Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2005-2006)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 36ème jour de séance, 82ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 29 NOVEMBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

VIOLENCES CONJUGALES 2

MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION 2

EMPLOIS PRÉCAIRES 3

DETTE PUBLIQUE 4

POLITIQUE DE L'IMMIGRATION 5

LOGEMENT 6

FINANCEMENT DE LA DÉPENDANCE 7

ÉGALITÉ DES CHANCES 7

SOUTIEN AUX ENTREPRISES 8

APPLICATION DE LA LOI DE FÉVRIER 2005
RELATIVE AUX PERSONNES HANDICAPÉES 8

PLAN HIVER 9

CONSEIL NATIONAL DU LITTORAL 10

LUTTE CONTRE LE TERRORISME
(suite) 11

EXPLICATIONS DE VOTE 12

RETOUR À L'EMPLOI 16

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 20

QUESTION PRÉALABLE 20

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

VIOLENCES CONJUGALES

Mme Muguette Jacquaint - Les violences envers les femmes sont un véritable fléau social, et l'on ne peut tolérer leur banalisation. Malgré l'instauration de la journée internationale du 25 novembre grâce à la mobilisation associative, des milliers de femmes restent invalides et traumatisées, voire décèdent à la suite de violences commises dans l'espace public ou privé.

Face à l'urgence, vous n'avez pas jugé bon, Monsieur le Premier ministre, d'examiner les insuffisances de la loi adoptée par le Sénat le 25 mars dernier, qui nous revient par le biais scandaleux de la niche de l'UMP - majorité oblige ! Vous auriez mieux fait d'accepter la proposition de loi socialiste et communiste qui n'omet pas des dispositions essentielles telles que la formation de tous les acteurs qui se consacrent à l'accueil, à la protection et au suivi de ces femmes, la prise en charge thérapeutique des conjoints violents et les moyens donnés aux victimes pour faire face aux séquelles sociales, médicales et psychologiques de ces violences.

Etes-vous prêt à organiser ici même la discussion d'une loi-cadre réclamée par des centaines d'associations pour agir contre toutes les formes de domination et de discrimination dont sont victimes les femmes de notre pays ? C'est une question de justice, d'égalité et de dignité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Une enquête réalisée avec le ministère de l'intérieur - notamment le commandant Chapalain - et rendue publique la semaine dernière rappelle qu'une femme meurt tous les quatre jours en France suite à des violences conjugales. Dans 31 % des cas, ces drames se produisent au moment de la séparation. C'est un phénomène extrêmement grave, auquel nous apportons trois réponses.

Tout d'abord, il faut offrir un hébergement et un suivi médical et psychologique à ces femmes brisées. Ensuite, pour que les auteurs de ces violences sachent que l'on ne frappe pas impunément, nous souhaitons étendre les circonstances aggravantes aux ex-conjoints et ex-concubins ; dans le même temps, il faut développer la prévention en rendant les soins obligatoires. Enfin, il faut parler : on a trop longtemps appliqué la loi du silence. Or, pour éradiquer ce fléau, les victimes doivent pourvoir s'exprimer.

Le 13 décembre, nous discuterons dans cet hémicycle de diverses propositions sur ce sujet, de l'âge nubile aux circonstances aggravantes. Aujourd'hui, il faut non seulement dénoncer mais aussi agir, et le Gouvernement s'y engage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION

M. Philippe Houillon - Pour que la France reste une terre d'accueil, le Gouvernement a lancé une nouvelle politique de maîtrise de l'immigration, généreuse pour ceux que nous souhaitons accueillir mais intransigeante pour les clandestins. Les lois que nous avons votées ici donnent au ministre de l'intérieur les moyens d'une lutte efficace contre l'immigration illégale ; dans le même temps, le Gouvernement coopère tant avec les pays d'émigration qu'avec nos partenaires européens pour endiguer ce phénomène.

Ce matin, Monsieur le Premier ministre, vous avez présidé le comité interministériel de contrôle de l'immigration et lui avez présenté vos priorités en la matière : quelles sont-elles ?

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Pour être efficace, notre politique de maîtrise de l'immigration doit être globale, et notre immigration choisie. Tout d'abord, il faut renforcer la lutte contre l'immigration irrégulière. C'est le sens de notre action depuis 2002 et des efforts déployés par M. Sarkozy : nos résultats sont substantiels. Pour garantir la bonne intégration des étrangers dans notre pays, nous devons aussi être plus exigeants en matière d'immigration régulière.

M. Guy Geoffroy - Très bien !

M. le Premier ministre - Depuis trois ans, nous avons changé la donne : les reconduites aux frontières d'étrangers en situation régulière ont doublé - il y en aura plus de 20 000 cette année -, la durée des procédures de demande d'asile a été considérablement réduite et de nouveaux moyens de contrôle ont été mis en place - le contrôle de l'attestation d'accueil par les maires ou le visa biométrique, par exemple.

Ce matin, le comité interministériel de contrôle de l'immigration a pris de nouvelles décisions. Les consulats contrôleront mieux les mariages célébrés à l'étranger, et la transcription des actes, qui ne sera plus automatique, n'ouvrira plus forcément les droits à l'obtention d'un titre de séjour. Les étudiants étrangers devront désormais passer par le Centre des études en France qui vérifiera, dans leur pays, le sérieux de leur projet. Le traitement de la procédure d'asile sera ramenée à six mois au plus, en incluant la procédure de recours auprès de la commission de recours des réfugiés. Pour mieux lutter contre les mariages blancs ou de complaisance, j'ai demandé à M. Clément de faire le bilan des mesures décidées depuis 2003. De même, les règles s'appliquant au regroupement familial doivent être plus exigeantes : M. Sarkozy proposera lors du prochain comité interministériel d'allonger la durée de séjour minimale d'un à deux ans.

Cela suppose enfin de renforcer notre politique d'intégration. J'ai demandé à Jean-Louis Borloo et à Catherine Vautrin de généraliser les contrats d'accueil et d'intégration afin de les rendre obligatoires. Je souhaite également renforcer les critères permettant de juger de la bonne intégration des étrangers qui demandent une carte de résident de dix ans ou la nationalité française. La maîtrise de notre langue constitue en l'occurrence une exigence fondamentale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

EMPLOIS PRÉCAIRES

M. Yves Durand - Depuis plusieurs mois, le Gouvernement n'a qu'un seul mot d'ordre : précariser l'emploi. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Il dispose pour ce faire du contrat nouvelle embauche, qui permet surtout aux patrons de licencier sans explications ni procédures, et du contrat dit d'avenir qui ne prévoit qu'un temps partiel de 26 heures sans qualification ni formation et qui ne permet donc aucune véritable intégration dans le monde du travail. Cette généralisation de la précarité touche en particulier les jeunes, y compris les plus diplômés. Il est scandaleux que, sous prétexte de stages, les entreprises puissent utiliser des jeunes de haut niveau sans rémunération ni réelle formation. Il est scandaleux que de jeunes diplômés soient cantonnés dans des stages gratuits pour l'employeur en remplacement d'un emploi permanent rémunéré.

M. Richard Mallié - Et les emplois-jeunes !

M. Yves Durand - Plusieurs centaines de milliers de jeunes sont concernés. C'est injuste pour eux, alors qu'ils veulent intégrer le monde du travail, et c'est inadmissible pour les salariés ainsi mis en concurrence et à qui, en quelque sorte, on vole leur emploi. Ces jeunes stagiaires ne demandent pas votre compassion, Monsieur le Premier ministre, ni je ne sais quelle charte de bonne conduite qui n'engagera personne : ils souhaitent une véritable garantie législative, inscrite dans le code du travail, qui permette de leur octroyer une véritable rémunération et de respecter leur formation. Etes-vous prêt à donner à ces jeunes stagiaires un véritable statut pour mettre enfin un terme à cette situation scandaleuse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes - Au cours de leur scolarité, et notamment dans l'enseignement supérieur, un élève ou un étudiant sur deux suit un stage obligatoire ou facultatif. Cette pratique est essentielle pour rapprocher l'école, l'université et l'entreprise, pour acquérir une expérience et connaître les réalités du marché du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jean-Louis Walter, dans un rapport du Conseil économique et social de juillet 2005, a souligné l'intérêt de ces stages. Pour autant, ceux-ci ne visent pas à pourvoir des emplois permanents mais ils doivent permettre d'acquérir une formation et une expérience. D'ailleurs, notre droit réprime les abus. Je pense, en particulier à une jurisprudence de la Cour de cassation depuis 1993, et au code pénal qui considère ce genre de pratique comme un délit.

M. Christian Bataille - Répondez à la question ! Vous noyez le poisson !

M. le Ministre délégué - Nous avons reçu le collectif « Génération Précaire » et nous le recevrons à nouveau avant la fin de l'année. Avec M. de Robien, nous commençons une série de concertations avec les partenaires sociaux, l'université, les grandes écoles, afin de définir une charte de bonnes pratiques : il s'agit de faire en sorte que les stages conservent tout leur intérêt tout en évitant les emplois abusifs. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

DETTE PUBLIQUE

M. Hervé Morin - L'Assemblée nationale vient de voter le PLF pour 2006 qui entérine un endettement de la France supérieur à 1 100 milliards. Celui-ci était de 100 milliards en 1980, d'un peu moins de 400 milliards en 1990, et d'environ 800 milliards en 2000. La dérive est patente. Les trois quarts de l'impôt sur le revenu sont absorbés par le paiement des intérêts de la dette. L'UDF n'a pas voté le budget (Huées sur les bancs du groupe UMP)... Je reprends : l'UDF n'a pas voté le budget (Nouvelle huées sur les bancs du groupe UMP), notamment parce que nous estimons que l'on ne peut faire payer à nos enfants et à nos petits-enfants les efforts que nous ne faisons pas aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF) La presse s'est fait l'écho des propos de M. Breton, selon lesquels l'endettement de la France excéderait en fait les 2 000 milliards, soit plus que la richesse produite par notre pays chaque année. Confirmez-vous, Monsieur le Premier ministre, les déclarations de M. le ministre de l'Economie ?

M. Michel Lefait - C'est la faillite !

M. Hervé Morin - Quelles mesures comptez-vous prendre pour que la France cesse d'être écrasée chaque jour un peu plus sous le poids de la dette ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Vous avez été si imprécis, Monsieur Morin - et cela m'étonne de votre part - que je dois vous apporter un grand nombre de précisions.

Tout d'abord, le groupe UDF s'est en fait divisé : la moitié a voté contre notre budget, l'autre moitié s'est abstenue. C'est un choix que nous respectons. Le montant de la dette ne constitue en outre une surprise pour personne mais il faut faire preuve de pédagogie (Protestations sur les bancs du groupe UDF), comme nous l'avons demandé à M. Pébereau dans le cadre de son rapport. Je rappelle le chiffre qui figure au compte général des administrations publiques : la dette s'élèvera à la fin de cette année à 1 167 milliards. Le rapport de M. Pébereau mettra en évidence les erreurs économiques qui ont conduit à un tel endettement et vous serez sans doute surpris. J'espère en tout cas que tout le monde en profitera. Enfin, comme il en a été longuement question lors du débat sur les retraites, l'Etat a pris des engagements qui eux aussi figurent au compte général des administrations publiques : 450 milliards d'engagement pour les retraites des fonctionnaires et 450 milliards d'engagement pour la retraite des fonctionnaires territoriaux et de l'administration hospitalière. Tout le monde connaît ces chiffres, mais nous, nous avons fait preuve de pédagogie afin de tirer les conséquences de cette situation : pour la première fois, nous avons proposé un budget qui stabilise la dette et pour la quatrième année consécutive, nous maintenons une augmentation des dépenses à zéro volume. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

POLITIQUE DE L'IMMIGRATION

Mme Nadine Morano - Immigration choisie et non subie : oui ! Mais en 2002, avant votre arrivée place Beauvau, Monsieur le ministre d'Etat, l'immigration était un sujet interdit, en parler était devenu tabou. Avec courage, vous avez brisé ce tabou en fixant aux préfets des objectifs d'expulsion, en fermant le centre de Sangatte, en allant sur le terrain, dans les quartiers difficiles. Vous avez ainsi rompu avec l'immobilisme de vos prédécesseurs. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Vous avez démontré votre volontarisme et votre refus de la fatalité. (Mêmes mouvements) Les effets de cette politique se font déjà sentir sur le terrain, tous les élus locaux en ont conscience. J'appelle votre attention en particulier sur les centres de rétention administrative, car il faut agir avec le sens de la responsabilité mais aussi avec humanité. Quel est le nombre de places disponibles dans ces centres et à quel rythme les travaux d'installation avancent-ils ?

Plus généralement, quelles sont les prochaines étapes de votre action, alors que vient de se réunir un comité interministériel pour le contrôle de l'immigration ? La majorité se réjouit que les idées que vous avez courageusement défendues (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) soient maintenant celles du Gouvernement tout entier. Monsieur le ministre d'Etat, nous attendons une véritable refondation de la politique d'immigration, sur les quotas, sur la lutte contre les détournements du regroupement familial, les mariages blancs. Le Parlement sera-t-il amené à examiner un projet de loi global ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire - L'immigration est un sujet grave (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe des députés communistes et républicains) sur lequel toutes les majorités depuis 1974 ont eu le grand tort de ne pas réfléchir et proposer suffisamment. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) C'est justement parce que les formations politiques républicaines, par complaisance, et parfois par lâcheté, ont refusé d'aborder ce sujet, que le Front national a été à ce niveau pendant vingt ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Quant les formations républicaines ne font pas leur travail alors que les citoyens sont légitimement inquiets, les extrêmes en profitent.

Nous ne voulons pas de l'immigration zéro, qui n'a aucun sens au regard de l'histoire de notre pays. Les civilisations sont mortelles, mais le sont davantage par consanguinité que par l'apport de populations nouvelles. (Brouhaha sur les bancs du groupe socialiste) Mais nous ne voulons pas non plus du laxisme qui a conduit aux drames que nous avons connus, y compris dans nos banlieues, où les fils et petits-fils d'immigrés que nous n'avons pas su, pas voulu ou pas pu intégrer sont sans identité, sans repères, sans avenir. Je me reconnais dans ce qu'a dit le Premier ministre : nous voulons une immigration choisie. C'est la raison pour laquelle, pour la première fois dans un Gouvernement, un ministre est en charge de la coordination entre les ministères des Affaires étrangères, des Affaires sociales et de l'Intérieur dans ce domaine. Mais nous voulons choisir ceux qui seront accueillis sur le territoire de la République pour pouvoir les intégrer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe UDF) et nous raccompagnerons chez eux ceux que nous n'avons pas choisis. Nous voulons davantage d'étudiants, davantage de chercheurs, davantage de solidarité envers ceux qui sont poursuivis, mais nous ne voulons plus de ceux dont on ne veut nulle part ailleurs dans le monde. La France ne peut pas être le seul pays à ne pas décider de qui entre sur son territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

LOGEMENT

M. Alain Venot - Ma question s'adresse au ministre de l'Emploi, de la cohésion sociale et du logement...

M. Patrick Roy - Et du chômage !

M. Alain Venot - La crise du logement est profonde depuis de nombreuses années et le Gouvernement s'attaque résolument à tous ses aspects. Pour rééquilibrer l'offre et la demande, il a engagé d'importants moyens et pris des mesures spécifiques pour développer l'offre locative, relancer la construction, développer l'accession à la propriété, réhabiliter les quartiers. Le plan de cohésion sociale contribue largement à résorber la pénurie de logements et fixe notamment l'objectif de construire 500 000 logements en cinq ans. Où en est-on et comment entendez-vous poursuivre la dynamique engagée ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - La crise du logement que nous avons héritée (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) de la précédente décennie, était d'une extrême gravité. En effet, avec l'emploi et l'éducation, le logement est un des piliers du pacte républicain. Le Gouvernement a dégagé des moyens considérables, comme vous l'avez dit. Selon les derniers chiffres, de ce matin même, nous avons déjà construit 395 000 logements cette année, soit un record depuis 25 ans et 40 % de plus que la production antérieure ; à ce rythme, nous atteindrons les 400 000 logements en 2005, avec 500 000 permis de construire. Il fallait doubler le nombre de logements sociaux. Nous sommes en train de gagner le pari, et même au-delà.

Plusieurs députés socialistes - Combien ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Dès cette année, nous serons à 77 000 logements sociaux contre moins de 40 000 en 2000. Enfin, nous avons porté à 30 milliards les crédits pour le programme de rénovation urbaine.

Pour surmonter la crise, il faut maintenir cet effort pendant trois ans, et même l'amplifier comme l'a demandé le Premier ministre dans le pacte national pour le logement que le Sénat a examiné cette semaine et qui va venir devant l'Assemblée. En outre, cet essor de la construction a eu un grand effet sur l'emploi puisque 65 000 contrats à durée indéterminée ont été signés dans ce secteur depuis le début de l'année. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

FINANCEMENT DE LA DÉPENDANCE

Mme Paulette Guinchard - La France est mal préparée à prendre en compte l'allongement de la vie et la dépendance des personnes âgées. Dans un rapport accablant, la Cour des comptes dénonce le manque de places dans les maisons de retraite, le manque de personnels et leur manque de formation ; elle dénonce le ralentissement des financements mis en place en 2001, la complexité introduite par la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Plus inquiétant encore, elle démontre que les prix dans les structures d'accueil sont trop élevés, et très souvent supérieurs aux retraites. C'est inacceptable pour les familles. Le plus grave est que les moyens dégagés depuis 2004 par la suppression du jour férié n'ont pas été utilisés. L'annonce que vous venez de faire, de crédits de 500 millions, le confirme.

Qu'allez-vous donc faire pour que l'argent du jour férié aille enfin aux personnes âgées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille - Si la Cour des comptes dresse un constat d'échec, c'est celui de votre politique en matière d'aide aux personnes âgées ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) En 2002, l'Allocation personnalisée d'autonomie n'était pas financée. C'est nous qui avons dû le faire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Quant au Plan vieillissement solidarité, c'est nous qui l'avons fait. Nous aussi, qui avons décidé de doubler le nombre de créations de places. 20 000 places supplémentaires seront ainsi ouvertes dans le cadre de ce plan. La solidarité nationale n'aura donc pas été mobilisée en vain ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Si vous aviez le mauvais goût de contester la nécessité d'un investissement massif dans les maisons de retraite et dans nos maisons handicapées, sachez que les personnes âgées et handicapées trouvent, elles, que c'est un effort urgent à réaliser !

Grâce à la solidarité de nos compatriotes, nous sommes maintenant en mesure de rattraper le très lourd retard (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) qui s'était accumulé au fil des ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

ÉGALITÉ DES CHANCES

M. André Schneider - Monsieur le ministre de l'éducation, les événements de ces dernières semaines ont montré la gravité du malaise social qui saisit les quartiers les plus défavorisés de nos agglomérations. Nous savons tous que les jeunes sont au cœur de cette tourmente. Aussi le Gouvernement a-t-il l'urgente responsabilité de rendre espoir à ces enfants de la République. L'école n'est certes pas seule en cause, mais elle a à cet égard un rôle déterminant à jouer, car pour le moment les chemins de la réussite sociale ne s'ouvrent pas assez aux enfants des milieux populaires.

Les écoles d'ingénieurs et de commerce n'accueillent actuellement que 10 % d'enfants d'ouvriers. Comment, dans ces conditions, les jeunes de nos quartiers peuvent-ils espérer construire un projet universitaire ? Ils savent que l'école de leur quartier n'a quasiment aucune chance de les mener sur la voie de la promotion sociale. La politique d'éducation prioritaire, engagée il y a plus de vingt-cinq ans, montre ses limites. Elle n'a pas relancé l'ascenseur social.

On voit des bonnes volontés se manifester pour ouvrir l'enseignement supérieur, y compris l'ENA, à ces élèves qui ont un potentiel de réussite. Mais il faut sans doute aller plus loin pour proposer enfin à tous les jeunes, quel que soit leur lieu de résidence, des modèles de réussite et des raisons d'espérer. Que comptez-vous donc faire, Monsieur le ministre, pour ouvrir davantage nos grandes écoles et nos universités à nos élèves les plus fragiles et leur permettre ainsi de cheminer sur la voie de la réussite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - La première égalité, c'est l'équité. Voilà le principe que j'essaie d'appliquer à l'Education nationale, sachant que l'école crée la société de demain et que c'est à l'école que le concept de pacte républicain trouve tout son sens.

Les jeunes des quartiers difficiles ont le droit d'aspirer au meilleur, ils ont le droit d'aspirer à devenir les élites de la France, dans le milieu social, économique, politique ou culturel, le droit enfin d'accéder aux plus grandes écoles et universités. C'est leur droit républicain.

Déjà, 57 grandes écoles et plusieurs universités s'engagent sur la voie du tutorat et ont déjà apporté beaucoup à de nombreux jeunes. Mais il faut aller plus loin dans la lutte contre les discriminations. C'est pourquoi François Goulard et moi avons fixé un objectif très simple : que 100 000 étudiants guident, par le tutorat, 100 000 jeunes de nos quartiers. Je sais que les universités et les grandes écoles y sont prêtes, elles le démontrent déjà. Nous avons tous le devoir de faire vivre cette démarche, de nature à resserrer les liens sociaux et à servir le principe d'égalité des chances. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP )

SOUTIEN AUX ENTREPRISES

M. André Berthol - Le Gouvernement et sa majorité se sont fixé comme objectifs majeurs l'emploi et la croissance. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Pour dynamiser notre économie, le Gouvernement a, depuis 2002, soutenu les entreprises et encouragé la création de celles-ci, considérant à juste titre que ce sont d'abord elles qui créent les emplois !

En 2005, la France a battu un record avec la création de 225 000 entreprises ! La loi sur l'initiative économique a été déterminante dans l'obtention de ce résultat, qui est d'autant plus important que l'observation montre qu'en trois ans, une entreprise nouvelle crée trois emplois.

Quel bilan dressez-vous, Monsieur le ministre des PME, de ces derniers mois ? Et que comptez-vous faire pour amplifier cette action en faveur de l'emploi et de la croissance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales - Le bilan est excellent ! En octobre 2005, on dénombrait ainsi 19 374 entreprises nouvelles, soit 6,6 % de plus qu'en octobre 2004, qui était déjà un mois en très forte croissance par rapport au mois précédent.

Il faut se souvenir d'où nous venons. En 2002, la Banque mondiale plaçait la France au 17ème rang des pays développés pour ce qui était de la création d'entreprises. En 2002, lorsque l'on créait une entreprise, la première lettre que l'on recevait était une lettre de l'URSSAF demandant le paiement de cotisations avant même le premier euro de chiffre d'affaires. Cet environnement hostile à la création d'entreprise, nous l'avons modifié par la loi de 2003, puis, tout récemment, par une loi qui démocratise la création d'entreprise. Nous voulons en effet que créer une entreprise soit accessible à tous, quelles que soient les origines sociales, quels que soient le diplôme et le niveau financier du créateur. La République peut soutenir la création d'entreprises.

Nous allons poursuivre cet effort en déployant tout un plan sur la reprise d'entreprises, car 500 000 entreprises seront à céder dans les années qui viennent. Et dans les semaines qui viennent, je proposerai des mesures nouvelles destinées à aider les entreprises à grandir et, par conséquent, à embaucher davantage de salariés. Vous pouvez compter sur le Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

APPLICATION DE LA LOI DE FÉVRIER 2005 RELATIVE AUX PERSONNES HANDICAPÉES

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - La loi pour l'égalité des chances et des droits, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées entrera en vigueur le 1er janvier prochain. On ne pourrait que s'en féliciter si elle s'accompagnait de moyens financiers accrus et allait faciliter les démarches. La réalité est, hélas, tout autre. A un mois de son entrée en application, les conseils généraux attendent toujours la publication de quelque 80 décrets d'application.

Les personnes handicapées comme les responsables locaux s'inquiètent légitimement des critères qui seront retenus pour l'attribution de la prestation de compensation du handicap. Ainsi, à titre d'exemple, dans mon département de Haute-Vienne, sommes-nous contraints d'estimer grossièrement le nombre d'allocataires, dont nous pouvons penser qu'il sera en réalité le triple. Parallèlement, vu la dotation actuelle de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la part qui devrait nous revenir couvrirait, dans l'hypothèse la plus optimiste, à peine deux tiers des besoins. Le complément devra donc, encore une fois, être apporté par les départements, autrement dit par la fiscalité locale. Il en ira de même pour le fonctionnement des maisons départementales du handicap, alors même que la réforme fiscale a détérioré les marges financières des collectivités.

Monsieur le ministre de la santé et des solidarités, repousserez-vous temporairement la mise en œuvre de certaines dispositions de la loi afin que celle-ci puisse entrer en vigueur dans de bonnes conditions et apporter une réelle amélioration par rapport à la situation actuelle ? Les personnes handicapées méritent en effet une autre considération que celle que traduisent à leur égard la multiplication des effets d'annonce et un intérêt de façade, dont témoigne la valse des secrétaires d'Etat qu'a connue ce secteur ces trois dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille - Il y aura au moins une bonne nouvelle cet après-midi, celle du ralliement du groupe socialiste à la loi de 11 février 2005, contre laquelle il avait voté et dont il demande aujourd'hui la pleine application, ce dont je me réjouis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

La loi est entrée en vigueur dès sa promulgation. L'allocation adulte handicapé a ainsi été immédiatement portée à 80 % du SMIC et l'obligation d'inscription des enfants handicapés dans l'école de leur secteur a été effective dès cette rentrée. De très nombreux décrets devaient en effet être pris. Quarante ont déjà été examinés par le Conseil national des personnes handicapées et tous les plus importants seront publiés d'ici à la fin de l'année.

Les maisons départementales du handicap, guichet unique que nous aidons les départements à mettre en place, seront toutes ouvertes au 1er janvier 2006...

M. Alain Néri - Avec quel argent ?

M. le Ministre délégué - Soyez assurés que la loi sera pleinement appliquée tout au long de 2006, avec l'aide de l'Etat et de la CNSA. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

PLAN HIVER

M. Lucien Degauchy - Ma question s'adresse à Mme la ministre délégué à la cohésion sociale et à la parité. Les températures ont fortement chuté partout dans le pays et cette vague de froid nous inspire les plus vives inquiétudes pour ceux de nos compatriotes, hélas de plus en plus nombreux, qui vivent dans la rue. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Mesdames et Messieurs les champions de la précarité, nous devons assumer votre héritage. (Mêmes mouvements)

Les accueils d'urgence offrent aujourd'hui plus de 90 000 places. L'an dernier, tout avait été mis en œuvre pour accueillir les plus démunis dès les premiers froids. En est-il de même cette année ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Pouvez-vous faire le point sur le plan Hiver 2005 ? le dispositif a-t-il été renforcé par rapport à l'an passé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Le plan Hiver, qui comporte trois niveaux, démarre tous les ans au 1er novembre. Lorsque nous l'avons présenté, il faisait 15°. Deux semaines plus tard, les températures étaient de dix degrés inférieures aux normales saisonnières. Sur les 10 000 places d'accueil d'urgence que comporte ce plan, 7 800 ont été mobilisées au plus fort de la vague de froid. C'est dire que nous disposons de capacités d'accueil suffisantes pour faire face aux besoins relayés par les associations - auxquelles je tiens à rendre un hommage particulier pour leur travail remarquable. Le Premier ministre leur a rendu visite, je les ai moi-même accompagnées quatre soirs la semaine dernière. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) La principale difficulté qu'elles rencontrent dans leurs rondes est de convaincre les sans-abri de rejoindre les centres d'hébergement.

Pour notre part, nous avons aujourd'hui même, avec Xavier Emmanuelli, inauguré le nouveau standard du 115, lequel représente un investissement de 500 000 euros mais permettra de traiter tous les appels en temps réel. Plus de quatre cents appels ont ainsi pu être satisfaits ce matin. La grande flexibilité du dispositif mis en œuvre vise à ce que chacun puisse être accueilli et que la cellule de crise puisse faire face à toutes les demandes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

CONSEIL NATIONAL DU LITTORAL

Mme Hélène Tanguy - Monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire, les 7 000 kilomètres du littoral de la France continentale représentent un atout considérable pour notre pays. Le littoral attire de plus en plus : la densité y est en moyenne le double celle de l'ensemble du territoire national. On choisit le littoral pour les vacances, mais aussi comme résidence de retraite. Les statistiques sont particulièrement parlantes en Bretagne.

Cela cache toutefois des situations variées, complexes, parfois conflictuelles. Sur cette étroite bande de terre, chacun doit trouver sa place, sans dénaturer le patrimoine environnemental, ce qui suppose, non pas d'interdire, mais de réguler les constructions d'habitations et d'équipements, sachant que l'emploi dépend pour beaucoup du développement des activités professionnelles liées à la mer et au tourisme.

Ma circonscription, presqu'île à la proue de l'Europe, est emblématique de ce vivre-ensemble entre pêcheurs, commerçants, plaisanciers, touristes, exploitants agricoles, établissements de thalassothérapie... Elle regroupe des espaces Natura 2000, une zone nationale d'intérêt écologique faunistique et floristique - ZNIEFF -, le grand site de la Pointe du Raz, une réserve ornithologique,... autant de marques d'une protection maîtrisée.

Nous nous efforçons de concilier activités économiques et respect de la nature dans le cadre du programme expérimental de gestion intégrée des zones côtières, dont vous avez accepté le lancement dans ma circonscription, ce dont je vous remercie. Dans une zone qui comporte le premier quartier maritime de pêche français, on mesure tout l'intérêt d'une gestion du coté « mer » de la côte, celui des espaces nourriciers et des zones de frayère, indispensables à la ressource halieutique.

M. le Président - Posez votre question, je vous prie.

Mme Hélène Tanguy - Un littoral pollué, ce sont des pêcheurs au chômage. Un développement équilibré de notre littoral exige un dialogue au niveau local mais aussi national. C'est dans cet esprit qu'a été créé le Conseil national du littoral dans la loi relative au développement des territoires ruraux. Le décret a été pris le 18 novembre dernier. Monsieur le ministre,qu'attendez-vous de ce nouvel outil ? Quelle est votre ambition pour notre littoral ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire - D'ici à vingt-cinq ans, notre littoral devrait accueillir 3,5 millions d'habitants supplémentaires. Pour s'y préparer, le Gouvernement a le souci de préserver un équilibre entre protection d'un patrimoine tout à fait exceptionnel et développement économique. Il a pris des décisions énergiques et fortes. En premier lieu, j'ai labellisé 25 projets de gestion intégrée des zones côtières, dont ceux du Mont St-Michel, de la baie de Somme, de la Camargue ou encore de l'Ouest Cornouaille ; le succès de ce dernier dossier doit d'ailleurs beaucoup à votre soutien, Madame Tanguy. Ensuite, conformément à l'ambition du Président de la République, le budget du Conservatoire national du littoral a été augmenté de 40 % afin qu'il puisse acquérir de nouveaux terrains. Rappelons qu'il possède à l'heure actuelle 880 kilomètres de rivages répartis sur 300 sites et près de 376 800 hectares. Nous devons renforcer son action en partenariat avec les collectivités territoriales. Enfin, j'ai souhaité accélérer la création du Conseil national du littoral.

M. Didier Quentin - Très bien !

M. le Ministre délégué - Le décret a été publié le 18 novembre dernier et j'ai proposé au Premier ministre son installation durant le premier trimestre 2006. Cet organisme permettra à l'ensemble des acteurs et des partenaires d'orienter l'action du Gouvernement.

Pendant des années, on a laissé le littoral se développer de façon anarchique. Aujourd'hui, le Gouvernement est passé à l'action en protégeant les sites les plus prestigieux et les plus sensibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 20.

LUTTE CONTRE LE TERRORISME (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire - Mesdames et Messieurs les députés, le débat que nous avons eu ensemble a permis de poser un diagnostic commun sur plusieurs points. D'abord, la menace terroriste existe, dans notre pays comme dans toutes les démocraties, et elle reste extrêmement préoccupante. Ensuite - et c'est un point qui peut faire consensus -, toutes les forces politiques s'accordent sur la nécessité de mener une politique intransigeante à l'endroit des terroristes, nul n'ayant suggéré que l'on baisse la garde face à la menace ou que l'on fasse preuve de la moindre indulgence. Enfin, la lutte contre le terrorisme n'est ni de droite ni de gauche : au cours des dernières années, l'effort pour renforcer l'arsenal juridique anti-terroriste a été continu.

Sur les 142 amendements examinés, 63 ont été adoptés, dont plusieurs émanant des rangs de l'opposition. Le temps me manque pour retracer le contenu de chacun d'entre eux. Je m'en tiens par conséquent aux principales améliorations que vous avez apportées au texte initial.

Si nul ne s'est opposé au principe de l'extension de la vidéosurveillance, vous avez utilement précisé les conditions de son utilisation au regard du nécessaire respect des libertés publiques. S'agissant de la prolongation de la garde à vue, le même souci a conduit à retenir un mode d'organisation relativement consensuel. Je rappelle pour mémoire qu'au Royaume-Uni, pour ce qui concerne les affaires de terrorisme, la garde à vue peut durer quinze jours et qu'il est envisagé de porter sa durée à deux mois.

Dans leurs différentes interventions, tous les députés ont souhaité qu'une attention particulière soit portée aux victimes du terrorisme. Le message a été parfaitement entendu : le suivi des victimes sera renforcé et les assurances seront tenues de mieux indemniser les dommages liés à des actes terroristes.

Vous avez également souhaité que les prêcheurs de haine soient mis hors d'état de nuire, en particulier lorsqu'ils sévissent sur des chaînes de télévision extracommunautaires. Là encore, le dispositif que vous avez adopté est utile et équilibré.

Enfin, à l'initiative de M. Baguet, vous avez fait porter par ce texte l'amendement de lutte contre le hooliganisme que j'avais moi-même proposé. Je m'en réjouis, car cela permettra de chasser de nos stades les gens violents et racistes qui font honte à tous les amateurs de sport.

Je me suis engagé devant le président et le rapporteur de votre commission des lois - que je remercie au passage pour leurs travaux - à ce que nous trouvions avant la mi-février une solution consensuelle pour renforcer le contrôle du Parlement sur l'activité des services de renseignement...

M. Xavier de Roux - Très bien !

M. le Ministre d'Etat - Vous comprendrez, et je me tourne notamment vers M. Lellouche, que nous nous donnions quelques semaines pour mettre au point un dispositif de contrôle adapté.

Ce débat, Monsieur le Président Debré, a fait honneur à votre assemblée et nous avons été heureux, Christian Estrosi et moi-même, d'y prendre part au nom du Gouvernement.

Grâce à ce texte, la France disposera de moyens plus efficaces pour combattre le terrorisme en amont, alors que le dispositif en vigueur restait concentré sur les suites à donner aux attentats. Au terme d'un débat rapide mais dense et approfondi, nous nous donnons de nouveaux moyens pour éviter que le pire n'advienne. Merci aux parlementaires de toute obédience d'avoir su se hisser au niveau de l'enjeu, en dépassant les querelles stériles et l'affrontement partisan, pour présenter un front uni contre les forces de l'obscurantisme. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Merci, Monsieur le ministre d'Etat, de l'hommage que vous avez rendu à l'institution parlementaire.

M. Alain Marsaud, rapporteur de la commission des lois - Ce texte donne effectivement des moyens nouveaux à l'ensemble des services chargés de la lutte anti-terroriste. L'évolution des techniques et de la nature de la menace nous forçait du reste à adapter sans délai notre arsenal juridique. Au cours de nos deux jours de débat, nous avons constamment veillé à respecter un équilibre entre la recherche d'efficacité, le respect des libertés individuelles et les droits des victimes. Au final, le texte que nous allons adopter est le fruit d'un assez large consensus. Nous avons tenu compte de l'avis de chacun, en ayant bien entendu toujours en tête le souci de l'intérêt général.

Nous nous félicitons de l'engagement du ministre d'Etat d'œuvrer à la création d'une commission de contrôle parlementaire de l'activité des services de renseignement avant le 15 février prochain. A lire la presse de cet après-midi, on voit bien qu'une telle démarche ne sera pas inutile !

Je salue le travail de notre commission des lois, qui a auditionné en quinze jours une cinquantaine de personnalités, ainsi que l'engagement de chacun des parlementaires ayant pris part à ce débat pour améliorer le texte initial, notamment pour ce qui concerne les conditions d'allongement de la garde à vue.

L'heure est venue d'adopter ce texte. Faisons le sans réserve, car il constitue un ensemble cohérent, novateur et protecteur des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Michel Vaxès - Monsieur le ministre d'Etat, vous avez souhaité que nos débats ne souffrent d'aucune ambiguïté. Et nous partageons si complètement ce point de vue que nous voulons lever d'emblée celle qui pourrait donner à penser que votre texte fait consensus. En vue de balayer toute équivoque, je préciserai les points sur lesquels le consensus existe, ceux à propos desquels il serait possible et ceux pour lesquels il est exclu.

La volonté de combattre le terrorisme avec la plus grande fermeté fait incontestablement consensus sur tous nos bancs. Quant à l'analyse de la menace terroriste sous ses formes les plus actuelles, elle pourrait également susciter une large convergence de vues si nous avions à ce sujet un débat exhaustif. Mais le consensus n'existe plus sur les moyens que vous consacrez à ce combat. Vos propositions seront inefficaces et les terroristes sauront s'y adapter rapidement, si ce n'est déjà fait. Le danger qu'elles font courir à notre démocratie est la première victoire de ces fanatiques qui menacent tous les progrès de la civilisation par la terreur.

Un député UMP - Vous critiquez, mais que préconisez-vous ?

M. Michel Vaxès - Le terrorisme est la négation de l'humanité. Contre lui, vous ne nous proposez malheureusement pas de livrer le seul combat qui vaille : pour l'humanité ! Pourtant, le modèle américain sur lequel vous vous alignez est un échec : loin d'affaiblir le terrorisme, il a contribué à son extension sur des territoires qui en étaient exempts, facilité le recrutement, renforcé les motivations. Or, la première des victoires à remporter contre ce fléau innommable est de tarir la source de ces soldats de la mort en éradiquant les inégalités entre les hommes et entre les territoires.

Certes, s'en prendre aux seules causes directes du terrorisme ne suffit plus pour s'en prémunir : faute d'avoir su en empêcher l'apparition, les sociétés libérales doivent désormais s'en protéger. Devons-nous pour autant rompre l'équilibre entre l'exigence légitime de sécurité et le respect des droits fondamentaux, la liberté de circuler, l'intimité de la vie privée ? Non ! Pourtant, c'est ce que vous faites en refusant de tenir compte des réserves de la CNIL et des remarques des organisations des droits de l'homme et des professionnels de la magistrature. Ce n'est pas étonnant : année après année - notamment en 2003 et 2004 - votre majorité a voté des lois qui malmènent les droits fondamentaux.

Ne sombrons pas dans l'angélisme : agir avec efficacité, c'est agir en amont. On vante souvent les mérites de notre législation actuelle et le professionnalisme de nos services : si l'on décuplait leurs moyens, on décuplerait leur efficacité ! Mais votre obsession de la maîtrise des moyens des services publics de l'Etat l'interdit.

Surveiller des millions de personnes pour repérer, a posteriori, la malfaisance potentielle d'une poignée d'individus, c'est s'épuiser à chercher une aiguille dans une botte de foin : l'échec est assuré. Votre texte fait de chacun de nos concitoyens un suspect potentiel (Protestations sur les bancs du groupe UMP) qui doit prouver son innocence en acceptant que sa vie privée soit surveillée au quotidien.

M. Guy Geoffroy - Dites cela aux victimes et à leurs familles !

M. Michel Vaxès - Il ouvre la voie à des lois liberticides, et nous refusons cette logique. C'est parce qu'il veut gagner le combat contre le terrorisme que le groupe communiste et républicain votera contre ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Thierry Mariani - Nous avons tous en mémoire les terribles images des attentats du 11 septembre 2001, de Madrid ou de Londres. La nouvelle menace terroriste, diffuse et multiforme, est le fait de groupes islamistes radicaux sans réelle hiérarchie qui n'ont d'autre objectif que de déstabiliser l'Occident.

Face à elle, les anciennes méthodes ont fait leur temps. Le texte qui nous est soumis permettra de mieux assurer la sécurité de nos concitoyens en adoptant des instruments juridiques nouveaux, dans le respect des libertés individuelles. Loin de la caricature que vient d'en faire notre collègue communiste, (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) j'en citerai les principales avancées et profite de l'occasion pour saluer l'excellent travail du rapporteur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Tout d'abord, le développement de la vidéosurveillance et le contrôle des communications téléphoniques et électroniques renforcera la prévention des actes terroristes. Des systèmes de vidéosurveillance pourront être installés sur la voie publique et dans des lieux publics - centres commerciaux, stades ou musées, par exemple.

M. Maxime Gremetz - Installez-les surtout dans les banlieues !

M. Thierry Mariani - Afin de garantir la liberté de chacun, seuls des enquêteurs spécialisés et individuellement habilités pourront avoir accès aux images, qu'une infraction ait été commise ou non. Ces systèmes de vidéosurveillance devront répondre à des normes techniques fixées par arrêté ministériel.

D'autre part, l'amélioration du dispositif pénal permettra de mieux sanctionner les actes terroristes. L'association de malfaiteurs à des fins terroristes sera plus sévèrement réprimée : la peine encourue sera de vingt ans de réclusion, voire trente ans pour les dirigeants et organisateurs. La « machine judiciaire » améliorera son efficacité grâce à la centralisation auprès des juridictions de l'application des peines et du suivi des personnes condamnées pour des actes de terrorisme. En outre, le délai pendant lequel peut être engagée la procédure de déchéance de la nationalité française est porté de dix à quinze ans.

Je tiens, Monsieur le ministre d'Etat, à saluer l'esprit d'ouverture qui a présidé à nos débats. De très nombreux amendements émanant de la majorité et même de l'opposition ont enrichi le texte. Ainsi, vous créerez, à notre initiative, un groupe de travail chargé d'étudier les conditions dans lesquelles pourra être créée une commission parlementaire de contrôle des services de renseignement, et vous êtes engagé à ce qu'il rende ses conclusions avant le 15 février prochain. Vous suivez là une bonne méthode et le Parlement dans son ensemble attendait cela depuis des années.

M. Maxime Gremetz - Ah non !

M. Thierry Mariani - Toujours à notre initiative, la garde à vue pourra être prolongée de 48 heures en cas de faits graves liés à un acte terroriste. Ce délai supplémentaire, fortement encadré, permettra aux services d'enquête d'avoir plus de temps pour récolter les preuves sur des dossiers souvent complexes.

Compte tenu de l'urgence à légiférer pour garantir la sécurité de nos concitoyens, le groupe UMP vous apporte, Monsieur le ministre d'Etat, son soutien plein et entier, et votera votre projet de loi avec conviction (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) !

M. Jacques Floch - C'est la recherche d'un juste équilibre entre sécurité et liberté qui inspire, en principe, la lutte contre la criminalité et le terrorisme dans les sociétés démocratiques, écrivait récemment Thomas Ferenczi. Le groupe socialiste s'associe à cette remarque, d'autant qu'il appartient à un parti politique appelé à gouverner et qui, dans deux ans, pourrait avoir à garantir la sécurité de tous ceux qui vivent dans notre pays (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

C'est pourquoi notre participation à ce débat fut très active : nous avons proposé une série d'amendements tendant à améliorer et à corriger le texte du Gouvernement. Nous avons notamment soumis à l'Assemblée nationale la nécessité de créer une délégation parlementaire d'évaluation de nos services de renseignements, mais avons retiré - avec les autres groupes - cet amendement après l'engagement formel du Gouvernement de reprendre cette proposition, qui nous mettrait au niveau des autres grandes démocraties. Nous avons voulu aménager les droits de la défense dans le cadre de la prolongation de la garde à vue liée à la lutte contre le terrorisme ; nous avons atteint une limite que nous ne pourrons pas dépasser. Nous avons exigé le renforcement des moyens de contrôle de la CNIL. Nous avons demandé avec insistance que l'amalgame ne soit pas fait entre terrorisme et immigration - mais M. le ministre d'Etat n'a pas pu sortir de son fantasme.

La menace terroriste n'épargne personne : lutter contre elle n'est l'apanage de personne. Le groupe socialiste, responsable devant le peuple français et tous ceux qui vivent en France, est capable d'exiger de meilleurs outils pour nos forces de sécurité et de renseignements - alors que le texte se contente de valider des pratiques existantes. Il est capable d'exiger le contrôle accru de l'utilisation de la vidéosurveillance - ce que le Gouvernement n'a pas su faire ; capable aussi d'exiger, comme la Cour européenne de justice s'apprête à le faire, que soit refusé un usage abusif des données personnelles détenues par les compagnies aériennes - alors que la France cède aux Etats-Unis sur ce sujet. Capable enfin, comme le rapporteur, notre excellent collègue M. Marsaud, de douter de l'efficacité du contrôle des échanges téléphoniques et électroniques, du contrôle des déplacements, du gel des avoirs ou des dépôts financiers.

Mais le groupe socialiste défend aussi les éléments de civilisation que comprend la Convention européenne des droits de l'homme, qui doit rester un rempart contre le tout sécuritaire. Tout en admettant les mesures prises pour tenter d'assurer la sécurité de nos concitoyens, nous sommes exigeants sur les limites que fixe à la loi le respect de l'état de droit. En toute responsabilité, le groupe socialiste s'abstiendra donc sur ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Hunault - Les élus du groupe UDF apporteront leurs voix au projet de loi sur la lutte contre le terrorisme (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). L'UDF partage l'objectif du Gouvernement et se satisfait des avancées obtenues lors de l'examen de ce texte - notamment l'engagement que vous avez pris, Monsieur le ministre d'Etat, d'instituer un contrôle parlementaire sur les services de renseignement. Peu importe la forme de l'institution de contrôle : l'essentiel est de tenir cet engagement.

Ce projet de loi répond à la nécessité d'être ferme pour prévenir le terrorisme et lutter contre lui tout en respectant les libertés individuelles et les droits de l'homme. La garde à vue est prolongée à six jours pour les affaires de terrorisme. Nous avons accepté cette disposition, mais nous aurions souhaité que l'avocat puisse intervenir plus tôt dans la procédure.

Il faut aussi mieux coordonner la lutte contre le terrorisme aux niveaux européen et international. Cette coopération internationale est un gage d'efficacité mais nous regrettons qu'hier, à Barcelone, la communauté internationale n'ait même pas pu se mettre d'accord sur la définition du mot « terrorisme ».

Parce que la lutte contre le terrorisme suppose également de lutter contre les réseaux de financement, j'ai suggéré, au nom du groupe UDF, que le Gouvernement fasse ratifier sans tarder les conventions du Conseil de l'Europe et la transposition de la directive de l'Union européenne visant à lutter contre le financement du terrorisme et le blanchiment de l'argent.

Il convient en outre de lutter contre tout ce qui favorise le terrorisme - la haine, l'ignorance, la pauvreté, l'incompréhension - et de promouvoir la tolérance, le respect, l'éducation et le dialogue interculturel.

La préservation de l'Etat de droit nous rassemble : nous devons lutter contre le terrorisme, mais dans le respect des règles démocratiques auxquelles les terroristes veulent précisément s'attaquer.

Je tiens enfin à souligner l'adoption de l'amendement de M. Pierre-Christophe Baguet visant à lutter contre le hooliganisme.

Parce que nous voulons comme vous lutter sans merci contre ce défi terrible qu'est le terrorisme, dans le respect des libertés, des droits de l'homme et des valeurs de la démocratie, le groupe UDF votera ce texte équilibré. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

A la majorité de 373 voix contre 27 sur 506 votants et 400 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 45, est reprise à17 heures.

RETOUR À L'EMPLOI

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au retour à l'emploi et au développement de l'emploi.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Plus de six millions de personnes vivent des minima sociaux. Les phénomènes durables de pauvreté et d'exclusion sociale montrent que les mesures fondées uniquement sur l'assistance ne permettent pas d'apporter des réponses globales aux problèmes que rencontrent nos concitoyens les plus fragiles. Pire, ceux qui en bénéficient ont tendance à s'y enfermer. Nous devons nous mobiliser pour favoriser le retour à l'emploi, l'accès au logement et la réinsertion des exclus dans l'ensemble des activités sociales. En juin dernier, 11,5 % des allocataires du RMI bénéficiaient d'un intéressement à la reprise d'emploi, soit 142 000 personnes sur 1,2 million d'allocataires. Le chiffre est d'ailleurs en baisse par rapport aux années antérieures. Les raisons de ce recul sont connues : le dispositif est beaucoup trop complexe, mal compris des travailleurs sociaux eux-mêmes. Le montant des avantages consentis est en outre insuffisamment incitatif à la reprise d'emploi : dans bien des cas, le retour à l'emploi s'accompagne d'une réduction ou, au mieux, d'une stagnation des revenus du foyer.

Ce texte s'inscrit donc à la fois dans la mobilisation générale pour l'emploi et dans la réforme des minima sociaux. Dans le cadre du plan de cohésion sociale, cette réforme se fera en plusieurs étapes, dont ce projet est la première, afin d'activer au plus vite les minima sociaux. Il y a en effet urgence sociale.

Mais l'accompagnement social nécessitera une participation importante des départements. Le Premier ministre a donc confié une mission à deux sénateurs présidents de conseil généraux, MM. de Raincourt et Mercier. A partir des résultats de leurs travaux, qui seront connus dans les prochains jours, un nouveau projet sera élaboré. Il tiendra compte également des excellents travaux de votre commission des affaires sociales, et le Premier ministre s'est aussi engagé à réunir l'ensemble des parlementaires ayant travaillé sur le sujet.

Ce projet a pour objet de rendre plus attractif le retour à l'emploi. D'abord, ce retour à l'emploi doit être profitable dans tous les cas, et chaque heure travaillée constitue un gain, plus attractif que l'assistance. La réforme porte en priorité sur les emplois susceptibles d'assurer l'autonomie financière des familles, donc supérieurs à un mi-temps, et le régime sera d'autant plus favorable que l'horaire travaillé sera important. Le revenu des heures travaillées en plus sera conservé intégralement. Ensuite, le dispositif doit être simple et lisible pour les usagers et les travailleurs sociaux. Il sera donc identique pour le RMI, l'API - allocation de parent isolé - et l'ASS, l'allocation spécifique de solidarité. Il s'agira d'une prime forfaitaire et non plus d'une allocation différentielle difficile à calculer. Enfin, le mécanisme doit être sécurisant pour ceux qui entreprennent cette démarche difficile du retour à l'emploi. Pendant trois mois, revenu de l'activité et minimum social pourront se cumuler. D'autre part, reprendre un emploi oblige à payer des frais de transport, acheter des vêtements, payer les repas ou faire garder ses enfants. Pour en tenir compte - et je rends hommage à l'excellent travail de votre rapporteur sur ce point - est prévue une prime de 1 000 euros. C'est la pérennisation de la mesure annoncée par le Premier ministre dans son discours de politique générale. Cette prime, versée au quatrième mois, sera financée par l'Etat, mais par souci de simplicité, versée par l'organisme qui verse déjà le minimum social, caisse d'allocations familiales, MSA ou ASSEDIC. Ensuite, pendant 9 mois, la personne touchera, en plus de son salaire, une prime de 150 euros par mois - 225 euros pour les familles -, financée par les conseils généraux pour les allocataires du RMI et par l'Etat pour ceux de l'API et de l'ASS. L'ensemble de ces primes seront incessibles, insaisissables et exonérées d'impôt.

S'y ajoutent les mesures prises dans le projet de loi de finances pour 2006 : une augmentation de la prime pour l'emploi de 50 % pour un SMIC à temps plein et de 80 % pour un SMIC à mi-temps ; un crédit d'impôt de 150 euros pour le titulaire d'un minimum social depuis plus de douze mois qui reprendra un travail à plus de 200 km de son domicile.

Je voudrais dissiper toute inquiétude sur le coût de la réforme pour les conseils généraux qui financent l'intéressement à la reprise d'emploi pour les titulaires du RMI depuis décembre 2003 en application de la loi de 1998 : ils ne subiront aucun surcoût. C'est l'Etat qui prenda à sa charge les 240 millions que coûtera la réforme. D'ailleurs le passage d'un minimum social vers l'emploi fera diminuer les dépenses de RMI des départements, et fournira un surcroît de recettes à la sécurité sociale.

Pour être très concrète, avec le nouveau dispositif, l'allocataire d'un minimum social qui reprend un emploi conservera pendant les trois premiers mois son minimum social en totalité. Ensuite, s'il travaille au moins à mi-temps, il touchera 1 000 € de l'Etat pour l'aider à faire face aux frais auxquels l'expose son nouvel emploi et chaque mois pendant neuf mois, 150 € - 225 € s'il vit en couple ou a charge de famille. Ainsi, un célibataire, allocataire du RMI, qui reprend un emploi à plein temps au SMIC, percevra en moyenne 1 247 euros par mois au lieu de 1 098 euros, soit une hausse de plus de 13,5 %. Plus des trois quarts des allocataires du RMI en intéressement, plus de 80 % des allocataires de l'API et 60 % des allocataires de l'ASS sont dans ce cas, puisqu'ils travaillent plus d'un mi-temps. A moins d'un mi-temps, le salaire est insuffisant pour sortir des minima sociaux et l'intéressé continue de percevoir une allocation différentielle, mais les primes forfaitaires ne sont pas versées. Ainsi, le célibataire, allocataire du RMI qui reprend un emploi à 18 heures 30 par semaine au SMIC, percevra en moyenne mensuelle 768 euros au lieu de 703 euros actuellement, soit une hausse de près de 10 %.

Dans tous les cas, s'il arrive le moindre incident, le minimum social est immédiatement rétabli.

Par ailleurs, un des principaux obstacles à la reprise d'un emploi étant la garde des enfants, les bénéficiaires du RMI, de l'API et de l'ASS qui reprennent un emploi auront accès plus facilement aux établissements d'accueil de jeunes enfants de moins de 6 ans lorsqu'ils sont parent isolé ou seul ou lorsque leur conjoint travaille.

Enfin, de nombreux élus ont appelé l'attention du Gouvernement sur la nécessité de mieux encadrer par la loi l'attribution du RMI aux étrangers. Pour l'obtenir, les ressortissants de l'espace économique européen et de l'Union européenne devront résider en France depuis plus de trois mois. Cette condition, conforme aux directives européennes, mettra les départements à l'abri d'un afflux de demandes incontrôlé.

Plusieurs dispositions amendent les dispositifs des contrats aidés et des chantiers d'insertion. Il est proposé, pour les détenus bénéficiant d'un aménagement de peine, de supprimer la disposition limitant à deux le nombre de renouvellements du contrat d'avenir lorsque celui-ci est d'une durée inférieure à 24 mois ; de ramener à 20 heures la durée hebdomadaire minimale du contrat d'avenir pour les chantiers d'insertion ; d'harmoniser la durée minimale du contrat d'avenir et du contrat d'accompagnement dans l'emploi avec la durée moyenne des placements extérieurs des personnes bénéficiant de cet aménagement de peine ; de permettre à l'Office national des forêts de poursuivre la mise en œuvre de chantiers d'insertion en milieu rural en l'autorisant à passer convention avec l'Etat ; de supprimer l'obligation d'agrément pour les salariés en contrat d'avenir dans les chantiers d'insertion, afin d'alléger la contrainte administrative imposée aux communes.

Enfin, le fonds de cohésion sociale garantit les prêts consentis aux personnes n'ayant pas accès au crédit bancaire et aux entreprises créées par les chômeurs. Nous proposons d'élargir son objet à la prise en charge de l'accompagnement des personnes qui bénéficient de sa garantie.

Ce projet se veut équitable, en instaurant pour tous les allocataires de minima sociaux un même dispositif, plus simple, plus lisible, et il rend le revenu du travail plus attractif que l'assistance. Tout cela doit contribuer à permettre à nos concitoyens involontairement éloignés de l'emploi de se réinsérer professionnellement.

Tous les partenaires sociaux, les élus, les associations membres du Conseil national de lutte contre l'exclusion réunis le 16 septembre sous l'égide du Premier ministre l'ont répété : aider au retour à l'emploi, c'est la condition absolue pour sortir de la précarité. C'est la première condition de la croissance sociale. Nous avons, tous ensemble, l'obligation de réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Laurent Wauquiez, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Ce projet est court, concret, efficace. Il s'attaque à la question lancinante du retour à l'emploi. La mission présidée par Martin Hirsch avait souligné les limites de l'opposition entre revenus du travail et minima sociaux. L'ordonnance du 2 août 2005 avait permis quelques avancées. Ce projet va plus loin.

La commission a jugé essentiel que le dispositif proposé soit simple et lisible. Celui que nous avions hérité de la loi 29 juillet 1998 était d'une complexité sans noM. Je cite le décret d'application : « Le nombre des allocations journalières est réduit dans la proportion de 40 % du quotient, par le montant journalier de l'allocation, de la rémunération brute perçue, diminuée d'un montant égal à la moitié du SMIC par le nombre d'heures correspondant à la durée légale du travail. »

M. René Couanau - C'est limpide !

M. le Rapporteur - Comprenne qui pourra. Avec le mécanisme clair que vous proposez, chaque bénéficiaire de minima sociaux pourra prévoir lui-même ce qu'il va gagner par le retour à l'emploi.

D'autre part, on reconnaît pour la première fois que le retour à l'emploi à un coût, en transport, acquisition éventuelle d'une voiture d'occasion, apurement des dettes, garde des enfants, achat de vêtements. C'était là autant d'obstacles.

En accompagnant financièrement ce retour à l'emploi pendant un an, le projet de loi offre la possibilité de le stabiliser et de le rendre durable.

Convaincus que le retour à l'emploi doit reposer sur un véritable contrat social, permettant un juste équilibre entre droits et devoirs, nous avons tenté en commission d'enrichir le texte sur plusieurs plans.

S'agissant tout d'abord des droits, nous avons souhaité entamer la réflexion sur l'accompagnement des bénéficiaires de minima sociaux. Le système français fait trop souvent qu'une fois mise dans la case minima social, une personne y reste sans jamais bénéficier d'un accompagnement personnalisé. Il faut casser cette logique, qui peut être particulièrement destructrice. Nous avons donc adopté des amendements mettant en place un véritable accompagnement des titulaires de l'API et de l'ASS. Bien entendu il ne s'agit que d'initier le débat, sachant que le rapport à venir des sénateurs Mercier et de Raincourt devrait apporter des propositions décisives.

Nous avons d'autre part voulu supprimer certains obstacles. C'est ainsi que la commission propose de supprimer l'exigence d'une ancienneté de six mois dans un minimum social pour accéder aux contrats d'avenir et CI-RMA. C'est le fameux délai de latence, dont on a peine à comprendre la raison. Pourquoi attendre, si l'opportunité d'un retour vers l'emploi se présente dès le premier mois ?

Dans le même esprit, nous proposons que la conclusion de CI-RMA puisse se faire en contrats à durée indéterminée, et pas seulement en CDD. Pourquoi, là encore, restreindre les outils disponibles pour le retour à l'emploi ? Les situations étant diverses, les outils ne doivent pas être inutilement rigides. Nous voulons aussi faciliter l'utilisation des chantiers d'insertion, en permettant le recours à des contrats d'avenir de 20 heures et non plus de 26 heures, ainsi qu'en assouplissant un certain nombre d'exigences administratives. La commission souhaite également ouvrir le champ du dispositif d'intéressement aux travailleurs saisonniers.

Par ailleurs, deux problèmes particuliers ont été signalés lors de rencontres avec des acteurs de terrain. Nous souhaiterions que le Gouvernement s'engage à y apporter des réponses rapides.

Lorsque des titulaires de l'ASS reprennent un emploi et que cette reprise d'emploi est de courte durée, ils ne peuvent bénéficier à nouveau de l'ASS après leur reprise d'emploi. C'est un facteur d'incertitude, qui décourage les bénéficiaires de l'ASS, notamment lorsqu'ils sont âgés, de se lancer dans le retour à l'emploi.

D'autre part, en cas de reprise d'activité, même très courte, certaines mesures de neutralisation ou d'abattement peuvent être remises en cause, avec des demandes de remboursement d'indus. Au nom de quoi rendre si ardu le retour à l'emploi, au point que la sécurité et le statut semblent être aujourd'hui du côté des minima sociaux et non du retour à l'emploi ?

La commission a aussi travaillé sur les modes de garde, sachant que c'est souvent là que se situe le verrou majeur à la reprise d'un emploi. Il faut s'attaquer au problème, sans pour autant opposer différents publics entre eux.

La commission a estimé qu'en contrepartie des droits, il fallait rappeler les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux. Dès lors que l'on se dote d'un système très incitatif sur le plan financier, que l'on met en place un parcours d'accompagnement, que l'on facilite le recours aux contrats aidés, on a aussi le droit de lutter contre les abus et les fraudes. Il ne s'agit pas de tomber dans les assimilations faciles et démagogiques entre fraudes et minima sociaux, mais seulement de rappeler qu'il n'y a pas de système de protection sociale généreux sans un minimum de responsabilisation.

Nous proposons un système adapté à la diversité des situations : fraudes organisées à l'identité, bénéficiaires de minima sociaux qui ont en même temps un travail non déclaré ou plus simplement titulaires de minima sociaux qui ne respectent pas les exigences de leur contrat d'insertion. La commission a tenu à atténuer les sanctions en vigueur en réduisant les sanctions pénales et en établissant un régime alternatif d'amendes administratives.

Ce projet de loi ne constitue pas encore la grande réforme d'ensemble des minima sociaux. A terme, l'objectif final est bien d'harmoniser les trois minima sociaux pour aboutir progressivement à une seule prestation. Il faudra bien aussi traiter la question des droits connexes pour supprimer ces niches d'injustice qui font que le retour à l'emploi semble un parcours incertain pour les bénéficiaires de minima sociaux, tandis que les salariés qui ont de petits revenus ont le sentiment que le travail ne paye pas. Plusieurs rapports parlementaires en cours nous aideront à aborder ces questions. L'Assemblée nationale jouera pleinement son rôle à ce moment.

Mais il s'agit du premier étage d'une fusée, un premier étage utile et efficace, que la commission a voulu « booster » en sortant de la seule approche financière. On peut rêver de grands soirs, on peut aussi se dire qu'un projet de loi ciblé et efficace peut rendre de grands services. C'est le cas de celui-ci. A nous de faire vivre ce contrat social. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - 3,3 millions de nos concitoyens vivent de minima sociaux, qu'il s'agisse de l'API, du RMI ou de l'ASS. Ces minima restent incontournables dans la lutte contre la pauvreté, mais on sait aussi qu'ils peuvent enfermer les populations dans la trappe du chômage et nourrir chez les salariés modestes le sentiment d'être oubliés.

Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation, sauf à courir le risque de voir les titulaires de minima sociaux, d'une part, les salariés modestes, de l'autre, séparés par un abîme croissant de préventions. Si pour nous, le RMI, par exemple, est le légitime subside qu'une société doit garantir aux défavorisés, il fait figure aux yeux de certains salariés modestes, dont les conditions d'existence ne sont guère plus aisées, de système de faveur, dans lequel trop d'individus se complaisent. Le différentiel entre le RMI et les bas salaires s'est certes accru depuis la création du premier, mais cela n'empêche pas le ressentiment de ceux qui travaillent envers ceux qui bénéficient d'une aide sociale d'augmenter. Qu'on le veuille ou non, cela pose un important problème politique.

L'esprit de ce projet est donc de revoir le dispositif d'intéressement, sachant qu'il est actuellement beaucoup trop complexe et sous-utilisé, puisque seulement 12,5 % des allocataires du RMI en ont bénéficié en 2004. Le Gouvernement a confié aux sénateurs Mercier et de Raincourt un rapport sur l'ensemble des questions relatives aux minima sociaux et Mme Létard, sénatrice, travaille également sur le sujet, mais le Premier ministre a tenu à ce que la réforme de l'intéressement s'engage le plus rapidement possible.

Le nouveau dispositif d'intéressement sera le même pour les trois minima sociaux. La période de cumul entre salaire et perception d'un minimum social sera la même, les variations s'opérant ensuite selon la durée des emplois et celle du temps de travail, selon que celle-ci excèdera ou non 78 heures par mois. Le dispositif proposé permettra dès le premier mois du passage à l'emploi de percevoir un revenu plus incitatif. Un autre progrès tient à la prise en charge des frais induits par la reprise de l'activité via cette primes de 1 000 euros.

Nous avons eu en commission le souci de coller à la réalité des situations, ce qui nous a notamment amenés à nous pencher sur la question des modes de garde et à améliorer l'accompagnement des titulaires de l'API. La question du contrôle a également été abordée, car c'est aussi la lutte contre les abus qui permettra à l'Etat d'améliorer ses efforts envers ceux qui ont besoin de son aide. Notre rapporteur nous a proposé une harmonisation des sanctions. Je crois que nous avons abouti à un système à la fois équitable et efficace.

Notre pays connaît depuis des années une extension de la pauvreté et de l'exclusion à grande échelle. Il ne pourra y être apporté remède si l'on ne fait pas tout pour remettre les gens sur le chemin du travail et pour surmonter la dichotomie dangereuse entre travail et assistance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Je vais suspendre un instant la séance.

La séance, suspendue à 16 heures 25, est reprise à 16 heures 30.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Bocquet et des membres du groupe communiste et républicain une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

Cette motion devait être défendue par M. Gremetz. Je l'ai fait chercher dans tous les salons. J'ai fait appeler le groupe communiste. M. Gremetz n'est pas là. Je considère donc que la motion n'est pas soutenue.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

La Conférence des présidents a fixé à quarante-cinq minutes la durée maximale de l'intervention.

Mme Hélène Mignon - La précarité n'est pas un phénomène provisoire, et ses effets sont dramatiques pour ceux qui la subissent. Leur vie, leur survie parfois, est tributaire de la solidarité nationale et locale. Cette précarité ne touche pas que les personnes privées d'emploi. Près de trois millions de personnes exercent ce que l'on appelle « des formes particulières d'emploi ». D'après l'INSEE, notre pays compterait plus d'un million de travailleurs pauvres, parmi lesquels un pourcentage important de femmes qui, pour certaines, ont occupé un emploi toute l'année.

L'accès à un travail à temps partiel a deux effets contradictoires. D'un côté, il diminue les statistiques du chômage ; d'un autre, hélas, il augmente le nombre de travailleurs précaires. C'est pourquoi, me direz-vous, vous n'avez prévu un intéressement que pour les emplois dont la durée mensuelle est supérieur à 78 heures. Mais lorsque les primes auront disparu, les employeurs augmenteront-ils le nombre d'heures travaillées ou le salaire ? Il faudrait à tout le moins les y inciter.

Un mécanisme d'intéressement existe déjà pour les bénéficiaires de minima sociaux avec un cumul dégressif pendant une certaine période. Un cumul est donc déjà possible entre prestations et revenus d'activités. Le dispositif est complexe, et effectivement, une prime forfaitaire serait beaucoup plus simple. Mais qu'il soit exigé un délai minimal de quatre mois d'emploi pour être éligible à la prime de retour à l'emploi n'a pas grand sens quand la durée moyenne des contrats d'intérim est inférieur à deux semaines. C'est au moment où les érémistes recommencent à sortir de chez eux qu'ils doivent faire face à des dépenses et ce ne sont pas les minima sociaux qui leur ont permis de faire des économies ! Les transports en commun pour les déplacement domicile-travail sont trop rares dans nos départements. Quant à se loger près de son lieu de travail, c'est quasiment impossible étant donné la rareté des logements, la cherté des loyers et le niveau des cautions exigées !

Vous reconnaissez, Madame la ministre, que le monde d'intéressement actuel est trop complexe, et nous en sommes d'accord avec vous. Il n'empêche que vous le conservez pour ceux qui travailleront moins de 78 heures. Deux dispositifs coexisteront donc et il sera difficile pour les intéressés de s'y retrouver.

S'agissant du RMI, ont été mis en place d'une part le CI-RMA début 2004, puis le contrat d'avenir. Or, un an et demi après sa mise en place, on ne comptait que 2 500 allocataires du RMA. Lors de sa mise en place, nous avions fortement critiqué ce dispositif qui mettait à mal le code du travail. Les corrections qui y ont été apportées et que nous avions souhaitées permettront peut-être à plus de érémistes d'y avoir recours. Quant au contrat d'avenir, il a lui aussi du mal à démarrer. Sur 1,24 million d'allocataires du RMI, 10 % seulement bénéficient d'une mesure d'aide à l'emploi. A cet égard, pourquoi les contrats aidés seraient-ils exclus du mécanisme d'intéressement ? Il ne faudrait pas oublier les personnes les plus en difficulté. Il serait intéressant de disposer d'une étude permettant de repérer, en toute transparence, les obstacles que peuvent rencontrer ces personnes.

Pour ce qui est de la durée minimale de quatre mois, des contrats de courte durée pourront-ils être cumulés ? Si oui, dans quelles conditions ? Il est difficile d'enchaîner contrat sur contrat sauf pour les personnes ayant délibérément choisi de ne travailler qu'en intériM. Ceux qui ont un contrat de plus longue durée sont souvent embauchés à son terme par l'entreprise, pour laquelle cette période d'intérim n'a été qu'une période d'essai légalement prolongée.

Je sais, Madame la ministre, que vous ne partagez pas le sentiment que le chômage serait volontaire et que les titulaires de minima sociaux préféreraient s'en contenter plutôt que de retravailler. J'aimerais que vous marquiez plus nettement votre désaccord avec les tenants de cette idée. La plupart du temps, on refuse un emploi à une personne parce qu'elle n'a pas assez d'expérience, pas assez ou trop de diplômes, quand le refus ne se fonde pas sur la couleur de peau ou l'adresse. Il est regrettable qu'à partir de quelques cas isolés, on en vienne à stigmatiser une partie de la population, oubliant que ces sigles de RMI, API, ASS recouvrent une profonde détresse. Culpabiliser les titulaires de minima sociaux, n'est-ce pas tenter de faire oublier l'échec de la politique économique et sociale du Gouvernement qui, contrairement à celui de Lionel Jospin, n'est pas parvenu à faire redémarrer la croissance et l'emploi, et donc diminuer le nombre de érémistes ?

Je pense, pour ma part, que la différence entre le montant du RMI, 425 euros pour une personne seule, et celui du SMIC à temps plein, est assez importante pour rendre l'emploi attractif. Mais il faudrait revoir les allocations annexes. Si incitation il doit y avoir, c'est à l'égard des employeurs pour qu'ils offrent des emplois à temps plein et correctement rémunérés.

L'absence d'emploi est si dévalorisante dans notre société qu'elle entraîne repli sur soi et perte de confiance, sans parler des problèmes matériels ni familiaux, et retrouver un emploi est moins facile qu'on le croit. Est-on sûr que dans le cadre de ce retour à l'emploi, les contrats proposés ne seront pas indignes en matière d'horaires, de rémunérations, de conditions de travail, les personnes étant obligées de les accepter, faute d'autre solution ? Les inspecteurs du travail pourront-ils y être attentifs et désigner un référent responsable pour ces personnes durant les quatre premiers mois ?

Il n'est pas étonnant que le nombre de érémistes se soit accru de 200 000 unités en un an - même s'il semble désormais se stabiliser. A la mauvaise conjoncture économique, se sont ajoutées les restrictions successives apportées à l'indemnisation du chômage, notamment par le biais de la nouvelle convention UNEDIC. On peut craindre l'issue des négociations actuelles quand le Medef prône, entre autres, une diminution des indemnisations et un durcissement des conditions d'éligibilité. Les départements, qui ont déjà fait les frais du désengagement de l'Etat, doivent, par leur politique sociale, pallier l'échec économique et social du Gouvernement.

Pourquoi avoir fixé ce seuil de 78 heures ? La durée devait être suffisante pour assurer l'autonomie financière des intéressés, nous dites-vous. C'est une façon de reconnaître que toute les nouvelles formes de travail à temps partiel, voire très partiel, ne donnent pas aux salariés les moyens de vivre décemment. Dès lors, pourquoi favorisez-vous tant ces formes de travail dans tous vos autres textes ? Ne cherchez-vous, à travers ce gros mi-temps, comme le qualifient certains, à faire un lien avec les classifications de l'UNEDIC ?

Si je salue la décision de rendre insaisissables les salaires perçus, encore faudrait-il être sûr de l'attitude des banques. Quant aux sanctions prévues, elles m'ont choquée. Il peut certes exister des tricheurs - M. de Courson avait lui-même avait reconnu que leur nombre était faible -, mais en l'espèce, les sanctions prévues sont disproportionnées. La fraude aux minima sociaux représente moins de 1 % ; la CNAF indiquant elle-même que la plupart des versement indus ont été faits à des allocataires de bonne foi, pourquoi montrer ainsi du doigt l'ensemble des bénéficiaires ? Les fraudes intentionnelles doivent bien sûr être réprimées, mais la plupart du temps, les allocataires sont induits en erreur du fait de l'extrême complexité des dispositifs. Dès lors, les sanctions devraient être adaptées et proportionnées à la faute commise. Une amende de 4 500 euros, démesurée pour des personnes qui gagnent souvent autour de 650 euros par mois, risque d'enclencher la spirale du surendettement.

L'augmentation du nombre de familles monoparentales explique la croissance du nombre d'allocataires de l'API. La garde des enfants, qui est une difficulté pour toutes les familles, l'est plus encore pour les femmes seules ayant des enfants à charge. C'est souvent un obstacle majeur à ce qu'elles reprennent un travail. Leur donner priorité pour l'attribution d'une place en crèche est une bonne idée, surtout quand il n'y a en moyenne que dix places pour cent enfants. Certains de nos collègues souhaiteraient que l'on crée des places réservées ou adaptées, plutôt que de parler de priorité. L'essentiel est que la mère ne soit pas contrainte de refuser une embauche, faute de moyen de faire garder son jeune enfant. Pour autant, comment demander aux structures d'accueil de réserver des places en attendant la mise en œuvre effective du contrat de retour à l'emploi, quand les CAF calculent leur subvention sur le taux d'occupation des établissements ? En zone rurale, où déjà les emplois sont rares et les transports inadaptés, les mères devront se tourner vers des proches qu'elles paieront au noir ! Il faudrait donc partout développer l'accueil collectif et prévoir les aides financières nécessaires. Enfin, il faudrait vous entretenir, Madame la ministre, avec votre collègue de l'Education nationale, pour faciliter l'accueil des enfants en maternelle en cours d'année. aujourd'hui, ce n'est pas possible au-delà de janvier.

Cela dit, le retour à l'emploi n'est pas qu'une question financière. Les personnes concernées sont, on le sait, peu « employables ». Quels dispositifs prévoit-on pour les accompagner ? Quel rôle pourront jouer les Maisons de l'emploi ? Comment espérer donner en nombre des emplois stables alors que les créations d'emplois demeurent aussi faibles ? Le chômage et le sous-emploi n'ont pas entamé leur décrue. Il ne suffit pas de clamer que 300 000 à 500 000 offres d'emploi restent non pourvues pour que les chômeurs les plus précaires et sans qualification soient immédiatement embauchés ! Il faudrait d'ailleurs prendre aussi en compte le travail à temps partiel pour évaluer pleinement la demande réelle de travail.

L'emploi industriel continue à diminuer. Quant aux créations de petites entreprises ou même de TPE, elles ne sont malheureusement pas supérieures aux cessations d'activités.

Reste alors les services à la personne dont vous attendez beaucoup. Mais la création d'emplois dans ce secteur soulève de nombreuses questions, notamment dans les associations. Temps partiels, horaires et salaires peu attractifs sont autant d'obstacles à un retour durable à l'emploi. Du reste, la solvabilisation est loin d'être acquise. Leur utilité sociale est par ailleurs sujette à débat dans la mesure où l'on fait basculer dans la sphère marchande au profit des plus favorisés des tâches autrefois effectuées au sein de la sphère domestique.

La réflexion de l'association des départements de France a mis en lumière les risques de dérapage de ce nouveau dispositif. Pour éviter que ce processus d'intéressement ne favorise pas le temps partiel et ne soit prétexte à moins rémunérer les employés, des gardes fous sont nécessaires. Des érémistes entrés depuis plusieurs années dans le dispositif essaient par le biais de chantiers d'insertion de revenir dans le monde du travail : auront-ils accès à ces nouvelles mesures ?

Les statuts d'emploi se sont diversifiés ébranlant notre système de protection sociale dont le financement repose sur l'emploi stable. Le chômage réduit les recettes de l'assurance chômage, augmente les dépenses d'indemnisation et les réformes successives n'ont fait qu'accroître le nombre de chômeurs non indemnisés. Pour sauvegarder un système de plus en plus déséquilibré, on a mis en place des mesures sans cohérence avec les autres éléments de la protection sociale. Forts de ce constat, certains préconisent une prestation universelle.

Une mission chargée d'étudier la réforme des minima sociaux a été confiée à MM. de Raincourt et Mercier. Leur rapport devrait être connu dans les jours qui viennent. Pourquoi ne pas avoir attendu quelques semaines, Madame la ministre, pour comparer leurs analyses avec celles de M. Hirsch ? Comment pouvons-nous nous prononcer sur ce texte qui fait une large place à des décisions par décret ? En outre, pourquoi la seconde partie traitant des droits connexes a-t-elle été retranchée du projet initial ? Quelle est l'intention du Gouvernement en la matière ?

Plus on analyse les dispositions de ce texte et moins on les trouve aptes à redonner espoir à nos compatriotes. Comment peut-on espérer faire entrer 80 % des bénéficiaires des minima sociaux dans ce dispositif ? Pourquoi ne pas avoir travaillé en amont avec les grandes associations - la fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion et l'union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux - et les conseils généraux ? Madame la ministre, vous savez combien la réinsertion des chômeurs de longue durée est difficile et combien l'accompagnement social dans le milieu du travail est indispensable pour y parvenir ; nous l'évoquions hier lors de la réunion du conseil national de l'insertion par l'activité économique. Vous savez combien ces trajets peuvent être longs et il ne suffit pas d'un référent dans les CAF ou les cellules du conseil général constituées pour recevoir les titulaires du RMI. Du reste, vous n'avez pas prévu leur financement et aucune étude d'impact n'a été réalisée.

En conclusion, cette loi bâclée semble poursuivre l'objectif de « donner aux Français un signe fort » selon l'expression consacrée. Mais plutôt que des signes sans lendemain, les Français préféreraient un travail digne qui leur assure l'indépendance financière. Tous les bricolages ont leurs limites. La cohésion sociale à laquelle nous tenons tous ne résistera pas longtemps aux faux-semblants. C'est pourquoi, Madame la ministre, nous vous demandons de reprendre ce travail à la lumière des rapports de MM. de Raincourt et Mercier et de M. Hirsch ainsi que des réflexions des grandes associations.

Pour les socialistes, il n'y a pas lieu de statuer sur un texte qui, en l'état, aggrave la suspicion à l'égard des bénéficiaires des minima sociaux plutôt qu'il ne cherche à résoudre la précarité dont ils sont victimes. Il n'est pas porteur d'espoir. J'invite donc mes collègues à voter cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Mme la Ministre déléguée - Madame Mignon, votre intervention plaide au contraire en faveur d'un examen immédiat de ce texte ! Ayant dressé un long constat, vous avez souligné qu'il fera prévaloir un système plus simple et plus lisible. Je vous en remercie. Comme vous, je pense que la majorité des bénéficiaires de minima sociaux cherchent du travail. Mettre en place un dispositif plus incitatif me semble donc une bonne chose.

S'agissant de la prime forfaitaire mensuelle de 150 euros, ou de 225 euros pour les familles, elle ne sera accessible qu'aux personnes reprenant un emploi au moins à mi-temps pour encourager les reprises d'emploi les plus importantes. Pour autant, pour que chaque heure travaillée soit récompensée, nous avons proposé un mécanisme d'intéressement pour ceux qui travaillent moins de 78 heures par mois. Ce dispositif ne constitue que le premier étage de la fusée ; il est indispensable d'avancer. Je partage, vous le savez, votre combat contre le temps partiel subi. Nous avons également envisagé que les jours travaillés se cumulent pour permettre l'évaluation d'un mi-temps ouvrant droit à la prime de 1 000 euros, puis à la prime forfaitaire mensuelle. Cette disposition est cohérente avec le plan de services à la personne.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement vous invite à rejeter la question préalable.

M. Dominique Tian - Madame Mignon, poser la question préalable, c'est demander : faut-il légiférer ? Et vous n'avez cessé de démontrer qu'il était urgent de prendre des mesures, en insistant sur le nombre croissant d'érémistes et les difficultés qu'il y a actuellement à retrouver un emploi. Vous avez souligné combien le système actuel était inefficace et complexe, et la réforme des minima sociaux nécessaire. Par conséquent, plus vite nous légiférerons, mieux ce sera ! Vous n'apparaissez pas convaincue par votre propre démonstration. Le groupe UMP ne votera pas la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Muguette Jacquaint - Le groupe communiste et républicain votera la question préalable. En effet, il est bon de légiférer pour permettre le retour à l'emploi, mais quel emploi ? A nouveau, ce sont des emplois précaires, partiels, sous-payés, avec de mauvaises conditions de travail. Que veulent les allocataires des minima sociaux ? Ils veulent retrouver un emploi bien sûr, mais un emploi durable, qualifiant, bien payé, offrant des perspectives d'avenir. Rappelons qu'aujourd'hui, parmi ceux qui dorment dans la rue ou qui trouvent refuge dans les centres d'accueil, se trouvent des personnes qui travaillent mais pour des salaires tellement bas qu'elles n'ont pas les moyens de payer un logement.

M. Dominique Tian - Il faut donc légiférer au plus vite !

Mme Muguette Jacquaint - Il faut donc revaloriser le travail mais il n'en est pas question dans ce texte. Pour revaloriser le travail, il faut reconnaître les qualifications, donner des formations et accorder de bons salaires. Pour ramener les érémistes sur le chemin du travail, il faut leur proposer de bons emplois. Après la visite de M. Sarkozy à La Courneuve, deux entreprises ont annoncé qu'elles offriraient du travail à nos jeunes. Dans le même temps, la première, PSA renvoyait 648 intérimaires et la seconde, Carrefour, va supprimer 1 500 emplois alors qu'elle fait d'immenses bénéfices ! Ce texte ne permettra pas de remettre les chômeurs sur le chemin de l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Francis Vercamer - Il y a urgence à travailler sur les minima sociaux quand notre société compte 6 millions d'exclus, travailleurs pauvres inclus. Il y a urgence à traiter ce sujet car depuis des années on empile les textes et le système est devenu illisible. Pour autant, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Et la précipitation dont a fait preuve le Gouvernement a conduit MM. de Raincourt et Mercier à renoncer à l'élaboration de leur rapport et à démissionner.

M. le Président de la commission - C'est un scoop !

M. Francis Vercamer - Ce texte aborde le problème par le petit bout de la lorgnette. Il fallait envisager une réforme de l'ensemble des minima sociaux avant de la mettre en oeuvre progressivement - comme M. Borloo l'avait fait pour le plan de cohésion sociale. Ce texte est incomplet. Il ne traite que de la prime sans aborder l'accompagnement, ni la remise à plat des minima, ni les droits connexes et les facteurs déclencheurs de l'exclusion, ni les maisons de l'emploi et ni la discrimination. Ce projet introduit aussi une inégalité entre salariés et ceux qui bénéficient de la prime de retour à l'emploi car la différence de revenus sera très importante pendant 12 mois. On y traite un peu négligemment le lissage de la prime. Plus grave, on oublie de réhabiliter le travail et on crée une suspicion envers les bénéficiaires des minima sociaux à qui il suffirait, semble-t-il, d'accorder des primes pour qu'ils puissent retrouver un travail !

Malgré cela, le groupe UDF ne votera pas la question préalable car nous faisons confiance au Parlement pour l'améliorer par voie d'amendements. Si ce n'était pas le cas, nous en tirerions les conséquences à la fin de ce débat.

M. Michel Liebgott - Le groupe socialiste soutient d'autant plus fermement la question préalable brillamment défendue par Hélène Mignon qu'il est assez surpris de la tournure des événements. Je ne pense pas seulement aux révélations de M. Vercamer mais aussi, plus fondamentalement, à la baisse continue du pouvoir d'achat dont nous mesurons les effets dans nos circonscriptions, à l'explosion du nombre d'érémistes et à l'augmentation préoccupante de celui des demandeurs d'emploi de longue durée, au chômage depuis plus de trois ans. La réalité du pays, c'est que nous ne constatons aucun signe d'une quelconque forme de « retour à l'emploi » de ceux qui en sont aujourd'hui privés. Mais peut-être veut-on, en prétendant redonner la priorité à la « valeur travail », faire accepter l'idée qu'il n'est plus possible pour une famille française de vivre sans deux salaires réguliers ou sans cumuler les minima sociaux avec un revenu d'activité, fût-il à temps incomplet ? Force est en effet d'admettre que l'on ne peut plus vivre décemment aujourd'hui avec un minimum social ou un bas salaire. Et il convient alors de revoir les chiffres à la hausse : au final, travailleurs pauvres inclus, ce ne sont pas moins de 15 millions de Français qui n'ont pas les moyens de vivre convenablement, avec le degré d'aisance, au-delà de la couverture des besoins essentiels, que devrait procurer toute activité.

Surpris par l'intitulé de ce texte - dit de « retour à l'emploi » -, nous sommes aussi très sceptiques sur son inscription supposée dans une stratégie plus ample dont il constituerait la première étape. Sans doute est-ce trop demander au Gouvernement qu'il informe la représentation nationale de la teneur des étapes ultérieures ? Autant nous demander de valider le premier étage d'une fusée dont on peut déjà supposer qu'elle va exploser en plein vol !

Enfin, chacun sait que la précipitation est mauvaise conseillère et qu'il eût été indispensable de consulter les associations d'insertion, les conseils généraux et les CAF - dont il semble que vous vous apprêtiez à restreindre les effectifs et les moyens d'action sociale - préalablement à l'examen de ce texte en séance publique.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera la question préalable.

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - Je tiens à faire une précision avant de lancer la discussion générale. Tout à l'heure, alors que le président de la commission des affaires culturelles allait conclure son propos, j'ai demandé aux huissiers de séance de prévenir M. Gremetz que son exception d'irrecevabilité allait être appelée. Ayant été informé que M. Gremetz n'avait pas été trouvé et aucun député communiste n'étant présent à ce moment là, j'ai demandé aux huissiers de se mettre en contact avec le groupe communiste et j'ai suspendu la séance pour quelques minutes, pour permettre à ce député de nous rejoindre. J'en ai du reste profité pour chercher moi-même Maxime Gremetz dans les salons contigus à la salle des séances. Ne l'ayant pas trouvé, j'ai regagné le perchoir, et, conformément à notre Règlement, il a été considéré que l'exception d'irrecevabilité du groupe communiste n'avait pas été défendue. Je fais ces précisions pour couper court à tout incident ultérieur.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Adam.

Mme Guinchard remplace M. Debré au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD

vice-présidente

Mme Patricia Adam - Dans le contexte social particulièrement difficile que nous connaissons, les gouvernements qui se sont succédé depuis bientôt quatre ans ont aboli tous les dispositifs d'emploi aidé. Au fil du temps, ils ont été conduits à en proposer de nouveaux, ce qui revient à reconnaître l'utilité fondamentale de telles mesures. Las, la première étape d'abandon des politiques menées sous la précédente législature a plongé dans le désarroi plus de deux millions de personnes, dont une majorité de jeunes sans emploi. L'augmentation continue du nombre d'érémistes l'atteste tragiquement. Voilà que vous nous proposez dans la plus grande précipitation un texte inopportun, sensé constituer la première étape d'un très hypothétique plan global dont on peine à entrevoir la cohérence.

Dans un rapport présenté cette année et intitulé RMI, d'un transfert de gestion à une décentralisation de responsabilité, le sénateur Mercier relève qu'il est indispensable d'associer les départements à toute mesure susceptible d'affecter le niveau du RMI et le nombre de bénéficiaires et que la question n'est pas uniquement financière, car elle porte aussi sur l'idée que l'on se fait de la décentralisation. A l'évidence, Madame la ministre, nous ne nous faisons pas la même idée de la décentralisation ! Nous estimons pour notre part que les présidents de conseils généraux sont parfaitement fondés à s'inquiéter des conséquences de l'article 3 puisque celui-ci institue une prime forfaitaire à la charge du département. Pourtant, lorsque nous vous demandons une véritable concertation à ce sujet, vous répondez que cela est un peu mesquin, dans la mesure où la prime remplace, à l'avantage des départements, le dispositif de l'intéressement qu'ils financent déjà. Selon vous, la réforme leur permettra d'économiser 2 millions d'euros. Si j'ai bien compris, tout le monde est gagnant : les titulaires des minima comme les départements ! J'avoue ne pas très bien comprendre : si le nouveau système est plus attractif pour le bénéficiaire, cela se traduit mécaniquement par un surcoût et il est légitime de demander qui va le supporter. Les départements, chargés de l'insertion, ou l'Etat, responsable de l'emploi ? Il ressort de votre intervention que la charge en incombera aux départements. Dès lors, est-il concevable de ne pas les avoir approchés ? Par contre, si le nouveau système ne présente aucun intérêt autre que celui de simplifier le dispositif, arrêtez de le présenter comme l'indispensable première phase d'une réforme ambitieuse. En son temps, le RMA avait lui aussi été présenté comme une réforme ambitieuse ... On connaît la suite et le moins que l'on puisse dire, c'est que les organisations patronales ne se bousculent pas pour offrir des postes sous ce régime.

S'agissant de la prime forfaitaire, il aurait été intéressant que les départements soient destinataires d'une étude d'impact permettant de croire au chiffre de deux millions d'économies avancé par le rapporteur. Mais si étude il y a eu, où donc est-elle ?

Comment ne pas être inquiet lorsque l'on songe à la manière dont le Gouvernement a tenu sa promesse de compenser à l'euro près les charges financières transférées aux collectivités du fait de la décentralisation de la gestion du RMI ? Qu'ils soient de droite ou de gauche, les présidents des conseils généraux s'affrontent aujourd'hui à des difficultés financières sans précédent pour tenter de compenser les manquements de l'Etat à la parole donnée, qu'il s'agisse du RMI, de l'APA ou bientôt de la prestation de compensation du handicap. Pour preuve, l'avance annuelle faite par les départements sur le versement du RMI représente environ 20 % de la charge annuelle.

Par souci d'affichage politique, vous faites également peu de cas du travail parlementaire qui s'était engagé. Un consensus semblait pourtant se dégager pour retenir une approche globale de ces questions. Vous le savez bien, on ne peut traiter du retour à l'emploi des titulaires de minima sociaux sous le seul prisme des incitations, sans analyser la question des droits connexes et complémentaires - CMU, garde d'enfants, exonérations diverses. Sur ce point, le renvoi à un texte ultérieur sur les droits connexes relève d'une approche fragmentaire, dénoncée tant par les départements que par les professionnels qui savent que les réponses doivent être adaptées au cas par cas et, qu'il vaut mieux, en l'occurrence, offrir un panel d'outils allant du crédit d'impôt à la prestation sociale.

J'entends en outre dénoncer avec force les sous-entendus introduits par ce texte par le biais des sanctions en cas de fraude. Ce gouvernement et sa majorité semblent suspecter les titulaires de minima sociaux non seulement de se complaire dans l'assistance, mais encore de présenter une tendance généralisée à la malhonnêteté. Mme Mignon a bien fait de s'attarder sur ce point et je ne m'y arrête donc que pour rappeler que 1a fraude aux minima sociaux ne concerne que 0,00014 % des allocataires, ce qui représente moins de 1 % des versements. La CNAF indique en outre que le tiers des déclarations des allocataires font l'objet d'un contrôle et que ce pourcentage atteint même 42,8 % pour les bénéficiaires du RMI.

Stigmatiser ainsi les titulaires de minima sociaux a pour premier résultat de discréditer les politiques de protection sociale et de solidarité et d'opposer des catégories de citoyens les unes aux autres pour mieux favoriser le repli sur soi. Cela ne fait pas honneur à ce gouvernement ! De même, travail et assistance ne doivent pas faire l'objet d'une opposition stérile : vaut-il mieux, par exemple, obliger une mère célibataire titulaire du RMI à accepter immédiatement un poste non qualifié à temps partiel et en intérim, alors qu'elle souhaiterait s'engager dans une formation qualifiante assurant mieux son avenir ? Il est impossible aujourd'hui de cumuler le RMI et une formation qualifiante, et votre texte n'apporte rien sur ce point.

Je n'oublie pas que, parmi les plus vulnérables, se trouvent les femmes, et particulièrement celles qui assument seules la charge de leurs enfants. La mise en place d'un dispositif de réservation de places dans les crèches pour celles qui reprennent un emploi ou une formation professionnelle est une nécessité. Les collectivités locales en sont pleinement conscientes : dans bon nombre d'entre elles - souvent dirigées par la gauche ! - l'attribution des places en crèche est évaluée selon des critères de revenus et de situation sociale. Nous appliquons donc déjà les mesures préconisées dans ce texte et vous auriez des leçons à tirer de notre capacité de réaction rapide à la demande, une place en crèche étant parfois dégagée dans la demi-journée qui précède l'embauche. Au surplus, alors qu'il est notoire que la liste d'attente pour intégrer une crèche comporte plus d'une centaine de demandeurs non satisfaits, faut-il comprendre qu'il est dans les intentions du Gouvernement de procéder à un abondement massif de crédits pour contribuer à l'édification du grand service public de l'enfance que nous demandons depuis longtemps ?

La situation de centaines de milliers de personnes en France mérite mieux qu'un texte incomplet. La résorption des trappes à inactivité exige une réflexion plus large et une concertation effective avec les départements et les entreprises - notamment les entreprises d'insertion - qui gèrent les revenus de substitution et fournissent un travail quotidien et innovant. Votre texte, pourtant, ne tient pas compte de ces initiatives sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Francis Vercamer - Ce projet se veut ambitieux. Il vise à garantir le développement de l'emploi en améliorant le retour à l'emploi de ceux qui en sont les plus éloignés - les bénéficiaires de trois minima sociaux, RMI, ASS et API.

Disons-le d'emblée : vos propositions sont loin d'être à la hauteur de cette ambition. L'UDF ne rejette pas le recours à l'intéressement pour soutenir le retour à l'emploi, mais l'incitation financière n'est qu'un moyen parmi d'autres, qui ne peut être efficace que s'il est combiné avec d'autre mesures, dont votre projet est dépourvu.

Ce texte souffre de trois handicaps. D'abord, la précipitation : le retour à l'emploi impose une réforme complète du système des minima sociaux, constitué au fil de l'histoire sociale de notre pays par un empilement de mesures successives dont chacune répondait à une situation précise - maladie et handicap, chômage, vieillesse et isolement, déstructuration familiale ou exclusion. La diversité actuelle des allocations correspond à cette diversité des situations.

C'est donc à une réforme d'envergure que nous nous attendions, même s'il ne faut pas tout bouleverser. Comme le préconise le rapport unanimement salué que notre collègue sénatrice, Mme Valérie Létard, a rendu en mai dernier, il faut avant tout résoudre les nombreuses incohérences qui existent entre les neuf minima sociaux différents, pour rendre notre système social plus juste. Le Gouvernement semblait d'ailleurs partager cet objectif, puisque le Premier ministre a récemment confié à deux sénateurs, MM. Mercier et de Raincourt, une mission d'étude à ce sujet, et qu'un groupe de travail prépare au Sénat un ensemble de propositions pour réformer le système. Le Parlement s'est donc saisi de ce sujet complexe, qui concerne la vie de centaines de milliers d'hommes et de femmes de notre pays.

Or, tout à coup, le Gouvernement nous bombarde d'un texte qui entend régler, par le seul biais de l'intéressement, toute la question du retour à l'emploi des bénéficiaires des minima sociaux ! Pourquoi une telle précipitation ? Est-ce une exigence de calendrier, une simple improvisation ou bien une franche bousculade au portillon des annonces gouvernementales ?

Mme la Ministre déléguée - C'est l'urgence sociale !

M. Francis Vercamer - En tout état de cause, cette précipitation consterne l'ensemble des acteurs sociaux, sans compter l'annonce que vient de me faire M. Mercier qu'il ne conduirait plus la mission que lui a confiée le Premier ministre.

Mme la Ministre déléguée - Annonce qui n'est pas confirmée !

M. Francis Vercamer - Vous évoquez l'urgence de la bataille pour l'emploi : la responsabilité politique impose néanmoins de ne pas confondre vitesse et précipitation. La victoire, ici, passe par l'efficacité, qui exige une réforme globale des minima sociaux.

Parce qu'il est précipité, votre texte est incomplet : c'est son deuxième handicap. En effet, il n'envisage aucun accompagnement vers l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux concernés par la réforme. Pourtant, l'intérêt financier est loin d'être le seul facteur qui pousse à décider la reprise d'un emploi : la situation du bassin d'emploi, la désindustrialisation, la conjoncture économique, l'adaptation de la demande à l'offre, l'inadéquation de la formation ou la discrimination à l'embauche sont autant de raisons tout aussi déterminantes, sinon plus encore. L'accompagnement du demandeur d'emploi - a fortiori s'il est allocataire de minima sociaux - reste le meilleur moyen de l'aider à retourner durablement à une activité professionnelle. Ce suivi régulier doit être effectué par un référent unique dans le cadre des maisons de l'emploi - étrangement absentes de votre texte - et permettre d'identifier le projet professionnel et les besoins de formation tout en répondant à l'urgence sociale - problèmes de famille, de logement, de santé... La commission des affaires sociales a d'ailleurs voté des amendements fort à propos sur ce sujet, et j'attends de nos débats qu'ils confirment ces dispositions.

Incomplet, votre texte l'est aussi parce qu'il ignore la question des droits connexes qui, même si elle est récente, est loin d'être secondaire : c'est la clef, jusqu'ici négligée, de la réforme des minima sociaux, qui permettra de rendre le système plus efficace tout en résorbant les trappes à inactivité. Les droits connexes - qui assurent aux bénéficiaires, au-delà du seul montant des allocations, des facilités leur permettant de mieux faire face aux difficultés quotidiennes - sont multiples : aides au logement, exonérations ou avantages fiscaux, couverture santé, tarification sociale du téléphone et de l'électricité, fonds de solidarité pour le logement ou les impayés d'énergie ou encore aide sociale des départements et des communes. Ils sont souvent méconnus des organismes qui les accordent, voire des bénéficiaires eux-mêmes, et se distinguent selon les minima sociaux, d'où l'opacité du système. Ce sont pourtant de véritables atouts pour préserver le budget personnel ou familial des bénéficiaires de minima sociaux. Mais ils disparaissent avec ceux-ci dès le retour à l'emploi, entraînant de nouvelles charges financières qui amputent un budget pourtant encore fragile.

Rien ne prouve que le mécanisme d'intéressement que vous proposez palliera cet effet pervers du retour à l'emploi. Vous avez décidé de prendre le Parlement de vitesse alors qu'il travaille précisément sur les droits connexes.

Mme la Ministre déléguée - Pas du tout, c'est complémentaire !

M. Francis Vercamer - Incomplet, votre texte l'est enfin parce qu'il laisse de côté des pans entiers de notre politique sociale, essentiels à la réflexion politique et soulignés par le dernier rapport du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, qui porte justement sur l'aide au retour à l'emploi. Je pense aux chômeurs non indemnisés faute d'avoir exercé d'emploi pendant une durée suffisante, ou encore aux jeunes de moins de 25 ans qui, n'étant pas éligibles au RMI, ne peuvent prétendre au régime de solidarité. L'entrée sur le marché du travail s'effectue trop souvent par le biais de contrats temporaires ou précaires pour que nous ignorions ces situations.

D'où le troisième handicap de votre texte : il est inéquitable. Tout d'abord, il ne réduit pas l'iniquité entre les bénéficiaires de minima sociaux et les salariés aux revenus les plus modestes - proches des minima. Plus d'un million de travailleurs pauvres, souvent salariés au titre de contrats temporaires, en temps partiel ou très partiel subi, vivent de plus en plus difficilement des fruits de leur travail. En outre, ne peut-on pas envisager une sortie progressive du statut de bénéficiaire, au lieu de supprimer d'un coup les droits connexes dès le retour à l'emploi ? La dégressivité des droits, liée au niveau de revenu, permettrait un retour à l'emploi plus équitable des chômeurs de longue durée et un accès des salariés les plus modestes à certains droits. On réhabiliterait ainsi la valeur du travail, comme semble le souhaiter le Gouvernement. En effet, comment revaloriser le travail quand le salaire ne suffit parfois pas à boucler les fins de mois ?

Mme Muguette Jacquaint - Très bien !

M. Francis Vercamer - Ensuite, votre texte est inéquitable parce qu'y point parfois l'idée que le chômage est le fruit d'un choix délibéré. Certes, des abus existent, et il faut y mettre un terme car ils discréditent les bénéficiaires et le système tout entier. A ce titre, rien n'est envisagé dans les zones frontalières pour empêcher certains de nos concitoyens de travailler au-delà de la frontière tout en percevant des allocations en deçà...

Quoi qu'il en soit, on ne peut pas prétendre que les bénéficiaires de minima sociaux qui ont vocation à reprendre un emploi manifestent une préférence pour le chômage fondée sur un calcul rationnel. C'est plutôt la peur d'une perte non anticipée de revenus ou d'avantages, suscitée par l'opacité et l'incohérence du système que j'évoquais, qui peut être un frein au retour à l'emploi.

En outre, pour retrouver un emploi, encore faut-il que le marché du travail en propose. Or, le contexte de chômage de masse rend difficile le retour spontané à l'emploi de bénéficiaires de minima sociaux. Ce contexte justifie également nos doutes quant au caractère décisif d'un seul mécanisme d'intéressement pour faire reculer le chômage.

Le vote du groupe UDF dépendra donc de l'accueil qui sera réservé à ses amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme Muguette Jacquaint - Ce projet souffre d'un double handicap : la précipitation et l'effet d'annonce.

La représentation nationale n'a pu réaliser une étude approfondie de ce texte. Plusieurs rapports sur le thème du retour à l'emploi viennent de paraître ou paraîtront incessamment. Je pense au rapport de Mme Létard, publié il y a six mois, ou à celui de MM. de Raincourt et Mercier dont la parution est annoncée. Pourquoi ne pas avoir attendu l'ensemble de leurs conclusions avant de légiférer ? En commission, vous avez d'ailleurs reconnu vous-même, Madame la ministre, que la loi devra être assouplie à l'issue des conclusions du dernier rapport que je viens de citer, et en particulier le dispositif d'accès aux modes de garde de l'enfant. Vous menez une politique de courte vue, comme ce fut le cas avec le RMA, dont l'échec est d'ailleurs cuisant.

Ce texte souffre également d'un décalage entre son contenu et ses objectifs car en aucun cas il ne règlera les douloureuses situations vécues par les titulaires de minima sociaux. Je vous mets d'ailleurs au défi de trouver un article qui traite concrètement de la question de l'emploi. Mais l'effet d'annonce ne s'arrête pas là. Le Gouvernement n'a de cesse de répéter que ce texte vise à « donner au revenu du travail un avantage réel et perceptible », que le dispositif proposé permettra de percevoir « un revenu plus incitatif ». Vous jouez avec le sens des mots...

Mme la Ministre déléguée - Non.

Mme Muguette Jacquaint - ...mais cela ne trompe personne. En fait, vous renforcez les dispositifs d'assistance et de solidarité à l'endroit... du Medef. En quoi le revenu sera-t-il plus incitatif dès lors qu'une partie du pouvoir d'achat est supportée par l'Etat ? En quoi une activité en CDD, en intérim, à temps partiel, dans des conditions de travail déplorables, avec un risque de retour à la précarité au bout de six mois sans indemnisation de chômage et en ayant perdu quelques droits connexes, serait-elle incitative ? La question essentielle, la voici : quelle qualité d'emploi pour quel niveau de salaire ? « La trappe à inactivité » ne résulte pas de la fainéantise de certaines personnes, même si un petit nombre d'entre elles profitent du système, mais bel et bien des rapports sociaux et salariaux qui compriment l'emploi et les salaires.

Ainsi la différence entre les revenus issus d'une activité au SMIC et d'un minimum social serait-elle trop faible. Mais la solution n'est pas de diminuer ce minimum social ou d'attribuer une prime ! Ce sont les salaires qu'il faut augmenter sensiblement afin de rendre l'emploi attractif ! Hélas, ni Mme Parisot ni vous-même, Madame la ministre, ne voulez en entendre parler. Vous jugez sans doute préférable de cultiver l'idée du « chômeur professionnel » et celle du salarié qui doit s'estimer heureux d'avoir un emploi... et d'être payé ! Je signale à ce propos qu'une manifestation a eu lieu la semaine dernière en faveur des personnes qui font des stages et qui, elles aussi, travaillent beaucoup sans être pour autant rémunérées. Est-ce cela que vous voulez généraliser ? C'est inacceptable. Les gens veulent travailler, mais il faut voir ce qu'on leur propose : les contrats d'avenir, le CAE, le RMA, le CNE, le temps partiel, l'intérim... Quels projets peuvent-ils entreprendre dans ces conditions ? Ils ne peuvent même pas bénéficier d'un prêt bancaire ou trouver un logement ! Comment redonner du sens à une vie déjà difficile quand le seul espoir de s'en sortir est le nomadisme professionnel à travers la multiplication de petits jobs mal payés et de courte durée ? Pire, l'emploi ne protège plus de la précarité et de la pauvreté : un tiers des SDF travaillent ; des personnes meurent dans le froid en ce moment même alors qu'elles ont un emploi, il est vrai si précaire qu'elles ne peuvent se loger. Oui, le patronat est un assisté : toujours plus de baisse d'impôt et de profits, toujours moins de cotisations sociales et de salaires. En ami fidèle, vous ne le contraignez pas à promouvoir une ambitieuse politique des salaires afin de soutenir la croissance et l'emploi...

M. Maxime Gremetz - Très bien.

Mme Muguette Jacquaint - ...mais vous vous substituez à lui. Pour les salariés, vous augmentez la prime pour l'emploi, pour les titulaires de minima sociaux et les chômeurs, vous créez des primes de retour à l'emploi. Ce sont donc les contribuables qui paient les salaires, et les départements qui financent le RMI ! Ceux-ci auraient d'ailleurs souhaiter disposer d'études afin de connaître le montant exact des sommes qu'ils devront acquitter, car vous leur transférez une nouvelle charge sans concertation et sans compensations. Comment des départements déjà exsangues pourront-ils assumer cette nouvelle obligation, d'autant que cette mesure pénalise ceux qui, parmi eux, sont les moins favorisés ? Il est scandaleux que ce gouvernement finance sa politique sociale et ses politiques publiques de l'emploi sur les moyens budgétaires des collectivités locales ! Après avoir supprimé des ressources pour les départements dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, vous accroissez la pression financière sur eux en les contraignant à verser la prime forfaitaire. Nous ne pouvons pas accepter cette dérive irresponsable. Les moyens existent pourtant pour financer ces mesures : revenez donc sur le milliard et demi d'allégements d'impôt pour les plus riches !

De surcroît, vous parlez de retour à l'emploi sans vous préoccuper de la qualité et de la nature de cet emploi. Faut-il vous rappeler les chiffres ? Les trois quarts des nouveaux emplois sont précaires, 70 % des offres d'emplois déposées à l'ANPE sont des contrats de moins de six mois, 30 % des inscriptions au chômage surviennent à la fin de CDD ou d'intérim. Quelle perspective offrez-vous, sinon celle d'une précarité accrue ? S'il suffisait d'une prime pour résoudre les difficultés de retour à l'emploi des titulaires de minima sociaux, cela se saurait ! Il faut revaloriser le travail, oui, mais en engageant une autre politique : plus de formation, requalification des contrats précaires injustifiés, pénalisation du recours abusif aux temps partiels contraints et à l'intérim, revalorisation sensible des salaires en augmentant les minima de branche et le SMIC pour l'ensemble des salariés et non pour quelques-uns comme vous le faites depuis trois ans.

Ce projet ne permettra pas à ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi de retrouver un travail. Il s'agit seulement d'un dispositif de plus pour exonérer le patronat de ses responsabilités. Le Gouvernement nie la réalité du marché de l'emploi et exclut la question des salaires. A moins de profondes corrections - et nous en proposerons, notamment concernant l'absence de condition d'ancienneté pour le bénéfice des primes, le versement à l'issue de la période d'essai, l'exclusion de ces primes du calcul des ressource - vous comprendrez que nous ne pourrons accueillir favorablement ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Maxime Gremetz - Bravo ! Très bien !

M. Dominique Tian - Pour gagner la bataille de l'emploi et de l'insertion, il faut que le retour à l'emploi soit plus attractif. Le Premier ministre s'y est d'ailleurs engagé lors de son intervention du 1er septembre en déclarant : « Je veux qu'il soit plus intéressant et plus facile de travailler que de vivre d'un revenu d'assistance ». Tel est l'élément moteur de ce projet très attendu, qui contient de réelles avancées pour les bénéficiaires des minima sociaux qui travaillent à nouveau, notamment sur le plan financier.

On dénombre plus de 3,3 millions d'allocataires de minima sociaux, ce qui représente six millions de personnes en comptant les conjoints et les enfants. Le récent rapport de Mme Valérie Létard a mis en lumière l'architecture des minima sociaux, dont chacun peut constater la complexité et, parfois, l'incohérence. Rien ne permet d'expliquer de façon rationnelle les différences de montant entre les prestations. Les bénéficiaires eux-mêmes ne comprennent pas la mécanique des différentes prestations et se sentent pris au piège de leur statut. De plus, la complexité du système a des conséquences perverses, je pense en particulier aux effets de seuil qui conduisent à des pertes brutales de revenu. Si le retour à l'emploi est synonyme de pertes de revenus, peut-on reprocher à l'intéressé de renoncer à une réinsertion professionnelle ? Le débat sur l'attractivité financière du retour à l'activité et, a contrario, sur les « trappes à inactivité », n'est donc pas nouveau.

Il convient de rappeler les limites du système traditionnel de l'intéressement qui consiste à autoriser le cumul, sous conditions, de l'allocation de RMI avec un revenu d'activité afin de rendre financièrement attractive la reprise d'activité. A plusieurs reprises, on a tenté de rendre plus attractif ce dispositif complexe ; sans grand succès, puisqu'il ne concerne que 144 600 allocataires du RMI en juin 2005, soit 11,5 % du total, contre 13,5 % en 2000.

Ce projet est une première étape pour favoriser le retour à l'emploi. Il a le mérite d'instaurer un dispositif identique pour les trois minima sociaux, avec une même durée de cumul, la même prime de 1 000 euros au quatrième mois et de 150 euros par mois pendant un an. L'effet n'est pas anodin. Les titulaires d'un SMIC à mi-temps percevront un supplément de 3 600 euros, soit 60 % de leur salaire de 6 150 euros. L'incitation est réelle.

Lors du débat budgétaire, j'ai présenté un avis au nom de la commission des affaires sociales sur le bilan après dix-huit mois de transfert du RMI aux départements et l'instauration du contrat d'insertion-revenu minimum d'activité. J'ai pu constater que les incitations financières de retour à l'emploi, l'harmonisation des droits connexes et la relance des politiques d'insertion professionnelle sont utiles, mais indissociables d'un contrôle et d'un suivi des bénéficiaires du RMI. Je défendrai donc plusieurs amendements dans le sens d'une responsabilisation.

La question du travail illégal est essentielle pour lutter contre la fraude aux minima sociaux. Le Gouvernement en a fait une de ses priorités et la loi du 2 août 2005 relative aux PME a créé un cadre pour la répression du travail illégal et étendu les échanges d'informations entre administrations. Je souhaite que le conseil général en soit également destinataire.

Certains conseils généraux se plaignent aussi d'un afflux incontrôlé de demandeurs de RMI étrangers, travailleurs saisonniers, ou n'ayant pas d'activité déclarée mais soupçonnés de travailler au noir et de dissimuler leur patrimoine et leur revenu dans leur pays. Il ne serait pas contraire à nos engagements communautaires de restreindre l'accès pérenne au RMI et à d'autres dispositifs sociaux à ceux qui sont reconnus inaptes suite à un accident du travail survenu en France, et aux demandeurs d'emploi actifs, inscrits à l'ANPE après avoir travaillé au moins un an en France ; pour les autres inscrits à l'ANPE, l'allocation serait consentie pour six mois. On pourrait aussi, pour apprécier les ressources de ces étrangers dans leur pays, leur imposer, s'ils demandent le RMI, de faire une déclaration d'impôt en France, qui se solderait par un certificat de non-imposition, et inscrire dans le droit communautaire ou les conventions bilatérales le principe d'un échange d'informations dans ce domaine. Certains départements aimeraient connaître le montant exact des revenus de certains allocataires du RMI dans leur pays d'origine. Actuellement, ce n'est pas possible.

Les non-salariés - commerçants, artisans, artistes - posent aussi un problème spécifique. En effet, leurs revenus fiscaux ne sont pas forcément représentatifs de leur activité réelle et parfois, le RMI devient un revenu de complément. Dans certains départements, ils représenteraient 10 % à 12 % des allocataires. On pourrait donc exiger qu'ils satisfassent à plusieurs critères : une évaluation préalable de viabilité économique de leur activité ; une obligation de résultat, avec acceptation d'une réorientation éventuelle ; une contrepartie au bénéfice du RMI, si l'allocataire en a les capacités.

Ce projet était très attendu. Il simplifie le dispositif, le rend plus équitable et plus efficace. Je le voterai. Mais il faudra un jour ouvrir le chantier des droits connexes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Huguette Bello - Il y a cinq ans était mise en place une allocation de retour à l'activité, versée par l'Etat à toute personne reprenant ou créant une activité, occasionnelle ou permanente, à plein temps ou temps partiel. Son montant, de 255,24 euros par mois au 1er janvier 2005, se cumule avec les revenus du travail pendant deux ans. Il s'agit d'encourager le retour à l'emploi des bénéficiaires de droits sociaux. Ce dispositif n'existe que dans les départements d'outre-mer et deux ans après sa mise en place, à la Réunion, il concerne deux mille personnes environ. La similitude est grande avec celui que vous proposez ; je m'interroge donc sur leur articulation.

Cette réforme s'inscrit dans le débat déjà ancien sur la « réactivation des dépenses passives ». Elle n'aura son sens que si les obstacles à la reprise d'une activité sont levés.

Le premier est bien sûr la situation du marché du travail. Tant qu'il y a inadéquation entre l'offre et la demande d'emploi, les qualifications requises et le profil de demandeurs, tant que les salariés sont considérés comme une variable d'ajustement pour les entreprises, il ne servira à rien de s'interroger sur les rapports entre minima sociaux et activité. Ainsi la Réunion a le plus fort taux de création d'emplois, mais aussi le plus fort taux de chômage, en raison de la croissance de la population active. On ne peut donc prétendre que ce sont les minima sociaux qui « incitent » à ne pas travailler. Dans leur immense majorité, les allocataires n'ont pas le choix. La diminution des contrats aidés depuis 2002 n'améliore pas la situation, et en particulier le RMA et les contrats d'avenir ont des résultats bien inférieurs aux prévisions.

Un autre problème est celui des droits connexes. Puisque ce projet a pour ambition la simplification, il aurait mieux valu traiter l'ensemble de la question. A procéder par étapes, on risque de rendre méfiants les demandeurs qui ont eu l'expérience d'effets de seuil provoquant des pertes de revenus. Ainsi, à la Réunion, après la prise en compte de l'allocation logement ou du forfait logement dans le revenu de référence, des milliers de bénéficiaires du minimum vieillesse ou de l'allocation d'adulte handicapé ont été exclus du bénéfice de la CMU complémentaire.

Nous nous félicitons néanmoins que la question de la garde des enfants soit, pour une fois, abordée. Elle est souvent déterminante pour les mères qui touchent l'allocation de parent isolé.

Mme la Ministre déléguée - Tout à fait.

Mme Huguette Bello - Mais cette bonne intention risque de se heurter à la pénurie de places en crèches. C`est un argument supplémentaire pour lancer le chantier d'un service public de la petite enfance, tel que l'a préconisé la commission « famille, vulnérabilité, pauvreté » présidée par Martin Hirsch.

M. Maxime Gremetz - Très bien.

Mme Patricia Adam - Tout à fait.

Mme Huguette Bello - Il faudrait également prévoir des parcours d'insertion et des mesures d'accompagnement individualisées pour ces personnes trop longtemps éloignées du marché du travail ou très peu qualifiées. Nous soutiendrons tout ce qui contribue à améliorer les conditions favorables à une reprise d'activité

En revanche, nous nous opposerons à l'arsenal de contrôles et sanctions prévues. Selon une étude de la caisse nationale d'allocations familiales, la fraude est marginale. Or ces contraintes seront décourageantes, alors que la confiance est la clé de voûte de tout dispositif de retour vers l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme la Présidente - Ne pouvant prendre part au débat, puisque je préside, j'ai laissé mon temps de parole à M. Liebgott qui peut ainsi doubler le sien.

M. Michel Liebgott - Bien entendu, le travail est préférable à l'assistance, comme il l'est au chômage. Mais on ne résoudra pas les difficultés actuelles par un système de cumul entre minimum social et travail de seconde zone. La loi sur l'exclusion avait bien créé ce type de cumul. Mais API, RMI ou ASS étaient, à leur création, considérées comme des allocations exceptionnelles, n'ayant aucunement vocation à durer et à se cumuler avec un emploi. L'objectif pour leurs bénéficiaires doit bien être le retour à un emploi définitif.

On peut se demander si les 500 000 emplois qui sont, nous dit-on, disponibles sont vraiment accessibles aux personnes dont nous parlons ce soir. On verra sans doute à l'usage que le problème n'est pas tant de faire revenir à l'emploi des personnes qui n'y seraient pas suffisamment incitées que d'avoir la croissance et le dynamisme économique permettant de créer des emplois, et la formation pour les pourvoir. C'est pourquoi l'intitulé très ambitieux de ce projet, qui n'est qu'une somme de mesurettes techniques, nous semble quelque peu déconnecté de la réalité.

Il est vrai que vous nous avez habitués à l'échec, ce qui ne nous rend que plus pessimistes. A une certaine époque, le CIVIS était censé régler le problème. On a vu ce qu'il en fut. Je n'ose même pas vous demander combien de RMA ont été signés sur l'ensemble du territoire. Quelques centaines, sans doute, pas plus. Quant à l'objectif de 185 000 contrats d'avenir, nous en sommes bien loin ! Je pense que nous n'irons guère au-delà des 4 000 actuels, car les conditions de sa mise en œuvre sont telles, notamment en ce qui concerne l'application des conventions collectives, que peu d'associations sont aujourd'hui en mesure d'y recourir, d'autant que ces associations sont mises en difficulté par la baisse de leurs subventions.

Nous nous inscrivions, nous, dans une autre logique : celle du partage du temps de travail. Et nous avions su créer les emplois-jeunes, qui ont permis à un grand nombre de jeunes de vivre avec un salaire décent et qui leur ont souvent mis le pied à l'étrier pour accéder à un emploi stable. Vous, vous dites que pour gagner plus, il faut travailler plus, moyennant quoi ce sont seulement ceux qui travaillent déjà qui peuvent faire des heures supplémentaires, voire qui y sont obligés, tandis que les titulaires de minima sociaux n'ont toujours pas la moindre chance de retrouver un emploi !

Vous nous avez parlé de 240 millions, Madame la ministre. Je ne retrouve pas la ligne budgétaire correspondante, mais soit, nous vous faisons confiance sur cette somme, censée bénéficier - du moins, potentiellement - à 6 ou 7 millions de titulaires de minima sociaux. Je ne puis m'empêcher de faire un parallèle avec une somme équivalente, celle du coût de la réduction de l'ISF, qui bénéficiera, elle, et de façon certaine, à 14 000 personnes. On mesure là l'indécence de votre politique.

Le nombre de Rmistes a progressé en 2004 de 9 % et le nombre de personnes au chômage depuis plus de trois ans a augmenté de 9,3 % en un an. Les perspectives pour les demandeurs d'emplois ne sont guère plus souriantes : il y a de moins en moins de CDI et les CDD eux-mêmes sont fragilisés par le nouveau Contrat nouvelle embauche. Tout à l'heure, le rapporteur concluait à l'absence de « grand soir ». Assurément , mais sans parler de grand soir, nous avions su, en d'autres temps, faire renaître l'espoir en permettant, grâce à une politique de croissance et de relance du pouvoir d'achat, la création de deux millions d'emplois.

On comptait 20 millions de salariés en 1990, 22,7 millions en 2002. Par contre, entre 2002 et 2005, le nombre d'emplois salariés a stagné, malheureusement. A partir de 2005, il y aura, pour des raisons démographiques, moins de gens arrivant sur le marché du travail et plus qui partiront en retraite, ce qui pourra améliorer à court terme les statistiques du chômage, mais ce qui n'est pas une bonne chose à long terme.

Dans l'immédiat, ce texte nous fait courir certains dangers. D'abord, par les sanctions qu'il prévoit : pour des gens qui n'ont même pas 1 000 euros, on envisage en effet des sanctions de plusieurs milliers d'euros. On sait d'ailleurs très bien que ces sommes ont peu de chances d'être recouvrables. Votre objectif dans cette affaire n'est-il pas de faire disparaître des statistiques des minima sociaux un certain nombre de gens, à qui l'on reprochera une faute mineure, comme vous avez disparaître un certain nombre de demandeurs d'emplois des statistiques du chômage ? J'aimerais que le Gouvernement fasse preuve de la même sévérité à l'encontre de l'évasion fiscale, par exemple !

Nous ne sommes pas opposés aux mesures de clarification et de revalorisation, mais d'autres dispositions, dites techniques, nous inquiètent, par exemple le fait que la prime ne soit pas versée dès le premier mois d'activité, alors que la durée habituelle d'un contrat d'intérim est d'environ un mois et demi.

Nous nous inquiétons aussi des répercussions du projet sur les collectivités. Pour la prime forfaitaire, par exemple, il eût été au moins courtois de consulter les départements. L'élu local que je suis se demande par ailleurs comment nous allons faire pour développer ces crèches et ces haltes-garderies, assurément très nécessaires, pas seulement d'ailleurs pour retrouver un emploi, mais qui réclament des investissements élevés. Avec quels crédits ?

Je regrette d'autre part que la question des droits connexes ne soit pas traitée. L'urgence de ce texte technique n'était pas telle que l'on ne pût attendre un peu, ce qui nous aurait peut-être permis d'examiner un dispositif complet, incluant les répercussions sur la CMU, l'impôt sur le revenu, la CSG ou la taxe d'habitation.

Avec des situations individuelles de plus en plus dramatiques, des centres communaux d'action sociale qui n'ont plus guère de moyens, des associations privées de subventions et de contrats aidés, des crédits de contrats de ville en baisse, la situation n'est pas près de s'arranger. S'agissant des contrats aidés, vous êtes un peu revenus en arrière, car les événements de ces dernières semaines vous obligeaient tout de même à un petit signal, mais on ne peut pas dire que les contrats d'avenir explosent et les associations se demandent comment elles vont faire.

J'observe d'autre part que l'on demande à la CNAF de lever le pied sur son budget d'action sociale, qui représente actuellement quelque 3 milliards d'euros, et qu'il est question d'y supprimer mille postes, ce qui serait incompatible avec un bon suivi des dossiers.

Le principal danger que nous fait courir ce texte, c'est de favoriser l'émergence de « travailleurs pauvres ». Nous aurons en effet d'un côté des entreprises tentées de multiplier les emplois précaires mal payés, de l'autre des minima sociaux restant assez bas. Certaines personnes cumuleront les deux et arriveront ainsi à un minimum vital, tiré à la fois de l'entreprise et de la société, tout cela parce que l'on n'aura voulu ni revaloriser les salaires, ni mettre en place des minima sociaux permettant à eux seuls de vivre dignement.

Le Président de la République s'était engagé à réduire la fracture sociale. Force est, hélas, de constater qu'elle ne s'est pas réduite dans nos quartiers où, après que la sécurité a été rétablie, chacun, si j'ose dire, est retourné vivre dans sa misère,

La décentralisation, qui rapproche décideur, payeur et bénéficiaire, a toujours été un excellent outil pour traiter les problèmes des petites gens. S'il y a tout lieu d'être fier de celle engagée en 1982, dont chacun s'accorde à reconnaître les effets bénéfiques, ce n'est pas le cas de celle conduite par Jean-Pierre Raffarin, dont les collectivités paient aujourd'hui les pots cassés. Alors que d'un côté, on les appauvrit en limitant leurs ressources, par exemple en plafonnant la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée...

Mme la Ministre déléguée - Ce n'est pas le sujet !

M. Michel Liebgott - ...on leur demande de l'autre de payer davantage du fait d'innombrables transferts de charges - lesquels devaient être intégralement compensés, on sait ce qu'il en a été ! M. Copé lui-même a reconnu l'extrême complexité des dispositifs, qui nuit à leur transparence. Ainsi avons-nous d'un côté le RMI géré par les départements, de l'autre les emplois aidés, ou du moins ce qu'il en reste, gérés par l'Etat.

Le point où nous en sommes arrivés marque la faillite de l'Etat qui, à défaut de pouvoir résorber ses déficits, les transfère sur les collectivités, et n'en est pas à une contradiction près en faisant voter la semaine dernière un projet de budget qui réduit leurs moyens et cette semaine un projet de loi qui leur demande de prendre en charge ce qui devrait relever d'une politique nationale de relance de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Perrut - Permettez-moi, en introduction à mon propos, de citer Confucius qui écrivait : « Ne vous souciez pas d'être sans emploi ; souciez-vous d'être dignes d'un emploi. » Telle est la philosophie de votre projet de loi, Madame la ministre.

Depuis 2002, le Gouvernement et sa majorité ont fait de l'emploi leur priorité et, à cet égard, la diminution du chômage est encourageante. Ce gouvernement a aussi unifié les différents SMIC, ce qui s'est traduit par une hausse considérable de 11,4 %, et revalorisé de 11 % la prime pour l'emploi depuis 2003.

M. Maxime Gremetz - Pour combien de personnes ?

M. Bernard Perrut - En dépit de ces mesures, nombre de nos concitoyens vivent dans la crainte de perdre leur emploi et de sombrer dans la marginalité. Nous sommes sensibles à cette détresse d'où peut naître la révolte.

Si les récents événements de nos quartiers sont bien sûr inexcusables, il faut tout faire pour éviter qu'ils se reproduisent. Nous devons entendre le message qui nous a été adressé. Au-delà du présent texte, nous examinerons ainsi prochainement le projet de loi portant engagement national pour le logement et celui relatif à l'égalité des chances.

Le retour à l'emploi est une priorité absolue qui exige une mobilisation sans précédent. Un milliard d'euros a été affecté en 2005 à la première phase du plan de cohésion sociale. Trois milliards le seront en 2006 et vous-même, Madame la ministre, consacrerez 240 millions à la mise en œuvre du présent texte.

Notre pays compte 3,3 millions d'allocataires de minima sociaux, soit six millions de bénéficiaires, ce qui est inacceptable. Le rapport de la commission « familles, vulnérabilité, pauvreté » a montré que les bénéficiaires du RMI ont tendance à y rester, la reprise d'activité n'entraînant pas pour eux de gains substantiels, ce qui laisse s'enclencher un cercle vicieux.

Le suivi personnalisé des chômeurs va montrer son efficacité : grâce à un interlocuteur unique, qui les rencontrera fréquemment, les chômeurs ne se sentiront plus anonymes et seront moins découragés dans leur recherche d'emploi, laquelle s'apparentait à un parcours du combattant.

L'emploi, au cœur de la politique du Gouvernement, relève de notre responsabilité collective. Il n'est pas acceptable que tant de personnes se trouvent durablement exclues du développement économique, social et culturel, et toutes les initiatives de terrain doivent être exploitées.

Ce projet de loi est ambitieux. Sa philosophie est claire qui tend à rendre les revenus du travail plus attractifs que ceux de l'assistance, qui déresponsabilisent leurs bénéficiaires. Inciter les chômeurs à reprendre un emploi ou créer une entreprise est donc une mesure de bon sens. D'autres mesures efficaces ont déjà été prises. Je pense aux 70 000 contrats nouvelle embauche signés depuis août dernier, à l'objectif de 120 000 contrats d'accompagnement vers l'emploi, 200 000 contrats d'avenir et 50 000 contrats initiative emploi en 2006.

La commission a voulu explorer toutes les pistes susceptibles de déboucher sur un emploi. Il faut ainsi encourager les projets personnalisés d'accès à l'emploi. Je souhaiterais ici mentionner l'initiative prise par le conseil général du Rhône qui a permis aux 700 érémistes du département de conserver leur allocation tout en touchant un salaire pendant les vendanges.

Mme la Ministre déléguée - Excellente initiative !

M. Bernard Perrut - Une telle mesure mériterait d'être généralisée et l'amendement de notre collègue Maurice Giro le permettra.

Mme la Ministre déléguée - Excellent amendement !

M. Bernard Perrut - Une politique efficace de l'emploi ne réussira qu'avec le soutien de tous les partenaires : collectivités, entreprises, associations, et de tous ceux qui oeuvrent quotidiennement sur le terrain.

Le projet de loi entend simplifier le dispositif actuel d'intéressement, en effet fort complexe. Nous ne pouvons que nous en féliciter. L'objectif n'est pas de jeter l'opprobre sur les titulaires de minima sociaux...

Mme la Présidente - Veuillez conclure, je vous prie.

M. Bernard Perrut - J'ai apprécié l'amendement tendant à supprimer le délai de carence pour l'accès aux contrats d'avenir et aux CI-RMA. Les allocataires du RMI, de l'ASS ou de l'API pourront ainsi se voir proposer plus facilement de tels contrats. C'est tout à fait essentiel pour les chantiers d'insertion.

Mme la Présidente - S'il vous plaît !

M. Bernard Perrut - Les parents de jeunes enfants ne doivent pas être pénalisés dans leur retour à l'emploi. Il est indispensable de garantir à leur intention un nombre déterminé de places d'accueil en crèche... à condition que les autres familles n'en pâtissent pas du fait de plus longues listes d'attente.

Il nous faut être pragmatiques. Ce texte nous y invite. Jacques Chirac déclarait en substance en 1995 qu'aucune société n'a duré qui acceptait la fracture sociale de l'exclusion. Cette question de civilisation, nous contribuons par ce projet de loi ambitieux à la régler. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine Billard - Qui pourrait s'opposer à l'amélioration du dispositif actuel dit d'intéressement au retour à l'emploi ? Pour autant, fallait-il élaborer ce texte à la va-vite ? Plusieurs rapports ont été remis ces derniers mois sur la question des minima sociaux, qui ouvraient des pistes. Au lieu d'analyser ces propositions et d'en débattre avec les acteurs concernés comme le CNLE, le CNIAE ou les associations de lutte contre l'exclusion et de légiférer de manière globale sur les minima sociaux, vous proposez une fraction de réforme - la troisième en deux ans pour le RMI -, et une autre nous est déjà annoncée. Quelle façon de travailler !

Ce serait, nous dit-on, pour plus d'efficacité. Si au moins cela était vrai ! Il n'en est rien, hélas, j'aurai l'occasion de le démontrer. Ne pouvions-nous donc attendre quelques semaines de plus pour parvenir à un texte vraiment efficace ?

Certains de nos collègues continuent de penser que les allocataires de minima se complaisent à vivre de l'assistance. Ils ne sont, hélas, pas seuls. Ainsi peut-on lire sur le site internet du ministère que « le titulaire d'un minimum social a aujourd'hui un niveau de vie quasi équivalent au niveau de vie d'un salarié ». Je propose que la personne qui a osé écrire cela soit condamnée à vivre six mois avec le RMI ! Nous verrons si elle maintient ses propos. C'est avec ce genre de discours que l'on dresse les catégories de Français les unes contre les autres. Non, le niveau de vie n'est pas le même, sauf à comparer le RMI au revenu d'un salarié à temps partiel, et encore, même à temps partiel, il est plus avantageux de travailler. En outre les personnes ne choisissent pas de travailler uniquement parce que leur revenu sera supérieur au RMI, mais parce qu'elles veulent travailler.

Cela étant, le retour à l'emploi suppose de l'emploi ! Même si toutes les offres trouvaient preneurs, sans parler même de la qualité ni la précarité des emplois proposés, il resterait encore plus d'un million de demandeurs d'emploi. Votre texte n'est donc pas une loi de « retour à l'emploi », mais un dispositif partiel concernant seulement les allocataires des minima sociaux.

Si l'on compte aujourd'hui tant d'allocataires de l'ASS et du RMI, c'est aussi parce que les droits à l'assurance chômage ont été fortement réduits. Espérons qu'ils ne le seront pas encore davantage à l'issue de la négociation en cours à l'UNEDIC. Quant à ceux qui trouvent un de ces emplois précaires de courte durée que vous multipliez, ils n'ont tout simplement pas droit aux allocations chômage.

Il est vrai qu'il est difficile pour beaucoup aujourd'hui de reprendre un travail, étant donné les coûts supplémentaires que cela entraîne et les avantages que cela peut faire perdre. Le système d'intéressement actuel est opaque, incompréhensible, et, pis, inégalitaire. Les décisions qui seront prises, inexplicables à l'avance, provoquent d'ailleurs régulièrement des conflits sur le calcul des droits. En bref, tout est réuni pour exaspérer les allocataires et les décourager de reprendre une activité rémunérée. Il est donc nécessaire de réformer ce dispositif.

Mais le dispositif présenté concerne principalement les allocataires reprenant un emploi à temps plein, avec des nouveaux mécanismes plus favorables dans ce cas. La bonne méthode aurait été de nous faire savoir le nombre d'allocataires concernés par ce dispositif. Ceux qui retrouvent un emploi à temps plein pour un an sont aujourd'hui des perles rares !

En revanche, pour les allocataires reprenant un emploi à temps partiel, vous maintenez en partie les anciennes dispositions. Un des défauts majeurs du système - la possibilité de recalculer le montant du RMI lors du premier trimestre en cas de reprise d'activité pendant ce trimestre, avec pour conséquence une demande de remboursement - n'est pas modifié.

Mais surtout, ce système à deux vitesses conduit à créer, une fois de plus, deux catégories d'allocataires. Ceux qui ont la chance de retrouver un emploi à temps plein pour douze mois et les autres. Et malheureusement les « autres », ce sont le plus souvent des femmes. Peu qualifiées, ...

Mme la Ministre déléguée - Juste !

Mme Martine Billard - ...les emplois qui leur sont proposés sont dans le nettoyage, le commerce et notamment la grande distribution, et les services aux personnes. Tous ces secteurs emploient massivement des femmes à temps partiel. En moyenne en 2004, 544 000 femmes ont un emploi à temps partiel, dont la durée hebdomadaire est inférieure à quinze heures, soit 4,8 % des femmes salariées. Votre dispositif a donc pour conséquence de désavantager, une fois de plus, les femmes.

Quant au financement de ces primes, vous surchargez les Fonds de solidarité des ASS sans prévoir de recettes nouvelles et la prime mensuelle pour les allocataires du RMI sera à la charge des départements sans compensation financière.

De plus, la notion de statut entraînant des droits connexes est source de nombreux effets pervers. Votre texte supprime ce statut au bout de trois mois de reprise en annonçant une réforme à venir. J'espère que vous accepterez les amendements que j'ai déposés pour éviter cette remise en cause insidieuse du statut.

Au prétexte de renforcer les obligations des allocataires, le serpent de mer des fraudes réapparaît de façon ubuesque. A force de traquer les fraudes, vous en arrivez à introduire quasiment des « triples peines » pour des déclarations incomplètes. Or les allocataires, sauf fraude organisée avérée, sont surtout des personnes en grande difficulté. Ce qui me choque aussi, ce sont les règlements absurdes qui suspendent les allocations pour cause de recalcul ou, pire, les erreurs de calcul qui ne sont jamais sanctionnées ni compensées.

Les difficultés rencontrées lors d'une reprise d'emploi sont connues, bien plus que les que les solutions à y apporter. Cela suppose, dans tous les cas, une véritable volonté politique. Votre texte n'est pas à la hauteur des enjeux et il est à craindre que le reste de la « fusée » annoncée ne soit du même acabit (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Maurice Giro - Je ne serai pas long, à l'image de ce projet de loi bref mais efficace.

M. le Rapporteur - Très bien !

M. Maurice Giro - Rappelons tout d'abord que les allocataires de minima sociaux - RMI, ASS et API - représentent 6 millions de personnes, que près d'un tiers des érémistes sont dans le système depuis plus de cinq ans et que seulement 13 % ont signé un contrat d'insertion. Ces chiffres montrent que l'on quitte difficilement le statut d'allocataire. Après tout, a-t-on intérêt à sortir du système quand le titulaire d'un minimum social a aujourd'hui un niveau de vie comparable à celui d'un salarié au SMIC par les avantages indirects qu'entraîne la perception d'un minimum social ?

Mme Martine Billard - Oh la la !

M. Maurice Giro - On ne peut pas accepter que le travail soit moins rémunérateur que les revenus d'assistance car seul le travail assure l'autonomie financière des familles. Je m'étonne que l'opposition dénonce le développement du temps partiel quand les 35 heures en sont à l'origine !

M. Guy Geoffroy - Très bien !

M. Maxime Gremetz - Allons donc !

M. Maurice Giro - Notamment dans les grandes surfaces, on a plus intérêt à faire travailler deux employés vingt heures chacun plutôt qu'à embaucher un temps complet.

De surcroît, la reprise d'un emploi ne permet plus de bénéficier, si l'essai n'est pas concluant, du minimum social perçu auparavant. N'ayons pas peur de le dire, même les travailleurs sociaux n'incitent pas à la reprise d'un travail sachant que les avantages financiers n'en sont pas évidents.

Il était donc nécessaire de réformer rapidement le dispositif actuel et de favoriser la reprise d'activité en rendant le revenu du travail plus attractif que celui de l'assistance. C'est l'objet de ce projet de loi.

Tout d'abord, en encourageant la reprise d'activité par une aide financière. Ceux qui travaillent plus de 78 heures pourront cumuler l'allocation et le salaire pendant trois mois, puis percevoir la prime de 1 000 euros au quatrième mois - indispensable pour faire face aux frais occasionnés par la reprise d'emploi - et une prime de 150 euros pour les personnes seules ou de 225 euros pour les familles les neuf mois restants.

Ensuite, en favorisant les emplois à travers la mise en place des maisons de l'emploi. Elles auront pour mission de permettre la rencontre entre les demandeurs d'emploi et les entreprises et d'assurer un suivi. Tout cela coule de source et je ne comprends pas pourquoi il faudrait le rappeler dans ce texte.

Inciter au retour à l'emploi, c'est aussi instituer des priorités d'accès aux établissements et services d'accueil des enfants de moins de 6 ans en faveur des bénéficiaires du RMI, de l'API et de l'ASS. Toutefois, comme l'a souligné M. Perrut, il ne faut pas que cela empêche les enfants des autres de bénéficier d'un mode de garde. Aussi, avec M. Tian, nous proposerons un amendement visant à ce que les crèches, tout en conservant les mêmes structures d'encadrement, utilisent les 10 % de places obligatoires autorisées par décret pour les cas d'urgence. Avec cet amendement, nous pourrons faire face aux demandes.

M. Guy Geoffroy - C'est une proposition intelligente !

M. Bernard Perrut - Bonne proposition !

M. Maurice Giro - Le groupe UMP proposera d'autres amendements, notamment pour permettre aux travailleurs saisonniers de conserver les minima sociaux en supplément du salaire, ce qui évitera de faire appel à des travailleurs étrangers.

Nous proposons également de prendre des mesures pour éviter les fraudes et les abus, notamment en cas d'arrêt du travail après quatre mois et avant douze mois, c'est-à-dire après perception de la prime de 1 000 euros. Il s'agira également de prévoir une réforme des droits connexes permettant de compléter le dispositif qui repose sur les minima sociaux. D'autres amendements viseront à porter de trois à six mois l'obligation de résider sur le territoire national pour les ressortissants communautaires et à tenir compte des ressources dont disposent les travailleurs étrangers hors de nos frontières. Nous voulons aussi que les présidents des conseils généraux conservent leur pouvoir de suspendre le RMI pour cause de non respect de l'engagement d'insertion.

En conclusion, Madame la ministre déléguée, vous avez raison.

Mme la Ministre déléguée - Merci !

M. Maurice Giro - Il faut aller vite, car les demandeurs d'emplois ne peuvent pas attendre. Tout est en place pour agir. Grâce à cette loi et à la création des maisons de l'emploi, nous pourrons aider les demandeurs d'emplois et ainsi alléger les charges financières des départements au titre du RMI. Les députés du groupe UMP sont prêts à agir et ils voteront cette loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marie Rolland - Retrouver un emploi peut se révéler long et problématique. Une période d'inactivité entraîne un découragement et un manque de confiance, peu propices à un retour à l'emploi. Pour aider les personnes sans emploi, les gouvernements successifs ont privilégié le traitement social du chômage, l'attribution d'aides financières associé à un suivi régulier. Or ces aides qui devaient être ponctuelles deviennent pour certains un revenu permanent. Face à un système que certains comparent à de l'assistanat, l'Etat devait intervenir. Les Français doivent admettrent que le chômage n'est pas une fatalité et que de retrouver un emploi n'est pas inaccessible.

M. Maxime Gremetz - On voit que vous n'avez jamais été chômeur !

M. Jean-Marie Rolland - Certaines catégories de personnes éprouvent plus de difficultés que d'autres à retrouver un emploi. C'est le cas des mères isolées élevant seules leurs enfants mais aussi des mères vivant en couple et bénéficiaires de minima sociaux. Lorsque ces femmes ont la possibilité de retrouver un emploi, elles doivent trouver rapidement des solutions de garde. Or, cela leur est parfois impossible et elles doivent renoncer à accepter un poste ou un stage professionnel.

Par ailleurs, les femmes bénéficiaires de minima sociaux ou isolées occupent souvent des postes à temps partiels ou faiblement rémunérés. Ainsi, en 2004, selon l'INSEE, 544 000 femmes avaient un emploi à temps partiel, dont la durée hebdomadaire était inférieure à 15 heures, contre seulement 123 000 hommes.

Mme Martine Billard - Eh oui !

M. Jean-Marie Rolland - La reprise d'un tel emploi entraîne une perte financière car leur revenu net, après le paiement d'un mode de garde, est souvent inférieur à celui obtenu par les allocations.

En France, si les mères ne peuvent confier leurs enfants à leur famille, elles ont le choix entre la crèche ou l'assistante maternelle. Mais les mères seules sont souvent en position difficile pour inscrire leur enfant en crèche car priorité est souvent donnée aux enfants dont les deux parents travaillent. Seulement 3 % des enfants des familles des bénéficiaires d'un minimum social sont gardés en crèches. Le second moyen est de recourir aux services d'une assistante maternelle, ce qui est souvent plus simple en milieu rural. Toutefois, cela représente un coût plus élevé.

Il est donc nécessaire d'instaurer un système facilitant la garde des enfants. Saluons la politique familiale française qui incite les femmes à concilier vie professionnelle et familiale,...

M. Bernard Perrut - C'est très important !

M. Jean-Marie Rolland - ...et explique le maintien d'un taux de natalité plus élevé qu'en Italie, en Espagne ou en Allemagne.

M. Guy Geoffroy - Très bien !

Il est également louable que ce projet de loi accompagne les efforts de la France en faveur de la parité dans le domaine professionnel... (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) En améliorant les dispositifs d'accueil du jeune enfant, c'est le risque d'exclusion professionnelle liée à la maternité que l'on fait reculer. Bien entendu, il est possible que le dispositif proposé rencontre quelques difficultés d'application, dans la mesure où le fait de réserver des places aux titulaires de minima sociaux peut sembler désavantager les ménages bi-actifs appartenant aux classes moyennes. Les structures ne peuvent pas satisfaire toutes les demandes et il sera notamment très difficile aux plus petites - le président d'une petite communauté de communes en charge de la petite enfance que je suis peut en témoigner - de laisser libres en permanence 10 à 15 % des berceaux. J'espère, Madame la ministre, que nous pourrons travailler ensemble à la résolution de ce problème.

L'effort accompli en faveur du retour à l'emploi des femmes chargées de famille témoigne de l'excellente orientation de ce texte. Convaincu de son utilité et de son ambition, je le voterai sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. René-Paul Victoria - Ce texte concrétise la volonté affichée par le Premier ministre de favoriser les revenus de l'activité par rapport à ceux de l'assistanat et je rappelle que tel est aussi le sens du projet porté pour l'outre-mer par le Président de la République. Le chef de l'Etat l'a fait mettre en œuvre dans une loi de programme pour l'outre-mer, déclinée sur quinze ans, et il a eu à cœur de favoriser par des mesures ciblées le retour à l'activité dans les DOM. Pour la Réunion, les résultats sont déjà visibles et mesurables.

Ce projet de loi vise donc, en priorité, à favoriser la sortie de l'assistance des allocataires du RMI, de l'ASS et de l'API, en encourageant les reprises d'emploi d'une durée suffisante pour assurer l'autonomie financière. De fait, il était devenu urgent de faire de chaque Français un acteur de son propre développement.

A cet égard, vous me permettrez de dresser un constat de la réalité réunionnaise dans le domaine des minima sociaux. Les chiffres parlent d'eux-mêmes ! Au mois de juin 2005, la Réunion totalisait près de 97 000 personnes bénéficiaires de minima sociaux, dont 74 000 érémistes, 13 800 allocataires de l'ASS et 9 200 bénéficiaires de l'API.

Ce texte tend à encourager la sortie de l'assistance au travers de mesures concrètes. A ce titre, il convient de saluer les augmentations successives du SMIC depuis 2002, ainsi que la création du contrat d'avenir, du CI-RMA, du versement de la prime de 1 000 euros pour les chômeurs de longue durée qui retrouvent un emploi, la mise en place d'une prime forfaitaire d'intéressement et les mesures d'accompagnements prévus par ce texte, comme celle qui concerne la garde d'enfant.

Je tiens à saluer particulièrement l'avancée que représente la mise en place du dispositif d'intéressement proportionnel à la durée du travail, celle-ci étant de surcroît exonérée d'impôt.

Par ailleurs, puisque ce texte vise à unifier et simplifier les dispositifs relatifs aux minima sociaux, ne pourrait-on pas, dans un souci d'équité, faire bénéficier les titulaires de l'ASS et de l'API de l'exonération de la redevance audiovisuelle et de la taxe d'habitation, comme cela se pratique pour les érémistes ? De la même façon, l'accès à la CMU n'est automatique que pour les bénéficiaires du RMI. Ne faudrait-il pas envisager, de la même façon, l'attribution de cette aide aux personnes percevant le minimum vieillesse ou l'allocation adulte handicapé ? Plus de 18 000 personnes en sont bénéficiaires à la Réunion. L'effort du Gouvernement en leur faveur pourrait être de rendre justice à ces familles et de clore, ainsi, solennellement le grand chantier de l'égalité sociale voulu par le Président de la République.

Avec près de 100 000 personnes vivant uniquement de minima sociaux, vous comprendrez que la Réunion est dans une situation à la fois singulière et préoccupante à bien des égards. Singulière, car il nous faut sans cesse créer des activités pour susciter l'emploi. De plus, notre situation géographique constitue un frein au développement économique, car nous sommes entourés de pays émergents qui offrent une main-d'oeuvre de qualité à un coût dérisoire. Dans un tel contexte, s'il advenait que les dispositifs de défiscalisation viennent à être partiellement amputés, il en résulterait, pour notre département d'outre-mer, comme pour d'autres, une perte de compétitivité préoccupante et un inévitable retour à des situations de grande précarité, pouvant engendrer à terme, compte tenu de notre évolution démographique, une explosion de notre cohésion sociale.

La situation du chômage demeure cependant alarmante. J'en suis d'autant plus conscient qu'en ma qualité de maire, plus d'une intervention sur deux qui m'est adressée par mes administrés a trait à une demande d'emploi. Il nous appartient donc de nous mobiliser, comme l'a souhaité le Premier ministre, autour des acteurs économiques et sociaux, en liaison avec l'ANPE et les services de l'Etat, pour rechercher des solutions innovantes et adaptées à nos spécificités.

Enfin, Madame la ministre, je souhaiterais appeler votre attention sur les difficultés auxquelles sont confrontées les communes de la Réunion, véritables employeurs, véritables entreprises d'insertion sociale...

Mme la Ministre déléguée - Tout à fait !

M. René-Paul Victoria - ...qui comptent des milliers d'emplois aidés. Certains de ces personnels ont bénéficié des dispositifs successifs de l'Etat et nous nous trouvons aujourd'hui face à des personnels présents depuis plus de huit ans dans une collectivité territoriale, mais privés de toute perspective d'avenir, du fait de la fragilisation constante de leur statut. C'est pourquoi je vous serais reconnaissant, en liaison avec votre collègue Christian Jacob, d'organiser une réunion de travail à ce sujet, en vue de redonner espoir à nombre de ces personnes en situation précaire.

Je suis bien conscient que les contrats aidés ne peuvent représenter la seule alternative au chômage et qu'il convient de favoriser l'embauche dans le secteur privé. Ce projet de loi répond à la priorité que constitue la bataille de l'emploi. Il vise à assurer l'insertion professionnelle de tous, en particulier des plus démunis, par l'activité professionnelle, en vue de rendre la dignité par le travail, sans préjudice de la solidarité de la communauté nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 55.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY


© Assemblée nationale