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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 57ème jour de séance, 132ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 1ER FÉVRIER 2006

PRÉSIDENCE de M. Jean-Luc WARSMANN

vice-président

Sommaire

      ÉGALITÉ DES CHANCES (suite) 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 24

      ORDRE DU JOUR DU JEUDI 2 FÉVRIER 2006 26

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

ÉGALITÉ DES CHANCES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi pour l'égalité des chances.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes - Nous avons, au cours de ce débat, beaucoup parlé d'emploi, de droit du travail, de lutte contre le travail illégal et de formation des jeunes, notamment par alternance. A ce titre, le secteur du bâtiment joue un rôle majeur dans notre pays. Le combat engagé par le Premier ministre - auquel a pris part le président de la délégation pour l'Union européenne ici présent - a porté ses fruits : un accord européen est intervenu sur le taux réduit à 5,5 % pour le secteur du bâtiment jusqu'en 2010.

Plusieurs députés socialistes - Et la restauration ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Cet accord est important pour l'emploi, et je suis certain qu'on s'en réjouira sur tous les bancs de l'Assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) !

M. Christian Paul - Rappel au règlement : il est heureux que le Gouvernement ait pu maintenir, non sans peine, le taux réduit de TVA pour le secteur du bâtiment - notamment la rénovation du bâti ancien - que le gouvernement Jospin avait instaurée il y a quelques années. C'était bien la moindre des choses, et nous nous en réjouissons.

M. Alain Néri - C'est la restauration... du bâti ancien !

M. Christian Paul - Néanmoins, nous attendons toujours le respect de l'engagement pris par le Président de la République en 2002 pour que la même fiscalité soit appliquée « sans délai » à la restauration. Peut-être nous annoncerez-vous aussi cette bonne nouvelle au cours de la soirée ?

Depuis le début de cette discussion, le Gouvernement a distillé un grand nombre d'informations statistiques et mobilisé ses services d'études pour tenter de nous convaincre du bien-fondé du CPE. Pouvez-vous donc nous dire combien de salariés français ont été victimes du CNE, puisque c'est sa prétendue réussite qui vous fait passer à la seconde étape de la déréglementation du travail ?

M. le Président - Je crains que vous ne sortiez de votre rappel au règlement.

M. Christian Paul - D'autre part, M. Gorce s'est tout à l'heure étonné de l'absence du Premier ministre. Sans doute, comme l'ensemble du groupe socialiste, espérait-il la présence du ministre de l'emploi ou du ministre de l'éducation nationale. Or, en mauvais élèves de la classe gouvernementale, ils ont séché le débat, et ce alors même qu'ils remettent en cause le droit du travail et l'obligation scolaire jusqu'à seize ans !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Nous avons l'honneur et le privilège d'avoir quatre ministres au banc ce soir, et je salue leur présence ! En outre, vous avez entendu le Premier ministre s'exprimer et même cité ses propos, dont le dynamisme vous a peut-être gêné.

Mme Irène Tharin - Quel sera l'avenir professionnel de nos enfants ? Leur parcours éducatif saura-t-il garantir leur épanouissement et leur insertion ? Voilà ce qui inquiète nos concitoyens. Or, notre débat sur l'égalité des chances est au cœur d'une question de confiance qui concerne la nation toute entière : doit-on continuer, comme on l'a fait depuis vingt-cinq ans, à se satisfaire d'un taux de chômage des jeunes de 23 %, soit 6 % de plus que la moyenne de la zone euro ?

M. Jean-Pierre Blazy - Vous l'avez augmenté depuis quatre ans !

M. Henri Emmanuelli - Quelle mémoire sélective !

Mme Irène Tharin - Peut-on rester impassible face à un taux de chômage de 40 % des jeunes sans qualification ? Notre société est-elle encore en mesure de former et d'insérer ses forces vives ? Le chômage des jeunes, les discriminations, le rôle de l'école : autant de questions qui sont au cœur du débat public aujourd'hui.

M. Jean-Pierre Blazy - Ce n'est qu'après quatre ans que vous vous en rendez compte !

Mme Irène Tharin - Le Premier ministre a eu raison d'y répondre avec détermination par des solutions innovantes telles que le CPE, pour lutter contre la pire des précarités qui affecte nos jeunes : le sentiment de l'exclusion.

N'en déplaise aux Cassandre socialistes, la vraie précarité se lit sur les visages des jeunes diplômés qui, pendant un an, ont cherché un emploi en vain, ou de ces jeunes sans qualification qui n'ont d'autre espoir que de trouver un emploi aidé par les fonds publics à hauteur de 80 %. Nous ne sommes pas intimidés par les contrevérités et la désinformation qu'utilisent l'opposition et certaines corporations immobilistes !

Que n'entend-on pas sur le CPE ! Ce serait « la société du salarié jetable », nous dit M. Fabius.

Plusieurs députés socialistes - Il a raison !

Mme Irène Tharin - Quelle vision archaïque et infondée des chefs d'entreprise (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) !

M. le Président - Mme Tharin n'a jamais interrompu qui que ce soit au cours de nos débats : laissez-la donc poursuivre avec la même courtoisie.

M. Michel Piron - C'est cela, l'égalité des chances !

M. Henri Emmanuelli - Mais elle nous a dans le nez !

Mme Irène Tharin - Aujourd'hui, les entreprises de toute taille forment leur salariés pour les garder. Il s'agit de ressources humaines, et non de variables d'ajustement.

Je souhaite revenir sur la question de l'orientation scolaire, objet du rapport que j'ai récemment remis au Premier ministre. Je suis heureuse qu'il en ait retenu plusieurs propositions, notamment l'abaissement de l'âge de l'apprentissage à quatorze ans. L'article premier du projet de loi précise les conditions de l'apprentissage junior, véritable parcours d'initiation aux métiers, dans le cadre d'une alternance entre enseignements général et technologique. Assorti de stages, il se déroule sous statut scolaire. Une telle avancée...

M. Jean-Pierre Blazy - Un recul !

Mme Irène Tharin - ... permettra à nos jeunes, dès l'âge de quatorze ans, d'être mieux sensibilisés aux différentes filières qui s'ouvrent devant eux. Néanmoins, pour qu'il soit un succès, ce dispositif doit être accompagné d'un effort de communication et de promotion par les services d'orientation des collèges.

M. Henri Emmanuelli - C'est vous que l'on va mettre en alternance !

Mme Irène Tharin - Les statistiques prouvent que l'apprentissage favorise l'insertion : six mois après la sortie d'un contrat d'alternance, le taux d'insertion est de 80 %. L'enseignement supérieur ne donne pas souvent d'aussi bons résultats : faisons-le savoir aux jeunes ! L'apprentissage, lorsqu'il est le fruit d'un choix réfléchi, est un vrai passeport contre le chômage. L'expérience requise par les jeunes demandeurs d'emploi est souvent offerte par un stage. Pourtant, la généralisation des stages étudiants, qui n'est pas à regretter, a conduit à des abus. Le Gouvernement a donc raison d'imposer aux entreprises une charte de bonnes pratiques en matière de recrutement de stagiaires - les stages de plus de trois mois, notamment, doivent être rémunérés. Je remercie également le Premier ministre...

Plusieurs députés socialistes - Il n'est pas là !

Mme Irène Tharin - ...d'avoir retenu ma proposition de création d'un schéma national de l'orientation scolaire, en cours d'élaboration sous la responsabilité du ministre de l'éducation...

Plusieurs députés socialistes - Il n'est pas là non plus !

Mme Irène Tharin - ...et grâce auquel chaque université devra comporter un bureau des emplois et des stages. Il permettra également de mettre en place un dispositif simple, mais essentiel à la lutte contre le chômage des jeunes : l'extension à toutes les universités, dès le premier semestre d'études, d'un module obligatoire de mise en œuvre d'un projet professionnel de l'étudiant. Ce module pourrait être constitué d'une dizaine d'heures, dont deux heures de cours, le reste étant consacré à du travail de groupe. Ainsi, dès leur entrée dans l'enseignement, les étudiants devraient affiner leur vision de leur future carrière professionnelle et des diplômes qui leur permettront d'exercer ces métiers.

Un déclic est en train de se produire et les mesures que nous voterons vont bousculer cette insupportable situation qu'est le chômage de masse des jeunes. Je voterai donc ce projet avec enthousiasme, certaine qu'il contient des mesures capables de redonner confiance à notre jeunesse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Paul - Rappel au Règlement. Je comprends que M. Larcher soit plus prompt à annoncer la confirmation des mesures fiscales obtenues voilà plusieurs années par le gouvernement Jospin qu'à répondre aux interrogations formulées par l'opposition, mais je répète néanmoins ma question : combien de personnes ont-elles été victimes du CNE ? Combien de contrats signés depuis le mois d'août dernier ont-ils à ce jour été rompus ? Puisqu'il semble que vous ayez besoin de quelques instants afin de rassembler les informations nécessaires à votre réponse, le groupe socialiste demande une suspension de séance de quinze minutes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Je rappelle tout d'abord que ces contrats ne sont pas signés avec l'État mais entre un salarié et un patron. L'ACOSS fait état de la signature de 280 000 contrats : 10 % d'entre eux auraient été rompus, la moitié à l'initiative de l'employeur et l'autre moitié à l'initiative du salarié. Puisque nous avons eu hier une discussion concernant les statistiques, je confirme que j'ai transmis à la présidence de l'Assemblée, comme je m'y étais engagé, l'ensemble des éléments dont je disposais. Je ne doute pas que vous les trouverez sans difficulté à la bibliothèque : rapport de la DARES, rapport du CEREQ, tableau du rapport Cahuc-Kramarz portant sur les statistiques Eurostat et les statistiques OCDE en particulier.

M. le Président - La séance est suspendue pour deux minutes.

La séance, suspendue à 21 heures 50, est reprise à 21 heures 52.

M. Alain Néri - Je regrette que nous discutions de ce projet dans la précipitation, d'autant plus que contrairement à son intitulé, celui-ci renforcera les inégalités. Il faudrait au contraire appliquer une véritable politique d'égalité des chances qui consiste à donner plus à ceux qui ont moins et à aider tous ceux qui sont défavorisés en raison de leur origine sociale et culturelle. Platon écrivait déjà dans La République : « L'égalité est juste entre égaux. L'inégalité est juste entre inégaux. »

Ce projet s'articule autour de trois mesures : le CPE, l'apprentissage dès l'âge de quatorze ans, la suspension des allocations familiales. Le contrat première embauche devrait bien plutôt s'intituler : contrat précarité et exclusion.

M. Daniel Paul - C'est le contrat des 30 000 victimes !

M. Alain Néri - Le CPE, en effet, étend la période d'essai de deux ans prévue dans le CNE - lequel a donc déjà fait 28 000 victimes - à tous les jeunes de moins de vingt-six ans, quelle que soit la taille de l'entreprise. De plus, le jeune peut être licencié à tout moment, sans aucune explication, au mépris du code du travail que vous démantelez d'ailleurs jour après jour. Les jeunes seront taillables et corvéables à merci : c'est le retour des maîtres de forge !

M. Jean-Pierre Blazy - Le problème, c'est qu'il n'y a plus de forges !

M. Alain Néri - Vous affirmez que ce contrat permettra à un jeune d'obtenir un prêt dans une banque - ce qui reste d'ailleurs à démontrer -, mais on peut surtout craindre qu'en cas de licenciement, celui-ci ne puisse plus le rembourser. Cette mesure, en fait, encourage le surendettement.

L'apprentissage dès l'âge de quatorze ans pour ceux qui, selon vous, s'ennuient à l'école, c'est d'abord la remise en cause de la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans et l'impossibilité même d'acquérir ce fameux socle de connaissances tant vanté par M. Fillon.

M. Christian Paul - Je note d'ailleurs l'absence de M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Alain Néri - C'est justement aux enfants et aux adolescents en difficulté qu'il faut proposer de nouvelles méthodes d'acquisition des connaissances ! Cela peut se faire en relation avec l'enseignement technique et technologique, voire dans le cadre de la formation en alternance, mais sous la responsabilité de l'Éducation nationale. Il s'agit surtout de s'appuyer sur la forme d'intelligence de ces élèves, souvent plus pratique que symbolique. Pour cela, il faut faire preuve d'imagination pédagogique ! Il est évident que les jeunes les moins bien formés rencontrent plus de difficultés pour trouver un emploi, le patronat lui-même se plaignant souvent d'un niveau de qualification insuffisant. La lutte pour l'emploi passe donc par une meilleure formation et, en la matière, vos préconisations ne rassureront pas les parents. Vous vous interrogez parfois sur les raisons de la morosité actuelle : les parents ont le sentiment, pour la première fois, que leurs enfants vivront bien moins qu'eux.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - C'est exact.

M. Alain Néri - Quel échec pour notre génération !

Enfin, cessez d'être hypocrites quant à la suspension des allocations familiales pour les familles dont les enfants seraient fauteurs de troubles ! Nous savons en effet que c'est l'influence du milieu social qui est primordiale en matière éducative. Pourquoi les Bach étaient-ils musiciens de père en fils ? Pourquoi les Bernoulli étaient-ils mathématiciens de père en fils ? Et l'on connaît le cas d'une tribu indienne dont le QI s'est élevé après que la découverte de pétrole sur son territoire ait amélioré ses conditions de vie. Les circonstances familiales et économiques sont fondamentales dans la formation et l'éducation.

M. Alain Joyandet - Est-on meilleur socialiste de père en fils ? (Sourires)

M. Alain Néri - Et vous voulez suspendre les allocations familiales pour les familles qui en ont le plus besoin !

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Alain Néri - En outre, comment allez-vous mettre en œuvre cette mesure dans le cadre d'une famille de quatre enfants où un seul d'entre eux serait en rupture scolaire ? Allez-vous pénaliser les trois autres ?

M. le Président - Il faut conclure !

M. Alain Néri - C'est le retour de la notion de faute collective !

M. le Président - Votre temps de parole est écoulé. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alain Néri - Comment procèderez-vous dans une famille qui ne bénéficie pas des allocations familiales et dont l'enfant unique est en rupture ?

M. le Président - Merci de regagner votre place, Monsieur Néri. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - M. Néri a parlé huit minutes quarante. Il n'est pas correct de dépasser ainsi son temps de parole.

M. Michel Heinrich - Nous devons proposer aux Français, en particulier à nos jeunes, de réelles perspectives d'avenir. La crise des banlieues nous a rappelé de façon douloureuse que notre société était rongée par les inégalités et les discriminations.

M. Christian Paul - Quelle révélation !

M. Michel Heinrich - Cette crise était un cri d'alarme de notre jeunesse que la discrimination et un système rigide devenu profondément injuste en dépit des efforts des gouvernements successifs en matière de politique de la ville, réduit à la précarité.

Le renouvellement urbain engagé par M. Borloo modifiera en profondeur la qualité et le cadre de vie des quartiers. Mais ce projet urbain doit s'accompagner d'un projet humain avec, par exemple, les projets de réussite éducative ou les chartes sociales de territoire visant à ce qu'une large part des heures de travail effectuées pour le renouvellement des quartiers soit effectuée par les habitants de ces quartiers eux-mêmes.

S'agissant de l'emploi des jeunes, de toutes origines, il fallait aller plus loin. Avec l'apprentissage junior dès quatorze ans, nous permettrons à ceux d'entre eux qui ne veulent plus aller au collège de sortir de la spirale de l'échec scolaire, d'apprendre un métier, de s'insérer dans le monde de l'entreprise et la société, sans pour autant sacrifier leur instruction, puisqu'il sera exigé d'eux qu'ils maîtrisent un socle de connaissances indispensables. Avec ce dispositif, nous leur proposons de devenir des citoyens à part entière. L'apprentissage a largement fait ses preuves avec un taux de placement final de 70% à 90%.

Ce texte comporte aussi des mesures ciblées en faveur des zones les plus défavorisées sur le plan économique et social. Les problèmes rencontrés dans les ZUS doivent d'abord être traités socialement, le travail restant le meilleur moyen de trouver sa place dans la société. Ainsi les jeunes issus des ZUS bénéficieront-ils d'un accès privilégié au dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise. Les zones franches urbaines seront par ailleurs pérennisées et harmonisées sur l'ensemble du territoire.

Un taux de chômage des jeunes de plus de 20%, voire de 40% dans les quartiers difficiles, est inacceptable et indigne de notre société. Il faut lever les inhibitions des créateurs d'emplois que sont les chefs d'entreprise et établir un pacte de confiance entre eux et notre jeunesse. Le contrat première embauche, contrat à durée indéterminée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) avec une période de consolidation de deux ans qui inclut les stages et les missions d'intérim dans la même entreprise, permettra aux jeunes d'accéder plus facilement à l'emploi et leur ouvrira un droit à formation dès la fin du premier mois, ainsi qu'une garantie d'accès au logement et aux prêts bancaires. Il leur permettra de commencer un véritable parcours professionnel et de s'insérer durablement dans une entreprise.

Ces nouveaux contrats ne sont donc pas porteurs de précarité, contrairement aux emplois jeunes qui, sans offrir aucune perspective d'avenir à leurs titulaires, ont contribué à précariser l'emploi dans la fonction publique.

Plusieurs députés socialistes - C'est faux !

M. Michel Heinrich - Le CPE, comme le CNE, relève d'une logique nouvelle, en rupture totale avec les politiques de l'emploi malthusiennes trop longtemps menées. On a longtemps tenté de résoudre le problème du chômage en France par les préretraites ou la réduction du temps de travail. Ces politiques ayant à l'évidence échoué, il est temps de mettre fin à ce gâchis de nos forces vives. Les CNE et les CPE visent au contraire à accroître notre population active, afin de développer l'emploi.

Pour résoudre le problème de l'emploi des jeunes, il faut également s'attaquer aux discriminations, en particulier celles dont sont victimes dans leur recherche d'emploi ceux qui sont issus de l'immigration. La nouvelle Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances et la HALDE, dont les pouvoirs ont été renforcés, le permettront.

Loin de sacrifier notre modèle social, ce projet de loi non seulement le sauvegarde mais lui donne un avenir. L'égalité des chances est une exigence de notre pacte républicain.

M. Henri Emmanuelli - Notre pacte républicain, vous l'assassinez !

M. Michel Heinrich - Par ce projet, le Gouvernement prouve que l'égalité des chances dans notre pays n'est pas un simple slogan, mais qu'elle devient réalité et qu'elle prendra corps dans la vie quotidienne de tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - La parole est à M. Lequiller.

M. Jean-Pierre Brard - Le spécialiste des sacristies polonaises !

M. Pierre Lequiller - Quel humour, Monsieur Brard !

M. Christian Paul - Tiens, parlez-nous de la TVA sur la restauration.

M. Pierre Lequiller - Concernant le CPE, vous n'en serez pas étonnés, je ferai des comparaisons européennes. On observe 23% de jeunes au chômage dans notre pays, des taux comparables en Italie et en Espagne, 17% en moyenne dans la zone euro, mais seulement 10% en Allemagne, 7,2% au Danemark, pays de la « flexisécurité », et 5,3% au Royaume-Uni. Nous ne pouvons nous satisfaire de figurer parmi les plus mauvais élèves de l'Europe de ce point de vue.

Sous le gouvernement social-démocrate de M. Schröder, l'Allemagne a réformé son marché du travail, s'inspirant largement des solutions mises en place, notamment au Royaume-Uni par le travailliste Tony Blair.

M. Jean-Pierre Brard - M. Schröder a reçu la punition qu'il méritait !

M. Pierre Lequiller - Si le taux de chômage général demeure préoccupant outre-Rhin, nos voisins allemands, en mettant l'accent sur la formation professionnelle et en favorisant l'embauche par l'octroi d'une subvention aux employeurs pouvant aller jusqu'à deux ans, ont réduit de manière significative le chômage des jeunes. Une période de deux ans est considérée comme la durée nécessaire à l'intégration d'un jeune dans une entreprise, et c'est précisément la durée de consolidation du CPE.

Ce qui freine les employeurs pour embaucher, ce n'est pas, dans la majorité des cas, le coût du travail, mais la crainte que la personne embauchée ne fasse pas l'affaire...

M. Alain Néri - Et il faut deux ans pour s'en apercevoir ?

M. Pierre Lequiller - ...ou que l'entreprise connaisse une baisse d'activité. C'est d'ailleurs pourquoi nos jeunes, diplômés ou non, accumulent périodes d'essai non renouvelées, CDD et stages. Pourquoi les trois pays, la France, l'Espagne et l'Italie, qui ont massivement utilisé les CDD pour les jeunes sont-ils ceux où le chômage des jeunes est le plus élevé ? Voilà la vraie question.

Le CPE est aussi un message de confiance adressé aux entrepreneurs de notre pays. Le Gouvernement va les aider à créer des emplois pour les jeunes en exonérant de charges (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) l'embauche avant fin 2006 d'un jeune au chômage depuis plus de six mois.

M. Jean-Pierre Blazy - L'exonération de charges a-t-elle permis de créer des emplois depuis 2002 ?

M. Pierre Lequiller - Sincèrement, croyez-vous que les chefs d'entreprise qui auront gardé deux ans un jeune le licencieront comme cela ?

M. Jean-Pierre Brard - Croyez-vous que cela les gênera ?

M. Pierre Lequiller - Un jeune bien intégré, on le garde !

Depuis quelque temps, les opposants au CPE n'ont qu'un mot à la bouche : précarité (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Je n'ai guère entendu jusqu'à présent ces détracteurs s'inquiéter de la précarité des jeunes qui n'ont pas d'emploi du tout, ou qui cumulent les stages non rémunérés et les CDD sans avenir.

M. Christian Paul - Mais où étiez-vous donc ? En voyage peut-être ?

M. Pierre Lequiller - La vraie précarité, c'est le chômage. Au contraire, le CPE est un CDI...

M. Christian Paul - C'est faux !

M. Henri Emmanuelli - Oser dire d'un contrat journalier que c'est un CDI !

M. Pierre Lequiller - ...un CDI qui n'a jamais offert autant de garanties aux jeunes avec la prise en compte d'éventuelles périodes de stage ou de CDD dans le calcul de la période de consolidation, le droit à une indemnisation chômage après quatre mois dans l'entreprise, alors que la règle commune exige d'avoir travaillé six mois au cours des vingt-deux derniers mois pour y prétendre, un droit à la formation dès la fin du premier mois, et non au bout d'un an, comme le veut, là encore, la règle générale, enfin un accès au crédit et au logement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Croyez-vous que les banques prêtent à des stagiaires ou des personnes en CDD ?

M. Henri Emmanuelli - Et croyez-vous qu'elles prêteront aux titulaires d'un CPE ?

M. Pierre Lequiller - Qui oserait prétendre que ce ne sont pas là des garanties ?

Le CPE est le contrat qui apporte le plus de garanties en Europe. Alors que les 280 000 CNE nouvellement conclus ont permis de réduire de 180 000 le nombre de chômeurs...

M. Jean-Pierre Blazy - Et les 30 000 contrats déjà rompus ?

M. Pierre Lequiller - ...comment pourrions-nous ne rien faire pour les jeunes ? Il faut au contraire leur envoyer un message de confiance et d'espoir. La France a besoin de confiance et j'ai confiance dans le CPE. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - Toujours des actes de foi...

M. Michel Charzat - Ce projet de loi, trompeusement intitulé « égalité des chances», accroît la précarité et l'individualisation des situations. Loin de renforcer la sécurité et la cohésion sociale, il consacre des régressions inadmissibles, comme le contrat première embauche. Celui-ci remet directement en cause le code du travail en soustrayant pendant deux ans le contrat des moins de vingt-six ans à certaines protections de droit commun, ce qui ne pourra qu'aggraver la précarité que subissent déjà de nombreux jeunes diplômés. Dans la même logique, l'apprentissage junior rompt avec la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans, élément constitutif du pacte républicain contemporain. Cette nouvelle forme d'apprentissage aggravera la sélection par l'échec en figeant les inégalités dès l'adolescence au lieu de garantir à l'ensemble des élèves une formation fondée sur un socle commun d'enseignements incluant l'apprentissage. Voilà la nouvelle vague de déréglementation du travail que vous voulez nous imposer à la hussarde !

Vous invoquez l'urgence, au mépris de la représentation nationale, des partenaires sociaux et des organisations représentatives de la jeunesse. Vous nous soumettez un texte fourre-tout, où s'empilent des mesures hétéroclites dont certaines, et non des moindres, ont été introduites au dernier moment par voie d'amendement. Cette méthode est indigne d'une démocratie moderne.

L'intitulé des mesures proposées dissimule mal votre tentation, constante, de vous décharger de vos responsabilités sur d'autres, sur les maires pour la lutte contre les incivilités ; sur les parents d'élèves avec le contrat de responsabilité parentale qui les culpabilise et les pénalise ; sur les entreprises qui prendront en charge les missions régaliennes de l'éducation nationale et de l'aménagement du territoire.

Ce texte non seulement consacre la démission du politique, mais procède à de pernicieux amalgames purement démagogiques. J'en veux pour preuve cette Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, créée à partir du démantèlement du FASILD et de ses instances de proximité. La confusion des missions favorisera l'assimilation entre pauvreté, illettrisme et intégration. Vous abandonnez toute action interministérielle au profit du seul ministère de l'intérieur, désormais chargé de l'intégration. Vous enterrez la conception paritaire, partenariale, la seule efficace pour traiter de problèmes de société aussi difficiles. De l'égalité des chances, on passe insidieusement à l'inégalité de traitement des populations, de l'intégration à la stigmatisation des populations immigrées, désignées comme les nouvelles classes dangereuses de notre société.

Enfin, créer un service civil volontaire, qui ne concernera donc qu'une minorité, est une fausse réponse à une vraie question. Il faut présenter à l'ensemble des jeunes citoyens la nation comme système de droits et de devoirs. Plus que l'insertion et la formation professionnelle, le service civil obligatoire que nous voulons réaffirmera les valeurs collectives, l'intérêt général, la solidarité nationale.

Parler d'égalité des chances, c'est bien. Agir sur les causes des inégalités et contre les discriminations au quotidien, ce serait mieux ! Il faut définir le niveau d'inégalités tolérables, ou plutôt intolérables, pour une société moins injuste, agir sur le logement, le travail, l'éducation.

Votre projet est régressif sur le plan social et délétère sur le plan politique. Nous nous y opposerons vigoureusement et nous ferons des propositions audacieuses pour rendre effectif le principe d'égalité qui est au cœur du projet républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yves Jego - Je ne parlerai pas du CPE, de l'apprentissage à quatorze ans...

M. Christian Paul - C'est le sujet, pourtant !

M. Yves Jego - ...ni des allocations familiales.

M. Jean-Pierre Brard - Mais de quoi, alors ?

M. Yves Jego - Je ne me laisserai pas impressionner par les rodomontades de M. Brard et de ses amis, ni par les propos que nous venons d'entendre sur une loi qui serait indigne d'une démocratie moderne. Si l'opposition met tant d'acharnement contre ce projet, c'est sans doute qu'il contient des mesures auxquelles elle n'avait pas pensé. Nous sommes donc rassurés.

Je parlerai de deux sujets qui me tiennent à cœur, les zones franches urbaines et la diversité dans les médias.

M. Jean-Pierre Brard - Mieux vaut effectivement parler d'autre chose quand on se sent en difficulté.

M. Yves Jego - Ce projet met en œuvre un dispositif de défiscalisation dans les zones franches urbaines. En son temps, il fut critiqué, oh combien, à gauche, ou plus exactement à la gauche de cet hémicycle car chaque maire, dans sa propre zone franche, protégeait comme un bien précieux ce dispositif mis en place par Alain Juppé. Allez le demander à Mme Aubry ou à M. Charié. Quinze nouvelles zones franches vont permettre de recréer de l'activité et offrir aux habitants ce que les socialistes avaient oublié,...

M. Henri Emmanuelli - Voyez les statistiques sous la gauche et quand vous êtes au pouvoir !

M. Yves Jego - ...les emplois-jeunes ayant pour seule perspective d'être un jour intégrés dans une administration. Les zones franches ont une vertu...

M. Jean-Pierre Brard - Celle des dames de petite vertu !

M. Yves Jego - ...celle de permettre aux habitants de ces quartiers de créer leur activité et de s'en sortir par leur talent.

M. Jean-Pierre Blazy - Prouvez-le !

M. Yves Jego - C'est effectivement aux antipodes de la logique qui anime certains ici.

Ces zones franches permettront de créer quelques milliers d'emplois.

Mme Martine David - Des emplois précaires.

M. Yves Jego - Allez voir à Besançon, à Vaulx-en-Velin, à Cherbourg-Octeville : vos amis qui gèrent ces communes sont attachés à leurs zones franches. Je remercie le Gouvernement d'avoir recouru à ce mécanisme qui a montré son efficacité.

M. Henri Emmanuelli - Comme on l'a vu l'automne dernier !

M. Yves Jego - J'en viens au second thème qui, malgré son importance n'intéresse pas le parti socialiste puisque aucun de ses leaders ne l'a évoqué : c'est la diversité dans les médias. Le 16 février 2005, Jean-Pierre Raffarin saisissait le Haut conseil à l'intégration, qui élabora un rapport et, le 22 novembre dernier, le Président de la République réunissait les professionnels et les ministres concernés pour présenter les actions qu'il entendait mener pour améliorer la diversité dans l'audiovisuel. Je me félicite que les chaînes de télévision aient entrepris un travail en profondeur

M. Jean-Pierre Blazy - En profondeur ?

M. Henri Emmanuelli - Hoho !

M. Yves Jego - Riez, les journalistes issus de la diversité apprécieront ! Continuez ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Il faut aller plus loin, et faire que dans les contrats d'objectifs et de moyens, cette diversité gagne tous les niveaux et, au-delà de quelques présentateurs et journalistes, atteigne l'ensemble des élites médiatiques. Il faut donc pousser les feux...

M. Jean-Pierre Brard - Dans les banlieues !

M. Yves Jego - ...pour que la phobie de la mixité qui caractérise un certain nombre de médias disparaisse, n'en déplaise au parti socialiste qui en avait fait un de ses thèmes de campagne mais, au pouvoir, n'a jamais commencé à réaliser quoi que ce soit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Henri Emmanuelli - C'est un talent de zone franche !

M. Yves Jego - Allez embrasser Ségolène !

Mme Martine David - Quelle bassesse !

M. Hervé Mariton - Je voudrais m'arrêter un instant sur ce qui peut paraître une évidence, le titre même de ce projet.

M. Christian Paul - Il est trompeur !

M. Hervé Mariton - L'expression d'égalité des chances est couramment utilisée. Mais n'est-ce pas un affadissement du concept républicain d'intégration, considéré comme un jeu à somme nulle ? À y voir de plus près, votre projet donne tout son sens à cette notion en affirmant le droit des personnes, en recherchant une meilleure cohésion sociale, en reconnaissant les talents dans leur diversité. Ainsi, l'égalité des chances, au-delà des débats du jour, est une affirmation forte de notre projet républicain.

M. Christian Paul - Une démonstration proprement époustouflante.

M. Hervé Mariton - Il me semble que cette expression, d'apparence si évidente, méritait quelques éclaircissements.

J'en viens au CPE. C'est d'abord un pari utile. Il ne s'agit pas d'une énième mesure de la politique de l'emploi ; des aides de l'État, il en existe de nombreuses. Cette fois, c'est une mesure neuve et bienvenue,..

M. Jean-Pierre Blazy - Et pourquoi ?

M. Hervé Mariton - ...un pari sur l'avenir, le refus de la résignation au chômage, un outil qui peut conduire au plein emploi.

M. Christian Paul - Rien que cela !

Mme Martine David - Le Père Noël ne passe plus !

M. Hervé Mariton - Nous en avons l'ambition, car nos compatriotes l'attendent, et à la différence d'autres mesures techniques, le CPE s'inscrit dans cette stratégie.

M. Jean-Pierre Blazy - Depuis quatre ans, combien de chômeurs en plus ?

M. Hervé Mariton - Au-delà, le Gouvernement a proposé de lancer, paisiblement, la discussion sur l'évolution du contrat de travail. Elle se déroulera en totale concertation avec les partenaires sociaux, et pour ce même objectif, le plein emploi.

En second lieu, nous sommes très satisfaits du contrat de responsabilité parentale, qui est une réponse à la crise des banlieues de l'automne. Beaucoup d'entre nous, à l'UMP, pensent que la réponse à la crise des banlieues ne saurait être uniquement ni même principalement financière. Quand des moyens budgétaires doivent être mobilisés, il faut le faire, mais les moyens ne suffisent jamais. Il faut aussi savoir mobiliser la volonté, la capacité d'agir, la responsabilité. Le Gouvernement fait la démonstration que c'est possible.

Avec le contrat de responsabilité parentale, le CPE et l'ensemble de ce projet, l'égalité des chances prend tout son sens et toute son ampleur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Néri - Rappel au Règlement.

M. le Président - Vous avez la parole, Madame Boutin. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Henri Emmanuelli - Non, Monsieur le président !

M. Christian Paul - C'est scandaleux !

Mme Christine Boutin - Les émeutes de novembre dernier...

M. Jean-Pierre Brard - Ne parlez pas d'émeutes !

Mme Christine Boutin - ...nous ont permis de prendre conscience de l'urgence de reconstruire notre unité nationale.

M. Christian Paul - C'est la troisième fois que vous nous refusez la parole, Monsieur le président !

Mme Christine Boutin - Par ce texte, le Gouvernement montre qu'il a compris cette urgence. Ce projet participe en effet à la refondation de la cohésion nationale en offrant à chacun la chance qui lui est due : celle d'exercer sa liberté, de choisir son métier, d'organiser son travail, de mettre en œuvre sa responsabilité tant professionnelle que familiale.

Que cela nous plaise ou non, nous vivons une profonde réorganisation du travail, celle du passage d'une société du CDI à une société de l'intermittence. Dans une économie reposant sur la production et l'offre, le salariat était le facteur d'intégration. Ce n'est plus vrai aujourd'hui, dans une société dominée par la demande et où le pouvoir appartient à l'acheteur et au consommateur. Cette économie de marché nous impose une forte flexibilité, qui doit être présente au cœur du marché du travail afin de garantir l'accès à l'emploi. Or, nous sommes dans le cercle vicieux de la rigidité, qui ne permet pas à chacun d'accéder au travail et de trouver sa place dans la vie professionnelle. Paradoxalement, la rigidité de notre code du travail favorise la précarisation de ceux qu'il est censé protéger. Pour avoir trop longtemps assimilé le travail à l'activité salariée, pour avoir confondu le travail et l'emploi, nous avons oublié que si l'emploi est devenu un bien rare, le travail ne manque pas. Il s'agit désormais de conjuguer flexibilité du travail et lutte contre la pauvreté.

M. Henri Emmanuelli - La trique et la charité !

Mme Christine Boutin - C'est pourquoi je soutiens avec force le CPE, qui offre une alternative à l'engrenage des stages à répétition et qui, en passant de la protection des emplois à la protection des personnes, amorce un nécessaire changement de logique, qu'il faudra bien envisager un jour pour ne pas rater le train de la croissance économique au service des personnes.

L'économie doit être au service de l'homme. L'objectif d'offrir à chacun une chance de trouver la place qui lui revient concerne également les plus démunis. Ma proposition pour un Dividende Universel va en ce sens : offrir à chacun l'héritage qui lui est dû, protéger de l'extrême pauvreté, donner de l'élan à l'initiative et à la prise de risque. Je ne me lasserai jamais de dire que l'efficacité d'un projet politique se mesure à ses conséquences pour les plus fragiles.

C'est pourquoi j'émets de très fortes réserves quant au contrat de responsabilité parentale. L'attribution d'allocations se justifie par le surcoût que représente l'éducation des enfants pour toutes les familles, quelles qu'elles soient. Il ne s'agit pas d'un contrat entre la société et les familles. Voter la possibilité de suspendre les allocations familiales mettrait en cause toute la philosophie de notre politique familiale et la ferait entrer dans une logique non plus universelle mais contractuelle. J'ajoute que cela donnerait aux jeunes un pouvoir nouveau, celui de détenir une part des revenus de sa famille.

Ces familles ont plus besoin d'être épaulées que stigmatisées et fragilisées...

M. Jean-Pierre Blazy - Très bien.

Mme Christine Boutin - Ne leur répondre que par la sanction serait dangereux pour notre cohésion sociale et serait sans doute un aveu d'échec.

Encourageons plutôt les initiatives telles que le service civil volontaire et donnons plus d'ambition à ce projet en suscitant un débat dans tout le pays pour associer les Français à cette démarche. Ce projet de service civil s'inscrit dans la voie du « vouloir vivre ensemble dans la diversité ». Pour favoriser l'intégration de tous, la France peut s'engager dans deux voies divergentes : celle de la discrimination positive et des quotas ou celle du dialogue et de l'unité. Je suis hostile à la première, parce qu'elle nous conduit au communautarisme et qu'elle est à l'inverse de nos fondamentaux républicains qui affirment la dignité égale et universelle de tous, quels que soient la race, l'origine, la religion et l'état de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. Alain Néri - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58. Monsieur le Président, dans ce débat sur un projet consacré, paraît-il, à l'égalité des chances, je suis au regret de constater que le traitement que vous infligez à l'opposition n'est pas équitable. À l'évidence, votre chronomètre n'avance pas à la même allure pour les uns et pour les autres ! Nous demandons que l'opposition soit traitée convenablement, comme le souhaite le Président Debré. L'égalité des chances commence dans l'hémicycle, là où bat le cœur de la démocratie !

M. Christian Paul - Les socialistes n'ont pas l'habitude de contester la façon dont sont présidées les séances, mais je crois pouvoir dire, Monsieur le président, que vous procédez ce soir de façon plutôt sélective, qu'il s'agisse du respect du temps de parole ou des demandes de prise de parole. Et je crois que vous auriez dû tout à l'heure relever les propos sexistes de M. Jego, qui faisaient d'ailleurs écho aux propos sexistes de M. Raoult dans l'après-midi ! Ils sont l'un et l'autre sortis de l'éthique parlementaire ! Je demande une suspension de séance.

M. le Président - Je préside avec la plus grande neutralité. M. Néri est resté à la tribune huit minutes quarante. Aucun autre orateur n'a dérapé autant. Votre mise en cause est donc totalement déplacée. Cela étant, la suspension de séance est de droit.

La séance, suspendue à 22 heures 40, est reprise à 22 heures 45.

M. Yves Jego - Rappel au Règlement. Je trouve extraordinairement désagréable l'attitude du groupe socialiste depuis le début de la séance. Il est vrai que sa seule stratégie et sa seule idée consistent à retarder nos travaux. Les jeunes apprécieront ! Mais de là à utiliser l'insulte et à oser dire que j'ai tenu des propos sexistes ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christian Paul - Oui, et nous attendons vos excuses !

M. Yves Jego - C'est un bien mauvais procès et une bien mauvaise voie dans laquelle s'engage le parti socialiste ! J'ai entendu en descendant de la tribune un membre du groupe socialiste dire que mes propos volaient bas. J'ai répondu à cette personne que je me mettais à sa hauteur : il n'y a pas là le début d'un propos sexiste...

M. Christian Paul - Non seulement vous avez dérapé, mais vous refusez de le reconnaître !

M. Yves Jego - Eh bien, vous, vous avez tort de brandir la noble cause de la défense des femmes pour tenter de masquer la pauvreté des arguties qui vous tiennent lieu d'arguments politiques !

M. Christian Paul - Je ne m'attendais pas à ce que M. Jego conteste avoir tenu des propos sexistes. Cher collègue, vous avez dérapé à deux reprises et les collègues que vous avez blessées attendent vos excuses.

M. le Président - La parole est à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Afin de répondre aussi complètement que possible aux différentes interventions, nous nous sommes partagés la tâche : Catherine Vautrin et Azouz Begag répondront sur le titre II, Philippe Bas sur le contrat de responsabilité parentale et je m'efforcerai de répondre sur le titre premier.

Naturellement, plusieurs points de vue se sont exprimés et si le Gouvernement présente aujourd'hui un projet de loi pour l'égalité des chances, en cette année que le Premier ministre a voulu consacrer à cette cause, c'est bien que les gouvernements de toutes sensibilités qui se sont succédé depuis vingt ans ne sont pas parvenus à résoudre certaines particularités qui continuent d'handicaper notre pays.

Ainsi, nul n'a réussi à rompre avec un chômage des jeunes plus de deux fois supérieur au taux moyen, qui prend la forme d'une véritable exclusion sociale dans certains quartiers, mais aussi - on l'oublie parfois - dans nombre de territoires ruraux, où le taux de chômage est deux ou trois fois supérieur au taux moyen. Partout sur le territoire, nombre de nos jeunes suivent un parcours d'entrée dans la vie professionnelle des plus chaotiques et se trouvent réduits à vivre d'une forme d'assistanat qui peut avoir des effets destructeurs...

M. Jean-Pierre Blazy - C'est le terrible bilan de votre politique !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Pis, la diversité sociale ne progresse pas et les valeurs républicaines tendent trop souvent à s'affaiblir, certains cédant à la tentation du repli communautaire ou du soutien à des forces extrémistes dont il n'y a pourtant rien à attendre. Oui, Hervé Mariton, le projet républicain de ce début de vingt-et-unième siècle n'est pas celui des trente Glorieuses...

M. Jean-Pierre Brard - Pour ma part, je préfère les Trois glorieuses !

M. Jean-Pierre Blazy - Et nous venons de vivre les Quatre calamiteuses...

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Et nous devons être attentifs au fait que trop de nos concitoyens, jeunes ou moins jeunes, dans nos villes comme dans nos campagnes, ne trouvent pas le moyen d'exprimer tout leur talent parce que notre société ne leur a pas donné leur chance. Nous sommes porteurs de formidables espérances...

M. Jean-Pierre Brard - Il serait temps que les Français s'en aperçoivent !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Et nous ne céderons ni à la morosité ni aux prophéties de déclin des uns et des autres. Si la France était ce pays déclinant que se plaisent à décrire certains, nous ne pourrions pas nous réjouir de ces 800 000 bébés qui naissent chaque année sur notre sol et qui témoignent d'une formidable vitalité démographique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - A Rambouillet, on préfère les bébés roses et joufflus !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Oui, nous avons besoin de nouveaux outils pour répondre aux défis de l'heure : qui pourrait se satisfaire que 150 000 jeunes quittent chaque année le système éducatif sans diplôme ni qualification et se trouvent ainsi menacés d'une exclusion durable ?

Dans son analyse globale du texte, Alain Joyandet a montré qu'il avait parfaitement compris l'objectif du Gouvernement et je le remercie de nous avoir fait partager sa conviction.

Je voudrais revenir plus précisément sur l'apprentissage junior, sur le CPE - en regrettant au passage que l'opposition n'ai pas jugé bon de saluer nos engagements précis et négociés en faveur de l'alternance et de la sécurisation des stages - et sur le devenir de l'ordre public social dans une société en pleine évolution.

Mme Christine Boutin - Très bien !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - S'agissant de l'apprentissage junior, je remercie le président Dubernard et votre rapporteur d'avoir inscrit notre projet dans la continuité de la loi Guichard de 1971, de la loi Séguin de 1987 et de la loi de cohésion sociale, le volet de ce dernier texte consacré à ces sujets devant du reste beaucoup à Laurent Hénart, alors secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes...

M. Jean-Pierre Blazy - Il a été remercié par un licenciement : c'est la première victime du CPE !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Dans un pays aussi attaché que le nôtre aux Humanités classiques, je reconnais volontiers que beaucoup reste à faire pour valoriser les filières professionnelles, inventer les passerelles qui les relient aux cursus d'enseignement général et affirmer leur excellence. Même nos pires détracteurs admettront cependant que nous aurons fait beaucoup, à travers ce texte notamment, pour que l'on n'oppose plus l'intelligence de l'esprit à celle du geste...

M. Jean-Pierre Brard - Pour Marx, c'est la main qui a libéré le cerveau !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Comme l'a rappelé Francis Vercamer, toutes les études démontrent que les jeunes ayant poursuivi des études au-delà du baccalauréat entrent plus facilement sur le marché du travail et bénéficient d'emplois plus stables. Dans cette optique, nul ne peut contester l'utilité d'une formation aux métiers aussi aboutie que possible, et l'apprentissage junior participe d'une démarche de réinclusion dans l'emploi...

M. Jean-Pierre Brard - Plaisant néologisme !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - ...qui va bien au-delà du traitement particulier des jeunes ayant décroché du système éducatif classique.

Irène Tharin a eu raison de rappeler toute l'utilité d'une orientation de qualité : lorsqu'un jeune rejette la filière générale d'acquisition du socle de connaissances, il faut être en mesure de lui proposer, en liaison avec sa famille et avec l'ensemble de la communauté éducative, un parcours d'initiation à un métier susceptible de lui permettre de s'épanouir et d'exprimer ses talents. Il serait illusoire de considérer que tous ceux qui quittent l'école à seize ans possèdent le socle commun de connaissances et je veux vous redire solennellement qu'il n'est pas dans l'intention du Gouvernement d'abaisser la toise de l'âge de la scolarité obligatoire de seize à quatorze ans. Au reste, tous ceux qui s'engageront dans la voie de l'apprentissage junior disposeront d'un véritable droit au changement...

M. Jean-Pierre Blazy - Ça, nous sommes résolument pour !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - ...et pourront réintégrer un autre parcours de formation s'ils le souhaitent. L'objectif, c'est de réduire de manière significative le nombre de jeunes quittant les filières de formation dès l'âge de seize ans...

Mme Christine Boutin - Excellent !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Car ces départs trop précoces précipitent la plupart des intéressés dans une véritable spirale d'échec (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe UMP).

Christian Paul a prétendu que l'État se désengageait...

M. Christian Paul - Il capitule !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Mais j'observe qu'en 2005, la quasi-totalité des régions ont accepté d'enthousiasme de bénéficier des fonds d'aides à la formation contractualisés dans les conventions d'objectifs et de moyens. Dès lors qu'il s'agit de faire vivre la formation professionnelle des jeunes, le Gouvernement sera au rendez-vous et mobilisera des moyens importants, tous les domaines de la connaissance ayant vocation à être couverts, qu'il s'agisse de la culture, de l'apprentissage des langues, de l'ouverture sur l'Europe...

Je vous le répète : l'apprentissage junior ne marquera pas la fin du collège unique ou de la scolarité obligatoire. Les chambres de commerce et d'industrie ne s'y sont pas trompées et elles soutiennent le dispositif...

M. Henri Emmanuelli - Ça, le patronat...

M. Christian Paul - Parlez-nous plutôt de la position des chambres de métiers !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Elles l'approuvent presque unanimement. Je remercie Pierre Lequiller d'avoir bien compris que nous voulions faire de l'apprentissage une filière d'excellence susceptible de répondre aux besoins des entreprises pour des niveaux de formation allant du CAP à bac +5. Les contrats jeunes en entreprises bénéficient aux demandeurs d'emploi de cinq cents quartiers...

M. Jean-Pierre Brard - A Rambouillet ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué - ...où le taux de chômage atteint 40 % de la population active et où les jeunes diplômés eux-mêmes ont de plus de mal à trouver un emploi qu'à Rambouillet, quels que soient leurs qualités et leurs efforts d'adaptation.

Voilà pourquoi nous recrutons, selon une méthode quelque peu nouvelle - celle de l'« outplacement » -, 3 000 jeunes diplômés de ces quartiers. Ils sont un exemple et le fait qu'ils ne reçoivent jamais de réponse à leurs candidatures, qu'ils n'aient aucun espoir d'embauche, est une bien mauvaise récompense des efforts qu'ils ont accomplis.

M. Jean-Marc Ayrault - Cela fait quatre ans que vous êtes là !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Enfin, grâce au contrat jeunes en entreprise, 260 000 jeunes ont, en trois ans, été embauchés en CDI.

En ce qui concerne le droit du travail, je ne peux pas laisser dire que le Gouvernement n'a pas fait de l'ordre public social une priorité. Le plan santé au travail, la création d'une agence indépendante qui travaille sur les produits les plus dangereux, c'est nous ! La lutte contre le travail illégal, alors que la commission nationale ne s'était jamais réunie en sept ans (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP), c'est nous ! Nous avons doublé les contrôles contre ce fléau, qui représente la pire des exploitations et des précarités. Et la mise à niveau d'ici à 2010 du corps de l'inspection du travail, parce que l'ordre public social ne peut être assuré sans contrôle sur le terrain, la négociation salariale, alors que les sept SMIC créés par les lois sur les 35 heures avaient tassé les grilles et bloqué l'évolution des salaires, ou le chantier de la recodification à droit constant, pour que la législation soit lisible, c'est nous aussi !

M. Piron a parlé de l'indispensable équilibre entre souplesse et sécurité, autrement dit entre les nécessités du marché du travail et la sécurisation du parcours professionnel - cette dernière exigence passant d'abord par la formation. Mme Boutin a, elle, donné son soutien au contrat première embauche. De fait, ce n'est pas un contrat précaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) La précarité, c'est d'enchaîner les CDD d'un mois et les contrats d'intérim de quinze jours et de faire partie des 55 % de moins de 26 ans qui n'accèdent jamais à l'assurance chômage faute d'avoir travaillé six mois !

Mme Christine Boutin - Le CPE marchera !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Le CPE est assorti d'un droit individuel à la formation dès la fin du premier mois, d'indemnités de cessation de contrat, d'indemnités de chômage et du parcours d'accompagnement personnalisé auquel chaque jeune a droit ; son délai de consolidation de deux ans comprend les durées de stages, de contrats à durée déterminée et de formation par alternance. Il s'agit bien d'un véritable CDI, rémunéré à la hauteur du salaire conventionnel et non d'un sous-SMIC.

M. Henri Emmanuelli - On se demande bien pourquoi vous faites autre chose qu'un CDI, alors !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Les stages - le rapport du Conseil économique et social en a démontré environ 200 000 chaque année - seront traités avec le même pragmatisme. Avec une obligation de rémunération et une réflexion en vue de les prendre en compte dans le parcours de formation, ils ne seront plus cette espèce d'objet non identifié que nous connaissons : nous leur donnerons une véritable valeur.

Le sénateur-maire de Mulhouse a écrit que le CNE et le CPE ne méritaient ni tous les éloges, ni toutes les critiques dont ils ont été l'objet et qu'ils offraient des contreparties modestes, mais réelles aux jeunes salariés. Selon lui, l'emploi des jeunes est déterminé par leur niveau de qualification et son adéquation avec les offres de travail. Il faut donc encourager la formation en alternance, l'apprentissage et la reconnaissance des compétences : c'est ce que nous avons fait, dans la loi du 18 janvier 2005 comme dans ce projet.

M. Bockel appelle encore à accorder des droit de tirage inversement proportionnels à la durée initiale de la formation : c'est le droit universel à la formation que le Premier ministre a annoncé. Quel progrès ! Car l'égalité des chances impose parfois qu'on soutienne ceux qui n'ont pas eu la chance de connaître des conditions favorables.

Votre collègue propose encore d'enrichir le droit individuel à la formation : c'est ce que fait le Gouvernement avec les conventions de reclassement personnalisées, que vous avez tellement combattues et qui aujourd'hui sont adoptées par l'ensemble des partenaires sociaux, avec le contrat de transition professionnelle que Catherine Vautrin a proposé au Sénat la semaine dernière et avec le contrat d'accompagnement personnalisé pour les jeunes. Voilà les outils d'une approche nouvelle qui refuse de considérer comme une fatalité que le quart d'une génération soit au chômage au cours de ses six premières années de vie professionnelle. C'est bien dans un contrat de confiance avec les jeunes que nous comptons travailler et c'est pour cela que je compte sur le soutien de l'Assemblée nationale (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Un samedi après-midi de novembre, au Sénat, un prix « Talents des cités » a distingué un garçon issu d'un quartier de la banlieue bordelaise : un maçon d'origine turque qui avait envie de prouver qu'il était capable de réussir quelque chose, qui a monté son entreprise et qui est, en outre, responsable d'une association. C'est tout ce que sont les zones franches urbaines : des endroits où l'on peut créer son entreprise, faire naître des emplois et des commerces et montrer que les quartiers ne sont pas que des lieux de résidence, mais des lieux de vie.

M. Jean-Pierre Brard - Vous découvrez la lune !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée - Ce sont aussi des endroits qui comptent 85 000 emplois. Quand on sait que 36 % des jeunes sont au chômage, on n'a pas le droit de passer à côté de cette chance ! C'est pour cela que le Gouvernement vous propose, dans ce projet, de créer quinze zones franches nouvelles et d'en étendre certaines autres, à la demande d'élus de gauche comme de droite ; car les zones franches sont victimes de leur succès et n'ont plus assez d'espace pour accueillir d'autres entreprises. Je suis allée présenter ce dossier à Bruxelles il y a quelques jours. La situation dans les quartiers n'est pas d'une grande simplicité : Jean-Louis Borloo en faisait le constat dès 2002, d'où la loi de rénovation urbaine et le plan de cohésion sociale, dont le titre II de ce projet de loi n'est qu'un prolongement.

La question de l'emploi est directement liée à celle du RMI. Ceux d'entre vous qui étaient déjà là en 1988 se souviennent de l'idée généreuse de Michel Rocard : assurer un filet de sécurité aux plus démunis. Qui pouvait être contre ?

M. Henri Emmanuelli - La droite !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée - Mais depuis, le nombre de Rmistes a quadruplé et 10 % d'entre eux y sont depuis l'origine : le « » de RMI n'a tout simplement jamais fonctionné. Nous avons pris des mesures : la création du RMA...

M. Henri Emmanuelli - Payez vos dettes d'abord ! Vous devez déjà 5 millions aux départements !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée - ...pour offrir aux personnes prises dans le cercle infernal de l'exclusion un marchepied pour l'emploi, la prime de retour à l'emploi, la simplification de l'intéressement, qui n'a jamais fonctionné, les dispositions facilitant l'accès aux modes de garde des enfants, en vue de lever un des obstacles majeurs au retour à l'emploi des femmes... Ces mesures apporteront des résultats.

Je connais le constat qu'a fait Mme Robin-Rodrigo, mais un constat ne suffit pas : il faut fournir des solutions. Ainsi, en matière d'éducation, le contrat de réussite éducative offre des moyens nouveaux qui sont, pour la première fois, entièrement tournés vers l'enfant. En matière de santé, avec les ateliers santé-ville, c'est aussi la première fois qu'un budget est effectivement dégagé. Et c'est bien parce que nous mesurons les enjeux que nous avons déjà délégué les crédits prévus au budget : au 1er février, plus de 225 millions sont déjà délégués dans les quartiers au titre de la politique de la ville. Les préfets ont 40 % de crédits de plus que les années précédentes. C'est du jamais vu !

M. Henri Emmanuelli - Vous comptez payer ce que vous devez pour le RMI ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée - Plusieurs d'entre vous ont évoqué les assises de la ville. Le rapport du sénateur André est précisément à la base du travail que nous avons mené pour la rénovation des contrats de ville, et les préfets et les maires seront les deux piliers de ces contrats rénovés qui seront présentés le 20 février. Comme le disait Pierre Cardo, les maires - et nous l'avons bien vu en novembre - sont au cœur de l'action. La nouvelle contractualisation permettra de renforcer le volet humain de la politique de la ville, dont l'acteur essentiel est le FASILD. C'est pour cela que je ne peux pas suivre M. Vercamer dans son propos. Le FASILD n'est pas absorbé par la nouvelle agence de cohésion : il en est la base.

Depuis 1958, le FASILD a placé l'homme au cœur de son action unanimement reconnue. C'est à partir d'un FASILD élargi - où la présence d'élus au sein d'une représentation paritaire a fait la preuve de son intérêt - que l'agence contribuera à la lutte contre les discriminations, à la politique des territoires et à l'intégration (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Qui a mis en place le contrat d'accueil et d'intégration ? Qui a organisé un véritable accompagnement des nouveaux arrivants ? C'est nous ! Qui a donné les moyens budgétaires à l'accompagnement linguistique ? C'est nous ! Vous pouvez parler d'intégration, mais nous agissons !

M. Jean-Pierre Blazy - Et qui raccompagne les étrangers ?

M. Henri Emmanuelli - Et les charters ?

Un député UMP - Mais vous avez créé Sangatte !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée - La politique d'intégration restera une politique d'État, et la politique de la ville sera plus partenariale que jamais. Cette agence sera le pendant social de l'ANRU, à laquelle elle apportera une composante humaine indispensable.

Elle regroupera l'ensemble des financements - subventions de l'État, FSE, fonds sociaux. Elle permettra aux associations d'avoir un interlocuteur unique, afin de mieux consacrer leur énergie à l'action de terrain, et de signer des conventions pluriannuelles leur garantissant un financement. Une fois la loi adoptée, la mise en place de l'agence se fera en concertation avec tous les salariés du FASILD et avec la délégation interministérielle à la ville. L'Agence nationale pour la cohésion et l'égalité des chances sera un outil puissant et efficace, garant de notre cohésion sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marc Ayrault - Ce défilé de ministres va-t-il durer encore longtemps ? Après M. Begag, je suppose que ce sera le tour de M. Bas. Permettez-moi de lever un malentendu : on accuse ici et là l'opposition de tentatives d'obstruction (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste). Mais n'est-ce pas le Gouvernement lui-même qui organise cette mise en scène pour le faire croire ? Nous souhaitons plutôt entrer dans le vif du sujet, car nous avons bien des choses à proposer sur les articles de votre texte.

Plusieurs députés UMP - Supprimez donc la motion de renvoi en commission !

M. Jean-Marc Ayrault - Après M. Bas, il manquera M. Borloo...

Plusieurs députés UMP - Il arrive !

M. Jean-Marc Ayrault - ...puis M. de Robien, et surtout le Premier ministre, qui, s'il s'est exprimé à la télévision, n'a rien dit devant la représentation nationale !

M. le Président - Les débats se déroulent conformément à notre Règlement et à la Constitution. Quant au temps de parole, l'opposition a présenté deux motions de procédure d'une heure trente chacune ; M. Larcher a parlé vingt minutes, Mme Vautrin dix. MM. Begag et Bas vont maintenant s'exprimer successivement, conformément à l'article 31 de la Constitution (Éclats de rire sur les bancs du groupe socialiste).

M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances - Un mot sur le CPE...

M. Jean-Pierre Brard - Ne soyez pas trop bref quand même...

M. Azouz Begag, ministre délégué - Ce n'est ni demain, ni après-demain qu'il faut aider les jeunes, mais aujourd'hui, car c'est aujourd'hui qu'ils sont englués dans le chômage et la précarité !

Vous le savez : j'ai consacré ma vie à la lutte contre les discriminations...

M. Jean-Pierre Brard - Oui, mais cela ne signifie pas que vous avez réussi ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Azouz Begag, ministre délégué - J'avais dix ans lorsque Martin Luther King est mort. Hier, c'est sa femme qui nous a quittés.

M. Henri Emmanuelli - Martin Luther King n'était pas à droite, lui ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP ; échange d'invectives entre M. Brard et Mme des Esgaulx)

M. Azouz Begag, ministre délégué - Aujourd'hui, je suis fier d'apporter mon expérience et mon énergie à ce gouvernement. Le chômage des jeunes : voilà une vraie discrimination ! L'apprentissage junior offre une voie aussi estimable et fertile que d'autres pour découvrir des métiers. On peut, à quatorze ans, apprendre le métier de pâtissier tout en aimant lire et voyager.

Plusieurs députés socialistes - Oui, et alors ?

M. Azouz Begag, ministre délégué - Et alors, il y a du talent en chaque jeune : plutôt que d'opposer ces talents, il faut les unir pour en faire profiter notre pays, en milieu rural comme en milieu urbain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Au nom du principe d'impartialité, certains, comme M. Tian, s'inquiètent qu'un pouvoir de sanction soit confié à une autorité indépendante du pouvoir judiciaire, craignant que les droits individuels ne soient bafoués par une enquête administrative. D'autres, au contraire, souhaitent une action plus ferme : M. Paul juge notre combat « trop tiède » et M. Lurel demande que la charge de la preuve soit inversée et les moyens de la HALDE renforcés.

Je confirme ici ma totale détermination dans ce noble combat républicain. Actuellement, si elle a des pouvoirs d'investigation, la HALDE ne peut toutefois intervenir que par médiation. Les poursuites judiciaires sont des procédures longues auxquelles les gens ne croient guère ; aussi, lui confier un pouvoir de sanction pécuniaire et limitée dans le cadre d'une procédure contradictoire est adapté aux cas les plus fréquents.

Mme Christine Boutin - Encore des sanctions !

M. Azouz Begag, ministre délégué - Toutes les précautions seront naturellement prises pour définir les discriminations, faire valoir la bonne foi des personnes mises en cause et leur éviter une double sanction.

M. Jean-Pierre Blazy - La double peine !

M. Azouz Begag, ministre délégué - Il n'y a donc aucune raison de ne pas approuver l'article 19 qui apporte une réponse rapide et claire aux discriminations. Aucune raison non plus de renoncer au testing, dont le principe a été admis par la Cour de cassation. Il s'agit de susciter une prise de conscience chez ceux qui discriminent sciemment autant que chez ceux qui ignorent la loi. C'est de la dissuasion efficace !

M. Henri Emmanuelli - Vous aurez bien du mal !

M. Azouz Begag, ministre délégué - Non, Monsieur Emmanuelli, car j'ai beaucoup d'expérience en la matière ! Le Gouvernement sera attentif aux amendements visant à garantir l'impartialité et la compatibilité des procédures. Voilà donc une réponse ferme, juste et attendue à un problème que nous voulons tous résoudre !

J'ai entendu ceux qui déplorent une insuffisante diversité dans certains domaines : à ce titre, j'évoquerai quatre chantiers. Les entreprises, d'abord : plus de quatre cents d'entre elles ont signé la Charte de la diversité et se sont engagées à embaucher des jeunes compétents des cités.

M. Jean-Pierre Blazy - Qu'en pense M. Vanneste ?

M. Azouz Begag, ministre délégué - Puis les administrations : elles doivent montrer l'exemple. M. Jacob et moi-même les encourageons à recruter des jeunes sans qualification. L'éducation, ensuite : avec M. de Robien, nous généralisons les parrainages d'étudiants et d'établissements pour diversifier le recrutement dans les grandes écoles et les universités. Enfin, les médias : le CSA a désormais les moyens légaux de vérifier que la diversité de notre société y est bien représentée, notamment à la télévision (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). L'article 23 du projet de loi ne vise pas à imposer une norme, mais à accélérer un mouvement, tant il est urgent de voir la différence s'afficher sur nos écrans. D'ailleurs, depuis qu'en novembre, nous avons rencontré les patrons de chaînes de télévision avec le Président de la République, le progrès est déjà net !

Plusieurs députés socialistes - Ah bon ?

M. Azouz Begag, ministre délégué - La diversité des personnes et des intelligences est une richesse ! Au sein de ce gouvernement, je suis fier de conduire un combat qui n'est pas la chasse gardée de la gauche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) La lutte contre les discriminations et la diversité de notre pays ne vous appartiennent pas : elles appartiennent à la France, et à la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Cette diversité, déjà acquise dans les gouvernements de MM. de Villepin et Raffarin, j'espère la voir ici-même, de mes propres yeux, après les élections législatives...

M. Jean-Pierre Brard - Vous briguez un mandat, Monsieur Begag...

M. Azouz Begag, ministre délégué - ...et j'espère que vous y contribuerez tous : ce sera tant mieux pour tous les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Accoyer - Je m'élève solennellement contre l'attitude de certains collègues de l'opposition (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean-Pierre Blazy - Parole d'expert !

M. Bernard Accoyer - Leurs quolibets et leurs moqueries sont désolants et inqualifiables (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste). Nous en sommes profondément choqués (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). MM. Blazy, Emmanuelli, Brard, comment pouvez-vous, dans ce lieu de démocratie et d'égalité, prononcer les mots...

M. Henri Emmanuelli - Lesquels ?

M. Bernard Accoyer - ...que nous avons entendus ? J'en appelle à plus de raison et de mesure ! Pour une fois, soyez conformes à vos prétendus engagements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Henri Emmanuelli - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58 ! Je comprends que M. Accoyer, engagé dans un mauvais débat avec sa majorité, cherche à faire diversion. Je me suis quant à moi contenté de dire à M. le ministre, qui a évoqué Martin Luther King, que celui-ci n'a jamais siégé à droite. Est-ce une injure ? Non : c'est un constat. Il est vrai que la lutte contre les inégalités ne devrait appartenir à personne mais regardez l'histoire de notre pays : qui a promu les Droits de l'homme, qui s'est battu en faveur de l'égalité ? Vous comprendrez alors, Monsieur le ministre, que vous avez mal choisi votre camp.

M. le Président - Martin Luther King, n'ayant jamais été parlementaire, n'a jamais pu siéger d'un côté ou de l'autre.

M. Jean-Pierre Brard - Martin Luther King était comme l'abbé Pierre : il avait des valeurs qui ne sont pas cotées au CAC 40, Monsieur Accoyer, et c'est la grande différence entre vous et nous. Vous nous avez agressés pour faire diversion parce que vous avez du mal à assumer vos positions chaotiques. Vous avez besoin de vous refaire une virginité devant l'opinion...

Mme Christine Boutin - Ce n'est pas possible, des propos pareils !

M. Jean-Pierre Brard - ...mais vous devriez savoir que, lorsque la virginité est perdue, c'est pour toujours. Vous ne nous ferez pas oublier l'article 4 de la loi de février 2005 (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Vous n'avez d'ailleurs pas osé revenir en discuter ici, même si la plupart d'entre vous êtes des revanchards ! Il a fallu que le Président de la République barre votre copie ! Là, il était bel et bien question de discrimination ! Il est vrai que certains, dans cet hémicycle, en ont une vision exotique car ils ne la voient jamais de près ! Il est également vrai que vous préférez couvrir les maires délinquants comme ceux de Saint-Maur et de Neuilly, ou chasser les pauvres gens (Protestations sur les bancs du groupe UMP) afin de vivre entre vous (Protestations sur les bancs du groupe UMP). C'est cela que nous combattons ! Avec tout le respect que l'on doit à un ministre de la République, nous disons simplement que M. Azouz Begag est à contre-emploi...

M. Azouz Begag, ministre délégué - Pas du tout !

M. Jean-Pierre Brard - ...C'est un simple constat.

Je vous ai vu, Monsieur le ministre, dans ma bonne ville de Montreuil...

M. le Président - Montreuil est loin de votre rappel au Règlement !

M. Jean-Pierre Brard - Pas du tout ! Je suis instituteur de formation, et la pédagogie incite toujours à prendre des exemples pour aider les esprit un peu obtus. M. Begag est donc jadis venu à Montreuil et il a vu ce que les politiques qu'il justifie aujourd'hui ont engendré !

M. Alain Joyandet - Je m'associe aux propos de M. Accoyer. Nous sommes très heureux que M. Begag ait choisi notre camp. Il ne s'est pas trompé. Nul besoin d'aller chercher des références aux États-Unis, Monsieur Emmanuelli : nous savons ce que vous avez fait, ou plutôt ce que vous n'avez pas fait, en matière de logement social par exemple. Qui parle des discriminations sans jamais agir ? Vous ! Qui agit ? M. Azouz Begag et le Gouvernement ! C'est cela qui vous gêne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille - Notre discussion fut riche en surprises. Nous aurons ainsi entendu M. Emmanuelli revendiquer son appartenance à la gauche américaine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). C'est nouveau ! Nous avons aussi entendu beaucoup de caricatures, et parmi elles celles concernant le contrat de responsabilité parentale...

M. Alain Néri - Répondez sur les allocations !

M. Philippe Bas, ministre délégué - ...alors qu'il doit simplement permettre de renforcer l'exercice de la fonction parentale. La crise des banlieues fut une alerte et ses causes ne sont pas uniquement sociales : il faut tenir compte de l'éclatement du cadre familial, de la multiplication des familles monoparentales et, plus généralement, de la difficulté d'apprentissage de la fonction de parent, quels que soient les milieux sociaux. Le Gouvernement s'est engagé dans deux directions. J'ai tout d'abord présenté les principaux axes de la réforme de la protection de l'enfance lors du conseil des ministres du 23 novembre dernier. Un grand débat national est depuis lors engagé et je présenterai ma réforme au printemps prochain avec pour seul objectif l'intérêt de l'enfant. Je présente maintenant le contrat de responsabilité parentale qui doit permettre aux parents de surmonter leur désarroi et leur découragement face à des enfants qui parfois leur échappent. Il ne s'agit évidemment pas de supprimer les allocations familiales.

M. Henri Emmanuelli - Bien sûr...

M. Philippe Bas, ministre délégué - Sur le plan juridique, je rappelle que le code de la sécurité sociale prévoyait il y a quelques années encore cette possibilité. Cela pouvait d'ailleurs entraîner des décisions excessives et aggraver les problèmes au lieu de les résoudre. Madame Pérol-Dumont, Madame Clergeau, telle était alors la loi de la République et vos amis étaient au pouvoir ! Je ne me souviens pas que Mme Royal, qui fut ministre en charge de la famille, ait jamais envisagé de remettre en cause cette disposition. Sans doute pensiez-vous alors que c'était une bonne chose...

M. Jean-Pierre Blazy - C'est faux !

M. Philippe Bas, ministre délégué - ...et peut-être avez-vous aujourd'hui changé d'avis ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Peut-être aussi n'avez-vous pas eu le courage de modifier ces dispositions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) C'est nous qui, avec la loi Jacob de 2004, les avons abrogées !

M. Henri Emmanuelli - M. Bas est le CPE du Gouvernement !

M. Philippe Bas, ministre délégué - Je note d'ailleurs que vous n'avez pas voté cette loi, mais il est vrai que vous n'êtes pas à une incohérence près, à moins, bien entendu, que vous n'ayez été fidèle à votre politique ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Le contrat de responsabilité parentale permet de sortir du choix simpliste entre l'inaction et la répression. Il permet également de soutenir les parents en difficulté et de trouver un juste équilibre entre les droits et les devoirs. Le contrat de responsabilité parentale ne vise pas seulement à combattre l'absentéisme scolaire : il s'agit de remédier à toutes les situations de carence de l'autorité parentale. J'ajoute que, par définition, le contrat n'implique pas un règlement autoritaire des problèmes. Il sera en l'occurrence déclenché par les chefs d'établissement, les inspecteurs d'académie ou les maires. Sa mise en œuvre sera assurée par les services de l'aide sociale à l'enfance qui, depuis 1984, relèvent des conseils généraux. Ce sont eux, en effet, qui interviennent en premier lieu dès qu'il s'agit de venir en aide aux familles avec, bien entendu, le concours des réseaux d'aide et d'accompagnement aux parents, des centres communaux d'action sociale et des maisons des parents. Les parents pourront participer à des formations, rencontrer d'autres parents, être régulièrement suivis, et les résultats du contrat seront bien entendu évalués au fur et à mesure de sa mise en œuvre.

Je m'inscris en faux contre certaines affirmations hâtives. Nous ne partons pas du principe que les parents seraient fautifs ou coupables, comme l'ont prétendu Mme Pérol-Dumont, Mme Clergeau ou M. Charzat. Je n'accepte pas cette caricature, car le contrat de responsabilité parentale est précisément fondé sur l'idée que les parents peuvent avoir besoin d'aide et qu'ils sont prêts à saisir la perche qui leur sera tendue.

M. Henri Emmanuelli - En guise de perche, vous leur proposez le bâton !

M. Philippe Bas, ministre délégué - Il y en a qui, contemplatifs et candides, trouvent toujours d'excellentes raisons de ne jamais rien oser ni proposer. Nous, nous agissons.

M. Henri Emmanuelli - Vos propos sont à la fois ridicules et scandaleux.

M. Philippe Bas, ministre délégué - Dans les cas les plus fréquents, j'en suis convaincu, le contrat de responsabilité parentale donnera les résultats attendus. Il y aura aussi des cas où les parents ne pouvant absolument pas surmonter leurs difficultés, les mesures d'assistance éducative pouvant être prononcées dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance resteront bien entendu plus appropriées que la suspension des allocations familiales. Mais il y aura aussi des cas où les parents font preuve d'une mauvaise volonté évidente. Ce peut être le cas d'un père qui confisque les allocations familiales tout en se désintéressant de ses enfants, mais non de l'argent qu'ils lui procurent. Dans un tel cas, une suspension temporaire des versements se justifie tout à fait, avec possibilité de restitution si les choses rentrent dans l'ordre.

Le contrat de responsabilité parentale assure un juste équilibre entre les droits et les devoirs des parents. La suspension provisoire des allocations familiales évitera d'en venir d'emblée aux mesures de justice, le juge pouvant d'ores et déjà condamner les parents défaillants à une amende de 750 € ou mettre les allocations sous tutelle. Avant d'en arriver là, une autre solution sera désormais possible, qu'on n'emploiera bien sûr qu'en ultime recours.

M. Henri Emmanuelli - C'est vous qu'il faudrait suspendre !

M. Philippe Bas, ministre délégué - Ce contrat de responsabilité parentale, c'est un acte de confiance envers les parents, les maires et les chefs d'établissement. C'est l'expression d'une volonté de soutien, d'accompagnement éducatif et social des parents. C'est enfin une exigence de responsabilité, car, comme l'a fort justement souligné Hervé Mariton, aucune action sociale ni aucune assistance, aussi efficaces soient-elles, ne peuvent rivaliser avec l'efficacité d'une famille où les parents remplissent leur rôle, au service de l'épanouissement de leurs enfants et de leur apprentissage de la citoyenneté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marc Ayrault - Rappel au Règlement. Je pense, Monsieur le président, qu'il est temps de suspendre ce soir nos travaux.

M. Claude Gaillard - On veut travailler, nous !

M. Jean-Marc Ayrault - Nous nous demandons sincèrement ce que veut le Gouvernement.

M. Christian Paul - Il ne le sait pas lui-même !

M. Jean-Marc Ayrault - Nous avons eu l'impression que tous les ministres sont intervenus pour faire durer le débat. Je n'accepterai pas que nous commencions d'examiner une motion de renvoi en commission à minuit moins dix, ce qui signifierait que nous ne terminerions pas avant deux heures du matin. Je vous demande, Monsieur le président, de suspendre nos travaux pour les reprendre demain matin dans un climat plus apaisé et des conditions plus satisfaisantes pour tous. J'espère avoir satisfaction (« Chantage ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - La commission et le Gouvernement souhaitent que les travaux se poursuivent. Je ne donne donc pas droit à votre demande.

M. Jean-Marc Ayrault - Puisque nous sommes ainsi traités, je demande une suspension de séance, et nous multiplierons les demandes de suspension jusqu'à ce que nous obtenions satisfaction. Le Gouvernement déclare l'urgence, dépose des amendements à la dernière minute et multiplie ses interventions. C'est manquer de respect à l'égard de l'Assemblée nationale. Vous allez trouver ce que vous avez cherché ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Claude Gaillard - Ces menaces ne sont pas admissibles.

La séance, suspendue à 23 heures 55, est reprise à minuit, le jeudi 2 février.

M. Daniel Paul - Rappel au Règlement. Le président Ayrault a, à plusieurs reprises, exprimé le souhait que nos débats se déroulent sereinement sur ce sujet important qu'est l'égalité des chances. Il ne serait pas très sérieux de commencer l'examen d'une motion de renvoi en commission à minuit passé. Nous avons regretté qu'une succession d'interventions des ministres, certes compréhensible, nous ait menés jusqu'à cette heure tardive. Monsieur le président, il vous a été proposé de reporter nos travaux à demain matin. Vous ne l'avez pas accepté. Nous demandons donc une nouvelle suspension de séance.

M. le Président - Elle est de droit. Je suspends la séance pour deux minutes sur place (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Henri Emmanuelli - Décidément, vous cherchez l'affrontement !

La séance, immédiatement suspendue, est reprise à 0 heure 2.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe communiste et républicain une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du Règlement... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Pierre Brard - Rappel au Règlement !

M. Didier Migaud - Rappel au Règlement !

M. le Président - La parole est à M. Brard pour la motion de renvoi en commission.

M. Didier Migaud - C'est un coup de force ! C'est inadmissible !

M. Jean-Pierre Brard - Je fais un rappel au Règlement...

M. le Président - Non, Monsieur Brard, exprimez-vous à la tribune, et sur la motion.

Les députés socialistes - C'est inadmissible !

M. Didier Migaud - On n'a jamais vu cela !

M. le Président - Il y a un règlement et je suis chargé de l'appliquer. En application de l'article 91, alinéa 7, M. Brard a la parole pour défendre la motion de renvoi (« Non ! Non ! » et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Brard - Vous savez, je suis inoxydable. J'ai demandé à faire un rappel au Règlement fondé sur l'alinéa 5 de l'article 58. ....

M. Didier Migaud - C'est du jamais vu !

M. Jean-Pierre Brard - Il y a ici deux ministres en recherche de notoriété...

M. le Président - Monsieur Brard, si vous avez la parole, c'est pour présenter la motion de renvoi.

Les députés socialistes et communistes - C'est honteux !

M. Alain Néri - Vous méprisez la représentation nationale depuis le début de la séance !

M. Jean-Pierre Blazy - Nous voulons le Président Debré ! (Les députés socialistes scandent pendant un long moment : « le Président, le Président ! »)

Plusieurs députés UMP - C'est lamentable !

M. Jean-Marc Ayrault - Je demande à faire un rappel au Règlement. Vous ne pouvez pas me le refuser, Monsieur le président.

M. le Président - J'ai donné la parole à M. Brard (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste). J'applique le Règlement de l'Assemblée, que je vous demande de respecter.

M. Jean-Marc Ayrault - Je demande à faire un rappel au Règlement !

M. le Président - Non, M. Brard a la parole (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Marc Ayrault (avec insistance, à plusieurs reprises) - Rappel au Règlement ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Irène Tharin - Vous le ferez quand M. Brard aura parlé.

M. le Président - Si M. Brard l'autorise, je donne la parole à M. Ayrault.

M. Jean-Pierre Brard - Je l'autorise.

M. Jean-Marc Ayrault - Je remercie M. Brard, puisqu'il préside... Monsieur le président, puisque vous ne parvenez pas à le faire, je vous demande d'alerter le Président de l'Assemblée afin qu'il y ait une réunion immédiate de la Conférence des présidents. En attendant qu'elle puisse avoir lieu, je demande une suspension de séance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - Elle est de droit.

La séance, suspendue à 0 heure 7, est reprise à 0 heure 15.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Nous avons eu des débats approfondis, et vifs, sur un sujet majeur. Le Gouvernement a souhaité répondre à chacun des points soulevés par les orateurs, de l'opposition comme de la majorité, marquant ainsi la considération qu'il a pour la représentation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous donnerons d'autres précisions dans la suite de la discussion.

M. Jean-Pierre Brard - Vous faites profil bas !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Pour l'heure, souhaitant que la dernière motion de procédure puisse être débattue à la fois sereinement et sérieusement, le Gouvernement propose de renvoyer à demain matin la joie des échanges enrichissants auxquels elle donnera certainement lieu.

M. le Président - Avec l'accord des différents présidents, je lève donc la séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce matin à 9 heures.

La séance est levée à 0 heure 15.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 2 FÉVRIER 2006

NEUF HEURES - 1RE SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 2787) pour l'égalité des chances.

Rapport (n° 2825) de M. Laurent HÉNART, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

QUINZE HEURES - 2e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE - 3e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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