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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 47ème jour de séance, 106ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 20 DÉCEMBRE 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

SOMMET EUROPÉEN DE BRUXELLES 2

PERSONNES HANDICAPÉES 3

DRAME DU LYCÉE D'ÉTAMPES 3

IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE 4

CONSEIL EUROPÉEN DE BRUXELLES 5

VIOLENCES SCOLAIRES 6

VIOLENCE À L'ÉCOLE 7

DETTE PUBLIQUE 8

OPÉRATION NATIONALE DE PARRAINAGE 9

PRIVATISATIONS 9

PROJET DE LOI RELATIF AU DROIT D'AUTEUR 10

PROTECTION DE L'ENFANCE 11

PROJET DE LOI DE FINANCES
POUR 2006 (CMP) 12

TEXTE DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE 23

RAPPEL AU RÈGLEMENT 24

PROJET DE LOI DE FINANCES
POUR 2006 -CMP- (suite) 25

RAPPEL AU RÈGLEMENT (suite) 30

PROJET DE LOI DE FINANCES
POUR 2006 -CMP- (suite) 30

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

SOMMET EUROPÉEN DE BRUXELLES

M. Pascal Terrasse - Monsieur le Premier ministre, la France sort incontestablement affaiblie du sommet européen. Tous les observateurs politiques ont remarqué que le chef de l'Etat était resté comme absent des négociations (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : si l'influence d'Angela Merkel a été grande, le Président de la République s'est trouvé relégué, lui, dans un rôle de spectateur. Et surtout, ce sommet n'a pas su insuffler la volonté politique dont l'Europe a besoin. La voix de la France dans l'Union européenne est aujourd'hui inaudible et notre faiblesse aura de graves conséquences.

Ce budget au rabais ne reflète que les intérêts particuliers de chaque Etat. Chacun a consenti des concessions, mais au coup par coup, sans que se dessine une réponse durable aux défis qui nous attendent. C'est donc un sommet pour rien.

Le « chèque britannique » n'a été que très partiellement remis en cause, tandis que reculera le soutien européen au développement économique, à la recherche et à l'innovation. Ce budget ne permettra pas non plus de favoriser la croissance et l'emploi, ni de financer l'élargissement de façon pérenne.

Enfin, les conclusions du sommet n'évoquent même pas la réduction à 5,5% du taux de TVA applicable à la restauration, malgré tout le tapage mené par le Gouvernement, la question étant renvoyée au Conseil des ministres des finances qui doit se tenir en janvier prochain.

Comment respecterez-vous donc vos engagements ? Notre Assemblée a déjà dû se contenter d'une simple résolution en faveur du taux réduit de TVA dans la restauration. Et que comptez-vous faire pour que la France exprime à nouveau une ambition réelle pour l'Union européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères - Le dernier Conseil européen s'est conclu par un bon accord pour l'Europe et pour la France (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Cet accord est bon pour l'Europe, car il repose sur deux principes : la solidarité, ce budget permettant de financer l'élargissement et la convergence économique et sociale, condition essentielle pour éviter les délocalisations et le dumping social ; mais aussi l'équité, car pour la première fois depuis 1984, le mécanisme du « chèque britannique » a pu être modifié, de sorte que tous les pays membres participeront au financement de l'élargissement.

J'ajoute que cet accord est bon pour la France, car il assure la stabilité des politiques communes, et en particulier celle de la PAC jusqu'en 2013.

Chacun a enfin pu constater que le pilier franco-allemand a tenu bon et qu'il a su rallier autour de lui l'Italie, la Pologne, la Belgique et le Luxembourg.

M. Jean-Marc Ayrault - Et la TVA ?

M. le Ministre - S'agissant de la TVA, nous avons rendez-vous le 24 janvier prochain, lors du Conseil des ministres de l'économie et des finances. M. Breton y défendra le principe d'une réduction de la TVA pour le bâtiment et la restauration.

J'ai lu que le parti socialiste souhaitait un budget plus important, à hauteur de 1,2% du PIB. Vous proposez donc 140 milliards d'euros supplémentaires de dépenses de 2007 à 2013 : les contribuables jugeront ! (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

PERSONNES HANDICAPÉES

M. Michel Hunault - Monsieur le ministre délégué aux personnes handicapées, la loi du 11 février dernier a institué une nouvelle prestation de compensation du handicap, prestation beaucoup plus ambitieuse que l'allocation compensatrice pour tierce personne, qui reposait sur le seul handicap.

Cette loi prévoit en effet que la prestation sera individualisée en fonction du projet de vie de la personne et qu'elle pourra inclure aussi bien des moyens humains que matériels. Seront en outre créées des maisons du handicap dans chaque département. Ces dispositions ouvrent donc un immense chantier en faveur des personnes handicapées, celui de la solidarité, et elles ont suscité beaucoup d'espoir.

M. Jean Glavany - Mais qui paiera ?

M. Michel Hunault - Pouvez-vous préciser, Monsieur le ministre, quels moyens seront affectés au financement de cette prestation et nous indiquer la teneur des décrets d'application ?

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille - Votre question arrive à point nommé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Ce matin, le Journal Officiel, a publié plusieurs décrets, dont un particulièrement important définissant le contenu exact de la prestation de compensation du handicap.

Dès ma prise de fonction, il y a six mois, j'ai réuni les représentants des associations de personnes handicapées qui siègent au Conseil national avec deux impératifs : l'urgence et la concertation. Aujourd'hui, ces deux impératifs ont été respectés. Nous avons fixé des priorités : augmentation de l'allocation aux adultes handicapés - aujourd'hui égale à 80% du SMIC pour les personnes handicapés en incapacité de travail ; mise en place de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ; inscription de chaque enfant handicapé dans l'école de son village ou de son quartier ; décrets d'application de la grande loi sur l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées. Ces décrets concernent la prestation de compensation du handicap, l'accessibilité pour les personnes handicapées à tous les bâtiments et aux guichets et, enfin, l'emploi. A la fin de 2005, toutes les conventions passées entre l'Etat, les départements et les caisses de sécurité sociale pour mettre en place les maisons départementales du handicap auront été signées, à l'exception d'une seule, mais je gage que le département en question rattrapera rapidement son retard.

Concernant le financement de la prestation de compensation du handicap et à la différence de ce qui a été fait dans un passé récent avec la création de l'APA, nous avons, nous, réuni les crédits avant de créer la prestation ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Augustin Bonrepaux - Menteur !

M. le Ministre délégué - Enfin, les décrets sur l'accessibilité aux bâtiments passent aujourd'hui devant le Conseil national des personnes handicapées, et tous les décrets relatifs à l'emploi sont présentés aujourd'hui devant le Conseil d'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

DRAME DU LYCÉE D'ETAMPES

M. François Liberti - L'agression inadmissible dont une enseignante a été victime vendredi à Etampes a suscité une émotion profonde et légitime. Fort heureusement, ses jours ne sont pas en danger, mais ce grave incident soulève une fois de plus le problème des moyens dont disposent les établissements scolaires. Vous proposez, Monsieur le ministre de l'éducation nationale, d'ouvrir des permanences de la police et de la justice dans ces établissements mais, comme vient de le dire la communauté éducative, cette proposition est loin de répondre aux enjeux. Cette violence inacceptable exprime en effet le délitement d'une société fondée sur les inégalités et la soumission des services publics aux dogmes de la marchandisation et de l'ultra-libéralisme. Les enseignants et les jeunes ont moins besoin d'une réponse sécuritaire que d'un encadrement accru, alors que plus de 30 000 postes ont disparu ces dernières années.

Au lycée d'Etampes, l'équipe éducative réclame depuis longtemps une infirmière à temps plein, un proviseur-adjoint ainsi qu'une psychologue. Allez-vous répondre à cette attente ? Allez-vous procéder aux recrutements nécessaires ? Allez-vous mettre en place un collectif budgétaire afin de donner à l'éducation nationale les moyens de renforcer l'encadrement éducatif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Je ne souhaite pas que l'on parte de cet acte odieux pour poser un problème général, mais je vous dois une réponse, Monsieur Liberti.

Le lycée Louis-Blériot d'Etampes comprend 370 élèves, 22 personnels non enseignants dont une infirmière et une assistante sociale à temps partiel, trois assistants d'éducation, quatre aides éducateurs, deux AVS. Concernant les enseignants, on dénombre 33 équivalents temps plein - soit 47 enseignants à temps plein ou à temps partiel. Les effectifs de toutes les classes sont compris entre 12 et 24 élèves, soit un taux d'encadrement tout à fait satisfaisant, un adulte pour six élèves. Nul ne saurait d'ailleurs prétendre qu'avec un taux encore meilleur, cette agression n'aurait pas été commise.

L'éducation nationale constitue une priorité pour le Gouvernement : les crédits de la mission « Enseignement scolaire » atteignent 58,5 milliards, et les crédits de l'éducation nationale pour cette mission progressent de 3,65% en 2006. Vous ne les avez d'ailleurs pas votés ! L'éducation nationale ne peut ignorer les évolutions démographiques. Pourtant, si en dix ans, les effectifs ont chuté de 411 000 élèves, 19 000 postes d'enseignants ont néanmoins été créés. Et en 2006, nous créerons 1 000 emplois de professeurs et 300 d'infirmières.

Au-delà des chiffres, la plus grande richesse de l'éducation nationale, c'est le dévouement des hommes et des femmes qui, sans compter, se donnent à leur mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE

M. Marc Francina - Mercredi dernier, l'opération « Pachtou » a permis d'interpeller simultanément 90 personnes en France, en Italie, en Grèce, en Turquie et en Grande-Bretagne. C'est une importante filière d'immigration irrégulière qui a ainsi été démantelée. Mis en place il y a cinq ans, ce réseau très structuré avait permis à des milliers de clandestins de se rendre en Grande-Bretagne via le Calaisis, en échange d'importantes sommes d'argent. Selon les enquêteurs, parmi les sept personnes interpellées en Grande-Bretagne figurent l'organisateur et le financier présumé du réseau. Trois suspects sont en outre visés par un mandat d'arrêt européen lancé par la justice française. En France, plusieurs personnes interpellées ont été mises en examen pour aide à l'entrée et au séjour irrégulier d'un étranger commis en bande organisée tandis que dix autres ont été remises en liberté sans qu'aucune charge ait été retenue contre elles. Cette action coordonnée démontre l'efficacité d'une collaboration des policiers et des magistrats européens dont l'enquête avait commencé en octobre 2004.

Monsieur le ministre d'Etat, quel bilan tirez-vous de cette opération concertée avec nos partenaires ? Comment entendez-vous lutter contre ces réseaux organisés? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire - Cette opération est exemplaire. D'abord parce que le Parlement a fait de l'esclavagisme un crime contre l'humanité et que les esclavagistes des temps modernes, ce sont les trafiquants qui utilisent la misère humaine pour faire venir dans nos pays des personnes qui n'ont ni logement, ni emploi. Nous ne devons faire montre d'aucune faiblesse à leur endroit.

Opération exemplaire aussi parce que les polices de cinq pays, la Grèce, la Turquie, la Grande-Bretagne, l'Italie et la France ont travaillé en réseau : confrontés aux mêmes problèmes, c'est ensemble que nous devons faire face !

Opération exemplaire encore parce que ce réseau avait fait venir quelque 4 000 immigrants irréguliers, dont une grande partie se retrouvait dans le Calaisis grâce à des intermédiaires kurdes, irakiens et afghans.

Opération exemplaire enfin, parce que vingt-deux personnes ont été interpellées dans les différents pays concernés, et qu'elle nous incite à multiplier les actions de cette nature. Les trafiquants savent désormais qu'ils n'ont aucune faiblesse à attendre de nous...

M. Jean Le Garrec - Lamentable !

M. le Ministre d'Etat - ...et que nous sommes résolus à tout faire pour empêcher ces réseaux de prospérer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

CONSEIL EUROPÉEN DE BRUXELLES

M. Christian Philip - L'Union européenne ne gagnerait rien à une nouvelle crise et nous devons nous féliciter qu'un compromis équilibré ait été atteint au Conseil européen de Bruxelles pour ce qui concerne le budget communautaire 2007-2013. Le Président de la République a fait montre de toute la fermeté requise et ses positions sur la PAC ont été écoutées, n'en déplaise à ceux qui se sont crus autorisés à le dépeindre en simple spectateur ! Il est important aussi que le Royaume-Uni ait enfin accepté de faire un geste sur son chèque. La France a également pris toute sa part dans l'indispensable action solidaire envers les nouveaux membres de l'Union.

Je regrette cependant qu'un compromis de même nature n'ait pas été atteint pour ce qui concerne la TVA sur la restauration...

M. Maxime Gremetz - Ah ! Il faut tenir les promesses électorales !

M. Christian Philip - ...et j'espère que, fort de la résolution que nous avons adoptée la semaine dernière sur ce sujet, le Gouvernement restera ferme sur ses positions.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, quels lendemains faut-il attendre du Conseil de Bruxelles ? Quelles suites le Gouvernement entend-il donner aux excellentes initiatives prises au plan institutionnel en vue de dépasser l'échec du 29 mai ?

Le Conseil européen s'est par ailleurs fort légitimement ému des récents attentats commis au Liban. La commission d'enquête des Nations unies va-t-elle poursuivre son action ? Comment éviter que la situation sur place continue de se dégrader ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères - Je l'ai dit tout à l'heure : l'accord obtenu la semaine dernière à Bruxelles est bon pour la France. Il a en effet permis de stabiliser les politiques communes : la PAC, dont le financement est, grâce au Président Chirac, garanti jusqu'au 31 décembre 2013 ; les fonds régionaux, pérennisés à hauteur de 9 milliards ; l'action en faveur du développement durable, dotée de 6 milliards. Quant au chèque britannique, les concessions obtenues nous intéressent d'autant plus que la France finance à elle seule près de 30% du rabais.

S'agissant du budget européen proprement dit, nous avons obtenu que la Commission rende un rapport global au Conseil dès 2008, en vue de remettre à plat les modalités de financement de l'ensemble des politiques en reconsidérant les sources de recettes, le niveau des dépenses et la fiscalité.

Au plan institutionnel, certaines avancées méritent d'être soulignées, dont la décision - qui est passée un peu inaperçue - de refuser toute nouvelle négociation d'adhésion - y compris pour les Balkans - tant que les règles du jeu n'auront pas été précisées et que l'expérience de la vie commune à 25 ou à 27 n'aura pas été approfondie...

M. Maurice Leroy - Et la Turquie ?

M. le Ministre - S'agissant enfin des insupportables atteintes aux droits de l'homme perpétrées au Liban, je partage bien évidemment votre indignation et je suis en mesure de vous confirmer qu'un nouveau juge international agira dans le cadre de la commission d'enquête des Nations unies pour tenter de faire toute la lumière sur ces affaires. Quels qu'ils soient et où qu'ils se trouvent, les assassins de Rafic Hariri, de Gebrane Tuéni et des autres personnalités doivent être punis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

VIOLENCES SCOLAIRES

Mme Maryvonne Briot - J'associe à ma question notre collègue Franck Marlin, qui est aussi maire d'Etampes. Vendredi dernier, Mme Karen Montet-Toutain, professeure d'arts plastiques, a été violemment agressée en pleine classe par un élève de dix-huit ans. Si tous ne conduisent pas à de tels drames, les quelque 80 000 incidents violents recensés l'an dernier montrent que l'école n'est malheureusement plus le sanctuaire qu'elle aurait vocation à demeurer et qu'il faut se garder de tout angélisme. Face au développement des agressions verbales et physiques, du racket, du vandalisme, des incivilités, des insultes, des bousculades et des humiliations de toute nature, il est du devoir de l'ensemble de la société de se mobiliser pour ne pas laisser les enseignants gérer seuls des situations impossibles. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, comment contenir ce fléau et éviter que de tels drames se reproduisent ? (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Je suis sûr que nous nous retrouvons tous pour adresser des vœux de prompt rétablissement à Mme Montet-Toutain, dont l'état de santé s'améliore mais qui appréciera sans doute que nous lui exprimions notre solidarité.

Madame la députée, vous avez raison de souligner qu'il est inacceptable que des enseignants soient contraints de faire classe la peur au ventre et que de trop nombreux jeunes essaient d'apprendre dans un climat tendu. Les drames qui surviennent commandent une réaction rapide. Ainsi, j'engage tous les enseignants concernés à porter plainte systématiquement et à alerter leur entourage avant que ne survienne un épisode dramatique...

Mme Martine David - C'est bien ce qu'avait fait ce professeur. Mais en vain !

M. le Ministre - J'ai fait part de mon souhait de voir organiser des permanences de policiers et de gendarmes dans les établissements les plus sensibles et de renforcer les liens entre les inspecteurs d'académie et les parquets, notamment pour donner suite plus rapidement aux plaintes des enseignants. Le Garde des Sceaux y est d'ailleurs tout à fait favorable. En outre, les enseignants pourront s'adresser aux maisons de justice (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et devront être mieux formés à la gestion des situations violentes, aujourd'hui singulièrement négligée.

M. Maxime Gremetz - Il faut les envoyer à l'armée !

M. le Ministre - Je veillerai à ce que les cahiers des charges des IUFM, en cours de définition, prévoient que les élèves enseignants soient aidés à exercer l'autorité qui leur revient naturellement.

Au-delà des murs de l'école, la mission éducative incombe aux parents et je souhaite mettre au point un véritable statut des parents dans les 250 collèges « ambition réussite », en vue de mieux les associer au fonctionnement des établissements (Quelques exclamations sur les bancs du groupe socialiste). A cet effet, des salles de rencontres seront prévues, de sorte que dans le cadre d'une sorte d'école des parents, familles et enseignants mettent en commun leurs ressources et leur autorité au service de nos jeunes. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Paul Giacobbi - A quand une école pour les ministres ?

VIOLENCE À L'ÉCOLE

M. Yves Durand - Monsieur le ministre de l'éducation nationale, je voudrais à mon tour, au nom du groupe socialiste, dire que nos pensées vont vers Mme Karen Montet-Toutain et que, au-delà, nous tenons à témoigner notre solidarité à l'ensemble des personnels de l'éducation nationale. Il est en effet intolérable que des vies soient brisées au sein même de l'école, qui doit être le lieu privilégié de l'apprentissage du vivre ensemble par le savoir et la recherche de l'émancipation de chacun. Dans cette affaire, toute la lumière doit être faite sur les responsabilités de tous, et la justice doit passer.

Mais quand la violence entre à l'école, c'est un échec du système scolaire tout entier. C'est donc à nous tous d'y apporter des remèdes de fond. Or, je crains que ce que vous avez annoncé hier, et rappelé à l'instant, ne soit pas à la hauteur des problèmes graves que trop de jeunes affrontent et qui les conduisent, trop souvent, à des actes de violence.

L'autosatisfaction dont vous venez de faire preuve en répondant à M. Liberti n'est aucunement partagée par les enseignants ni par les parents. Ce dont ont besoin les élèves en échec scolaire, ce ne sont pas de portiques de protection ou de caméras de vidéosurveillance, ce sont des classes moins chargées (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), des équipes éducatives stables et formées qui leur rendent confiance (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Ce dont les familles déstructurées ont besoin, ce n'est pas de la suppression des allocations familiales  Si ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) mais de psychologues et d'assistantes sociales, dont vous supprimez les postes depuis trois ans.

M. Philippe Briand - Démago !

M. Yves Durand - Ce dont les enseignants ont besoin, ce n'est pas de l'aide des policiers et magistrats, mais de temps pour se concerter, écouter, travailler (Vives interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Je vous en prie ! Monsieur Durand, concluez.

M. Yves Durand - Je parlerai quand il y aura un peu de respect.

M. le Président - Vous faites la même chose quand les autres parlent !

M. Yves Durand - Or, on a déstabilisé les équipes éducatives par des suppressions massives de postes de surveillants.

Monsieur le ministre, vous semblez vous obstiner dans les mauvaises réponses. Quand allez-vous donner les véritables moyens de résoudre les problèmes de l'école ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Oui, Monsieur Durand, toute la lumière sera faite. J'ai demandé un rapport à l'inspection générale. Il sera rendu en janvier et vous en aurez connaissance.

Mais il est trop facile de faire des effets de tribune quand un drame s'est produit. Pensez d'abord à la victime (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Surtout, chaque fois que nous avons voulu rapprocher les services de l'Etat pour obtenir plus d'efficacité dans la prévention, de votre côté de l'hémicycle, il y a eu des oppositions (Mêmes mouvements). Ainsi, lorsqu'avec le ministre de l'intérieur, nous avons voulu que des forces de police ou de gendarmerie soient disposées à proximité des établissements scolaires, vous avez été contre ! (Mêmes mouvements) Quand nous avons voulu régler par une circulaire sur la discipline le problème des groupes qui perturbaient les classes, vous avez protesté ! Certains ont même fait un recours. (Mêmes mouvements) Quand mon prédécesseur a proposé qu'on donne une note de vie scolaire pour tenir compte de l'assiduité, ce fut le même concert de protestations. (« Hou ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Certes, il faut apprendre aux élèves la citoyenneté et le respect d'autrui. Mais cette mission éducative ne peut être menée que dans la sérénité. Vous avez refusé de prendre des mesures pour l'assurer ; nous les prenons, ne vous en plaignez pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF )

DETTE PUBLIQUE

M. Philippe Auberger - La commission Pébereau vient de remettre son rapport. Elle constate que la dette publique a été multipliée par cinq en vingt ans et atteint 1 100 milliards fin 2005.

M. Jacques Desallangre - Et vous baissez les impôts !

M. Philippe Auberger - La charge de cette dette est à peine inférieure au produit de l'impôt sur le revenu. Elle devient de plus en plus insupportable. La cause en est claire. Même lors des belles années de croissance, les dépenses des administrations publiques ont été supérieures de plus de 20% aux recettes, et financées par l'emprunt.

Le rapport propose de revenir à l'équilibre du budget de l'Etat en cinq ans en stabilisant les dépenses en euros courants ; de diminuer le niveau global de prélèvements obligatoires pendant cette phase ; d'affecter les recettes exceptionnelles, notamment par vente d'actifs, au désendettement de l'Etat et au fonds de réserve des retraites ; d'assurer le retour à l'équilibre des régimes sociaux ; de veiller à ce que les collectivités locales gardent une réelle maîtrise de leurs recettes et de leurs dépenses.

M. Augustin Bonrepaux - Ce n'est pas le cas !

M. Philippe Auberger - C'est à l'honneur du gouvernement actuel d'avoir eu le courage d'engager le débat sur le niveau de la dette publique. A-t-il l'intention de retenir certaines orientations du rapport Pébereau ? Si oui, lesquelles, et comment compte-t-il les mettre en œuvre ? Surtout, comment compte-t-il associer les collectivités locales et les partenaires sociaux à la maîtrise de l'endettement public ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Nous avons souhaité, de façon non partisane (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) créer une commission au sein de laquelle tous les partis sont représentés. Le constat a été accepté à l'unanimité.

Effectivement, depuis 25 ans, on dépense plus qu'on ne le devrait.

M. Michel Bouvard - Très bien.

M. le Ministre - C'est vrai aussi qu'il y a eu des périodes pendant lesquelles on a plus dépensé qu'à d'autres. Mais ce que je veux retenir, pour l'action du Gouvernement, c'est d'abord qu'il est indispensable de recréer les conditions de la croissance. C'est ce que nous faisons, puisque depuis le troisième trimestre, la croissance française est la plus élevée des grands pays européens. Il faut aussi mobiliser toutes les ressources pour l'emploi, car un inactif qui reprend le travail c'est de la croissance en plus. Tel est le sens de notre action.

Mais il y a eu des périodes, - c'est un constat de la commission - pendant lesquelles on a commis des erreurs économiques, comme les nationalisations à contresens de la mondialisation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), les retraites à 60 ans sans mesure d'accompagnement, les 35 heures non négociées (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Tout cela se retrouve dans la dette, c'est ce qu'a constaté la commission.

Alors, oui, le gouvernement Raffarin a d'abord remis la France à l'endroit - il y a fallu trois ans (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Le gouvernement Villepin peut maintenant, sans laisser personne au bord de la route, aller plus rapidement vers le désendettement : c'est ce que le Premier ministre a demandé en convoquant pour le mois de janvier une conférence des finances publiques, à laquelle ont été invités tous les acteurs publics. Il a aussi pris l'engagement de parvenir au désendettement d'ici cinq ans : la politique que nous menons permettra de revenir au-dessous des 60% du PIB ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

OPÉRATION NATIONALE DE PARRAINAGE

M. Jean-Claude Mathis - Monsieur le Garde des Sceaux, l'insertion professionnelle des jeunes est l'un des défis auxquels notre société est confrontée, mais celle des jeunes placés sous mandat judiciaire s'avère plus difficile encore. Pourtant, elle constitue un moyen efficace pour leur permettre de retrouver leur place dans la société.

Vous avez récemment lancé une opération nationale de parrainage par des chefs d'entreprises et des cadres pour accompagner ces personnes dans leur insertion professionnelle. Ces parrains s'engageraient à recevoir un jeune plusieurs fois dans l'année, afin de lui faire découvrir le monde du travail, de lui prodiguer des conseils et de l'orienter vers un stage ou un emploi.

En agissant ainsi de manière concrète, vous offrez une chance supplémentaire à ceux qui ont mal engagé leur vie professionnelle. Pouvez-vous nous en dire plus sur les modalités, les objectifs et le calendrier de cette opération ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice - Cette opération de parrainage, que je souhaite lancer avec vous tous, correspond à un chiffre parlant : 80 000 mineurs ont été présentés à un juge en 2004. Je demande donc aux Français qui le souhaitent de consacrer en 2006 six heures de leur temps à ces personnes.

Pourquoi ? Ces jeunes ne connaissent que leur famille, souvent en difficulté et n'ont parfois rencontré d'autres référents que des éducateurs ou des surveillants d'administration pénitentiaire. Etre reçu par quelqu'un, comme on dit chez moi, « d'aplomb », qui les écoute, les aide à mettre sur pied un projet professionnel ou éducatif et leur ouvre son carnet d'adresses, peut les aider à orienter leur avenir. Que la société, par une attitude d'ouverture, inspire plus la confiance que la méfiance contribuera, je pense, à résoudre ce problème.

Cette opération n'est pas compliquée : vous pourrez vous procurer place Vendôme un kit de présentation. Je ne forme d'autre vœu pour l'année 2006 que ce que représente le symbole de cette initiative : une main s'emboîtant dans une autre. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

PRIVATISATIONS

Jean-Paul Bacquet - Monsieur le Premier ministre, la première décision de la direction d'EDF, après la privatisation, a été de programmer la suppression de 6 000 emplois.

M. Michel Delebarre - Et voilà !

M. Jean-Paul Bacquet - Les premiers actionnaires, quelque peu déçus par les premières cotations boursières, ne peuvent que se réjouir de cette décision qui s'est traduite immédiatement par une hausse du cours.

En revanche, il est étonnant que personne ne s'interroge sur les conséquences d'une telle réduction sur la qualité du service rendu par une entreprise qui a assuré une excellente couverture du territoire, une péréquation tarifaire et l'indépendance énergétique de notre pays.

Vous venez par ailleurs de privatiser les autoroutes en bradant le patrimoine de l'Etat pour 14,8 milliards, très au-dessous des 22 milliards prévus par le rapporteur général du budget Gilles Carrez.

« Quelle erreur ce serait de se priver d'une ressource aussi sûre, stable et récurrente pour financer les infrastructures publiques, alors que le budget de l'Etat en est, pour longtemps, incapable ! », écrivait il y a huit jours Albin Chalandon, ancien ministre de l'équipement du général de Gaulle, ajoutant qu'« une commodité immédiate du budget de l'Etat ne doit pas occulter une nuisance future pour le bien-être de la nation. »

Quand cesserez-vous de privatiser le service public pour satisfaire des actionnaires, au détriment de la qualité du service rendu et des emplois ? Monsieur le Premier ministre, la politique de la France se ferait-elle désormais à la corbeille ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je vois que vous vous êtes déguisé en Père Noël et que votre hotte est pleine de mensonges ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Merci de me donner l'occasion de vous redire la cohérence de la politique du Gouvernement. S'agissant de la mise sur le marché des autoroutes - l'une des bonnes décisions prises par M. Fabius -, l'Etat n'a fait que céder les titres qu'il détenait dans les sociétés concessionnaires. On en attendait au départ une dizaine de milliards, la recette atteint finalement près de 15 milliards (Applaudissements sur quelques bancs de l'UMP), après un processus clair et concurrentiel, engagé sous l'autorité indépendante de la commission des participations et des transferts. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Trois entreprises assureront désormais, sous le contrôle de l'Etat, l'activité qui a été la sienne...

M. Jean-Paul Bacquet - Menteur !

M. le ministre - ...avec, à la clé, un service aux Français renforcé, une plus grande compétitivité et - ce qui n'est pas négligeable - 4 milliards pour les infrastructures et 10 milliards pour le désendettement. Cela permettra, grâce aux économies de charge, de payer par exemple 10 000 fonctionnaires dans les ZEP.

Oui, le Gouvernement est parfaitement cohérent ; merci de m'avoir donné l'occasion de le rappeler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP etsur quelques bancs du groupe UDF)

PROJET DE LOI RELATIF AU DROIT D'AUTEUR

M. Laurent Hénart - Monsieur le ministre de la culture et de la communication, vous défendrez d'ici quelques heures le projet de loi relatif au droit d'auteur, qui a tardé à venir et qu'une directive européenne nous oblige aujourd'hui à examiner.

Ce projet répond aux défis posés par les nouvelles technologies en matière de respect du droit d'auteur, puisque l'Internet permet de copier une œuvre à l'infini, avec une qualité égale à celle de l'original. Toutefois, le cadre légal que propose ce texte suscite des inquiétudes pour des associations, des entreprises et des internautes. Certains voient dans les mesures techniques de protection qui visent à limiter les copies une restriction de la liberté liée au numérique. Comment comptez-vous rassurer ceux qui, tout en respectant les artistes et les auteurs, souhaitent que la toile demeure un espace de liberté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - Le Gouvernement, comme l'ensemble de la majorité, est résolu à ce que chacun de nos concitoyens puisse profiter au mieux des nouvelles technologies de la communication. De ce point de vue, Internet, espace de liberté et de découverte, représente une chance. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) L'objectif est de faire en sorte que le maximum de musique, de cinéma, et autres expressions artistiques en tous genres, y soit accessible. Je souhaite donc qu'il existe une nouvelle offre légale diffusée sur la toile. Mais il faut pour cela un dispositif de sécurité juridique permettant que les œuvres soient librement diffusées, tout en garantissant à leurs auteurs une juste et légitime rémunération. A l'heure même où je vous parle, la question de la rémunération des artistes et des techniciens est en débat.

Il est pour le moins paradoxal que certains, d'un côté, militent pour la gratuité - qui ne permet pas de rémunérer les artistes -, et de l'autre, défendent la rémunération des artistes (« Tout à fait ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP). Mais je puis vous annoncer qu'il y a moins de trois heures, un accord a été signé entre les fournisseurs d'accès à Internet et le monde du cinéma, de la télévision et de la diffusion. Comme pour la musique, une diffusion responsable des films sera donc possible.

Le Gouvernement souhaite dépasser les caricatures et sortir de l'impasse actuelle. Il est faux de prétendre que la loi interdira la copie privée. Il l'est tout autant de prétendre que les jeunes, et d'une manière générale les internautes, risqueront la prison. Au contraire, observés dans le monde entier, vous allez avoir l'insigne responsabilité, d'innover (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), en adoptant une réponse graduée, qui prévoit d'abord d'informer et d'éduquer les internautes qui seraient coupables de piraterie. Il est faux enfin de prétendre que nous porterons atteinte aux logiciels libres...

M. le Président - Merci, Monsieur le ministre.

M. le Ministre - Ce projet de loi évitera la domination mondiale de certains groupes et, en introduisant de la concurrence, permettra que la diversité culturelle soit bien une réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

PROTECTION DE L'ENFANCE

M. Bernard Perrut - En cette période de Noël, ma question concerne l'enfance. Une famille d'accueil confiait hier dans la presse qu'elle se souviendrait toute sa vie de l'arrivée chez elle de deux enfants placés par les services de l'aide sociale à l'enfance, qui ne pouvaient ni parler, ni manger, ni dormir tant leur souffrance était grande... Un tel témoignage ne peut nous laisser indifférents en cette période de fin d'année où les enfants sont à l'honneur, et où les valeurs de solidarité et de partage prennent tout leur sens.

Les actes de maltraitance envers les enfants augmentent. La pauvreté, la maladie, l'échec scolaire, la délinquance sont d'autres difficultés qui entravent l'épanouissement des enfants. Dans son dernier rapport, Mme Brisset a dit sa préoccupation : il est intolérable que, chaque année, plus d'une centaine d'enfants meurent par suite de maltraitances.

Monsieur le ministre délégué à la famille, vous venez d'annoncer une réforme de la protection de l'enfance. Comment entendez-vous agir, en liaison avec les services spécialisés, les conseils généraux, les assistants familiaux, les médecins et les enseignants, pour améliorer la détection des situations dramatiques, adapter les modes de prise en charge des enfants, mais aussi donner toute sa place à la prévention et soutenir les parents qui éprouvent des difficultés à exercer la fonction parentale ?

Formulons le souhait, comme l'écrivait Blaise Pascal que la sagesse nous renvoie à l'enfance, et qu'un grand débat national s'ouvre sur ce thème de la protection de l'enfance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille - Vous avez posé avec beaucoup de sensibilité une question grave. Il est de notre devoir le plus sacré d'assurer aux enfants les conditions d'un développement harmonieux. Or, plusieurs tragédies nous ont rappelé que trop d'enfants sont victimes de maltraitances. A Angers, à Outreau, à Drancy, des enfants ont été battus, agressés, violés, sans parler des négligences dues à la défaillance des parents, hélas, de plus en plus fréquente. Divers indicateurs révèlent une augmentation des actes de maltraitance envers les enfants.

C'est pourquoi, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, une réforme de la protection de l'enfance est en cours. Son objectif sera triple. Tout d'abord, renforcer la prévention. Trop d'occasions, comme l'examen obligatoire au quatrième mois de grossesse ou le séjour à la maternité, ne sont pas mises à profit pour détecter les défaillances parentales et les risques de maltraitance. La protection maternelle et infantile, ainsi que l'école maternelle, ont aussi un rôle à jouer en ce domaine.

Notre second objectif est d'améliorer le signalement et le partage de l'information. Dans trop de cas, des situations dangereuses pour l'enfant ne sont pas signalées, alors que d'autres font l'objet d'un signalement qui ne serait pas indispensable. Il faut donc établir des règles du jeu claires et, sans remettre en question le secret professionnel, indispensable pour intervenir efficacement auprès des familles, faciliter le partage des informations en cas de danger pour l'enfant.

Le troisième objectif sera d'assouplir les modes d'intervention en développant des formules souples, intermédiaires entre le maintien de l'enfant dans sa famille et son placement. Les conclusions de la mission parlementaire d'information sur la famille et les droits de l'enfant nous seront très précieuses dans la préparation de ce projet de loi, qui donne actuellement lieu à un grand débat décentralisé dans tout le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 25, sous la présidence de M. Bur.

PRÉSIDENCE de M. Yves BUR

vice-président

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2006 (CMP)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2006.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP.

M. Augustin Bonrepaux - Pour la clarté des débats et pour la bonne information des collectivités locales qui auront à voter leur budget, j'aimerais avoir des précisions quant à la fiabilité des simulations qui nous ont été communiquées. En effet, Monsieur le ministre, celle que vous avez communiquée à l'Association des départements de France est différente de celle qui nous a été transmise par le rapporteur général. Quelle est la bonne ?

Allez-vous informer chaque commune, chaque groupement de communes, chaque département et chaque région du niveau de ses bases plafonnées, afin qu'ils puissent prendre leurs décisions en connaissance de cause, ou vont-ils délibérer sans savoir ? En effet, contrairement à ce que dit le rapporteur général, la réforme s'applique à partir de l'année dernière, non en 2008...

M. le Président - Nous n'en sommes plus aux questions au Gouvernement... Vous aurez l'occasion de revenir là-dessus dans votre intervention, et le ministre vous répondra. Pour ma part, en votant le budget de ma commune hier soir, je n'avais pas les mêmes craintes que vous...

M. Didier Migaud - Vous avez tort !

M. Augustin Bonrepaux - C'est peut-être de l'inconscience.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat - Je vous répondrai tout à l'heure, Monsieur Bonrepaux.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, rapporteur de la CMP - L'Assemblée nationale et le Sénat se sont rejoints pour adopter 83 articles dans les mêmes termes, et en supprimer quatre. Il restait 101 articles soumis à la CMP, dont 43 ajoutés par nos collègues sénateurs.

Le PLF pour 2006 comporte des réformes fiscales de structure, indispensables pour la compétitivité de notre économie, pour l'emploi et pour le pouvoir d'achat des Français, notamment des plus modestes : réforme de l'impôt sur le revenu, réforme de la taxe professionnelle.

M. Didier Migaud - Réformes non financées !

M. le Rapporteur - Du point de vue de la politique budgétaire, ce projet s'inscrit dans la démarche d'assainissement à long terme que notre majorité a engagée depuis 2002. Les recettes sont évaluées de façon réaliste, la stabilisation des dépenses est poursuivie pour la quatrième année consécutive.

M. Didier Migaud - Ce n'est pas vrai !

M. le Rapporteur - Néanmoins notre déficit demeure trop important (M. Michel Bouvard applaudit) et il fera mécaniquement grossir la dette de près de 50 milliards. L'année prochaine, il faudra donc, comme le Premier ministre l'a annoncé, une maîtrise encore plus accentuée des dépenses ; celle-ci sera d'autant plus légitime et mieux acceptée que chacun y prendra sa part.

La CMP a trouvé un accord sur tous les articles, et le Gouvernement nous demande de la suivre, moyennant quelques amendements. La discussion a porté notamment sur la réforme de la taxe professionnelle, réforme majeure, comportant plusieurs aspects complémentaires. Les entreprises seront désormais protégées d'une taxation excessive, grâce au plafonnement de la cotisation à 3,5% de la valeur ajoutée.

De nombreuses entreprises étant aujourd'hui imposées au-delà de ce seuil de 3,5%, l'Etat prendra en charge la différence, qui s'élève à un milliard d'euros. A cela s'ajoute la pérennisation du dégrèvement consenti sur les investissements nouveaux pendant une durée de deux ans, désormais portée à trois, de sorte qu'au total, l'Etat consacrera trois milliards d'euros à cette réforme de la taxe professionnelle.

Cela étant, les collectivités locales vont également devoir contribuer, aux côtés de l'Etat, à la préservation de la compétitivité des entreprises. La question qui reste posée à ce sujet est celle de la date de référence à retenir pour le plafonnement des bases : 2004 ou 2005 ? Un amendement du Gouvernement reviendra sur ce point, qui a déjà fait l'objet de nombreux débats.

Je voudrais enfin remercier personnellement le ministre et ses collaborateurs. Nous allons adopter un budget dont le déficit sera légèrement inférieur à 47 milliards, soit un écart de quelques centaines de milliers d'euros seulement avec la proposition initiale du Gouvernement, mais, si faible soit-il, cet écart recouvre des mouvements de crédits extrêmement importants. Je tiens en effet à souligner que de nombreux amendements ont pu être déposés par les parlementaires et acceptés par le Gouvernement, dans le cadre nouveau issu de la LOLF. L'ouverture d'esprit dont vous avez fait preuve, Monsieur le ministre, doit donc être saluée.

Mais je voudrais également remercier, outre l'ensemble des collaborateurs de l'Assemblée, mes collègues parlementaires. Nos débats ont été en effet extrêmement intéressants et ils ont permis d'améliorer un texte initial qui était déjà de qualité. Dès la première année de son application, nous avons ainsi exploité toutes les potentialités de la LOLF tout en respectant ses exigences.

A l'issue de la commission mixte paritaire, la commission des finances vous demande donc, mes chers collègues, d'adopter cette loi de finances initiale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre délégué - Je voudrais vous dire à quel point je suis heureux du travail que nous avons accompli ensemble depuis le mois d'octobre. Comme vient de le rappeler le rapporteur, un long chemin a en effet été parcouru à la faveur de cette discussion budgétaire qui revêtait un aspect relativement inédit, d'abord parce que nous étions dans la première année d'application de la LOLF, ensuite parce qu'elle portait sur une réforme fiscale de grande ampleur présentée par le Gouvernement, enfin parce que vous avez su apporter des modifications de grande ampleur au projet initial.

Si la commission mixte paritaire a élaboré un texte dont le Gouvernement se félicite, je vous proposerai tout à l'heure plusieurs amendements, de pure coordination à l'exception de deux d'entre eux sur lesquels je reviendrai dans un instant.

Le premier de ces amendements de coordination tire les conséquences de l'ensemble du projet de loi de finances, comme il est de tradition, et fixe le déficit à 46,9 milliards d'euros. Le solde budgétaire est donc très proche de celui que je vous avais proposé il y a trois mois, malgré des mouvements de crédits de grande ampleur, en effet : 320 millions iront ainsi aux banlieues grâce à des redéploiements ; nous avons gagé les conséquences de la suppression de la réforme, demandée par votre commission, du régime d'exonération des charges sociales outre-mer et de la majoration de la taxe d'apprentissage, pour 400 millions au total ; en faveur des départements, nous avons mis en place un concours de cent millions pour l'insertion des érémistes ; enfin, nous avons réformé la TACA et accordé aux transporteurs routiers un dégrèvement substantiel de taxe professionnelle.

Au total, près de deux milliards d'euros ont ainsi été déplacés, en dépenses comme en recettes, au cours de ces trois mois de débats, et nous avons atteint l'objectif fixé par la LOLF de restaurer le rôle budgétaire du Parlement.

Je suis heureux que nous ayons pu travailler ensemble, avec l'aide de votre commission, à améliorer ce projet de loi de finances. Ma satisfaction est d'autant plus grande que les nouvelles de la conjoncture confortent la sincérité de nos prévisions : la croissance s'est établie à 0,7% au troisième trimestre de 2005, et elle devrait être d'au moins 2% en 2006.

La discussion parlementaire a été passionnante, qu'il s'agisse du barème de l'impôt sur le revenu, du plafonnement des avantages fiscaux ou de l'adaptation de la loi Malraux. Nos débats ont par ailleurs ouvert des perspectives pour les années à venir.

Vous avez en effet été nombreux, à l'instar du président Méhaignerie ou du rapporteur général, Gilles Carrez, à demander une plus grande maîtrise des dépenses publiques. Nous allons donc travailler ensemble à accroître les gains de productivité afin d'atteindre le « zéro en valeur », et non plus seulement en volume, c'est-à-dire de maintenir la progression de la dépense en deçà de celle de l'inflation. Une vraie révolution se prépare donc en matière de finances publiques.

Nous avons en effet pris la mesure de l'ampleur de la dette, qui provient de l'ampleur des déficits. C'est donc à la réduction des dépenses que nous allons nous atteler dès maintenant en préparant le budget pour 2007. Soyez assurés que je saurai relayer les messages que j'ai entendus sur ces bancs. Dans la perspective des audits lancés par le Premier ministre, notre objectif doit être de dépenser mieux, en vue d'un service public de plus grande qualité et à meilleur coût.

S'agissant maintenant des deux amendements que j'évoquais tout à l'heure, le premier d'entre eux concerne les crédits de la défense. Comme Michèle Alliot-Marie vous le dira, cet amendement modifie la répartition des crédits en renforçant la cohérence entre ce budget et la loi de programmation militaire, dont le respect fidèle est l'un des grands acquis de notre politique budgétaire. J'attache donc une grande importance à son adoption.

Le second amendement porte sur la réforme de la taxe professionnelle. Aucune entreprise ne doit plus payer plus de 3,5% de sa valeur ajoutée au titre de sa taxe professionnelle, voilà l'acquis principal de notre réforme, qui vise à renforcer l'attrait de notre territoire et à lutter contre les délocalisations. Cette réforme, qui s'effectuera sans transfert de charges pour les entreprises, est d'autant plus nécessaire que plus de 200 000 entreprises paient aujourd'hui plus de 10% de leur valeur ajoutée !

L'amendement proposé vise à fixer comme taux de référence celui de l'année 2004, majoré d'un coefficient propre à chaque catégorie de collectivités locales, ou bien celui de 2005 s'il est plus bas. Ainsi la réforme sera neutre pour les collectivités qui ont augmenté leurs taux dans des proportions raisonnables, le coefficient de majoration étant assis sur la moyenne des évolutions de taux entre 2001 et 2004, majorée de quatre points.

Compte tenu de toutes les améliorations que nous avons apportées au cours de nos débats, il me semble donc que notre objectif est atteint : alléger la charge de nos entreprises tout en responsabilisant les collectivités locales.

Alors que nous allons aborder la dernière étape de ce marathon budgétaire, je voudrais également vous redire combien j'ai été heureux de ces moments de débat avec vous. Même s'ils ont été parfois difficiles, je ne les oublierai pas : il y allait en effet de l'avenir de notre pays, de celui des dépenses publiques et de nos impôts. Nos réflexions ne valent pas en effet que pour le présent : elles nourriront nos débats en 2006. Les dépenses ne peuvent pas continuer à augmenter sans cesse, il faut les réduire, mais sans que cela soit source d'angoisse pour les Français. Ceux-ci doivent comprendre que nous travaillons pour l'avenir de leurs enfants, et que nous ne diminuons pas dans le seul but de diminuer.

Comment obtiendrons-nous le meilleur service public et au meilleur coût ? Cette seule question doit guider nos réflexions et seule cette préoccupation nous permettra de convaincre nos concitoyens. Je voudrais donc vous remercier, Mesdames et Messieurs les députés, pour les contributions que vous avez apportées à nos débats. Et je pense tout particulièrement à MM. Méhaignerie et Carrez, qui ont toujours été à mes côtés. Nous avons bien travaillé, et je voudrais associer à ce constat leurs collaborateurs.

Je n'aurai garde d'oublier les autres membres de la commission des finances, qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition. Grâce à eux, nos débats ont pu avancer pour le mieux, et je note que nous nous sommes souvent retrouvés sur l'essentiel, malgré nos différences.

Je voudrais également vous rassurer, Monsieur Bonrepaux, même si je n'ai pas toujours réussi à vous convaincre : soyez assuré que les collectivités bénéficieront de toutes les estimations et simulations nécessaires pour élaborer leurs budgets. Et croyez bien que je n'ai pas de secret pour vous, non plus que pour aucun maire ou aucun président de conseil général ou régional.

Nous aurons encore grandement besoin de vous, Mesdames et Messieurs les députés. Je souhaite que, grâce à ce très beau budget, nous connaissions une année 2006 fantastique, car c'est cela que les Français attendent de nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Nous en venons à la discussion générale.

M. Hervé Mariton - Le groupe UMP votera ce projet de loi de finances non seulement parce que telle est la logique majoritaire mais parce que ce budget est cohérent et prépare l'avenir.

Ce budget est cohérent car il est crédible. Que n'avons-nous entendu au début de la discussion quant à la prévision de croissance pour 2006 ! Ce fut là une première critique de l'opposition...

M. Didier Migaud - Nous la maintenons.

M. Hervé Mariton - ...mais il apparaît aujourd'hui que les prévisions confirment l'hypothèse gouvernementale.

M. Didier Migaud - Malheureusement, non.

M. Hervé Mariton - Ce budget est en outre cohérent parce que nous respectons nos engagements tant en ce qui concerne la baisse de l'impôt sur le revenu que sur la réforme de la taxe professionnelle.

Ce budget prépare également l'avenir parce que les priorités sont claires - l'emploi, la recherche, les infrastructures - et que la réforme fiscale favorisera l'attractivité du territoire, la compétitivité des entreprises et la structuration de l'actionnariat, grâce notamment à la baisse et au plafonnement de l'impôt sur le revenu mais aussi à la réforme de la taxe professionnelle : préparer l'avenir budgétaire et fiscal de la France, c'est sécuriser le contribuable et préparer les meilleurs choix pour la croissance et pour l'emploi.

Ce budget, enfin, prépare l'avenir grâce à la réforme de l'Etat, fût-elle encore partielle. M. le rapporteur général a évoqué l'application de la LOLF mais, sans être exagérément critique, je constate que le Parlement n'a pas encore pris la pleine mesure de la liberté que celle-ci nous octroie. Il est vrai que c'est à nous d'en faire usage, en bonne intelligence avec le Gouvernement ! M. le ministre a pris un certain nombre d'engagements en matière de performances : nous serons attentifs à leur mise en œuvre tout au long de l'exécution budgétaire. En matière de réforme de l'Etat, nous devrons aller encore plus loin en 2007.

L'Etat doit retrouver ses marges de manœuvre budgétaires, ce qui implique moins de dettes, moins de déficits et moins de dépenses. M. Breton et vous-même, Monsieur le ministre délégué, avez rappelé le diagnostic du rapport Pébereau. Le Gouvernement doit faire preuve de pédagogie et agir avec rigueur en défendant pour 2007 un objectif d'une croissance nulle en valeur. Il doit également convaincre pour donner du sens à la discipline budgétaire, laquelle n'est pas selon nous incompatible avec la baisse de l'impôt : mieux, celle-ci en est un des moyens, dans la mesure où elle donne du sens à la vertu budgétaire et à la maîtrise de la dépense publique. Il ne s'agit pas de s'ériger en Père Fouettard mais d'être efficace !

M. Didier Migaud - C'est loin d'être le cas.

M. Hervé Mariton - Au-delà, la France a besoin d'une loi d'orientation fiscale. Nous devrons également évaluer dans un cadre pluriannuel des objectifs précis de maîtrise de la dépense publique.

Compte tenu de la situation de notre pays, ce budget est le meilleur possible et, je le répète, nous le voterons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud - Nous n'avons pas déposé de motion de procédure : soucieux d'une bonne organisation de ces débats de fin d'année, nous souhaitons évoquer les problèmes posés par ce budget dans le cadre de la discussion générale.

Le PLF pour 2006, pour la première fois, est présenté et examiné selon la totalité des modalités définies par la LOLF. Celle-ci répond à plusieurs objectifs majeurs : l'amélioration de la gestion publique par la responsabilisation des gestionnaires, l'extension du pouvoir de contrôle et d'initiative budgétaire du Parlement et une meilleure lisibilité des enjeux, des choix et des débats budgétaires. Il appartient donc au législateur de respecter les règles posées par la loi organique, de ne pas les détourner. Or, force est de constater que plusieurs dispositions contenues dans ce budget ne respectent pas ces règles, non seulement en ce qui concerne la structure de la loi de finances mais également pour ce qui est de nombreuses dispositions fiscales, ce qui fera l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel.

D'une manière générale, la qualité des documents budgétaires qui nous ont été transmis n'est pas satisfaisante : il est inacceptable que de multiples indicateurs ne soient pas renseignés dès lors que la responsabilisation des gestionnaires implique pour eux de rendre des comptes sur la qualité de leur gestion. En l'absence d'objectifs et d'indicateurs chiffrés, le Parlement ne peut non plus se prononcer, tant sur la volonté du Gouvernement en loi de finances initiale que sur le respect de l'autorisation parlementaire en loi de règlement. A l'inverse, je regrette que la LOLF ait été mise « à toutes les sauces » par certains ministres, pour justifier par exemple des dépenses ou des décisions qu'il ne veulent pas assumer seuls. Il en est ainsi pour la mission « enseignement scolaire » : 800 postes d'enseignants mis à disposition des associations participant au système éducatif ont été supprimés par le Gouvernement, lequel a prévu de leur verser une subvention présentée comme équivalente. Contrairement à ce qu'a prétendu le ministre de l'éducation nationale, rien dans la LOLF n'obligeait à procéder ainsi. Au contraire, le souci constant d'identifier au sein de chaque mission la totalité des emplois publics qui y concourent s'accommodait parfaitement de l'inscription de ces mises à disposition dans une mission à laquelle ces personnels participent directement. C'est aussi le cas du compte d'affectation spéciale « participation financière de l'Etat » qui ne comporte qu'un programme, en contradiction avec l'article 7 de la loi organique disposant qu'une mission est composée d'un ensemble de programmes. Cette mission « mono-programme » porte atteinte au droit du Parlement de se prononcer sur la répartition des crédits au sein de cette mission ainsi qu'à la lisibilité de l'action publique. Il est évident que, s'agissant de crédits évaluatifs, la création de programmes distincts doit avoir pour effet d'indiquer au Gouvernement, en gestion, la proportion relative de crédits qui devront aller aux différents programmes, et non le montant précis devant leur être alloué en exécution. Mais cette proportion doit être fixée par le Parlement, et non, de façon discrétionnaire, par l'exécutif. C'est particulièrement préjudiciable en l'espèce, puisqu'il s'agit de décider de l'utilisation des recettes exceptionnelles de l'Etat, notamment des recettes de privatisations.

La réforme fiscale du Gouvernement se traduit par plusieurs articles qui tous contiennent des atteintes à la Constitution. C'est d'abord le cas de l'exonération au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune, dont bénéficieraient désormais à hauteur de 75% les anciens dirigeants et les actionnaires parties d'un engagement collectif de conservation. On s'approche ainsi, sans aucune justification relative à la situation personnelle, d'une exonération totale d'ISF, qui n'est ouverte normalement qu'au bénéfice des biens professionnels et en contrepartie du risque économique encouru par le dirigeant. Ce taux de 75% avait d'ailleurs été proposé par des parlementaires lors de la création du pacte d'actionnaires dans la loi pour l'initiative économique et avait été repoussé par le Gouvernement après une explication remarquablement convaincante du ministre Dutreil, que je tiens à vous rappeler.

« A l'époque, disait-il, le Gouvernement avait déjà envisagé un abattement de 75%, mais une analyse de la jurisprudence du Conseil constitutionnel nous avait conduits à abandonner cette idée. (...) La situation du bénéficiaire d'un pacte d'actionnaires est très différente de celle du dirigeant de l'entreprise : un actionnaire minoritaire ne gère pas le risque économique ! Proposer des avantages fiscaux comparables pouvait donc comporter un risque. Or, à l'époque, notre souci était que ce dispositif franchisse toutes les étapes, y compris celle de l'examen par le Conseil constitutionnel, et c'est pourquoi nous avons retenu le taux de 50%. » Je renvoie les sceptiques au compte rendu de la troisième séance du mercredi 6 juillet 2005 ! Dans ses proportions comme dans ses nouvelles modalités, cette exonération est manifestement contraire au principe d'égalité devant l'impôt.

Et tel est également le cas du dispositif de plafonnement des impôts directs, présenté sous l'appellation de « bouclier fiscal ». Ce mécanisme, dont tous les fiscalistes s'accordent à dire qu'il n'a pas d'autre objet que de limiter la cotisation d'ISF des contribuables les plus aisés...

M. le Ministre délégué - N'importe quoi !

M. Didier Migaud - ...dispense en effet certains contribuables - particulièrement favorisés - de participer aux charges publiques à la mesure de leurs capacités contributives. Il méconnaît par conséquent l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en accordant un privilège fiscal profondément injuste sans justification d'intérêt général.

Le plafonnement de certaines niches fiscales au titre de l'impôt sur le revenu porte également atteinte à la Constitution. En disposant que le total des avantages fiscaux soumis au plafonnement ne peut procurer une réduction du montant de l'impôt dû supérieure à 8 000 €, hors certains cas particuliers, on ne respecte à l'évidence pas le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques car on traite de façon différenciée des contribuables présentant des situations objectivement identiques, sans lien avec un motif d'intérêt général ou avec l'objet de la loi.

En témoigne du reste la préoccupation constante qu'a eue M. Copé de repousser tout amendement à ce sujet, pour ne pas aggraver encore la fragilité constitutionnelle du dispositif !

M. le Ministre délégué - Ne parlez pas pour moi !

M. Didier Migaud - Nous vous avons entendu penser si fort que nous vous avons bien compris ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

Le critère de soumission au plafond a été fort bien présenté par le rapporteur général du Sénat : il s'agit de soumettre au plafonnement les seuls « avantages fiscaux qui sont la conséquence d'une situation choisie par le contribuable ». Pourtant, des dispositifs fiscaux dérogatoires correspondant précisément à des « situations choisies par le contribuable » ont été exclus du mécanisme de plafonnement. Il en va ainsi des cotisations versées par un contribuable au titre de la retraite par capitalisation. Or, les plans d'épargne retraite populaire sont des instruments d'épargne qui ne présentent aucun caractère obligatoire pour le contribuable. A moins, bien sûr, que le Gouvernement n'admette que les contribuables n'ont plus d'autre choix désormais que de souscrire des assurances privées pour compenser la dégradation des régimes de retraite provoquée par la réforme Fillon !

Enfin, le choix, opéré ici-même, de retirer du plafonnement les avantages fiscaux accordés aux investissements outre-mer ôte tout crédit au pseudo-critère permettant de déterminer si un avantage est plafonné ou non. La rupture d'égalité est donc manifeste.

Fruit d'un marchandage peu glorieux entre députés et sénateurs entre l'épargne logement et les indemnités journalières, la fiscalisation des PEL s'expose aussi à la censure du Conseil constitutionnel. En décidant de fiscaliser les intérêts perçus par les titulaires de « vieux » PEL à compter du 1er janvier 2006, la majorité UMP cautionne une modification notable de l'économie générale des contrats conclus antérieurement, ce qui porte atteinte à la liberté contractuelle.

M. le Ministre délégué - Au Sénat, les socialistes ont voté pour !

M. Didier Migaud - Dans un moment d'égarement...

M. le Ministre délégué - C'est énorme ! Nous transmettrons !

M. Didier Migaud - Ce sont les motifs avancés pour justifier cette mesure qui sont énormes. On a parlé, au sujet de l'exonération, d'une « anomalie » qu'il conviendrait de supprimer et Mme Nicole Bricq a indiqué qu'elle voterait contre en CMP...

M. le Ministre délégué - Après avoir voté pour ! C'est un gag ! Laissez donc Mme Bricq en paix !

M. Didier Migaud - ...en déplorant que le Gouvernement en rajoute dans le train de mesures défavorables à ceux qui n'ont pas la chance d'être les plus nantis ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Leonetti - Elle a subi un lavage de cerveau ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Migaud - Il me faut enfin évoquer la réforme de la taxe professionnelle, sans déflorer un sujet sur lequel Augustin Bonrepaux reviendra ultérieurement. Je m'attache aux deux atteintes à la Constitution que porte une réforme dont la principale justification, en cette veille de période de vœux, est de tenir une promesse du Chef de l'Etat. Las, elle ignore l'intercommunalité et elle ne témoigne que de la volonté de la majorité de se venger de tous les revers électoraux qu'elle a subis depuis quatre ans ! Au final, elle va asphyxier les collectivités et entraîner l'augmentation des impôts locaux, au détriment des ménages les plus modestes.

Au regard de la Constitution, elle porte atteinte au principe de libre administration des collectivités. Telles qu'elles ont été adoptées, les modalités de compensation pénalisent de manière tout à fait injustifiée celles qui, en vertu de ce principe, ont augmenté leurs taux en 2005. Les modalités de plafonnement vont en outre priver les collectivités locales du produit de l'augmentation des taux, dans des proportions très importantes, souvent proches de 70% !

L'atteinte au principe d'autonomie financière est également très forte. Le plafonnement de taxe professionnelle retenu instaure un dispositif implacable, conduisant à réduire la proportion de ressources propres en dessous du niveau constaté en 2003, ce qui contrevient de manière éclatante à votre prétendue volonté de protéger les collectivités locales, ce au mépris du principe d'autonomie financière, pourtant strictement encadré par la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel.

Ces critiques s'ajoutent à celles que nous avons déjà formulées sur l'insincérité des prévisions de croissance et de déficit, sur le caractère dangereux et injuste de la politique fiscale et budgétaire du Gouvernement.

S'agissant de la dette, et pour avoir fait partie de la commission Pébereau, je déplore que M. Mariton fasse une lecture très partisane de notre rapport... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) M. Breton avait souhaité que la commission de la dette ne soit pas partisane et je regrette que sa famille politique ne respecte pas sa volonté. Au reste, j'invite le ministre de l'économie à plus d'humilité ! (Mêmes mouvements) En effet, le poids de la dette publique dépasse les critères européens et sa progression est particulièrement inquiétante depuis juin 2002. Voyez les chiffres : le poids de la dette dans le PIB, de 58,7 % en 1997, avait été ramené à 56,2% à la fin de 2001. Sous la législature précédente, la dette avait donc diminué...

M. Bernard Accoyer - En valeur absolue !

M. Didier Migaud - Mais non ! En proportion de la richesse nationale. Même si la matière budgétaire vous est lointaine, vous devriez savoir que l'on ne raisonne jamais en valeur absolue à ce sujet ! La vérité, c'est que la dette a baissé entre 1997 et 2001 et qu'elle explose depuis 2002 ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Mme Claude Greff - Ce n'est même pas vrai !

M. Didier Migaud - Quant à la dépense publique, nous l'avions aussi diminuée...

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - Oh ! N'importe quoi !

M. Didier Migaud - De quel droit portez-vous ce jugement ? Je n'invente pas des chiffres qui figurent dans des documents officiels estampillés par Bercy ! Je comprends que la vérité vous gêne, mais le fait est que le poids de la dépense publique était de 53,8% en 1997 et que nous l'avons laissé à 51,7% en 2001. Depuis, il a recommencé d'augmenter pour atteindre 53,5% en 2004... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Laissez M. Migaud conclure.

M. Didier Migaud - Je déplore que certains de nos collègues se croient autorisés à contester des chiffres officiels...

M. Gérard Bapt - Ils ne savent pas lire !

M. Didier Migaud - Alors que le rapport Pébereau recommande de ne pas diminuer les prélèvements obligatoires, votre projet de budget va amener une nouvelle dégradation des comptes publics...

M. Jean Leonetti - Débranchez-le !

M. Didier Migaud - Permettez ! Nous vous avons épargné trois motions de procédure ! Sans doute la culture de la soumission et de la démission de votre groupe vous rend-elle impatients de voter ce texte... (Protestations sur les bancs du groupe UMP) mais nous ne partageons pas votre conception du parlementarisme.

Une fois encore, le Gouvernement se place donc dans la ligne du « faites ce que je dis mais pas ce que je fais »... (M. le ministre délégué s'exclame)

Bien entendu, le groupe socialiste votera contre ce texte insincère, foncièrement injuste et contraire à la Constitution (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Charles de Courson - En première lecture, le groupe UDF n'a pas voté le projet de budget pour cinq raisons...

M. Jean Leonetti - Il s'est ainsi placé dans l'opposition !

M. Charles de Courson - Première d'entre elles : ce budget n'est pas sincère, ni dans les prévisions sur lesquelles il s'appuie - qu'il s'agisse des hypothèse de croissance, de consommation ou d'évolution de la production industrielle - ni dans sa présentation de l'évolution des dépenses publiques, lesquelles - notre rapporteur général l'a admis - n'augmentent pas de 1,8% mais bien de 4,8%.

Deuxième motif de rejet : ce projet est porteur de menaces pour l'avenir de nos finances publiques et il ne permet pas de tenir tous nos engagements européens, qu'il s'agisse de la réduction de la dette ou de la stabilisation des prélèvements obligatoires. Que l'on raisonne en montant ou en proportion du PIB, le poids de la dette publique continue d'augmenter...

M. Gérard Bapt - C'est un fait !

M. Charles de Courson - Troisième critique : ce projet comporte des dispositions fiscales injustes. Le groupe UDF ne partage pas certaines critiques de la gauche sur le système fiscal, il dit simplement qu'il faut assurer un équilibre entre les plus modestes et les plus aisés.

M. Gérard Bapt - Nous aussi.

M. Charles de Courson - Or 0,4% des contribuables, soit 117 000 personnes, bénéficieront de 23% des cinq milliards de réductions d'impôt sur le revenu et d'ISF. Dans l'état actuel de la France, pensez-vous que ce soit équilibré ?

M. Gérard Bapt - Non !

M. Charles de Courson - Nous ne le pensons pas.

M. Guy Teissier - Mais cela les empêchera de partir en Suisse.

M. Charles de Courson - Quatrième reproche : ce budget n'est pas efficace, car la priorité des priorités est la réduction des déficits publics, de l'Etat mais aussi de la protection sociale.

Enfin, cinquième critique, il porte atteinte une nouvelle fois à l'autonomie fiscale des collectivités territoriales et à la responsabilisation des élus locaux, notamment par la réforme inadaptée de la taxe professionnelle.

La discussion au Sénat et en CMP a-t-elle modifié le diagnostic de l'UDF ? Hélas, non, sur aucun point d'importance. Le rapport Pébereau confirme d'ailleurs la situation désastreuse de nos finances publiques. Chose étrange, le Gouvernement a annoncé qu'il réunira au printemps une conférence sur les finances publiques, et qu'il entend revenir à l'équilibre budgétaire entre 2009 et 2012, et ramener la dette publique de 66% du PIB en 2006 à 60% en 2010. L'UDF se réjouit de cette conversion à une politique rigoureuse. Mais pourquoi ne pas l'avoir mise en œuvre dès 2006 ?

Plusieurs députés socialistes - Eh oui !

M. Charles de Courson - Sur les vingt recommandations du rapport Pébereau, cinq concernent le budget de l'Etat. Le Gouvernement fait l'inverse.

Le rapport préconise le maintien des dépenses en euros courants. Le Gouvernement ne les maintient même pas en euros constants, puisqu'elle augmentent non de 1,8%, mais de 4,8% à structure constante, comme je l'ai démontré.

Le rapport préconise l'arrêt des baisses d'impôt. Au budget 2006 figurent 3,8 milliards d'allégements fiscaux, et au budget 2007 ce sera 6,2 milliards, soit 10 milliards au total, le cinquième du déficit.

Le rapport préconise d'utiliser au maximum les départs à la retraite de fonctionnaires pour diminuer les effectifs et augmenter la productivité. En 2006, il y aura 5 318 suppressions pour 83 918 départs.

Le rapport préconise d'assurer aux collectivités locales une plus grande maîtrise de leurs ressources et de leurs dépenses. Or la réforme de la taxe professionnelle réduit un peu plus encore leur autonomie fiscale, ce que le gouvernement Jospin avait déjà largement fait. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Oui, vous avez dégradé l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, et on continue. D'ailleurs, Adrien Zeller, le seul président UMP de région en France continentale, a écrit le 6 décembre 2005 au ministre du budget pour lui dire combien le plafonnement de la taxe professionnelle était injuste pour les régions. Celles qui ont une faible fiscalité et un taux de plafonnement élevé - non choisi - sont sanctionnées, tandis que celles qui ont une imposition élevée et un plafonnement faible, comme la région Ile-de-France, sont favorisées. Etrange conception de la justice !

Enfin, le rapport Pébereau préconise d'affecter intégralement les rentrées exceptionnelles au désendettement. Or, en 2006, un tiers des recettes liées aux privatisations, notamment d'autoroutes, sera affecté à des dépenses reconductibles.

Donc, ce projet de budget n'est pas à la mesure de la situation catastrophique de nos finances publiques. Il traduit un manque de courage et de vision à moyen terme. C'est pourquoi le groupe UDF ne le votera pas.

M. Jean Leonetti - Honte à l'UDF !

M. Philippe Auberger - Ils récidivent.

M. Pierre-Louis Fagniez - Et ça, c'est grave.

M. Frédéric Dutoit - Sans revenir sur une politique fiscale uniquement guidée par des considérations idéologiques, il faut réaffirmer qu'elle va porter un rude coup à la progressivité de l'impôt, aux finances locales, à notre modèle social.

Comme les pires représentants du populisme anti-fiscal, vous faites de l'impôt le bouc émissaire des difficultés économiques de notre pays, comme s'il était manifestement confiscatoire, comme si le diminuer était la seule solution pour rendre la France attractive.

Et quand vous le baissez, c'est au seul bénéfice de la poignée de contribuables les plus aisés, présentés comme la force vive de notre pays alors qu'ils sont avant tout des rentiers.

Pourtant, une politique sociale ambitieuse, des services publics de qualité, une politique des salaires dynamique sont, au même titre que l'impôt, des facteurs d'attractivité essentiels. Dès lors, vos mesures sont condamnées à l'échec car elles entraînent des pertes de recettes fiscales qui vont affecter durablement les autres éléments de l'attractivité de la France, services publics et protection sociale en premier lieu.

Et bien sûr, elles contribuent à l'aggravation alarmante des inégalités. C'est bien l'autre grief principal qu'on peut leur faire.

Par exemple, les plans d'épargne logement de plus de douze ans seront désormais soumis à l'impôt sur le revenu. C'est l'exact pendant de l'exonération des plus-values sur les actions décidée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. En effet, depuis quatre ans, vous agissez de façon systématique pour réorienter l'épargne vers les placements en actions, que vous appelez « l'épargne à risque », - un risque avant tout pour l'emploi, car le principal motif des restructurations, la principale justification des plans sociaux, c'est bien la création de valeur pour les actionnaires, sous la pression des fonds de placement. En favorisant fiscalement l'épargne « à risque » au détriment de l'épargne populaire, vous alimentez une logique ruineuse pour notre économie.

Autre exemple, la réforme du plafonnement de la taxe professionnelle. Elle est injuste car elle porte atteinte au principe constitutionnel d'autonomie financière des collectivités locales et fait une fois de plus de la fiscalité locale une variable d'ajustement de la politique fiscale de l'Etat, sans réflexion d'ensemble. Elle est dangereuse, car elle prive de moyens les collectivités qui sont au premier rang de la lutte contre la précarité, pour l'insertion ou l'éducation, l'Etat se défaussant sur elles de ses responsabilités.

Enfin, pour vous opposer à la taxe Emmaüs, introduite par les députés, vous êtes allés jusqu'à utiliser la procédure du vote bloqué au Sénat. Cette disposition ne visait pourtant qu'à préserver l'emploi de la filière du recyclage textile, secteur qui offre aux salariés concernés un moyen d'insertion professionnelle.

A l'évidence, votre politique budgétaire a pour unique objectif de garantir les revenus du capital, au détriment de la lutte contre les inégalités et de l'intérêt général. Nous voterons évidemment contre ce projet injuste.

M. Augustin Bonrepaux - Ce projet de loi de finances aggrave les inégalités et paralyse l'action des collectivités locales. Au moment où le rapport Pébereau présente des recommandations pour redresser les finances publiques, c'est mal parti ! Vous faites exactement le contraire !

M. Bernard Accoyer - Du calme, Monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux - Ainsi, la deuxième recommandation du rapport Pébereau est de ne pas réduire le niveau global des prélèvements obligatoires. Pour l'année prochaine, vous aggravez délibérément le déficit avec 3 milliards de baisse d'impôt, et si l'on écoute M. Mariton, il ne faut pas en rester là. Laisser à vos successeurs le soin de résorber la dette que vous avez tellement aggravée depuis 2002, c'est assez hypocrite.

Une autre recommandation du rapport Pébereau est de garantir aux collectivités la maîtrise de leurs dépenses et de leurs ressources. Vous faites exactement l'inverse.

M. Hervé Mariton - En dehors de lire des rapports, vous pensez par vous-même ?

M. Augustin Bonrepaux - Vous réduisez les dotations, vous plafonnez les recettes, vous aggravez les charges non compensées. Vous prenez les collectivités locales en étau et aggravez leurs déficits. Vous avez entamé la baisse des dotations dès 2003, avec la diminution de moitié du Fonds national pour le développement des adductions d'eau, avec la réduction des crédits de l'ADEME, et cette année, au moment où vous transférez les routes nationales, avec la réduction de 130 millions de la dotation globale d'équipement.

L'article 27 prévoit la compensation des différents transferts, ceux de 2005 et ceux de 2006, en particulier le transfert des personnels contractuels des collèges et des lycées. Dans le département de l'Ariège, nous avons perçu 807 790 € en 2005 et la compensation en 2006 sera de 797 388 €. Vous me direz que la vignette est compensée, que le Fonds académique de rémunération des personnels d'internat est déduit : il n'en reste pas moins que 150 000 € manquent et que nous n'aurons pas de quoi payer les contrats aidés.

Ceux-ci entreront dans notre champ de compétences dès le 1er janvier : or nous n'avons pas reçu la moindre notification de crédits. Cette compensation ne se fait pas à l'euro près ; ne soyez donc pas étonné si des difficultés naissent en début d'année dans les départements. La situation que nous avions connue pour le transfert du RMI, lorsque les crédits de compensation n'ont été reçus qu'à la fin du mois de janvier, pourrait bien se reproduire.

Par ailleurs, vous savez que le transfert du RMI laisse un déficit d'un milliard et que ce n'est pas une recette de 100 millions qui le compensera ! Enfin, le rapport Pébereau l'a signalé, nous avons voté des lois, relatives aux sapeurs-pompiers, au handicap et aux assistants maternels, qui entraînent des transferts de charges et des conséquences fiscales.

M. Philippe Rouault - Et les 35 heures ?

M. Augustin Bonrepaux - Les 35 heures, c'était en 2000 ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) Les finances des départements n'ont été mises en difficulté qu'en 2003 ! (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe UMP) Nous n'avons pas présenté de motion de procédure pour ne pas retarder le débat, permettez-moi donc d'évoquer l'essentiel !

Je vous demanderai de prendre le temps de lire l'article 67 et de me l'expliquer : il m'apparaît comme une tuyauterie indescriptible, servant sans doute à perdre les élus et peut-être à égarer le Conseil constitutionnel.

Monsieur le rapporteur général, c'est bien la première fois que l'Assemblée nationale s'apprête à voter des dispositions qui s'appliqueront rétroactivement. En effet, les départements comme la Marne ou comme le Loir-et-Cher, qui auront trop augmenté les impôts, devront rembourser 10% de la taxe professionnelle, dès l'année 2005 : c'est du jamais vu ! Cela aura pour conséquence de transférer la charge des entreprises sur les ménages, contrairement à l'engagement du Premier ministre précédent.

M. Hervé Mariton - N'augmentez pas les impôts !

M. Augustin Bonrepaux - M. Raffarin avait demandé que la réforme de la TP se fasse sans transfert sur les ménages. Aujourd'hui, vous n'êtes pas fiers de voter de telles dispositions.

Vous n'avez cessé de reconnaître que les départements se trouvaient dans une situation ingérable...

M. le rapporteur - Délicate !

M. Augustin Bonrepaux - Cette loi de finances aggrave encore cette situation. Comment feront-ils lorsqu'ils seront plafonnés à 70% ? Monsieur le ministre, compenserez-vous à l'euro près, avec des recettes évolutives, les charges que vous transférez, en particulier celles concernant les collèges et les lycées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Votre bilan n'est pas assez louable pour le donner en exemple aux collectivités territoriales. Laissez-les gérer leurs budgets, comme vous le recommande le rapport Pébereau et occupez-vous de réduire la dette de l'Etat.

TEXTE DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le Président - La discussion générale est close. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire. Avant de mettre aux voix ce texte, conformément à l'article 113 alinéa 3 du Règlement, j'appelle l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements dont je suis saisi.

M. Augustin Bonrepaux - Je souhaite faire un rappel au Règlement. Nous recevons une dizaine d'amendements du Gouvernement, dont sept ou huit concernent l'article 67, sans avoir eu la possibilité de les examiner en commission des finances. Je demande une suspension de séance afin de pouvoir en prendre connaissance et conseille à M. le président de la commission des finances d'en profiter pour réunir brièvement celle-ci, afin que le rapporteur général puisse nous en expliquer le contenu.

M. le Ministre délégué - Vous ne pouvez pas nous affirmer que vous avez renoncé à une motion de procédure pour des raisons de commodité, et en même temps demander une suspension de séance, feignant de découvrir cette liste d'amendements.

Comme chaque année, il s'agit dans 99% des cas d'amendements de coordination, ou, pour ce qui concerne l'article 67, qui est tout à fait simple, d'amendements qui visent à reprendre les propositions du Sénat que vous connaissez parfaitement.

Je vous propose donc d'achever cette discussion de manière apaisée. Je regrette que l'énergie que j'ai déployée pour vous convaincre n'ait pas permis de vous rallier à ce projet de loi, mais ne faites pas un incident pour cette quinzaine d'amendements.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Nous avons étudié et réétudié l'article qui nous revient du Sénat. Ne suspendons pas la séance pour si peu !

M. Didier Migaud - Je souhaite faire un rappel au Règlement. Il ne s'agit pas seulement d'amendements de coordination : votre collègue Mme Alliot-Marie ne serait pas présente, pas plus que les membres de la commission de la défense. J'ai rarement vu autant d'amendements du Gouvernement après une CMP : nous demandons donc une suspension de séance pour pouvoir les étudier et nous pensons qu'il serait légitime que la commission des finances se réunisse.

Mme Claude Greff - Il n'y a que quatre socialistes en séance !

M. le Ministre délégué - L'essentiel des amendements est de coordination ou de rétablissement de la version sénatoriale. Vous ne pouvez pas dire que je vous ai pris en défaut, puisque j'ai expliqué en introduction à ce débat que deux amendements nécessiteraient une explication, l'un concernant des crédits spécifiques du ministère de la défense - ce qui justifie la présence de Mme Alliot-Marie - l'autre concernant la taxe professionnelle.

M. le Président - Monsieur Bonrepaux, votre demande de suspension est de droit, mais la raison voudrait que les explications et les débats aient lieu ici.

M. Augustin Bonrepaux - Je n'ai pas eu l'occasion d'évoquer le problème posé par l'article 27, sur lequel j'aurais souhaité interroger le rapporteur général et le président de la commission des finances.

La séance, suspendue à 17 heures 45, est reprise à 17 heures 55.

M. le Président - Le président Ayrault demande la parole. Pour un rappel au Règlement, je suppose ?

M. Jean-Marc Ayrault - En effet. Si notre groupe a demandé une suspension de séance, c'est pour faire le point sur la suite de nos travaux. Que des amendements de simple coordination soient présentés en séance par le Gouvernement sur le texte d'une CMP, nous pouvons le comprendre. Mais certains de ceux qui nous sont soumis aujourd'hui ne sont pas du tout secondaires. Il en est même un, particulièrement choquant, qui va accroître encore le déficit budgétaire de 150 millions d'euros. Comprenez notre indignation, notre colère même, devant ces conditions de travail, surtout quand le ministre de l'économie et des finances prétend nous administrer des leçons, comme encore cet après-midi lors des questions au Gouvernement.

J'aurais pu demander la vérification du quorum. Je ne le ferai pas pour ne pas dégrader encore les conditions de travail que nous impose le Gouvernement. Je tiens néanmoins à élever la plus vive protestation et à redire nos inquiétudes sur ce budget pour 2006, qui n'est ni fait ni à faire. Et j'annonce dès maintenant que le groupe socialiste saisira le Conseil constitutionnel à l'issue du vote (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Patrick Bloche - Je souhaite faire un rappel au Règlement. Il se passe actuellement au sein de l'Assemblée nationale quelque chose de tout à fait scandaleux. A proximité immédiate de l'hémicycle, dans la salle des Conférences...

M. Didier Migaud - Dans le périmètre sacré !

M. Patrick Bloche - En effet. Dans cette salle, des salariés d'un groupe privé, Virgin, équipés d'ordinateurs portables, proposent aux députés des offres de téléchargement de musique sur Internet. Virgin assure ainsi sa promotion au cœur même de l'Assemblée, allant jusqu'à proposer aux députés une carte représentant un crédit de 9,99 € pour télécharger de la musique en ligne. Et tout cela alors que figure à l'ordre du jour de notre séance de ce soir le projet de loi relatif au droit d'auteur dans la société de l'information ! D'après ce qu'elles ont dit à notre collègue questeur Didier Migaud qui les interrogeait, il semble que ce soit le ministre de la culture qui ait autorisé ces personnes à entrer jusqu'ici. Nous ne pouvons légiférer ainsi sous influence. Nous sommes libres et ne saurions avoir de mandat impératif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Accoyer - J'en appelle à un peu de sagesse. Monsieur Bloche, celui qui vient de faire de la publicité à une société commerciale, c'est vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Il n'y a rien à gagner à de telles manipulations ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Alors que nous débattons du budget de la France, sujet important et grave s'il en est, mêler le vote qui va intervenir avec les polémiques inévitables que suscite le texte qui viendra en discussion tout à l'heure constitue une tromperie qui porte atteinte à l'honneur du Parlement et à la qualité de son travail. Je la condamne de la manière la plus ferme.

Monsieur le président, je vous demande d'inviter nos collègues à s'en tenir au présent débat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Monsieur Bloche, c'est le ministre de la culture et de la communication qui a pris l'initiative que vous avez évoquée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Il a demandé par écrit au Président de l'Assemblée nationale qu'à l'occasion du débat qui suivra celui-ci, puissent être installés à proximité de l'hémicycle des ordinateurs portables, afin d'initier les parlementaires aux techniques de téléchargement en ligne. Je rapporterai votre protestation au Président de l'Assemblée nationale qui a autorisé cette démonstration.

M. Jean-Marc Ayrault - Que le ministre de la culture demande qu'une société privée organise une démonstration au moment même où va s'ouvrir le débat parlementaire sur la question du droit d'auteur est profondément choquant. S'il est normal que les députés soient tenus informés de toutes les évolutions technologiques - les travaux en commission sont pour cela parfaitement adaptés -, jamais encore je n'ai vu pareille initiative. Je demande qu'il soit mis fin dès maintenant à ces démonstrations. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Nous en informons le Président de l'Assemblée nationale.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2006 -CMP- (suite)

M. le Président - Nous en arrivons à l'examen des amendements au texte de la CMP.

M. le Ministre délégué - Les amendements 2 et 3 rectifié apportent des corrections purement techniques.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. Augustin Bonrepaux - Nous voterons contre les amendements 2 et 3 rectifié, qui concernent la réduction des bases de taxe foncière.

Les amendements 2 et 3 rectifié, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Ministre délégué - La perception de la taxe sur les voitures particulières les plus polluantes nécessitant l'adaptation des chaînes informatiques dans les préfectures, l'amendement 4 tend à en différer l'entrée en vigueur au 1er juillet 2006.

M. le Rapporteur - Favorable.

L'amendement 4, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre délégué - L'amendement 5 supprime le gage résultant de la décision de la CMP d'augmenter le montant de la défiscalisation applicable aux esters éthyliques d'huile végétale.

M. le Rapporteur - Favorable.

L'amendement 5, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre délégué - L'amendement 6 est de coordination.

M. le Rapporteur - Favorable.

L'amendement 6, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre délégué - Les amendements 7, 8 et 9 ont pour objet de corriger, aux articles 26 et 27, l'imputation du droit à compensation pour la part « collèges », entre la collectivité territoriale de Corse et les deux départements corses.

M. le Rapporteur - Favorable.

M. Augustin Bonrepaux - Est-ce qu'à partir des transferts, la commission consultative d'évaluation des charges pourra évaluer exactement la réalité des compensations ?

M. le Ministre délégué - Ne cherchez pas le diable dans ces amendements, vous ne le trouverez pas ! Il s'agit pour l'essentiel d'amendements qui visent à prendre acte des demandes qui ont été faites ; il n'y a pas de surprise particulière, ni bonne ni mauvaise.

M. Augustin Bonrepaux - Il reste que l'article 27 pose problème car les compensations effectuées au titre de 2006 sont inférieures à celles de 2005 : dans mon département, j'avais 807 000 € en 2005, et j'ai 797 000 € pour 2006... C'est paradoxal, puisqu'on nous dit que cette année, on assure la compensation pour les personnels non titulaires des collèges ! Je crains que la situation soit la même dans les Hautes-Alpes ou dans le Cantal... Il va donc falloir revoir ces compensations.

L'amendement 7, mis aux voix, est adopté, de même que les amendements 8 et 9.

M. le Ministre délégué - L'amendement 1 concerne l'article d'équilibre. Il ne fait que traduire l'incidence des dispositions du collectif de fin d'année, en particulier le dégrèvement de TP en faveur des transporteurs routiers, la réforme de la TACA et la reprise de dette au titre du FFIPSA. Au total, le déficit budgétaire s'établit à 46,947 milliards ; il est donc à peine dégradé par rapport au projet initial du Gouvernement, alors que les redéploiements opérés en dépenses et en recettes ont atteint près de 2 milliards. C'est dire l'importance du travail fait au Parlement, dont je veux à nouveau le remercier.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - L'amendement 11 rectifié reprend l'amendement gouvernemental que le Sénat avait adopté. Il concerne la contribution de la défense au plan gouvernemental pour les banlieues.

La défense s'est toujours investie dans les actions de solidarité nationale, sous des formes diverses, au point que nous aurions pu demander qu'elle soit exonérée d'un apport financier supplémentaire. Déjà, en effet, nous engageons chaque année dans les armées 7 000 jeunes en échec, nous les formons et nous leur donnons un métier ; en outre, nous avons mis sur pied une opération « Défense, deuxième chance », destinée chaque année à 20 000 jeunes en difficulté. J'entends dire parfois que les crédits correspondant proviendraient essentiellement du ministère de la cohésion sociale, mais il n'en est rien. L'information et la sélection des jeunes se font à l'occasion de la JAPD, et nous assurons le recrutement des encadrants, qui sont d'anciens militaires. De plus, nous avons fait appel à des personnels du ministère pour démarrer l'opération. Enfin, nous mettons à la disposition de l'établissement public qui gère celle-ci les terrains et les immeubles sans lesquels il serait impossible de la mener. Or la valeur de ces terrains et immeubles, qui primitivement devaient être vendus, atteint quelque 60 millions...

Néanmoins je n'ai pas souhaité que nous soyons exonérés de l'effort collectif, la défense étant au cœur de ces principes fondamentaux attachés à la République que sont la solidarité et la promotion sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). C'est pourquoi j'ai proposé que la défense affecte à cet effort général 75 millions, à condition de les prendre sur l'augmentation du financement des OPEX que nous avions initialement prévue. Une augmentation demeure, mais diminuée de notre contribution au plan pour les banlieues.

Pourquoi ai-je demandé que ces 75 millions soient pris entièrement sur les OPEX ? Parce que je ne pouvais pas les prendre ailleurs.

Je ne pouvais pas les prendre sur les crédits correspondant à la loi de programmation militaire, que nous entendons respecter, contrairement à nos prédécesseurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). C'est une priorité pour nos armées, mais aussi pour les entreprises de vos régions et pour l'emploi : la loi de programmation militaire, c'est de l'activité pour 40 000 entreprises, grandes et petites, sur tout le territoire national ; 2,5 millions de personnes travaillent directement ou indirectement pour la défense. Dès qu'on fait une entaille à la loi de programmation militaire, on supprime des emplois : cela, nous n'en voulons pas, surtout aujourd'hui ! (Mêmes mouvements)

Je ne pouvais pas non plus les prendre sur les crédits de personnel. Le président de la commission de la défense a demandé avec raison une mission sur les personnels du ministère ; le rapport, remis la semaine dernière, souligne l'existence d'une forte tension : des militaires font jusqu'à huit mois en opération extérieure, ce qui est évidemment trop tant pour qu'ils puissent se reposer que pour qu'ils puissent s'entraîner. Quant aux personnels civils, ils ont fait l'objet d'un effort considérable, sans doute inégalé par les autres ministères.

Il restait les crédits de fonctionnement... Mais une part essentielle est destinée aux carburants, dont le prix est soumis aux incertitudes que vous savez.

Voilà pourquoi j'ai proposé de prélever sur les OPEX, et cela d'autant plus que je pense que nous allons faire des économies sur celles-ci.

Déjà, depuis trois ans, nos efforts de gestion ont permis de réaliser des économies d'environ quarante millions. Mais n'oublions pas non plus les neuf millions consacrés à l'opération Beryx, engagée en réponse au tsunami. Cette opération nous a ainsi permis d'aider nos concitoyens à retrouver et à identifier leurs morts, mais aussi de soutenir les pays touchés. J'ajoute que nous avons également été amenés à intervenir en Floride et au Pakistan dans le cadre de l'OTAN, missions que nous ne pouvions pas refuser en dépit de leur coût.

Compte tenu de ces différents éléments, le prélèvement sur les OPEX qui vous est proposé n'a rien d'irréaliste.

Mme Claude Greff - Très bien !

Mme la Ministre - Je voudrais enfin souligner que si nos militaires sont prêts à de nombreux sacrifices pour venir en aide à ceux qui souffrent ou qui se trouvent en difficulté, ils se montrent très sensibles aux signes, même symboliques, que nous leur adressons.

Je reviens d'Afghanistan et du Tadjikistan, où j'ai rencontré nos forces. La mission que nous avons confiée à nos militaires, la lutte contre le terrorisme, comporte de grands risques, mais c'est avec détermination, courage et un sens du dévouement sans égal qu'ils y ont face. Leur but est de nous protéger, car le terrorisme peut frapper notre pays à tout moment et les crises dans lesquelles nos hommes sont engagés peuvent avoir des répercussions sur notre sol.

Si les Balkans ne sont pas stabilisés, les trafics d'armes et de drogues, qui déstabilisent déjà nos banlieues et nos campagnes, ne peuvent ainsi que continuer. Si l'Afrique succombe à une crise généralisée, en Côte d'Ivoire, au Tchad ou au Soudan par exemple, les pays en paix et qui peuvent offrir des conditions d'accueil relativement acceptables vont être la proie d'une immigration massive. Sans l'action stabilisatrice de nos militaires, les immigrés clandestins ne se compteraient plus en milliers mais en millions !

En cette veille de Noël, n'oublions pas que des milliers d'hommes et de femmes vont demeurer loin de leur famille et de la chaleur de leur foyer. S'ils acceptent de prendre des risques parfois extrêmes, ce n'est pas pour gagner leur vie, mais pour nous protéger. Je pense à ce militaire mort il y a quelques semaines en Afghanistan et à ces deux jeunes gens que j'ai rencontrés à l'hôpital Percy ; ils risquent d'être amputés, à vingt-trois ans.

Nos militaires demandent peu : servir la France et leur idéal. S'ils n'ignorent pas nos impératifs de solidarité budgétaire, ils ont aussi conscience des efforts que nous exigeons d'eux. En construisant ce budget, nous ne devons pas chercher à nous faire plaisir intellectuellement en dégageant un équilibre satisfaisant. Pensons à nos troupes en votant ce budget !

Je vous demande donc de suivre la proposition retenue, qui permettra à la défense de participer à l'effort budgétaire, sans pour autant remettre en cause la sécurité et l'efficacité des forces que nous déployons dans le monde. J'espère que nous aurons tous une très forte pensée pour elles ce soir, sur tous les bancs de cette Assemblée (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP).

Plusieurs députés du groupe UMP - Bravo !

M. le Rapporteur - Merci, Madame la ministre, d'avoir évoqué en des termes si éloquents la remarquable action de notre défense à l'étranger !

Mme Claude Greff - Ce rappel s'imposait en effet !

M. le Rapporteur - De façon beaucoup plus terre à terre, je voudrais retracer le contexte budgétaire de cet amendement. En réponse aux violences urbaines, le Gouvernement a décidé d'allouer 325 millions d'euros supplémentaires en faveur des banlieues. D'où deux options : soit aggraver le déficit, qui s'élevait déjà à 47 milliards, soit redéployer les crédits des différents ministères.

Dans sa grande sagesse, le Gouvernement a choisi la deuxième solution, en demandant à chaque mission une contribution à ce programme supplémentaire en proportion de ses crédits initiaux.

La participation du ministère de la défense s'élève ainsi à 75 millions, ce qui représente seulement 2 millièmes de son budget - 40 milliards d'euros - soit un montant inférieur à ce que la stricte proportionnalité exigeait. Pour respecter ce principe, il aurait fallu une contribution d'environ 90 millions.

Je voudrais également rappeler que depuis de longues années, la défense consacre d'importants efforts à l'insertion des jeunes des banlieues. Député d'une zone franche urbaine, je peux témoigner de l'action remarquable menée par le ministère et j'ajoute que ces efforts sont appelés à s'accroître : le programme « Défense 2006 » sera en effet lancé et 10 000 jeunes en difficulté seront accueillis dans des locaux mis à disposition par le ministère de la défense.

En première lecture, sur la proposition du Gouvernement, notre assemblée avait réparti les 75 millions d'euros prélevés sur la défense entre les quatre programmes du ministère. Le Gouvernement a toutefois souhaité modifier cette répartition au Sénat, en imputant la totalité du montant sur la dotation des OPEX.

Cette dernière s'élève à 250 millions pour 2006, ce qui représente un nouveau progrès vers une plus grande sincérité budgétaire, dont je me félicite. N'oublions pas qu'aucun crédit n'était prévu à ce titre au cours de la législature précédente ! Il n'en reste pas moins que le coût des OPEX, en dépit d'importants efforts, devrait s'élever à 500, voire 600 millions d'euros pour 2006. L'économie proposée au Sénat est donc purement virtuelle !

Assurément, cette question d'imputation budgétaire pourrait sembler mineure - que représentent 75 millions d'euros dans un budget qui en compte 40 milliards ? Ce serait oublier que nous devons assainir nos finances publiques. Nous sommes en plein travaux pratiques...

Un récent rapport, que nous avons tous commenté, met en effet en évidence les proportions aujourd'hui préoccupantes de notre dette. La quasi-totalité de l'impôt sur le revenu est affectée aux frais financiers qu'elle engendre ! Nous devons donc prendre à bras-le-corps ce problème.

Tel fut le débat que nous avons eu en commission mixte paritaire et chacun reconnaîtra qu'il ne manque pas de noblesse. A l'unanimité, la CMP a donc souhaité en revenir à la disposition que notre assemblée avait adoptée le 22 novembre dernier.

Je voudrais également rappeler qu'en cette première année d'application de la LOLF, nous avons tout fait pour faciliter la tâche du ministère de la défense. Grâce à l'article 57 de la LFI, tous les reports de crédits nécessaires auront lieu, la particularité de ce ministère tenant à ce que ses programmes d'investissement sont pluriannuels.

La CMP est revenue au vote de l'Assemblée nationale par souci de sincérité et de transparence budgétaires mais également parce que nous voulons donner un signal fort en faveur de l'assainissement de nos dépenses publiques. Je vous demande de faire de même.

Mme Christine Boutin - M. le rapporteur fonde sa démonstration sur le risque d'augmentation de la dette mais nous devrions nous interroger sur ce dogmatisme : quel est le montant de l'épargne actuelle des Français ?

M. Michel Bouvard - Notre débat est difficile car il concerne les fondamentaux de l'action publique et de la République. Je remercie Mme la ministre d'avoir souligné l'importance des OPEX : sans elles, la France ne serait pas la France. Ni l'action des militaires, ni la solidarité de la nation à leur endroit ou les actions exemplaires menées en faveur de l'insertion par le ministère de la défense ne sont en cause : il s'agit d'un problème de technique budgétaire.

Nous avons autorisé, par l'article 57 du PLF, une dérogation à l'article 15 de la LOLF disposant que les crédits de report sont limités à 3%. Ce calcul, pour le ministère de la défense, aurait conduit à des reports de crédits à hauteur de 400 millions environ alors qu'ils se situeront entre 1,5 et 3 milliards. Cette augmentation est du reste justifiée par l'application de la loi de programmation militaire. Pourquoi 97,5% des dépenses en capital du budget de la défense s'affranchiront-ils donc de la règle de report ? En raison de ce mal chronique qu'est la sous-budgétisation des OPEX. Je remercie à ce propos Mme la ministre, M. le Premier ministre et M. le ministre des finances d'avoir entrepris leur budgétisation progressive. Leur dotation était de 24 millions en 2004, de 100 millions en 2005 et, en 2006, nous envisagions un seuil de 250 millions. En fait, il sera moindre, et je salue les efforts réalisés, mais il faut tenir compte des lois de règlement. En 2003, la dotation des OPEX était de 643 millions, dont 514 millions au Titre III ; en 2004, elle était de 633 millions, dont 565 millions au Titre III, ce qui était très au-delà de l'inscription budgétaire. L'imputation de l'effort demandé au ministère de la défense sur les OPEX n'est pas une véritable économie car nous retrouverons cette somme dans le collectif. Cette sous-évaluation des OPEX, qui demeure, soulèvera encore l'an prochain le problème des reports de crédits et provoquera à nouveau un débat sur la nécessité de les maintenir alors qu'ils constituent une entorse aux règles de bonne gestion et que nous les savons nécessaires pour permettre l'exécution de la loi de programmation militaire, pour ne pas générer de surcoût en cas de retard des programmes d'armement et pour maintenir un certain nombre de plans de charges en matière d'industrie et de recherche.

Nous devons répondre à deux questions : voulons-nous assurer une dotation transparente des OPEX dès le début de l'exercice budgétaire ? Les économies proposées sont-elles effectives ? En l'occurrence, ce n'est pas le cas, et c'est tout de même problématique alors que nous sommes dans la première année d'application de la LOLF.

Mme la ministre a rappelé les sacrifices de nos soldats. Le 13e BCA, dans mon département, a perdu l'un de ses hommes et je suis le premier à savoir combien la solidarité avec nos armées s'impose. Néanmoins, la transparence budgétaire est également un devoir.

M. Guy Teissier - Il ne s'agit pas de remettre en cause le « plan banlieue » qui, pour le ministère de la défense, coûte 75 millions, mais de s'interroger sur la répartition budgétaire qui est, en l'occurrence, inacceptable même si elle ne porte pas sur les dépenses de personnels. La réduction du programme « Préparation et emploi des forces », en particulier, me semble très préjudiciable car c'est l'entraînement de nos forces qui en souffrira. Les militaires pâtiront également de la réduction des crédits affectés à l'amélioration de leur condition, mais il est vrai qu'eux sont silencieux, qu'ils ne manifestent pas et qu'ils ne pétitionnent pas. En outre, ces réductions sont contraires à la volonté du Président de la République qui est, je le rappelle, le chef des armées. Enfin, le renouvellement de notre flotte aérienne doit également être assuré. L'imputation sur les crédits des OPEX s'impose afin de ne pas rompre l'équilibre budgétaire. J'ajoute qu'un refinancement sera possible à l'automne 2006 sans aggraver le report.

Il est préférable de laisser à d'autres le soin de porter des coups bas à la défense et d'abandonner à M. Hollande une vision très étroite du rayonnement de notre pays (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Ne désespérez donc pas les soldats qui se dévouent avec grandeur à la cause de la France ! Je vous demande de soutenir l'amendement du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président de la commission - Nous arrivons au terme de ce budget et je me tourne vers M. le ministre délégué car nous devrons bientôt préparer ensemble le budget pour 2007. Le Premier ministre s'est engagé à ce que celui-ci soit égal en valeur à celui-là, or, nous avons déjà entendu tous les ministres se plaindre d'une insuffisance de crédits. Si nous partageons votre souci, Madame la ministre, je note tout de même que la culture de la dépense reste chez nous extraordinairement forte alors que tous les gouvernements d'Europe ont entrepris un effort de productivité et de réforme de l'Etat.

M. Philippe Folliot - Il ne faut pas toucher aux fonctions régaliennes.

M. le Président de la commission - Celles-ci concernent 80% du budget de l'Etat !

Soyons donc cohérents : que ceux qui parlent d'une meilleure maîtrise de la dépense publique, d'une réduction des prélèvements obligatoires, d'un rééquilibrage entre le secteur privé et le secteur public nous aident donc à ce que chaque ministère fasse un effort ! Dans le cas contraire, nous finirons le quinquennat avec un déficit qui nuira profondément à l'emploi.

Mme Christine Boutin - C'est du dogmatisme !

M. le Président de la commission - Non : la relation est directe entre le niveau de la dépense publique et celui des créations d'emplois. Je suis prêt à vous écouter si vous me démontrez le contraire. Sans réforme de l'Etat, nous ne répondrons pas aux préoccupations des Français en matière d'emploi et de pouvoir d'achat.

L'amendement 11 rectifié, mis aux voix, est adopté.

RAPPEL AU RÈGLEMENT (suite)

M. le Président - Le Président de l'Assemblée nationale a été informé des rappels au Règlement provoqués par la présentation effectuée dans la Salle des Conférences à l'occasion de la discussion du projet de loi sur le droit d'auteur.

Il a décidé d'interrompre immédiatement cette présentation, dont il apparaît qu'elle ne se déroule pas dans les conditions qui avaient été prévues et pour lesquelles il avait donné son accord. Le Président considère par conséquent qu'il n'y a plus lieu de revenir sur cet incident. (« Très bien ! » et applaudissements sur divers bancs)

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2006 -CMP- (suite)

M. le Président - Nous reprenons l'examen des amendements au texte de la CMP sur le PLF pour 2006.

M. le Ministre délégué - L'amendement 12 est de coordination.

M. le Rapporteur - Favorable.

M. Charles de Courson - Le Gouvernement peut-il préciser sa proposition. Dans la loi de finances rectificative pour 2005, un amendement tendant à reprendre 2,5 milliards de dette a été adopté. Or voici qu'il nous est demandé de majorer les intérêts de la dette de 55 millions : 55 millions divisés par 2,5 milliards, cela donne 2,2% de taux d'intérêt, soit une hypothèse extrêmement optimiste. Doit-on comprendre que tout va être financé par une dette flottante, sans augmenter les taux d'intérêt à court terme ? Or l'on commence à constater leur augmentation. Le Gouvernement peut-il expliquer comment il arrive à 55 millions en reprenant 2,5 milliards ?

M. le Ministre délégué - Ce sont les taux qui prévalent pour le court terme. Nous avons donc repris ce qui nous avait été recommandé.

L'amendement 12, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre délégué - L'amendement 13 est défendu.

M. le Rapporteur - Favorable.

L'amendement 13, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre délégué - Les amendements 14 et 15 rectifié sont de coordination.

M. le Rapporteur - Favorable.

Les amendements 14 et 15 rectifié, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Ministre délégué - Je défendrai ensemble les amendements 16 à 21, qui traitent de la réforme de la taxe professionnelle. Nous avons eu, au cours des dernières semaines, des débats approfondis à ce sujet. Il s'agit, je l'ai dit dans mon propos liminaire, d'un signal majeur adressé à nos entreprises et chacun comprend bien que la réforme commence aujourd'hui et qu'il va falloir la faire vivre. Parmi les aspects les plus importants de cette réforme, il y a le choix de l'année de référence. Bien entendu, cela ne change rien pour les entreprises mais il y a va des bonnes relations entre l'Etat et les collectivités. Sur ce sujet, la CMP a apporté une ultime correction au texte adopté par le Sénat. Je rappelle que je proposais initialement de prendre 2004 comme année de référence. Votre Assemblée a souhaité faire plutôt référence à l'année la plus faible, soit 2005, soit 2004 majorée de 4,5%. Puis, le Sénat a proposé de retenir un coefficient distinct de majoration du taux de 2004 pour chaque catégorie de collectivité et de raisonner sur une moyenne de trois années - plutôt que sur une seule - pour arrêter ce coefficient, de manière à mieux prendre en compte la politique fiscale de chaque collectivité. Le dispositif obtenu est donc équilibré : on remet les compteurs à zéro, sans avaliser pour autant les comportements excessifs parfois constatés en matière de progression des taux, en particulier en 2005 dans nombre de collectivités notamment régionales. Certes, il y avait sans doute matière à améliorer encore le dispositif, mais, chaque fois que nous le faisons, nous prenons aussi le risque de nous écarter de l'objectif initial de la réforme et de lui faire perdre une part de sa lisibilité. Je propose par conséquent que l'on s'en tienne à la rédaction adoptée par le Sénat et les amendements 16 à 21 ont donc pour objet de fixer l'année de référence à 2005, dans la limite du taux 2004 majoré de 5,5% pour les communes et les EPCI, de 7,3 % pour les départements et de 5,1% pour les régions.

M. le Rapporteur - La réforme de la taxe professionnelle est l'une des principales mesures de ce texte. Elle a pour but de protéger nos entreprises en faisant en sorte que dès 2007, plus une seule entreprise en France n'acquitte plus de 3,5 % de sa valeur ajoutée en taxe professionnelle. Bien entendu, cette réforme coûte cher à l'Etat, puisque, entre ce dispositif et le dégrèvement pour investissements nouveaux, son effort supplémentaire - à inscrire dans la loi de finances pour 2007 - est estimé à 3,5 milliards. S'agissant de l'année de référence, à partir de quand les collectivités devront-elles se porter aux côtés de l'Etat pour assurer une meilleure compétitivité de nos entreprises ?

Deux options s'offraient à notre Assemblée.

La première consistait à prendre l'année 2005 comme référence car lorsque les collectivités ont voté leur taux de TP au printemps dernier, elles ne connaissaient pas les conditions dans lesquelles serait opérée la réforme. Ce choix permettait de lancer la réforme sur des bases connues, ses modalités étant arrêtées au moment où serait lancée la réflexion sur le budget pour 2006. Mais il présentait l'énorme inconvénient de donner une prime importante aux 20 régions - sur 22 au total - qui ont fortement augmenté leur taux de TP - de l'ordre de 25% !

L'autre possibilité consistait à ne pas s'en tenir au taux 2004 - comme le proposait le Gouvernement - mais de le corriger d'un coefficient de majoration. C'est l'option que nous avons retenue, en adoptant un taux de majoration de 4,5%. Les sénateurs ont conforté notre démarche, mais ils ont estimé que les conditions de progression des taux de TP n'étaient pas les mêmes pour toutes les catégories de collectivités. En 2005, les départements ont en effet été conduits à majorer assez sensiblement leurs taux, compte tenu de la dynamique de dépense née des transferts de compétences. Ils ont donc adopté un dispositif comprenant une augmentation forfaitaire sur la base de 2004, tout en tenant compte des comportements d'évolution de la fiscalité au cours des dernières années, pour chacune des catégories. Cela donne trois références : une pour les communes et les EPCI, une pour les départements et une pour les régions.

En CMP, nous avons travaillé en tenant compte en priorité de la situation des communes et des intercommunalités. Au vu des votes de 2005, on s'aperçoit que ce sont ces catégories de collectivités qui ont été les plus raisonnables en matière de fiscalité. Nous avons donc considéré, dans un souci d'équité, qu'il convenait de leur donner une sorte de droit pour l'avenir d'utiliser les possibilités offertes par le bonus de 4,5% - porté à 5,5% par les sénateurs. Par ces amendements, le Gouvernement nous demande en réalité de rétablir le vote du Sénat - conforme à ce que nous avions décidé le mois dernier -, lequel consiste à donner un bonus par rapport à 2004, mais, si celui-ci n'a pas été utilisé au cours de 2005, de ne pas permettre aux collectivités d'en tirer profit ultérieurement.

Je suis bien conscient de l'enjeu budgétaire de cette proposition et de la nécessité que la réforme de la TP démarre sur les bases les plus solides possibles. En rétablissant la formulation du Sénat - meilleure que la nôtre en termes de taux de référence -, nous ferons en sorte que cette réforme soit acceptée par l'ensemble des collectivités. Je suis donc prêt, Monsieur le ministre, à me rallier à votre proposition au nom de la commission des finances.

Je veux dire une dernière fois que je regrette que les régions aient adopté un comportement aussi irresponsable. Si tel n'avait pas été le cas, nous aurions pu prendre 2005 comme année de référence et cela aurait sans doute été la meilleure des solutions possibles. Nous touchons du doigt les effets de l'irresponsabilité fiscale !

M. René Dosière - C'est votre esprit de vengeance qui est irresponsable !

M. Charles de Courson - Tout au long de la discussion en première lecture, le groupe UDF a demandé si cette mesure de plafonnement était juste. A l'évidence, la réponse est négative, puisqu'elle va tendre à pénaliser ceux qui ont géré avec rigueur et à avantager les autres ! A l'issue de ce débat, le ministre s'était engagé à proposer des améliorations au Sénat, en traitant différemment les collectivités qui présentent les taux les plus élevés et celles qui ont fait l'effort de les contenir. De même, il faut tenir compte du taux de plafonnement : personne ne choisit d'avoir un taux de plafonnement élevé ! Cela résulte pour une large part des hasards de l'implantation des entreprises. Las, les améliorations qui nous sont proposées demeurent extrêmement limitées ! Si l'on voulait pousser la logique retenue, pourquoi ne pas prendre les taux de référence de 1995, puisque l'Etat prend en charge toutes les augmentations de taux entre 1995 et 2004 ! Ceux qui n'ont procédé à aucune augmentation dans cette période sont scandaleusement désavantagés par rapport à ceux qui n'ont fait qu'augmenter les impôts puisqu'ils ne seront pas concernés par la mesure d'écrêtement. On voit bien là le caractère extraordinairement injuste de la mesure et j'ai averti le Gouvernement sur sa fragilité constitutionnelle au regard du principe d'égalité entre collectivités....

M. Didier Migaud - Tout à fait !

M. Charles de Courson - Je voulais déposer un sous-amendement - mais, à l'issue d'une CMP, on ne peut le faire qu'avec l'accord du Gouvernement - tendant à retenir le taux de 1995 indexé plutôt que celui de 2004 indexé ! Je constate une nouvelle fois que l'on accentue les inégalités par un système mal conçu et qui ne tiendra pas dans la durée.

M. Dosière remplace M. Bur au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. René DOSIÈRE

vice-président

M. Augustin Bonrepaux - Tous les rafistolages auxquels le Gouvernement et le Sénat se livrent sur cet article 67 ne supprimeront pas son caractère foncièrement injuste. Nous sommes favorables au plafonnement de la TP pour les entreprises et nous avons déposé une proposition de loi en ce sens. Mais il ne faut pas que cela intervienne sans compensation des charges nouvelles qui en résultent pour les collectivités. Nous sommes donc opposés à cet article et toutes les solutions tendant à donner de l'oxygène aux collectivités sont inopérantes. En réalité, en parfaite contradiction avec le rapport Pébereau, on ne va pas étrangler les collectivités mais les laisser mourir à petit feu ! L'objectif - et le rapporteur général l'a admis ! -, c'est de sanctionner les régions par une mesure rétroactive ! Vous enrobez la chose, pour que le Conseil constitutionnel ne comprenne pas mais les faits sont là et je gage que les membres du Conseil comprendront aisément que votre propos est d'introduire pour la première fois une mesure rétroactive dans notre dispositif fiscal !

Les collectivités votent des budgets, mais on leur demandera de rembourser les recettes en 2008. Prenez garde ! Chaque augmentation de taux vous donnera l'illusion de disposer de recettes, mais sur les bases plafonnées, elles ne vous appartiennent plus. Il faudra les rendre.

M. Hervé Mariton - La solution, c'est de ne pas augmenter les taux.

M. Augustin Bonrepaux - Malgré le rapport Pébereau, qui recommande de ne pas baisser le niveau global des prélèvements obligatoires, c'est la solution des ultras de l'UMP. Mais j'alerte les élus responsables, et il y en a sur tous les bancs - je pourrais citer des départements dirigés par la droite qui ont augmenté les impôts en 2004 de 14 ou 15%. Ils rembourseront en 2008, et plus que les régions, dont vous voulez vous venger.

Ensuite, le caractère rétroactif de cette mesure est inadmissible. Combien de fois M. Sarkozy nous a-t-il dit qu'il ne fallait pas qu'une mesure le soit ! Et voilà que vous donnez le mauvais exemple. Finalement, le seul objet de cet article 67, c'est de rendre le dispositif un peu plus conforme à la Constitution. Mais vous n'y parviendrez pas. D'ailleurs, si quelqu'un a réussi à sortir de la lecture de cet article 67 en bon état, qu'il le dise. Je n'ai pas pu le lire en entier et j'ai dû demander conseil pour comprendre les références. Donc cet ensemble d'amendements n'a pour objet que de jeter de la poudre aux yeux. Nous sommes contre.

M. Michel Bouvard - J'étais de ceux qui avaient émis de vives réserves sur les conséquences du plafonnement pour les collectivités territoriales qui, en fonction de leur histoire, avaient des bases très plafonnées. Même si la réforme était légitime pour les entreprises, il y avait là un problème. Me voulant plus pragmatique que M. Bonrepaux, je constate qu'à l'issue du travail du Sénat et de la CMP, ces amendements rendent la réforme acceptable.

Mais nous n'échapperons pas à un autre débat, sur la déliaison des taux. En effet, pour les collectivités qui ont une taxe professionnelle très plafonnée, l'oxygène viendra probablement d'une évolution plus souple des autres taux.

M. le Ministre délégué - Monsieur de Courson, vous êtes un peu sévère. Les correctifs apportés par le Sénat sont une réponse pour les collectivités ayant des bases très plafonnées et celles qui ont un faible produit fiscal par habitant, donc des taux bas.

D'autre part, on fait beaucoup parler le Conseil constitutionnel dans cet hémicycle. Laissons-le se prononcer dans son infinie sagesse. Nous avons quand même de bons arguments sur l'équité, puisque le Sénat a veillé à ce qu'il y ait un taux différent pour chaque collectivité. Retenir une moyenne sur trois ans évite aussi des fluctuations erratiques. De toute façon, cette réforme était attendue depuis des années, et personne n'avait osé la faire.

Enfin, Monsieur Bonrepaux, pour une fois vous nous mentez. Vous avez lu l'article 67 en entier, pour en parler aussi savamment, et je vous trouve en très bon état. (Sourires)

L'amendement 16, mis aux voix, est adopté de même que les amendements 17 à 21.

M. le Ministre délégué - L'amendement 22 corrige une erreur matérielle.

L'amendement 22, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. Serge Poignant - L'amendement 23 rétablit une disposition votée par le Sénat et supprimée par la CMP. Il s'agit de porter le droit fixe pour les chambres de métiers et de l'artisanat d'outre-mer à 106 € au maximum pour les mettre au même niveau que la métropole, où les droits sont de 98 € pour les chambres de métiers et de 8 € pour les chambres régionales : en effet, celles d'outre-mer exercent les missions dévolues à ces deux instances. L'augmentation d'un euro au profit de l'assemblée permanente des chambres de métier et de l'artisanat se justifie car elle gère un fonds de péréquation qui complète les ressources des chambres les plus fragiles. Améliorer cette ressource évitera d'avoir recours à des subventions budgétaires.

M. le Rapporteur - Favorable.

M. le Président - Le fait même que cet amendement soit présenté nous indique que le Gouvernement y est favorable.

M. le Ministre délégué - Ce que je confirme.

L'amendement 23, mis aux voix, est adopté.

M. Didier Migaud - Je regrette que, pour le vote d'ensemble, nous soyons moins nombreux que nous ne l'étions tout à l'heure pour le vote d'un amendement. C'est pourquoi je souhaite que, en application de l'article 101 de notre Règlement intérieur, l'Assemblée puisse décider qu'il sera procédé à une seconde délibération sur l'amendement 11 rectifié.

M. le Président - Elle sera de droit si la commission ou le Gouvernement l'accepte.

M. le Rapporteur - Mais non.

M. le Ministre délégué - Pas du tout. C'est un effet de tribune.

M. Didier Migaud - L'article 101 dit que « l'Assemblée peut décider sur la demande du Gouvernement ou d'un député, qu'il sera procédé à une seconde délibération ». Je demande qu'elle en décide.

M. le Président - Je vais l'interroger.

L'assemblée, consultée, se prononce par un vote à main levée contre le passage à la seconde délibération de l'amendement 11 rectifié.

M. le Président - Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

L'ensemble du projet de loi de finances pour 2006, compte tenu du texte de la CMP modifié par les amendements qui viennent d'être adoptés, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 15.

              La Directrice du service
              du compte rendu analytique,

              Catherine MANCY


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