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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2005-2006 - 61ème jour de séance, 142ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 9 FÉVRIER 2006

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      ÉGALITÉ DES CHANCES (suite) 2

      RAPPELS AU RÈGLEMENT 2

La séance est ouverte à dix heures trente.

ÉGALITÉ DES CHANCES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi pour l'égalité des chances.

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. Jean-Marc Ayrault - Monsieur le Président, je tiens à vous faire part de mon indignation devant la manière dont s'est déroulée la séance d'hier soir durant laquelle vous avez pris la responsabilité de dramatiser les propos d'un député. L'opposition a fait son travail, et continuera de le faire. Depuis plusieurs semaines, le Gouvernement a mis en marche une machine de propagande afin de faire croire que l'affaire du CPE est réglée. Il n'en est rien ! L'opposition s'est battue durant seize heures contre l'amendement gouvernemental visant à créer ce nouveau contrat.

Les droits du Parlement ont été bafoués. Les Français qui suivent de loin nos travaux pourraient penser que l'objet de ce projet de loi est le CPE. Ce n'est nullement le cas : le CPE est créé par un amendement à un article de ce texte, qui en compte vingt-huit, et porte pour titre « égalité des chances » - c'est surréaliste ! Un modeste amendement, donc, mais d'importance, car la création du CPE poursuit le détricotage du code du travail amorcé avec le CNE et annonce la refonte complète de notre législation. La forme retenue par le Gouvernement limite considérablement les droits de l'opposition puisque le Règlement de notre Assemblée permet seulement de sous-amender des amendements, c'est-à-dire d'apporter des corrections à la marge mais non de modifier le dispositif.

Bien sûr, on nous rétorquera que le débat a eu lieu, qu'il y a eu confrontation et que l'opposition a pu jouer son rôle. Mais, chaque fois, le Gouvernement s'est gardé de répondre sur le fond, attitude qui témoigne d'un mépris pour l'Assemblée nationale tout entière. L'UMP a accepté de se « coucher », c'est sa responsabilité ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) L'opposition, elle, n'a pas baissé la garde. Le groupe socialiste a déposé près de quatre-vingts sous-amendements à l'amendement gouvernemental créant le CPE et autant d'amendements visant le CNE, frère jumeau du CPE.

Viendront ensuite les autres articles portant sur des sujets qui mobiliseront également les énergies - les zones franches, le démantèlement du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations et son remplacement, la création d'une nouvelle agence, l'extension des pouvoirs de la HALDE, la lutte contre les discriminations dans l'audiovisuel, le contrat de responsabilité parentale, la lutte contre les incivilités et la création d'un service civil volontaire - et sur lesquels trois cent soixante-dix amendements, tous groupes confondus, ont été déposés.

Monsieur le Président, nous ne pouvons pas commencer nos travaux dans ces conditions. M. le Premier ministre n'a pas daigné venir une seule fois défendre son texte devant le Parlement. Quant à M. Borloo, il se contente de caricaturer la position de la gauche - elle ne se préoccuperait pas des jeunes - pour ne pas avoir à répondre sur le fond. Quelle est la vérité ? Le CPE ne résoudra rien : ce n'est pas un contrat de travail qui offre des protections au salarié mais un outil pour licencier ! Par conséquent, je demande une suspension de séance d'une heure (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) pour réunir mon groupe et organiser la bataille à venir.

M. le Président - Monsieur Ayrault, il y a des choses que je ne peux laisser dire. Quand un parlementaire affirme tout haut, pendant une interruption de séance, que la gauche est décidée à « tout faire » pour empêcher le vote d'un amendement, le Président de l'Assemblée nationale doit prendre ses responsabilités...

M. Pierre-Louis Fagniez - Bien sûr !

M. le Président - ...et ne plus accepter ces manœuvres dilatoires que sont la multiplication des scrutins publics, des rappels au Règlement et des interruptions de séance. À aucun moment, je n'ai empêché l'opposition de prendre la parole. Mais l'obstruction systématique n'est pas acceptable ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) C'est justement parce que j'ai une haute idée du Parlement que je refuse que l'on confonde débat et obstruction ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 10 heures 40 est reprise à 11 heures 5.

M. Jean-Pierre Brard - La nuit a dû être fort courte pour vous, Monsieur le président, car vous semblez de bien mauvaise humeur.

M. le Président - Pas du tout !

M. Jean-Pierre Brard - Vous nous avez reproché d'avoir voulu empêcher le vote du CPE. Or, c'est oublier le rôle pédagogique des députés sous la Ve République, et ignorer notre but : alerter l'opinion publique pour susciter un rapport de force défavorable à la poursuite du démantèlement de notre code du travail. Chacun aura d'ailleurs noté que le ministre nous a annoncé la prochaine étape - l'instauration d'un contrat unique !

Puisque la force des symboles est grande dans ce pays, et que vous y êtes sensible, Monsieur le président, je rappellerai que nous célébrons cette année le soixante-dixième anniversaire du Front Populaire, auquel nous devons d'immenses avancées sociales. Or, vous réduisez à néant cet héritage qui fait pâlir d'envie le monde entier.

En outre, vous vous faites fort de réhabiliter le rôle du Parlement depuis que vous avez accédé au perchoir, Monsieur le président, au point de multiplier des propositions audacieuses ou même téméraires visant à modifier notre Règlement. Et pourtant, que s'est-il passé cette nuit ? Qu'entendait-on à la radio ce matin ? Que le CPE a été adopté en l'absence de nombreux députés. Pas seulement des députés du reste, car M. Borloo n'était pas là non plus. N'y voyez pas une insulte, Monsieur Larcher : chacun sait que vous êtes une efficace sentinelle du Gouvernement, un homme de poids qui veille aux portes du temple pour y faire régner le silence.

M. le Président - Voyons, Monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard - Vous avez tout fait pour faciliter l'adoption du CPE au cours de la nuit dernière, Monsieur le président, alors que nous aurions souhaité poursuivre les débats.

Je peux d'ailleurs imaginer quel fut votre dilemme : vous n'êtes pas seulement le président de cette assemblée, mais aussi un « vieux grognard » de la majorité, qui ne cherche qu'à protéger l'empereur - et je ne pense pas à M. de Villepin, qui est votre maréchal Ney. Il n'en reste pas moins que vous êtes venu à la rescousse d'un Gouvernement qui engage notre pays sur un front qui tourne de plus en plus à la Bérézina. Comment accepter que vous donniez une telle image de notre assemblée ?

Il est exact que nous souhaitons retarder au maximum l'adoption de ce dispositif qui portera préjudice à l'avenir de notre jeunesse, mais c'est en vue d'informer le pays sur les intentions du Gouvernement et sur les conséquences de ses actes.

M. le Président - Monsieur Gremetz, le « vieux grognard » vous demande de rester aimable.

M. Jean-Pierre Brard - Oh ! Le terme est presque affectueux !

M. le Président - Ne soyez pas excessif dans votre affection !

M. Jean-Pierre Brard - Ce que vous avez fait cette nuit est inacceptable...

M. le Président - Je ne peux pas admettre de tels propos, Monsieur Brard. Tous les orateurs ont pu s'exprimer autant qu'ils le souhaitaient. Néanmoins, je peux comprendre votre déception, puisque votre stratégie était d'empêcher tout vote à des fins de pure communication politique ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Ne m'interrompez pas ! J'ai laissé chacun s'exprimer !

M. Bernard Accoyer - Rappel au Règlement sur le déroulement de nos travaux.

M. Jean-Pierre Brard - Écoutons le maréchal Soult de la majorité !

M. Bernard Accoyer - Nous débattons depuis trente-huit heures, à la moyenne de trois à sept amendements par heure, sans qu'aucun élément nouveau soit apporté, comme l'atteste le compte rendu. Nous avons dû subir trente suspensions de séance, et il nous reste 350 amendements à examiner, si bien qu'il nous faudra des semaines pour venir au terme de nos débats !

Malgré le vote de la disposition la plus importante du projet de loi, M. Ayrault vient en effet d'affirmer qu'il continuerait à faire obstacle à l'adoption de ce texte. Une obstruction aussi caricaturale constitue un déni de démocratie ! J'ajoute que l'opposition a essayé de mobiliser la rue pour faire peser sur nos travaux des pressions extérieures. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) De telles méthodes sont purement inacceptables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Nous n'avons pas non plus de leçons à recevoir de ceux qui n'ont offert aux jeunes que des solutions précaires et des emplois « parking », dans le seul but de maquiller les statistiques du chômage...

M. Jean-Pierre Brard - Vous avez un sacré culot !

M. Bernard Accoyer - ...et qui osent encore proposer de créer des emplois en recourant aux finances publiques, c'est-à-dire une nouvelle manipulation.

M. Jean-Pierre Brard - Finances publiques que vous avez allégrement siphonnées !

M. Alain Vidalies - Et les exonérations de cotisations sociales ?

M. Bernard Accoyer - Parlons-en ! Quinze milliards d'euros d'exonérations de cotisations chaque année au titre des 35 heures, qui font de surcroît fuir les investisseurs étrangers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Le CPE, qui s'adresse à une jeunesse dont le taux de chômage est insupportable,....

M. Gaëtan Gorce - C'est votre responsabilité !

M. Alain Vidalies - C'est votre politique !

M. Bernard Accoyer - ...vient compléter une palette d'outils destinés à améliorer la situation, qu'il s'agisse du CIVIS, dont nous assumons la dimension d'emploi aidé social, des contrats jeunes en entreprise, dont plus de 250 000, pour ces jeunes sans qualification, ont déjà été signés, et qui sont désormais, grâce à ce texte, ouverts aux jeunes au chômage depuis plus de six mois. Comment osez-vous critiquer de telles mesures qu'eux et leurs familles attendent avec tant d'impatience ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Avec le triplement du nombre de contrats en alternance, quand on sait que 90 % des jeunes qui ont eu la chance de suivre un apprentissage décrochent un emploi durable, comment pouvez-vous vous obstiner dans cette attitude d'obstruction stérile sans espérance pour notre jeunesse ? Notre combat, au contraire, est celui de l'emploi pour la jeunesse, et nous dénonçons vos grossières manœuvres.

Nous serons là, nous tiendrons tête, et nous l'emporterons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains )

M. le Président - Vous aurez tous la parole ! À ce propos, vous prétendez que j'ai expédié hier les débats, mais je vous rappelle qu'avant le vote final, alors même que le Règlement ne le prévoyait pas, j'ai donné cinq minutes à chaque groupe et au Gouvernement pour que tout le monde puisse exposer sa position.

Mme Muguette Jacquaint - Libre au Gouvernement et aux députés de se réjouir et de crier victoire pour avoir fait passer le CPE par le biais d'un amendement, mais il est de notre droit de députés de l'opposition...

Mme Catherine Génisson - Et de notre devoir !

Mme Muguette Jacquaint - ...de proclamer que cet amendement, qui n'a été discuté par aucune organisation syndicale, pas plus que par les députés, et qui est contesté par l'ensemble de la jeunesse, va aggraver et institutionnaliser la précarité !

Oui, je suis fière de m'opposer à un tel texte prétendument destiné à promouvoir l'égalité des chances.

Ce projet instaure le préapprentissage et le travail de nuit dès 14 ans, l'apprentissage dès 15 ans, et pour la suite une succession de contrats première embauche et de contrats nouvelles embauches ! Quelle honte de vouloir faire croire que ce projet améliorera l'égalité des chances !

Vous êtes libres de crier victoire !

Mme Chantal Brunel - Personne ne crie victoire !

Mme Muguette Jacquaint - Mais nous continuerons à mener le combat dans ce pays pour que ceux qui ont eu l'audace de voter un tel texte puissent rendre des comptes à la jeunesse et à l'ensemble des salariés !

M. Patrick Delnatte - La guillotine !

Mme Muguette Jacquaint - Je demande une suspension de séance d'un quart d'heure !

M. le Président - Pour calmer les esprits, j'allais moi-même décider de suspendre la séance, mais je vais au préalable donner la parole à M. Gorce.

M. Gaëtan Gorce - Mme Jacquaint ayant demandé une suspension de séance, je parlerai à la reprise.

M. le Président - Mais laissez-moi présider ! Dites-le clairement si vous voulez bloquer les débats ! Parlez donc Monsieur Gorce !

M. Gaëtan Gorce - Je referai un rappel au Règlement à l'issue de la suspension de séance, car je souhaite pouvoir exposer calmement mes arguments.

M. le Président - Mais je vous autorise à le faire maintenant !

M. Gaëtan Gorce - Hé bien je le ferai plus tard, comme le Règlement me le permet !

M. le Président - Depuis une heure, vous n'avez qu'une obsession, bloquer une nouvelle fois la machine parlementaire. J'en prends acte !

M. Gaëtan Gorce - Nous sommes en pleine opération de manipulation qui vise à faire croire que le débat aurait été terminé avant même d'avoir atteint son terme. Il reste 24 articles à discuter, et des centaines d'amendements, et vous voudriez nous faire croire que le débat sur la politique de l'emploi des jeunes est achevé ? Nous voulons dénoncer cette manipulation !

Je suis élu d'un département, où nous avons la chance d'avoir quelques références, comme Romain Rolland, auteur d'un bel ouvrage Au-dessus de la mêlée, dont vous prétendez vous inspirer, mais quand on retombe au milieu de la mêlée, comme vous l'avez fait en portant un jugement politique et polémique sur l'attitude du groupe, on s'expose à des réactions et à des réponses, comme j'aurai l'occasion de le faire à la reprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - J'ai une autre idée du Parlement.

M. Francis Vercamer - Depuis le début des débats, il me semble que certains font de l'obstruction et tentent de bloquer l'institution, en multipliant les suspensions de séance et les rappels au Règlement.

Par ailleurs, depuis l'intervention de M. Accoyer, on voit poindre le 49-3. Sachez que le groupe UDF y est opposé. Sur ce texte, qui passe en urgence, dont l'examen a été avancé de quinze jours, sur lequel sont arrivés en dernière minute des amendements du Gouvernement, nous sommes opposés à ce que le débat s'arrête. Ce projet traite de l'égalité des chances, donc de la lutte contre les discriminations. Or, jusqu'à aujourd'hui, nous n'avons pas abordé une seule fois ce sujet, qui est tout de même le poison de notre société ! Nous devons débattre de ce thème !

Certes, nous n'étions pas d'accord avec le CPE, et nous regrettons qu'il soit passé, mais nous ne sommes pas pour autant opposés à toutes les propositions du Gouvernement, comme celle de l'apprentissage.

Laissons le débat se dérouler, travaillons sur la suite du texte, et arrêtons de faire de l'obstruction.

M. le Président - Cela fait plus d'une heure que nous avons commencé, et nous n'avons toujours pas abordé le fond du texte.

La séance, suspendue à 11 heures 25, est reprise à 11 heures 45.

M. Gaëtan Gorce - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58, alinéa 2. Nous sommes contraints de rappeler encore, puisque nous avons été attaqués par le Président de l'UMP, que l'Assemblée est faite pour permettre le débat et non pour le contraindre ou le réduire. Elle doit pouvoir débattre sans être soumise à la pression de la rue, comme semblait le redouter M. Accoyer, ni à celle du Président de l'Assemblée, ni à celle de l'UMP ou de quiconque. Mais pour mener ces débats dans des conditions normales, il faudrait que l'esprit dont chacun prétend s'inspirer préside réellement à nos travaux.

Lors de vos vœux, Monsieur le Président, - et c'est un plaisir de vous relire - vous avez manifesté votre souci de voir les institutions évoluer progressivement vers un plus grand respect du Parlement. Vous avez indiqué que le Gouvernement a désormais un problème pour assurer la qualité de la loi, ce qui suppose d'assurer un débat parlementaire de qualité. Vous avez stigmatisé avec lucidité deux dérives préoccupantes.

La première concerne les amendements déposés par le Gouvernement. Ils montrent - et je vous cite - que « les projets présentés par le Gouvernement sont, en tout cas pour certains, rédigés de façon précipitée ». Ainsi « il n'est pas rare qu'en plein milieu de la discussion d'un projet de loi, le Gouvernement amende lui-même son propre projet en se rendant compte qu'il est mal rédigé ». Toute ressemblance avec des gouvernements existant ou ayant existé est à rechercher, et elle s'impose même dans le cas présent.

M. Bernard Accoyer - Cela n'a rien à voir !

M. Gaëtan Gorce - Vous évoquiez le projet de loi relatif à l'égalité des chances pour les personnes handicapées. Nous pouvons maintenant appliquer ces propos au projet sur l'égalité des chances. Dans cet effort pour améliorer le fonctionnement de notre assemblée, auquel je continue à rendre hommage pour l'instant, vous indiquiez aussi que « le dépôt tardif des amendements empêche tout travail d'analyse sérieux de la part des commissions » - elles ont été saisies de nombreux amendements après la première réunion - et que « les débats qui devraient avoir lieu en son sein sont reportés en séance publique, qu'ils contribuent à allonger ». En déposant un projet bâclé, le Gouvernement prend la responsabilité de contourner la commission et d'allonger les débats en séance. C'est exactement ce qui se passe, en raison de cette attitude du Gouvernement que vous stigmatisiez, et c'est à nous qu'on adresse des reproches.

La seconde dérive, ajoutiez-vous « est de la seule responsabilité du Gouvernement. Elle concerne les modalités d'examen des textes pour lesquels l'urgence est de plus en plus souvent invoquée ». Or celle-ci « ne résulte pas toujours de l'importance du projet ou de la nécessité de le mettre rapidement en œuvre ». Vous concluiez même que, trop souvent, les textes votés en urgence ne sont pas appliqués plus rapidement. Cela signifie bien que, en déclarant systématiquement l'urgence sur les questions sociales, le Gouvernement ne respecte pas l'esprit des institutions et empêche le Parlement de débattre normalement - c'est d'ailleurs son objectif. Toute la bataille de communication de ces dernières heures vise à laisser croire qu'après un prétendu échec des manifestations, il y aurait maintenant un prétendu vote du Parlement sur ce projet de loi, alors que nous n'avons pas encore commencé l'examen de l'article 4.

Monsieur le Président, dire les choses a une force symbolique. Mais la déontologie, c'est d'appliquer ce qu'on dit. En dénonçant cette attitude du Gouvernement - et c'est parce que vous l'avez fait ainsi que je me permets cette intervention - vous aviez raison. Vous auriez raison de la dénoncer aujourd'hui et de ne pas accepter ce qui se passe depuis quelques heures qui est que, non par inattention, mais sans doute par une bienveillance exagérée à l'égard du Gouvernement, vous avez laissé se produire cette dérive - dépôt d'amendements dans les conditions que vous stigmatisiez, contournement des commissions, allongement, de ce fait, des débats en séance publique, déclaration d'urgence systématique. Sinon, Monsieur le Président, le hiatus entre vos déclarations et votre pratique me conduirait à revenir sur l'hommage que je vous ai rendu pour exiger alors, en tant que simple parlementaire, des comptes sur la façon dont vous faites fonctionner cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Après vos explications, je demanderai une suspension de séance au nom de mon groupe pour réfléchir aux observations que vous aurez faites. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Monsieur Gorce, je ne donne pas d'explications, je fais des constatations. En premier lieu, j'ai décidé désormais de ne pas céder à vos provocations et de rester totalement calme. En second lieu, je vous remercie de lire mon texte. Mais vous auriez pu ajouter que nous avons discuté de cet amendement 3 rectifié pendant onze heures et, pour être complet, qu'il fallait y ajouter trois motions de procédure de 1 heure 30 pendant lesquelles vous en avez parlé, et des heures de discussion générale, où vous en avez encore parlé. Si vous vouliez me citer, il aurait été plus honnête d'en faire état.

Je n'ai de complaisance à l'égard de personne.

M. Gaëtan Gorce - C'est un mot de trop.

M. le Président - Mon seul souci est que l'Assemblée fonctionne et je considère qu'après onze heures de débats sur un amendement,...

M. Bernard Accoyer - 38 heures !

M. le Président - ...trente-huit heures en tout, nous pouvons poursuivre.

M. Alain Joyandet - Rappel au Règlement. Nous avons été choqués des déclarations du Président Ayrault, qui a parlé d'une UMP qui se serait couchée...

M. Jean-Pierre Brard - C'est sa position naturelle ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Joyandet - ...et de M. Gorce qui parle d'un « prétendu vote ». C'est une remise en cause de la légitimité de notre institution. Nul ne peut nier que l'opposition a pu défendre l'ensemble de ses amendements et a pu s'exprimer des dizaines de fois pour dire la même chose depuis plusieurs jours,...

M. Jean-Pierre Blazy - Il faut bien, puisque vous ne comprenez pas !

M. Alain Joyandet - ...son seul objectif est de retarder, voire d'empêcher les débats. Les choses se sont d'ailleurs déroulées comme vous l'aviez annoncé. En introduction, vous aviez dit que vous alliez nous livrer bataille. Nous avions répondu que nous allions faire de même, non pas contre vous, mais pour l'emploi, pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Vous avez livré cette bataille contre le texte du Gouvernement, nous l'avons livrée, unis autour de lui, pour la jeunesse de ce pays.

M. Alain Vidalies - Belle bataille pour le travail des enfants la nuit !

M. Alain Joyandet - Et la conclusion, au moins sur le CPE, c'est que cette bataille vous l'avez perdue sur la forme, car le débat a été des plus démocratiques et vous n'avez pas le droit de parler de « prétendu vote », et sur le fond, car les Français n'ont rien compris à ce que vous vouliez faire. On a entendu une musique de fond pendant cinq jours, mais personne n'a compris les paroles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Francis Vercamer - Je suis étonné des propos tenus ici. On parle de bataille contre les uns, contre ceci ou cela. Au nom de l'UDF, je suis ici non pour batailler mais pour débattre, et, si possible, contribuer à améliorer la vie des gens. Ce texte comporte cinq titres, avec un éventail de mesures très large pour améliorer la vie des jeunes et de tous : elles portent sur la lutte contre la discrimination, les zones franches urbaines, les familles,...

Mme Catherine Génisson - Et ça, ce n'est pas terrible !

M. Francis Vercamer - ...les incivilités. Je m'étonne de ce discours de combat permanent alors qu'il s'agit de travailler à l'intérêt général.

M. Jean-Marc Ayrault - Oui, nous menons une bataille, une bataille politique, et non contre vous, Monsieur Joyandet. Nous la menons par conviction et avec détermination. En effet, vous avez voulu faire croire - et M. Borloo a scandaleusement caricaturé la position des socialistes - que ce contrat de première embauche était un contrat pour les jeunes sans qualification. Ils ont en effet plus de difficultés que les autres à accéder à l'emploi, et c'est un scandale auquel il faut remédier. Mais le CPE le ne fait pas : c'est la même chose que le contrat nouvelles embauches, que vous avez créé par ordonnance, et qui ne concerne pas que les jeunes, mais tous les salariés des entreprises de moins de vingt salariés. On peut, pendant deux ans, les licencier sans fournir de justification. Si nous nous battons, c'est que votre objectif est d'appliquer la même chose à l'ensemble des salariés. Pour y préparer les esprits, sans concertation ni négociation avec les syndicats, vous commencez par le faire sous couvert d'une politique « en faveur des jeunes ».

Vous ne vous en cachez d'ailleurs pas puisque vous parlez comme Mme Parisot des « rigidités » du code du travail. Autrement dit : il faut que les entreprises puissent licencier facilement, sinon elles ne peuvent pas embaucher. Arrêtez donc de nous parler des jeunes et d'en faire des otages : ce que vous voulez, c'est imposer un modèle social à notre pays. La bataille politique n'est donc pas terminée !

Il est surréaliste que ce projet soit intitulé « pour l'égalité des chances »... Qu'avez-vous fait pour nos concitoyens les plus en difficulté ? Rien !

M. Guy Drut - Et vous ?

M. Jean-Marc Ayrault - Mais nous continuons à nous battre sur ce texte car, contrairement à ce que dit M. Joyandet - qui prend ses désirs pour des réalités -, nous n'avons pas perdu ! Il y a eu un premier set, et le match va continuer. Nous n'avons même pas fini d'examiner le troisième article, et il en compte vingt-huit ! Vous n'avez rien gagné du tout, et chaque heure qui passe nous démontrons le fond de votre politique. C'est cela qui vous gêne, et c'est pour cela que vous voulez en finir ! Mais nous allons continuer la bataille, ici et devant les Français. Méfiez-vous des mèches lentes, Monsieur Joyandet : d'heure en heure, les gens comprennent mieux la nature du contrat que vous proposez car si le CPE n'est pas encore voté, il est calqué sur le CNE, qui permet de jeter les gens sans justification. Oui, la bataille ne fait que commencer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur Joyandet, vous nous reprochez de dire que l'UMP est couchée. Mais d'abord, si elle était debout, cela se remarquerait. Et ensuite, qui est-ce qui, historiquement, a assimilé les députés de la majorité à des godillots ? Un homme d'expérience qui n'était pas de gauche...

Le rapport de forces ne laisse pas de doute sur le vote, mais nous nous serons battus debout jusqu'à la fin, tandis que vous, vous gagnerez couchés ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) J'entends la vieille garde, qui est mobilisée : M. Drut, M. Raoult, M. Accoyer, M. Ollier, M. Proriol ; M. Soisson, que je cite aussi pour qu'il ne soit pas jaloux ; M. Lequiller, qui est plus spécialisé dans les messes basses... Vous humiliez le peuple français. Depuis quatre ans, de régionales en européennes et en référendum, vous avez été battus, mais vous refusez d'entendre. Nous, nous nous battons pour lui faire entendre ce que vous êtes en train de faire.

M. Patrick Ollier - Quelle diarrhée verbale !

M. Jean-Pierre Brard - Comme Marie-George Buffet me l'a soufflé à l'oreille, votre politique de précarisation a fait qu'en quatre ans, il y a eu 10 000 entrées-sorties à PSA Aulnay, et fera que désormais, il y en aura 10 000 en deux ans ! Vous êtes en train de graisser les paumelles pour que les portes tournent plus vite !

Monsieur le Président, vous êtes un vieux routier de cette Assemblée.

M. Alain Joyandet - Vous, vous êtes un clown !

M. Pierre Lequiller - Le Président n'est pas vieux !

M. Jean-Pierre Brard - Cela n'a rien à voir avec l'état civil, Monsieur Lequiller ! Je montre mon respect pour l'expérience du Président et sa sagesse - avec laquelle il a rompu cette nuit.

M. Georges Mothron - Vous n'étiez pas là !

M. Guy Drut - Vous étiez couché !

M. Jean-Pierre Brard - Du fait de la manière dont vous avez conduit les débats cette nuit, Monsieur le Président, ce matin les médias disent que c'est fini. Eh bien non, ce n'est pas fini, car nous voulons que le peuple français comprenne. L'enjeu, c'est 49-3, ou pas 49-3. Si vous voulez que cela ne dure pas, vous utiliserez le 49-3 ; nous, nous sommes prêts à rester jusqu'à dimanche. Vous pouvez même supprimer les vacances parlementaires !

Plusieurs voix UMP - Nous aussi, nous sommes prêts !

M. Jean-Pierre Brard - On verra cela dimanche soir...

Monsieur Joyandet, vous parliez de petite musique à gauche, mais vous, c'est la grosse caisse, tandis que nous, nous sommes là pour faire de la pédagogie.

M. Alain Joyandet - C'est cela, Monsieur le clown !

M. Jean-Pierre Brard - Vous savez, le métier de clown est très difficile. Vous n'arrivez pas au niveau de Zavata ou de Popov... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Je dirais plutôt que vous êtes la canne de Mme Parisot.

Nous allons donc continuer à nous battre pied à pied. Je suis désolé de décevoir M. Vercamer, qui se voyait dans le rôle d'infirmière aux tranchées, apaisant la confrontation...

M. le Président - J'ai retenu de votre intervention que votre seule ambition est de contraindre le Gouvernement à utiliser le 49-3. J'en doutais, mais mieux vaut le dire. C'est ce qui nous oppose : moi, je souhaite qu'on discute sur le fond, vous, vous ne le voulez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Le travail de la commission ayant été évoqué, je voudrais rappeler qu'elle a tenu six réunions sur ce projet, que dès la première réunion de fond elle a étudié l'amendement du Gouvernement sur le contrat de première embauche, qu'elle a examiné tous les amendements et tous les sous-amendements. Nous avons déjà discuté de l'apprentissage junior : c'est grâce à la commission qu'il y a un projet pédagogique personnalisé avec un tuteur. On pourrait parler du contrat jeune en entreprise, que la commission propose d'élargir aux jeunes de seize à vingt-cinq ans ; des zones franches urbaines, pour lesquelles la commission propose que les associations bénéficient des mêmes droits que les entreprises ; de la HALDE, au sujet de laquelle la commission a déposé une dizaine d'amendements ; du contrat de responsabilité parentale, sur laquelle la commission a également beaucoup travaillé. Mais nous tardons à en venir au débat de fond sur l'ensemble de ces sujets... Je le regrette d'autant plus que nous avons déjà consacré quatorze heures au CPE - dont, c'est vrai, trois heures de suspensions de séance. Le CPE est adopté, dont acte (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste). Discutons du reste, d'autant que sur de nombreux sujets, le Gouvernement nous propose des mesures qui s'appliqueront dès le 1er janvier. Il ne faut pas se laisser aller à des arguties de procédure, d'autant que certains propos sont mensongers ou dangereux.

Ainsi, M. Vidalies parle à voix basse, ou en tout cas de façon beaucoup moins tonitruante que M. Emmanuelli, du travail de nuit des mineurs : il sait en effet que c'est le gouvernement Jospin qui l'a officialisé en 2001 par une ordonnance, signée par Mme Guigou... Il sait aussi que c'est la majorité, par une loi de 2005, qui a fait qu'on ne peut pas travailler toute la nuit, que le maître d'apprentissage doit être là, et que seules quatre professions sont concernées... Par ailleurs, il faut faire attention à ce qu'on propose dans le but de faire durer le débat : l'opposition a défendu hier un sous-amendement réduisant d'un tiers la protection des femmes enceintes !

Alors, oui, il faut débattre, mais sans contre-vérités, et sans nuire aux droits fondamentaux de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Vidalies - La situation est si grave que le dernier qui gardait son sang-froid, M. le Rapporteur, vient d'exploser en vol ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) S'agissant du travail de nuit, la question est de savoir pourquoi vous l'avez autorisé entre quinze et seize ans ! Vous avez écrit une page noire de notre histoire sociale !

Un excellent article résume ce qu'a fait ce gouvernement depuis l'origine. Intitulé « Le stroboscope législatif », il a été écrit par un professeur d'université, l'un des plus grands spécialistes du droit du travail. Il explique que ce stroboscope émet à intervalles réguliers de brefs éclairs lumineux et que son utilisation mal contrôlée peut provoquer des crises d'épilepsie.

S'agissant du présent projet, on commence par le CNE, destiné aux petites entreprises, puis on passe aux jeunes de moins de 26 ans : demain, cela sera appliqué à tous les salariés. Mais vous n'avez pas le courage de reconnaître que vous souhaitez changer notre contrat social. Le professeur de droit conclut que cette méthode stroboscopique, loin de concerner des réformes de détail et de se résumer à une simple technique publicitaire, a déjà permis la destruction de pans entiers du droit du travail : comme l'appareil, connu pour déclencher des convulsions chez les épileptiques, elle pourrait bien causer de tels mouvements au sein du corps social ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Marc Ayrault - Je souhaite faire un rappel au Règlement sur une question de fond : quel modèle social souhaitons-nous ? Voilà l'enjeu. Je comprends que les membres du Gouvernement hésitent à répondre lorsqu'on les interpelle, car ils ne veulent pas que l'on découvre la vérité. Ils savent que la majorité des Français n'est pas d'accord avec ce modèle social venu d'ailleurs qu'ils veulent lui imposer.

Je veux évoquer également les droits du Parlement, que vous avez, Monsieur le Président, à nouveau défendus lors de vos vœux. À partir du moment où le Gouvernement prend la responsabilité de déclarer l'urgence, sur un texte d'une telle importance, il est normal que l'opposition utilise tous les moyens à sa disposition. Beaucoup de commentateurs semblent l'ignorer, mais ce texte ne reviendra pas en seconde lecture et la majorité UMP écrasante - 364 députés sur 577 -, se mettra d'accord avec celle du Sénat pour imposer cette loi en CMP. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Il y a un décalage énorme entre la réalité sociale du pays et la représentation politique, que je ne remets pas en cause, car elle est issue du suffrage universel.

M. Bernard Accoyer - C'est la démocratie !

M. Jean-Marc Ayrault - Vous devriez pourtant prendre garde à ce décalage. Ne muselez pas l'opposition, qui joue son rôle, quelles que soient les procédures utilisées - urgence ou amendement gouvernemental.

Monsieur le rapporteur, vous avez oublié de dire que lorsque les députés socialistes ont voulu poser des questions au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, celui-ci a quitté la séance. Nous n'avons jamais pu lui faire admettre que, derrière ce projet, se profile une nouvelle organisation de notre ordre social.

En outre, vous vous êtes trompé en affirmant que le CPE était voté : il s'agit seulement d'un amendement, et nous poursuivons l'examen du texte. Afin que nous puissions organiser nos travaux, je vous demanderai, Monsieur le Président, une suspension de séance.

M. le Président - Je l'ai dit publiquement, je souhaitais que l'on travaille sans que le Gouvernement ait recours au 49-3. J'étais naïf car je pensais que je serais soutenu par l'opposition.

M. Pierre Cardo - Mais elle veut le 49-3 !

M. le Président - J'ai le sentiment, après ces deux heures de suspensions de séance, sans que nous ayons pu examiner un seul des amendements, que je suis le seul à avoir cette volonté. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Francis Vercamer - Nous sommes deux !

M. le Président - Je pense désormais que vous souhaitez contraindre le Gouvernement à déposer le 49-3. Vous irez ensuite crier au scandale devant les caméras de télévision.

M. Bernard Accoyer - Monsieur le Président, je voudrais vous remercier de défendre l'exercice normal de la démocratie et m'élever contre les propos de M. Ayrault. La déroute est telle dans son camp qu'il semble avoir perdu son calme : je viens d'entendre ce président d'un groupe parlementaire nier qu'il puisse y avoir une majorité et une opposition. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Brard - Pompier incendiaire !

M. Bernard Accoyer - C'est désarmant, et même choquant. Après les tentatives de déstabilisation que la gauche a essayé d'opérer dans la rue, après les 38 heures de débats, les innombrables incidents de séance, les discours répétitifs tous identiques, l'opposition avoue qu'elle n'admet pas qu'il puisse y avoir une majorité et une minorité. Le parti socialiste, livré à la querelle de ses petits chefs est en train de faire payer à la jeunesse son incurie, en s'opposant de façon stérile au vote d'un texte qui vise à lutter contre le chômage des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Alain Vidalies - Vous devriez être prudent !

M. Jean-Marc Ayrault - Monsieur Accoyer, je ne vais pas me lancer dans une polémique mais vous venez de déformer mes propos. Je ne nie pas le fait que vous êtes la majorité et que vous le resterez jusqu'au terme de cette législature, sauf dissolution. Je vous parle de la réalité politique et sociale du pays, sans remettre en cause votre légitime représentation parlementaire !

Monsieur le Président, vous nous faites un procès d'intention. Il est aberrant que vous nous soupçonniez de vouloir le 49-3 ! Lors de la Conférence des présidents, vous avez, à la demande du Gouvernement, organisé les travaux en décidant que l'Assemblée pourrait siéger jusqu'à dimanche. Nous faisons donc notre travail d'opposant en défendant nos amendements. Si nous avions voulu faire de l'obstruction, nous en aurions déposé davantage, comme nous l'avons fait lors de l'examen du projet de loi portant sur le mode de scrutin régional - texte pour lequel le Gouvernement a eu recours au 49-3 et qui a été censuré par le Conseil constitutionnel. Nous n'avons déposé que 80 amendements sur le CPE, 80 autres portant sur le CNE afin de traiter du fond.

Monsieur Accoyer, vous-même avez pratiqué l'obstruction, et avez assumé. Ne déclariez vous pas en 1998, lors de l'examen du projet de loi sur le Pacs : « L'obstruction de l'opposition, c'est le seul moyen qu'a celle-ci pour aborder les questions de fond que soulève ce texte » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) ? J'ai demandé une suspension de séance, Monsieur le Président.

M. Daniel Paul - Le groupe communiste est également opposé au 49-3, contraire au bon fonctionnement de notre Assemblée. Le Gouvernement a refusé toute concertation avec les jeunes, pourtant tellement concernés par ce texte lourd de conséquences, et avec les partenaires sociaux, alors que le CDI est remis en cause.

L'amendement sur le CPE a été déposé en urgence. Il n'a pas été possible d'en discuter en commission ni, durant trois jours, d'obtenir la moindre réponse sur nos sous-amendements. Le Gouvernement dissimule son objectif, qui est anti-social : il ne souhaite pas se limiter à la remise en cause des droits des moins de 26 ans, mais vise une remise en cause beaucoup plus profonde et sournoise du code du travail.

Bien évidemment, les députés communistes sont opposés à ce texte qui consacre un recul de société, après un siècle de progrès dans le domaine des droits sociaux, grâce aux combats menés par le peuple français. Comme je l'ai dit cette nuit, vous faites la preuve que la politique peut changer les choses, mais vous le faites dans le mauvais sens.

Nous utilisons donc toutes les possibilités qui nous sont données afin d'empêcher que ce texte soit adopté. Un amendement portant article additionnel a été voté cette nuit, mais le texte compte encore beaucoup d'articles tout aussi pernicieux. Monsieur le Président, nous sommes opposés au 49-3...

M. Jean-Pierre Soisson - « Mais nous l'appelons de nos vœux »...

M. Daniel Paul - Nous souhaitons que la discussion se poursuive. Jean-Pierre Brard a défendu une motion de renvoi en commission qui a été repoussée. Ne soyons pas surpris des conditions dans lesquelles se déroule le débat.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 30.

            La Directrice du service
            du compte rendu analytique,

            Catherine MANCY


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