Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2005-2006)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 50ème jour de séance, 114ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 17 JANVIER 2006

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

VœUX DE BONNE ANNÉE 2

SOUHAITS DE BIENVENUE À
UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

CONTRAT PREMIÈRE EMBAUCHE 2

ACTION CONTRE LE CHÔMAGE DES JEUNES 3

PRÉCARITÉ 4

DEVENIR DU PORTE-AVIONS CLEMENCEAU 6

SÉCURITÉ DANS LES TRANSPORTS 7

POLITIQUE NUCLÉAIRE DE L'IRAN 7

DROIT DU TRAVAIL 8

ENDETTEMENT PUBLIC 9

VIOLENCE EN MILIEU SCOLAIRE 10

MESURES POUR L'EMPLOI 10

NAUFRAGE DU KLEIN FAMILIE 11

VOLONTARIAT ASSOCIATIF ET ENGAGEMENT ÉDUCATIF 12

ARTICLE PREMIER 28

ARTICLE PREMIER BIS 31

ART. 2 31

ART. 3 32

ART. 4 34

APRÈS L'ART. 4 35

ART. 5 35

ART. 5 BIS 35

La séance est ouverte à quinze heures.

VœUX DE BONNE ANNÉE

M. le Président - Je vous présente à toutes et à tous, Mesdames et Messieurs les députés, ainsi qu'au Gouvernement, mes meilleurs vœux.

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de la chambre des représentants de la Diète du Japon conduite par le président du groupe d'amitié (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

CONTRAT PREMIÈRE EMBAUCHE

M. André Chassaigne - Bonne année à tous...

M. le Président - Merci, Monsieur Chassaigne.

M. André Chassaigne - ...et surtout au peuple de France ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Et à la République.

M. André Chassaigne - En guise de vœux d'avenir pour la jeunesse, Monsieur le Premier ministre, vous n'avez pas annoncé hier des lendemains qui chantent. En réponse aux difficultés rencontrées par nos enfants pour trouver du travail, vous leur annoncez que les grandes entreprises, celles dont les profits explosent chaque année, pourront désormais totalement précariser l'emploi des jeunes salariés. Elles pourront ainsi les licencier sans explication et sans aucune protection. Six mois après la création du contrat nouvelles embauches, ce nouveau contrat première embauche est un pas supplémentaire vers l'extinction du CDI, c'est-à-dire vers la fin du minimum de sécurité professionnelle à laquelle chacun aspire. Alors que le départ à la retraite des salariés de la génération du baby boom provoquera un formidable renouvellement de la population active, vous proposez que celui-ci s'effectue sous les fourches caudines de la précarité (Protestations sur les bancs du groupe UMP), de l'angoisse du lendemain et, évidemment, de la faiblesse du pouvoir d'achat. Avec ce projet, vous ne cherchez pas à développer l'emploi : vous remplacez les chômeurs pauvres par les travailleurs pauvres et vous accédez aux sommations du patronat le plus rétrograde, qui fait de la peur un mode de gestion du personnel. Quels projets un jeune peut-il former lorsqu'il sait qu'il peut perdre son emploi du jour au lendemain ? Comment voulez-vous que la jeunesse de notre pays espère en un avenir meilleur si vous décidez de l'enfoncer dans la pauvreté et la précarité, alimentant ainsi son sentiment d'injustice ? (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe UMP) L'avenir d'un pays ne se construit pas sur la désespérance de sa jeunesse. (Mêmes mouvements) Allez-vous renoncer à ce nouveau pas vers le démantèlement du code du travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes - Quelle est la réalité que nous connaissons depuis vingt-cinq ans ? Un taux de chômage des jeunes double de la moyenne, même quand la croissance est de quatre points et que les gouvernements créent des emplois jeunes. Sept jeunes sur dix entrent dans le monde du travail par la voie d'un CDD ou de l'intérim. À eux donc la galère, c'est-à-dire la difficulté d'accéder au logement, au crédit et aux loisirs ! C'est cela que le Premier ministre a voulu briser ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Nous avons ainsi constaté que la formation en alternance favorise l'emploi, de même que les stages pédagogiques mais à condition de clarifier leurs règles de fonctionnement. Il fallait également répondre aux 240 000 jeunes qui sont au chômage depuis plus de six mois. C'est pourquoi nous avons accordé une exonération totale de charges aux entreprises qui embaucheront des jeunes se trouvant, au 16 janvier, au chômage depuis plus de six mois. En outre, le contrat première embauche prévoit le doublement des indemnités en cas de rupture, et le droit individuel à la formation sera reconnu dès le premier mois. Enfin, en matière de logement, le Loca-Pass sera proposé à chaque contrat. C'est le contraire de la désespérance ! C'est une nouvelle espérance pour les jeunes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

ACTION CONTRE LE CHÔMAGE DES JEUNES

M. Marc Laffineur - Depuis avril 2005, le chômage baisse continûment : celui-ci est passé en huit mois de 10,2% à 9,6%, ce qui représente une diminution de 130 000 demandeurs d'emplois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Monsieur le Premier ministre, vous avez fait de l'emploi votre priorité.

En juin, vous avez annoncé la création du contrat nouvelles embauches, qui est un succès : 280 000 contrats ont été conclus à ce jour, un tiers des embauches n'auraient pas eu lieu sans ce dispositif, et plus de 50% des contrats concernent des chômeurs ou des Rmistes.

Hier, vous avez annoncé la deuxième étape de votre plan pour l'emploi, qui concerne plus spécifiquement les jeunes, dont le taux de chômage est d'ailleurs 2,5 fois plus élevé que celui de la population active dans son ensemble. Trop souvent, les jeunes mettent une dizaine d'années avant de trouver un emploi stable : en majorité, ils sont embauchés d'abord dans le cadre de CDD, de contrats d'intérim ou de stages non indemnisés. Enfin, le diplôme ne constitue plus une protection. Cette situation précaire engendre des difficultés pour se loger et réduit l'autonomie des jeunes. Pouvez-vous expliciter les nouvelles mesures que vous avez annoncées, Monsieur le Premier ministre, afin de faire baisser le chômage des jeunes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Je vous présente, ainsi qu'à tous les Français, mes vœux les meilleurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Laffineur a abordé le sujet qui est au cœur de nos responsabilités : l'emploi. Il est vrai que nous avons engagé la première étape de la bataille pour l'emploi avec quelque résultat, mais il faut aller plus loin car la situation faite aux jeunes sur le marché du travail est inacceptable : 23% d'entre eux sont au chômage et il leur faut près de dix ans pour prendre durablement pied dans l'emploi. Ils connaissent ainsi une longue, trop longue, période de précarité où s'enchaînent stages, CDD et temps de chômage. Nous devons rompre ce cycle infernal.

Face à une telle situation, l'immobilisme et la querelle sont également détestables, car seule l'action est à la hauteur des enjeux. En vue d'apporter des solutions concrètes aux problèmes des jeunes, il convient de leur proposer de véritables parcours d'embauche, d'abord fondés sur l'alternance, dont l'efficacité n'est plus à démontrer : 80% des jeunes titulaires d'un contrat de professionnalisation trouvent un emploi dans les jours qui suivent la fin de leur contrat...

M. Jacques Desallangre - Allons ! Vous n'y croyez pas vous-même !

M. le Premier ministre - Or, si les PME font déjà toute leur place aux apprentis, il n'en est pas de même des grandes entreprises. Nous avons donc conclu un accord avec celles de plus de 250 salariés pour qu'elles accueillent 1% d'apprentis en 2007, 2% en 2008 et 3% l'année suivante...

Plusieurs députés socialistes - Heureusement, vous ne serez plus là !

M. le Premier ministre - Les stages donnent trop souvent lieu à des abus et les jeunes nous pressent de mieux les encadrer : nous y veillerons, en généralisant une charte de bonnes pratiques et en exigeant que les stages de plus de trois mois soient systématiquement indemnisés. Au-delà, il importe que toutes les expériences accumulées par les jeunes soient intégrées dans un véritable cursus universitaire et professionnel, reconnu en tant que tel (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

L'ennemi, c'est la précarité, et cela commande de faciliter l'accès des jeunes aux CDI ! À ce titre, les entreprises proposant un tel contrat à des jeunes au chômage depuis plus de six mois bénéficieront d'une exonération totale de leurs charges sociales. Parallèlement, nous créons un nouveau CDI, le contrat première embauche, assorti de garanties fortes et de garanties nouvelles. Fortes : les stages, les contrats de professionnalisation et les CDD seront pris en compte au titre de la période de consolidation de l'emploi, de deux ans. Mais aussi des garanties nouvelles : nous ouvrons aux jeunes des droits d'indemnisation au titre du chômage - ce à quoi aucun de nos prédécesseurs n'avait pensé -, dès le cinquième mois d'emploi sous ce régime et pour une période de deux mois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Quant au droit à la formation permanente, il sera ouvert dès le premier mois d'emploi en CPE. Enfin, parce que nous sommes aussi soucieux de la vie quotidienne des jeunes actifs, nous entendons favoriser leur accès au logement - via « Loca-Pass » - et au crédit. Ainsi, les CPE seront reconnus par les organismes bancaires comme de véritables CDI... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Ils constituent par conséquent une percée pour l'emploi des jeunes...

Mme Martine Billard - Vous êtes le seul à le croire !

M. le Premier ministre - L'objectif que nous devons partager, c'est de donner à tous nos jeunes un emploi stable, hors de toute polémique inutile. Notre seul souci doit être d'obtenir les résultats que les Français attendent de nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

PRÉCARITÉ

M. Jean-Marc Ayrault - Monsieur le Premier ministre, je vous ai écouté attentivement mais comment vous croire ? La vérité, c'est que le CDI est mort parce que vous l'avez tué, à coups de CNE, de CPE et de contrats de 18 mois pour les seniors ! L'insécurité se généralise et les salariés vont bientôt se trouver en situation de période d'essai permanente... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP) C'est un formidable bond en arrière et le troubadour du modèle social français que vous prétendez être est plutôt soucieux de jeter ce modèle aux orties, au risque de faire du parcours professionnel de nos concitoyens un véritable chemin de croix. Quant aux organisations syndicales, elles ont été une nouvelle fois placées devant le fait du prince, vos décisions non concertées ayant été prises de manière unilatérale et dans la plus parfaite improvisation. Au final, vos mesures nouvelles empruntent une fois encore au bréviaire libéral et se caractérisent par l'hypocrisie et le double langage, du reste empruntés au Président de la République qui vient de les pratiquer pendant plus d'une semaine... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Monsieur le Premier ministre, vos discours flamboyants ne sont qu'un paravent pour tenter de dissimuler votre acharnement à démembrer notre code du travail ou à l'aligner sur les pratiques anglo-saxonnes les plus rétogrades...

M. Pierre Lellouche - Eh alors ?

M. Jean-Marc Ayrault - Votre « modernité » a un goût prononcé de Restauration ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Êtes-vous résolu à transposer votre propre période d'essai de deux ans à Matignon à l'ensemble des salariés ? Jusqu'où irez-vous dans l'insécurité sociale ? N'allez-vous donc jamais tirer la leçon des événements de novembre dernier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Tout à l'heure, répondant à l'un de vos collègues de la majorité, j'ai parlé de la première étape de la bataille pour l'emploi et de ses résultats...

M. Jean-Marc Ayrault - Ce n'est pas très gentil pour M. Raffarin !

M. le Premier ministre - 280 000 CNE seront conclus avant la fin de l'année...

Plusieurs députés socialistes - A la place de quoi ?

M. le Premier ministre - Et nous avons déjà ramené le taux de chômage de 10,2% de la population active à 9,6% (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Plusieurs députés socialistes - Truqueur !

M. le Premier ministre - Même si je ne m'en satisfais pas, ces résultats parlent d'eux-mêmes. Aussi, évitons les attaques injustes et les critiques stériles. Ensemble - et je dis bien, ensemble -, nous devons nous poser deux questions. D'abord, y a-t-il oui ou non un problème spécifique de l'emploi des jeunes dans notre pays ? Réponse : bien sûr que oui ! Dès lors, peut-on se permettre de ne rien faire ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés socialistes - Autant dire que, quand il pleut, ça mouille !

M. le Premier ministre - Il est important de partager le diagnostic : 23% des jeunes français sont en situation de demande d'emploi, 40% des jeunes non qualifiés sont au chômage et il faut attendre entre 8 et 11 ans pour que les jeunes en difficulté d'insertion professionnelle accèdent à un emploi stable. C'est cela la précarité, et cela dure depuis 25 ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

Alors, que faire ? Certains se réfugient dans l'idéologie, dans l'ironie, dans la dérision ou dans de vaines comparaisons historiques. Nous, nous avons choisi l'action ! C'est d'ailleurs ce que les Français nous demandent, et c'est ce que nous allons faire, avec leur soutien.

En l'espèce, la réponse du Gouvernement est d'offrir aux jeunes un véritable parcours d'embauche avec des formations en alternance, des stages véritablement encadrés et un vrai contrat à durée indéterminée, consolidé sur une période de deux ans, de laquelle seront déduites les périodes de stage, de CDD ou d'alternance. Rien de tout cela n'existait auparavant (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Monsieur Ayrault, pouvez-me soutenir en me regardant dans les yeux que cela ne constitue pas un progrès ? Vos yeux n'arrivent pas à dire ce que dit votre bouche. (Mêmes mouvements)

Ce nouveau contrat comporte des garanties importantes. La première, dont les jeunes n'avaient jamais bénéficié auparavant, est d'avoir droit, au bout de quatre mois, à l'indemnisation du chômage pendant deux mois. Il faut le leur dire, car ils ne manqueront pas de vous le rappeler dans un an et demi et ne vous pardonneront pas de leur avoir menti. Ce contrat leur ouvre également droit, au bout d'un mois, à une formation, et leur donne accès au crédit et au logement, desquels ils sont aujourd'hui exclus (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Voilà un vrai changement, une dynamique nouvelle !

Par ailleurs, comme nous souhaitons donner une impulsion forte à ce dispositif, nous allons exonérer de toutes charges sociales l'emploi en CDI de jeunes qui étaient au chômage depuis plus de six mois. Là encore, c'est un immense changement, dans le respect des engagements que nous avons pris. Le coût de la mesure s'élève à 50 millions d'euros.

Vous le voyez, nous savons faire preuve d'imagination. Il en faudra dans les années à venir pour répondre aux problèmes des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

DEVENIR DU PORTE-AVIONS CLEMENCEAU

M. Rudy Salles - Depuis quelques jours, nous assistons avec étonnement et tristesse à la lente agonie d'un des fleurons de la marine française, le porte-avions Clemenceau. Parti de Toulon le 31 décembre dernier et censé atteindre Alang, en Inde, deux mois plus tard, il reste bloqué à l'entrée du canal de Suez. Après qu'une somme de 1,3 million de dollars a dû être versée à l'Égype au titre d'un droit de transit, c'est maintenant l'Inde qui refuse que le navire entre dans ses eaux territoriales avant que sa Cour suprême se soit prononcée, et ce au motif que le Clemenceau comporterait encore beaucoup d'amiante, matériau hautement toxique. La question est réelle : quelle quantité d'amiante a déjà été retirée en France et combien en reste-t-il à retirer en Inde ?

Une autre question, corollaire, se pose : est-il légitime de confier une telle tâche de désamiantage à des pays mal préparés, dont on expose les travailleurs à de graves risques sanitaires ? Cela ne pouvait-il être fait en France ?

Enfin, une telle affaire nuit à l'image internationale de notre pays. C'est également un déchirement pour beaucoup de nos concitoyens que de voir ce navire, hier l'une de nos plus grandes fiertés en matière de défense, errer tel un bateau ivre ? Pouvez-vous, Madame la ministre de la défense, nous donner toutes informations à ce sujet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Retiré du service en 1998, le Clemenceau n'a été remis qu'en 2002 aux Domaines, qui ont alors passé un contrat avec une société espagnole pour procéder à son désamiantage et à son démantèlement en Europe. A la suite de soupçons sur les comportements de cette société, ce premier contrat a été annulé (« Olé ! » sur les bancs du groupe socialiste) et un autre a été passé, qui prévoyait un désamiantage préalable. Notre Marine nationale a été le premier armateur au monde à décider de procéder de la sorte, dans des conditions irréprochables, et de choisir un chantier de qualité pour procéder au démantèlement final, avec le soutien de la société française qui avait suivi le désamiantage préalable à Toulon.

La Marine nationale a estimé en 2002, d'après les plans du navire, qu'il restait 220 tonnes d'amiante à bord du Clemenceau. Après étude plus précise, il est apparu qu'il n'en restait que 160, la cheminée étant composée de plaques de fibre de verre, et non d'amiante. Sur ce total, 115 tonnes ont été retirées à Toulon, comme en font foi les procès-verbaux d'enfouissement. Restent donc 45 tonnes.

En dépit de tout cela, diverses associations ont contesté les décisions prises à différents niveaux. Il faut préciser que tous les recours intentés ont été rejetés par la justice ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Cette agitation a néanmoins pu inquiéter certains de nos partenaires. Les Égyptiens nous ont ainsi demandé des renseignements, que nous leur avons fournis, et aujourd'hui, le Clemenceau traverse le canal de Suez. Pour les mêmes raisons, la Cour suprême indienne nous a demandé des renseignements que nous allons lui transmettre et je ne doute pas qu'ils la convainquent. Nous attendons avec sérénité et confiance son jugement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

SÉCURITÉ DANS LES TRANSPORTS

M. Lionnel Luca - Le 31 décembre et le 1er janvier derniers, plusieurs bandes de délinquants ont opéré dans le train Nice-Lyon, entre Nice et Marseille. Durant plusieurs heures, ils y ont fait régner la terreur, prenant en otages quelque six cents passagers, les menaçant, les détroussant, violentant une jeune étudiante, et se livrant à des dégradations de matériels. Monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez immédiatement diligenté une enquête de l'Inspection générale de la police nationale pour reconstituer les faits et établir les responsabilités. On ne peut d'ailleurs que regretter le très faible nombre de plaintes déposées comme le fait que les quelques suspects alors interpellés aient tous été relâchés. Si des événements d'une telle ampleur demeurent rares, les agressions verbales et physiques sont fréquentes dans les trains, à l'encontre des passagers comme des agents de la SNCF, et ne sont, hélas, presque jamais efficacement sanctionnées. Vous avez hier, Monsieur le ministre, pris ce même train à 7 heures 51, de Toulon à Marseille, et dialogué avec des passagers et les personnels (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Vous avez, à cette occasion, annoncé des mesures importantes pour améliorer la sécurité dans les transports. Pouvez-vous nous en faire part ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire - Ces faits sont inacceptables. Je n'ai pas voulu les minimiser et il faut désormais cesser de faire du compassionnel systématique (« Bravo ! » sur quelques bancs du groupe UMP) J'ai reçu les victimes. L'une d'entre elles m'a expliqué qu'elle s'était sentie pendant un quart d'heure comme un objet entre les mains de voyous. Ce n'est pas la faute au chômage, aux discriminations ou aux injustices : c'est la faute à un sentiment d'impunité qui fait qu'un certain nombre d'individus se croient tout permis dans notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Qu'avons-nous décidé ? En 2002, j'avais été impressionné par les résultats de l'enquête sur les infractions dans les transports en commun.

Plusieurs députés socialistes - Vous avez eu quatre ans !

M. le ministre d'État - Entre 2000 et 2001, la délinquance y avait augmenté de 30% (« Quatre ans ! » sur les bancs du groupe socialiste) Nous avons créé le service régional de la police ferroviaire (Mêmes mouvements) et la délinquance dans les transports en commun a reculé de 34% entre 2004 et 2005 ! (Mêmes mouvements) Vous pouvez brailler, votre bilan est consternant.

La création d'une police ferroviaire dotée de 2 540 agents, grâce à 700 créations d'emploi, permettra de faire plus de 250 patrouilles quotidiennes dans les transports en commun. Nous serons jugés sur les résultats (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) A gauche, 30% d'augmentation de la délinquance dans les transports en commun ; avec cette majorité, 34% de réduction ! Ce n'est qu'un début. D'autres résultats viendront sans tarder ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

POLITIQUE NUCLÉAIRE DE L'IRAN

M. Xavier de Roux - L'inquiétude grandit au Proche-Orient. Tandis que la paix tarde à s'établir entre Israéliens et Palestiniens, que la situation se tend entre le Liban et la Syrie et que la violence paraît établie en Irak, l'Iran fédère les forces chiites de la région pour la première fois depuis longtemps. Or la politique nucléaire de ce pays, qu'il vient de proclamer « irréversible », apparaît comme une menace, même si l'Iran parfois s'estime menacé.

Les négociations entre la troïka européenne et l'Iran ont échoué. La Russie et la Chine sont hésitantes. Quelle va être la politique de la France à l'égard de cette grande puissance régionale dont le gouvernement inspire de l'inquiétude ? (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères - En 2002, la communauté internationale découvrait un programme nucléaire iranien clandestin. En 2003, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont décidé, plutôt que d'aller devant le Conseil de sécurité de l'ONU, d'ouvrir une négociation, qui a abouti à l'accord de Paris par lequel l'Iran acceptait de suspendre toute activité nucléaire sensible. De manière unilatérale, les Iraniens ont repris depuis des activités nucléaires dangereuses : en août 2005, ils ont pratiqué la conversion d'uranium à l'usine d'Ispahan et il y a quelques jours ont commencé à enrichir le combustible à l'usine de Natanz. Or aucun programme nucléaire civil ne peut justifier ces activités dangereuses.

M. Pierre Lellouche - Très bien.

M. le Ministre - D'autre part, pour la huitième fois, M. El Baradei, directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique, a souligné que l'Iran violait ses obligations internationales. La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont demandé hier à Londres que se tienne une réunion extraordinaire du conseil des gouverneurs de l'AIEA et que M. El Baradei fasse rapport au Conseil de sécurité de l'ONU. La France fera tous ses efforts pour que la communauté internationale soit unie. Il y va de la crédibilité de l'Agence, de celle du système multilatéral de non-prolifération et surtout, de la stabilité régionale. (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP)

DROIT DU TRAVAIL

M. Alain Vidalies - Monsieur le Premier ministre, ici même le 28 juin 2005, vous déclariez que le contrat nouvelles embauches permettrait de dynamiser le marché de l'emploi et devrait être évalué à mesure de sa mise en œuvre, en liaison avec les partenaires sociaux. Vous n'avez tenu aucun compte de cet engagement : il n'y a eu aucune négociation, et vous imposez l'extension de ce type de contrat à toutes les entreprises. Aussi, les yeux dans les yeux, sommes-nous prêts à vous dire que nous n'accordons aucun crédit aux engagements que vous prenez aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

L'extension du contrat nouvelles embauches à toutes les entreprises marque un tournant pour notre droit social : à compter de ce lundi noir, les jeunes Français entreront dans la vie active par une période de deux ans de précarité, pendant laquelle ils pourront être licenciés à tout moment sans motif. Pis, vous avez annoncé votre intention de proposer prochainement un contrat de travail généralisant cette précarité de deux ans à tous les salariés. Vous avez aussi annoncé votre intention de rendre les heures supplémentaires moins coûteuses pour les entreprises...

M. Lucien Degauchy - Très bien !

M. Alain Vidalies - Les demandeurs d'emploi apprécieront ce choix ! Plus extraordinaire encore, votre intention de permettre aux entreprises de recourir à l'intérim en utilisant des salariés qui ont déjà un emploi à plein temps. C'est la porte ouverte à tous les abus.

Monsieur le Premier ministre, vous êtes engagé dans une compétition électorale avec votre ministre de l'intérieur, président de l'UMP. Mais ce n'est pas parce que M. Sarkozy ajoute chaque semaine une page au code pénal que vous devez chaque semaine déchirer une page du code du travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Dans les deux cas, les victimes sont les Français qui aspirent à une société de responsabilité et de justice sociale. N'est-il pas temps de mettre fin à cette course folle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - A vous entendre, il y aurait donc d'un côté ceux qui sont généreux, et de l'autre ceux qui ne se préoccupent que de dynamique économique. Mais, Messieurs les généreux, qui a rétabli l'aide personnalisée au logement ? C'est nous. Qui multiplie le nombre de logements sociaux ? C'est nous (« C'est nous ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP). Qui, au lieu d'abandonner les licenciés économiques, leur offre des conventions de reclassement personnalisé ? C'est nous ! (Même mouvement) Qui a fait en sorte que les demandeurs d'emploi ne soient pas reçus chaque fois par une personne différente mais puissent rencontrer tous les mois le même référent ? C'est encore nous ! Voilà pour la morale sociale.

S'agissant du reste, j'en profite pour répondre au président Ayrault...

Plusieurs députés socialistes - Répondez à la question de M. Vidalies !

M. le Ministre de l'emploi - ...Il y a un problème spécifique de l'emploi des seniors, que vous n'avez jamais traité mais qui est grave et que nous essayons de résoudre avec les partenaires sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Quant au contrat nouvelles embauches, Monsieur Vidalies, je peux vous dire que les 280 000 personnes déjà concernées - dont un tiers n'auraient jamais été recrutées sinon ! - nous remercient ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Dans le cas particulier de la première embauche... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Moi, j'en ai marre (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste) que l'on dise aux jeunes Français : « prends un stage », « va en intérim », « contente-toi d'un CDD », « tu n'as pas d'expérience, tu n'as pas le droit de travailler » ! (Brouhaha) Nous voulons, nous, leur donner une expérience professionnelle ! Et nous voulons aller vers le CDI, en concertation avec les partenaires sociaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

ENDETTEMENT PUBLIC

M. Gilles Carrez - Depuis vingt-cinq ans - en fait depuis 1981 -, l'État dépense chaque année entre 15 et 20% de plus qu'il ne perçoit et tous ces déficits cumulés conduisent aujourd'hui à un endettement public de 1 100 milliards d'euros, soit 17 000 euros par Français. Comme l'a dit le ministre des finances, la France vit au-dessus de ses moyens.

Nous ne pouvons plus remettre à plus tard le redressement de nos finances publiques. Il faut absolument réduire notre endettement. Vous avez pris, Monsieur le Premier ministre, la très heureuse initiative d'organiser la semaine dernière la première Conférence nationale des finances publiques, qui rassemblait tous les acteurs de la dépense publique - l'État, les caisses de sécurité sociale, les collectivités locales. Au cours de cette réunion, de très haute tenue, chacun a souligné que stopper l'endettement de la France était un devoir vis-à-vis de nos enfants et de nos petits-enfants.

Plusieurs propositions ont été faites. Toutes supposent une démarche de plusieurs années et une volonté politique de tous les instants. Pouvez-vous, Monsieur le ministre de l'économie et des finances, nous dire quelle est la stratégie retenue dans l'immédiat et à moyen terme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - En effet, pour la première fois dans l'histoire de notre République, le Premier ministre a décidé de réunir une Conférence nationale des finances publiques, réunissant comme vous l'avez dit tous les acteurs de la dépense publique... (Un bourdonnement sur les bancs de l'opposition couvre peu à peu les propos du ministre) Lors de cette réunion de très haute tenue, nous avons tenu compte des conclusions du rapport de Michel Pébereau recommandant l'adoption d'un plan quinquennal.

Le Premier ministre a décidé d'appliquer un tel plan. De façon à fixer ce cap pour la France pour les cinq ans qui viennent, il nous a demandé de nous mettre au travail afin que, début juin, à l'occasion notamment du débat d'orientation budgétaire, nous puissions présenter devant l'Assemblée et devant le Sénat les grandes orientations (Bourdonnement et brouhaha) qui nous conduiront au zéro valeur pour la dépense publique de l'État, au zéro volume pour celle des collectivités locales et au 1% en plus du zéro volume pour les dépenses de santé (Protestations sur les bancs du groupe UMP contre le bourdonnement de l'opposition ).

Pour la première fois, nous corrigeons enfin - et c'est l'honneur du gouvernement de Dominique de Villepin - les grandes erreurs économiques des vingt dernières années, auxquelles la gauche a tant contribué ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

VIOLENCE EN MILIEU SCOLAIRE

M. Franck Marlin - J'espère que ma question intéressera l'opposition parlementaire. Le débat mérite mieux que son comportement indigne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Le drame qui s'est déroulé au lycée Louis-Blériot d'Étampes a fait ressortir le problème de ces jeunes - je devrais dire de ces voyous - qui viennent dans un établissement scolaire non pas pour apprendre mais pour perturber les cours, voire pour agresser les autres. Il s'agit heureusement d'une minorité, que certains appellent pudiquement « publics particuliers » et que d'autres qualifient d'asociale ou d'ascolaire, mais celle-ci se concentre dans certains établissements.

Il est impératif de veiller à ce que ceux qui veulent apprendre puissent le faire normalement et à ce que les enseignants puissent accomplir leur travail dans la sérénité. Il est du devoir de l'Éducation nationale d'apporter des réponses concrètes à ce problème. Il faut que ceux qui n'ont plus rien à faire dans le circuit scolaire traditionnel soient pris en charge dans des structures spécifiques, de type internats, pour réapprendre que la vie en société impose le respect de certaines règles et de certains devoirs. Que comptez-vous donc faire, Monsieur le ministre de l'éducation nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - J'ai rencontré hier une enseignante très courageuse, malgré l'épreuve physique et morale qu'elle a subie. J'ai assuré Mme Montet-Toutain de la solidarité nationale et nous avons parlé ensemble de son avenir, sachant qu'elle a toujours la passion d'enseigner (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

J'ai reçu ce matin le rapport des inspecteurs généraux : il n'y a pas eu de faute caractérisée, ni des services académiques, ni de l'établissement. Mais il y a par contre dans cet établissement des incivilités, de l'absentéisme et même des menaces. C'est pourquoi j'ai nommé un proviseur adjoint et plusieurs assistants pédagogiques. Il faudra aussi améliorer l'offre de formation de cet établissement.

Mais nous ne pourrons obtenir de réels résultats que si nous changeons notre façon de gérer nos établissements scolaires. Par exemple, il ne faut pas laisser ce lycée dans l'incertitude quant à sa reconstruction. Plus généralement, il convient de mieux expliquer le règlement intérieur, de le faire respecter et de sanctionner ceux qui ne le respectent pas ; et il faut faire mieux travailler ensemble les services de l'État - police, gendarmerie, justice et éducation nationale. C'est dans cet esprit que la circulaire de 1998 sur la violence en milieu scolaire va être réécrite, afin de constituer un vrai guide pratique pour les enseignants.

Les jeunes ont besoin de repères, donc à la fois de récompenses et de sanctions, les enseignants ont besoin d'encouragement et de soutien, et les chefs d'établissement ont besoin de notre confiance. Ma responsabilité est de satisfaire ces attentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

MESURES POUR L'EMPLOI

M. Gaëtan Gorce - Monsieur le Premier ministre, nous ne pouvons nous satisfaire, parce que les Français ne peuvent s'en satisfaire, des réponses qui ont été apportées aux questions posées sur les mesures pour l'emploi. En politique comme en droit, nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Or qui a laissé croître le chômage des jeunes ? (« C'est vous !» sur les bancs du groupe UMP) C'est vous ! Qui a supprimé les emplois-jeunes ? C'est vous ! Qui a remis en question la durée du travail ? C'est vous ! Qui a réduit les crédits du budget pour l'emploi ? C'est vous ! (Même mouvement) Si donc il y a un problème d'emploi, c'est à cause de vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Le ministre de l'emploi et de la cohésion sociale a perdu son sang-froid : c'est du chômage qu'il devrait avoir assez ! Or vous prenez prétexte de la situation dramatique dans laquelle vous avez conduit ce pays pour vous attaquer aux droits et protections des salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Il y a dans ce domaine deux manières d'agir : l'une, franche et brutale, la rupture proposée par votre ministre de l'intérieur ; l'autre, plus sournoise mais peut-être plus efficace, qui consiste à détricoter maille par maille notre contrat social : c'est ce à quoi vous vous employez, mesure après mesure (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Vous nous dites que vous ne voulez pas d'un partage du travail, mais c'est pour mieux partager la précarité ! Comment faire croire à nos jeunes que vous allez favoriser leur entrée dans l'entreprise en organisant les conditions de leur expulsion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Vous êtes à la tête d'un « Pepsi-gouvernement » : ce que vous nous proposez a un peu la couleur du social, cela n'a certainement pas l'odeur du social, et ce n'est pas du social ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, vives interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Veuillez poser votre question.

M. Gaëtan Gorce - Je conclus. Comme le dit un proverbe bien connu, on peut tromper tout le monde quelque temps, on peut tromper un petit nombre tout le temps, mais on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps. Votre gouvernement ne fait pas du social, chacun s'en apercevra ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - Je vais essayer de ne pas faire « pschitt »...

On ne fait pas une politique à coups de citations, Monsieur Gorce ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Qui a conduit par le partage du travail à la modération des salaires ? C'est vous ! Qui a augmenté le SMIC de 17% ? C'est nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Je vous remercie de m'avoir interrogé, Monsieur Gorce, car j'avais oublié de vous donner une bonne nouvelle : depuis que l'Agence nationale pour l'emploi existe, le mois où il y a eu le plus d'offres d'emplois en France est décembre 2005, avec plus de 320 000 emplois offerts ! Un record historique a également été atteint sur l'ensemble de l'année (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Martine David - Parlez-nous des radiations !

M. le Ministre de l'emploi - Le nouveau dynamisme économique, le traitement pragmatique des problèmes, notre fibre humaine et sociale : je vois bien que tout cela vous ennuie, mais tant pis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

NAUFRAGE DU KLEIN FAMILIE

M. Jean Lemière - Le jeudi 5 janvier vers 6 heures, le cordier Klein Familie disparaissait au large de Cherbourg avec six personnes à bord. Un seul survivant, âgé de 18 ans, allait être récupéré. On déplore la disparition du patron, 36 ans, père de trois enfants, de deux frères dont l'un, 45 ans, était père de trois enfants, et l'autre, 34 ans, était père de deux enfants, d'un autre marin de 34 ans, père de quatre enfants, et d'un jeune de 19 ans. Très rapidement, l'hypothèse d'une collision avec un navire de commerce a été évoquée, soulevant à nouveau la question de la sécurité des navires de pêche dans les zones de fort trafic commercial.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, la population et les élus ont été très sensibles à votre présence, dès le lendemain du drame, auprès des familles des disparus pour leur apporter les messages de soutien du Président de la République et du Premier ministre et pour manifester à nos côtés votre compassion. Pourriez-vous communiquer à la représentation nationale les derniers éléments d'information sur ce naufrage et nous faire part de vos réflexions et propositions concernant l'amélioration de la sécurité des marins-pêcheurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche - Vous avez été à mes côtés, comme de nombreux collègues de votre département, lorsque je suis venu apporter un message de solidarité aux familles. C'est un drame épouvantable, qui survient après d'autres. Cette fois, il s'agissait d'une zone surveillée en permanence par le CROSS de Jobourg, le rail des Casquets, et vous avez pu constater comme moi les traces en baïonnette d'un navire maltais, qui prouvent l'existence d'un choc ou d'une manœuvre. Cela a permis de retrouver rapidement l'épave, de stopper ce navire et de le conduire au port de Dunkerque. S'agissant d'eaux internationales, l'État maltais a la responsabilité de l'enquête judiciaire, qu'il mène en solidarité avec notre pays.

Cette enquête aboutira, tous les moyens nécessaires ont été engagés et nous détenons - malheureusement - des éléments probants.

Reste l'enquête administrative, que Dominique Perben a confiée au Bureau Enquête Accidents, afin de connaître les circonstances du naufrage. Le chalutier pêchait-il ? Nous ne le croyons pas. Y a-t-il eu défaut de veille uniquement sur le bateau maltais ? Nous le vérifierons, car nous devons la vérité aux familles.

En tout état de cause, cela ne doit plus se reproduire ! Trop d'accidents du travail surviennent en mer, trop de marins meurent : notre pays, depuis quelques années, paye un très lourd tribut. Nous devons prendre des mesures nouvelles, concernant notamment le port de vêtements de sécurité et les équipements embarqués. Le Premier ministre m'a demandé d'intégrer ces éléments dans un plan de sécurité qui sera inclus dans le plan d'avenir pour la pêche.

Nous devons ensemble nous recueillir, penser aux disparus, à l'homme qui a courageusement survécu après avoir tenté de sauver ses camarades, et faire en sorte que de tels événements ne surviennent plus dans nos mers ! (Applaudissements sur la majorité des bancs)

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 25 sous la présidence de M. Dosière.

PRÉSIDENCE de M. René DOSIÈRE

vice-président

VOLONTARIAT ASSOCIATIF ET ENGAGEMENT ÉDUCATIF

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif.

M. Pierre-Christophe Baguet - À propos de l'organisation de nos débats, j'ai entendu M. le Président de l'Assemblée nationale, qui cherche à améliorer les conditions de travail des députés, tout comme j'ai entendu les déclarations de M. Denoix de Saint-Marc et celles de M. Mazeaud, président du Conseil constitutionnel. Or, en vertu de l'article 88, la commission des affaires culturelles s'est réunie tout à l'heure avec un ordre du jour particulièrement chargé : elle a ainsi dû examiner quarante amendements, dont dix du Gouvernement, en six minutes ! De telles conditions de travail sont inacceptables, et je tenais à le signaler.

M. le Président - Je vous en donne acte.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative - Ce projet a un double objectif : donner un statut au volontariat afin de développer cette nouvelle forme d'engagement dans les associations, et mettre fin à l'insécurité juridique qui pèse sur les conditions d'emploi des personnels pédagogiques occasionnels des centres de vacances et de loisirs, ceux que l'on appelle communément les moniteurs de colonies de vacances.

Un volontaire est une personne qui, pour un temps de sa vie, se consacre exclusivement et de façon désintéressée à un projet associatif d'intérêt général. Le volontaire n'est pas un bénévole : son engagement, en effet, est formalisé par un contrat passé avec l'association et est exclusif de toute activité rémunérée. Ce n'est pas non plus un permanent salarié car son engagement n'a pas de caractère professionnel et il ne perçoit pas de rémunération.

Même s'il peut être accompli à tous les âges de la vie, par exemple à l'occasion d'une année sabbatique, le volontariat concerne avant tout les jeunes.

L'engagement au service de la collectivité est plus que jamais nécessaire à la cohésion de notre société. Les associations sont au cœur de ce défi et elles ont la capacité d'accueillir des volontaires qui s'engagent pour un temps donné dans des missions d'intérêt général. Le volontariat associatif constituera l'un des piliers du service civil volontaire voulu par le Président de la République, aux côtés du dispositif Défense deuxième chance, des Cadets de la République et des contrats d'accompagnement dans l'emploi. Dès 2007, le service civil volontaire concernera 50 000 jeunes, dont 10 000 volontaires associatifs.

Il s'agit donc d'un grand projet, et, pour ne pas le dénaturer, il convient de préciser la notion d'engagement volontaire. Un service obligatoire imposé chaque année à 800 000 jeunes deviendrait vite une contrainte dont les intéressés chercheraient à s'exonérer, au risque de recréer les inégalités de fait générées en son temps par la conscription. Je crois à la valeur d'un échange donnant-donnant entre les jeunes et l'ensemble de la société : en contrepartie du temps consenti, le volontaire reçoit, outre une reconnaissance sociale, un accompagnement utile vers la formation et l'emploi. C'est le sens du service volontaire, tel qu'il sera développé par la future agence de la cohésion sociale et de l'égalité des chances, prévue dans le projet de loi Borloo dont vous serez prochainement saisis.

Je suis convaincu de l'urgence qui s'attache au développement du volontariat dans notre pays, à l'image de ce qu'ont déjà accompli nombre de nos partenaires. Introduit en 2000 dans le code du service national, le statut de volontaire civil de cohésion sociale et de solidarité ne répond aux attentes ni des associations ni des volontaires eux-mêmes. C'est pourquoi l'on ne compte que 400 volontaires en France, malgré le dynamisme d'associations telles qu'Unis-Cités. Pourtant, lors des JAPD, plus de 40 000 jeunes se déclarent potentiellement intéressés par un engagement volontaire.

Au vu de ces éléments, le Gouvernement a décidé de créer le dispositif plus large et plus souple du volontariat associatif. Ne relevant pas du code du travail, le contrat de volontariat est conclu par écrit entre une association agréée - ou une fondation reconnue d'utilité publique - et une personne de plus de 16 ans, de nationalité française ou communautaire ou résidant régulièrement en France depuis plus d'un an. La mission de volontariat ne peut durer plus de deux ans et une même personne ne peut accomplir plus de trois ans de volontariat au cours de sa vie.

Il est important de souligner que le volontariat présente une dimension européenne, puisqu'il permettra d'accueillir des ressortissants communautaires sur notre sol et d'envoyer partout en Europe des résidents français. Il sera extrêmement utile pour encourager la mobilité des jeunes, dans le cadre du service volontaire européen institué par la Commission européenne.

Si le volontaire ne peut exercer d'activité rémunérée, il pourra recevoir une indemnité -exonérée d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux - et bénéficiera de tous les droits sociaux, y compris celui à une pension de retraite. L'association d'accueil devra lui proposer une préparation adaptée à sa mission et il pourra faire valider ses compétences au titre des acquis de l'expérience. À l'issue de sa mission, le volontaire retrouvera, le cas échéant, ses droits à indemnisation au titre du chômage. En vue d'éviter que ce nouveau statut ne soit détourné de son objet, il sera interdit aux associations de substituer des volontaires à leurs salariés. De la même façon, l'agrément délivré par l'État préviendra toute dérive, tout manquement aux obligations liées à l'accueil de volontaires pouvant entraîner son retrait.

Le montant maximum de l'indemnité versée au volontaire sera fixé par décret, sa protection sociale étant assurée en contrepartie de cotisations forfaitaires mises à la charge de l'organisme d'accueil. Si la mission présente une durée continue supérieure à trois mois, c'est le FSV qui validera la période de volontariat au titre de la retraite. Au total, le coût de l'accueil d'un volontaire sera de l'ordre de 5 000 € pour une mission de six mois. Ce montant sera financé sur les ressources propres de l'association, au moyen de subventions publiques ou via le mécénat privé. J'ai demandé à l'ensemble de mes collègues du Gouvernement de veiller au développement du volontariat dans leurs champs de compétences respectifs. Enfin, lorsque les missions seront labellisées par la future agence de la cohésion sociale, elles pourront être partiellement financées par elle.

Dans le budget de mon ministère pour 2006, 2,5 millions seront consacrés au développement du volontariat, en vue de financer 2 500 volontaires dans les champs de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport. L'année prochaine, l'action sera amplifiée, 5 000 volontaires devant intervenir dans les domaines couverts par mon département ministériel. Pour atteindre cet objectif, nous lancerons une campagne d'information fondée sur le réseau information jeunesse, les JAPD, les universités et les grandes associations.

Le volontariat présente une dimension collective évidente et il suscite un brassage social éminemment enrichissant. Il constitue en outre une porte d'entrée irremplaçable vers le bénévolat de responsabilité, à même de contribuer à l'indispensable renouvellement du vivier des dirigeants associatifs.

J'en viens au titre II de la loi, qui vise à stabiliser - enfin ! - le statut de l'engagement éducatif. Ce volet concerne les quelque 250 000 jeunes et adultes - souvent des étudiants et des enseignants - titulaires du BAFA ou du BAFD qui encadrent et dirigent des centres de vacances et de loisirs durant leur temps libre. Par leur engagement, ils permettent à 4,5 millions d'enfants - souvent de milieux modestes - de partir en vacances ou de bénéficier de loisirs éducatifs de qualité durant l'année scolaire.

Les dispositions introduites dans le code du travail en 2000 par la loi relative à la RTT ont créé une insécurité juridique qui est de nature à compromettre l'équilibre du secteur de l'animation. L'annexe II à la convention collective de l'animation est en effet considérée comme illégale par l'inspection du travail. Dès lors, à la demande pressante des partenaires sociaux du secteur, le Gouvernement a décidé de traiter cette question dans la loi qui vous est soumise. Il vous est ainsi proposé de créer un régime dérogatoire, qui permettra une rémunération par un forfait journalier dont le montant minimum sera fixé par décret. La durée du travail des intéressés ne pourra excéder 80 jours dans l'année et sera assortie d'un repos hebdomadaire.

Cet aménagement du droit du travail est justifié par l'intérêt social qui s'attache à ce secteur d'activité, ainsi que par la situation des animateurs et directeurs occasionnels. À l'instar de votre rapporteure, je défendrai un amendement tendant à rendre éligibles au contrat d'engagement éducatif l'encadrement occasionnel des séjours de vacances destinés à des personnes handicapées adultes.

Enfin, comme je l'ai fait au Sénat après la concertation approfondie que j'avais conduite à ce sujet, je vous proposerai par un amendement de déterminer le champ d'application de ce texte en fonction de la nature des activités proposées aux mineurs et non du statut juridique de l'organisateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Claude Greff, rapporteure de la commission des affaires culturelles - Je suis particulièrement heureuse de rapporter sur ce texte, que vous avez présenté, Monsieur le ministre, le 2 mars 2005 et qui a été adopté au Sénat le 12 mai dernier. Il est important de rappeler qu'avant vous, il n'y avait jamais eu de ministre chargé de la vie associative et que seul le président Chirac a eu cette initiative. La création du ministère dont vous avez la charge marque ainsi la reconnaissance officielle du fait associatif.

Ce projet de loi est le fruit d'une belle rencontre entre le monde associatif et les responsables politiques. Grâce à une écoute et à un dialogue permanent, vous avez su, Monsieur le ministre, apporter des solutions concrètes à des questions restées trop longtemps sans réponse et nous proposer un texte équilibré, évidemment très attendu par toutes les personnes désireuses de vivre une autre forme d'engagement.

Plus que jamais, le monde associatif est devenu incontournable dans l'exercice de la démocratie et du développement du lien social. Les associations sont le lieu privilégié de l'expression de la volonté d'engagement de nos concitoyens. Plus d'un million d'associations sont actives dans notre pays et témoignent quotidiennement de la vitalité de ce secteur. Des milliers d'hommes et de femmes choisissent spontanément, au cours de leur vie, la voie de l'engagement : c'est le bénévolat, et il convient de l'encourager car il se situe au cœur de la vie associative et il est indispensable pour réaliser nombre de projets importants. On estime à 13 millions le nombre de personnes qui donnent ainsi de leur temps. Le mouvement associatif s'est aussi largement professionnalisé, puisque 1 500 000 personnes sont aujourd'hui employées dans ce secteur.

Avec le volontariat, nous créons un espace nouveau entre le bénévolat et le salariat et une nouvelle forme d'engagement dans le monde associatif. II existe en effet une vraie complémentarité entre le volontariat et le bénévolat. Le volontariat va permettre à une jeunesse pleine d'énergie d'agir dans les associations pour l'intérêt général, en accomplissant un engagement citoyen en France ou en Europe.

Le volontariat donne une occasion d'engagement libre et désintéressé au service de la collectivité. Il procède de la rencontre entre une personne et le projet d'intérêt général d'une association. C'est une formidable chance de se construire une citoyenneté active et de découvrir un nouvel environnement où chacun apporte son expérience et sa différence.

Le volontariat s'adresse autant aux filles qu'aux garçons. Il n'est toutefois pas réservé aux jeunes, ni aux jeunes en difficulté. Il peut cependant permettre d'acquérir un savoir-être avec des compétences nouvelles, valorisables pour entrer dans la vie active. Des associations comme « Unis-cités », que je connais bien, ou « Cotravaux », et bien d'autres encore, qui toutes effectuent un travail remarquable, sont concernées par ce contrat de volontariat associatif.

Le dispositif légal actuel ne permet pas de répondre à tous les souhaits des associations non plus que des candidats au volontariat. Il fallait donc le compléter en tenant compte de la multiplicité des situations. Tel est l'objet du présent projet de loi, qui comporte deux volets. D'une part, il institue un véritable statut du volontariat associatif, qui, précisément défini, trouvera toute sa place aux côtés du salariat et du bénévolat. D'autre part, il sécurise le statut juridique des personnels pédagogiques occasionnels des centres de vacances et des centres de loisirs sans hébergement, au regard du droit du travail. Il fallait en effet maintenir l'équilibre économique qui permet aujourd'hui à 4 500 000 mineurs d'accéder à prix modéré à des loisirs éducatifs de qualité durant les congés scolaires et en dehors des heures de classe.

La loi reconnaît aujourd'hui plusieurs formes de volontariat : les trois formes de volontariat civil créées par la loi du 24 mars 2000 ; le service volontaire européen ; le volontariat de solidarité internationale. Le volontariat associatif a vocation à devenir un statut de droit commun pour les personnes qui souhaitent servir l'intérêt général. Il constitue d'ailleurs l'une des trois composantes du label national « service civil volontaire » annoncé par le Président de la République.

Quelles en sont les principales caractéristiques ? Signé entre un organisme agréé et le volontaire, ce contrat ouvrira droit à une indemnité, non soumise à l'impôt, d'un montant maximal de 400 € par mois ; exclusif de toute autre activité, il pourra concerner des activités en France et en Europe, pour une durée comprise entre trois et vingt-quatre mois. Le volontaire pourra bénéficier, comme le Sénat en a posé le principe, d'un titre-repas, dispositif que je propose d'ailleurs d'améliorer. Dans le même esprit et afin de ne pas privilégier un statut plutôt qu'un autre, je propose de créer un chèque repas du bénévole, comme l'avait proposé le groupe de travail « Mieux accompagner et reconnaître l'activité bénévole » dont j'assurais la présidence. Le volontaire bénéficiera d'une couverture sociale complète et obligatoire. Ainsi les trimestres de volontariat seront-ils validés pour la retraite. Pour mettre fin à son engagement, le volontaire devra en informer l'association avec préavis minimal d'un mois, contrairement au bénévole qui peut, lui, mettre un terme à sa participation quand il le souhaite. Après son engagement, le volontaire pourra retrouver, le cas échéant, ses droits à indemnisation du chômage. Les contrats de volontariat pourront être conclus dans des domaines aussi divers que la culture, l'environnement, le secteur social, notamment auprès des personnes âgées ou handicapées. L'expérience qu'ils auront permis d'acquérir pourra faire l'objet d'une validation des acquis. Ce nouveau statut concilie donc, on le voit, le caractère désintéressé de l'engagement et la protection indispensable pour que le dispositif soit attractif.

Les formes obligatoires de service ne sont plus adaptées à notre époque. Il faut faire confiance à la volonté d'engagement des Français en faveur des causes qui les touchent. Le contrat de volontariat associatif le permettra.

Deuxième volet du projet : l'engagement éducatif. Les centres de vacances et les centres de loisirs sans hébergement jouent un rôle irremplaçable dans l'éducation et les loisirs des enfants et des adolescents. Beaucoup d'animateurs titulaires du BAFA ou du BAFD y exercent durant les congés scolaires. L'économie de ce secteur est néanmoins fragile et le renchérissement du coût des séjours aurait de graves conséquences pour les familles. À l'heure actuelle, les personnels dits « personnels pédagogiques occasionnels des centres de vacances et de loisirs » relèvent de l'annexe II à la convention collective de l'animation socioculturelle qui prévoit un système d'équivalence horaire. Le calcul de leur rémunération prend en compte un forfait qui ne peut être inférieur à deux heures pour une journée de présence effective. Or, cela n'est compatible ni avec la définition légale du temps de travail, telle qu'énoncée à l'article L. 212-4 du code du travail, ni avec le droit communautaire. Ayant vocation à sécuriser et à améliorer le dispositif existant qui a été mis à mal par un certain nombre de décisions de jurisprudence et par la législation relative à la réduction du temps de travail, le projet de loi crée, au sein du code du travail, un régime dérogatoire qui s'inspire de celui des éducateurs familiaux employés par les associations gestionnaires des villages d'enfants, en retenant le critère d'au plus quatre-vingts jours travaillés par an. La question a été posée au Sénat de savoir si l'engagement éducatif pouvait concerner les animateurs et directeurs de séjours destinés aux adultes handicapés. Je propose de poursuivre l'initiative prise au Sénat, qui a, depuis, fait l'objet d'une concertation avec les ministères concernés.

Point n'est besoin, au terme de cet exposé, de redire l'importance de ce texte pour le monde associatif, et pour l'avenir de notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. François Liberti - Il y a de quoi être fier de la vitalité et de la richesse de la vie associative dans notre pays, avec près de 900 000 associations, et un rythme de créations qui va croissant. Près de vingt millions de Français de plus de 14 ans sont membres d'une association - c'est le cas d'un sur deux chez les moins de 25 ans et chez les plus de 49 ans.

Le mouvement associatif est un lieu privilégié d'innovation en matière d'action collective, dans des domaines aussi divers que le sport, la culture, l'éducation, l'aide aux personnes. Il arrive même souvent qu'il s'approprie de nouveaux champs de réflexion et mette en place de nouveaux modes d'action avant que les pouvoirs publics n'en aient l'idée. Pourtant, les associations sont inquiètes devant les baisses ou les gels de crédits intervenus ces dernières années, qui ont contraint certaines d'entre elles à licencier massivement. Même lorsqu'elles sont reconnues d'intérêt général ou remplissent des missions de service public, elles craignent, à juste titre, que la diminution des aides publiques ne remette en question leurs activités. Nous profitons donc de ce texte pour demander à l'État de revenir sur ces restrictions budgétaires et d'accorder aux associations les moyens financiers nécessaires.

Ce projet de loi, qui complète le statut de volontaire civil institué en 2000 dans le code du service national, et celui de volontaire de solidarité internationale institué en 2005, qui n'ont pas rencontré le succès escompté, devrait permettre de susciter d'ici à 2007 de quatre mille à cinq mille vocations. N'oublions jamais qu'il s'inscrit dans un contexte de désengagement de l'État.

Dans le texte initial, le contrat de volont ariat associatif consiste en un engagement réciproque et formalisé, d'une durée maximale de deux ans, impliquant généralement un déplacement dans un nouvel environnement au service de la collectivité. Il est nécessairement conclu entre une association ou une fondation reconnue d'utilité publique poursuivant un but d'intérêt général et une personne majeure de nationalité française ou européenne ou résidant en France régulièrement depuis plus d'un an. Le volontaire reçoit une formation adaptée aux missions qui lui sont confiées et une indemnité dont le montant maximal est fixé par décret. Le volontaire est obligatoirement affilié au régime général, l'association ou la fondation versant au titre de l'assurance-vieillesse une cotisation minimale fixée par décret.

Le Sénat a très largement modifié ces dispositions initiales et il faut saluer certaines des avancées qu'il a permises. Ainsi, grâce à un amendement du groupe communiste, toutes les associations à vocation sociale et humaine, notamment celles assurant la défense des droits, pourront recourir à ce type de contrat.

Nous approuvons de même qu'ait été ouvert le droit à indemnisation du chômage en fin de mission pour les volontaires qui auraient démissionné de leur emploi, de même que la possibilité de rompre le contrat avant son terme sans avoir à respecter le préavis d'un mois, si cette rupture permet au volontaire d'être embauché en CDD d'au moins six mois ou en CDI. La possibilité de valider les acquis de cette expérience et le bénéfice de deux jours de congés améliorent également sensiblement le texte.

Nous nous félicitons que la commission des affaires sociales de l'Assemblée ait supprimé l'article 13 obligeant les associations ayant reçu des subventions de la part de l'État ou d'une collectivité à les rendre publiques.

Nous approuvons de même la décision unanime permettant de recourir à des animateurs relevant de l'engagement éducatif pour l'encadrement occasionnel de personnes handicapées dans les centres de loisirs et de vacances, en application de l'article 48 de la loi de février 2005 en faveur des personnes handicapées.

Nous souhaitons en revanche - ce à quoi la commission s'est opposée -, que les titulaires d'un contrat de volontariat puissent bénéficier, sans conditions de ressources, de l'aide juridictionnelle dans le cas d'un litige les opposant à l'organisme qui les a engagés.

La possibilité pour les volontaires de recevoir des prestations nécessaires à leur subsistance, leur équipement ou leur logement, de même que la création d'un titre-repas du volontaire, exonéré de cotisations et contributions sociales, étaient absolument nécessaires.

Notre principale crainte est que le volontariat n'ouvre sur des « petits boulots » peu rémunérateurs, surtout vu la situation financière particulièrement difficile de la plupart des associations, en raison de la politique du Gouvernement.

En outre, le désengagement de la puissance publique crée dans de nombreux secteurs des besoins qui peuvent relever de l'activité associative et contraint nombre de jeunes à chercher des moyens de subsistance, même modiques. Dès lors, on peut légitimement se demander si ce contrat n'est pas une porte de sortie pour les emplois-jeunes et si le bénévolat ne va pas évoluer vers le volontariat. Et dans un esprit profondément libéral, vous refusez aux volontaires toute garantie légale, en renvoyant à la seule responsabilité individuelle des parties.

Au titre II, le Sénat n'a pas avancé vers une refonte des financements et de l'organisation des centres de vacances et de loisirs. Inscrire l'engagement éducatif dans le code du travail mais en l'assortissant d'une dérogation quasi générale au respect de ce code est inacceptable. Nous nous opposerons également avec véhémence à toute extension des dispositions de l'article 11 au secteur lucratif.

Le volontariat doit permettre à chacun, dans des parcours différents, de s'engager dans une action d'intérêt collectif, d'exprimer sa solidarité et de vivre la citoyenneté. Votre projet ne répond pas tout à fait à cet objectif. Je vous demande d'être attentif à nos amendements pour y remédier.

M. Patrick Beaudouin - Après la loi sur le volontariat de solidarité internationale, votée en février dernier, ce projet est essentiel pour renforcer le volontariat associatif.

Grâce à la loi de 1901, la France est le pays d'Europe qui compte le plus grand nombre d'associations, soit un million avec 21 millions de membres. Mais ce dynamisme de la société civile appelle des nuances. Si le volontariat en entreprise et le volontariat international, créés par la loi du 14 mars 2000, sont un succès, le volontariat de cohésion sociale et de solidarité n'a attiré que 400 personnes, en raison de la lourdeur des formalités et de la faiblesse de l'indemnité proposée.

Selon les enquêtes, 80% des Français qui ont eu une activité bénévole en 2002 veulent se sentir utiles à la société, et les deux tiers ne le font que de façon occasionnelle. D'autre part, sur les 850 000 jeunes de moins de 28 ans accueillis chaque année lors des journées d'appel de préparation à la défense, 45 000 manifestent un intérêt pour le volontariat civil. Enfin, 96% des personnes interrogées pensent que le mot « bénévole » correspond le mieux à la vie des associations, même si celles-ci emploient 1 500 000 salariés. Il y a donc place, entre bénévolat et salariat, pour un véritable statut du volontariat.

A l'Assemblée, le groupe d'études sur le temps citoyen, présidé par Claude Greff, dont je salue l'excellent rapport, a étudié l'engagement citoyen en France. S'il est bien apparu que bénévolat et volontariat traduisent, avant toute chose, le désir d'un engagement entier en faveur d'une cause et d'une participation à la cité, des freins et des résistances subsistent comme une inorganisation persistante, le manque de reconnaissance et l'absence de cadre légal pertinent.

Il faut donc fixer un cadre clair. C'est ce que propose votre texte.

Votre action, Monsieur le ministre, a déjà contribué à répondre au désir d'engagement de notre jeunesse. Depuis 2003, votre ministère a regroupé tous ses dispositifs d'aide aux jeunes de 11 à 30 ans au sein d'un programme unique, intitulé « Envie d'agir » , avec quatre volets, - engagement, défi, entrepreneuriat, volontariat. Il met à leur disposition un accompagnement pédagogique, une aide méthodologique, des financements adaptés, un site d'information dédié et des points d'appui « Envie d'agir » partout en France. Le 24 novembre dernier, le Premier ministre, et vous-même, avez remis les prix nationaux « Envie d'agir » à trois lauréats volontaires internationaux.

Je souhaite que ce projet prolonge le programme « Envie d'agir » très dynamique, en favorisant les possibilités de mener au sein d'associations ou de fondations d'utilité publique, de façon désintéressée, un projet d'intérêt général. Cette notion de désintéressement est fondamentale à mes yeux. Comme vous le soulignez dans un courrier que vous m'adressiez en août dernier, il signifie que la relation entre le volontaire et l'association n'est pas contre rémunération et n'est donc pas assimilable à un contrat de travail. N'oublions pas non plus que, comme l'a écrit Victor Hugo, « le vrai nom du dévouement, c'est désintéressement ».

Les associations, en prenant en charge des missions de proximité que ne peut assumer l'État, permettent aux jeunes de prendre conscience du fait qu'ils vivent dans une société solidaire où l'intérêt général garde tout son sens et de faire l'apprentissage de la vie en communauté.

Ce texte satisfait les attentes légitimes d'un grand nombre d'entre elles. Il n'institue nullement un « sous-contrat » de travail. Dans leur démarche, les volontaires ne visent d'ailleurs ni la professionnalisation, ni la formation professionnelle. Il représente, donc, une grande avancée, mais demande cependant quelques éclaircissements.

D'abord, les droits à chômage ne seront ouverts en fin de mission que pour les salariés ayant démissionné pour accomplir une mission de volontariat d'une durée minimale d'un an. Le volontariat ne saurait être un sas confortable vers les allocations chômage. C'est donc une mesure de bon sens. C'est pourquoi il doit aussi être incompatible avec le maintien de minima sociaux.

En second lieu, l'extension aux volontaires du régime de validation des acquis de l'expérience, figurant dans la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, vise, sans s'inscrire dans une démarche rationalisée de professionnalisation, à reconnaître le volontariat comme une expérience désintéressée mais enrichissante. Elle rend en outre ce contrat attrayant, au même titre que l'indemnisation, la couverture sociale, le décalage de l'âge limite pour se présenter aux concours de la fonction publique, ou la création d'un titre-repas.

En troisième lieu, le volontariat associatif restant trop méconnu, je souscris à l'idée, exprimée au Sénat, de présenter une fois par an le volontariat à l'ensemble des collégiens et des lycéens, ainsi que lors des journées d'appel de préparation à la défense. L'an dernier, j'ai organisé, dans ma circonscription, une large consultation des associations locales. La plupart ont exprimé un vif intérêt pour le nouveau dispositif, mais aussi quelques inquiétudes. Les étudiants, dont le rôle est primordial pour l'encadrement de clubs sportifs, pourront-ils aisément pratiquer le volontariat dans ce cadre ? Et ne devront-ils pas être affiliés au régime général ? Quelles instances traiteront des litiges relatifs au volontariat associatif, puisque nous sommes en dehors du droit du travail ? Enfin, de quelles garanties disposeront les associations qui reposent exclusivement sur le bénévolat, comme les mouvements de scoutisme, et craignent de pâtir de la promotion du volontariat ? Répondre à ces quelques questions les rassurerait.

Par ailleurs, il est indispensable de publier le décret relatif à l'indemnisation du volontariat - qui sera sans doute de 400 € - dans les six mois qui suivront le vote définitif de ce texte, pour éviter tout flottement.

Au passage, je souhaiterais, pour le service volontaire européen que Mme Greff a évoqué, un véritable tissu associatif européen. Depuis 1991 les institutions européennes étudiaient la proposition de créer un statut d'association européenne, permettant de développer une véritable société civile européenne et de contourner les obstacles à la liberté d'association qui existent encore dans certains États. Or, le 27 septembre dernier, la Commission européenne a inclus cette proposition dans une liste noire de 68 propositions qualifiées de « largement obsolètes » et récemment, elle a été définitivement retirée. Je me félicite que le Premier ministre et vous-même, vous soyez élevés contre ce retrait et que notre Gouvernement soit à l'initiative d'une nouvelle proposition pour faire aboutir le statut d'association européenne.

Au titre II, relatif à l'engagement éducatif, l'article 11 clarifie la situation des personnels pédagogiques occasionnels des centres de vacances et des centres de loisirs sans hébergement au regard du droit du travail. Ils sont près de 300 000 à intervenir dans ce cadre. Depuis le passage aux 35 heures, ces personnels dont le temps de travail effectif est difficile à déterminer, sont nombreux à avoir fait l'objet de procès-verbaux des inspecteurs du travail. En tant que maire, je vous ai déjà saisi de ce dossier suite aux observations de la Direction départementale de la jeunesse et des sports du Val-de-Marne. Une telle insécurité juridique risque de compromettre l'équilibre économique et social du secteur de l'animation à but non lucratif.

Le nouveau statut, qui insère la notion d'engagement éducatif dans le code du travail et qui crée ainsi un régime dérogatoire adapté à ces personnels pédagogiques occasionnels, apporte une réponse à cette insécurité juridique et constitue une reconnaissance sans ambiguïté du travail exemplaire mené au sein des centres de vacances ou de loisirs.

Je tiens à souligner la pertinence de l'amendement de notre rapporteure sur l'encadrement d'activités destinées aux groupes constitués de personnes handicapées majeures. La loi du 11 février 2005 nous invite à avoir le réflexe handicap. Cet amendement exprime ce nouveau réflexe.

Mon vœu est que la nouvelle forme de volontariat contribue à rouvrir la réflexion sur une autre grande question, que les récentes violences urbaines ont remise au goût du jour : le service national. Plusieurs de nos collègues ont déposé des propositions de loi tentant de répondre à cette demande d'engagement civique et associatif. J'en ai moi-même déposé une tendant à la création d'un service national de solidarité civique. Toutes ces initiatives parlementaires s'inscrivent dans une seule et même problématique : les énergies volontaires doivent pouvoir s'épanouir, mais ne faut-il pas aussi canaliser les énergies en sommeil, qui n'osent s'exprimer ou qui sont laissées pour compte ? Ne faut-il pas prendre par la main ceux qui ne seront pas naturellement volontaires ? C'était le rôle de la conscription à travers le service national. Un nouveau service national, adapté aux réalités et aux besoins de notre jeunesse et lui donnant le sens de la communauté, du civisme et de la citoyenneté, pourrait répondre à ce besoin. Il assurerait les conditions du véritable amalgame républicain nécessaire à la cohésion nationale. C'est dans cet esprit que le Président de la République a proposé un « service civil volontaire », de nature à mobiliser le désir d'engagement et l'immense générosité qui existent chez nos jeunes concitoyens.

Au nom du groupe UMP, Monsieur le ministre, je vous félicite de votre disponibilité et du travail de concertation que vous avez mené avec les différentes associations et notre Assemblée. Ce texte répond pleinement au besoin de clarification du monde associatif. Vous pouvez compter sur notre soutien pour ce projet qui permettra à la France de combler son retard en matière de volontariat associatif et d'encadrement de l'engagement éducatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine Lignières-Cassou - Vecteur essentiel du lien social, la vie associative participe étroitement de l'exercice d'une citoyenneté active et contribue aussi à l'émergence d'un secteur économique qui a une vocation sociale et solidaire, hors de la logique du profit.

Avec ce projet, dont l'examen par notre Assemblée a été plusieurs fois repoussé, vous prétendez répondre, Monsieur le ministre, aux attentes des associations. Pourtant, comme nous l'avons vu lors de l'examen du budget pour 2006 consacré à la vie associative, le secteur associatif est loin d'être une priorité pour le Gouvernement. Il est du reste extrêmement fragilisé par le désengagement de l'État. Après la crise des banlieues de novembre dernier, le Gouvernement a semblé redécouvrir le rôle des associations. Cette soudaine prise de conscience l'a amené à annoncer le déblocage de cent millions d'euros. Mais tout le monde s'interroge sur la réalité des crédits, Monsieur le ministre. Ne s'agit-il pas en fait de crédits déjà existants qui seraient tout simplement recyclés ?

Les associations ne sont pas les pompiers du social, auxquels on ne ferait appel que lorsque ça brûle ! Elles souhaitent être partie prenante de la construction des politiques publiques et ont élaboré des propositions en ce sens. Souhaitons donc que le Gouvernement sache les entendre le 23 janvier, lors de la conférence de la vie associative !

La reconnaissance du volontariat est une demande du secteur associatif. En effet, depuis quelques années, se dégage entre salariat et bénévolat un espace particulier qui est celui d'un engagement limité dans le temps mais dense. Un engagement civique, social, durant lequel le ou la volontaire participe à la conception, la réalisation et l'évaluation d'une action. Le projet répond-t-il à cette demande du secteur ? Je ne crois pas. Il aurait fallu pour cela définir un cadre qui donne une vision d'ensemble, au lieu de quoi vous ne nous proposez qu'un énième dispositif.

Oui, une loi-cadre qui donnerait du sens et du souffle à l'engagement serait nécessaire. Au lieu de cela, nous allons avoir un dispositif qui s'ajoute à tous les précédents, sans que ceux-ci aient d'ailleurs été évalués. Il existe déjà le volontariat international en administration ou en entreprise, le volontariat de cohésion sociale, le volontariat européen, sans compter le dernier-né, le volontariat de solidarité internationale, ni celui en devenir, le service civique volontaire annoncé par le Président de la République. Quelle confusion ! Et comme tout cela est illisible ! Pour ajouter à cette complexité, vous proposez dans le titre II de créer un engagement éducatif propre à l'encadrement des centres de vacances et de loisirs, alors que cet encadrement pourrait être l'un des volets du volontariat associatif. Parce qu'il n'est pas porté par une vision d'ensemble, ce projet ne pourra pas répondre à la demande sociale actuelle.

Vous écartez du nouveau statut les moins de 18 ans, les retraités, les demandeurs d'emploi, et les bénéficiaires du RMI. Vous songiez même à en écarter l'ensemble des titulaires de minima sociaux. Certes, le volontariat n'est pas une démarche d'insertion, mais pourquoi en exclure a priori les personnes en phase d'insertion ?

Votre texte comporte trop de part d'ombre et d'ambiguïté. De ce fait, le nouveau volontariat risque d'être un simple outil d'insertion professionnelle, mais hors du droit du travail, échappant ainsi à tout contrôle administratif. En cette période de déréglementation et de réduction des crédits aux associations, le risque que les contrats de volontaires se substituent à des emplois salariés est bien réel. Nous serons donc très vigilants sur les conditions d'accès au volontariat associatif et sur les modalités de son exercice (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre-Christophe Baguet - Je regrette tout d'abord que nous ne soyons cet après-midi qu'une dizaine à nous intéresser à la jeunesse qui s'engage et que les medias soient plus attentifs à celle dont on dit sans doute un peu rapidement qu'elle se révolte.

Ce projet a pour objectif de reconnaître certaines formes d'engagement associatif et d'encourager l'investissement citoyen des jeunes. C'est un objectif enthousiasmant, qui correspond bien à la vision que nous avons, à l'UDF, de la société et de la solidarité qui doit exister entre ses membres.

Les associations sont l'un des vecteurs privilégiés de l'engagement au service d'une cause d'intérêt général et leur nombre - plus d'un million ! - témoigne de la vitalité du secteur. Si l'on entend parfois des lamentations sur le manque de bénévoles, on ne peut que constater que les Français continuent de s'engager massivement. Mais il est vrai qu'ils le font de plus en plus pour défendre des intérêts particuliers sur des sujets qui les concernent dans leur vie quotidienne. C'est une dérive regrettable vers une société égoïste. Ils savent toutefois se montrer très généreux après des catastrophes comme le tsunami de l'an dernier, qui a mis en évidence la nouvelle dimension internationale de la solidarité.

L'engagement bénévole est au cœur de la vie associative. Mais le mouvement associatif s'est aussi, peu à peu, professionnalisé pour pérenniser certaines de ses actions et répondre à la demande de services. Entre le bénévolat et le salariat, il est aujourd'hui nécessaire de reconnaître l'existence du volontariat associatif et d'en permettre le développement. La personne volontaire s'engage, pour une durée déterminée, à se consacrer de façon désintéressée à un projet d'intérêt général. Aux côtés des autres formes d'engagement et sans se substituer à l'emploi, le volontariat doit devenir le troisième pilier des ressources humaines des associations.

Ce texte va dans le bon sens, mais il faut aller plus loin et ne pas évacuer la dimension économique que représentent les activités de jeunesse, en particulier en termes d'emplois. Dans cet esprit, je propose de supprimer la disposition prévoyant que les employeurs de personnels d'animation ne puissent avoir d'autre forme juridique que celle d'association à but non lucratif. L'amendement que vous proposez pour correction, Monsieur le ministre, devra être très précis. Couvrira-t-il bien les classes transplantées, en France comme à l'étranger, et les séjours linguistiques ?

De même, en pensant en particulier aux grandes difficultés rencontrées par les mouvements scouts pour trouver des lieux de camp, je propose un amendement tendant à favoriser la mise à disposition à titre gratuit de locaux et de terrains aux associations, en permettant de l'assimiler à un don et de faire bénéficier le propriétaire d'une réduction d'impôt.

Je tiens d'ailleurs à rendre hommage au mouvement des colonies de vacances : l'accueil collectif d'enfants de milieux souvent défavorisés pour de courts séjours s'inscrit dans l'histoire sociale de notre pays, en particulier dans celle de l'éducation populaire. Quatre millions et demi de jeunes peuvent ainsi accéder à des loisirs éducatifs. Ces colonies de vacances assument des missions d'intégration et d'éducation indispensables, et dont la crise des banlieues confirme la nécessité.

Or notre société s'inquiète trop, elle se protège trop : la réglementation des centres de vacances et des camps scouts a été trop durcie, mettant en péril la pérennité de ces structures. On constate une baisse de 10% de la fréquentation depuis 1995 et une diminution de la durée moyenne des séjours - 16 jours actuellement. Pourtant, les enfants de grandes villes qui passent cent jours par an dans les centres de loisirs ont besoin de changer d'air... Il nous faut trouver le bon équilibre entre les nécessaires mesures de sécurité et tout ce qui fait l'intérêt de ces séjours, à savoir l'indépendance, l'apprentissage du risque et la découverte de la vie à plusieurs. On constate de même une nette diminution des classes transplantées, qui représentent désormais une responsabilité trop lourde pour les enseignants.

Permettez-moi d'évoquer une proposition qui me tient à cœur : il faudrait permettre aux jeunes de faire reconnaître comme stage, au même titre qu'un stage en entreprise, la période où ils encadrent un camp scout. Être chef de camp pendant deux mois est en effet une expérience utile et enrichissante, au moins autant que de faire des photocopies ou de distribuer le courrier dans une entreprise...

Ce texte créant un contrat de volontariat est intéressant, quoique trop limité. Il doit être une première étape vers la création d'un service civil. C'est François Bayrou qui, dès la campagne présidentielle de 2002, a lancé l'idée d'un service civil obligatoire de six mois pour tous les jeunes, qui rempliraient ainsi des tâches d'intérêt général dans des secteurs variés. C'est une conséquence logique de la suppression du service militaire. D'ailleurs, si nous en sommes encore à nous demander comment mettre en valeur cette forme d'engagement, les autres pays européens le font depuis très longtemps. C'est aussi le moyen d'assurer le brassage social que permettait le service militaire, de permettre aux jeunes à réapprendre à vivre ensemble et de redécouvrir les valeurs humanistes.

Favoriser le don de soi à travers l'engagement dans une association comme bénévole ou comme volontaire, c'est construire une société moins matérialiste, moins égoïste, bref plus humaine. Notre rôle de parlementaires est d'encourager toutes les formes de générosité et de solidarité. C'est pourquoi, tout en regrettant son caractère trop limité, le groupe UDF votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Decool - Monsieur le ministre, j'ai pu apprécier la vitalité du monde associatif à l'occasion de la mission exaltante que vous m'aviez confiée en novembre 2004, qui m'a permis d'auditionner plus de 300 responsables associatifs. Le constat est simple : des petites associations locales aux grandes structures fédératives, la vie associative touche toutes les catégories socioprofessionnelles, toutes les tranches d'âge et l'ensemble du territoire ; elle est ainsi un facteur de cohésion sociale et territoriale.

C'est avant tout un engagement humain, mais c'est aussi un acte citoyen car l'association participe à la vie de la cité. Elle est un véritable creuset de la démocratie, jouant souvent le rôle d'interface entre le citoyen et le politique.

Cet engagement peut prendre trois formes : le salariat, le bénévolat et le volontariat. Ce projet de loi tend à sécuriser juridiquement les volontaires qui, sans but intéressé, interviennent ponctuellement sur une mission de l'association ; mais il nous donne aussi l'occasion d'évaluer les droits et les devoirs des associations.

Tout d'abord, qu'entend-on par mission d'intérêt général ? Dans mon rapport, j'observe que la notion d'intérêt général, en perpétuelle évolution, n'a pas de définition précise. Certes, l'administration fiscale, en application de l'article 200 du code général des impôts, a élaboré des critères : pour être considérée d'intérêt général, l'association ne doit pas agir en fonction des intérêts propres de ses membres et elle ne doit pas fonctionner au profit d'un nombre restreint de personnes. Ces critères restent très restrictifs ; en outre, il est anormal qu'il revienne à l'administration fiscale de reconnaître l'intérêt général de telle ou telle association.

C'est pourquoi j'ai proposé de retenir la notion d'intérêt sociétal ; je défendrai un amendement en ce sens.

Ensuite, je souhaiterais avoir des précisions sur la procédure et les critères d'agrément des associations. J'attache en particulier une très grande importance au projet associatif. A la différence de l'objet de l'association, spécifié dans les statuts, celui-ci, qui est la mise en pratique de cet objet, peut être différent selon les périodes et les actions choisies par l'association. Le contrat de volontariat se fait sur une mission particulière : il est donc nécessaire de vérifier que cette mission entre bien dans le projet. En outre, une évaluation régulière de l'association agréée doit être instaurée afin d'éviter qu'elle ne s'écarte de sa mission d'intérêt sociétal. Cette responsabilisation serait une première avancée vers une charte des droits et devoirs des associations.

Que ce soit dans les zones rurales, en ville ou dans les quartiers sensibles, le monde associatif est un gisement de volontés et d'activités qu'il faut encourager. J'ose croire, Monsieur le ministre, qu'après le chèque emploi associatif, la réforme sur les dons et legs aux associations et aujourd'hui le texte sur le volontariat associatif, une véritable réforme des associations agissant pour l'intérêt sociétal sera accomplie. En saluant la force de vos convictions et l'excellent travail de Mme Greff, j'apporterai mon entier soutien au premier pas réalisé par ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Henri Nayrou - Nous ne découvrons pas ce soir le volontariat, qui est la rencontre entre une volonté individuelle et un projet d'intérêt général et collectif. Mais le mouvement associatif français a appelé de ses vœux la reconnaissance de cette forme d'engagement, et l'on ne peut que regretter que le texte proposé ne soit pas la loi-cadre attendue.

L'ambition de ce projet de loi aurait dû être de tracer une voie nouvelle entre bénévolat et salariat, entre don de soi et prestation de service, entre volontariat voulu et subi. Entre le bénévolat indemnisé et le salariat déguisé, la voie est étroite.

Vous me permettrez de porter un jugement plus critique que celui de la majorité sur ce texte, dont le défaut principal est de créer un énième statut de volontaire sans répondre de manière globale aux questions de fond ni définir une véritable politique publique dans ce domaine. En effet, sous le vocable de « volontariat », on a institué au gré des réformes des définitions, des pratiques et des règles qui ne sont pas convergentes. L'avis du CNVA avait pourtant insisté sur la nécessité de créer un volontariat à statut unique au sein d'une loi-cadre, définissant les différents types de volontariat, précisant le caractère des missions, leur durée, l'agrément des organismes d'accueil, la couverture sociale, les obligations respectives des volontaires et des organismes. Qu'en est-il ?

Ce texte s'inscrit dans une conjoncture dégradée, due aux gels budgétaires, à la baisse continue des subventions ou encore à la suppression des emplois-jeunes remplacés depuis peu par des contrats aidés.

Alors que le Gouvernement redécouvre le poids du chômage et la crise dans les banlieues, il est à craindre que ce projet fasse l'amalgame entre volontariat et insertion professionnelle, d'autant que le volontariat associatif est présenté, Monsieur le ministre, comme « l'un des piliers du service civil volontaire ».

Or il s'agit d'un statut hybride et ambigu, car il coexiste avec le bénévolat, moins enviable car moins protecteur, mais aussi avec le salariat, moins précaire. Certaines associations ne seront-elles pas tentées de remplacer leurs salariés permanents par des volontaires, moins onéreux ? C'est pourquoi des garde-fous doivent être mis en place.

Nous tenons particulièrement à ce que soient clarifiées les conditions d'accès et de sortie du volontariat, la durée du contrat, la protection sociale ainsi que les conditions d'obtention de l'agrément. C'est dans cet esprit que le groupe socialiste a déposé des amendements, qui ont été dédaignés en commission, malgré le travail constructif effectué avec les associations.

J'espère que nous serons entendus et compris par le Gouvernement, la rapporteure et la majorité UMP - comme les sénateurs socialistes l'ont été au Palais du Luxembourg - dans l'intérêt des volontaires et de cette démarche noble qu'est le volontariat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. André Schneider - Je souhaite vous remercier, Monsieur le ministre, de nous donner l'occasion de débattre d'un sujet capital pour notre société et qui nous tient à cœur.

Je me plais à dire dans les lycées où j'interviens parfois qu'il n'y a rien de plus beau que de faire quelque chose avec et pour les autres, et ce, de façon totalement désintéressée. Le dynamisme du bénévolat associatif n'est plus à démontrer. Les associations, qui sont un million en France, sont toutes animées par des bénévoles qui jouent un rôle irremplaçable dans la vie de nos villes, de nos quartiers et de nos villages.

Ces dernières années, le mouvement associatif s'est considérablement professionnalisé afin de satisfaire la demande grandissante de services et - comme la rapporteure l'a souligné - le mouvement associatif est aujourd'hui l'un des premiers employeurs de France.

Toutefois, il est devenu nécessaire de créer une troisième voie entre le bénévolat et le salariat : le volontariat associatif. Ce projet de loi vise d'une part à donner un statut au volontariat, d'autre part à mettre fin à l'insécurité juridique, dont je sais, pour avoir été directeur de colonies, qu'elle pèse sur l'emploi des personnels à vocation pédagogique.

Qu'est-ce que le volontariat associatif ? Il ne s'agit ni de bénévolat ni de salariat, mais bien d'un contrat de droit privé pour une mission d'intérêt général et désintéressée - il est important de le souligner - dans des domaines variés. Le volontaire se consacrant à cette mission ne dispose d'aucune autre source de revenu et son contrat, ne relevant pas des règles du code du travail, sera entouré de nombreuses garanties, lesquelles protégeront le volontaire et empêcheront que cet engagement ne se substitue au salariat. En outre, le volontaire perçoit une indemnité, son contrat est obligatoirement limité dans le temps, et il bénéficie d'une validation des acquis ainsi que d'une couverture sociale.

Au-delà du volontariat, je tiens à souligner - en ma qualité de président pour l'Alsace-Moselle du Mouvement régional de défense du bénévolat et de la vie associative - que ce sont les quelque dix millions de bénévoles qui demeurent le cœur de nos associations et font « tourner » la vie culturelle et sportive. A l'image des pompiers volontaires, le bénévolat a souvent joué un rôle pionnier dans l'innovation socio-économique et touche toutes les générations : les jeunes, qui y voient une étape essentielle dans leur vie professionnelle ; les salariés, qui y trouvent une expérience enrichissante ; les retraités, qui peuvent transmettre ainsi leur savoir-faire.

Le bénévolat constitue un lien de cohésion sociale exemplaire, qu'il est essentiel de faire fructifier. Le contrat de volontariat est la forme la plus aboutie du volontariat civil, institué par la loi du 14 mars 2000, qui notamment en raison de lourdeurs administratives, a remporté peu de succès. La loi du 23 février 2005, qui a institué un contrat de volontariat de solidarité internationale, en a tiré toutes les conséquences. Le texte que vous nous soumettez aujourd'hui permettra de répondre aux attentes de milliers d'associations et à l'envie de nombreux jeunes.

Pour conclure, j'insisterai avec force pour que nous défendions à l'avenir le bénévolat, tant le volontariat devrait être un premier pas vers cet engagement. Les « vrais » bénévoles demandent, par exemple, une reconnaissance, telle une distinction...

M. Charles Cova - La médaille de la jeunesse et des sports est faite pour cela !

M. André Schneider - ...la validation des acquis de l'expérience, l'attribution de points de retraite supplémentaires, ou encore d'allégements fiscaux.

Pour finir je citerai Antoine de Saint-Exupéry : « Si tu veux réunir les hommes, apprends-leur à bâtir ensemble », et Mark Twain : « Ils ne savaient pas que c'était impossible ... alors ils l'ont fait ». Quelle belle leçon d'espérance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme la Rapporteure - Très bien !

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Nous sommes rassemblés pour débattre d'un texte qui concerne un million d'associations et plus d'un million 600 000 personnes, bénévoles ou salariées. Celui-ci était attendu : après avoir été ajourné en juin, et suite aux récentes violences urbaines, il nous est aujourd'hui soumis.

Les associations expriment leurs craintes. Depuis 2002, nous assistons à un repli du soutien de l'État : diminution des subventions, retrait des postes de personnels mis à disposition dans les fédérations d'éducation populaire, abandon de la politique de la ville, appauvrissement des contrats éducatifs locaux.

Certes, la crise que nous avons connue a contraint le Gouvernement à réagir en promettant 100 millions d'euros pour le secteur associatif œuvrant dans les quartiers. C'est une étape, mais qu'en sera-t-il à l'avenir ? Nous craignons que le désengagement de l'État ne se poursuive, empêchant les associations d'envisager sereinement tout travail de fond. Pour mener à bien les missions qui leur sont souvent confiées par l'État et les collectivités locales, elles ont besoin de professionnels qui s'engagent sur la durée. Dans le secteur des loisirs, elles emploient ainsi 36 000 directeurs et 200 000 animateurs, lesquels se trouvent aujourd'hui dans l'incertitude.

La notion même de volontariat associatif est une avancée réelle, à condition qu'elle ne permette pas de remplacer à très bon marché un emploi associatif existant ou à créer. Le secteur associatif, au fil des années, a assuré la professionnalisation de nombreux salariés et nous devons veiller à ce que des garanties soient apportées concernant ces nouveaux contrats. Plus globalement, nous serons d'autant plus vigilants dans l'examen de votre texte que les soutiens de l'État tendent de plus en plus à diminuer. Vous n'apportez en outre aucune réponse quant à la valorisation de ce secteur : vous n'évoquez pas la formation des bénévoles, non plus que la meilleure prise en compte du mouvement associatif dans la définition des politiques publiques. Rien, non plus, sur le versement dans des délais raisonnables des subventions d'État ou l'instauration de conventions pluriannuelles d'objectifs plus longues permettant un véritable travail de fond.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré que votre projet devait apporter des solutions concrètes à des questions restées trop longtemps sans réponse. Assurément, la vie associative est un levier de la cohésion sociale et ce secteur non lucratif fait partie de l'histoire de notre pays. Or ce texte ne répond que partiellement aux problèmes qui se posent et les solutions que vous proposez doivent être enrichies au cours de ce débat. Je vous invite donc à prendre en considération l'ensemble des amendements déposés par mon groupe (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yannick Favennec - Une association repose avant tout sur un engagement humain. Nombreux sont les Français qui mettent au service des autres leur énergie soit en leur consacrant leur temps libre - c'est le cas des bénévoles - soit en consacrant un temps de leur vie à un projet associatif d'intérêt général, et c'est le cas des volontaires. Ces acteurs de la cité qui s'organisent pour mener une action commune dans le cadre de plus d'un million d'associations font de la France la championne d'Europe de la vie associative. Cependant, force est de constater que le nombre de bénévoles n'augmente plus, sans doute en raison du poids des responsabilités qu'ils doivent assumer et de leur sentiment de ne pas être suffisamment entendus par les pouvoirs publics. Il est de notre responsabilité de défendre la spécificité de l'association, qui n'est ni une entreprise ni un service public mais qui contribue largement à la vitalité de nos territoires.

Votre projet propose la création d'un contrat de volontariat associatif et je m'en réjouis car cela répond aux attentes d'un grand nombre d'associations. Étant l'élu d'un territoire rural, je sais ce que nous leur devons, ainsi qu'aux bénévoles qui y travaillent. Ce sont eux qui contribuent au renforcement du lien social et qui participent à l'animation de nos villes et de nos villages ! Nous pouvons être fiers de ce qu'ils font et de ce qu'ils sont !

Si, depuis 2002, le Gouvernement s'attache à soutenir les bénévoles et la vie associative avec notamment la création, en 2004, d'un ministère de la vie associative dont vous avez la charge, Monsieur le ministre, le monde associatif semble connaître une crise du bénévolat. Je sais néanmoins que vous prenez toute la mesure des inquiétudes des bénévoles et des volontaires ; vous l'avez notamment montré en septembre dernier lors de votre venue dans ma circonscription à Carelles, petite commune du nord de la Mayenne où vous avez discuté avec trois cents responsables associatifs. Vous avez ainsi élaboré un projet qui permettra de combler un vide juridique en créant un statut situé à mi-chemin entre le bénévolat et le salariat. Mais il convient également de répondre aux attentes des bénévoles qui souhaitent par exemple qu'un véritable statut du bénévolat puisse voir le jour et qui veulent mieux concilier leur vie professionnelle avec leur engagement associatif. Ils souhaitent aussi que nous préparions l'avenir en favorisant le désir d'engagement des jeunes. Ainsi, ne pourrait-on pas imaginer l'instauration d'une journée annuelle que les collégiens et les lycéens passeraient dans une association ? Cette immersion serait pour ces jeunes un premier pas citoyen. Tel est le sens de l'amendement que je proposerai.

Le volontariat associatif contribuera certes au renouvellement et au rajeunissement du vivier des responsables associatifs mais il est peu connu du grand public. Il serait donc très utile de présenter ce nouveau statut à de nombreux jeunes afin de les sensibiliser encore plus à l'engagement associatif. Il y a tout juste un an, Monsieur le ministre, vous avez organisé la première conférence nationale de la vie associative. L'un des groupes de travail avait pour thème, « Mieux accompagner et reconnaître l'activité bénévole ». Cette activité mérite en effet que l'on s'y attarde car elle représente plus d'un million d'associations qui regroupent plus de 21 millions d'adhérents et mobilisent près de 11 millions de bénévoles dans les associations sans salariés et 3,5 millions dans les associations ayant au moins un salarié. Les conclusions de ce groupe de travail ont débouché sur trente-deux propositions concrètes visant à améliorer la situation des bénévoles. Je souhaite donc, Monsieur le ministre, que vous puissiez les rassurer en leur donnant les moyens de continuer à se consacrer à leur engagement afin que le tissu associatif irrigue toujours plus la vie quotidienne de nos territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. le Ministre - Certes, comme l'a dit M. Baguet, nous ne sommes pas très nombreux, mais vous êtes tous de fins connaisseurs de la vie associative, et c'est là un fort encouragement.

M. Liberti a évoqué l'âge limite d'engagement dans la vie associative, tout comme Mme Lignières-Cassou. Je rappelle que celui-ci n'est pas de dix-huit ans mais de seize ans.

Mme Martine Lignières-Cassou - Grâce au Sénat.

M. le Ministre - C'est une avancée.

M. Pierre-Christophe Baguet - Mais il faut une autorisation parentale.

M. le Ministre - Certes, et c'est tout à fait normal.

Je précise également que nous ne sommes pas dans une logique d'insertion professionnelle : il s'agit bien d'un engagement désintéressé, volontaire, en particulier pour la jeunesse.

En ce qui concerne l'insertion, les gouvernements Raffarin et Villepin ont mis en place des dispositifs comme le contrat d'avenir, le contrat d'accompagnement dans l'emploi ou le contrat de première embauche.

Quant au volet II, qui concerne l'engagement éducatif, comment pouvez-vous vous étonner que nous essayions de trouver une solution pour les 250 000 jeunes qui encadrent 4,5 millions d'enfants dont la grande majorité sont issus de familles modestes ? C'est d'ailleurs l'application de la loi sur les 35 heures qui a mis en difficulté les centres de loisirs et de vacances ! Nous, de façon pragmatique, nous trouvons aujourd'hui une solution afin de résoudre le problème de l'encadrement de ces jeunes, ce qui permettra aux organisateurs, l'été prochain, de ne pas être ennuyés par les inspecteurs du travail qui viendraient requalifier cette activité d'engagement éducatif au regard de l'application des 35 heures.

M. Beaudouin, lui, a évoqué la nécessaire promotion de ce nouveau dispositif qu'est le volontariat associatif civil. Nous accomplirons, grâce au réseau information jeunesse, un travail pédagogique afin de faire connaître ce nouvel outil auprès des collèges, des lycées et des universités. L'agrément local, quant à lui, ne sera pas examiné par une commission mais un dossier sera remis au préfet par le délégué départemental à la vie associative. Les étudiants qui souhaiteraient s'engager volontairement, par exemple dans les clubs sportifs, pourront le faire à condition bien sûr de ne pas remplacer les éducateurs sportifs. L'affiliation au régime général, elle, sera établie par un amendement gouvernemental. Les tribunaux d'instance ou de grande instance seront compétents en matière de litige.

S'agissant de l'encadrement des scouts, je précise à Pierre-Christophe Baguet qu'il restera possible de recourir au volontariat sans prévoir d'indemnisation minimale, le décret fixant un plafond d'indemnisation des volontaires et non un plancher. Cela permettra au mouvement scout de poursuivre son action sans contrevenir à ses principes de base. Et j'indique au passage que conformément à la règle instituée par Dominique de Villepin, les décrets d'application du présent texte seront disponibles le plus vite possible et, en toute hypothèse, avant six mois.

Martine Lignières-Cassou a évoqué la baisse des crédits destinés aux associations, et, dans la même intervention, les 100 millions de mesures nouvelles à leur profit, votés par amendement au PLF pour 2006. Sur ce montant, 15 millions seront pilotés par mon ministère pour des actions dûment évaluées à destination des quartiers sensibles. Au cours des décennies passées, beaucoup d'argent public a été consacré à la politique de la ville, mais sans évaluation. Je considère pour ma part qu'il nous incombe de faire preuve de la plus grande vigilance dans le contrôle de l'utilisation des fonds publics, ce qui doit conduire à privilégier les actions réellement efficaces et à savoir stopper ou réorienter celles qui ne donnent pas les résultats escomptés. Telle sera ma ligne de conduite dans la mise en œuvre du plan d'action en faveur des quartiers les plus sensibles que m'a demandé de coordonner le Premier ministre.

L'interprétation de la notion de volontariat à laquelle s'est livrée Mme Lignières-Cassou m'a semblé un peu paradoxale : peut-on nous reprocher à la fois d'écarter les titulaires de minima sociaux du dispositif, tout en redoutant que nous ne tendions à faire du volontariat un outil d'insertion comme un autre ? Quoi qu'il en soit, je vous le redis clairement : la clé du volontariat, c'est bien l'engagement désintéressé au service des autres. Ce n'est pas - et je le confirme aussi à François Liberti - un moyen d'insérer par un biais détourné des publics en difficulté en leur donnant un statut particulier.

M. Baguet a également évoqué la possibilité que des structures privées bénéficient du régime de l'engagement éducatif. À cet égard, j'indique que « l'amendement UNOSSEL » - Union nationale des organisations de séjours linguistiques -, que je désigne ainsi car il a été finalisé en concertation avec les organisations professionnelles concernées, ne traite pas des classes transplantées, lesquelles relèvent logiquement du code de l'éducation et non de celui de l'action sociale et des familles.

S'agissant - nous en avons déjà parlé -, des activités de scoutisme, la validation des périodes d'encadrement des animateurs se fera au titre de leur parcours académique et non de leurs stages, ces derniers devant avoir impérativement une finalité professionnelle.

Patrick Beaudouin et Pierre-Christophe Baguet ont évoqué la possibilité d'instituer un service obligatoire. Je dois dire qu'une telle proposition ne correspond pas vraiment à l'idée que je me fais de l'engagement volontaire, lequel procède par essence d'une démarche librement consentie d'ouverture aux autres. Dans notre pays, une classe d'âge comprend près de 800 000 individus. On imagine mal que tous soient volontaires pour un engagement désintéressé et, si tel était le cas, que les structures d'accueil potentielles soient en mesure de proposer à chacun d'entre eux une activité valorisante. L'idée d'un service civil obligatoire pouvant conduire certains jeunes à faire des photocopies pendant six mois ne me séduit guère ! Au-delà, considérant que six mois de volontariat coûtent 5 000 €, je vous laisse calculer le montant - il se chiffre en milliards d'euros ! - à mobiliser pour indemniser de façon décente l'ensemble d'une classe d'âge. Enfin, il est à craindre que les jeunes les mieux formés ou ceux issus des milieux les plus favorisés ne parviennent à se soustraire à cette obligation, de nouvelles inégalités sociales prenant alors le pas sur le nécessaire brassage. Il y a donc là, j'en conviens, un sujet de débat passionnant mais il faut se prémunir de tout retour en arrière et ne pas dénaturer la belle notion de volontariat en créant des systèmes trop compliqués et trop uniformes.

La possibilité de créer un système d'astreintes, dans lequel les jeunes soucieux de se rendre disponibles pour donner un coup de main en cas de coup dur pourraient se faire recenser dans un répertoire national, me séduit davantage car elle permettrait de prendre en compte la volonté de nos jeunes de se rendre utiles tout en respectant leur liberté de choisir la forme d'engagement qui leur semble la mieux adaptée. Bien entendu, il faut tenir compte des limites financières qui peuvent s'opposer à de tels dispositifs mais cela mérite que nous y réfléchissions.

Fort d'un million d'associations actives et de deux à trois millions de bénévoles responsables, notre pays ne souffre pas à proprement parler d'une crise du bénévolat. Force est cependant de constater que s'il se crée près de 70 000 associations chaque année, les effectifs des responsables associatifs restent relativement stables, ce qui traduit un certain besoin de renouvellement des ressources humaines auquel le volontariat pourra contribuer.

En fin connaisseur du fait associatif, Jean-Pierre Decool nous a livré d'intéressantes réflexions sur la notion d'intérêt sociétal. Je lui concède volontiers qu'il est un peu triste que la notion d'intérêt général ne figure en droit positif que dans le code général des impôts... même si la jurisprudence en a formidablement enrichi le contenu ! Plus prosaïquement, mon ambition est d'aller vite dans l'accompagnement de la montée en puissance du volontariat et toute référence à la notion - encore en devenir - d'intérêt sociétal risquerait de nous retarder un peu dans notre entreprise... Tout à fait d'accord pour travailler ensemble sur la notion d'intérêt sociétal, mais que cela ne nous empêche pas de faire vivre dès à présent l'intérêt général en renforçant le volontariat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Mignon remplace M. Dosière au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON

vice-présidente

Mme la Présidente - J'appelle les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

ARTICLE PREMIER

M. Henri Nayrou - Compte tenu des ambiguïtés que la discussion générale a mises en évidence entre les notions de bénévolat et de salariat, nous voulons prévenir toute tentation pour une association en difficulté de faire basculer des volontaires dans le secteur marchand. A cet effet, l'amendement 18 précise que le volontariat, compte tenu de l'absence de rémunération, ne peut concerner que des organismes à but non lucratif. À nos yeux, cela va mieux en le disant !

Mme la Rapporteure - Défavorable, dans la mesure où la loi de 1901 ne vise que les organismes à but non lucratif. La précision est donc inutile.

M. le Ministre - Même avis. La loi de 1901 est sans ambiguïté sur ce caractère non lucratif. Cet amendement serait donc inutile.

Comme je l'ai dit en réponse à M. Decool, nous avons préféré mettre en avant la notion d'intérêt général, en fonction duquel est délivré l'agrément. C'est par ce biais que seront écartés les organismes qui ne tendent qu'à la protection d'intérêts privés.

L'amendement 18, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Liberti - Le ministre a évoqué dans sa réponse les mesures nouvelles financées après la crise des banlieues de novembre dernier. J'aimerais bien savoir à quoi il faisait allusion. Car ce n'est pas le tour de passe-passe opéré en loi de finances qui rassurera les associations, en particulier celles d'éducation populaire et celles qui œuvrent dans les quartiers, qui ont subi des coupes claires dans leurs crédits en 2004 et 2005. En effet, les cent millions d'euros prétendument dégagés ont été prélevés sur d'autres enveloppes, notamment à hauteur de quarante millions sur celle des collèges. Il n'est pas mauvais de le rappeler pour en finir avec certaine tartuferie sur le sujet.

Il existe dans notre pays 471 fondations reconnues d'utilité publique, 67 fondations d'entreprise, 571 fondations créées sous l'égide d'autres, reconnues d'utilité publique, et environ mille créées sous l'égide de l'Institut de France, qui œuvrent dans des secteurs très divers. Comme les associations, ce sont des personnes morales à but non lucratif. Leur éventuelle reconnaissance d'utilité publique fait l'objet d'un décret pris après avis du Conseil d'État. Par notre amendement 79, nous souhaitons préciser que les contrats de volontariat associatif ne sauraient être souscrits que par les seules fondations à vocation sociale comme Emmaüs, la Fondation de France... La précision n'est pas inutile pour parer à toutes les dérives possibles. Les fondations d'entreprise ou les fondations d'art créées par des sociétés civiles ou commerciales ne sauraient en effet bénéficier du nouveau dispositif.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable. Comme le précédent, cet amendement modifie inutilement des rédactions suffisamment claires.

M. le Ministre - Même avis. Les fondations d'entreprise ne sont pas reconnues d'utilité publique. Vos craintes n'ont donc pas lieu d'être.

M. François Liberti - Il ne nous paraissait pas inutile de lever toute ambiguïté en précisant : fondation reconnue d'utilité publique « et à vocation sociale ».

M. le Ministre - Je ne comprends vraiment pas pourquoi vous tenez à cet ajout. Encore une fois, l'intérêt général sera garanti par l'agrément.

L'amendement 79, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - L'amendement 19 tend à supprimer le mot « désintéressée » dans la première phrase de l'alinéa 2. En effet, cet adjectif est impropre pour qualifier la collaboration du volontaire puisque celui-ci recevra une indemnité. En outre, cela pourrait conduire certains organismes à considérer que l'indemnité peut se réduire à l'indemnisation, voire partielle, des frais engagés par le volontaire pour accomplir correctement sa mission. Nous souhaitons éviter que l'on abuse de la bonne foi et du dévouement des volontaires.

Mme la Rapporteure - La commission pense au contraire que la mention d'une « collaboration désintéressée » est essentielle. Elle traduit l'adhésion du volontaire aux projets de l'association et marque la confiance qui s'instaure entre eux. Par ailleurs, une indemnité n'est pas une rémunération. C'est même ce qui distingue le volontariat du salariat.

M. le Ministre - Même avis. Cela dit, et pour répondre à M. Schneider, qui a évoqué ce point tout à l'heure, que la collaboration soit désintéressée ne signifie pas qu'elle n'est pas reconnue. Je l'annoncerai d'ailleurs lundi prochain lors de la conférence annuelle de la vie associative, le champ de la médaille Jeunesse et sports va être élargi au mouvement associatif, afin précisément de mieux reconnaître l'engagement des bénévoles et des volontaires - sans en passer par un statut du bénévole qui serait trop rigide.

L'amendement 19, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Liberti - Si 80% des associations dans notre pays fonctionnent uniquement avec des bénévoles, 168 600 emploient du personnel contre 125 000 en 1995, soit une progression de 35% en dix ans. Si 54,7% de celles-ci n'emploient qu'un ou deux salariés, elles offrent au total 1,6 million d'emplois et occupent 8% des salariés. Cette professionnalisation croissante prenant place dans un contexte de chômage massif des jeunes et de désengagement de l'État vis-à-vis des associations, il serait normal que le nouveau contrat de volontariat soit régi par le code du travail, afin d'éviter tout effet pervers. Tel est l'objet de l'amendement 80.

Mme la Rapporteure - Cela reviendrait à nier la spécificité même du volontariat. Avis défavorable donc.

M. le Ministre - Même avis. Ce serait remettre en question la philosophie même de l'engagement volontaire, désintéressé, au service de la collectivité et de l'intérêt général.

M. François Liberti - On sous-estime les risques que ce contrat de volontariat n'ouvre la porte à des « petits boulots ». Le monde associatif est d'ailleurs inquiet à cet égard. Notre amendement ne dénaturerait en rien la philosophie du volontariat.

L'amendement 80, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Lignières-Cassou - L'amendement 20 précise que l'engagement volontaire, d'une durée limitée, constitue l'activité principale de la personne pendant la durée de son volontariat. Celle-ci a beau être limitée, le volontaire en effet s'engage totalement.

Mme la Rapporteure - Parler d'activité principale laisserait supposer qu'il pourrait y en avoir d'autres. Or, comme vous l'avez rappelé, le volontaire s'investit pleinement dans un projet. De plus, la formule est peu juridique. La commission a repoussé l'amendement.

M. le Ministre - Même avis. L'article 3 dit bien que le contrat de volontariat est incompatible avec toute activité rémunérée. Cet amendement pourrait en outre mettre en difficulté des étudiants qui font leur volontariat en dehors de la période universitaire.

M. Jean-Pierre Decool - Je retire l'amendement 47 qui avait le même objet.

Mme Martine Lignières-Cassou - Le volontariat est en effet un engagement plein. Mais l'objectif est ici de bien le distinguer du bénévolat.

L'amendement 47 est retiré.

L'amendement 20, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Decool - Ayant entendu les arguments du ministre, je retire l'amendement 104. Mais je souhaiterais lui donner rendez-vous lors de la discussion budgétaire pour débattre de nouveau de la substitution de l'intérêt sociétal à l'intérêt général.

M. le Ministre - C'est entendu. Nous verrons alors si nous pouvons évoluer en ce sens.

L'amendement 104 est retiré.

Mme la Rapporteure - L'amendement 99 est de précision. Mieux vaut parler d'activité contribuant « à la diffusion de la culture, de la langue française et des connaissances scientifiques » que de « la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ».

M. le Ministre - Avis favorable.

Mme Martine Lignières-Cassou - J'entends bien que la culture et la science sont universelles. Mais avec la rédaction proposée, on risque d'exclure les associations qui ont pour vocation de diffuser les langues régionales, au Béarn ou ailleurs. La révision de la Constitution avait déjà entravé leur enseignement.

M. le Ministre - La façon dont le texte parle d'éducation et de culture recouvre tout à fait cet apprentissage des langues régionales, auquel je suis aussi attaché que vous.

Mme Martine Lignières-Cassou - Dans cet alinéa, on répète « culturel » et « culture ». Ou c'est redondant, ou cela a un sens, qui peut devenir restrictif.

L'amendement 99, mis aux voix, est adopté.

L'article premier ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE PREMIER BIS

Mme la Rapporteure - L'amendement 1 tend à supprimer cet article. Le volontaire bénéficiera d'office de l'aide juridictionnelle en cas de besoin si l'indemnité de volontariat, qui est faible, constitue sa seule ressource.

M. le Ministre - Avis favorable.

Mme Martine Lignières-Cassou - Pour nous, cela va mieux en le disant, comme le propose le Sénat.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté. L'article premier bis est ainsi supprimé.

ART. 2

M. Henri Nayrou - Notre amendement 22 est de précaution. Il s'agit d'éviter que des salariés d'une association soient licenciés et remplacés par des volontaires pour des tâches de gestion.

Mme la Rapporteure - La commission a considéré que cette précision était inutile. Rejet.

M. le Ministre - Avis défavorable. En vous référant au cadre départemental, vous permettez de licencier en Ardèche pour recruter en Ariège. Les salariés seront moins protégés ; ils doivent l'être dans un cadre national.

M. Henri Nayrou - Dans le cadre départemental, les contrôles sont plus faciles.

L'amendement 22, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 2 rectifié, qui a fait l'objet d'un consensus en commission, supprime l'alinéa 2 qui, dans une rédaction alambiquée, prévoit une dérogation inutile. Une association pourra employer un volontaire pour des missions autres que celles exercées dans les six mois précédents par une personne dont le contrat de travail a été rompu.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Notre amendement 23 est identique. Si l'on permet de remplacer un salarié licencié par un volontaire, c'est une menace pour l'emploi.

M. François Liberti - Notre amendement 81 est également de suppression. La dérogation est inutile pour permettre un contrat de volontariat sur des missions autres que celles remplies par un salarié dont le contrat est rompu.

M. le Ministre - Avis favorable.

Les amendements 2 rectifié, 23 et 81, mis aux voix, sont adoptés.

M. François Liberti - L'article 2 vise à éviter le dévoiement que constituerait la substitution d'un volontaire à un salarié. Le risque reste grand cependant que certaines associations se servent du dispositif pour remédier aux difficultés financières qu'elles connaissent et couvrir des activités qui relèvent de salariés à temps plein ou partiel. C'est pour éviter de telles dérives que nous proposons, dans l'amendement 82, d'écrire que le champ d'activité couvert par le volontariat ne saurait se substituer à une activité professionnelle qualifiée pouvant exister au sein d'une association ou d'une fondation à vocation sociale.

Mme la Rapporteure - Je comprends votre souci, mais à trop vouloir préciser, on rendrait le texte incompréhensible, alors que notre objectif est que la loi soit simple et permette au volontariat de se développer. L'article 2 apporte suffisamment de garanties dans le sens que vous souhaitez.

M. le Ministre - Nous partageons votre souci, Monsieur Liberti, mais l'article 2 encadre bien les choses et l'agrément ne sera donné que si l'association respecte bien ce cadre. Si elle décidait de jouer un autre jeu, l'agrément ne serait plus jamais renouvelé.

L'amendement 82, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

M. François Liberti - L'article 3 pose que la personne volontaire doit justifier d'une résidence régulière et continue de plus d'un an en France. Un étranger installé sur notre territoire ne pourra donc pas devenir volontaire s'il part en vacances ! Par ailleurs, pourquoi un an plutôt que trois ou six mois ? Aucune justification ne nous est donnée. Il faut supprimer cette exigence discriminante.

D'une façon générale, nous souhaitons que vous leviez les restrictions opposées à nos concitoyens en situation de fragilité sociale ou appartenant aux couches les plus appauvries de notre société, ainsi qu'aux personnes originaires d'autres continents. Étant donné que le texte vise à encourager le volontariat, il ne faut pas se contenter de l'ouvrir aux ressortissants de l'espace économique européen. Nous proposons donc d'en ouvrir l'accès à tous les citoyens des nations avec lesquelles notre pays entretient des relations de coopération.

M. le Ministre - Le contrat d'accueil et d'intégration n'a pas vocation à permettre à son bénéficiaire de réaliser une mission de volontariat. Il est donc nécessaire de revenir à la rédaction initiale de l'article, qui permet aux étrangers justifiant d'une résidence régulière et stable en France de s'investir dans une mission de volontariat. Tel est l'objet de l'amendement 59 du Gouvernement.

Le contrat de volontariat étant un engagement susceptible de se prolonger sur plusieurs années, il ne peut s'adresser qu'à des personnes dont la résidence en France est stabilisée.

Mme la Rapporteure - Vous avez raison, Monsieur le ministre, au sujet de la vocation du contrat d'accueil et d'intégration. Il n'en demeure pas moins que l'engagement dans un volontariat est un signe fort d'une réelle volonté d'intégration et que les personnes qui font cette démarche méritent d'être soutenues. C'est pourquoi la commission a un avis défavorable sur cet amendement.

M. le Ministre - Je retire l'amendement du Gouvernement.

Mme Martine Lignières-Cassou - Nous nous félicitons de cette décision.

M. Pierre-Christophe Baguet - C'est le ministre qu'il faut féliciter.

L'amendement 59 est retiré.

Mme la Rapporteure - Le 98 est un amendement de précision.

L'amendement 98, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Etienne Pinte - Mon amendement 14 2e rectification a pour objet de permettre à des personnes d'une autre nationalité que celles mentionnées dans cet article d'être admises à remplir une mission de volontariat en France auprès d'une fondation ou d'une association reconnue d'utilité publique - ou d'une association adhérente à une fédération elle-même reconnue d'utilité publique. Mon amendement pose un certain nombre de conditions : que la mission revête un caractère social ou humanitaire, que le contrat de volontariat ait été conclu préalablement à l'entrée en France et que l'intéressé ait pris par écrit l'engagement de quitter le territoire à l'issue de sa mission.

Je pense aux associations qui font de la formation dans les pays en voie de développement et qui ont besoin que les personnes ainsi formées viennent parfaire leur formation en France. Cela fait ainsi dix ans que ma ville finance, dans le cadre de la coopération décentralisée, la construction de bibliothèques pour enfants au Cambodge et qu'elle envoie donc là-bas des bibliothécaires transmettre leur savoir. Mais de temps en temps, nous invitons les bibliothécaires cambodgiens à venir compléter leur expérience.

Mme la Rapporteure - J'entends bien vos arguments et je suis consciente de la réussite des actions que vous menez, mais nous avons aujourd'hui l'objectif de bien installer le volontariat et de l'aider à grandir. C'est pourquoi nous l'encadrons. Proposer dès aujourd'hui l'ouverture que vous souhaitez serait prématuré. La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le Ministre - Le volontariat est un engagement susceptible de se prolonger sur plusieurs années. C'est pourquoi il s'adresse à des personnes dont la résidence en France est stabilisée. De plus, Monsieur Pinte, votre amendement vise toutes les associations et fondations reconnues d'utilité publique, soit quelque 2 000 associations et 470 fondations. Plus encore si l'on inclut les associations affiliées à une fédération elle-même reconnue d'utilité publique.

Une telle extension augmenterait fortement le risque de voir se développer des filières d'immigration illégale et mettrait en danger le principe même du volontariat. En retirant l'amendement 59, le Gouvernement est allé aussi loin qu'il le pouvait. Il est trop tôt pour envisager l'ouverture que vous souhaitez.

M. Etienne Pinte - Le volontariat extraterritorial existe déjà. Le cadre que vous fixez ne permettra plus à des ONG de faire venir des personnels en formation. Je trouve très dommage que ce qui était de fait possible ne le soit plus en droit.

Mme Martine Lignières-Cassou - La proposition de notre collègue Pinte me paraît extrêmement intéressante, d'autant qu'elle est encadrée. J'entends votre remarque, Monsieur le ministre, mais il serait très dommage d'arrêter un mouvement qui permet de former des cadres pour les pays du Sud.

M. Pierre-Christophe Baguet - Nous reconnaissons bien l'humanisme de notre collègue Pinte dans cet amendement, qui est en effet intéressant. N'oublions pas le rôle fondateur des ONG françaises à vocation exclusivement humanitaire, qui font notre honneur, tandis que se développent des ONG anglo-saxonnes qui sont des multinationales économiques. Cet amendement, qui est bien dans l'esprit de ce projet, mériterait d'être adopté, quitte à prendre dans le décret d'application les dispositions nécessaires au regard de l'immigration clandestine.

M. François Liberti - L'exposé des motifs de cet amendement indique clairement le cadre fixé par celui-ci : « limitation aux domaines de l'action sociale et de l'action humanitaire, exigence d'un contrat de volontariat établi avant l'entrée sur le territoire, engagement de quitter celui-ci dès la fin de la mission ».

L'amendement 14 2e rectification, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Decool - Mon amendement 48 rectifié tend à compléter le quatrième alinéa pour préciser que le contrat de volontariat n'est pas non plus incompatible avec la participation aux activités juridictionnelles ou assimilées, les consultations données occasionnellement, ni avec la participation à des jurys de concours publics ou à des instances consultatives ou délibératives réunies en vertu d'un texte législatif ou réglementaire. Cette extension des dérogations s'inspire des dispositions du code de la sécurité sociale sur l'interdiction du cumul emploi-retraite.

Mme la Rapporteure - Nous souhaitons que la loi soit simple ; il ne faut donc pas multiplier les exceptions. En conséquence, avis défavorable.

M. le Ministre - La notion de « consultations données occasionnellement » nous rapproche dangereusement de celle d'honoraires... Il me paraît plus sage d'en rester au texte du projet ; avis défavorable, donc.

L'amendement 48 rectifié est retiré.

M. le Ministre - L'amendement 60 lève le gage financier du rétablissement par le Sénat de la possibilité de cumuler une indemnité de volontariat et l'allocation de parent isolé.

M. Pierre-Christophe Baguet - Très bien !

L'amendement 60, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. Jean-Pierre Decool - S'il convient qu'un salarié puisse faire une pause dans sa carrière pour s'engager comme volontaire, il convient aussi qu'il ne puisse pas bénéficier d'une indemnisation du chômage s'il rompt son contrat de volontariat sans cause réelle et sérieuse. Je propose donc par mon amendement 49 de compléter la phrase « Ces droits sont également ouverts en cas d'interruption définitive de la mission » par les mots « du fait de l'association ou en cas de force majeure ».

Mme la Rapporteure - La commission est favorable à cet amendement, mais je propose de remplacer les mots « l'association » par les mots « l'organisme agréé » afin de couvrir les fondations.

M. le Ministre - Avis favorable à cet amendement et à la proposition de Mme la rapporteure.

M. Jean-Pierre Decool - Je suis d'accord pour rectifier mon amendement.

L'amendement 49 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Notre amendement 26 tend à créer un congé de volontariat, à l'instar du congé parental d'éducation ou du congé sabbatique, à l'issue duquel le salarié retrouverait son précédent emploi ou un emploi similaire.

Mme la Rapporteure - L'idée est intéressante, mais l'accumulation de divers congés pourrait poser problème. Commençons par adopter ce texte ; nous pourrions examiner la question à l'occasion de la prochaine conférence nationale de la vie associative.

M. le Ministre - Avis défavorable également. Le congé sabbatique ou le congé sans solde permettent déjà à un volontaire de se mettre à disposition d'une association. En outre, cet amendement a l'inconvénient de ne fixer aucune condition quant à la durée préalable de présence dans l'entreprise.

Mme Martine Lignières-Cassou - On voit bien là le manque d'ambition de ce projet : pour favoriser véritablement l'engagement dans le volontariat associatif, il serait nécessaire de créer ce congé.

L'amendement 26, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 4, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 4

M. Henri Nayrou - L'amendement 27 souligne le fait que les demandeurs d'emploi peuvent s'engager dans le volontariat : ils renoncent à leurs indemnités de chômage, mais peuvent les retrouver à la fin de leur mission. Cet article additionnel devrait faire l'unanimité sur ces bancs.

M. Jean-Pierre Decool - L'amendement 53, identique, est défendu.

Mme la Rapporteure - Vous contribuez à complexifier la tâche de l'UNEDIC ! Par ailleurs, lorsqu'une personne se trouve au chômage, elle a deux solutions : soit elle se considère à la recherche d'un emploi, auquel cas elle doit s'y consacrer à plein temps ; soit elle s'engage dans une nouvelle voie, celle du bénévolat. Il ne me semble pas que cette solution favorise le volontariat. Avis défavorable.

M. le Ministre - Cette décision relève des partenaires sociaux, dans le cadre de la convention UNEDIC. Avis défavorable.

M. Henri Nayrou - Je suis surpris que l'opposition se voie refuser la possibilité de rayer - en toute légalité et transparence - les demandeurs d'emploi des statistiques du chômage ! C'est le monde à l'envers ! (Sourires)

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Il est dommage que nous ne prenions pas la mesure de cette proposition. Nous connaissons tous des personnes au chômage qui ont, grâce à une activité dans une association, repris pied et trouvé un nouveau sens à leur vie. S'engager comme volontaire est aussi une façon de retrouver le chemin de l'emploi.

Les amendements 27 et 53, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

ART. 5

Mme la Rapporteure - L'amendement 3 est rédactionnel. L'emploi du singulier s'impose, tant dans la première phrase que dans la dernière phrase de cet article, car le volontaire s'engage pour un seul contrat de volontariat.

M. le Ministre - Avis favorable.

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.

L'article 5 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 5 BIS

L'article 5 bis, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 35.

                La Directrice du service
                du compte rendu analytique,

                Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


© Assemblée nationale