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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 45ème jour de séance, 101ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

CONTRAT DE TRANSITION PROFESSIONNELLE 2

MÉMOIRE ET HISTOIRE 3

TVA SUR LES PÉAGES D'AUTOROUTE 4

POUVOIR D'ACHAT 5

TERRORISME 6

REMPLACEMENT DES PROFESSEURS ABSENTS 7

INTERMITTENTS DU SPECTACLE 7

GRÈVE DU RER 8

VIOLENCES CONJUGALES 9

DCN 9

CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ
AUX PÔLES D'EXCELLENCE RURAUX 10

PRIVATISATION DES SOCIÉTÉS
CONCESSIONNAIRES D'AUTOROUTES 11

HOMMAGE À M. GEBRANE TUÉNI 12

TAUX RÉDUITS DE TVA 12

SÉCURITÉ ET DÉVELOPPEMENT
DES TRANSPORTS (suite) 27

ART. 13 27

ART. 14 32

ART. 15 34

APRÈS L'ART. 15 35

ART. 15 BIS 35

APRÈS L'ART. 15 BIS 35

APRÈS L'ART. 15 TER 36

ART. 15 QUATER ET QUINQUIES 38

ART. 15 SEXIES 38

ART. 15 SEPTIES 38

ART. 15 OCTIES 38

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

CONTRAT DE TRANSITION PROFESSIONNELLE

M. Jean-Pierre Le Ridant - Monsieur le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, vous avez annoncé dimanche dernier le lancement, à titre expérimental, d'un contrat de transition professionnelle, inspiré d'une proposition du rapport que vous a remis M. Sabeg en mars dernier. A l'instar de la convention de reclassement personnalisé, ce nouveau contrat, qui s'adressera dans un premier temps aux salariés licenciés économiques d'entreprises de moins de 300 salariés, leur permettra de bénéficier d'un accompagnement personnalisé mais aussi de percevoir une rémunération importante durant huit à douze mois. Ces salariés effectueraient des bilans de compétences, des stages de formation ou des stages en entreprise, à l'issue desquels l'objectif est de leur proposer un emploi durable. Les salariés seraient libres d'accepter ou de refuser un tel contrat. Il appartiendra au législateur de définir précisément le statut de ceux qui l'auront accepté. Le dispositif serait géré par un Office de retour à l'emploi, associant l'Unedic, l'ANPE, l'AFPA et les collectivités locales. Son financement serait assuré par les Assedic, l'Etat couvrant éventuellement la différence. Ce nouveau contrat sera expérimenté dans six bassins d'emploi pilotes : Valenciennes, Saint-Dié, Vitré, Morlaix, Toulon, Charleville-Mézières. En quoi constitue-t-il « une révolution » comme vous l'avez-vous-même qualifié ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) En quoi diffère-t-il de la convention de reclassement personnalisé ? Comment les partenaires sociaux et la représentation nationale seront-ils associés à sa mise en œuvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Avant le vote de la loi sur la cohésion sociale, les salariés victimes d'un licenciement économique dans une entreprise de moins de mille salariés n'avaient d'autre solution que de s'adresser à l'Assedic et de pointer à l'ANPE, en espérant que la « mère chance » leur permette de retrouver une activité. Aujourd'hui, moins de deux mois après le vote de cette loi et grâce à la signature des partenaires sociaux, la convention de reclassement personnalisé connaît un grand succès puisque 35% des salariés potentiellement concernés y ont fait appel, sur la base du volontariat. Nous poursuivrons bien entendu dans cette voie.

Pour autant, face aux mutations auxquelles est confrontée notre économie, le Premier ministre a souhaité une sécurisation des parcours professionnels tout au long de la vie (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). D'où le chèque formation universel. D'où, aussi, l'expérimentation, dès le début de 2006, du contrat de transition professionnelle. Les salariés licenciés bénéficieront immédiatement d'un statut salarial et pourront mettre sans attendre leurs compétences au service d'entreprises publiques ou privées. Les résultats de cette expérimentation seront soumis aux partenaires sociaux et à la représentation nationale et j'espère que nous pourrons ainsi faire face aux mutations économiques tout en protégeant les salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

MÉMOIRE ET HISTOIRE

M. Jean-Marc Ayrault - Monsieur le Premier ministre, l'article 4 de la loi du 23 février 2005 reconnaissant le rôle positif de la colonisation divise profondément la communauté nationale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). A plusieurs reprises, en particulier lors de l'examen de la proposition de loi du groupe socialiste il y a deux semaines, nous vous avons demandé d'abroger cet article, non pour régler des comptes politiques ou rejouer les affrontements de la décolonisation, mais pour corriger ensemble une erreur qui a blessé nombre de nos compatriotes. Deux de vos ministres ont d'ailleurs exprimé la même demande (« Scandaleux ! » sur quelques bancs du groupe UMP). Ni vous ni votre majorité n'avez accepté la main que nous vous avons tendue (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Pis, des déclarations insensées émanant du groupe UMP ont attisé les passions. Un des députés de la majorité s'est ainsi abaissé à déclarer que « sans la colonisation, ni M. Azouz Begag, ni M. Léon Bertrand ne seraient aujourd'hui ministres » (« Honteux ! » sur les bancs du groupe socialiste). Jusqu'où ira-t-on dans l'indignité ? Il est d'ailleurs choquant que ni vous ni le président de l'UMP n'ayez jugé bon de réagir à de tels propos.

Il est grand temps de mettre un terme à ces dérives et de consolider une conscience nationale aux racines multiples, qui fait notre richesse et notre fierté d'être Français. Et je récuse toute idée de repentance. L'Histoire de notre nation comporte des pages glorieuses qu'il faut savoir célébrer, mais aussi des pages plus sombres qu'il faut savoir reconnaître. Ce que nous voulons, c'est construire une mémoire partagée dans laquelle chaque enfant de la République puisse se reconnaître comme telles. Cessons de confondre l'histoire et la mémoire. L'histoire appartient aux historiens, la mémoire à la nation. La mission confiée au Président de l'Assemblée nationale peut à cet égard jouer un rôle utile, mais elle sera mission impossible tant que subsistera ce germe de division. Aussi, Monsieur le Premier ministre, crevez l'abcès. Vous pouvez abroger cet article, y compris par décret. Alors seulement nous pourrons travailler ensemble à rassembler la nation autour d'une mémoire apaisée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Nous sommes une grande nation, qui a connu des épreuves et la grandeur. Il y a dans notre histoire des combats exemplaires, l'affirmation d'idéaux qui font notre fierté : les grands principes de 1789, la loi de 1905 sur la laïcité, l'égalité des chances, dont j'ai décidé qu'elle serait la grande cause nationale pour 2006.

MM. Jean-Pierre Brard et Maxime Gremetz - Et la Résistance ?

M. le Premier ministre - Voilà des valeurs que nous devons porter haut et défendre. Je le dis solennellement, cette histoire, il ne faut pas seulement la commémorer. Il faut la faire vivre au quotidien, il nous faut la partager tous ensemble, il faut en tirer les leçons, avec humilité et enthousiasme.

M. François Hollande - Et après ?

M. le Premier ministre - Mais soyons attentifs à chacun, à toutes les mémoires, aux souffrances qui sont encore vivantes, aux mémoires qui ne sont pas suffisamment reconnues, aux identités blessées. La République doit leur faire toute leur place.

M. François Hollande - Pas dans la loi !

M. le Premier ministre - La France est riche de l'outre-mer, qui affirme notre présence et notre rayonnement sur tous les continents. Elle est riche de ses enfants issus de l'immigration qui nous apportent leur confiance et leur espoir. Nous sommes tous citoyens, égaux en droits et en devoirs,... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Maxime Gremetz - Et l'article 4 ?

M. le Premier ministre - ...filles et fils de la République. Ensemble nous devons nous retrouver pour faire face aux défis d'aujourd'hui.

D'abord nous devons affirmer une règle (« Abrogez ! » sur les bancs du groupe socialiste). Ce n'est pas au Parlement de faire l'histoire (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe socialiste, sur de nombreux bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur certains bancs du groupe UMP). Il n'y a pas en France d'histoire officielle (« Abrogez ! » sur les bancs du groupe socialiste), il y a le travail des historiens.

C'est pourquoi le Président de la République a proposé au Président de l'Assemblée nationale (Mêmes mouvements) de constituer une mission pluraliste pour évaluer l'action législative dans les domaines de la mémoire et de l'histoire. Cette mission devra s'entourer d'historiens (Mêmes mouvements) et rendra ses conclusions dans les trois mois. Il a également demandé que soit créée dans les meilleurs délais la fondation sur la mémoire...

M. Jean-Christophe Cambadélis - Abrogez !

M. le Premier ministre - ...prévue par l'article 3 de la loi de février 2005.

Monsieur le Président Ayrault, vous m'avez interpellé.

M. Jean Glavany - Dignement.

M. le Premier ministre - Je ne veux pas qu'il y ait d'ambiguïté dans votre esprit sur ma réponse. Il est normal que nous nous posions des questions sur notre identité commune. Mais oui, je suis fier d'être français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés socialistes - Nous aussi !

M. le Premier ministre - J'assume toute l'histoire de France (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP). J'ai l'honneur, partagé par tout mon gouvernement, de servir nos compatriotes et de relever les défis de l'avenir (« Abrogez ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Tous ensemble, nous pouvons dire fraternellement, debout et la tête haute : vive la République et vive la France ! (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

De nombreux députés socialistes et communistes et républicains - Et la réponse ? Abrogez ! Abrogez !

M. le Président - Un peu de dignité, je vous prie !

TVA SUR LES PÉAGES D'AUTOROUTE

M. Charles de Courson - Monsieur le Premier ministre, l'Etat français a été condamné à rembourser aux entreprises de transport routier la TVA incluse dans les péages d'autoroute réglée antérieurement à 2001, à la suite d'une décision de la Cour européenne de justice en date du 19 septembre 2000 et d'un arrêt du Conseil d'Etat en date du 29 juin 2005. Le montant est estimé à un milliard. Pour ne pas avoir à appliquer ces décisions de justice, le Gouvernement a fait voter vendredi dernier, à l'aube, un amendement au projet de loi de finances rectificative qui vise à empêcher ce remboursement.

Le groupe UDF a combattu cet amendement pour trois raisons : sur le plan économique, les transporteurs routiers ont bien payé la TVA que ne récupéraient pas les sociétés d'autoroute ; sur le plan juridique, l'amendement du Gouvernement inverse une règle de droit bien établie et est contraire à la jurisprudence de la Cour européenne de justice ; sur le plan social, le secteur des transports routiers est en grande difficulté, et les mesures visant à rétablir sa compétitivité ne sont pas à la hauteur de la gravité de la situation.

Le groupe UDF, respectueux de l'autorité de la chose jugée, estime qu'il convient de respecter les décisions de justice, quitte à étaler sur deux à trois ans la dette de l'Etat. Les organisations représentatives du secteur ont lancé des mouvements de protestation contre cet amendement - blocage des péages, recours juridique. Ils ont demandé des allégements de charges sociales sur les heures d'équivalence. Pour apaiser la situation, le Gouvernement est-il prêt à revenir au strict respect des décisions de justice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Maxime Gremetz - Non, il n'y est pas prêt !

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat - Pour bien préciser les choses, au 1er janvier 2001 les péages d'autoroute n'étaient pas assujettis à la TVA, et ils l'ont été à partir de cette date, suite à une décision de justice prise à l'automne 2000. Monsieur de Courson, je vous connais de plus en plus, et je vous comprends de moins en moins ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Vous avez passé toute la discussion budgétaire à nous expliquer que vraiment, nous ne gérions pas bien l'argent public et que le budget était tellement mauvais que vous n'alliez peut-être même pas le voter. Et maintenant, vous nous demandez de rembourser une TVA qui n'a jamais été acquittée.

M. Charles de Courson - C'est faux.

M. le Ministre délégué - Chacun fait comme il le veut. Mais notre objectif à tous est de respecter la loi, dans sa lettre comme dans son esprit. C'est la raison pour laquelle, à compter du 1er janvier 2001, la TVA acquittée est remboursée. Pour la période précédente, il n'y a pas de raison de rembourser un impôt qui n'a pas été payé.

Il faut évidemment discuter avec les routiers, qui connaissent de grandes difficultés. D'ailleurs M. Perben a commencé à travailler avec eux sur de nombreux sujets. Dans ce budget, dont vous dites tant de mal, nous avons pris quelques décisions majeures comme le dégrèvement de taxe professionnelle, l'allégement de la TIPP, et nous faisons le maximum pour que cette profession travaille dans les meilleures conditions. Nous aurions aimé un coup de main, Monsieur de Courson, et nous recevons sans arrêt des coups de griffe. A la fin, cela fatigue (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POUVOIR D'ACHAT

M. Jean-Claude Sandrier - D'abord, je voudrais vous dire, Monsieur le Premier ministre, que sur la question de la colonisation (Protestations sur les bancs du groupe UMP), il faut être logique. S'il n'y a pas lieu de légiférer sur l'histoire, demandez au Président de l'Assemblée nationale de faire abroger tout simplement l'article 4 de la loi de février 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

Monsieur le ministre de l'économie, vous répétez chaque jour que la France vit au-dessus de ses moyens. Nous attendions donc avec impatience que vous nous disiez qui vit au-dessus des moyens de la France. Est-ce que ce sont les RMistes dont vous avez fait croître le nombre de 5% en un an ? Ceux qui ont droit à la CMU, dont le nombre a augmenté de 14% ? Ceux qui fréquentent les Restos du cœur dont le nombre a décuplé en vingt ans ? Ou encore la caissière de Carrefour, dont le salaire a augmenté de 1,79% l'an dernier, ou le fonctionnaire dont le traitement a augmenté de 1,8% ? Confirmez-nous au moins qu'il ne s'agit pas d'eux !

Mais alors qui sont-ils, ceux qui font vivre la France au-dessus de ses moyens ? Pourquoi ne dites-vous pas que ce sont ces actionnaires qui exigent un rendement de 15% pour leurs dividendes, que ce sont ces sociétés du CAC 40 qui en deux ans ont vu leurs profits croître de 160% et leurs patrons s'augmenter de 24% ? Nos concitoyens le voient bien : plus cela va mal pour la croissance, le pouvoir d'achat et l'emploi, plus les profits explosent. Un grand professeur d'économie vient d'écrire ceci : « Une hausse des profits n'a pas d'effet favorable sur l'investissement et a un effet défavorable sur la demande, alors qu'augmenter les salaires, ce serait soutenir la consommation et donc la croissance et l'emploi ». Il ajoute même que « les pays européens qui exportent le plus sont ceux où les coûts salariaux sont élevés ».

Qu'attendez-vous pour relever salaires, retraites et minima sociaux ? Et qu'attendez-vous, à la veille de ces jours de fête, pour augmenter au moins du taux de l'inflation la prime de Noël pour les plus démunis, alors que vous venez de faire aux plus riches un cadeau de près de deux milliards ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes - Le pouvoir d'achat est une préoccupation légitime des Français. Il a augmenté de 0,4% en 2003, de 1,4% en 2004. Cette année, sa progression devrait être supérieure puisque le salaire moyen ouvrier a crû au cours du troisième trimestre au rythme de 3,1%.

Néanmoins, il existe en matière de salaires de fortes disparités. Voilà pourquoi en mars dernier, dans le cadre de la commission nationale de la négociation collective, avec l'ensemble des partenaires sociaux, nous avons mis sous observation 84 branches - sur 274 - ; vingt-huit accords salariaux ont été signés, et quatre branches nous posent encore des problèmes importants ; le Premier ministre a rappelé avant-hier sa demande d'aboutir à des accords avant le 15 mars.

Par ailleurs, la revalorisation de la prime pour l'emploi, l'introduction de la prime de transport dans la négociation annuelle obligatoire, la participation et la création d'un dividende du travail contribueront à répondre à votre préoccupation d'un partage équitable entre l'entreprise, les actionnaires et les salariés.

Enfin, le fait que nous ayons 130 000 chômeurs de moins n'est évidemment pas sans conséquence sur le pouvoir d'achat de nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

TERRORISME

M. Alain Marsaud - L'actualité de ces derniers jours met en évidence une accélération de la lutte contre le terrorisme menée par les services d'enquête spécialisés. Les interpellations qui ont eu lieu au cours des derniers jours à travers la France entière semblent le signe d'une présence toujours plus forte de réseaux islamistes sur le territoire national. Les personnes arrêtées ont des profils divers : islamistes confirmés, délinquants islamisés, mais aussi « braqueurs » sans lien connu avec l'extrémisme religieux. Cette connexion établie au service de la cause terroriste avec le banditisme et la petite délinquance, les liens particulièrement inquiétants noués au sein du milieu carcéral avec la mouvance islamiste soulèvent la question de la menace réelle pesant sur la population. Il semble que l'environnement international de ce réseau lui donne une consistance encore plus inquiétante, à laquelle nous allons tenter de répondre par la loi.

Monsieur le ministre d'Etat, pourriez-vous nous informer sur l'état actuel de cette menace ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire - Monsieur Marsaud, vous connaissez parfaitement ces questions. La menace terroriste en France est, hélas, bien réelle. Depuis le 1er janvier, 142 personnes en relation avec l'extrémisme islamiste ont été interpellées, 31 ont été écrouées. Ces derniers jours, sur commission rogatoire du président Bruguière, vingt-cinq personnes ont été interpellées. Elles sont actuellement en garde à vue ; naturellement, à ce stade, il n'est pas question de faire le point de l'enquête. En revanche, l'on peut dire que ce groupe entretient des liens avec de nombreux groupes dangereux : le groupe de Francfort, qui avait préparé l'attentat de Strasbourg, des anciens du GIA, des filières tchétchènes et, par ailleurs, le groupe de Safé Bourada. Nous savons également que ce groupe de vingt-cinq personnes entretient des relations indirectes avec l'important responsable d'Al Qaïda qu'est Al Zarkaoui. Par ailleurs, au moment même où les interpellations avaient lieu, certaines opérations de grand banditisme destinées à financer le djihad étaient en train de s'engager : la perméabilité entre le terrorisme et le grand banditisme est aujourd'hui avérée.

Lorsque l'enquête sera terminée, les services de police et le juge Bruguière feront le point sur cette très importante affaire. Celle-ci valide en tout cas le projet de loi qui a été voté par l'Assemblée nationale et qui va être présenté au Sénat cet après-midi même (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

REMPLACEMENT DES PROFESSEURS ABSENTS

M. Jean-Yves Hugon - L'une des dispositions de la loi sur l'école concerne le remplacement, par l'un de leurs collègues, des professeurs de collège et de lycée absents pour une durée inférieure ou égale à quinze jours. Le sujet a fait débat et suscité des inquiétudes parmi les enseignants, mais le remplacement des professeurs absents n'en est pas moins une exigence, notamment au regard de l'égalité des chances car les interruptions dans les apprentissages fragilisent particulièrement les élèves les plus faibles ; il est d'ailleurs souhaité par les parents.

Cette disposition est entrée progressivement en vigueur depuis la rentrée 2005. Les textes prévoient que les chefs d'établissement doivent élaborer des protocoles, fondés sur le volontariat et impliquant une rémunération.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, pourriez-vous nous dire si la majorité des collèges et lycées en ont signé un et nous indiquer comment, concrètement, ce dispositif est appliqué ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - J'ai voulu organiser le remplacement des professeurs absents, parce que cela répond à une forte demande des parents, que cela contribue à assurer la continuité du service public de l'éducation nationale et qu'il s'agit aussi là d'un élément important en faveur de l'égalité des chances. J'ai le plaisir de vous annoncer que, suite au décret du 30 août 2005, 66% des établissements ont aujourd'hui leur protocole de remplacement, soit les deux tiers d'entre eux. Cela s'est fait sur la base du volontariat et de l'incitation, après concertation avec les organisations syndicales.

C'est un système qui marche bien, puisque si l'on compare avec la même période de l'an dernier - septembre, octobre, novembre et décembre -, on constate 85% de remplacements en plus ! Je salue la communauté éducative, qui a bien compris l'enjeu et qui a répondu « présent » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

INTERMITTENTS DU SPECTACLE

M. Pierre Bourguignon - Monsieur le Premier ministre, permettez-moi tout d'abord de dire que la France, la patrie, la République, nous l'aimons, nous, les représentants de la nation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Le président Ayrault vous a posé une question précise : voulez-vous abroger l'article 4, sur les bienfaits de la colonisation, de la loi de février 2005 ? Vous pouvez le faire ou refuser de le faire, mais de grâce répondez !

J'en viens à ma question. Depuis le 8 novembre dernier, les négociations pour une nouvelle convention Unedic sur les modalités d'indemnisation du chômage des salariés butent sur les mesures d'économie réclamées par le patronat au détriment des demandeurs d'emplois. L'échec de ces discussions reporte d'autant la renégociation des articles 8 et 10 spécifiques aux intermittents du spectacle. Pourtant, le 31 décembre, dans dix-sept jours, l'accord signé le 23 juin 2003 cessera d'être valide. Nous savons tous aujourd'hui que cet accord n'a rien résolu, au contraire il a creusé un peu plus le déficit de l'Unedic.

Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé un dispositif de solidarité en faveur des intermittents. Pendant deux ans et demi, des parlementaires de toutes les formations politiques ont travaillé avec les représentants de ceux-ci, au sein d'un comité de suivi. Ce travail a abouti à une proposition de loi sur la pérennisation du régime d'assurance chômage des professions du spectacle, déposée sous la même forme à l'Assemblée et au Sénat (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). En cas d'échec des discussions, êtes-vous prêt à inscrire à l'ordre du jour de notre Assemblée ce texte signé par 308 députés et 168 sénateurs appartenant à tous les groupes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Les négociations entre les partenaires sociaux qui gèrent l'assurance chômage doivent aboutir à un accord avant le 31 décembre. Je rappelle que ce régime, qui est quasiment à l'équilibre ce mois-ci, connaît néanmoins un déficit cumulé de 14 milliards d'euros. Les partenaires sociaux en sont à la cinquième réunion. Ils doivent encore se retrouver vendredi pour une réunion que j'espère concluante. En tout état de cause, le service des indemnités à compter du 1er janvier sera assuré.

Ce qui paraît faire consensus dans ces discussions, c'est toute la stratégie d'aide au retour à l'emploi. Laissons les partenaires sociaux terminer leurs négociations dans le respect du paritarisme. J'en appelle aussi au respect du paritarisme pour ce qui concerne les annexes 8 et 10. Le chef du Gouvernement a annoncé lundi aux partenaires sociaux que, conformément à leur souhait, le fonds d'indemnisation transitoire serait pérennisé sous forme de fonds de solidarité professionnelle. Forts de ces éléments, les partenaires sociaux trouveront, je n'en doute pas, un accord qui convienne à la profession, sur la base du rapport Guyot, le pilotage étant assuré par MM. Donnedieu de Vabres et Larcher. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

GRÈVE DU RER

M. Georges Tron - Ma question, à laquelle j'associe plusieurs élus d'Ile-de-France, porte sur les événements qui, depuis maintenant dix jours, aboutissent à ce que les 500 000 usagers de la ligne D du RER ne puissent plus se déplacer. Je crois savoir qu'il a été décidé ce matin de suspendre la grève, mais je voudrais quand même poser trois questions.

S'agit-t-il là d'événements exceptionnels ? Evidemment non, puisque nous en sommes à la sixième grève nationale et que la ligne D, qualifiée souvent de « ligne poubelle », se caractérise par un grand nombre de dysfonctionnements, qui affectent régulièrement 17% des trains. Peut-on considérer ces événements comme justifiés ? Non, car ils font suite à la décision de faire bénéficier les usagers de 157 trains supplémentaires, c'est-à-dire d'assurer un meilleur service au public, onze personnes de plus étant d'ailleurs prévues pour renforcer le personnel de la SNCF et le tout ayant été décidé après de longues négociations - plus de soixante heures ! Enfin, ces événements sont-ils sans conséquence ? Non, car nombre de nos concitoyens sont pénalisés dans leur vie quotidienne, qu'il s'agisse de tous ceux qui viennent travailler à Paris, des demandeurs d'emplois ou des personnes qui viennent se faire soigner. Par ailleurs, cette grève devrait coûter quelque 10 millions d'euros à la SNCF.

Tout en me félicitant de la ligne de fermeté qui a été adoptée par la SNCF et par le Gouvernement, j'aimerais savoir, Monsieur le ministre, quelles leçons vous tirez de cette crise et du fait que nous avons assisté pour la première fois à une coopération du service public de transport SNCF, RATP et Optile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer - Je vous confirme que les salariés concernés de la ligne D du RER ont décidé il y a quelques heures de reprendre le travail et je viens d'être informé à l'instant qu'il en est de même pour la ligne B. Dans quelques heures, la situation devrait donc redevenir normale mais cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir à la façon dont les événements se sont déroulés et en tirer un certain nombre de conclusions. Je l'ai dit depuis le début : cette grève était disproportionnée par rapport aux enjeux. Il s'agissait en effet de savoir comment mettre en place 157 trains supplémentaires afin de faire face à la demande en fin d'année, en particulier dans l'Essonne et au nord-est de Paris. Il s'agissait en outre d'engager un certain nombre de conducteurs supplémentaires et d'organiser les horaires de travail différemment. C'est le type même de discussion qui doit pouvoir se dérouler normalement, dans le cadre de la négociation sociale. Le service public, dont je suis un défenseur, doit pouvoir régler les problèmes d'organisation du travail autrement qu'en recourant à la grève dès qu'une difficulté de présente ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) J'ajoute que la relation de confiance indispensable entre l'opinion publique, les usagers et le service public passe par cette indispensable culture du dialogue social. Dans le cas contraire, c'est l'idée même que les Français se font du service public qui en souffrira (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

J'indique que j'ai demandé hier à la SNCF d'indemniser convenablement les usagers dès le mois de janvier, et j'ai également demandé la mise en place de transports de substitution, ce qui a été fait puisque ce matin, mille bus palliaient les dysfonctionnements de la ligne B du RER. J'espère que demain la situation sera complètement rétablie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

VIOLENCES CONJUGALES

Mme Marie-Jo Zimmermann - La violence contre les femmes constitue un vrai problème de société. Je me réjouis que le Gouvernement ait inscrit à notre ordre du jour prioritaire de cette semaine l'examen d'une proposition de loi sur ce sujet. Cependant, ces mesures législatives, pour être efficaces, ont besoin d'un accompagnement réglementaire.

Ainsi, en cas de violences au sein d'un couple, la loi sur la récidive prévoit l'éloignement du conjoint violent, mais quid de la victime et de ses enfants, confrontés alors à de nombreuses difficultés matérielles? Les pouvoirs publics doivent proposer un dispositif de relais social.

Autre exemple, celui des femmes d'immigrés ou issues de l'immigration. Le renforcement du tissu social serait la meilleure réponse aux violences urbaines constatées ces dernières semaines. Or, le rapport de la Délégation aux droits des femmes ainsi que le travail de la mission famille montrent que, grâce à leur autorité morale, les femmes sont à même de favoriser l'intégration de l'ensemble de la famille. Là aussi, des mesures législatives vont être prises, concernant le mariage forcé, les mutilations sexuelles ainsi que l'âge du mariage, qui passera de 15 à 18 ans pour les filles. Ces dispositions ne seront toutefois efficaces que si elles sont renforcées par un volet d'accompagnement spécifique pour l'insertion des femmes immigrées dans la société française.

Je vous rends donc hommage pour ces avancées législatives, Madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, Monsieur le Garde des Sceaux, et je souhaiterais savoir comment le Gouvernement compte précisément les mettre en œuvre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Vous avez raison : les violences faites aux femmes sont intolérables. Il fallait dans un premier temps renforcer les sanctions et étendre la notion de circonstance aggravante. C'est ce que nous avons fait dans le cadre de la proposition de loi que nous avons commencé à discuter hier. Mais il convient également d'améliorer la prévention et l'accompagnement. Nous devons donc mieux informer les femmes, notamment celles issues de l'immigration, pour leur faire connaître leurs droits. Nous devons aussi favoriser l'obligation de soins pour les auteurs de violences. Par ailleurs, les femmes victimes qui le souhaitent doivent pouvoir rester chez elles. Néanmoins, il convient aussi de multiplier les capacités d'accueil dans les centres d'hébergement, de réserver des places pour ces femmes et de recourir à des familles d'accueil. Il convient enfin d'aider les associations, dont le travail est remarquable : le Gouvernement a donc décidé d'augmenter leurs subventions de 20% dès 2006. Nous disposerons alors de tous les moyens nécessaires pour en finir avec ce type de violences. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

DCN

M. Jean-Claude Viollet - J'associe à ma question mes collègues Patricia Adam, Jean-Marc Ayrault, Jean-Yves Le Drian et Jean-Claude Beauchaud. La loi de finances rectificative pour 2001 a transformé DCN en entreprise nationale dont l'Etat détient aujourd'hui la totalité du capital. Nous avons soutenu cette évolution qui devait permettre à DCN d'être plus réactive et de prendre toute sa place dans le mouvement d'alliances et de regroupement engagé en Europe, à condition que l'Etat lui assure un volume suffisant de commandes dans la durée et garantisse l'avenir de ses personnels. Bien que convaincus de la nécessité de poursuivre cette évolution, qui a d'ores et déjà permis à DCN d'augmenter son chiffre d'affaires, d'améliorer sa productivité et de consolider ses résultats, nous nous sommes opposés en 2004 au projet gouvernemental relatif à l'ouverture du capital de l'entreprise et à la création de filiales. Nous manifestons la même réserve quant au projet de rapprochement entre DCN et Thales, qui suscite d'ailleurs l'inquiétude des personnels.

Face à l'imminence d'une décision politique et alors que les comités d'entreprise des deux entités et de leurs filiales sont convoqués demain pour une information sur ce projet, nous vous demandons, Madame la ministre de la défense, de bien vouloir informer de vos intentions la représentation nationale ainsi que la commission de la défense nationale. Nous attendons des réponses précises sur le maintien de l'unité de DCN, sur la pérennité de chacun de ses établissements, sur leur plan de charges et sur leur niveau d'emplois. Bref, nous voulons connaître votre projet pour DCN ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - C'est toujours avec grand plaisir que je me rends devant la commission de la défense lorsqu'elle demande à m'entendre.

La concurrence internationale dans le domaine naval est et sera de plus en plus rude. D'autres pays européens, notamment l'Espagne et l'Allemagne, s'y préparent. Je veux faire de DCN un champion capable de garder son rang sur le marché européen et mondial. Cette entreprise a effectivement beaucoup progressé et je salue les efforts accomplis par les personnels. Néanmoins, si nous voulons gagner, il faut aller encore plus loin. Certaines concurrences franco-françaises qui nous affaiblissent doivent cesser et nous devons rassembler autour de DCN l'ensemble de nos forces dans ce secteur. Il convient également de donner à DCN un partenaire industriel crédible et actif de manière à renforcer l'entreprise sur le plan interne, mais aussi à l'exportation et en Europe. Or, DCN et Thales se sont retrouvées ensemble sur un certain nombre de projets, notamment celui des frégates multimissions et du deuxième porte-avions.

Je sais qu'il existe certaines inquiétudes. Je peux vous confirmer que l'unité de DCN et son ancrage dans les bassins d'emploi seront maintenus (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe UDF). Les statuts des personnels seront intégralement conservés. Le contrat d'entreprise se poursuivra, notamment grâce au maintien en condition opérationnelle et aux programmes de frégates multimissions et, demain, de sous-marin nucléaire Barracuda. Je peux aussi vous assurer que l'Etat continuera de détenir le contrôle de l'entreprise, avec 75% de son capital (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe UMP).

Je ne détaillerai pas davantage les modalités, les conseils et le comité d'entreprise n'ayant pas encore été saisis. Mais j'estime que les éléments que je viens de vous donner sont de nature à rassurer et à démontrer notre volonté de faire de DCN un véritable champion de l'industrie navale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ AUX PÔLES D'EXCELLENCE RURAUX

M. Jean-Marc Lefranc - Monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire, vous nous avez annoncé il y a peu la mise en place des pôles de compétitivité et votre projet de création de pôles d'excellence en milieu rural. Je vous félicite de cette démarche novatrice, qui suscite chez nombre d'entre nous un vif intérêt.

Pouvez-vous nous préciser les modalités d'éligibilité aux pôles d'excellence ruraux et le calendrier que vous vous êtes fixé ? Envisagez-vous de valoriser seulement des projets à vocation agricole ou touristique ou comptez-vous prendre en compte également des projets de nature artisanale, industrielle et technologique ?

Permettez-moi de vous soumettre deux exemples concrets. Dans la région de Basse-Normandie, la pêche est essentielle à l'économie du littoral et la pêche de la coquille Saint-Jacques à la survie de nombreux armements. La présence récurrente de toxines fragilise cette activité et réduit la commercialisation du produit. La solution serait de développer une filière de décorticage, et de créer ainsi plus de 300 emplois. Les pôles d'excellence pourront-ils concerner cette sorte de projets de transformation agroalimentaire ?

De même, dans la circonscription de mon collègue Daniel Poulou, le bassin d'activité de Cambo-les-Bains emploie plus de 2 000 personnes dans le secteur médical. Un projet de mutation économique dans la chaîne de santé pourra-t-il relever d'un pôle d'excellence rural ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire - En effet, à la demande du Premier ministre, nous lançons un appel à projets pour la création de 300 pôles d'excellence ruraux.

M. Augustin Bonrepaux - Avec quels moyens ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - Ceux-ci seront sélectionnés en deux phases, l'une avant le 1er mars, l'autre dans les six mois qui suivront. Bien évidemment, chacun de ces projets devra avoir pour objectif de créer de la richesse et des emplois. Ils devront aussi s'appuyer exclusivement sur des aires rurales.

Les principaux thèmes qui seront retenus concerneront la culture, le patrimoine historique ou culturel, mais aussi le tourisme ou la biodiversité. Ces projets pourront également s'appuyer sur de petites filières industrielles ou agroalimentaires, comme le décorticage de crustacés auquel vous avez fait allusion, sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication ou encore sur des filières de santé comme celle de Cambo-les-Bains.

Les pôles d'excellence se verront dotés d'un million d'euros au maximum, plafonnés à 33% du montant subventionnable, et à 50% de celui-ci pour les projets situés en zone de revitalisation rurale. L'Etat y consacrera jusqu'à 150 millions d'euros.

Autrefois, les territoires ruraux étaient synonymes de vieillissement et de désertification, aujourd'hui ils sont un lieu de création de richesse, de développement de projets et de décloisonnement entre le privé et le public !

PRIVATISATION DES SOCIÉTÉS CONCESSIONNAIRES D'AUTOROUTES

M. Emile Blessig - Monsieur le ministre des transports, vous avez, conjointement avec le ministre de l'économie et des finances, sélectionné les acquéreurs des participations détenues par l'Etat et l'établissement public des Autoroutes de France dans les sociétés concessionnaires d'autoroutes, les Autoroutes du Sud de la France, les Autoroutes Paris-Rhin-Rhône ainsi que la SANEF, pour l'exploitation des équipements.

Pouvez-vous nous dire quels sont les éléments de « mieux-disant » qui ont déterminé votre choix ? D'autre part, à quelles dépenses sera affecté le produit financier de cette cession ? Plus précisément, quelle part des 14,8 milliards d'euros sera affectée aux infrastructures de transport ?

M. Pierre Cohen - Une braderie !

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer - Le résultat de la cession du capital des sociétés concessionnaires d'autoroutes est tout à fait satisfaisant.

M. Pierre Cohen - C'est honteux !

M. le Ministre - La procédure en deux étapes a permis à la recette d'atteindre 14,8 milliards, au lieu des 10 à 12 milliards initialement prévus.

La capacité du candidat à assumer le projet industriel sur le marché français, européen et international, a constitué le premier critère de sélection. Ainsi ASF pourra-t-il s'appuyer demain sur Vinci, APRR sur Eiffage-Macquarie et la SANEF sur Abertis et quelques investisseurs français de référence.

Nous avons également pris en considération la volonté de respecter l'organisation sociale des entreprises. J'avais personnellement reçu les organisations syndicales et je puis vous dire que les repreneurs se sont engagés à maintenir les accords d'entreprise, à conclure un accord de branche et à faire en sorte que l'automatisation des péages n'entraîne ni licenciements ni mutations d'office.

En outre, nous avons eu pour préoccupation l'intérêt des usagers : grâce à l'éclairage que nous a fourni le Conseil de la concurrence, nous modifierons les contrats de concession afin de leur assurer toutes les garanties nécessaires.

Enfin, comme le Premier ministre l'a annoncé, 4 milliards d'euros seront consacrés à l'investissement dans les infrastructures de transport (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 h 20, sous la présidence de M. Leroy

PRÉSIDENCE de M. Maurice LEROY

vice-président

HOMMAGE À M. GEBRANE TUÉNI

M. Gérard Bapt - A cette heure, le corps de Gebrane Tuéni doit être transporté du palais de l'Assemblée nationale libanaise à son dernier lieu de repos. En raison de l'amitié qui unit nos peuples et des relations suivies qui existent entre nos deux assemblées, je voudrais adresser une pensée à Gebrane Tuéni, à sa famille et au Liban. Ce nouvel assassinat touche à la fois un journaliste, comme Samir Kassir tué avant lui, et un homme politique, comme Rafic Hariri. Tous les leaders du printemps démocratique libanais semblent ainsi devoir être éliminés. En ma qualité de vice-président du groupe d'amitié entre la France et le Liban, j'émets le vœu que tous ces assassinats puissent faire l'objet d'enquêtes internationales et qu'un tribunal pénal international soit constitué, comme le souhaitent les Libanais, afin de punir les coupables, quelles que soient leurs responsabilités et dans quelque pays qu'ils se trouvent.

M. Richard Cazenave - Au nom de l'UMP et du groupe d'amitié entre la France et le Liban, je voudrais m'associer à cet hommage à Gebrane Tuéni, lâchement assassiné lundi à Beyrouth, et dire notre émotion et notre indignation devant les événements que connaît actuellement le Liban. Ainsi que le souhaite le conseil des ministres libanais, l'ONU doit s'impliquer dans une enquête internationale qui permette de découvrir les coupables de cette série d'assassinats, de les châtier et de mettre fin à ces violences. Toutes nos pensées vont vers celui qui était à la fois un journaliste, directeur du quotidien Al-Nahar, et un député ami de la France. Notre émotion est réelle et nous souhaitons que les coupables soient découverts le plus rapidement possible.

M. le Président - Je suis sûr de me faire l'interprète de l'Assemblée nationale unanime en exprimant notre solidarité en ce moment de deuil et d'affliction.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat - L'assassinat de M. Tuéni a suscité ici une immense émotion et la réaction de la France a été immédiate. Je suis heureux d'être présent en ce moment où l'Assemblée exprime son émotion, elle qui est un des symboles, en particulier à travers le groupe d'amitié entre la France et le Liban, de la grande amitié qui unit nos deux pays, une amitié empreinte d'amour de la liberté et de la démocratie.

TAUX RÉDUITS DE TVA

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Michel Bouvard tendant à exprimer le soutien de l'Assemblée nationale au Gouvernement dans la négociation européenne sur les taux réduits de TVA.

M. Michel Bouvard, rapporteur de la commission des finances - Le Conseil Ecofin de la semaine dernière n'est pas parvenu à adopter la réforme du régime des taux réduits de TVA et il a renvoyé la question au Conseil européen des 15 et 16 décembre sur les perspectives financières de 2007 à 2013. L'enjeu est important : il s'agit du soutien à certains services à forte intensité en main-d'œuvre, tels que la rénovation de logements, les services à la personne ou la restauration, par le biais d'un taux de TVA réduit.

La réforme des taux réduits de TVA fait l'objet de discussions communautaires depuis maintenant deux ans et demi. La présente proposition de résolution vise à apporter un soutien fort et immédiat de la représentation nationale au Gouvernement qui défend à Bruxelles la position de la France. Son adoption par la commission des finances d'abord, par l'Assemblée ensuite, montrerait à nos partenaires l'importance que notre Parlement attache à cette question, selon une pratique courante de notre assemblée et dans le respect des institutions européennes.

C'est déjà grâce à un projet de résolution adopté par la commission des finances unanime qu'avait été engagées en 1999 les démarches en vue d'obtenir, à titre expérimental, un taux réduit de TVA pour les activités à forte intensité de main-d'œuvre. A l'époque, la Commission européenne avait adopté un projet de directive en ce sens, mais la discussion avait été ajournée lors du Conseil Ecofin du 25 mai 1999. Souvenons-nous aussi qu'il y avait alors un débat au sein de la majorité où il fallait trancher entre baisse de l'impôt sur le revenu, position que défendait le Gouvernement, et baisse ciblée de la TVA, position que défendaient les membres de la commission des finances.

M. Pascal Terrasse - Tout à fait.

M. le Rapporteur - Il faut enfin rappeler que si les commissaires socialistes aux finances avaient pris l'initiative de cette résolution, c'est à l'initiative du groupe RPR qu'elle a été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Claude Flory - Excellent rappel historique !

M. le Rapporteur - En application de l'article 93 du Traité, l'application des taux réduits de TVA relève d'une compétence communautaire et requiert une décision à l'unanimité. Elle est régie par la sixième directive du 17 mai 1977, plusieurs fois modifiée, ainsi que par les actes d'adhésion des nouveaux Etats membres. L'article 28 de cette directive autorise de façon permanente les Etats qui, comme l'Espagne, la Grèce, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas, appliquaient avant 1991 des taux réduits ou nuls sur la restauration, à continuer de le faire. Il faut ici évoquer la situation particulière du Portugal, qui fut assimilée à celle de ces pays et fit l'objet d'un débat dans les années 1999-2000. La France aurait alors pu saisir l'occasion pour obtenir elle aussi l'autorisation d'appliquer un taux réduit. Encore aurait-il fallu que le Gouvernement fasse preuve de plus d'assiduité et de pugnacité au Conseil Ecofin... En réponse à nos interrogations en commission pour savoir si notre pays avait tenté de saisir l'occasion, le rapporteur général de l'époque, notre collègue Didier Migaud, indiquait d'une part que seul le Gouvernement était habilité à indiquer à la représentation nationale les modalités selon lesquelles il a défendu les positions de la France dans une négociation communautaire, d'autre part que l'application d'un taux intermédiaire n'était pas possible. Cela témoigne bien de l'ambiguïté de la position du gouvernement de l'époque !

Depuis 1999, des taux de TVA réduits sont autorisés, à titre temporaire, pour divers services à haute intensité de main-d'œuvre : petites réparations, rénovation et réparation de logements privés, lavage des vitres et nettoyage des logements privés, services de soins à domicile et coiffure. Neuf Etats membres ont usé de cette faculté pour certains secteurs. C'est sur cette base que la France a, en contrepartie de la suppression d'une réduction d'impôt sur le revenu, appliqué la TVA à taux réduit sur les travaux dans les logements de plus de deux ans, ainsi d'ailleurs que le lavage des vitres, le nettoyage des logements privés et les services de soins à domicile. Initialement prévu pour ne s'appliquer que jusqu'au 31 décembre 2002, ce dispositif a été prorogé par deux fois jusqu'au 31 décembre 2005. Par ailleurs, d'autres dérogations limitées dans le temps, échelonnées jusqu'à la fin de 2010, ont été introduites dans les actes d'adhésion de nouveaux pays membres. Ainsi Chypre, la Hongrie, la Pologne et la Slovénie sont autorisées à appliquer un taux réduit sur la restauration jusqu'au 31 décembre 2007.

La multiplicité de ces régimes d'exception, entérinés au fil des ans, est source d'inégalités entre les Etats membres. Et la Commission européenne reconnaît elle-même qu'elle ne connaît pas avec certitude les taux réduits applicables dans certains Etats membres...

Les discussions communautaires sur les taux réduits de TVA sont donc particulièrement difficiles. En juillet 2003, la Commission européenne a proposé une révision générale des taux réduits de TVA, dans le but de simplifier, d'unifier et de pérenniser les différents systèmes dérogatoires. En permettant, dans sa proposition, un taux réduit de TVA sur la restauration, elle en reconnaissait les effets bénéfiques sur l'activité économique et l'emploi, en France comme chez nos partenaires.

Le compromis de la présidence luxembourgeoise, à la fin du premier semestre 2005, qui donnait la possibilité aux Etats membres d'appliquer jusqu'au 31 décembre 2015 un taux réduit de TVA sur la restauration et certains services à haute intensité de main-d'œuvre, pérennisait les dispositions spécifiques dont bénéficient les anciens Etats membres et prolongeait jusqu'au 31 décembre 2015, celles profitant aux dix nouveaux Etats membres. Il n'a hélas pas été adopté. La présidence britannique a présenté entre septembre et novembre 2005 trois compromis successifs qui s'appuyaient assez largement sur celui-ci. Chaque fois, la restauration figurait parmi les services pour lesquels un taux réduit de TVA était possible, et la France s'y est à chaque fois ralliée. Le Parlement européen a toujours soutenu la Commission et les différentes tentatives de compromis. Le blocage est essentiellement imputable à six Etats : l'Allemagne, la Suède, le Danemark, la Slovaquie, l'Autriche et l'Estonie, soit pour des raisons de principe, soit pour des raisons budgétaires relatives aux pertes de recettes fiscales.

Dans ce contexte, la réforme des taux réduits de TVA est plus que jamais nécessaire. La France demande le maintien du taux réduit pour les travaux dans les logements et les services à la personne, ainsi que son extension à la restauration.

Dans le seul secteur du bâtiment, le taux réduit a permis la création de plus de 50 000 emplois - pour 25 000 escomptés en 1999 -, deux milliards d'euros de travaux supplémentaires par an ainsi que cinq cents millions de recettes fiscales et sociales supplémentaires elles aussi par an. Cela a accéléré la rénovation de l'habitat et permis de lutter plus efficacement contre le travail clandestin. Des études ont montré que la baisse de la TVA a été répercutée à hauteur de 75% sur les prix.

La restauration mériterait une mesure analogue. En France coexistent toujours un taux plein pour la restauration traditionnelle, qui représente sans doute aujourd'hui moins de la moitié de la restauration, et un taux réduit pour la restauration rapide et à emporter, ce qui crée des distorsions de concurrence. Le système actuel favorise les fast food alors que notre pays, fort de sa gastronomie et de ses attraits touristiques, devrait au contraire encourager la restauration traditionnelle. Celle-ci emploie 800 000 salariés et pourrait encore en créer beaucoup si ses métiers devenaient plus attrayants. D'après les professionnels, il existerait en effet quelque 60 000 postes vacants dans la restauration et l'hôtellerie. L'application du taux réduit à la restauration se justifie d'autant plus qu'il s'agit d'une activité à forte intensité de main-d'œuvre. Elle pourrait aboutir à la création de 40 000 emplois supplémentaires, ce qui est particulièrement important dans un secteur qui emploie beaucoup de jeunes salariés, souvent peu qualifiés, qui trouvent là un moyen de s'insérer sur le marché du travail. La restauration est d'ailleurs l'un des seuls secteurs qui assure encore la promotion sociale de ses salariés.

Les professionnels se sont engagés à répercuter la baisse de la TVA sur les salaires et sur les prix. Cela supposerait, si la négociation communautaire aboutit, de poser la question des allégements de charges dont bénéficie aujourd'hui le secteur et qui représentent tout de même 800 millions d'euros.

M. Jean Lassalle - Tout à fait !

M. le Rapporteur - Cette mesure permettrait en outre aux restaurateurs de réaliser les investissements qu'ils ont jusqu'à présent reportés du fait de ces incertitudes.

Le taux réduit de TVA dans ce secteur ne gênerait nullement nos partenaires européens, dans la mesure où il s'agit d'un service de proximité qui n'est pas soumis à la concurrence internationale. Il ne créerait donc aucune difficulté pour le marché intérieur européen.

Pour toutes ces raisons, et en prévision du Conseil européen qui se tiendra demain et après-demain à Bruxelles, l'Assemblée nationale se doit d'apporter, en votant cette proposition de résolution, un soutien franc et massif au Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne - Nous voilà réunis, pour la deuxième fois cette semaine, pour un débat européen. Je me réjouis que le Parlement soit ainsi mieux associé au processus de décision européen.

La pérennisation du taux réduit de TVA à 5,5% pour les travaux dans les logements anciens et son extension à la restauration sur place sont essentielles. De telles mesures sont en effet favorables à l'emploi et à la croissance. Elles ont déjà permis de créer 50 à 60 000 emplois dans le bâtiment. Il s'agit de les étendre au secteur de la restauration, selon des modalités à définir avec la profession.

C'est en tout cas la position de la délégation à l'Union européenne, qui a déjà adopté une résolution en ce sens. Son rapport d'information, élaboré en 2003 par Daniel Garrigue et intitulé « Taux réduits de TVA : une réforme nécessaire », en rappelle les motifs. C'est également la position de l'Assemblée nationale. En votant la proposition de résolution de Michel Bouvard, que la commission des finances a adopté après y avoir apporté quelques aménagements, l'Assemblée affirmera son soutien au Gouvernement dans une négociation difficile.

La décision communautaire, qui est indispensable, exige l'unanimité des 25 Etats membres. La France doit donc convaincre du bien-fondé de sa demande ses 24 partenaires, dont certains sont très réticents. L'adoption d'une résolution parlementaire confortera sa position. Elle s'inscrit également dans le respect des règles et de l'esprit de l'Europe, qui reposent sur la négociation et le partenariat. De nombreuses assemblées parlementaires en Europe agissent de même avant les Conseils européens.

Nous demandons le soutien d'autres Etats membres dans cette difficile négociation, notamment celui de l'Allemagne, qui joue un rôle essentiel. Le Président de la République a rencontré la semaine dernière la chancelière Angela Merkel. En de telles circonstances, les contacts bilatéraux se poursuivent jusqu'au dernier moment. Nul ne doute que ce geste politique sera précieux lors de la négociation.

La proposition de résolution de Michel Bouvard, particulièrement bienvenue, marque la voie de l'efficacité. A travers elle, l'Assemblée rappelle, à un moment-clé et sans ambiguïté, son soutien au Président de la République et au Gouvernement, lequel « fera tout pour aboutir », comme l'a dit le Premier ministre hier après-midi. La délégation à l'Union européenne a bien sûr émis un avis favorable à ce projet de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président - Nous abordons la discussion générale.

M. Thierry Mariani - En ma qualité de député du Vaucluse et de président du groupe d'études sur les métiers de l'hôtellerie et de la restauration, je me réjouis de cette résolution qui témoigne de la volonté de notre Assemblée de voir la France obtenir enfin de ses partenaires européens l'application du taux réduit de TVA dans la restauration. Le Gouvernement peut bien sûr compter sur l'entier soutien du groupe UMP pour que soit honorée cette promesse du Président de la République.

Pour autant, je persiste à penser que cette résolution est une solution a minima. Jeudi dernier, le Gouvernement a préféré utiliser la procédure du vote bloqué plutôt que de laisser la majorité adopter un amendement pourtant cosigné par 202 députés, c'est-à-dire une grande majorité du groupe UMP.

M. Claude Goasguen - C'est en effet dommage.

M. Thierry Mariani - Voter une résolution, c'est très bien ; une loi aurait plus de valeur. Demain vous irez donc à Bruxelles avec cette résolution qui, je l'espère, sera adoptée à l'unanimité, et je vous fais confiance pour aboutir.

Si c'est bien le cas, quand pourrons-nous baisser effectivement le taux de TVA sur la restauration ?

M. Pascal Terrasse - C'est toute la question !

M. Yves Bur - Tout de suite.

M. Thierry Mariani - Vous nous avez dit que vous négocieriez de nouveau avec les restaurateurs. Mais M. Daguin, président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie, a déjà conclu un accord « gagnant-gagnant »...

M. Augustin Bonrepaux - Pour qui ?

M. Thierry Mariani - ...en juin 2004 avec M. Sarkozy. Contre les aides à l'emploi Raffarin, les restaurateurs ont déjà amélioré les conditions de travail et augmenté le SMIC hôtelier - les salaires du secteur ont progressé de 16% depuis 2004. Selon la DARES, c'est dans cette branche que le salaire de base mensuel a le plus augmenté, soit 3,3% sur l'année, contre 2,6% en moyenne, et le SMIC y est désormais supérieur de 275 € au SMIC de droit commun.

Le secteur attend cette baisse de TVA pour embaucher. Nous sommes nombreux à connaître des patrons de restaurant qui font 35 heures en deux jours, ne prennent pas de jour de congé hebdomadaire...

M. René Couanau - Oh oui !

M. Thierry Mariani - ...et ont du mal à partir en vacances car ils ne parviennent pas à recruter. La baisse de TVA les y aidera.

Selon l'observatoire de l'ANPE, avec 10 000 postes créés au second semestre 2004, l'hôtellerie-restauration est le troisième secteur pour les créations d'emploi. A l'évidence, avec la baisse de TVA, la promesse de créer 40 000 emplois a de grandes chances d'être tenue.

Aussi, pouvez-vous nous indiquer dans quel texte nous inscrirons la baisse de TVA sur la restauration, si les négociations européennes aboutissent ?

Mais si elles n'aboutissent pas, que ferons-nous pour tenir nos engagements ?

M. Pascal Terrasse - Vous serez battus !

M. Thierry Mariani - Nous avons été élus en 2002 pour mettre en œuvre le projet législatif de notre président. Nous avons promis de baisser la TVA sur la restauration traditionnelle au 1er janvier 2006. Nous devons tenir nos engagements. Il y va de la crédibilité de notre majorité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Le 19 décembre, lors de la présentation du collectif budgétaire au Sénat, le Gouvernement pourra-t-il enfin faire jouer le principe de subsidiarité ? Avec la cinquantaine de collègues présents jeudi soir, nous avons longuement évoqué cette possibilité. Nous sommes nombreux à penser que si l'Allemagne décide, seule, d'augmenter sa TVA, nous avons le droit de choisir, seuls, de la baisser sur des prestations locales.

M. Jean Lassalle - Très bien !

M. Thierry Mariani - C'est cela la subsidiarité.

Comme le groupe UMP, je voterai cette résolution pour vous soutenir. Mais avec les 202 collègues qui ont signé l'amendement que j'ai défendu jeudi dernier, je vous demande de tout faire, si les négociations européennes n'aboutissent pas, pour que nous puissions tenir les engagements pris en 2002. Nous avons fait une promesse. Nous devons la tenir pour rester crédibles. Il y va aussi de l'emploi et de l'amélioration des conditions sociales dans ce secteur. Les mesures Raffarin ont permis un progrès. Poursuivons dans cette voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Augustin Bonrepaux - Ce débat nous laisse un goût amer : le Conseil des ministres va débattre de choix budgétaires fondamentaux pour l'avenir de l'Europe, mais l'Assemblée nationale n'a le droit de voter que sur la TVA sur la restauration. Cela illustre parfaitement votre absence de vision constructive et solidaire de la politique européenne. Comme l'a dit hier Jean-Louis Bianco, la position du Gouvernement n'est nullement à la hauteur des enjeux. Refuser toute progression du budget européen interdit de tenir les engagements sur la recherche et les investissements, l'intégration des nouveaux membres, le développement économique et social.

Mais la seule préoccupation de la majorité est, aujourd'hui, de faire passer la pilule de son renoncement auprès des restaurateurs. Triste spectacle dont vous ne sortirez pas grandis.

Les socialistes n'ont pas à rougir de leur action dans ce domaine de 1997 à 2002. Sous la législature précédente, la TVA était passée de 18,6% à 20,6%.

M. Pascal Terrasse - Avec Juppé le canadien !

M. Augustin Bonrepaux - Peu d'entre vous, alors, s'étaient inquiétés des conséquences d'une telle mesure sur certains secteurs, y compris la restauration. Nous avions ramené le taux à 19,6% et fait des propositions de baisse ciblées sur les travaux dans l'immobilier et les services à domicile. L'initiative venait surtout du Parlement puisque la commission des finances et le groupe socialiste avaient fait voter en 1999 une proposition de résolution...

M. le Rapporteur - C'est le groupe RPR qui l'avait fait inscrire à l'ordre du jour.

M. Augustin Bonrepaux - ...et que, sur cette base, le ministre de l'économie était parvenu à convaincre nos partenaires européens. Il est vrai qu'à l'époque, la force de conviction de la France le permettait. Ces baisses ciblées étaient utiles. C'est pourquoi nous souhaitons que le Gouvernement obtienne d'abord la pérennisation de ce très bon dispositif. Vous nous reprochez souvent d'avoir dilapidé les fruits de la croissance. Mais vous êtes bien heureux que nous ayons obtenu cette mesure très favorable à la création d'emplois.

D'autre part, nous avions pris une mesure - la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle - dont les restaurateurs ont été les principaux bénéficiaires. En 2002, Lionel Jospin s'était aussi engagé à soutenir la baisse de TVA dans la restauration, mais nous disions bien qu'il fallait attendre la renégociation des annexes en 2002 et que le résultat n'était pas garanti, compte tenu des règles européennes qui s'imposent à nous. Lionel Jospin a toujours tenu un discours responsable. A entendre Jacques Chirac, rien n'était plus facile : la TVA serait réduite dès qu'il serait réélu ! La mesure figurait même, à titre conditionnel, dans la loi de finances pour 2004. On comprend l'exaspération des restaurateurs auxquels le Président Chirac et toute la majorité, avaient laissé croire que la France pouvait, seule, obtenir cette décision. C'est finalement toute la classe politique que vous avez discréditée.

Cela étant, nous souhaitons aussi que le Gouvernement obtienne une baisse de TVA, utile pour le secteur si les professionnels prennent un certain nombre d'engagements. Nous espérons que les négociations ne seront pas trop longues. Nous soutenons donc cette initiative même si nous regrettons la démagogie dont beaucoup d'entre vous ont fait preuve.

M. François Rochebloine - Il y en a eu des deux côtés !

M. Augustin Bonrepaux - Pour notre part, nous n'avons jamais changé d'avis. Nous voulons soutenir ce secteur et supprimer les distorsions de concurrence entre restauration traditionnelle et restauration rapide. Cependant, le secteur doit prendre des engagements, car il a déjà bénéficié de 1,5 milliard et nous n'avons pas constaté de réelle amélioration des conditions de travail ou des salaires ni de créations d'emploi.

M. Yves Bur - C'est vrai.

M. Augustin Bonrepaux - La baisse doit donc être assortie d'un contrat précisant les engagements sur les créations d'emploi, la revalorisation des salaires, l'amélioration des conditions de travail et des baisses de prix pour les consommateurs.

Nous espérons que malgré la démagogie et l'hypocrisie de la majorité depuis 2002, malgré la situation calamiteuse de nos comptes publics, vous pourrez obtenir cette baisse. Je constate au passage que dans cette proposition de résolution, il n'est plus question d'une autre de vos promesses électorales, l'application du taux réduit aux produits culturels comme le disque.

D'autre part, je suis un peu surpris que la commission des finances montre tant de détermination sur cette mesure sans s'interroger sur son coût, au moment même où la commission Pébereau chiffre notre endettement à 1 100 milliards, malgré la baisse entre 1997 et 2002 grâce au gouvernement Jospin...

M. François Rochebloine - Il y avait la croissance à cette époque !

M. Augustin Bonrepaux - ...et que cette commission préconise d'arrêter les baisses d'impôt.

Comment allez-vous faire, Monsieur le ministre, sachant que vous avez déjà décidé une nouvelle baisse d'impôts non financée de 3,6 milliards - alors que la commission Pébereau vous dit qu'il ne faut plus baisser les impôts -, que vous laissez le soin à vos successeurs de financer ? Pouvez-vous vraiment y ajouter 3 milliards ?

M. le Rapporteur - Cela ne fait pas 3 milliards.

M. Augustin Bonrepaux - La loi de finances pour 2004 disposant que la réduction de TVA s'applique dans les quatre mois après la décision de l'Union européenne, il est impératif de prévoir ce financement dans la loi de finances pour 2006 - à moins qu'il ne s'agisse encore d'une promesse pour les élections de 2007...

M. Yves Bur - Allons !

M. Augustin Bonrepaux - Il ne peut être question que la mesure soit financée par redéploiement et régulation budgétaire, au détriment d'autres secteurs déjà en difficulté. Allez-vous transmettre l'addition à vos successeurs - 6,6 milliards au total - et provoquer une aggravation de la dette ? Allez-vous arbitrer dans le budget, en réduisant les autres baisses d'impôts non financées ou les dépenses ? Ou bien encore, allez-vous faire un collectif dans les quatre mois ? Vous devez nous répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Rochebloine - Le 3 juillet 2002, lors de sa déclaration de politique générale, M. Raffarin s'était dit déterminé à convaincre nos partenaires européens de la nécessité de baisser à 5,5% le taux de TVA sur la restauration, secteur créateur d'emplois. Il s'engageait ainsi à faire aboutir la promesse de M. Chirac lors de la campagne présidentielle. Trois ans plus tard, nous sommes toujours dans l'attente d'un accord européen...

Depuis 1999, l'application d'une TVA à taux réduit est autorisée à titre temporaire pour divers services à haute intensité de main-d'œuvre. En France, le taux de 5,5% a ainsi été institué pour les travaux sur les locaux d'habitation de plus de deux ans. Le dispositif, initialement prévu jusqu'au 31 décembre 2002, a été prolongé par deux fois, jusqu'au 31 décembre prochain.

Il est aujourd'hui question de pérenniser le taux réduit dans certains secteurs en incluant la restauration. La France avait soutenu les propositions luxembourgeoises et britanniques, mais la règle de l'unanimité - qui paralyse la construction européenne, l'UDF l'a souvent souligné - a empêché de parvenir à un accord. La décision a été renvoyée au Conseil européen des 15 et 16 décembre, voire au 24 janvier 2006, date du prochain Conseil Ecofin.

Par ma voix et par celle de Jean-Pierre Abelin, le groupe UDF a exprimé à deux reprises, lors des séances de questions au Gouvernement, l'intérêt qu'il porte à l'instauration d'un taux réduit dans les secteurs du bâtiment et de la restauration.

Dans le bâtiment, ce taux réduit a permis de créer 50 000 emplois et a apporté 500 millions de recettes fiscales et sociales supplémentaires, le chiffre d'affaires augmentant de plus de deux milliards par an. Au-delà de cet aspect économique, le dispositif a permis de rénover les logements et de lutter contre le travail au noir. Au surplus, le coût de cette mesure est budgété dans le projet de loi de finances pour 2006.

Tel n'est pas le cas en revanche pour la restauration, ce qui risque d'affaiblir quelque peu la crédibilité du Gouvernement dans la négociation. L'instauration d'un taux réduit dans ce secteur relève néanmoins du bon sens et de l'équité, ce taux s'appliquant déjà à la restauration à emporter.

Tant dans le bâtiment que dans la restauration, un taux réduit de TVA ne fausserait pas la concurrence au sein du marché intérieur. Il devra par ailleurs s'accompagner de créations d'emplois, d'une hausse des salaires et d'une baisse des prix pour les consommateurs.

Les promesses non tenues ont trop longtemps alimenté la désaffection des Français envers la politique. Afin que les promesses d'hier soient respectées, le groupe UDF votera cette proposition de résolution pour soutenir la délégation française dans les négociations européennes. Nous comptons sur vous, Monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Yves Bur - Très bien !

M. Jacques Desallangre - Après le temps de l'inaction et de la soumission vient, pour nos collègues de la majorité, celui de l'empressement, voire de la frénésie... Pour camoufler une incapacité à obtenir satisfaction, on inscrit à l'ordre du jour un projet de résolution sans force contraignante, visant à faire allégeance au Gouvernement, tandis que monte la fronde des restaurateurs - auxquels on veut tenter de faire prendre patience. Mais ils ne sont pas naïfs, et ils ne vous croiront pas lorsque durant la prochaine campagne vous leur direz une fois de plus que vous allez obtenir la TVA à 5,5% !

M. François Rochebloine - Ce sera réglé avant !

M. Jacques Desallangre - Je l'espère, mais le ministre n'a pas l'air d'en être aussi persuadé que vous...

Nous n'avons pas besoin d'une résolution destinée à soutenir l'action - ou plutôt l'inaction - d'un gouvernement frappé d'atonie. Présentez-nous plutôt un texte de loi instituant la TVA à 5,5%, et nous le voterons ! Le Gouvernement a besoin, plus que de soutien, d'une correction pour le remettre dans le chemin de ses engagements.

Déjà en 1997, j'interrogeais avec certains de mes collègues les ministres de l'époque sur les disparités de TVA entre la restauration traditionnelle et la restauration à emporter. La réponse ne fut pas à la hauteur de nos attentes, mais elle avait l'avantage de la franchise et n'était pas le fait de Tartuffes... Comme d'autres, j'ai renouvelé ma question en 2001 : la réponse du Gouvernement sembla s'assouplir, tout en restant insuffisante. J'ai donc, avec quelques collègues, déposé le 16 mai 2001 une proposition de loi « visant à favoriser le développement de l'emploi dans la restauration par l'extension à l'ensemble de ce secteur du taux réduit de TVA ».

Une enquête réalisée en mars 2000 auprès de plus de 3 600 restaurateurs faisait apparaître que l'harmonisation des taux de TVA se traduirait en premier lieu par une baisse des prix, laquelle devrait entraîner un essor du secteur. En outre, près de 85% des restaurateurs investiraient pour améliorer la qualité des prestations offertes et plus de 80% des entreprises sont prêtes à embaucher au moins une personne par établissement. On peut estimer au minimum à 40 000 le nombre d'emplois supplémentaires susceptibles d'être créés dès la première année de TVA à 5,5%.

En outre, celle-ci permettrait de lutter contre les activités et revenus dissimulés, et par ailleurs d'améliorer les conditions de travail.

Ce taux réduit est parfaitement possible au regard des règles de droit communautaire. Bien que la sixième directive prévoie l'application du taux normal à la restauration, huit Etats membres bénéficient de dérogations pour appliquer un taux réduit. Et une directive de 2000 en a rétroactivement accordé le droit au Portugal : la France pourrait suivre cet exemple.

L'objection fondée sur le coût budgétaire ne tient pas. En cas de baisse du taux de TVA, la profession s'est engagée à une baisse des prix, qui entraînerait une augmentation de la fréquentation et donc du chiffre d'affaires de la restauration traditionnelle, créant par là même de nouvelles recettes fiscales, comme ce tut le cas dans le secteur du bâtiment. Les créations d'emplois qui en résulteraient viendraient alléger les charges pesant sur nos régimes sociaux et accroîtraient leurs ressources.

Notre volonté n'a pas faibli avec le changement de gouvernement. En 2002, M. Sandrier défendait déjà un amendement visant à appliquer le taux de TVA à 5,5% à l'ensemble de la restauration. Combien y a-t-il eu alors de députés de la majorité pour soutenir notre proposition ? Zéro. La chose est aisée à vérifier puisque nous avions demandé un scrutin public. Le rapporteur nous demandait de ne pas gêner par notre vote la négociation menée par le Gouvernement à Bruxelles et pensait que celle-ci avait beaucoup de chances d'aboutir en 2003 « pour une mise en place effective au plus tard en 2004 » ! Le ministre pour sa part assurait déjà la représentation nationale de la « volonté sans faille » du Gouvernement et demandait au Parlement de ne pas s'en mêler, qualifiant même notre amendement d'inopportun.

Nos collègues de l'UMP et de l'UDF se sont alors montrés dociles. Leur discrétion de l'époque est à la mesure du bruit qu'ils font aujourd'hui ! Et c'est toujours la même rengaine que nous entendons depuis 2002, puisque M. Copé nous a redit « que nous n'avions jamais été aussi prêts d'obtenir un accord » !

En réalité, vous êtes embarrassés, car votre idéologie libérale vous impose de favoriser les impôts proportionnels et indirects comme la TVA (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). N'oublions pas que le gouvernement Juppé n'a pas hésité à augmenter de 2% la TVA applicable à tous les biens et services, restauration comprise.

La part des impôts directs dans les recettes de l'Etat est beaucoup plus faible en France que chez nos voisins. La TVA reste la principale recette fiscale de l'Etat. Elle a rapporté en 2004 156 milliards d'euros, à comparer aux 44,8 milliards de l'impôt sur les sociétés. Or, la TVA est un impôt dégressif et injuste, qui pèse plus lourdement sur le budget des ménages modestes que sur celui des ménages aisés : en effet, à mesure que les revenus augmentent, la part des revenus consacrée à la consommation rapportée au revenu global diminue, tandis que la propension à épargner, investir et spéculer augmente !

M. le Ministre délégué - Alors, vous êtes contre la baisse de la TVA sur la restauration ?

M. Jacques Desallangre - C'est une raison supplémentaire pour nous de soutenir cette baisse. Etant pour un rééquilibrage de la fiscalité et une résorption de l'imposition indirecte proportionnelle, nous souhaitons évidemment une baisse générale de la TVA et nous ne pouvons donc, par cohérence intellectuelle, que soutenir les demandes sectorielles de baisse dans les activités à forte intensité de main-d'œuvre.

Pour nous le réel critère de l'opportunité d'une telle baisse est son effet sur l'emploi, qu'il s'agisse des créations d'emplois ou des conditions de travail et de rémunération des salariés. C'est dans cet esprit que nous avions demandé, lors de la précédente législature, l'application du taux de TVA réduit au secteur du bâtiment. Elle a permis la création de plus de 40 000 emplois et a assuré 500 millions de recettes fiscales et sociales.

S'agissant de la restauration, vous ne cessez de nous opposer l'argument suprême, à savoir la directive européenne et le refus de Bruxelles. On mesure ici la force du carcan européen, qui nous empêche de décider quelles activités doivent être sur notre territoire soumise à telle ou telle fiscalité. Nous ne sommes plus maîtres de l'impôt ni de battre monnaie. Notre souveraineté est piétinée.

Curieusement, on n'observe jamais la même rigueur en matière sociale. Je ne vois pas en effet de directives imposant un taux minimum de prélèvements sociaux sur les salaires pour assurer la santé et la retraite. Pourtant, ce serait bien utile pour assurer les conditions d'une juste concurrence intracommunautaire.

Vous auriez aujourd'hui, nous dites-vous, besoin du soutien du Parlement pour surmonter l'obstacle européen. Mais nous avons déjà voté en 2003 une résolution allant en ce sens ! Et après ? Rien ! Rien, car ce gouvernement n'a pas la volonté suffisante. En 1999, la gauche a su obtenir la TVA réduite sur le bâtiment. Étions-nous meilleurs négociateurs que vous ? Non, simplement nous avions vraiment la volonté d'aboutir et nos partenaires le sentaient. Dans le cas présent, les autres Etats voient dans votre jeu et savent que vous ne tenez pas vraiment à cette mesure. Le rôle du Parlement est donc de vous forcer à la défendre et de vous donner pour cela, non un vague soutien, mais une sorte de mandat impératif, vous empêchant de revenir bredouilles. Plutôt que d'affirmer benoîtement que le Parlement « soutient la position du gouvernement français », il serait plus judicieux d'écrire que le Parlement « impose au gouvernement français », la suite sans changement. Par cette formulation impérative, nous signifierions au Gouvernement qu'il est temps d'en finir avec les mesures dilatoires et les atermoiements.

L'opération d'aujourd'hui relève davantage d'une motion de soutien et d'une opération de publicité politique, qui ne peut que susciter notre suspicion sur les profits politiques recherchés. Si nous sommes évidemment pour que le dossier avance auprès des autorités européennes et si nous soulignons l'opportunité d'une baisse de TVA que nous avons toujours défendue, nous ne pouvons que dénoncer la stratégie qui consiste pour la majorité à défendre publiquement des positions qu'elle n'a pas été en mesure de faire prévaloir, faute d'une réelle volonté politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Michel Herbillon - Chacun a conscience que les négociations sur les taux réduits de TVA s'annoncent complexes et difficiles lors du Conseil européen qui se déroulera demain et après-demain. Chacun mesure également l'enjeu pour la France de voir ces discussions aboutir à la pérennisation du taux réduit de TVA pour les travaux de rénovation dans les logements et à la mise en place de ce taux réduit dans le secteur de la restauration.

Dans un tel contexte, il est essentiel que la représentation nationale manifeste son soutien unanime à la position du gouvernement français dans le cadre des discussions en cours. Une position française qui, il faut le souligner, s'appuie sur la volonté de la Commission depuis 2003 de procéder à une révision générale des taux réduits de TVA afin de rendre le système plus rationnel, plus lisible et plus équitable. Je remercie donc M. Bouvard d'avoir pris l'initiative de cette proposition de résolution.

Par notre vote aujourd'hui, notre assemblée n'a nullement l'intention d'engager un bras de fer avec nos partenaires européens. Cela n'aurait évidemment aucun sens et irait même à l'encontre de nos intérêts, compte tenu de la règle de l'unanimité qui prévaut en matière de TVA. Non, notre prise de position d'aujourd'hui a pour but de faire comprendre à nos partenaires, en particulier l'Allemagne, combien notre pays a besoin de ce taux réduit de TVA pour ces secteurs fortement créateurs d'emplois que sont le bâtiment et la restauration. C'est une mesure nécessaire, indispensable, au regard de la priorité qui est la nôtre de lutter contre le chômage.

Ce qui se passe depuis six ans dans le secteur du bâtiment est là pour nous démontrer l'impact extrêmement positif de la baisse de la TVA sur l'activité, sur le nombre de créations d'entreprise et d'emplois ou encore sur la baisse du travail au noir. Certes cette mesure induit une perte de recettes fiscales pour l'Etat. Mais c'est un investissement qui en vaut la peine, au regard du surcroît d'activité et d'emplois qu'il génère. On estime à plus de 2 milliards d'euros d'activité et à 50 000 créations d'emplois l'impact de cette baisse de la TVA dans le secteur du bâtiment.

Nul doute que la même mesure dans la restauration, secteur qui emploie une main-d'œuvre importante, aura des effets tout aussi bénéfiques. Il s'agirait de surcroît d'une mesure d'équité qui mettrait fin à la distorsion de concurrence entre la restauration traditionnelle et la vente à emporter, laquelle bénéficie déjà du taux réduit, comme les traiteurs et la restauration collective. Un accord sur la TVA dans le cadre du Conseil européen serait donc une bonne nouvelle pour notre économie mais également pour l'image de l'Europe, à un moment où celle-ci traverse une phase difficile. Les débats sur la stratégie de Lisbonne, c'est bien, mais des mesures concrètes en faveur de la rénovation des logements et de la restauration, c'est encore mieux ! C'est ainsi que l'Europe sera populaire et que la fracture qu'a illustrée le référendum du 29 mai sera réduite.

Il faut que notre Assemblée, aujourd'hui, fasse bloc et exprime unanimement son soutien à la position française. Ce sera un symbole fort, et j'espère que les discussions qui s'engageront demain aboutiront ainsi à cette baisse du taux de TVA qu'attendent tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jérôme Lambert - Bien entendu, nous voterons unanimement cette proposition de résolution afin que le Conseil européen poursuive les accords initialement conclus sous le gouvernement de Lionel Jospin en faveur de la baisse du taux de TVA sur les travaux dans les bâtiments anciens. Cet accord avait été obtenu en 1999 sans les difficultés que nous constatons aujourd'hui, sans grande proclamation non plus et sans promesse préalable. La situation politique et financière que nous avions su créer était tout simplement favorable. Cet accord doit donc être réexaminé, mais les conditions dans lesquelles la négociation s'engage sont particulièrement difficiles et inquiètent tous les professionnels du bâtiment. Si nous obtenons de nouveau cette baisse du taux de TVA, nous pourrons dire que nous aurons eu chaud ! En effet, la politique de la France est souvent mal perçue par nos partenaires européens et les déclarations que nous ferons n'arrangeront pas nécessairement la situation. Nos comptes publics se sont dégradés. De 2002 à 2005, la dette publique est ainsi passée de 58,2% à 62,2% du PIB. Notre déficit public, quant à lui, dépassera pour la troisième année consécutive le seuil des 3% du PIB. C'est dans de telles conditions budgétaires que nous nous apprêtons à négocier le maintien de la baisse de certaines rentrées fiscales et à négocier de nouvelles baisses. Nous aurions donc pu espérer un contexte meilleur, résultant d'une meilleure politique fiscale.

A la différence de la baisse de la TVA dans le secteur du bâtiment, il ne s'agit pas, concernant la restauration, d'une simple reconduction mais d'une nouvelle demande même si la promesse faite aux professionnels est déjà ancienne : voilà en effet trois ans que vous faites des promesses et que vous ne parvenez pas à obtenir cet accord ! Entre-temps, la situation s'est de surcroît dégradée. Il faut cependant espérer que le Conseil acceptera à l'unanimité de nous donner satisfaction, sans pour autant marchander la position de la France sur les autres dossiers essentiels qui seront examinés. Le Conseil serait d'ailleurs bien inspiré d'examiner la question de la TVA dans la restauration car nous nous trouvons face à de multiples réglementations. Certains Etats appliquent en effet des taux égaux pour la restauration à emporter et pour la restauration sur place, d'autres appliquent des taux supérieurs pour la restauration à emporter et d'autres, dont la France, appliquent un taux supérieur pour la restauration sur place. Il est donc bien difficile de s'y retrouver. L'argument qui consiste à faire valoir des distorsions de concurrence peut d'ores et déjà être écarté compte tenu de la situation présente. La seule difficulté que nous devrons surmonter, c'est celle de notre situation budgétaire. Nous ne pouvons donc que nous en prendre à nous-mêmes et espérer, grâce à la mobilisation de tous, que nous parviendrons à arracher cet accord.

Membre de la délégation européenne et du groupe socialiste, je souhaite que nous puissions aboutir mais je mets en garde la majorité sur les dangers qu'il y a à faire des promesses quand leur réalisation ne dépend pas entièrement de celui qui les fait : elles n'engagent pas seulement ceux qui les croient. Il est temps de tout mettre en œuvre pour que ces promesses soient enfin tenues, même si le contexte dans lequel se tiendra cette discussion, dans le cadre du financement global de l'Union européenne, laisse craindre de nombreuses transactions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Grand - Cette proposition de résolution est particulièrement judicieuse. Dans toutes nos régions, et dans la mienne en particulier, le Languedoc-Roussillon, ô combien touristique, nous sommes tous conscients des difficultés rencontrées dans les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration. Mme Franco, M. Morel-A-L'Huissier et M. Mach ne me démentiront pas. La baisse de la TVA à 5,5% dans le secteur de la restauration comptait au nombre de nos engagements. Y parvenir demeure plus que jamais notre but. Le 28 novembre dernier, les restaurateurs ont rappelé l'importance qu'ils attachent à cette décision. Dans l'attente d'une réponse européenne, ils se sont engagés par convention à revaloriser les salaires, un accord sur la prévoyance et un accord sur la formation professionnelle complétant ce dispositif.

On ne saurait donc aujourd'hui leur faire un mauvais procès quant à l'utilisation de cette marge de manœuvre financière que serait la baisse de la TVA. Celle-ci contribuerait à faire baisser les prix pour le consommateur, relancerait le marché et supprimerait la disparité de traitement entre les ventes à consommer sur place, imposées au taux normal de TVA - aujourd'hui 19,6% - et les ventes à emporter, soumises quant à elfes à un taux réduit de 5,5%.

M. Jean Lassalle - Très bien.

M. Jean-Pierre Grand - Cette profession joue un rôle de premier plan en faveur du développement de l'emploi. L'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie estime à plus de 40 000 le nombre d'emplois qui pourraient être créés. Dans les stations touristiques, une telle mesure permettrait aux restaurateurs d'ouvrir leur établissement au-delà de la saison proprement dite. Je le rappelle, la France demeure la première destination touristique mondiale et nos restaurateurs y sont pour beaucoup. Néanmoins, près de 3 000 dépôts de bilans sont prononcés chaque année dans ce secteur. Notre restauration et notre hôtellerie ne doivent pas devenir les musées de l'art de vivre à la française. Donnons-leur les moyens d'innover et de relever les défis économiques ! La France doit convaincre ses partenaires du bien-fondé de sa démarche. Nous savons que le Gouvernement est déterminé. Ici même, hier, le Premier ministre a souhaité parvenir à résultat concret. Aujourd'hui, c'est à nous de l'assurer de notre soutien plein et entier.

M. Jean Lassalle - Tout à fait.

M. Jean-Pierre Grand - Voilà pourquoi cette proposition est particulièrement utile et bienvenue pour soutenir une profession qui, à son tour, soutiendra la croissance et donc l'emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pascal Terrasse - C'est en ma qualité de rapporteur spécial du budget du tourisme que le groupe socialiste a souhaité que j'intervienne.

Entre 1997 et 2002, nous avons pris des mesures à la fois générales et ciblées en matière de TVA. A la suite de l'augmentation de deux points voulue par M. Juppé, nous avons ainsi ramené le taux de TVA à 19,6%. La situation s'est également améliorée dans le secteur du bâtiment où de nombreux emplois ont été créés. Nous avons aussi baissé le taux de TVA dans le secteur des services à domicile. Nous souhaitons, Monsieur le ministre, que vous pérennisiez ces mesures. J'ajoute que le programme électoral de l'actuelle majorité, en 2002, prévoyait également une baisse de la TVA dans le secteur du disque. Je souhaiterais vous entendre à ce sujet car la proposition de résolution n'en fait absolument pas état alors même que nous débattrons la semaine prochaine de la transposition d'une directive européenne sur les droits d'auteurs.

Le secteur de la restauration est en crise faute de personnels et parce que la concurrence avec la restauration collective et la restauration rapide est de plus en plus rude.

La France, qui se distingue par son activité touristique, a besoin de s'appuyer sur sa culture culinaire. La restauration doit, par un dispositif fiscal, être consolidée et accompagnée dans son développement : ce devrait être particulièrement le cas de la petite hôtellerie de montagne, dont Augustin Bonrepaux, comme notre rapporteur et de nombreux députés, se sont préoccupés.

Enfin, la présidence britannique laisse entendre qu'elle proposera au Gouvernement une liste des activités pouvant être concernées par une baisse de la TVA. La porte est donc ouverte et l'on peut prévoir d'autres demandes. Mais où comptez-vous trouver les 3,5 milliards que devrait coûter cette mesure - équivalant d'ailleurs à ce que vous avez envisagé pour le bouclier fiscal -...

M. le Ministre délégué - Vous mélangez les chiffres !

M. Pascal Terrasse - ...lorsque le rapport Pébereau met en évidence la situation catastrophique des comptes publics de l'Etat ?

De plus, Londres demande à ce que ce dossier soit lié aux négociations sur l'ensemble du budget européen. Or il ne faudrait pas que la baisse de la TVA pour la restauration ait des conséquences sur la PAC ou sur les politiques de l'innovation et de la recherche, dont nos concitoyens attendent beaucoup (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. le Ministre délégué - Je me réjouis de me trouver une nouvelle fois devant vous pour évoquer la résolution relative aux taux réduits de la TVA, présentée par Michel Bouvard, avec la compétence qu'on lui connaît.

La réforme du système des taux réduits de TVA est débattue depuis que la Commission européenne a déposé le 25 juillet 2003 sa proposition de directive, soutenue activement par le Gouvernement. Celui-ci demande plus particulièrement la pérennisation du taux réduit de TVA pour les services à haute intensité de main-d'œuvre et les travaux dans les logements, et son application à la restauration.

Comme le Premier ministre l'a rappelé hier, ici-même, la détermination du Gouvernement est totale. Elle a été réaffirmée lors du Conseil Ecofin il y a quelques jours et le sera de nouveau lors du Conseil européen des 15 et 16 décembre.

M. François Rochebloine - Très bien !

M. le Ministre délégué - Nous voulons d'abord pérenniser la TVA à taux réduit applicable aux services d'aide à la personne et aux travaux dans le secteur du bâtiment, qui a permis de créer plus de 40 000 emplois, faisant reculer le travail illégal. A supposer que nous n'obtenions pas un accord, nous sommes convenus d'évoquer à nouveau cette question lors du prochain Conseil Ecofin de janvier et de continuer d'appliquer ce taux d'ici là, afin d'assurer aux professionnels la visibilité dont ils ont besoin pour établir leurs devis et assurer leurs commandes.

Nous voulons également étendre la TVA à taux réduit à la restauration. Notre engagement s'appuie sur une analyse économique qui démontre que cette mesure créerait des emplois, contribuerait à la préservation de l'activité sur le territoire et à la croissance économique. Un dossier tel que celui-là mérite d'être défendu auprès de nos partenaires européens.

Ce sujet doit bien sûr être traité indépendamment des autres thèmes à l'ordre du jour du Conseil. Jamais nous n'avons été très aussi proches d'un accord que lors du Conseil Ecofin du 6 décembre.

Nous n'avons pas, Monsieur Bonrepaux, de leçons à recevoir.

M. Pascal Terrasse - Nous posons des questions !

M. le Ministre délégué - Lorsque vous me parlez de « démagogie » - tout en soutenant notre démarche - vous semblez oublier qu'en novembre 2000, M. Fabius, ministre de l'économie et des finances, était applaudi sur les bancs du groupe socialiste lorsqu'il déclarait : « S'il est indéniable que la profession connaît des difficultés, ce n'est pas une baisse du taux de TVA qui permettra de les résoudre » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Augustin Bonrepaux - Lui, au moins, n'était pas démagogique !

M. Pascal Terrasse - Il n'a pas fait de promesses. Vous, vous en avez fait, aux chasseurs par exemple !

M. le Ministre délégué - Son prédécesseur en a fait autant. M. Strauss-Kahn répondait ainsi à une question écrite de M. Bouvard en 1998 : « Il convient de souligner que la baisse du taux de TVA sur la restauration n'apparaît pas de nature à lutter efficacement contre le chômage ». Gardez donc votre numéro sur la démagogie ! Mais à vous tous qui vous êtes ralliés à notre position, MM. Lambert, Desallangre et Terrasse, je veux dire qu'il vaut parfois la peine de se rassembler au service du pays, et que je me réjouis de la perspective d'un vote unanime. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Nous devons tout faire pour convaincre nos partenaires, et je salue d'ailleurs le travail accompli par la présidence britannique et par la Commission. De ce point de vue, cette proposition de résolution me paraît extrêmement utile car elle vient appuyer nos efforts et exprimer le soutien de l'Assemblée nationale au Gouvernement.

Si plusieurs d'entre vous préféreraient une stratégie différente, aucun ne doit feindre d'ignorer comment les choses se passeraient si une autre voie était choisie. Monsieur Mariani, la diminution du taux de TVA ne peut se faire qu'avec l'accord unanime des vingt-cinq, sans quoi notre droit ne serait plus conforme au droit communautaire, ce qui entraînerait la saisine de la Cour de justice par la Commission, gardienne du droit communautaire.

Certains voudraient invoquer le principe de subsidiarité pour prouver l'irrégularité de la directive : mais ce n'est pas sur la conformité de la directive avec le Traité que se prononcerait la Cour, c'est bien sur la conformité de notre législation avec la directive. Elle n'aurait alors d'autre choix que de constater l'infraction et de condamner le cas échéant la France à payer des astreintes.

M. Jérôme Lambert - Comme pour le textile !

M. le Ministre délégué - Les restaurateurs devraient alors reverser à l'Etat la différence entre les deux taux de TVA, ce qui les placerait entre-temps dans une insécurité juridique et financière. Il est impensable de prendre de tels risques !

Une décision unilatérale heurterait nos partenaires en les mettant devant le fait accompli à la veille d'une discussion importante. La formule de la résolution est infiniment plus sage, qui rappelle le soutien de l'Assemblée nationale, alors que nous n'avons jamais été aussi proches d'un accord. Je veux d'ailleurs remercier Michel Herbillon pour ses propos.

Cet acte de la représentation nationale montre à nos amis allemands, et en particulier à Angela Merkel avec laquelle nous devons instaurer une relation de confiance, que notre détermination à la convaincre est totale.

Pour franchir l'étape européenne, nous devons emporter l'unanimité. Si nous y réussissons, nous n'aurons nul besoin de modifier notre droit interne en matière de TVA sur les travaux de rénovation dans les logements d'habitation et sur les services à domicile, puisque le taux réduit s'applique déjà et que projet de loi de finances pour 2006 le prend en compte. S'agissant de la restauration en revanche, l'intervention du législateur serait nécessaire. Elle devra s'accompagner obligatoirement d'une discussion avec les professionnels.

MM. Pascal Terrasse et Augustin Bonrepaux - Elle devrait avoir commencé !

M. le Ministre délégué - Il est en effet primordial que chacun mesure bien l'effort que représente cette disposition pour les contribuables, mais aussi les résultats attendus en matière d'emplois, d'investissement, de hausse des salaires et de baisse des prix.

Il y a 740 000 emplois dans la restauration aujourd'hui, mais surtout 60 000 offres d'emplois qui ne trouvent pas preneurs en raison de conditions de travail difficiles et d'une rémunération qui n'est pas à la hauteur. Un effort substantiel devra donc être réalisé dans ces domaines. Le Gouvernement a montré l'exemple en s'accordant avec la profession pour supprimer le SMIC hôtelier, un système injuste qui décomptait de la paye du salarié une partie de ses repas, et en consentant aux employeurs une prime à l'emploi de 114,4 € par mois et par salarié. Tout cela est déjà inscrit dans le budget pour 2006. Il faudra aussi que l'intégralité des accords passés fin 2004 dans la convention de branche soient respectés, concernant notamment l'attribution de congés supplémentaires et de jours fériés. Enfin, il faut que les Français s'y retrouvent : les prix devront baisser !

M. François Rochebloine - Très bien !

M. le Ministre délégué - Depuis deux ans, le Gouvernement travaille à accroître le pouvoir d'achat des Français. La baisse de la TVA sur la restauration doit s'inscrire dans cette politique.

Telle est la situation à la veille du Conseil européen. Nous avons un devoir de réussite et sommes déterminés à réussir. Cette résolution nous y aidera. Elle consolide notre position et notre action pour renforcer la position de la France en Europe. La délégation française pourra s'appuyer sur ce texte pour emporter la conviction de nos partenaires. Je salue donc cette initiative juste et responsable et vous invite à l'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

M. le Rapporteur - L'amendement 1 est rédactionnel.

L'amendement 1, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Didier Migaud - Je me réjouis que nous soyons quelque peu plus nombreux pour débattre de cette proposition qu'en d'autres occasions, même si l'absence de certains membres du groupe UMP, auteurs de déclarations remarquées, peut nous surprendre. Nous voterons cette proposition de résolution et souhaitons ainsi aider le gouvernement français dans ses négociations au niveau européen.

Evitons les polémiques inutiles ! Sous la législature précédente, environ 10 milliards d'euros de réduction de TVA ont été votés ; le taux a été réduit d'un point et plusieurs réductions ciblées ont été adoptées, dont la plus importante pour les travaux dans les logements. C'est parce que la commission des finances de l'Assemblée et le groupe socialiste l'ont fortement souhaité que le gouvernement français l'a obtenu au niveau européen. Qu'on se rappelle que, sous la législature antérieure, la TVA avait augmenté ! Nous préférons quant à nous les baisses de TVA à celles de l'impôt sur le revenu : elles sont plus conformes à notre conception de la justice.

Un nouveau rendez-vous européen était fixé pour la fin de 2002 qui devait permettre d'élargir le champ du taux réduit. Y faire entrer la restauration faisait partie des engagements du candidat Jospin, mais nous avions souligné que cette mesure ne réglerait pas tous les problèmes de la restauration. Les propos que vous avez cités me semblent tout à fait dans cette ligne, c'est-à-dire contraires à la démagogie. Ce que nous reprochons au Président de la République, et qui a suscité l'exaspération de beaucoup de restaurateurs, c'est d'avoir dit en 2002 qu'il suffisait que la France souhaite cette mesure pour que ses partenaires l'acceptent ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Il a fallu plusieurs années...

M. Jean-Jacques Descamps - Vous avez voté non !

M. Didier Migaud - Ne compliquez pas encore des choses qui le sont déjà, Monsieur Descamps ! En tout cas, ce dossier a mis suffisamment d'années à avancer pour prouver que certains se sont montrés plus responsables que d'autres.

J'espère, Monsieur le ministre, que vous nous annoncerez de bonnes nouvelles jeudi soir ou vendredi. Vous n'avez pas besoin d'une autorisation législative pour appliquer une éventuelle décision le plus vite possible : la loi précise déjà qu'elle pourrait prendre effet dans les quatre mois qui suivront la décision du sommet européen. Les négociations avec les restaurateurs, afin qu'ils respectent, de leur côté, les engagements qu'ils ont pris en matière d'emploi, de rémunération, de conditions de travail et de prix, doivent être menées le plus rapidement possible. En revanche, un collectif budgétaire sera vraisemblablement nécessaire : il sera en effet indispensable d'inscrire des crédits dans le budget de 2006 si nous obtenons le consentement de Bruxelles. En attendant, je renouvelle le soutien du groupe socialiste à cette proposition de résolution (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Sur le vote de l'article unique, je suis saisi par le groupe UMP d'une demande de scrutin public.

M. Thierry Mariani - Monsieur le ministre, vous avez bien sûr le soutien du groupe UMP. Je salue l'initiative de Michel Bouvard : cette résolution sera votée à l'unanimité, ce qui est assez rare au Parlement. Elle n'en sera que plus forte pour vous aider à faire aboutir cette juste revendication, dans l'intérêt de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Pierre-Christophe Baguet - Nous avons déjà consacré de nombreuses heures à cette discussion, qui nous a parfois menés jusqu'au petit matin. L'UDF a toujours été fidèle à cette mesure, qu'elle considère comme étant de pur bon sens.

Cette résolution est un moindre mal. Elle a pour première justification le respect de la parole donnée : on ne peut susciter des espoirs sans se donner tous les moyens de les satisfaire ! Le résultat serait dramatique, aussi bien sur le plan économique qu'humain. Elle cherche aussi à rétablir l'équité : on ne peut accepter plus longtemps une différence de taux par rapport à la vente à emporter. Quelle justice y a-t-il à taxer le service et le travail ? En défendant cette mesure, nous défendons le bien-vivre ensemble. La troisième raison de l'adopter tient à la création d'emplois : le taux réduit de la TVA sur le bâtiment a permis de créer 40 000 emplois, et l'on en attend 50 000 dans la restauration. Par ailleurs, cette disposition entraînerait une relance évidente de l'économie, avec des investissements importants, et contribuerait à préserver le rang de la France comme première destination touristique mondiale.

Toutes ces observations de bon sens ont été largement développées par le groupe d'étude sur les métiers de l'hôtellerie et de la restauration, brillamment animé par Thierry Mariani et Philippe Folliot. Nous n'avions de divergences que stratégiques : nous soutenons qu'un vote direct de l'Assemblée aurait été un message plus fort adressé à nos partenaires européens. Vous avez préféré cette résolution. Le groupe UDF la votera, avec le fervent espoir qu'au bout du compte, les restaurateurs, et avec eux toute la France, y gagneront (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Sandrier - Nous voterons cette proposition de résolution, tout en constatant à nouveau que nous avons perdu au moins trois années sur ce dossier. Trois années pour l'emploi ! Trois années pour que le Gouvernement consente à demander l'avis et le soutien de l'Assemblée nationale ! C'est invraisemblable. Vous auriez eu l'occasion de le faire dès octobre 2002, quand nous avions présenté un amendement sur le taux à 5,5%. Pas plus que mon collègue Desallangre, je ne vous rappellerai le résultat du vote ! Vous aviez l'occasion de soutenir notre proposition. Pourquoi donc ne l'avez-vous pas fait ? Parce que le Gouvernement était sûr qu'il obtiendrait satisfaction en 2003... Il en a été sûr également en 2004, puis en 2005... Vous vous êtes trompés ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Faut-il donc que vous soyez sous la pression des restaurateurs mobilisés pour que vous vous résolviez enfin à demander le soutien de l'Assemblée nationale ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Nous voterons ce projet de résolution (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) en exigeant toutefois que les restaurateurs prennent l'engagement ferme de créer des emplois...

M. Guy Teissier - C'est pour cela que nous demandons la baisse de la TVA !

M. Jean-Claude Sandrier - ...et d'améliorer les conditions de travail et les salaires de leurs employés. C'est le moins qu'on puisse leur demander si l'on obtient le taux réduit.

A l'unanimité des 157 suffrages exprimés sur 157 votants, l'article unique de la proposition de résolution est adopté.

SÉCURITÉ ET DÉVELOPPEMENT DES TRANSPORTS (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif à la sécurité et au développement des transports.

M. le Président - Hier soir, l'Assemblée a commencé l'examen des articles s'arrêtant à l'article 13.

ART. 13

M. Daniel Paul - Avant de reprendre nos travaux, je formule le souhait qu'ils se déroulent dans des conditions plus correctes qu'hier soir où, vers une heure du matin, nous a été soumis précipitamment un amendement pour le moins malvenu... Je remarque qu'il y en a, hélas, d'autres de la même veine dans la liasse qui vient d'être distribuée. Nous vous demanderons, le moment venu, des explications sur cette façon de procéder.

L'article 13 autorise le recours à des partenariats public-privé pour la réalisation d'infrastructures ferroviaires pour, nous dit-on, « moderniser et dynamiser la politique d'investissements ». Si le principe de ces partenariats n'est pas contestable en soi, la pratique risque de l'être bien davantage. En effet, ils ne sont envisageables que pour des infrastructures rentables comme la liaison express Paris-Roissy ou des lignes TGV. Mais qu'en sera-t-il de celles pour lesquelles un retour sur investissement ne se conçoit que sur la longue durée, voire la très longue durée ?

La réalisation d'infrastructures de transport doit répondre à l'intérêt général afin de garantir un service public de qualité. Au nom même du principe constitutionnel de la continuité territoriale, l'Etat doit assumer sa mission d'aménagement du territoire et assurer l'égal accès de tous aux infrastructures. Or, par cet article, l'Etat se désengage, comme il en est désormais coutumier. J'en veux pour preuve sa tentative cet été de faire financer les liaisons inter-régionales par les régions ou bien encore le décret d'octobre dernier par lequel le CIADT a été rebaptisé « comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires ». Pour vous, même les territoires sont en concurrence !

L'audit sur les infrastructures ferroviaires rendu en septembre dernier évalue les besoins de financement à 600 millions d'euros par an sur vingt ans, avec un pic d'investissements d'un milliard entre 2006 et 2011. Ses auteurs relèvent le manque d'entretien des ouvrages d'art qui fait craindre pour la sécurité, le mauvais état des voies et des équipements des lignes à faible trafic et le nombre sans cesse croissant des ralentissements imposés pour raisons de sécurité. La maintenance et le développement des infrastructures ne doivent pourtant pas être des objectifs inatteignables puisque plusieurs de nos voisins y sont parvenus. Notre pays dépense actuellement moins que plusieurs d'entre eux pour la maintenance de son réseau ferroviaire ! L'audit précité met pourtant en garde contre cette politique d'entretien à courte vue qui induit, à long terme, une augmentation des coûts ou une sérieuse diminution des performances. Autrement dit, les investissements sont nécessaires tant pour la sécurité des voyageurs que pour la bonne marche économique de l'entreprise. Cet audit relève également que la SNCF et RFF ont fait tous les efforts possibles « pour maintenir l'exploitation et garantir la sécurité ferroviaire malgré des ressources nettement insuffisantes. » La balle est donc dans le camp de l'Etat !

Le recours au financement privé, dans un contexte de désengagement de l'Etat, laisse craindre un début de privatisation des infrastructures de transport. Actuellement, RFF est propriétaire des siennes. Mais pourquoi, demain, une société privée qui aura investi dans la construction et l'entretien d'un équipement n'en serait-elle pas propriétaire ? On voit ainsi se profiler des monopoles privés par grand axe... Pourtant, les infrastructures ferroviaires, qui font partie du patrimoine public, doivent rester sous maîtrise publique.

Nous souhaitons que la politique nationale des transports fasse l'objet d'un projet pluriannuel de développement entre RFF, la SNCF et l'Etat, fixant les objectifs et les moyens. Un tel projet permettrait de gagner en lisibilité et responsabiliserait les acteurs. L'Etat doit définir les investissements prioritaires pour l'avenir.

Nous souhaitons de même qu'il prenne part au désendettement de RFF et de la SNCF, dont la dette atteint respectivement 25 et 7,3 milliards d'euros. Les frais financiers représentent chaque année quelque 380 millions d'euros pour la SNCF et 1,3 milliard pour RFF. C'est cette dette qui l'étouffe qui contraint RFF à augmenter ses péages. Si l'Etat aidait ces deux entreprises à se désendetter, elles retrouveraient des capacités d'autofinancement pour investir. Hélas, il n'en a pas pris le chemin, notamment dans la loi de finances pour 2005 où la dotation relative à la gestion de la dette de RFF a disparu et où les crédits pour les service annexe d'amortissement ont été supprimés.

Pour toutes ces raisons, vous l'aurez compris, nous voterons contre l'article 13.

M. Hervé Mariton, rapporteur pour avis de la commission des finances - Il est curieux de constater que si le principe même des partenariats public-privé est systématiquement décrié par la gauche au niveau national, sur le terrain, nombre de collectivités de gauche manifestent leur intérêt pour ce nouvel outil, en particulier pour rénover des équipements publics. Le recours formé devant le Conseil d'Etat contre l'ordonnance instituant ces partenariats n'a heureusement pas abouti, car ceux-ci sont particulièrement adaptés pour relancer les investissements et la croissance.

Dans le domaine ferroviaire, la loi de 1997 précisant les compétences de RFF pouvait y faire obstacle. Ce projet de loi met les choses au clair. Sans ces partenariats public-privé, tous les projets prévus lors du dernier comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires ne pourraient être menés à bien...

M. Daniel Paul - Quel aveu !

M. le Rapporteur pour avis - Ces partenariats permettront par exemple de réaliser, dans de meilleurs délais et de meilleures conditions, de nouvelles lignes à grande vitesse et d'autres projets. Pourquoi, par pure idéologie, renoncer à y recourir, au risque de se priver d'infrastructures nécessaires à un service public de transport de qualité ?

Mme Martine Billard - Notre amendement 66 est de suppression. Nous avons besoin d'une politique de transport d'autant plus volontariste que, dans une perspective à long terme, pour lutter contre l'effet de serre et tenir compte de la baisse des ressources pétrolières, il faut transférer une partie du trafic routier vers le fer ou le fluvial. Donc il faut n'abandonner aucune infrastructure, ne pas abandonner ces lignes secondaires que l'on estime non rentables à un moment donné, et il faut en construire de nouvelles. Mais nous ne voulons pas qu'il y ait d'un côté les lignes rentables, financées par le privé, et qui fonctionneront bien, de l'autre celles qu'on laissera au financement public, régional ou autre. Par ailleurs, nous verrons ce qu'il en sera à propos de la liaison express avec Roissy, mais on a un peu l'impression que quand une région n'est pas d'accord, on lui impose des décisions au mépris de la décentralisation.

Mme Odile Saugues - Nous en sommes tous d'accord, il est urgent de construire de nouvelles infrastructures ferroviaires pour répondre aux besoins, et de revitaliser les lignes actuelles dont l'entretien est insuffisant, mais nous ne pouvons pas accepter la méthode que vous proposez, qui donnera les tronçons les plus rentables aux opérateurs privés pour laisser le reste au secteur public. Le désengagement de l'Etat va également à l'encontre du souci de la sécurité qui est le nôtre. C'est pourquoi notre amendement 150 tend à supprimer l'article.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer - Il semble qu'une mise au point s'impose. Le partenariat public-privé porte sur la construction de lignes de chemin de fer. Une fois construites, elles seront intégrées au réseau de RFF et la SNCF y fera rouler des trains. Avez-vous vraiment lu le texte ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Au moins, c'est clair.

M. Dominique Le Mèner, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - La commission a repoussé ces amendements. Ne nous privons pas de moyens utiles pour réaliser de nouvelles infrastructures, d'autant que le partenariat public-privé est bien encadré, et les prérogatives de la SNCF sont préservées, dans le cadre des missions de service public.

Mme Martine Billard - Néanmoins, le II de l'article précise que ces partenariats ne valent pas seulement pour la construction, mais aussi pour l'entretien et l'exploitation des infrastructures.

Les amendements identiques 66 et 150, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur pour avis - L'amendement 2 permet au maître d'ouvrage public RFF, par dérogation, de confier à la SNCF non seulement un mandat de maîtrise d'ouvrage, mais des missions relevant de la maîtrise d'œuvre pour les opérations spécialisées et les ouvrages réalisés sous exploitation.

M. le Rapporteur - L'amendement 36 est identique.

Les amendements identiques 2 et 36, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 171 est rédactionnel.

L'amendement 171, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur pour avis - L'amendement 3 précise que le rapport demandé par le Sénat portera sur les relations entre l'Etat, le gestionnaire de l'infrastructure du réseau ferré national et les gestionnaires délégués.

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé. La rédaction du Sénat semble satisfaisante, et de plus il n'y a qu'un gestionnaire délégué, la SNCF.

M. le Ministre - Même avis.

M. le Rapporteur pour avis - L'amendement 3 est retiré.

L'amendement 5 supprime la mention « d'intérêt national ou international » pour qu'il n'y ait pas de doute sur la possibilité de recourir au partenariat public-privé pour des opérations d'intérêt régional. Certes, il ne s'agit pas d'une catégorie en soi, et elles peuvent entrer dans le cadre national, mais mieux vaut lever l'ambiguïté.

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé. Un projet régional peut présenter un intérêt national. Il est inutile de le prévoir explicitement.

M. le Ministre - Même avis.

M. le Rapporteur pour avis - Je suis prêt à retirer cet amendement si le Gouvernement précise bien que la rédaction couvre aussi les projets d'intérêt régional.

M. le Ministre - Si c'est ce que vous voulez entendre, effectivement le texte n'exclut pas les projets présentant aussi un intérêt régional.

M. le Rapporteur pour avis - L'amendement 5 est retiré.

L'amendement 6 explicite le fait qu'un délégataire de service public pourra percevoir directement, sur la nouvelle infrastructure qu'il aura construite, les redevances d'usage liées à son utilisation.

M. le Rapporteur - La commission l'a adopté. Un des éléments qui permettent de définir une délégation de service public tient au mode de rémunération du délégataire qui doit être lié de façon substantielle au résultat d'exploitation.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Daniel Paul - C'est vraiment scandaleux !

M. le Rapporteur - L'amendement 121 est de coordination.

L'amendement 121, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre Cardo - L'amendement 71 est défendu.

M. le Rapporteur - La commission ne l'a pas examiné. A titre personnel, j'y suis favorable.

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Christophe Caresche - C'est inacceptable. J'espère que l'on a bien conscience de ce dont il s'agit. L'Etat prendra en charge totalement la liaison express vers Roissy. Tant mieux, au moins pour le STIF. Mais depuis hier soir, nous assistons à un règlement de comptes de la part de parlementaires de la région parisienne - et je ne mets pas en cause le ministre. Ainsi, parce que M. Sarkozy, président du conseil général des Hauts-de-Seine, n'apprécie pas certaines décisions du STIF, M. Devedjian est venu proposer un amendement qui paralyse le syndicat. Nous sommes devant des amendements scélérats.

Quant à cette liaison rapide avec Roissy, si j'y suis favorable, je m'étonne qu'elle soit envisagée dans un cadre autre que le STIF - qui avait une vocation naturelle à s'en occuper. Pourquoi cette recentralisation, qui met l'opération à la charge de l'Etat ? Cet amendement sera sans doute adopté, mais il n'est pas correct de procéder ainsi, sans concertation - notamment avec le Président du conseil régional d'Ile-de-France.

Mme Martine Billard - Je voudrais dire aussi mon indignation, tant sur l'amendement d'hier soir que sur celui-ci. On a l'impression que l'UMP, ayant perdu la majorité au STIF, essaie de prendre sa revanche en revenant sur la décentralisation.

Les Verts ne sont pas favorables à ce projet de liaison, qui ne devrait pas permettre de gagner beaucoup de temps puisqu'il ne faut déjà que dix-huit minutes - vingt-huit dans le pire des cas - pour faire le trajet en RER entre les stations Châtelet et Roissy. Le fiasco d'Orlyval - exploité par Matra -, un an après sa mise en service, avait déjà conduit à sa reprise par la RATP ; de même, on peut imaginer qu'après avoir créé cette ligne dont le conseil régional d'Ile-de-France ne veut pas, on la redonnera à la SNCF - qui subira ainsi un hold-up ! Je m'étonne d'ailleurs que le maire d'Aulnay-sous-Bois ait déposé cet amendement alors que son conseil municipal avait voté un vœu contre cette liaison...

Pourquoi certains la réclament-ils ? Pour que les riches voyageurs en provenance de Roissy ne soient pas contraints de se mélanger avec les gens du peuple dans le RER... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Le pire, c'est que cette ligne empruntera en majorité les voies du RER B, tous les quarts d'heure, ce qui fera autant de trains RER en moins pour les habitants des banlieues. C'est vraiment scandaleux ! Cet amendement constitue un mini-coup d'Etat.

M. Daniel Paul - Décidément, vous n'avez pas de chance avec vos amendements : celui-ci, comme un précédent amendement scélérat, n'a pas pu être examiné par la commission... S'agissant d'amendements aussi lourds de conséquences, c'est inadmissible. Je n'ose imaginer, Monsieur le ministre, ce que vous auriez dit si Jean-Claude Gayssot, lorsqu'il était assis à votre place, avait osé procéder de la sorte !

Selon les termes de cet amendement, un décret en Conseil d'Etat fixera « les modalités de désignation des exploitants, les conditions de financement, de réalisation et d'exploitation de la liaison ainsi que les règles tarifaires propres à celle-ci » : on se trouve donc dans le cadre d'un partenariat public-privé. Ce projet est probablement celui qui sera le plus juteux pour l'entreprise privée qui se le verra attribuer !

Régler de cette façon un différend entre l'Etat et une collectivité territoriale, sur un sujet qui relève de la compétence de celle-ci, est indigne. La commission aurait très bien pu être saisie de cet amendement, puisqu'elle s'est réunie ce matin à 11 heures 30. Elle aurait pu de même examiner l'amendement 75, qui a été soumis à l'Assemblée cette nuit dans des conditions qui ne sont pas correctes.

M. le Président de la commission - Ce qui est inadmissible, ce sont les propos que vous venez de tenir ! Vous faites semblant de ne pas savoir comment les choses se passent à l'Assemblée nationale, tout cela pour donner l'impression, à la lecture du compte rendu, d'un coup monté !

Vous savez fort bien que la commission s'est réunie ce matin sur le thème du logement. Et si vous connaissiez le Règlement, vous sauriez qu'il prévoit une réunion et une seule au titre de l'article 88 - et celle-ci s'est tenue.

Par ailleurs, les amendements 71 et 75 ne sont pas parmi les derniers à avoir été déposés puisqu'il y en a 180... S'ils ne sont pas arrivés à notre commission, c'est - et j'invite le président de séance à en faire la remarque à qui de droit - parce qu'ils ne sont pas revenus des services chargés d'en examiner la recevabilité. Arrêtez donc de nous faire des faux procès et d'imaginer des complots !

Par ailleurs, Monsieur Caresche, si vous aviez été présent la nuit dernière à 1 heure du matin, vous auriez pu constater que personne n'a vu l'ombre d'une manœuvre dans l'examen de l'amendement de M. Devedjian. En revanche, les députés présents ont entendu parler du fait que depuis le 1er juillet dernier, il y a vacance du pouvoir au STIF ! L'amendement de M. Devedjian permet de débloquer la situation - bloquée pour des raisons qui, elles, sont tout à fait politiciennes !

Et puis, Monsieur Paul, il n'y a pas que ces deux malheureux amendements que la commission n'a pas pu examiner : je regrette que vous ne parliez pas des autres...

M. le Ministre - Je voudrais revenir sur le contenu de l'amendement. Il s'agit de savoir si la France va se doter prochainement d'un système de liaison directe entre le centre de Paris et Roissy, ce qui permettrait d'en faire l'un des aéroports les plus attractifs de toute l'Europe occidentale. Le conseil régional d'Ile-de-France est partagé sur cette affaire, ce que l'on peut d'ailleurs comprendre dès lors que cet investissement viendrait en concurrence avec d'autres qui intéressent les habitants de la région. C'est justement pour éviter cela qu'après avoir pris contact avec le président de la région, il nous a paru préférable que l'Etat assume la responsabilité de ce projet - qui est à l'évidence d'intérêt national. J'ajoute que dans le contrat de plan qu'il a signé avec la région, l'Etat prévoit d'apporter 100 millions d'euros pour la rénovation du RER B, ce qui montre bien qu'il n'abandonne pas ses responsabilités concernant l'amélioration du transport collectif. Mais cet amendement peut nous permettre d'aller vite et de ne pas mettre cet investissement important en concurrence avec d'autres, également légitimes.

M. Christophe Caresche - J'entends bien vos explications et je suis moi-même favorable, je l'ai dit, à cette liaison express, mais il est fâcheux que nous découvrions à la dernière minute des amendements sur un sujet aussi important. Cela pose un problème de méthode. Je pense aussi à l'amendement sur le STIF qu'a défendu hier M. Devedjian : il est venu régler ici un problème entre le conseil général des Hauts-de-Seine, dont il est président, et le conseil régional d'Ile-de-France ! L'Assemblée nationale ne devrait pas s'engager dans cette voie !

Mme Martine Billard - En effet. Imaginez que l'on fasse la même chose pour la région Alsace ! Je voudrais d'ailleurs dire au président de la commission que l'article 91 du Règlement permet de convoquer la commission si des amendements n'ont pu être examinés au titre de l'article 88. J'ajoute qu'il y a, concernant le STIF, des négociations en cours, qui semblaient sur le point d'aboutir. En tant qu'élue d'Ile-de-France, je ne puis que m'étonner de la volonté de passer en force dont témoignent l'amendement d'hier soir et celui-là.

L'amendement 71, mis aux voix, est adopté.

L'article 13 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 14

M. Christian Kert - Cet article est comme parachuté dans le paysage radiophonique français. Les radios d'autoroutes existent et se développent depuis plus de quinze ans avec l'aval du CSA, qui sait bien le rôle qu'elles jouent en matière de sécurité. Mais voici que cet article, qui modifie la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, leur accorde un droit de priorité, et ce sans concertation préalable avec les acteurs radiophoniques ni avec le CSA, dont il vient pourtant télescoper le patient travail mené en vue d'optimiser l'usage du plan de fréquences et de trouver un équilibre entre les 1 070 opérateurs privés qui se partagent quelque 3 400 fréquences.

L'article 26 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit certes déjà des droits de priorité, mais au bénéfice de sociétés publiques clairement identifiées par la loi - dont Radio France. L'article 14 en instaure, lui, au profit de personnes morales non définies par la loi, qui poursuivraient un objectif de service public de sécurité routière, lequel serait défini par décret. S'agissant de modifier un texte qui touche aux libertés publiques, ce degré de flou n'est pas de mise.

Le Premier ministre avait lui-même annoncé que la loi du 30 septembre 1986 serait retouchée l'année prochaine pour traiter de l'arrivée de la télévision sur les mobiles. Nous aurons donc prochainement une fenêtre législative, qui permettra au Parlement de se prononcer sur la question, après avoir dûment consulté les acteurs concernés, aujourd'hui inquiets, et reçu l'avis du CSA. Nous pourrions alors avoir un débat parlementaire approfondi.

Toutes ces raisons militent en faveur de la suppression de l'article 14. Tel est l'objet de mon amendement 13.

M. Emmanuel Hamelin - Cet article modifierait de façon importante la loi du 30 septembre 1986 et affecterait en profondeur le mode d'attribution des fréquences radio. Il est en contradiction avec les travaux conduits par le CSA en vue d'optimiser l'utilisation de la bande FM.

Nous sommes tous d'accord pour considérer que l'information sur la sécurité routière est un service d'intérêt général, mais ce service est porté par l'ensemble des radios et il n'y a pas lieu d'instaurer une telle priorité au bénéfice de certaines d'entre elles. Dans sa grande sagesse, le Parlement a d'ailleurs toujours écarté l'instauration de catégories prioritaires. Il serait dommageable que l'équilibre trouvé au fil des législatures soit aujourd'hui remis en cause, et ce sans que le CSA soit consulté !

L'article 14 ne dit pas quels seraient les bénéficiaires de cette priorité et ne définit pas la mission de service public d'information routière. Il ne dit pas non plus quel serait le critère d'attribution qui permettrait de départager plusieurs concurrents. Avec cet article, n'importe quelle collectivité locale pourrait créer sa propre radio prioritaire, y compris dans une grande agglomération comme Paris, ce qui modifierait sensiblement les équilibres précaires actuels. La sagesse voudrait que l'on renvoie à la loi annoncée pour 2006 la discussion sur ces sujets. Tel est le sens de mon amendement 68, de suppression.

Mme Odile Saugues - Cet article permettrait à toutes les radios du secteur privé, sous prétexte d'une mission de service public d'information routière, de bénéficier du droit de priorité jusqu'alors réservé au service public. Le CSA s'en est d'ailleurs inquiété, craignant qu'un tel droit ne remette en cause l'équilibre actuel du paysage radiophonique. Cet article, présenté en marge du plan de réorganisation de la bande FM, ressemble d'ailleurs fort à un contournement du CSA.

Nous proposons donc, par l'amendement 81, de supprimer cet article.

M. Pierre-Christophe Baguet - Toute modification de la loi de 1986 sur la liberté - rien de moins ! - de communication doit être entreprise avec la plus extrême prudence, nous le savons bien.

Cet article est la négation du travail parlementaire mené année après année pour donner une véritable indépendance à l'autorité de régulation qu'est le CSA. J'ai rédigé en 2002 un rapport sur l'optimisation de la bande FM et, en 2004, notre assemblée a modifié les échéances des autorisations à émettre afin d'arriver en 2006 à une solution d'ensemble.

Cet article remet aussi brutalement en cause l'équilibre fragile qui existe entre, d'une part, les différentes catégories de radios - privées, associatives et indépendantes -, d'autre part entre le public et le privé. C'est un véritable éléphant dans un magasin de porcelaines !

En réponse à une question de M. Dutoit, le ministre de la culture avait d'ailleurs dit son opposition à une mesure de ce type. Je m'étonne donc de la retrouver aujourd'hui. La sagesse voudrait que l'on renvoie son examen à la modification prévue en 2006 de la loi sur la liberté de communication. Tel est le sens de mon amendement de suppression 145.

M. le Rapporteur - La commission avait donné un avis favorable à l'amendement de M. Kert. L'objectif de sécurité routière est évidemment très légitime, mais il ne sous semble pas suffisamment encadré par cet article, qui risque de compromettre l'équilibre de la loi de 1986 concernant l'attribution de fréquences.

La loi de 1986 énumère précisément les bénéficiaires de la priorité d'accès à la ressource. Ce n'est pas le cas de l'article, qui ne définit pas non plus les zones d'émission pertinentes au regard de l'objectif poursuivi. On crée ainsi un accès prioritaire à la ressource radio électrique, qui est rare, dans des conditions exorbitantes du droit commun et en faveur d'une catégorie potentielle d'intervenants extrêmement large. Cela risque de mettre en péril la diversité de notre paysage radiophonique alors même que le CSA travaille à un plan d'optimisation des fréquences. La commission est donc favorable à la suppression de cet article.

M. le Ministre - Le Gouvernement ne propose pas au Parlement de se substituer au CSA : il n'y a aucun conflit entre les pouvoirs exécutif et législatif d'une part et une autorité administrative indépendante d'autre part. Il s'agit de savoir comment utiliser la fréquence 107.7 et ce type de service radio. Les progrès techniques comme le GPS ou Galileo favoriseront le développement de nouveaux services pour les automobilistes et ceux-ci transiteront pour une part par le système radiophonique. Il importe, pour des raisons pratiques, que la fréquence soit la même sur tout le territoire. Jusqu'ici, le CSA a fait en sorte qu'il en soit ainsi mais, à moins d'inscrire ce principe dans la loi, nous n'avons aucune garantie qu'il en sera de même à l'avenir. Ce n'est pas une affaire, certes, mais je tenais à souligner nos motivations.

Les amendements 13, 68, 81 et 145, mis aux voix, sont adoptés et l'article 14 est ainsi supprimé.

ART. 15

M. Daniel Paul - Hier, vous avez affirmé comprendre les difficultés rencontrées par le secteur du transport routier en laissant entendre que nous, nous voulions sa mort. Non ! Le transport routier souffre aujourd'hui d'une sous-tarification due à la concurrence agressive qui ne permet pas aux entreprises les plus fragiles d'équilibrer leurs charges. Ce n'est pas en accentuant cette concurrence ou en jouant sur les tarifs du gazole que l'on réglera le problème. Il n'y a pas eu à ce jour de réglementation concernant la tarification du transport routier de marchandises depuis une directive de 1986 imposant la liberté des prix. La libre concurrence appliquée sur le plan européen favorise le dumping social. Ce sont tous les modes de transport qui subissent les effets pervers de cette politique libérale, le secteur routier comme le secteur ferroviaire. Mais il est vrai que ces deux modes de transport ne sont pas tout à fait égaux, notamment concernant l'externalisation des coûts. En effet, celle-ci ayant été estimée à 230 milliards dans l'Europe des Quinze en 2000, moins de 2% étaient imputables au fer contre près de 97% à la route. Ces coûts externes sont supportés essentiellement par la collectivité et de plus en plus par les collectivités territoriales ; c'est donc le contribuable qui paye. Cette situation est évidement entretenue par le patronat privé car elle lui permet de se soustraire à la prise en charge des nuisances et des effets secondaires de son activité. Elle lui permet également d'user d'un outil de production à sa disposition à moindre frais, voire gratuitement.

Cette absence de prise en compte de la réalité des coûts a une incidence directe sur la sous-tarification du transport. Soucieux de préserver les fonds publics, nous proposons quant à nous de mettre en place sur les plans français et européen une tarification sociale obligatoire, c'est-à-dire un prix minimum prenant en compte les problématiques sociales, économiques et environnementales : salaires, qualifications, baisse du temps de travail, coûts des infrastructures, coûts de l'application du droit du travail et bien évidemment coût environnemental. Tel est le sens de l'amendement 178.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Compte tenu de la crise que traverse le secteur routier et du nombre d'emplois concernés, des charges supplémentaires ne s'imposent pas !

M. Daniel Paul - Vous allez pourtant en décider, pour la seule Alsace !

L'amendement 178, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 15, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 15

M. Richard Cazenave - L'article L. 132-8 du code de commerce permet à un transporteur sous traitant, dit « transporteur voiturier », de réclamer le paiement de sa prestation auprès du destinataire ou de l'expéditeur lorsqu'il lui est impossible de l'obtenir auprès du transporteur principal, dit « commissionnaire ». La loi assure ainsi la protection du transporteur voiturier en cas de défaillance du commissionnaire de transport qui l'a affrété. Or, de trop nombreux différends sont encore soumis aux juridictions. L'amendement 60 2e rectification vise à compléter cet article du code de commerce en précisant que toute interdiction de sous-traiter doit faire l'objet d'une convention expresse entre le commissionnaire et l'expéditeur ou le destinataire, cette convention ne les dispensant pas de payer le transport sous-traitant si l'interdiction n'est pas mentionnée dans le contrat que ce transporteur a passé avec le commissionnaire.

Je ne suis néanmoins pas certain que la rédaction de cet amendement soit meilleure que celle de l'amendement 60 rectifié qui disposait : « Toute interdiction de sous-traiter doit faire l'objet d'une convention expresse qui n'est pas opposable au transporteur substitué si l'interdiction n'est pas mentionnée dans le contrat de sous-traitance ».

M. le Ministre - Avis défavorable à l'amendement 60 2e rectification. L'amendement 182 du Gouvernement aboutit à la même rédaction que l'amendement 60 rectifié.

M. Richard Cazenave - Je me rallie à l'amendement du Gouvernement.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

L'amendement 182, mis aux voix, est adopté.

ART. 15 BIS

M. le Rapporteur - Cet article introduit par le Sénat a pour objet de soumettre aux dispositions de la loi d'orientation sur les transports intérieurs les deux-roues effectuant du transport de marchandises pour le compte d'autrui. Or, cela est susceptible d'entraîner un surcoût lié aux formalités administratives, ce qui nuirait au développement de l'emploi dans ce secteur. En outre, les deux-roues effectuant du transport pour leur propre compte, comme les livreurs de pizzas, ne seraient pas concernés.

La commission propose, par l'amendement 40, de supprimer cet article. Elle est cependant sensible à la volonté du Sénat de garantir la sécurité de ces activités et a donc adopté l'amendement 41.

M. le Ministre - Sagesse.

L'amendement 40, mis aux voix, est adopté, et l'article 15 bis est supprimé

APRÈS L'ART. 15 BIS

M. le Rapporteur - Dans l'état actuel des textes, la compétence du ministre des transports ne couvre que les entreprises de transports publics exerçant une activité au moyen de véhicules ayant au moins deux essieux. L'amendement 41 a pour objet de l'étendre à l'ensemble des véhicules routiers motorisés, afin de permettre aux inspecteurs du travail des transports de contrôler également les coursiers utilisant des véhicules deux-roues. Il répond à la préoccupation exprimée par le Sénat, sans pour autant alourdir les formalités administratives.

M. le Ministre - Avis favorable.

L'amendement 41, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 149 vient compléter l'amendement 41, en étendant l'application du cadre juridique prévu par la LOTI dans ses articles 7 et 8.

En effet, les entreprises effectuant du transport de marchandises pour compte d'autrui avec des deux-roues motorisés ne sont pas tenues de s'inscrire au registre des transporteurs et échappent ainsi aux obligations qui en découlent : capacité professionnelle et financière, conditions d'honorabilité, contrôle de l'inspection du travail des transports.

L'amendement du rapporteur permet de soumettre ces entreprises au contrôle de l'inspection du travail des transports mais, en ne rendant pas l'inscription obligatoire au registre des transporteurs pour ces entreprises, il ne permet pas de mettre fin à une concurrence déloyale dangereuse pour la profession.

M. Pelissard, président de l'Association des maires de France, a cosigné cet amendement, soucieux qu'il est de lutter contre toute forme de travail insuffisamment encadrée et de favoriser une concurrence loyale.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement, mais j'y suis, à titre personnel, défavorable, car il soumet les entreprises à des formalités administratives trop lourdes.

M. le Ministre - Défavorable, par souci de cohérence.

M. Pierre-Christophe Baguet - Les sociétés, à partir du moment où elles devront répondre aux demandes de l'inspection du travail et des transports, ne rencontreront pas des difficultés nouvelles et nous gagnerions beaucoup à les faire entrer dans le cadre des articles 7 et 8 de la LOTI.

L'amendement 149, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 15 ter, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 15 TER

M. Yves Bur - Depuis le 1er janvier, l'Allemagne a instauré une taxe kilométrique appelée Lastkraftwagen Maut s'appliquant aux poids lourds de 12 tonnes et plus, circulant sur le réseau autoroutier fédéral.

La mise en place de cette taxe, à laquelle les camions tentent d'échapper, a entraîné un report du trafic des poids lourds en transit sur le réseau alsacien et lorrain, estimé entre 1 100 et 2 000 véhicules par jour. En outre, cette situation, qui a suscité un ras-le-bol de la population, risque de s'aggraver, puisque nos voisins allemands entendent étendre cette taxe aux voies nationales et régionales.

Cette situation était prévisible depuis longtemps. Mais on a, comme d'habitude, préféré attendre avant d'annoncer quelques mesurettes, des études, puis des contrôles renforcés. Une fois de plus, nous sommes confrontés à l'impuissance publique, celle de l'Etat et des collectivités territoriales.

C'est la raison pour laquelle, avec mes collègues alsaciens, je propose, par l'amendement 134, de mettre en place comme l'autorise l'article 37-1 de la Constitution, une expérimentation limitée à la région Alsace pendant cinq ans. Il s'agirait de taxer les poids lourds de plus de 12 tonnes en transit qui empruntent le réseau routier à proximité d'axes payants.

Il nous semble en effet que c'est le seul moyen de mettre un terme à ces reports, même si cette mesure doit avoir un impact marginal sur le transport routier infrarégional. Elle s'inspire du système automatisé en vigueur en Allemagne, le Toll-Collect, et permet de reverser cette taxe, située entre 0,001 et 0,015 € par tonne et par kilomètre, aux collectivités gestionnaires des réseaux. Les recettes sont estimées entre 4 et 5 millions, ce qui n'est pas négligeable.

Cela va naturellement à l'encontre des doctrines de la pensée unique, mais cet amendement est l'occasion d'expérimenter un système qui fonctionne ailleurs et d'apporter une réponse aux problèmes auxquels sont confrontés les automobilistes alsaciens, en attendant la mise en place d'une taxe européenne, au sujet de laquelle le débat ne fait que commencer.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement, mais bien que n'étant pas adepte de la pensée unique, j'émettrai un avis défavorable. La taxe frapperait de la même manière les poids lourds nationaux, ce qui semble aller à rebours des efforts consentis dans ce secteur en crise.

M. le Ministre - Je connais ce problème, dont j'ai eu l'occasion de discuter avec vous lors d'un récent déplacement en Alsace. Pour autant, cet amendement est prématuré car, comme vous le savez, une étude a été lancée conjointement par la région, le département et l'Etat. Par ailleurs, votre ingénieux dispositif est terriblement complexe, car il suppose un système déclaratif et des contrôles.

Une évaluation, des tests et une concertation avec les professionnels seraient nécessaires. Je vous propose donc que nous prenions acte de la nécessité d'agir. Nous devons trouver des solutions qui tiennent compte de plusieurs contraintes : le dispositif doit être constitutionnel, ce qui est probablement le cas du vôtre ; il doit être compatible avec les textes européens, et surtout efficace sur le plan pratique. Je prends clairement l'engagement d'y travailler avec vous, afin de sortir l'Alsace de ses difficultés, mais je vous demande en attendant de retirer cet amendement.

M. Yves Bur - Où est la complexité ? L'amendement institue seulement un péage ! Quant à son côté pratique, je peux vous assurer qu'il marche parfaitement en Allemagne ! Il n'y a aucune raison de chercher d'autres solutions techniques.

M. le Ministre - Ce n'est pas le système allemand !

M. Yves Bur - La méthode de collecte est automatisée, simple et pratique. Je maintiens donc cet amendement : si, par bonheur pour l'Alsace, il était adopté, nous pourrions travailler à l'améliorer afin que les choses avancent plus rapidement. En tout cas, personne ne peut croire un instant que nous aurons un résultat aussi rapide autrement.

M. Daniel Paul - Je soutiens cet amendement, qui répond à l'une des interrogations que j'ai formulées tout à l'heure. Je suis même tenté de proposer un sous-amendement pour étendre l'expérimentation à l'ensemble du territoire ! En effet, lorsqu'une autoroute est parallèle à une route nationale ou départementale, nous savons tous que ce sont ces dernières qu'empruntent les poids lourds. En Basse-Normandie, ils ne sont pas sur l'A 13 mais sur une route nationale, qui n'a pas fait l'objet du même entretien et qui traverse des villages qui avaient espéré s'en débarrasser avec l'arrivée de l'autoroute ! Il ne s'agit pas de refuser le transport routier, mais d'assurer un confort de vie.

Cet amendement ne contrevient pas aux règles européennes. Si l'expérimentation est ensuite étendue à d'autre régions frontalières, l'Alsace aura une nouvelle fois fait figure de région d'avant-garde. J'aurais aimé, Monsieur le ministre, que vous adoptiez une attitude aussi prudente que maintenant sur deux amendements autrement importants.

M. le Ministre - Je voudrais attirer votre attention, avec une certaine gravité, sur la façon dont cet amendement sera perçu. L'Alsace n'est pas la seule à connaître des difficultés. Dans le contexte économique actuel, si on lance une expérimentation, tout le monde va s'attendre à ce qu'elle soit étendue. C'est en tant que ministre des transports qui assume pleinement ses responsabilités que je demande très clairement à l'Assemblée de ne pas voter cet amendement, qui n'est pas raisonnable sur un plan économique. Je comprends les difficultés alsaciennes, mais il faut en sortir autrement.

Mme Odile Saugues - Il serait tout de même temps de mettre sur pied une véritable politique européenne du transport routier. Cet amendement provoquerait à l'évidence un glissement vers d'autres régions, et il paraît donc difficile de lancer un test dans la seule Alsace. Mais nous pouvons imiter nos voisins européens sans pour autant méconnaître les difficultés du transport routier. Si nous voulons faire payer au transport routier son coût réel en termes d'environnement et d'infrastructures, il ne faut pas procéder au coup par coup : une réflexion globale est indispensable, et l'Europe doit nous y pousser. Agir au coup par coup, c'est prendre une mesure pour l'Alsace et repousser les difficultés un peu plus loin. Mener une réflexion globale, c'est se demander pourquoi le rail est en difficulté et pourquoi le transport routier n'est pas soumis à certaines contraintes que nos voisins ont jugé bon d'imposer. Ce n'est pas en esquivant nos responsabilités que nous résoudrons ces problèmes.

L'amendement 134, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Bur - Les amendements 175 et 174 sont défendus.

M. le Rapporteur - La commission ne les a pas examinés, mais à titre personnel, je leur donne un avis favorable.

M. le Ministre - Sagesse.

L'amendement 175, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 174.

ART. 15 QUATER ET QUINQUIES

Les articles 15 quater et quinquies, successivement mis aux voix, sont adoptés.

ART. 15 SEXIES

M. le Rapporteur - L'amendement 118 rectifié est rédactionnel.

L'amendement 118 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 15 sexies, ainsi modifié, est adopté.

ART. 15 SEPTIES

L'article 15 septies est adopté.

ART. 15 OCTIES

Mme Odile Saugues - L'amendement 151 tend à supprimer cet article, pour les raisons exposées à propos de la construction des infrastructures ferroviaires.

M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, j'y suis défavorable, pour les mêmes raisons que pour les amendements de suppression de l'article 13.

M. le Ministre - Avis défavorable.

M. Daniel Paul - Il faut dénoncer là encore l'extension du recours aux partenariats public-privé et aux délégations de service public à ce mode de transport. Dans ce contexte de désengagement de l'Etat, les investissements privés seront-ils à même de répondre aux enjeux du développement fluvial ?

La voie fluviale est en effet sous-utilisée en France. Elle ne représente que 4% des transports, contre 42% aux Pays-Bas et 14% en Allemagne, et est concentrée dans les zones frontalières. Or, selon les associations de protection de l'environnement, il serait possible, sans aménagement particulier, de multiplier par trois ou quatre le trafic sur la Seine, et par sept sur le Rhône ! Ce mode de transport pollue beaucoup moins que le routier. Il est donc urgent de le développer, mais en trouvant une solution à la situation actuelle, où les parts de marché qu'il gagne sont prises au ferroviaire plutôt qu'au routier.

Le fluvial emporte des coûts de manutention élevés. Seules des aides au développement de la voie d'eau et la prise en compte des coûts réels de la route pourront donc lui redonner un avantage. Il s'agit certes d'un mode de transport plus lent que la route, mais de nombreuses marchandises y sont indifférentes : ce sont surtout la ponctualité et la sécurité qui importent.

Quant à son financement, comment l'assurer si l'on refuse les partenariats public-privé ? J'avais proposé la mise en place d'un pôle public de financement, articulé autour de la Caisse des dépôts et consignations, de La Poste et des Caisses d'épargne et destiné aux infrastructures de transport nécessaires à la collectivité, qui ont besoin de prêts à longue durée et de taux réduits. L'épargne populaire peut être mobilisée pour de tels investissements, et les sommes considérables dont dispose la Caisse des dépôts et consignations y seraient plus utilement utilisées qu'à alimenter les marchés financiers. L'origine publique de ces fonds éviterait de soumettre les projets à des taux de retour sur investissement et de rendement trop lourds et inscrirait les subventions dans une logique de long terme, plutôt que projet par projet. Ce pôle pourrait disposer d'autres ressources, telles qu'une taxe sur les chargeurs ou sur les gros transporteurs routiers, dans le cadre d'une politique de rééquilibrage intermodal. Un tel financement public permettrait d'assurer à la fois les financements et la démocratisation de la gestion des ressources. On pourrait également imaginer qu'un conseil de surveillance, composé de parlementaires, d'élus locaux, de représentants des comités d'usagers et des personnels des entreprises de transport, gère l'affectation des fonds, qui devraient aller en priorité aux projets les plus structurants pour l'aménagement du territoire, le développement économique et le service public.

Telles ne sont, hélas, pas les orientations retenues. D'où notre rejet de cet article.

L'amendement 151, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 42 vise à prendre en compte les spécificités des voies navigables, ce que le texte du Sénat ne permettait pas. Il facilitera notamment le recours à un partenariat public-privé pour le projet Seine-Nord ainsi que pour la réhabilitation des barrages manuels, dont la vétusté pose de graves problèmes de sécurité pour les agents de VNF.

M. Yves Bur - L'amendement 7 de la commission des finances est identique.

Les amendements 42 et 7, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Yves Bur - L'amendement 8 supprime une disposition inutile afin de ne pas ralentir le montage de partenariats public-privé en matière de voies navigables

L'amendement 8, accepté par la commission et par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 43 permet à l'Etat de se substituer à VNF pour la conclusion de partenariats public-privé.

M. Yves Bur - L'amendement 9 est identique.

Les amendements 43 et 9, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

L'article 15 octies modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 5.

                La Directrice du service
                du compte rendu analytique,

                Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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