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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 60 ème jour de séance, 139ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 8 FÉVRIER 2006

PRÉSIDENCE de M. Jean-Luc WARSMANN

vice-président

Sommaire

      EGALITE DES CHANCES (SUITE) 2

      APRÈS L'ART. 3 (SUITE) 2

La séance est ouverte à neuf heures trente.

EGALITE DES CHANCES (SUITE)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi pour l'égalité des chances.

APRÈS L'ART. 3 (SUITE)

M. le Président - Hier soir, le vote sur le sous-amendement 418, après l'article 3, a été reporté en application de l'article 61, alinéa 3, du règlement.

M. Maxime Gremetz - Le quorum n'est toujours pas atteint ce matin.

M. Gaëtan Gorce - Rappel au règlement pour protester contre nos conditions de travail qui ne cessent d'empirer. Il n'est pas d'usage que l'Assemblée siège un mercredi matin, quand nous avons, les uns et les autres, des réunions de commission. La commission des affaires culturelles et sociales, à laquelle j'appartiens, va ainsi auditionner M. Donnedieu de Vabres sur les questions relatives au droit d'auteur, la commission des lois travaille, M. Vidalies, qui intervient sur ce projet de loi depuis le début, est retenu en commission par un texte sur les successions. Il est donc inadmissible que le Gouvernement, dans la précipitation, puisse modifier l'ordre du jour à sa convenance, comme s'il y avait menace, alors que l'on vient de nous annoncer que l'Assemblée pourrait siéger jusqu'à dimanche. Pourquoi nous faire venir alors ce mercredi matin, si ce n'est pour rendre le travail de l'opposition encore plus difficile ? Nous n'avons pu prendre connaissance de ce texte qu'au dernier moment, et on nous oblige maintenant à en débattre dans des conditions suspectes, que je tiens à dénoncer, même si le Gouvernement s'en moque éperdument. On voit bien que depuis quelques années, l'Assemblée nationale est traitée d'une manière qui ne fait pas honneur à nos institutions !

Si nous ne pouvons débattre dans de bonnes conditions, j'utiliserai tous les moyens de la procédure pour qu'il en soit autrement.

M. Maxime Gremetz - Rappel au règlement ! Le Gouvernement ne répond à aucune de nos questions, alors que n'ai jamais vu de chose aussi insensée et antidémocratique que cet amendement 3 rectifié qui, véritable projet de loi, bouleverse complètement notre code du travail, et remet en cause notre projet de société. Ou l'on veut la sécurité professionnelle pour nos concitoyens, ou l'on prône une société éclatée, sans règle, sans droit, ni protection, comme le souhaite le MEDEF.

Malgré les engagements du Premier ministre, les organisations syndicales ont appris par la presse, comme nous, l'existence et le contenu de cet amendement. C'est extraordinaire ! La protestation est générale, mais personne n'en tient compte, au contraire ! Le Gouvernement accélère le pas ! On fixe l'heure de fin de dépôt des amendements à 21 heures, alors que nous venons à peine de nous réunir. Et quand on arrive, il n'y a pas de texte ! M. Borloo nous parle un peu du CPE, mais il se sauve honteusement quand nous essayons de l'interroger ! Nous finissons par recevoir le texte de l'amendement, mais la suspension de séance que nous demandons pour consulter notre groupe nous est refusée ! Et aujourd'hui, on nous empêche de discuter sérieusement sur le fond ! Personne ne veut répondre à nos questions ! Je n'ai jamais vu cela dans ma longue vie de député ! Parce que le Gouvernement sait que 58% des Français sont contre le CPE, il veut passer en force. C'est inadmissible ! Comment le président de l'Assemblée nationale, qui veut redonner des droits au Parlement, peut-il laisser faire ? Que le Gouvernement réponde donc enfin aux vraies questions ! Par exemple, combien le CNE et le CPE coûteront-ils en exonérations de cotisations patronales ? Vous voulez supprimer toutes ces cotisations, pour ensuite, prenant prétexte du déficit de la sécurité sociale, multiplier les déremboursements, et augmenter le forfait hospitalier, et j'en passe. Et on dira après, comme votre ami Barroso, que les Français sont « des malades imaginaires » !

Répondez aux questions, sinon nous utiliserons tous les moyens qui nous restent pour échapper à un tel coup de force !

M. Francis Vercamer - Rappel au règlement, pour appeler mes collègues de l'opposition à la raison (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). Cela fait plusieurs jours qu'ils font de l'obstruction, et si l'UDF n'approuve pas davantage ce CPE, elle préfère néanmoins discuter sur le fond plutôt que sur la forme. Je ne désespère pas d'ailleurs de convaincre les députés de l'UMP de voter nos sous-amendements.

M. Maxime Gremetz - Mais ils n'ont pas la liberté de voter !

M. Francis Vercamer - Nous sommes contre le CPE, car il ne nous semble pas être la bonne réponse au chômage des jeunes, marqués par la discrimination pour certains, non qualifiés pour d'autres. Le CPE, outre qu'il ne sera pas une solution pour eux, ne résoudra pas davantage la question des offres d'emploi non pourvues, sans parler de la précarité ! Mais nous ne désespérons pas de convaincre nos collègues.

M. Maxime Gremetz - Votre croyance est admirable !

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes - Ce dispositif ne coûtera rien, car aucune exonération n'est liée à ce CPE, pas plus qu'au CNE.

M. Maxime Gremetz - Et le manque à gagner ?

M. le Ministre délégué - Les exonérations que nous avons prévues pour les chômeurs de plus de six mois s'étendent à tous les contrats. Rassurez-vous, Monsieur Gremetz, en votant le CPE, vous ne ferez pas un cadeau de plus au grand patronat !

M. Maxime Gremetz - Et le manque à gagner ?

M. le Ministre délégué -Grâce aux emplois créés, nous aurons plutôt des recettes !

Le sous-amendement 418, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes - Par le sous-amendement 419, nous tentons encore de définir les contours du premier alinéa de l'amendement du Gouvernement selon lequel les employeurs peuvent conclure un CPE pour toute nouvelle. En fait de nouvelle embauche, je vous remercie, Monsieur le ministre, d'avoir précisé hier soir, qu'il s'agissait de toute embauche, et qu'il était possible de signer un nouveau CPE pour remplacer une personne licenciée dans le cadre d'un CPE. Les employeurs peuvent donc signer autant de CPE qu'ils le souhaitent. Les choses ont le mérite d'être claires.

Il vous reste à préciser la notion de « contrat première embauche » pour les jeunes, qui pensent encore que ce contrat serait celui du pied à l'étrier. Si tel n'est pas le cas, si ce contrat pouvait aussi être celui de la deuxième ou de la troisième embauche, vous seriez malhonnête , et je vous demanderais de modifier l'appellation de ce contrat.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles - Ce sous-amendement concerne les assistantes maternelles, mais vous n'en avez pas parlé. Au moins pourriez-vous suivre votre texte..... (Exclamations de M. Brottes). Je précise à ce sujet, Monsieur le président Warsmann, qu'en application d'un texte dont vous êtes à l'origine concernant ces assistantes maternelles, M. Bas viendra prochainement présenter le bilan. Avis défavorable au sous-amendement.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Maxime Gremetz - Je rappelle à nos collègues qui n'étaient pas là que le Gouvernement a fait un aveu de taille hier.

Vous avez, en effet, Monsieur le ministre, dû admettre qu'un jeune pourrait signer plusieurs CPE de suite, à la seule condition d'attendre trois mois si c'est chez le même employeur. Rien n'empêche donc qu'il les enchaîne chez des employeurs différents. Dans la zone industrielle d'Amiens, ce pourra être par exemple chez Valeo, chez Dunlop, chez Plastic Omnium... Les jeunes pourront ainsi valser de CPE en CPE pendant des années.

M. Alain Néri - Le CPE, c'est le contrat perpétuel d'exclusion !

M. Maxime Gremetz - Tous les matins, les jeunes seront dans la crainte de recevoir leur lettre de licenciement sans motif, qu'ils n'auront aucune possibilité de contester. Avec ce contrat, vous instituez la précarité généralisée. Et lorsque vous prétendez qu'il sera plus favorable qu'un CDD, vous mentez (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Je vous montrerai des chiffres qui en apportent la preuve.

Vous mentez également lorsque vous prétendez que cela ne va rien coûter. Nous savons pertinemment qu'il y aura un manque à gagner pour les caisses de Sécurité sociale du fait des exonérations de cotisations patronales. Sans aucune contrepartie en matière de créations d'emplois, vous faites encore des cadeaux aux entreprises, pas aux PME-PMI pour qui a été créé le CNE, mais à celles du CAC 40...

M. Robert Lamy - Vous êtes obsédé par le CAC 40 !

M. Maxime Gremetz - ...qui ont réalisé l'an passé 57 milliards d'euros de profits. Non contentes de cela, voilà qu'elles pourront maintenant embaucher de jeunes salariés sans droits. Jamais notre pays n'avait connu une telle régression sociale. Assumez, et dites avec Mme Parisot que vous ne voulez plus de CDI, car telle est bien la vérité.

M. le Président - Monsieur Brottes, vous avez la parole pour répondre à la commission.

M. François Brottes - En effet, je ne le pourrais pas au ministre puisqu'il n'a pas daigné répondre à mon interpellation, laquelle a pourtant jeté un certain trouble sur les bancs de l'UMP (« Pas du tout ! » sur les bancs du groupe UMP). Au président de la commission, qui vient de faire une brève apparition pour nous reprocher notre méthode consistant à déposer des sous-amendements tendant à exclure certaines professions du champ du CNE - en l'espèce les assistantes maternelles -, je dis que nous ne pouvons faire autrement, vu la méthode utilisée par le Gouvernement lui-même.

C'est un mensonge grave que de faire croire que le CPE est un contrat de première embauche.

M. Maxime Gremetz - C'est un mensonge d'État.

M. François Brottes - Comme un jeune pourra enchaîner les contrats, comment parler, à partir du deuxième, de première embauche ? Voilà l'arnaque.

M. Maxime Gremetz - Exactement.

M. François Brottes - Il faut dire clairement aux jeunes de moins de 26 ans qu'ils n'auront plus droit qu'à ces contrats-là. Alors, appelez-les comme vous voulez, contrats jeunes, contrats précarité, mais ayez la décence de ne pas parler de contrat première embauche (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Alain Joyandet - Monsieur Gremetz, comme vous semblez regretter que le CPE s'adresse aux grandes entreprises, déposez donc un sous-amendement pour l'étendre à toutes ! (Exclamations de M. Gremetz)

Vous avez dénoncé un « mensonge d'État ». Mais la vérité est que, même dans la situation la pire que vous évoquez où un jeune signerait successivement plusieurs CPE chez différents employeurs... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. François Brottes - C'est donc possible. Reconnaissez-le.

M. Maxime Gremetz - Enfin, un aveu !

M. Alain Joyandet - Vous ne pouvez pas sans cesse rabâcher que nous mentons et ne pas nous laisser parler lorsque nous disons la vérité et parlons concret... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Même dans la situation la pire, disais-je, le jeune en CPE sera toujours dans une situation meilleure que ceux qui enchaînent les CDD... (Mêmes mouvements) Qu'on aborde le débat de fond vous gêne ! (Mêmes mouvements) Est-il possible, Monsieur le président, de développer un argument sans être sans cesse interrompu ?

M. le Président - Laissez M. Joyandet s'exprimer.

M. Maxime Gremetz - Qu'il ne dise pas trop de bêtises !

M. le Président - Un peu de respect, je vous prie.

M. Alain Joyandet - Monsieur Gremetz, si l'on établissait un palmarès des bêtises proférées par les députés, vous ne seriez en tout cas pas loin du podium !

M. Maxime Gremetz - Je suis beaucoup plus présent que vous...

M. Alain Joyandet - Que vous ayez davantage parlé que moi dans ce débat, peut-être, mais il n'est pas sûr que vous ayez été aussi présent.

J'en reviens au débat. À choisir, si j'étais un jeune, je préférerais enchaîner deux CPE que deux CDD ou deux missions d'intérim... (« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) ...car un CPE donne droit à une indemnisation chômage au bout de quatre mois, permet d'accéder à un logement, à un crédit (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). C'est un CDI reconnu comme tel (Mêmes mouvements).

M. Pierre Cohen - Là est le leurre.

M. Alain Joyandet - Que l'on dise la vérité vous embête.

Le sous-amendement 419, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Je demande une suspension de séance de cinq minutes pour consulter mon groupe.

La séance, suspendue à 9 heures 55 est reprise à10 heures 05.

M. Philippe Vuilque - Je défends le sous-amendement 420. Hier, Monsieur le ministre, vous avez dit que, parmi les nouvelles garanties apportées par ce contrat, il y a le fait que les motifs de licenciement sont soumis au contrôle du juge. D'abord, rappelons qu'il n'y aura pas d'entretien préalable. Et si tous les patrons ne se comportent pas comme des sagouins envers leurs salariés, c'est assez souvent le cas pour avoir besoin de ce genre de protections dans le code du travail. Mais pour en revenir au juge, quand un patron aura dit « vous ne me plaisez pas, circulez », quel contrôle va-t-il donc exercer ?

Parmi les garanties nouvelles, vous citez également de meilleures possibilités de lutter contre les discriminations. On ne voit pas en quoi. Plutôt que des garanties nouvelles, le CPE, c'est une précarité nouvelle.

En réponse à Monsieur Brottes, un député, plus courageux que le ministre, vient de l'avouer : on pourra enchaîner les CPE.

M. Alain Joyandet - Et alors ?

M. Philippe Vuilque - Alors, ce n'est plus une première embauche, ce qui pour un jeune signifie qu'ensuite l'embauche est définitive, c'est un leurre, ou, comme l'a dit M. Brottes, une arnaque. En tout cas, nous préférerions que ce soit le ministre lui-même qui ait le courage de répondre à nos questions.

M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Défavorable. Vous avez la réponse page 30 du compte rendu analytique de la séance d'hier après-midi.

M. Alain Néri - En français, les mots ont un sens. A nos questions claires et précises, nous attendons donc des réponses claires et précises. Il y a première embauche la première fois que le jeune signe un contrat, mais la suivante est définitive.

M. Alain Joyandet - Ce n'est pas vrai.

M. Alain Néri - Merci de cet aveu. Nous attendons que le ministre ait le courage de le faire, et de dire qu'il s'agit d'un contrat perpétuel de première embauche. C'est un retour au 19ème siècle, quand les ouvriers se pressaient le matin pour avoir du travail à la journée, et devaient recommencer le lendemain. Vous rétablissez une précarité oubliée depuis longtemps. Mais jouez donc franc jeu, que les jeunes sachent à quelle sauce ils vont être mangés ! Ils seront de nouveau taillables et corvéables à merci, comme au temps des maîtres de forges. Ayez le courage de le reconnaître. Vous vous plaignez de l'absence d'esprit et de culture d'entreprise. Mais il n'y a pas d'entreprise sans les salariés... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président de la commission - Cela vaut dans les deux sens.

M. Alain Néri - Seulement, vous allez toujours dans le même sens, celui des bénéfices des entreprises (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Mais vous vous découvrez, les masques tombent.

M. Jean Auclair - Vous n'avez vraiment rien compris !

M. le Président de la commission - Laissez donc tomber le vôtre, et parlons vraiment.

M. Alain Néri - Comment parler de culture d'entreprise à un jeune qui sait qu'à tout moment il peut être licencié sans motif ?

M. Philippe Vitel - Et ce jeune, où est-il aujourd'hui ?

M. Alain Néri - Vous voulez que le débat s'accélère. Ayons donc le courage de dire, comme M. Joyandet, que le CPE est un contrat perpétuel d'exclusion, cela ira plus vite.

M. Francis Vercamer - Je voudrais démontrer à nos amis de l'UMP (Murmures sur les bancs du groupe UMP) que le CPE n'est pas la réponse adaptée au problème actuel. J'en prends pour exemple la rupture de contrat non motivée. Selon l'article 4 de la convention 158 de l'OIT, que la France a signée en 1982, un travailleur ne peut être licencié sans "motif valable lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise". L'article 2 permet de déroger aux dispositions de la convention pour les travailleurs en période d'essai, ou n'ayant pas la période d'ancienneté requise à condition que cette période soit déterminée par avance et qu'elle soit raisonnable.

Je rappelle que la Cour de cassation considère comme « raisonnable » une période d'essai de trois mois. Imaginons donc qu'un jeune en CPE soit licencié et qu'il aille devant le juge pour contester son licenciement en invoquant la convention 158. Si la rupture de contrat n'est pas motivée, le juge requalifiera le CPE en CDI ! Croyez-vous que le rôle du législateur soit de créer de l'incertitude juridique pour les entreprises ?

Plaçons-nous maintenant du point de vue du salarié et pensons à celui qui sera licencié au bout d'un an sans même savoir pourquoi ! Estimera-t-il que la société française a répondu à son attente ?

C'est pour toutes ces raisons que nous sommes contre le CPE (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre délégué - Puisque vous soulevez la question du délai raisonnable, Monsieur Vercamer, permettez-moi de vous rappeler que, dans sa décision du 19 octobre, le Conseil d'État a considéré que les États parties à la convention 158 peuvent exclure certains travailleurs du champ d'application des dispositions de cette convention, notamment ceux n'ayant pas la période d'ancienneté requise, à condition que la durée de celle-ci soit fixée d'avance et qu'elle soit raisonnable. Considérant que l'annexe à la charte sociale européenne leur ouvre la même possibilité de dérogation...

Mme Marylise Lebranchu - Voilà !

M. Maxime Gremetz - Voilà pourquoi il fallait voter non !

M. le Ministre délégué - ...considérant d'autre part que le CNE était un contrat à durée indéterminée, le Conseil d'État a estimé que la période de deux ans durant laquelle est écartée l'application des dispositions de droit commun relatives à la procédure de licenciement peut être regardée comme raisonnable.

M. Maxime Gremetz - Quel aveu !

M. le Ministre délégué - Par ailleurs, Monsieur Néri, quand vous racontez que l'on pourra embaucher le matin et licencier le soir, vous montrez que vous n'avez pas lu le texte, qui parle d'un préavis de quinze jours et d'un autre d'un mois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le CPE n'est pas nécessairement le premier contrat de travail du jeune, mais c'est celui qui doit lui permettre une insertion durable plutôt que le parcours de la galère (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Enfin, je précise, pour compléter mon intervention d'hier, que le juge peut être saisi pour abus de droit.

M. Maxime Gremetz - Comme on dit en picard, vous vous « empatouillez », Monsieur le ministre, dans vos contradictions ! Vous nous dites qu'avec le CPE, on va créer des emplois. Je vous répondrai en vous citant le journal Les Echos, qui montre clairement que les pays où l'on « flexibilise » le plus ne sont pas ceux qui créent le plus d'emplois.

Vous nous avez dit hier que l'on ne pourrait pas renouveler un CPE dans une même entreprise sans attendre trois mois. Mais la vérité est que l'on pourra envoyer le jeune dans l'entreprise juste à côté, puis le faire revenir, toujours en CPE !

Vous nous dites aussi qu'il n'y a aucun manque à gagner pour l'État. Il n'en reste pas moins vrai que le CNE et le CPE seront totalement exonérés de cotisations sociales patronales pendant trois ans. Quel cadeau royal fait aux multinationales du CAC 40, qui ont déjà fait 57 milliards de profits en 2004 !

Si un jeune enchaîne plusieurs CDD de suite, Monsieur Joyandet, le juge peut les requalifier en CDI, tandis que si un jeune signe un deuxième CPE, après la fameuse interruption de trois mois, il n'y a pas de recours possible. Un jeune pourra donc faire trois CPE de suite, en étant chaque fois licencié sans motif, sans contrôle, puis, après 26 ans, il pourra encore avoir un CNE. Cela fait beaucoup d'années de précarité !

Vous avez d'ailleurs peut-être vu à la télévision le cas de cette femme qui, après un intérim et un CDD de deux ans, avait signé un CNE : elle a été licenciée au bout d'un mois !

La vérité est que le Gouvernement veut précariser l'ensemble des emplois et remettre en cause le CDI (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Maurice Giro - Je suis navré de voir le peu de considération que manifeste l'opposition envers les PME. Qui crée l'emploi, pourtant ? Les artisans, les commerçants et les PME ! Des hommes et des femmes qui investissent, qui prennent des risques...

M. Maxime Gremetz - Quel rapport ?

M. Maurice Giro - ...et qui ne savent pas ce que sont les 35 heures ! Croyez-vous que ces gens vont embaucher des jeunes et les former pour ensuite les mettre dehors ?

Le sous-amendement 420, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - M. Borloo et M. Larcher pourraient décrocher un rôle si l'on tournait une suite au film L'Aveu de Costa-Gavras. Nous avons eu hier leur aveu implicite que le CPE préparait bien un contrat unique pour l'ensemble des salariés, avec une période de précarité de deux ans. Et aujourd'hui l'aveu que ce CPE est en réalité un Contrat pour Précariser l'Embauche, un contrat perpétuel de première embauche, puisque les CPE pourront se succéder.

La majorité et le Gouvernement nous disent qu'un CPE, c'est mieux que rien. Quel misérabilisme ! Quel aveu d'échec ! En somme, puisque le Gouvernement n'a rien su faire pour améliorer un tant soit peu la situation, il va essayer quelque chose.

Ce sera peut-être mieux que les dispositifs actuels ! Or, tel n'est pas le cas. L'aveu de M. le ministre ne laisse subsister aucun doute. Le Gouvernement invente une autre forme de précarité après les CDD ou l'intérim : les CPE successifs. M. le rapporteur argue de l'interruption possible des CDI au bout de trois mois et de périodes d'essais insuffisamment longues. Allongeons donc la période d'essai, dit-il, alors qu'il conviendrait plutôt de s'interroger sur l'adaptation des formations ou la faiblesse de la formation en alternance ! Vos arguments sont emblématiques de l'état de déréliction dans lequel vous vous trouvez. Nous dénonçons quant à nous cette politique du « c'est mieux que rien », manquant d'ambition et de vision.

M. le ministre a également reconnu qu'une entreprise peut pourvoir un même emploi par une succession de CPE : non seulement les jeunes ne bénéficieront donc pas d'une insertion professionnelle puisqu'ils pourront accumuler les CPE, mais ce contrat ne créera pas d'emplois !

M. Borloo, hier soir, a prétendu que nous ne faisions pas confiance aux entreprises. Nous connaissons tous des employeurs qui se battent pour l'emploi. Mais pourquoi le Gouvernement propose-t-il un contrat fondé sur la réduction des protections limitant les possibilités de licenciement ? Est-ce ainsi que vous convaincrez les employeurs d'embaucher puisque vous prétendez que ceux-ci n'embauchent pas pour licencier mais parce qu'ils sont attachés à l'avenir de leur entreprise ? C'est contradictoire, et c'est pourquoi nous continuons de vous interroger afin que vous clarifiiez la nature exacte de ce contrat. Tel est le sens du sous-amendement 421.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Jean-Pierre Soisson - J'ai entendu évoquer la jurisprudence de la Cour de Cassation ainsi que la charte des droits sociaux des travailleurs européens. J'ai présidé le conseil des ministres des affaires sociales européens qui a élaboré cette charte. Il s'agit de savoir si une plus grande flexibilité du travail est ou non compatible avec elle. Or, le débat a déjà eu lieu dans plusieurs pays européens, la Cour de justice a même été consultée, et la réponse a été positive.

M. Maxime Gremetz - Oh, la ! la ! Tout le monde peut se tromper !

M. Jean-Pierre Soisson - Quid de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de Cassation ? Les derniers arrêts qui ont été rendus, notamment depuis la nomination du nouveau président, témoignent d'une grande évolution concernant les conditions de licenciement, la gestion prévisionnelle des effectifs et l'attitude des chefs d'entreprises. Les orientations préconisées par le Gouvernement ne vont pas à l'encontre des indications de ces deux piliers juridiques

M. Maxime Gremetz - Oh !

M. Jean-Pierre Soisson - On ne peut lui reprocher de rechercher de nouvelles solutions pour régler le problème récurrent de l'emploi des jeunes, dès lors que les cadres juridiques national et européen le permettent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Sur le sous-amendement 421, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Mme Martine Billard - Si vous êtes si sûr, Monsieur le ministre, qu'une période d'essai de deux ans constitue une durée raisonnable, pourquoi avez-vous inventé la notion de « période de consolidation » ? Il suffisait d'écrire dans la loi que la période d'essai pouvait durer deux ans. Mais il est vrai, la jurisprudence est formelle, que cette période doit être proportionnée aux fonctions du salarié. J'ajoute que la Grande-Bretagne, en 2000, a réduit de moitié la durée de la période d'essai parce qu'elle déstabilisait les entreprises et les salariés. Enfin, concernant les CDD, il faudrait être plus nuancé. Votre argument selon lequel le CPE favoriserait par exemple l'accès des jeunes au logement fait rire tout le monde, sauf les jeunes qui y croient encore. Rien dans le texte n'évoque cette question, à l'exception d'une obligation d'information par l'entreprise, ce qui relève d'ailleurs du domaine règlementaire. Vous auriez fort bien pu améliorer les CDD en précisant qu'en cas de contrat conclu pour une durée inférieure à six mois, le salarié aurait droit à une allocation de solidarité. Celle que vous créez dure deux mois et s'élève à 492 euros mensuels. C'est fantastique ! Ne faites donc pas croire aux jeunes salariés qu'ils bénéficieront d'une allocation chômage jusqu'à ce qu'ils retrouvent un autre emploi : ce n'est qu'après quatre mois en CPE qu'ils auront droit à ces 492 euros. Vos arguments ne tiennent pas la route. M. Soisson, au moins, est honnête lorsqu'il parle de flexibilité. Arrêtez, enfin, de prétendre qu'un employeur ne pourrait pas licencier facilement un salarié dans une petite entreprise ! En fait, depuis 2002, vos textes ne visent qu'à accéder aux demandes du MEDEF, lequel veut que le patronat puisse licencier du jour au lendemain sans se justifier. Assumez vos actes !

M. Francis Vercamer - M. le ministre, même s'il est de bonne foi, ne m'a pas convaincu quant à la levée de l'incertitude juridique pesant sur les entreprises. Je sais que la jurisprudence évolue chaque année, en général en faveur d'une meilleure protection du salarié, ce qui est tout à fait normal. Sans doute l'entreprise sera-t-elle condamnée en cas de rupture ou de licenciement non motivés.

Oui, les entreprises ont besoin de flexibilité. Je ne suis ni socialiste ni communiste, je suis UDF...

M. Maxime Gremetz - Un homme libre !

M. Francis Vercamer - ... et je suis favorable à la flexibilité, à condition qu'elle ne nuise pas au salarié. Il serait donc préférable de ne pas empiler les contrats les uns sur les autres en compliquant le code du travail. Les PME, en particulier, ne s'y reconnaissent plus. Jean-Philippe Cotis, économiste en chef de l'OCDE, considère que les CDI sont trop rigides en raison du coût élevé des licenciements et des incertitudes liées aux recours devant les tribunaux. Je considère quant à moi que le CPE ne fait pas disparaître un tel risque. M. Cotis considère en outre que cet empilement de contrats spécifiques ne favorise pas la simplification des procédures. C'est exactement ce que nous pensons. Si l'on veut développer la flexibilité, examinons plutôt les procédures de licenciement et simplifions-les, tout en garantissant leurs droits aux salariés.

Enfin, si l'on veut vraiment développer la flexibilité et faire en sorte qu'elle soit acceptée, il faut le faire par le dialogue social !

A la majorité de 79 voix contre 35 sur 114 votants et suffrages exprimés, le sous-amendement 421 n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Le sous-amendement 422 est défendu. Engagements internationaux mis à part, reste tout de même l'obligation normale qu'aucune rupture de contrat ne puisse avoir lieu sans motif, un motif que le salarié peut ensuite contester. Cette exigence découle directement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel : dans sa décision sur le pacs, il a notamment considéré que la partie la plus faible devait être protégée, ce qui suppose la communication des motifs. Les ministres répondent que cette jurisprudence n'est pas applicable en l'occurrence, puisque le pacs n'est pas un contrat de travail. C'est ce que nous sommes en train de vérifier.

La convention 158 de l'OIT exige, elle aussi, la communication des motifs au salarié. La France peut y déroger - M. Soisson a rappelé qu'il l'a fait, en tant que ministre d'un gouvernement qui avait obtenu, c'est vrai, de meilleurs résultats sur l'emploi que celui d'aujourd'hui - sous réserve d'enserrer cette pratique dans une période raisonnable. Le Conseil d'État a jugé qu'une période de deux ans pouvait être considérée comme raisonnable, mais rien ne dit que le Conseil constitutionnel partagera cette appréciation. Dans la jurisprudence de la cour de cassation par exemple, une période raisonnable ne dépasse jamais quelques mois : trois au maximum, une période de six mois étant jugée déraisonnable pour un chargé de mission. Autant dire que deux ans pour l'ensemble des jeunes semblent très largement au-delà du raisonnable ! Et à supposer que le Conseil constitutionnel ne se prononce pas sur ce point, ou même valide cette période de deux ans, le risque pour l'employeur d'un contentieux devant le juge judiciaire persiste.

Est-il normal de priver un salarié de la communication des motifs de son licenciement pendant deux ans, même si les juridictions françaises l'acceptent ? Vous dites qu'il pourra avoir communication des motifs en saisissant le juge pour abus de droit, mais c'est lui qui aura alors la charge de la preuve, qui devra démontrer qu'il n'a pas été licencié parce qu'il était syndicaliste ou qu'elle était enceinte : cela change tout ! Et l'on peut aussi se demander si la motivation sert à quelque chose lorsqu'on n'en a pas connaissance au moment de la décision, mais toute une procédure plus tard. Vous n'apportez donc de sécurité juridique ni au salarié, à l'évidence, ni même à l'employeur. C'est pourquoi nous contesterons vos propositions auprès du Conseil constitutionnel et pourquoi des réponses précises de votre part seraient les bienvenues.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Alain Joyandet - M. Gremetz a procédé tout à l'heure à des comparaisons qui ne sont absolument pas fondées entre le CDD et le CPE. Lorsqu'on parle de CDD successifs requalifiés en CDI, il faut préciser que c'est dans le cadre de la même entreprise. Les comparer avec une succession de CPE dans des entreprises différentes est tout sauf de la bonne foi. Et après, vous accusez les autres de mensonge... Je soutiens que plusieurs CPE dans des entreprises différentes sont bien plus favorables pour un jeune que plusieurs CDD dans des entreprises différentes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Marylise Lebranchu - Je remercie M. Joyandet de nous répondre, ce que ne fait pas le Gouvernement. Un jeune en CDD sait pour combien de temps il est embauché et son employeur s'oppose très rarement à ce qu'il cherche du travail pendant son contrat et prenne du temps pour se rendre à des entretiens d'embauche. Dans un CPE, si l'employeur ne veut pas dire au salarié pour combien de temps il est dans l'entreprise, il n'acceptera jamais de le laisser chercher du travail en même temps. Le jeune aura donc deux semaines pour digérer qu'il vient de perdre son emploi, chercher du travail et se rendre aux entretiens ! En CDD, le salarié a une marge de manœuvre pour préparer la sortie qu'il n'aura pas en CPE. Ne levez pas le yeux au ciel, Madame Pecresse !

Mme Valérie Pecresse - En moyenne, les CDD durent un mois !

Mme Marylise Lebranchu - J'aimerais que vous le démontriez, parce que nous n'avons trouvé trace de ce chiffre nulle part. Imaginez-vous un jeune sortir d'un contrat d'apprentissage ou d'alternance et signer pour un premier CPE à 19 ans, pour un deuxième à 20 ans, et ainsi de suite jusqu'à 25, sans jamais rien pouvoir prévoir ? La précarité dans laquelle il sera plongé sera totale, y compris intellectuelle et morale. Le contrat première embauche ne doit pouvoir être utilisé qu'une fois, et uniquement par des jeunes qui n'ont pas de qualification.

Je crois que certains d'entre vous sont de bonne foi, mais ne se rendent pas compte (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) de la gravité de cette précarité.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - Vous n'avez jamais mis les pieds dans une entreprise !

Mme Marylise Lebranchu - Est-il vrai qu'un jeune pourra enchaîner cinq CPE au début de sa vie professionnelle ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Ollier - Partisane, dogmatique, doctrinaire !

M. Maxime Gremetz - Monsieur Ollier, vous n'étiez pas là cette nuit, ne jouez pas au grand chef ce matin !

M. Patrick Ollier - Je m'inspire de votre manière d'agir !

M. Maxime Gremetz - Vous n'intervenez pas en tant que président de commission. Si le garde-à-vous marche chez vous, il est déplacé ici.

Comme vous n'étiez pas là, je vais me répéter.

Patrick Ollier - Je ne vous ai pas vu hier après-midi.

M. Maxime Gremetz - J'étais là, demandez à M. Mariton ! Je vais donc me répéter, ce qui vaut toujours mieux que de se contredire, comme le fait le Gouvernement. Je m'interroge sur l'efficacité du CPE pour créer des emplois. Aujourd'hui, une entreprise peut embaucher en CDD, en CDI ou en intérim. Elle a toute latitude pour licencier : ce n'est vraiment pas coûteux, car le jeune n'est pas là depuis longtemps. C'est donc le seul fait de pouvoir licencier sans motif qui vous intéresse ! C'est Jacques Freyssinet, président du conseil scientifique, du centre d'études de l'emploi qui le dit. Croyez-vous qu'il est payé pour rien, ou que c'est un spécialiste ?

Ce sujet donne largement lieu à des polémiques, à des débats politiciens. Ce n'est pas cela qui m'intéresse (Rires sur les bancs du groupe UMP). Je travaille sérieusement. Je me fonde sur le maximum de sources. Mme Parisot, par exemple : l'avez-vous lue, ce matin, dans Les Échos ? Même pas ! Si vous ne lisez pas le plus sérieux des journaux économiques, je comprends que nos arguments vous embêtent ! Du côté des responsables des ressources humaines, le scepticisme prime : Daniel Croquette, délégué général de l'ANDCP, se demande par exemple en quoi le CPE devrait consolider l'expérience des jeunes et créer de l'emploi.

Du côté des entreprises sérieuses, celles qui sont soucieuses de se doter d'une main d'œuvre qualifiée et fidèle pour renforcer leur compétitivité et innover, on est aussi très inquiet. Ainsi, l'un de nos compatriotes, Jean-Michel Six, chef économiste chez Standard & Poor's , à Londres, est très critique sur le CPE : « alors que les investissements des entreprises françaises sont déjà atones, principalement en raison du manque de demande interne, cette mesure n'est pas de nature à créer une incitation à investir. Une entreprise ne va pas investir, que ce soit en matière de formation ou de carrière, pour une personne susceptible de la quitter dans les deux ans . Alors que le nouvel entrant sera souvent affecté à une tâche inférieure à ses qualifications, il risque donc de ne pas accéder à une meilleure formation. Cette déqualification rejaillira sur les investissements, les entreprises prenant le pli de s'appuyer sur du travail pas cher. Cette mesure est dangereuse à terme ».

Que l'on se place du point de vue des intérêts des salariés ou de celui de l'efficacité économique des entreprises, la mesure est mauvaise. Las, vous ne vous préoccupez que des entreprises les moins vertueuses, celles que défend Mme Parisot. Voyez Les Echos de ce matin... Mais peut-être M. Larcher n'a-t-il pas pris le temps de faire sa lecture quotidienne de toute la presse ? Quoi qu'il en soit, on peut lire dans Les Echos du jour que Mme Parisot craint désormais que le CPE se retourne contre les jeunes... (Exclamations sur divers bancs) La présidente du Medef estime en effet que le CNE fonctionne tellement bien qu'on n'a nul besoin d'un nouveau dispositif et qu'il suffit de l'étendre à l'ensemble des salariés...

M. Jean-Jacques Descamps - Très bien !

M. Maxime Gremetz - Pour le Medef, le CNE est le meilleur contrat possible et ce n'est pas la peine d'en rajouter avec le CPE...

Mme Valérie Pecresse - C'est la preuve que nous ne dépendons pas des positions du Medef !

M. Maxime Gremetz - Les intentions du Medef sont claires : ce qu'il veut, c'est, en généralisant le CNE, mettre en cause toutes les garanties offertes aux salariés et généraliser la précarité. Il vous dit : « A moi les exonérations de cotisations et laissez-moi licencier librement ! »

M. Patrick Ollier - Provocateur !

Mme Marylise Lebranchu - Mme des Esgaulx a prétendu que je n'avais jamais mis les pieds dans une entreprise et que je n'y connaissais rien, M. Ollier me reprochant en outre d'être « partisane, dogmatique et doctrinaire ». J'indique à ces collègues que j'ai travaillé en entreprise, dans le secteur privé. Peut-être dois-je leur apporter mes contrats de travail, mes fiches de paie ou mes relevés d'Assedic ? (Murmures) En tout cas, je ne supporte pas ce type d'attaques ! Certains semblent considérer comme un fait établi que ceux qui défendent les intérêts des salariés ne connaissent rien à l'entreprise et qu'ils en sont eux-mêmes les seuls experts ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) J'ai travaillé à plusieurs reprises dans une entreprise privée, et je n'aurai pas peur d'y retourner si je ne suis plus députée. Au reste, je suis restée en contact avec mes anciens collègues et je puis témoigner de leurs préoccupations. S'agissant du CPE, ils se demandent notamment ce qu'il adviendra des jeunes atteignant l'âge de 27 ans après avoir enchaîné plusieurs CPE. Vont-ils subir le sort des titulaires de contrats de qualification, qui passé l'âge de 26 ans, doivent se réinscrire à l'université pour bénéficier d'une convention de stage ? Autrement dit, ne vont-ils pas voir passer devant eux des jeunes de moins de 26 ans après avoir enchaîné les contrats précaires ? A l'intérieur des entreprises dans lesquelles j'ai travaillé, le CPE est loin d'être considéré comme une panacée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Jacques Descamps - Et ce discours là ne serait pas dogmatique ?

M. Alain Néri - Pas du tout : c'est le témoignage vécu de quelqu'un qui connaît bien l'entreprise !

M. le Ministre délégué - Tout à l'heure, Mme Lebranchu a souhaité savoir très exactement quelle était la part des CDD dans le total des embauches et leur durée moyenne. Aux termes des études de la DARES pour l'année 2004, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, les CDD de moins d'un mois représentent 50,4 % et les contrats d'une durée de zéro à trois mois 84 % du total.

Mme Marylise Lebranchu - C'est dramatique !

M. le Ministre délégué - Le texte ouvre le bénéfice de la convention de reclassement personnalisée à tous les jeunes et ceux-ci bénéficieront d'un accompagnement personnalisé de leurs parcours de consolidation vers l'emploi, assuré mensuellement par le service public de l'emploi...

M. Bernard Roman - C'est la moindre des choses !

M. le Ministre délégué - Sans doute, mais vous n'aviez pas pensé à le mettre en place et c'est ce Gouvernement qui le fait !

M. Gaëtan Gorce - Le débat n'est pas de savoir si le CDD est un bon ou un mauvais contrat. Les pirouettes successives par lesquelles le Gouvernement tente d'esquiver les questions de fond tendent à laisser accroire que le CPE serait une réponse à la précarité, laquelle se caractérise - et nous l'avons assez dénoncé - par l'enchaînement des stages, des missions d'intérim et des CDD. On ne répond pas à la précarité par une nouvelle forme de précarité, fût-elle généralisée. Et vous n'avez toujours pas apporté le premier élément d'une démonstration probante établissant qu'un CPE assorti d'une période d'essai de deux ans serait préférable à un CDD. Faute de répondre à nos arguments, M. Borloo se croit autorisé à nous présenter comme d'ardents partisans du CDD : c'est pitoyable ! La réalité, c'est que 58 % des jeunes entrés dans la vie active bénéficient d'un CDI durant quatre trimestres consécutifs : dès lors, pourquoi condamner à la précarité ceux qui réussissent à s'insérer dans des conditions normales ? Si l'opportunité d'une mesure spécifique est démontrée, il faut la concentrer sur les jeunes présentant des difficultés particulières d'insertion du fait notamment de leur déficit de formation. Et puis, il n'y a pas que le traitement social ! Notre débat semble totalement déconnecté de la réalité économique du pays, dont le Gouvernement est pourtant comptable : si les indicateurs économiques étaient mieux orientés, les jeunes - en particulier les plus diplômés - entreraient bien plus facilement sur le marché du travail (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Joyandet - Je ne crois pas que la confrontation théorique des vertus respectives du CDD et du CPE apporte beaucoup au débat et je ne vois pas bien où veulent nous entraîner nos collègues socialistes. Le constat que nous partageons pratiquement tous, c'est que toutes les recettes ont échoué. Pourtant, ceux-là mêmes qui admettent que rien ne marche voudraient que rien ne change ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Je suis d'accord avec Maxime Gremetz : la répétition sert la pédagogie ! Aussi rappellerai-je une nouvelle fois que ce que la gauche avait inventé avec les emplois jeunes, c'était un CDD de cinq ans avec obligation de licencier au bout ! (Mêmes mouvements)

M. Maxime Gremetz - Vous devriez avoir honte de mentir aussi effrontément !

M. Alain Joyandet - Ce qui vous dérange, c'est que nous allons réussir là où vous avez échoué, en proposant aux jeunes des solutions nouvelles pour s'insérer.

Le sous-amendement 422, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marc Ayrault - Nous siégeons depuis 9 heures 30 et chacun sait dans cette maison qu'il est d'usage que les groupes parlementaires se réunissent le mercredi matin. Je souhaite donc que la séance soit suspendue de 11 heures 30 à midi pour réunir mon groupe.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - Et voilà ! Il est plus important de se réunir entre socialistes que de s'occuper de l'emploi des jeunes ! (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Marc Ayrault - Je remercie Mme des Esgaulx de dire sans ambages que, pour elle - et sans doute pour tout le groupe UMP -, la première fonction de l'Assemblée nationale est de se taire et d'enregistrer docilement les décisions du Gouvernement ! (« Godillots ! Godillots ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Tant que vous y êtes, dites ouvertement que vous préféreriez que le Gouvernement continue à légiférer par ordonnances car cela vous éviterait de perdre votre temps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Les groupes politiques font partie intégrante de la vie parlementaire et je réitère donc ma demande de suspension. Libre au groupe UMP de ne pas débattre, c'est son problème ! (Même mouvement)

Quant à M. Joyandet, je voudrais lui dire franchement : heureusement que le ridicule ne tue plus ! Vos attaques répétées contre les emplois-jeunes ne correspondent pas à la réalité ; ce que nous entendons depuis quatre ans dans nos circonscriptions, c'est - et vous le savez bien - : « quel dommage que les emplois jeunes aient été supprimés ! » Tout le monde les regrette, les jeunes eux-mêmes comme les associations, en particulier dans les quartiers difficiles. En les supprimant, la droite a commis une très grosse faute politique que personne n'a oubliée ! (Même mouvement)

M. le Président - La séance sera suspendue à 11 heures 30. Je demande à chacun de faire des efforts pour que nous travaillions dans les meilleures conditions. Sur le sous-amendement précédent, j'ai autorisé sept interventions et le débat a donc bien lieu. Je vous remercie de m'aider, en ne multipliant pas les rappels au Règlement. L'Assemblée s'honore lorsque chacun peut s'exprimer sur le fond.

M. Alain Néri - On prend note de vos progrès.

Mme Martine David - C'est vrai.

M. Maxime Gremetz - Je vous remercie d'avoir laissé le débat s'installer. Je m'associe à la demande de suspension, car notre groupe doit également se réunir à 11 heures 30.

Par ailleurs, je souhaite que les services du ministère nous communiquent les clauses du contrat emploi-jeunes pour vérifier si, comme l'affirme M. Joyandet, il y a bien une obligation de licencier à son terme !

M. le Président - Monsieur Vidalies, veuillez exposer le sous-amendement 423.

M. Alain Vidalies - Il est très compliqué de poursuivre ce débat sur la base d'informations erronées ou d'analyses juridiques approximatives. S'agissant des emplois-jeunes, M. Joyandet, porte-parole de l'UMP, vient de se livrer à des affirmations péremptoires : j'attends maintenant qu'il les démontre, code du travail en main !

Pour ce qui est des statistiques sur les CDD, il y a une légère différence entre le CPE et le CDD. Celui-ci ne peut être utilisé que dans des circonstances particulières, expressément prévues par la loi. Ce peut être notamment pour remplacer un salarié absent ou pour pourvoir un emploi saisonnier. Dans ces deux cas, c'est forcément pour moins d'un mois, en général ! Comparez donc ce qui est comparable ! Si vous ne preniez en compte que le troisième cas - le contrat conclu pour faire face à un surcroît d'activité -, nul doute que vous aboutiriez à des chiffres différents !

Par ailleurs, le Gouvernement, avec le CNE, a encouragé les entreprises qui recherchaient toujours plus de flexibilité, à préférer le CNE à l'intérim. Il en est résulté des difficultés pour les entreprises de travail temporaire, difficultés qui vous ont conduits à élargir les conditions de recours à l'intérim, par un amendement sauvage que nous attaquerons devant le Conseil constitutionnel. Cela aussi, c'est la réalité de votre politique !

Enfin, hier soir, M. le ministre, avec la collaboration du rapporteur, a fini par avouer que, dans le cadre d'un CPE, plusieurs jeunes pourraient se succéder sur un même poste, sans aucune limitation, et que des jeunes pourraient de la même manière cumuler les CPE jusqu'à leurs 26 ans. Au vu de ce propos, comment le groupe UMP peut-il continuer à soutenir une interprétation différente du texte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Je donne la parole au rapporteur.

M. Maxime Gremetz - Jeune et brillant.

M. Alain Néri - Méfiez-vous du syndrome Devaquet !

M. le Rapporteur - Le contrat de travail « nouveaux services emploi-jeunes », était bien un contrat de cinq ans, mais pouvait être interrompu à chaque date anniversaire. De plus, on avait omis de traiter du droit à la formation et, pour partie, de la question de l'assurance-chômage. Par ailleurs, la durée moyenne de séjour en emploi-jeunes, a priori de cinq ans (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), n'a été que de 28 mois ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Si vous n'avez pas besoin d'explications, ne posez pas de questions ! Assénez vos assertions, nous prendrons notre mal en patience, et pendant que vous serez en réunion de groupe, nous en profiterons pour nous détendre.

Je reviens sur la durée moyenne de 28 mois. Outre que l'on comprend mal qu'on ait pu quitter si tôt un contrat décrit comme formidable, l'on s'aperçoit, à y regarder de plus près, que l'interruption, surtout dans le secteur associatif, fut souvent le fait de l'employeur. Vous aviez donc instauré une forme de précarité.

Par ailleurs, M. Gorce a rappelé avec raison la nécessité d'accorder la priorité à des publics peu qualifiés. Je rappelle que notre pays compte, depuis une dizaine d'années, 60 % de bacheliers et 30 % de diplômés de l'enseignement supérieur par classe d'âge.

M. Maxime Gremetz - La Picardie n'est pas en France.

M. le Rapporteur - Or, 90 % des titulaires d'emplois jeunes avaient le bac, et 50 % un diplôme supérieur ! Le résultat de votre politique fut donc tout le contraire de ce que vous considériez comme une bonne politique pour les jeunes, puisque vous vous êtes adressés en priorité aux plus qualifiés, que vous avez détournés, dans un contexte de croissance du marché du travail, pour les enfermer dans des CDD.

Évoquons maintenant le fameux dispositif de pérennisation...

M. Maxime Gremetz - Monsieur Joyandet, même le rapporteur est au courant !

M. le Rapporteur - Outre qu'il n'existait que dans le secteur associatif, mais non pour les emplois d'État, qu'il n'a pas empêché un taux de rupture de 70 % ! Vous n'avez pas réussi à transformer ces emplois-jeunes en emplois pérennes dans 70 % des cas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine David - C'est faux !

M. le Rapporteur - Je termine par le taux de chômage à la sortie des emplois-jeunes de l'État : 76 % !

M. Alain Joyandet - Bravo !

Mme Martine David - Vous les avez licenciés !

M. le Rapporteur - Il faut regarder les choses en face ! Votre dispositif s'est intéressé aux plus qualifiés, les a sortis de l'emploi en période de forte croissance, et n'a pas empêché que les douze derniers mois du Gouvernement de Lionel Jospin, pendant lesquels il n'y a jamais eu autant d'emplois jeunes, soient marqués par la plus forte hausse du chômage des 16-25 ans depuis mai 1981 - 16% ! Tous ces faits ne sont-ils pas de nature à ébranler vos certitudes ?

Quant au sous-amendement, la commission y est défavorable.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable également : le Gouvernement approuve totalement l'exposé remarquable du rapporteur.

Mme Martine Billard - Il y aurait tout un débat à avoir sur l'emploi dans le secteur associatif car, même si M. Fillon l'ignorait totalement, il y a là des perspectives très intéressantes. Mais la question est de savoir comment permettre aux associations de créer des emplois, sachant que l'État et les collectivités publiques se déchargent de plus en plus sur elles dans des domaines aussi variés que le social, l'environnement, le sport, l'éducation. Plutôt que d'accorder des exonérations fiscales et sociales et des aides directes à toutes les entreprises sans distinction, quels que soient le nombre de leurs salariés, leurs bénéfices et leurs comportements, le Gouvernement ferait mieux d'aider les associations de façon ciblée. Outre le bénéfice pour l'emploi, cela permettrait de mieux satisfaire l'ensemble des besoins sociaux, environnementaux, sportifs, culturels... qui s'expriment dans notre pays. C'est par pure idéologie que vous refusez ce choix.

Le rapporteur a relevé, pour le dénoncer, qu'aucune formation n'était initialement prévue dans le dispositif emplois-jeunes - j'avais moi aussi en son temps critiqué cette absence. Mais dois-je vous rappeler qu'il n'y en avait pas non plus au départ dans les contrats jeunes en entreprise mis en place en 2002 ? Vous n'avez donc pas tiré les leçons des erreurs passés, que vous prétendez pourtant avoir identifiées. Pis, vous persévérez dans la même voie !

M. Maxime Gremetz - Chers collègues qui êtes également maires, osez dire combien d'emplois-jeunes vous avez créés dans vos communes. À Amiens, M. de Robien, qui n'est pourtant pas particulièrement à gauche, en a créé plus de trois cents (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Depuis, plus de deux cents ont, hélas, été supprimés. Mais ce n'a pas été partout le cas. A Montreuil par exemple, sur cent cinquante, seuls six n'ont pas été pérennisés.

M. Francis Vercamer - Monsieur le rapporteur, vos critiques concernant les emplois-jeunes sont tout à fait justes. Elles sont, hélas, transposables au CPE. Ce sont aujourd'hui les jeunes issus des quartiers en difficulté qui sont victimes de discriminations à l'embauche et les jeunes moins bien formés qui connaissent le plus fort taux de chômage. La mise en place du CPE ne leur apportera aucune solution. En effet, seront embauchés en CPE des jeunes qui auraient dû être embauchés en CDI et va donc se reproduire ce qui s'est passé avec le CNE où 42% des salariés qui auraient dû être embauchés en CDI l'ont été en CNE. Les jeunes qui n'ont pas de travail aujourd'hui n'en auront pas davantage demain car, sans accompagnement social lourd, ils ne seront pas davantage adaptés au marché de l'emploi.

De surcroît, et je le souligne à l'intention de mes collègues de l'UMP, le CPE risque de servir de variable d'ajustement en cas de difficultés économiques des entreprises. Est-ce cela que l'on veut pour les jeunes ?

Le sous-amendement 423, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Ollier - Rappel au Règlement. Dois-je rappeler à nos collègues socialistes que les Français et les jeunes, au nom desquels ils prétendent parler, se sont, eux, prononcés ? Dois-je leur rappeler aussi que la grande manifestation qui devait hier sanctionner le CPE a été un échec retentissant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Lorsque la gauche organise une manifestation destinée à adresser un avertissement solennel au Gouvernement et qu'à peine 150 000 Français descendent dans la rue, c'est bel et bien un échec. Alors, Messieurs les socialistes, qui avez demandé une suspension de séance pour réunir votre groupe, mettez-la à profit pour en tirer les leçons et tenir compte de l'avis exprimé par les Français. Faites donc preuve d'un peu moins d'arrogance vis-à-vis du CPE et cessez vos manœuvres d'obstruction, de façon que nous puissions reprendre normalement nos travaux et voter enfin cet amendement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Vidalies - Monsieur Ollier, s'il y avait eu encore plus de manifestants hier, le Gouvernement et l'UMP étaient donc prêts à reculer ? Encore quelques efforts donc, et nous obtiendrons satisfaction.

M. Maxime Gremetz - Le combat continue.

M. le Président - Je suspends la séance jusqu'à midi.

La séance, suspendue à 11 heures 35, est reprise à midi.

M. Alain Vidalies - Je défends le sous-amendement 424.

A plusieurs reprises, on a reproché au groupe socialiste de défendre les contrats existants, notamment le CDD, pour s'opposer à ce projet. Effectivement, le CDD est bien mieux encadré par le code du travail que le CPE. Certes, ce n'est pas une référence absolue, loin de là, mais, malgré ses limites, il devient défendable au vu de ce que vous nous proposez aujourd'hui ! Ainsi, on connaît le terme du contrat et on ne peut être remercié du jour au lendemain. Les conditions de résiliation sont draconiennes : les motifs qui justifient la rupture d'un CDI ne sont pas recevables pour rompre un CDD, seule la faute grave l'est. En cas de rupture sans motif légitime, la sanction infligée par les prud'hommes est de payer la totalité des salaires dus jusqu'à la fin du contrat. Si un titulaire d'un CDD d'un an est renvoyé au bout de deux mois sans motif grave - la cause « réelle et sérieuse » ne suffit pas, - il percevra donc comme indemnité dix mois de salaire ! Le CPE, lui, n'offre aucun avantage, et surtout instaure un licenciement sans motif précis qui est une énorme régression sociale.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Défavorable.

Mme Martine Billard - On nous dit que le CPE va faire reculer la précarité. Mais qu'en est-il ? D'abord, on pourra bien enchaîner les CPE dans la même entreprise, avec un intervalle de trois mois. Les entreprises qui ferment l'été (Rires sur les bancs du groupe UMP) pourront utiliser cette pause pour licencier. Actuellement, le salarié qui a un CDD d'un mois sait ce qui l'attend. Celui qui aura un CPE ne le saura pas : il pourra être licencié du jour au lendemain, puisqu'il n'y a de préavis dans ce nouveau contrat précaire qu'après un mois de présence dans l'entreprise - autrement dit, dans la période de consolidation, vous avez réintroduit une période d'essai d'un mois ! Et, entre un mois et six mois, le préavis ne sera que de 15 jours, ce qui reste moins intéressant qu'un CDD de six mois.

Je voudrais aussi évoquer le cas de l'automobile. Le taux d'intérimaires à Renault-Flins et dans d'autres entreprises du secteur atteint 30 % à 40 %, et, dans certains ateliers les intérimaires sont majoritaires. Or, en créant ce CPE, vous allez fragiliser le secteur de l'intérim (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Maurice Giro - Maintenant, ils défendent l'intérim qu'ils ont combattu pendant des années !

Mme Martine Billard - Pour les jeunes, intérim ou CPE, cela se vaut, il n'y a pas plus de protection. Le vrai problème est de savoir si, à la sortie, vous avez créé de l'emploi ou non. En fait, vous allez provoquer de nouveau un phénomène de vases communicants : comme la diminution du nombre de chômeurs indemnisés a fait augmenter le nombre d'allocataires du RMI, on alimentera les CPE par transfert d'autres formes d'emploi.

En revanche, avec le CPE, croyez-vous que les jeunes pourront se syndiquer ?

M. Maxime Gremetz - Ça non !

M. Daniel Mach - C'est un problème ?

Mme Martine Billard - Oui, c'est un problème.

M. Daniel Mach - Le syndicalisme crée de l'emploi !

Mme Martine Billard - Vous n'osez pas le dire tout haut, mais vous pensez que c'est tant mieux s'ils ne se syndiquent pas !

M. Maxime Gremetz - Les godillots ne sont là que pour voter et interrompre.

Mme Martine Billard - Le ministre nous explique qu'en France, les syndicats ne sont pas assez forts. De fait, il faudrait qu'ils le soient davantage pour mieux recourir à la contractualisation. Mais avec le CPE, la jeunesse ne pourra plus se syndiquer. Le commerce et la restauration par exemple, qui sont les principales activités de ma circonscription, embauchent en particulier des jeunes, dont beaucoup se syndiquent car il y a là bien des luttes à mener sur les conditions de salaire et de travail. Dorénavant, ces entreprises seront tranquilles, et ce ne sont pas toutes de petites entreprises : je pense aux chaînes comme Mac Do, Pizza Hut, Virgin. En embauchant des jeunes en CPE, elles n'auront même plus besoin de demander au ministère du travail les autorisations de licencier des délégués refusées par l'inspection du travail !

M. Maxime Gremetz - M. Joyandet ayant proféré un certain nombre d'affirmations sur les emplois-jeunes, je me réfère au texte de la loi, que je me suis procuré puisque le ministre ne me l'a pas fait parvenir comme je le lui avais demandé. Que dit-il ? Que les personnes morales de droit public ne pouvaient créer des emplois-jeunes que pour exercer des activités non assurées jusque là ! Il ne s'agissait donc pas de substituer ces emplois à d'autres, mais de créer de nouveaux emplois pour rendre de nouveaux services. Sinon, les aides n'étaient pas accordées...

M. Maurice Giro - Cela n'a jamais été appliqué.

M. Maxime Gremetz - Cela dépend par qui !

Par ailleurs, les institutions représentatives du personnel étaient informées des conventions passées et saisies annuellement d'un rapport sur leur exécution. Le contrat de travail comportait une période d'essai d'un mois renouvelable, soit deux mois en tout. Il pouvait être rompu à l'expiration de chaque période annuelle à l'initiative du salarié, moyennant le respect d'un préavis de deux semaines, ou à l'initiative de l'employeur, si celui-ci justifiait d'une cause réelle et sérieuse. Avec le CPE, plus besoin de cause réelle et sérieuse, une lettre suffira pour renvoyer un jeune du jour au lendemain !

Les emplois-jeunes avaient cependant un défaut, que nous avions souligné à l'époque : l'absence de formation.

Le sous-amendement 424, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Nous constatons déjà dans nos permanences l'effet d'aubaine qu'ont les contrats « nouvelles embauches ». Une petite entreprise qui voit approcher la période des fêtes va recruter quelqu'un sous CNE en octobre ou novembre et le jettera au début de janvier, quand elle n'en aura plus besoin, sans plus de façons. Pourquoi passerait-elle par un CDD ou par l'intérim, plus coûteux, alors qu'existe le CNE ? Nous ne sommes pas fous des CDD, mais au moins sait-on avec eux où l'on va.

Sans attendre la moindre évaluation du CNE, le Gouvernement récidive avec le CPE, mais en visant cette fois les moins de 26 ans, qui pourront donc, eux aussi, être renvoyés selon le bon vouloir de l'employeur et au gré des fluctuations du chiffre d'affaires.

J'entendais l'autre jour M. Borloo se plaindre à la radio du manque de relais syndicaux. Mais ce n'est pas en privant les jeunes de toute possibilité de participer à la vie citoyenne de l'entreprise que l'on remédiera à cette faiblesse. Depuis quatre ans, le Gouvernement suit décidément toujours la même logique : casser le droit du travail.

J'ai défendu le sous-amendement 425.

M. le Rapporteur - Je salue l'indépendance d'esprit de M. Gremetz quand il note que les emplois-jeunes ne comportaient pas de formation...

M. Patrick Lemasle - Si.

M. le Rapporteur - Je crois que M. Gremetz se souvient très bien du texte qui avait été adopté par l'Assemblée. Par ailleurs, les emplois-jeunes faisaient deux entorses majeures aux dispositions du code du travail relatives aux CDD : la première consistait à prévoir la possibilité d'un licenciement dans le cadre même d'un CDD, la deuxième à plafonner à 18 mois le montant de l'indemnité, alors que, normalement, dans un CDD, l'ancienneté est pleinement répercutée dans l'indemnité de précarité.

La commission a repoussé le sous-amendement 425.

M. le Ministre délégué - Même avis défavorable. Je ne vois pas quel effet d'aubaine on peut craindre, Madame Hoffman-Rispal, alors que le CNE exige plus de l'entreprise que le recours à l'intériM. 

Mme Billard parlait de 40 % d'intérim dans le secteur automobile. Le chiffre moyen est en réalité de 10, 7 %.

Mme Martine Billard - Je parlais de Renault Flins.

M. le Ministre délégué - Enfin, Monsieur Gremetz, je vois que vous avez trouvé sans moi la référence que vous cherchiez : article 322- 4 - 18 du code du travail.

M. Alain Vidalies - Puisque vous avez le code du travail ouvert à la bonne page, Monsieur le ministre, passez-le donc au rapporteur, cela lui évitera de dire que les emplois-jeunes étaient des contrats à durée déterminée, alors qu'ils étaient soit à durée déterminée, soit à durée indéterminée. Quelques minutes avant la suspension, il y a eu de sa part une attaque en règle contre les emplois-jeunes et cette affirmation que 60 % des jeunes ainsi embauchés avaient ensuite été licenciés, bref qu'il s'agissait d'un fiasco terrible. Je me permets donc de le renvoyer à une étude de la DARES : selon le bilan établi à la fin de 2003, 70 % des jeunes en emplois-jeunes ont trouvé un emploi immédiatement après leur sortie du dispositif.

Voilà les statistiques officielles ! On ne peut pas avoir un débat politique sérieux si on ne donne pas les bons chiffres ! Il est tout à fait possible de critiquer les emplois-jeunes, mais pas sur la base de faux chiffres !

M. Maxime Gremetz - Il y a beaucoup de mensonges, en effet.

M. Pierre Cardo - Je n'ai pas voté contre les emplois-jeunes, mais je me suis abstenu. Il me semblait important de reconnaître enfin la notion d'utilité sociale, mais, d'une part, je regrettais qu'on ne le fasse que pour les jeunes, d'autre part, je redoutais un effet d'écrémage comparable à celui que nous avions observé pour le CES. De fait, il a eu lieu.

Un effet les Un effet d'aubaine s'est produit, et en particulier pour les employeurs publics. Ce sont en politiques qui ont voté la loi et qui l'ont exploitée. De nombreux postes ont été utilisés...

M. Patrick Lemasle - L'emploi a été pérennisé !

M. Pierre Cardo - ... par les associations et les collectivités territoriales car cela revenait moins cher. Ce n'est pas normal. Et, dans ces conditions, reprocher au CPE d'induire un éventuel effet d'aubaine relève du procès d'intention ! Personne n'a trouvé de solution définitive pour lutter contre le chômage. Si les emplois-jeunes ont constitué une expérience intéressante, le Gouvernement tente quant à lui une expérience dans le secteur privé et l'on ne peut, en l'état, préjuger d'un éventuel effet d'aubaine.

Le sous-amendement 425, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - Le sous-amendement 115 vise à modifier l'intitulé du contrat « première » embauche, qui est fallacieux : l'alinéa 6 de l'amendement 3 rectifié ne fait-il pas d'ailleurs référence aux contrats de travail précédents ? Soyez donc cohérents dans la rédaction des textes !

Je reviens au secteur associatif. Compte tenu de la baisse des crédits depuis quatre ans, ce n'est pas dans ce domaine que des emplois seront créés. M. le rapporteur a estimé que les emplois-jeunes ont surtout bénéficié à des jeunes qualifiés, mais il en a été de même s'agissant du contrat jeune en entreprise créé en 2002. J'avais d'ailleurs déposé un amendement visant à faire en sorte que les titulaires d'un CAP ou d'un BEP ne puissent en bénéficier ; mais en vain. En fait, nous serons confrontés à la même difficulté tant que nous ne traiterons pas le problème de la formation. J'ai reçu le témoignage d'un jeune âgé de 25 ans qui se destine au métier de régisseur de son. Afin de financer ses études, il a travaillé trois ans dans la restauration. Depuis 18 mois, il a constitué plusieurs dossiers pour accéder à des formations qualifiantes et rémunérées. Il a été admis dans un institut de formation du cinéma, mais les ASSEDIC lui ont dit qu'elles n'assuraient le financement d'aucune formation ni ne validaient aucun stage dans l'audiovisuel. Il a donc décidé de suivre les conseils de l'ANPE en s'orientant vers le secteur de la cuisine, qui est également un métier en tension. Il demande donc un stage afin d'obtenir une qualification et on lui répond qu'il a un excellent CV dans le secteur de la musique et du son et qu'il n'a rien à faire dans ce domaine. Il obtient finalement une proposition de formation par le CENASA dans le secteur du son, mais on lui répond qu'étant bachelier, il ne peut y accéder. Ce sont ces contradictions-là que nous devons résoudre, et tant que ce ne sera pas le cas, on pourra inventer tout ce que l'on voudra ! A l'ANPE, par exemple, il n'est même pas possible de suivre une initiation à l'informatique.

M. Maurice Giro - Voyez les maisons de l'emploi !

Mme Martine Billard - C'est au demandeur d'emploi de se débrouiller, mais comment fera-t-il s'il ne dispose que du RMI ? Il faut supprimer ces freins au retour à l'emploi !

M. Pierre Cardo - Que font donc les collectivités territoriales, et les régions en particulier ?

M. Alain Vidalies - Le sous-amendement 159 a le même objectif.

Concernant les emplois-jeunes, j'ai déjà eu l'occasion de faire état des statistiques de la DARES contredisant M. le rapporteur et M. le ministre. M. le rapporteur a ajouté que nombre de jeunes bénéficiant de ce dispositif avaient été licenciés, notamment par les associations, ce qui expliquait la moindre durée effective de ces emplois. Ce n'est pas très correct de raisonner ainsi : le dernier bilan réalisé par les services gouvernementaux précise d'ailleurs que huit jeunes sur dix sortis du programme estiment avoir acquis des compétences professionnelles et que la durée du contrat et la formation professionnelle reçue sont les principaux déterminants de cette professionnalisation. Selon la DARES, 10 % des jeunes embauchés par les associations ou les fondations au premier trimestre de 1998 sont sortis du dispositif au cours des douze mois suivants. Ils étaient 30 % en 2001. M. le rapporteur a expliqué cette progression par une accélération des licenciements. Vos propres services l'expliquent plutôt ? en partie, « par le raccourcissement de l'horizon du contrat, les jeunes entrés dès le début du programme bénéficiant tous de cinq années de contrat alors qu'une partie de ceux entrés plus tard restaient sur des postes déjà occupés auparavant. » Nombre de jeunes, en outre, ont trouvé un emploi avant l'échéance de ce délai. Comment le Gouvernement peut-il assurer que cela se traduit par 30 % de licenciements ? Je vous laisse juge de la qualité de notre débat.

M. le Rapporteur - Avis défavorable à ces deux sous-amendements.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Maxime Gremetz - Je suis désolé que le Gouvernement et la commission donnent de faux chiffres. Les documents qui font foi devraient d'ailleurs être annexés à vos déclarations. Si vous ne prenez pas au sérieux la représentation nationale, que penser de votre comportement envers notre peuple ? J'ai ici un document de l'INSEE sur la situation en Picardie...

M. Maurice Giro - Cela va mal, là-bas !

M. Maxime Gremetz - Écoutez donc ! Je parle d'hommes et de femmes qui souffrent. Lorsque je parle du chômage, je n'évoque pas seulement des statistiques (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Je parle de gens qui ont du mal à trouver un logement...

Mme Valérie Pecresse - Nous, nous agissons !

M. Maxime Gremetz - Vous vous en moquez, vous, puisque vous êtes patronne ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Vous ne connaissez pas ces problèmes ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Ollier - Vous aussi, vous êtes patron, et vous avez licencié !

M. Maxime Gremetz - Vous méprisez ces gens (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Ollier - Vos salariés ont engagé un procès contre vous !

M. Maxime Gremetz - Ne vous gênez pas ! Allez-y ! J'ai les mains propres et la conscience tranquille !

M. Patrick Ollier - Ce n'est pas ce que disent vos salariés !

M. Maxime Gremetz - Dès que l'on parle de patrons, vous voyez rouge !

Mme Valérie Pecresse - Je suis juge ! Je ne suis pas patronne !

M. Patrick Ollier - Gremetz, mauvais patron !

M. Maxime Gremetz - Ce document témoigne...

M. Patrick Ollier - Gremetz, mauvais patron !

M. Maxime Gremetz - Vous ne voulez rien savoir de ce document car il contredit vos délires !

M. Patrick Ollier - Gremetz, mauvais patron !

M. Maxime Gremetz - Contrairement à ce que prétend... Comment il s'appelle... Je n'arrive pas à retrouver son nom... Le petit frisé... Ah ! Oui ! M. Borloo ! J'avais oublié !

M. le Président - Un peu de respect !

M. Maxime Gremetz - J'ai traité M. Borloo de menteur car il affirme que le chômage baisse dans toutes les régions, et c'est faux. La région picarde connaît le taux le plus élevé de précarité et le plus bas niveau de pouvoir d'achat. Si l'on vous en croit, nous ne devrions donc pas avoir de chômage, or, le taux est de 12 %. Quand vous dites que la précarité va créer de l'emploi, voilà ce que ça donne !

M. le Rapporteur - Je voudrais apporter quelques précisions à M. Vidalies, et d'abord sur la teneur de mes propos : je suis parti du constat que, malgré une durée prévue de 60 mois, la durée effective moyenne travaillée des emplois-jeunes était de 28 mois. Je n'ai donné de chiffres ni de licenciements, ni de démissions volontaires. Vous m'avez dit que ces jeunes partaient pour un autre emploi : j'ai ajouté qu'il y avait eu aussi des licenciements. Le régime des emplois-jeunes était d'ailleurs loin d'être aussi protecteur que vous le prétendez, puisque c'est la première fois que la rupture d'un CDD était rendue possible pour cause réelle et sérieuse.

Quant au taux de chômage en sortie, selon les années, entre 67 et 71 % des jeunes sortant d'un emploi-jeune ont retrouvé un poste : ce n'est guère différent du taux de chômage moyen des jeunes, qui était de 22 ou 23 %... C'est très préoccupant, parce que cela prouve que plusieurs années d'expérience professionnelle ne changent rien au taux de chômage, ce qui était le principal bénéfice attendu des emplois-jeunes. C'est spécialement dommage, pour un programme qui a coûté 20 milliards !

M. Jean Glavany - Les emplois-jeunes ont certainement créé des effets d'aubaine dans les collectivités locales, Monsieur Cardo, mais on nous fait un procès d'intention insupportable : nous penserions qu'un chef d'entreprise n'embaucherait un jeune que pour pouvoir le licencier au plus tôt, - comme si on ne se mariait que dans l'intention de divorcer, a dit M. Borloo !... Tous les chefs d'entreprise ne sont pas comme ça mais il y en a qui le font, comme il y a des maires et des présidents de collectivités locales qui ont jeté leurs jeunes au bout de cinq ans alors que d'autres, mais sans doute pas sur les mêmes positions politiques, ont titularisé tous les jeunes qu'ils avaient embauchés.

M. Daniel Mach - L'éducation nationale !

M. Jean Glavany - Dans mon département, je peux vous dire quelles sont les collectivités qui ont pérennisé leurs emplois-jeunes et celles qui ne l'ont pas fait, et il me semble qu'il y a une différence politique entre les deux (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Il y a quelques mois, M. Borloo a commandé un rapport sur l'insertion professionnelle des jeunes à une éminente personnalité, M. Proglio, président du groupe Veolia Environnement et ami personnel du Président de la République - ce qui n'est pas une honte, mais prouve simplement qu'il n'est pas un dangereux gauchiste. M. Proglio a constitué un groupe de travail composé de chefs d'entreprises, grandes et petites, de syndicalistes, d'économistes et de représentants de l`association des directeurs de ressources humaines... mais on n'a jamais publié ses conclusions. La rumeur qui court, c'est qu'il préconise en effet exactement l'inverse du CPE, c'est-à-dire de donner un bonus aux entreprises en fonction du nombre de CDI qu'elles concluent. Pourquoi le ministre tient-il à cacher les conclusions de ce groupe de travail ? La rumeur est-elle fondée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Maxime Gremetz - À l'évidence, elle l'est !

Le sous-amendement 115, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement 159.

M. Jean-Marc Ayrault - Nous n'avons eu de cesse de demander les documents qui fondent les arguments du Gouvernement et de lui faire remarquer qu'il y a des analyses contradictoires, mais ce que vient de révéler M. Glavany est particulièrement important ! Vous faites le procès des emplois-jeunes pour vous donner bonne conscience, mais comparez-les donc avec les contrats d'avenir et les contrats d'accompagnement à l'emploi, ce serait plus honnête ! Sauf que le différence est largement au bénéfice des emplois-jeunes...

Il faut donc nous dire pourquoi ce rapport commandé par le Gouvernement n'a pas été publié.

M. Maxime Gremetz - Parce qu'il est explosif ?

M. Jean-Marc Ayrault - Parce qu'il vous gêne ? Parce que vous voulez avoir le temps de le réécrire ? Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas garder le silence.

M. Alain Joyandet - Je voulais faire un rappel au Règlement, mais d'abord, Monsieur Ayrault, les contrats d'avenir doivent être comparés avec les anciens CES, qui concernaient la même population. Les comparer avec les emplois-jeunes est soit une erreur, soit une marque de mauvaise foi.

S'agissant donc de l'organisation de nos travaux, je voudrais vous faire remarquer que nous travaillons au rythme de trois amendements à l'heure et qu'il en reste 137 sur le seul titre premier. À ce train-là, nous avons encore 46 heures à passer sur ce titre.

M. Maxime Gremetz - C'est parfaitement normal.

M. Alain Joyandet - Ce débat est utile et très intéressant, mais à partir du moment où chaque argument a été exposé dans tous ses détails plusieurs fois, chaque répétition ressemble de plus en plus à de l'obstruction. Mon groupe est pour le débat, aussi long soit-il, mais pas pour l'obstruction (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz - Je voudrais moi aussi faire un rappel au Règlement. Ce débat est d'une importance cruciale pour l'avenir. Si vous pensez que vos propositions sont une bonne réponse à la crise des quartiers, croyez-moi : la société française va connaître des difficultés sérieuses. N'oubliez pas que le Gouvernement a tout fait pour nous empêcher d'avoir ce débat ! Pas de discussion avec les organisations syndicales, pas de consultation du comité d'orientation de l'emploi...

M. le Président - Monsieur Gremetz, chacun peut s'exprimer largement au cours de la discussion...

M. Maxime Gremetz - Dans un vrai débat, les arguments de chacun sont pris en compte (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP). Vous êtes en difficulté, mais...

M. le Président - Monsieur Gremetz, laissez se poursuivre le débat, je vous prie.

M. Maxime Gremetz - Ne nous accusez pas de ralentir le débat : au contraire, nous avançons à grands pas et sommes en train d'encercler le Gouvernement !

M. le Président - Nous sommes encore loin de l'excès de vitesse ! Nous en venons à deux sous-amendements en discussion commune.

Mme Martine Billard - Mais qui sont différents. Le Gouvernement a prévu que le CPE pouvait remplacer tous les emplois qu'il est possible d'occuper en CDD selon l'article L.122-1-1 du code du travail, sauf les emplois saisonniers. Il est donc possible d'utiliser un CPE pour remplacer un salarié absent, pour un passage provisoire à temps partiel ou pour faire face à l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise par exemple. Il y a donc une contradiction : si le CPE est le moyen, comme vous le prétendez, de vérifier que le jeune embauché est bien à sa place dans son poste, il ne peut pas être ouvert pour des emplois aussi provisoires ! On ne peut pas remplacer un salarié absent pour maladie par un CPE, parce que la date de retour de ce salarié est prévue. Et si un salarié passe à temps partiel, il faut tout simplement embaucher pour le reste de ses heures : ce n'est que du temps partiel, certes, mais cela ne justifie pas un CPE. Le sous-amendement 116 précise donc que les emplois se prêtant à l'embauche en CDD ne sont pas ouverts aux CPE. Ou alors, il suffisait de supprimer le CDD dans le code et de le remplacer par le CPE, puisque c'est ce que vous êtes en train de faire avec le troisième alinéa de votre amendement. Cela va devenir vraiment incompréhensible pour les employeurs !

M. Jean-Pierre Soisson - Moi, c'est à votre galimatias que je ne comprends rien ! (Murmures)

M. Alain Vidalies - Allons, Jean-Pierre, c'est toi qui as rédigé cet article du code en 1990, lorsque tu étais ministre du travail !

Mme Martine Billard - Si vous n'y comprenez rien, c'est que vous n'avez plus la pratique du code du travail ! Reportez-vous à l'article L.122-1-1 : « le contrat de travail ne peut être conclu pour une durée déterminée que dans les cas suivants : 1° remplacement d'un salarié en cas d'absence, 2° accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, 3° emploi à caractère saisonnier »...

M. le Président - Quel est l'avis de la commission sur ces deux sous-amendements ?

Mme Martine Billard - Je n'ai pas terminé. Même en essayant de me mettre dans la peau d'un militant de l'UMP, je ne vois pas comment un CPE pourrait avoir vocation à remplacer un arrêt-maladie ! Cela ajoute à la précarité, puisque le jeune recruté dans ce cadre est sûr d'être mis à la porte une fois l'arrêt-maladie terminé ! Eh oui, Monsieur Soisson, je n'invente rien !

Par ailleurs, l'amendement ne précise pas si le CPE pourra être exercé à temps partiel. Si tel est le cas, la précarité s'en trouvera encore accrue pour les raisons que chacun comprend.

A l'évidence, le CPE fait reculer les droits des jeunes salariés et leur interdit de former des projets d'avenir. Nos sous-amendements 116 et 117 sont donc parfaitement justifiés.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Je rappelle à Mme Billard qu'il est clairement établi que le CPE ne peut pourvoir à un emploi saisonnier.

Pour répondre à une question précédente, je confirme que le ministère de l'emploi a demandé à Henri Proglio de rendre un rapport sur la situation des diplômés de l'université, à partir des conclusions de l'enquête sur la génération 2001 tendant à établir que les formations professionnelles permettent un accès plus facile et plus durable à l'emploi que les filières plus générales. Au reste, cette analyse nous conforte dans notre volonté d'améliorer sensiblement le service public de l'orientation des jeunes tout au long de leur formation, et le Premier ministre a souhaité que celui-ci soit réorganisé dès la rentrée prochaine. La précarité commence au moment où l'on incite les jeunes à s'engager dans des filières qui n'ont que peu de chances de déboucher sur des emplois réels. Dans le contrat de confiance que nous devons passer avec les générations futures, la qualité de l'orientation scolaire et professionnelle constitue un enjeu majeur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Vidalies - Je ne sais pas s'il est au monde beaucoup de parlements qui fonctionnent comme le nôtre ! Le Gouvernement a mobilisé des fonds publics pour demander à un groupe de chefs d'entreprise et de DRH de mener une réflexion qui est au cœur de ce qui nous préoccupe aujourd'hui, et nous ne l'apprenons qu'à la faveur d'une indiscrétion ! Le Gouvernement et les membres de sa majorité informés de l'existence de ces travaux étaient manifestement décidés à n'en dire mot. Nous ne pouvons que déplorer de telles pratiques.

Les deux sous-amendements de Martine Billard sont tout à fait pertinents et M. Soisson devrait se garder de protester si bruyamment, étant lui-même l'auteur de la loi du 12 juillet 1990 - dont j'étais le rapporteur - qui a été codifiée à l'article L.122-1-1 et que nous nous attachons aujourd'hui à protéger. Il ferait mieux de rappeler à ses amis d'aujourd'hui que ce bon texte, inchangé depuis lors - ce qui atteste de sa valeur -, a marqué un temps fort de la négociation sociale dans ce pays puisqu'il reprenait un accord interprofessionnel ayant fait l'objet d'une large adhésion. Il est tout à fait légitime de vouloir protéger ces dispositions car il est incohérent - au regard des objectifs que vous lui avez vous-mêmes assignés - de faire entrer le CPE dans le champ du CDD et de l'intérim.

M. Maxime Gremetz - Pour avancer dans le débat, puisque tel est mon objectif... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), il faut de la rigueur et de la précision. A ce titre, chaque député devrait disposer des documents que cite à l'envi le Gouvernement...

M. le Ministre délégué - Ah ! Il nous fait une rechute !

M. Maxime Gremetz - Si le débat se fonde sur des rapports, la moindre des courtoisies commande que les parlementaires en soient destinataires. A moins, bien entendu, que le Gouvernement décide de ne rendre publics que les rapports qui vont dans son sens ! S'agissant du rapport Proglio...

M. le Ministre délégué - Il n'a même pas été remis !

M. Maxime Gremetz - ...il semble bien que la gêne du Gouvernement tienne au fait que ses conclusions sont de nature à faire exploser le CPE en plein vol ! Mais il faut avoir le courage de le présenter à la représentation nationale. Financé sur fonds publics, un rapport n'est pas la propriété exclusive du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Soisson - Je remercie Alain Vidalies de son intervention. J'en confirme la teneur et son utilité est hors de doute puisqu'elle m'a - enfin - permis de comprendre le propos de Mme Billard... Le présent débat est aussi utile que passionnant et je crois que nous devrions tous nous féliciter que le Gouvernement s'attache à donner une suite aux rapports qu'il commande. Je me réjouis que nos discussions puissent aller sereinement vers leur conclusion.

M. Jean Le Garrec - Je suis ravi d'intervenir après M. Soisson. Nous avons tous perçu la gêne de notre talentueux jeune rapporteur et du ministre. Voilà à quoi on aboutit lorsqu'on croit pouvoir se passer de la concertation et de l'évaluation : ce projet de loi abrite des « loups » juridiques énormes et les remarquables sous-amendements de Martine Billard en débusquent quelques uns...

M. Jean-Pierre Soisson - Allons, n'en rajoutez pas !

M. Jean Le Garrec - La référence à l'excellent article L.122-1-1 est fondamentale puisque seul le 3° relatif aux emplois saisonniers est explicitement exclu du champ du CPE. Les autres alinéas restent dans le cadre alors qu'il s'agit de missions provisoires qui n'ont pas vocation, si nous avons bien compris l'esprit de votre projet, à être remplies par le titulaire d'un CPE. M. Soisson est parfaitement au fait de ces questions et il se rappelle sans doute que la vérité surgit souvent à la faveur de la nuit. A l'occasion d'un précédent débat, j'étais parvenu à faire dire à notre collègue que l'objectif du Gouvernement était d'aller vers l'individualisation des rapports entre le salarié et l'entreprise, en faisant progressivement sauter toutes les garanties intermédiaires, y compris celles que procurent les organisations syndicales.

Aujourd'hui, vous démontrez une nouvelle fois que telle est bien votre ambition. Alors, au moins, ne nous reprochez pas de vouloir aller jusqu'au bout du débat !

Les sous-amendements 116 et 117, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 15.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY


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