus aisés. L'expression même de « bouclier fiscal » est indécente, surtout, il s'agit de toucher une nouvelle fois à l'ISF : 120 000 personnes bénéficieront de 250 millions d'allégements, alors que les 500 millions de la PPE seront répartis entre 500 000 personnes !

En quarante mois, les pauvres ont donc beaucoup perdu ; les vraies classes moyennes - et non celles dont vous parlez -, un peu ; par contre, les riches ont beaucoup gagné, et les très riches énormément. Voilà résumée votre politique fiscale.

Autre interrogation : avez-vous les moyens de vos largesses ? Bien sûr que non, car vous ne cessez de geler et d'amputer les crédits que nous votons. Vous êtes même contraints de brader notre patrimoine national, comme on le voit pour l'énergie ou les sociétés d'autoroute.

Reste la variable d'ajustement. Ce sont les collectivités locales, auxquelles vous transférez des charges sans les recettes correspondantes, contrairement à vos slogans et contrairement à ce que prévoit la loi. Tel était déjà le cas du RMI, des agents des collèges et des routes, sans parler des contrats de plan Etat-région qui ont pris des retards dramatiques. Le plafonnement de la taxe professionnelle et le bouclier fiscal ne feront que s'ajouter à cette liste ! Malgré vos artifices, les collectivités locales en paieront les lourdes conséquences.

A très court terme, vos mesures fiscales vous empêcheront d'honorer les promesses faites il y a 48 heures par le Président de la République - qui revendiquait pourtant la cohérence entre les discours et les actes ! En effet, vos mesures vous auront privé de 25 milliards sur la législature, qui auraient pu être consacrés par exemple au rétablissement de la République dans certains quartiers.

Enfin, votre Gouvernement ne nous a jamais expliqué sa philosophie en matière fiscale. Croyez-vous encore à l'impôt républicain, qui veut que chacun contribue à proportion de ses facultés ? A vrai dire, je n'ose même pas vous demander si vous croyez encore que la fiscalité doit jouer un rôle redistributif et si elle peut réduire les inégalités. Les faits sont pourtant implacables : à la fin de cette législature, les inégalités se seront accrues comme jamais sous la Ve République (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Charles de Courson - La création d'un « bouclier fiscal » est-elle une bonne idée ? Non. Si 71% des Français ne sont pas de cet avis, c'est qu'ils ne savent pas ce que contient cette mesure.

En effet, pourquoi la CSG et la CRDS n'ont-elles pas été intégrées au « bouclier fiscal », comme la logique le voudrait ? On nous répond qu'il y a des contreparties à la CSG. Mais c'est faux : la CSG fait juridiquement partie des « impositions de toute nature » !

Et pourquoi prendre en compte les impôts locaux ? On nous répond : regardez ce que font les autres Etats européens. Or, dans les six pays - sur 25 -, qui ont inclus la fiscalité locale dans leur bouclier fiscal, les impôts locaux sont partagés entre l'Etat et les autres collectivités, ou bien il existe deux types d'impôts sur le revenu, l'un allant aux collectivités locales, l'autre à l'Etat. La comparaison européenne ne justifie donc pas l'intégration de la taxation sur la résidence principale. Du reste, ce n'est pas justifié car il n'existe aucune corrélation entre la pression de la fiscalité locale et le franchissement du seuil de 60%. La position du Gouvernement est donc absurde.

Alors, certains proposent d'exclure du bouclier les impôts locaux, notamment sur la résidence principale, d'autres de les y maintenir, mais sans récupération. Je ne parle pas de la tentative de compromis consistant à ne prendre en compte les impôts locaux que lorsque ce sont eux qui entraînent le franchissement du seuil de 60% et à en tirer les conséquences sur le montant global de la DGF au niveau national. J'ai fait l'ENA et je n'en ai pas honte, mais on voudrait faire croire que les élus sortis de cette grande maison ont perdu tout bon sens qu'on ne s'y prendrait pas autrement ! Je décerne donc ce soir au Gouvernement le brevet de la plus belle usine à gaz pour ce système censé permettre de distinguer entre les impôts locaux qui entraîneraient le franchissement du seuil et les autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Humaniste, membre d'un parti humaniste, j'ajoute que la responsabilité collective est contraire à la justice. Cette restitution, symbolique car il ne s'agit jamais que de 20 millions sur 30 milliards de DGF, ne peut que prêter à rire. Abandonnez donc cette idée absurde, d'autant que vos références européennes sont infondées ! Je vous le démontrerai pays par pays.

A qui va bénéficier le bouclier fiscal, dont le coût est estimé à 400 millions ? Le Gouvernement n'en dit rien. Il m'a fallu m'adresser aux cabinets des ministres pour obtenir quelque information, ensuite confirmée par le rapporteur général, lequel indique dans son rapport que sur les 93 000 bénéficiaires du bouclier fiscal, 14 000 le seraient au titre de l'ISF...

Mme la Présidente - Monsieur de Courson, je vous demande de conclure.

M. Charles de Courson - ...pour un montant estimé d'environ 250 millions, soit une réduction d'impôt moyenne de 16 000 euros par contribuable concerné. Alors, de grâce, que le Gouvernement ne nous parle pas des classes moyennes, sauf à vouloir nous faire hurler de rire ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Pourquoi instituer un bouclier fiscal alors que l'ISF est déjà plafonné à 85% des revenus ? En réalité, si on déduit la CSG et la CRDS, qui sont incluses dans ces 85%, le plafond actuel IR + ISF tourne déjà autour de 75%. Les 14 000 bénéficiaires du boucler fiscal ne seront que des contribuables très riches, détenteurs par exemple d'actifs importants à faible rendement comme c'est le cas dans une entreprise qui ne distribue pas de dividendes, ou bien encore propriétaires d'un magnifique hôtel particulier dont ils ont hérité tout en ne disposant que de revenus modestes...

Mme la Présidente - Veuillez conclure, je vous prie. Tous les orateurs précédents ont respecté leur temps de parole.

M. Charles de Courson - Je suis le seul orateur du groupe UDF. Nous aurions pu en inscrire plusieurs !

Les 79 000 autres bénéficiaires se partageront les 150 millions restants, soit en moyenne 1 950 euros pour chacun. Comme ils ne sont pas assujettis à l'ISF, cela signifie que leur impôt sur le revenu et leurs impôts locaux dépassent 60% de leurs revenus. Il suffit qu'ils habitent une très belle maison, dont ils ont hérité ou qu'ils ont achetée il y a longtemps et qui a pris beaucoup de valeur... Le Gouvernement, qui se refuse à réformer l'ISF, utilise le paravent du bouclier fiscal pour masquer sa non-réforme.

M. Didier Migaud - Tout est dit !

M. Charles de Courson - Qu'aurait-il fallu faire ? Tout d'abord, abaisser le plafonnement existant à 70%. Ensuite, instituer pour l'ISF un abattement de 300 000 euros sur la résidence principale. Alors que ce serait une mesure de simple justice, le Gouvernement s'y oppose, sur ordre du Président de la République en personne...

Mme la Présidente - Monsieur de Courson, il n'y a qu'un autre député qui respecte aussi peu le Règlement. Allez-vous suivre son mauvais exemple ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Charles de Courson - De telles mesures auraient été bien acceptées parce qu'elles sont cohérentes et raisonnables, alors que le bouclier fiscal ne l'est pas.

M. François Guillaume - Contrairement aux orateurs précédents, je suis favorable au bouclier fiscal. Je souhaite toutefois appeler votre attention sur la douloureuse situation des habitants modestes de l'île de Ré, injustement imposés à l'ISF et redressés sur une période de dix ans, alors qu'ils ne sont pas imposables sur le revenu. La spéculation qui sévit dans cette île très touristique a fait monter les prix des terres agricoles, exploitées ou non, et des habitations, fussent-elles sans confort, à des niveaux sans rapport avec la réalité économique. Les services fiscaux ayant établi leurs estimations sans aucun discernement, de nombreux petits propriétaires se sont retrouvés redevables d'un ISF qu'ils ne peuvent pas payer, sauf à vendre la maison qu'ils habitent et le jardin qui assure une large part de leur subsistance. Voudrait-on les obliger à entrer en maison de retraite que l'on ne s'y prendrait pas autrement ! Une parcelle de 60 ares, sur laquelle un couple de retraités cultive encore 20 ares de vignes, est ainsi estimée 1,2 million, ce qui les rend redevables de l'ISF. Il faut comprendre leur révolte, surtout quand ils apprennent que les œuvres d'art, elles, ne sont pas imposées à l'ISF et que le produit de la vente d'un commerce ne l'est pas sur la plus-value. Limiter l'impôt total à 60% de leurs revenus n'est pas suffisant pour eux. En effet, les retraites agricoles s'échelonnant de 4 500 à 15 000 euros par an au maximum, si le fisc prélève 60% de la pension la plus basse, il ne reste plus à son titulaire que 1 800 euros par an pour vivre.

Que les héritiers de ces petits propriétaires paient l'impôt sur les plus-values au moment de la succession n'est pas anormal. Mais il est indispensable de venir en aide aux petits retraités en retirant de la base de l'ISF toutes les terres agricoles exploitées, qu'elles se situent ou non en zone constructible, et cela au titre des biens professionnels. Il vous revient, Monsieur le ministre, de mettre un terme à la situation particulièrement injuste que vivent ces personnes modestes.

M. François Brottes - Combien la baisse des impôts prévue pour les plus riches coûtera-t-elle aux plus pauvres, qui sont les plus nombreux ? La question mérite d'être posée quand on mesure les problèmes que risque de poser la mise en place du bouclier fiscal à certains villages, notamment ceux de montagne, que je connais bien. Ces villages comptent beaucoup de résidents n'y vivant pas à l'année, bien qu'y ayant déclaré leur habitation en résidence principale. Ces personnes, souvent retraitées, apportent avec leurs impôts locaux une ressource indispensable à des communes qui n'ont aucune industrie ni entreprise et ne peuvent compter que sur les impôts des ménages pour maintenir un minimum de services de façon que les résidents permanents puissent rester. L'arrivée des nouveaux résidents a entraîné une spéculation foncière et immobilière qui interdit souvent à la population locale de se loger, donc de rester au pays, pénalise l'activité dans les villages en hiver, trop de volets restant alors clos. Et voilà maintenant qu'avec son bouclier fiscal, le Gouvernement va priver ces villages de ressources vitales. Les maires seront obligés de se battre à mains nues - pour le coup sans bouclier, eux - pour la survie de leur commune. De tout cela ne peut naître que la désespérance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué - Ce plafonnement à 60% résume assez bien l'esprit de la réforme fiscale que nous vous proposons, laquelle repose sur deux piliers, la justice (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et l'attractivité.

M. Didier Migaud - Quel culot !

M. le Ministre délégué - Justice : sur les 93 000 personnes qui bénéficieront de ce dispositif, 81 000 sont dans le premier décile de revenu. Seront ainsi concernés des contribuables modestes soumis à des taxes foncières, des artisans qui ont eu une année difficile, des agriculteurs dont la récolte a été mauvaise, des créateurs d'entreprise dont l'activité met du temps à démarrer.

M. Charles de Courson - Pour quelle somme ?

M. le Ministre délégué - Attractivité : ce plafonnement vise à mettre enfin la France au niveau des standards européens. On ne peut pas pleurer des larmes de crocodile quand les entreprises se délocalisent et ne pas prendre les décisions courageuses qui s'imposent en matière fiscale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Didier Migaud - C'est un prétexte ! Rien n'est prouvé.

M. le Ministre délégué - Un plafonnement a été institué notamment en Suède et en Espagne, où vos amis socialistes ne l'ont pas remis en cause. En France même, qui a inventé le plafonnement ? Les socialistes ! Sur ce sujet aussi, vous faites preuve d'amnésie... Le grand inventeur, c'est M. Rocard !

M. Augustin Bonrepaux - Vous confondez tout.

M. le Ministre délégué - Vous aviez institué un plafonnement à 70% pour l'ensemble IR, ISF, CSG. Vous aviez exclu les impôts locaux, c'est vrai, et c'était profondément injuste car de ce fait, les contribuables modestes n'ont pas pu en profiter.

M. Charles de Courson - Arrêtez !

M. le Ministre délégué - En proposant ce dispositif, nous mettons les pieds dans le plat à propos de la surtaxation.

M. Didier Migaud - C'est plutôt la main dans le pot de confiture !

M. le Ministre délégué - Permettez-moi de vous citer, Monsieur Migaud. A propos du projet de loi de finances pour 1999, vous aviez écrit : « La règle du plafonnement constitue l'une des principales innovations du dispositif de l'ISF par rapport à celui de l'impôt sur les grandes fortunes qui l'a précédé. La justification originelle du plafonnement tient à la volonté d'ôter tout caractère confiscatoire à l'impôt sur l'actif net » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Moi, je vote Didier Migaud !

Sur les 93 000 bénéficiaires du plafonnement des impôts, moins de 6 000 se trouveront parmi les 10% de ménages les plus aisés. Sur les 330 000 contribuables assujettis à l'ISF, seulement 16 800 vont bénéficier du dispositif.

M. Augustin Bonrepaux - Pour quel montant ?

M. le Ministre délégué - De plus, ces 16 800 contribuables sont pour environ un tiers dans le premier décile de revenu.

Quant au coût du dispositif, il est au total de 400 millions, dont 280 millions au profit du dernier décile.

Le sondage que nous avons fait réaliser par l'institut CSA montre que 71% des Français sont favorables à ce dispositif.

M. Charles de Courson - Ils ne le connaissent pas !

M. le Ministre délégué - On constate même que 65% des sympathisants du Parti socialiste l'approuvent (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Pour les sympathisants de l'UDF, on passe à 70%.

M. Charles de Courson - On ne leur a pas expliqué !

M. le Ministre délégué - Peut-être qu'on n'a pas expliqué non plus à M. Bayrou... En effet lorsqu'il était candidat à l'élection présidentielle, en 2002, il disait : « Je reviendrai sur le mécanisme du plafonnement du plafonnement, qui a contribué fortement à la délocalisation et à la fuite de beaucoup de nos talents ».

M. Charles de Courson - Nous vous l'avons proposé, vous ne l'avez pas fait !

M. le Ministre délégué - C'est très exactement ce que nous proposons !

M. Charles de Courson - Pas du tout !

M. le Ministre délégué - Vous voulez exclure les impôts locaux, Monsieur de Courson, mais 70% des partisans de l'UDF sont d'accord avec un plafonnement qui les inclut... Ils considèrent que ce gouvernement que vous critiquez sans cesse a eu là une bonne idée !

Cet élément de notre réforme fiscale est absolument essentiel. C'est un message que nous adressons à l'ensemble des Français, ceux qui sont dans la difficulté comme ceux qui prennent des risques et investissent. La croissance économique ne tombera pas du ciel : soutenir ceux qui créent de l'activité et de l'emploi relève donc du courage politique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Hervé Novelli - Très bien !

M. le Ministre délégué - C'est aussi un message pour l'ensemble des observateurs étrangers, qui pourront voir dans cette décision l'effet d'une volonté de redressement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Migaud - Je voudrais faire un rappel au Règlement, pour que nous nous mettions d'accord sur les conditions de ce débat. Monsieur le ministre, vous avez pris l'habitude de citer certains d'entre nous, en sortant les phrases de leur contexte. C'est vrai, j'ai commis un rapport sur l'ISF, mais je vous invite à en lire les conclusions : elles n'ont strictement rien à voir avec ce que vous proposez - de même que vos mesures n'ont strictement rien à voir avec la justice fiscale.

En ce qui concerne le sondage que vous avez cité, faut-il s'étonner que les Français répondent « oui » lorsqu'on leur pose une question du genre « Souhaitez-vous être riche et bien portant ? », « Faut-il que les mesures profitent aux classes moyennes ? » ou « Faut-il qu'elles répondent à la justice fiscale ? »... Le gros problème, c'est que nos concitoyens sont victimes d'intoxication de la part du Gouvernement, qui ment comme il respire sur ce dossier fiscal.

Mme la Présidente - Je vous ai donné la parole pour un rappel au Règlement...

M. Didier Migaud - En effet, et celui que je suis en train de faire relève de l'article 58, alinéa 1, parce qu'il vise à éviter l'utilisation d'arguments qui ne peuvent que fausser les termes du débat.

Mme la Présidente - Je vous rappelle les règles de fonctionnement de notre Assemblée.

M. Didier Migaud - Attendez la fin de mon intervention pour juger si elle relève ou non d'un rappel au Règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Donc, Monsieur le ministre, les questions posées sont sans grande signification. Il est important que nos concitoyens sachent que les mesures que vous proposez n'ont rien à voir avec les clases moyennes, mais profitent à un petit nombre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Charles de Courson - Je me félicite, Monsieur le ministre, de vous entendre lire, un peu tardivement, le programme électoral de François Bayrou. Non seulement celui-ci avait demandé que l'on revienne au plafonnement dit « Rocard », mais le groupe UDF a déposé à plusieurs reprises des amendements en ce sens et vos prédécesseurs s'y sont systématiquement opposés. Le groupe UDF n'a jamais été contre le plafonnement, mais il a toujours considéré qu'il concernait l'ISF et qu'il n'était pas besoin de plafonner l'impôt sur le revenu. François Bayrou avait bien montré le chemin à suivre, mais, sous la direction du Président de la République, vous avez toujours refusé de l'entendre.

Quant au sondage, les gens interrogés savaient-ils ce dont il s'agissait ? Non. Demandez aux Français s'ils sont pour la réduction des impôts. 100% seront favorables. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Demandez-leur s'ils veulent qu'on abandonne certains services publics, et 90% répondront non. Les sondages sur la politique fiscale, cela vous amène à réduire les impôts mais non les charges, et donc à aggraver les déficits publics.

Mme la Présidente - Ce n'est pas non plus un rappel au Règlement !

M. Charles de Courson - Enfin, vous nous dites que le bouclier fiscal profitera à 16 800 - et non 14 000 - assujettis à l'ISF, et cela pour 280 millions et non 250 millions. Vous avez oublié de nous préciser comment ils se répartissent en déciles. Très clairement, quelle part de ces 280 millions iront au dernier décile ?

M. Henri Nayrou - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58.

Monsieur le ministre, peut-on justifier une réforme fiscale par des sondages erronés ou farfelus ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Pourquoi n'avez-vous pas demandé aux sondés s'ils aiment le champagne à l'apéritif ? 83% auraient répondu oui, et on se serait étonné de ces 17%...

Mme la Présidente - Ce n'est pas un rappel au Règlement !

M. Henri Nayrou - Peut-on justifier une réforme par des sondages ? Si le dire ce n'est pas rappeler au Règlement, on ne peut plus parler.

Mme la Présidente - Non, ce n'est pas un rappel au Règlement.

M. Henri Nayrou - Laissez-moi terminer. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Quand vous mettez en avant les plus « pauvres » des plus riches, je pense au discours du Président de la République sur la nécessité de baiser l'impôt pour favoriser la croissance et l`emploi : on a vu ce que cela a donné.

M. Richard Cazenave - Vous l'avez déjà dit et cela n'a rien à voir avec un rappel au Règlement ! Respectez la présidence !

Mme la Présidente - Monsieur Bonrepaux, pour un rappel au Règlement ?

M. Augustin Bonrepaux - Tout à fait. Il est quand même surprenant que, sur des questions aussi importantes, nous n'ayons pas de réponse. Le Parlement doit disposer de tous les éléments d'information. Si l'on veut que le débat se poursuive, il faut que le ministre nous dise combien il y a exactement de bénéficiaires de ces 280 millions. Lors du débat sur l'ISF, on nous parlait de quelques dizaines de milliers de personnes, alors qu'il n'y en avait pas deux dizaines. Combien de contribuables vont se répartir ces 280 millions ? La question est pourtant simple.

M. Hervé Novelli - Ce n'est pas un rappel au Règlement !

M. Augustin Bonrepaux - Nous voulons bien avancer, mais avec toutes les réponses. J'attends.

M. Hervé Mariton - Sur le fondement de l'article 58, alinéas 1 et 3, je demande à nos collègues de revenir au fond du débat. Nous n`entendons aucun argument pertinent contre le plafonnement de l'impôt. Or, comme vous le dites justement, ce ne sont pas les sondages qui doivent nous inspirer, mais le bon sens. Il commande, je pense, de plafonner l'impôt. Vous pourriez dire que vous êtes contre ; n'osant aller contre le bon sens, vous nous noyez dans les détails et les arguties. Passons aux amendements.

Mme la Présidente - Après la réponse du ministre, nous lèverons la séance.

M. le Ministre délégué - J'ai dit, et je répète que sur 93 000 contribuables qui bénéficieront du dispositif, il y en a 81 000 dans le premier décile de revenus, et environ 6 000 dans le décile supérieur...

M. Augustin Bonrepaux - Combien ? Ils auront combien ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - Madame la présidente, étant donné ce climat un peu agressif, vous avez sans doute raison : mieux vaut lever la séance, nous y reviendrons tout à l'heure dans le calme.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 40.

              La Directrice du service
              du compte rendu analytique,

              Catherine MANCY


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