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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du mardi 21 février 2006

Séance de 9 heures 30
62ème jour de séance, 144ème séance

Présidence de M. Yves Bur
Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

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motion de censure

M. le Président – Conformément à l’article 153 du Règlement, j’informe l’Assemblée que M. le Président a reçu le 15 février 2006 à 17 heures 03 une motion de censure déposée par MM. Ayrault, Hollande et Schwartzenberg, par Mme Billard ainsi que 141 membres de l’Assemblée, en application de l’article 49-2 de la Constitution.

La motion de censure a été notifiée au Gouvernement et affichée. La Conférence des présidents a fixé à cet après-midi, après les questions au Gouvernement, la date de la discussion de cette motion de censure.

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Mission temporaire

M. le Président – J’ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m’informant de sa décision de charger M. Yannick Favennec, député de la Mayenne, d’une mission temporaire auprès du ministre de l’agriculture et de la pêche.

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répression des violences au sein du couple (deuxième lecture)

L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice - Ce texte constitue une réponse efficace et indispensable à des comportements insupportables. Je ne reviendrai pas sur les statistiques marquantes, que nous avons encore en mémoire. Je me félicite que ce texte fasse l'objet d'un très large consensus entre les deux assemblées et entre les différentes sensibilités politiques. Des débats particulièrement riches ont permis l’adoption de dispositions justifiées et le travail remarquable du Parlement a abouti à un dispositif cohérent, permettant de mieux lutter contre toutes les formes de violences au sein du couple.

S’agissant des dispositions civiles, le relèvement à 18 ans de l'âge du mariage des femmes, adopté à l'unanimité par chacune des assemblées, est une excellente mesure. L'introduction de la notion de respect en tête des devoirs mutuels des conjoints, énoncés à l'article 212 du code civil, poursuit le même objectif d'égalité entre époux et sera un symbole fort de ce que doivent être les relations au sein du couple.

Suivant les recommandations de la mission parlementaire sur la famille et les droits de l'enfant, vous avez adopté plusieurs mesures – reprises par le Sénat – qui renforcent le dispositif de lutte contre les mariages forcés. Ainsi, la réalité du consentement des futurs époux sera mieux contrôlée, notamment lorsque le mariage est célébré à l'étranger, et le parquet pourra poursuivre la nullité du mariage pour défaut de consentement.

Le délai d'action du procureur de la République a donné lieu à des débats particulièrement importants. En l'état du droit, l'action en annulation du mariage pour vice de consentement ne peut plus être engagée lorsque les époux ont continué à cohabiter plus de six mois après que la violence a cessé. Votre assemblée avait porté à deux ans ce délai, ce qui me paraissait court, en particulier lorsque le mariage a été célébré à l'étranger et que les faits ne sont dénoncés qu'au moment de sa transcription, des années plus tard.

Le Gouvernement a, en outre, engagé une réflexion sur la possibilité de faire du mariage forcé une cause de nullité absolue, compte tenu de l'atteinte à l'ordre public qui est portée. Mais le délai d’action de trente ans qui en découlait paraissait à bien des égards excessif. Le Sénat a donc retenu une solution de compromis, portant ce délai à cinq ans, ce dont je me félicite.

En ce qui concerne les dispositions pénales, les dispositions permettant l'éloignement des conjoints ou concubins violents, issues de la loi du 12 décembre 2005 sur la récidive – figurant à l'origine dans le texte adopté en première lecture par le Sénat – ont été étendues en seconde lecture aux ex-conjoints et concubins et aux pacsés. Votre Assemblée a complété ces dispositions afin, notamment, de faciliter la révocation d'un contrôle judiciaire que ne respecterait pas un conjoint ou un concubin violent.

S'agissant de la répression des violences conjugales, la circonstance aggravante liée à la qualité de la victime a été généralisée et étendue aux ex-conjoints et concubins, ainsi qu'aux pacsés, et s'appliquera notamment en cas de meurtre.

Pour lutter contre la privation des pièces d'identité d'une personne par son conjoint ou son concubin, l'Assemblée nationale a choisi, à juste titre, de créer une exception à l'immunité familiale prohibant les poursuites en cas de vol entre époux plutôt qu’une nouvelle incrimination.

Enfin, votre assemblée a adopté des dispositions, acceptées sans difficultés par le Sénat, permettant de mieux réprimer les mutilations sexuelles, la pédo-pornographie et le tourisme sexuel.

Seules deux questions restent en discussion, et ont fait l'objet d'amendements de votre commission. La première concerne le viol conjugal : faut-il simplement reconnaître qu’il est punissable, en consacrant la jurisprudence de la Cour de cassation, ou faut-il en faire une circonstance aggravante ? La seconde question concerne le recours à la médiation pénale en matière de violences conjugales. Votre commission propose de rétablir l'article 5 bis B, supprimé par le Sénat. Je tiens ici à souligner que la seconde médiation pénale, utilisée avec une extrême prudence par les parquets, peut constituer un instrument efficace de règlement des conflits.

Je voudrais remercier votre commission et son rapporteur, M. Guy Geoffroy, pour leur excellent travail. Cette proposition de loi répond en effet à une indéniable nécessité juridique, et constitue un symbole fort. Je vous demande en conséquence de l’adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Je salue le travail des deux assemblées, qui a permis d’enrichir ce texte. La loi sur la récidive ayant été promulguée le 12 décembre 2005, le Sénat a pu étendre la mesure d'éloignement du conjoint aux pacsés ainsi qu'aux anciens conjoints, concubins et pacsés, ce qui est essentiel car la violence ne s'arrête pas avec la fin de la vie en couple : 31 % des décès surviennent au moment de la rupture ou après celle-ci.

En outre, le Sénat a introduit dans notre droit la notion de respect entre les époux, qui vient s'ajouter à leur devoir mutuel de fidélité, de secours et d'assistance. Cet ajout permettra à l’officier d’état civil de mettre l’accent sur cette valeur fondamentale, ce qui constituera un moyen certain de prévenir les violences.

Le Sénat, en revanche, est revenu sur la mesure d'aggravation en cas de viol et d'agressions sexuelles entre époux, concubins ou pacsés, préférant s'en tenir à la reconnaissance légale de l'existence du viol conjugal. Lors du long débat que nous avons eu ici à ce sujet, nous avons rappelé combien il est paradoxal qu'un mari ivre ayant frappé sa femme encourre les peines prévues pour les violences aggravées, alors que ce n’est pas le cas s'il la viole ! Comme l’a fort justement indiqué votre rapporteur, nous devrons revenir sur cette question.

Enfin, le Sénat a renforcé les mesures visant à lutter contre les mariages forcés, portant à cinq ans le délai de demande de nullité du mariage pour vice de consentement en cas de cohabitation des époux.

Ces avancées me paraissent intéressantes et je souhaite remercier votre commission et son rapporteur pour le travail accompli : grâce à ces enrichissements successifs, notre pays se dotera d'une législation à la mesure de ce fléau. La France, pays des droits de l'Homme, sera ainsi, plus que jamais, fidèle à son message et à sa vocation. Je vous demande de bien vouloir voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des loisNous examinons en seconde lecture des dispositions sur lesquelles, comme l’ont souligné le Garde des Sceaux et Mme la ministre, nous avons beaucoup réfléchi. Je salue l’apport – que le Sénat n’a pas contesté – du travail fort important de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et de la Mission d’information sur la famille et les droits des enfants. Cela nous a permis d’apporter en première lecture des modifications substantielles, qui ont donné à ce texte la dimension que nous souhaitions.

Les travaux du Sénat n’ont que peu modifié ce texte, que notre Assemblée avait substantiellement enrichi en première lecture, exception faite de la proposition de modification de l’article 212 du code civil.

Cet amendement, présenté par M. Badinter, et que la commission vous propose d’adopter en l’état, introduit dans notre législation une dimension nouvelle, en ajoutant à la mention traditionnelle de la fidélité, du secours et de l’assistance que se doivent mutuellement les époux, celle du respect qui doit prévaloir au sein du couple.

La répression des violences conjugales étant indissociable de leur prévention, il importe en effet de rappeler, même symboliquement, que les couples doivent se construire sur des bases saines, qui sont les meilleures garanties contre les dérives ultérieures. En adoptant cette proposition, nous rajeunirons ainsi un article du code civil qui n’avait pas bougé depuis 1804, et qui doit continuer à porter des valeurs que nous jugeons essentielles.

Le Sénat a également souhaité renforcer l’homogénéité de nos propositions en matière de lutte contre les mariages forcés. Je ne peux que vous suggérer, au nom de la commission, d’en rester à ces dispositions, certes nouvelles, mais qui ne révolutionnent pas notre législation.

Restent en suspens deux questions, sur lesquelles j’espère que notre Assemblée suivra la commission, car nous pourrions ainsi aborder la commission mixte paritaire dans le meilleur état d’esprit, et conclure rapidement sur ce texte.

Il s’agit tout d’abord des viols entre époux, dont la jurisprudence de la Cour de cassation a reconnu l’existence. Comme je l’avais souligné en première lecture, il serait paradoxal, voire choquant, que le viol ne puisse être retenu comme circonstance aggravante, contrairement à de nombreuses autres infractions commises au sein du couple, comme le vol ou le meurtre. Sur ce sujet, la commission des lois vous propose d’en revenir au texte que nous avions adopté en première lecture. J’ai déjà informé nos collègues du Sénat de notre intention de maintenir cette disposition dans le texte définitif, et j’ai bon espoir que les travaux de la CMP permettront de reconnaître tout l’intérêt juridique, social, mais aussi politique de notre proposition.

Pour en venir enfin à la médiation pénale, nous avions beaucoup réfléchi en première lecture sur les effets pervers que peut entraîner cette procédure. Qui dit « médiation pénale » dit en effet reconnaissance d’une part de responsabilité par la victime des violences. Nous devons éviter que la victime de tels actes soit amenée à rendre compte de phénomènes qui ont peut-être conduit à mettre en péril le couple, mais qui ne peuvent en aucun cas justifier le recours à la violence ! C’est pourquoi nous avions proposé de limiter le recours à la médiation pénale.

En ne nous suivant pas sur ce point, nos collègues du Sénat ont fait fausse route à mes yeux. La médiation pénale est en effet la solution la moins appropriée en cas de violences au sein du couple, et nous devons, sinon supprimer un tel dispositif, du moins limiter son accès et ses effets autant que possible.

La commission des lois vous propose donc de réintroduire la disposition que nous avions adoptée en première lecture et j’espère que le Gouvernement nous suivra sur ce point. Si jamais nous devions en rester en l’état actuel du droit, le Garde des Sceaux pourrait utilement préciser que le recours à la médiation pénale sera limité à l’avenir à certaines situations où elle permettrait de régler des problèmes sans en créer de nouveaux.

De nos travaux, mes chers collègues, doit résulter un texte nouveau, qui apportera des solutions contre les ravages causés par les violences au sein du couple. Mais nous n’en aurons pas pour autant terminé, car il faudra évaluer les effets de la nouvelle législation et prolonger notre action en faveur des victimes, par voie législative ou réglementaire.

Par ce texte, nous allons renforcer le cadre juridique de la prévention et de la répression des violences au sein du couple, mais il faudra également œuvrer en faveur de l’éducation des personnes, sans laquelle notre travail législatif n’aura que peu d’effets. C’est dans les consciences, et au cœur de notre société, que la situation doit changer.

Grâce au travail de notre assemblée, éclairé par la Délégation aux droits des femmes et la Mission d’information sur la famille, grâce aux propositions du Gouvernement, et enfin grâce au consensus qui prévaut fort heureusement sur ce sujet, nous pouvons espérer voir un jour l’éradication des violences au sein du couple.

Voilà le vœu que je forme en vous demandant d’adopter ce texte, tel qu’il a été amendé par la commission des lois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et du groupe socialiste).

Mme Valérie Pecresse - Nous arrivons à la dernière étape de l'examen d'une proposition de loi sur les violences conjugales, qui avait fait l'unanimité sur nos bancs. Je ne doute pas qu’il en sera de même aujourd’hui, car nul ne peut oublier ce chiffre : une femme sur dix est aujourd’hui victime de violences conjugales dans notre pays.

Consciente des drames vécus par ces femmes, je ne peux que me féliciter du travail parlementaire que nous avons réalisé, au Sénat et dans cet hémicycle, pour renforcer la prévention et la répression des violences au sein du couple. J’en suis d’autant plus heureuse que j’avais été à l’origine d’un amendement, lors du vote de la loi du 26 mai 2004, qui tendait à l’éviction hors du domicile du concubin violent, et non plus seulement du conjoint. Le Garde des Sceaux m’avait demandé de retirer cet amendement, tout en me promettant d’aller plus loin dans ce domaine.

M. le Garde des Sceaux - Nous y voilà !

Mme Valérie Pecresse – Je souhaite également souligner la remarquable complémentarité du travail des deux assemblées. Nos collègues sénateurs de la commission des lois ont ainsi contribué à préciser le dispositif de lutte contre les mariages forcés, que je vous avais présenté, en première lecture, au nom de la Mission d'information sur la famille, dont j'étais le rapporteur.

Il faut le redire, les mariages forcés constituent l'une des pires formes de violence conjugale, alors que la liberté d'aimer et de se marier est un droit fondamental qui doit être affirmé sur le territoire de la République.

Il nous reste néanmoins une question à trancher : devons-nous rappeler explicitement dans la loi que l’exercice de pressions morales ou affectives de la part des parents constitue un cas de nullité du mariage ? Voilà qui ne fait aucun doute pour la rapporteure de la Mission sur la famille que je suis.

Je vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter un nouvel amendement qui vise à faire de la contrainte au mariage, et particulièrement de la crainte dite « révérencielle » envers un ascendant, un cas de nullité du mariage. Nous aurons ainsi un dispositif législatif complet qui garantira enfin la liberté d'aimer de chacun de nos concitoyens.

Avant de conclure, je voudrais saluer l'action volontaire que le Gouvernement mène depuis trois ans pour protéger, soutenir et accompagner les femmes – et les hommes – qui sont victimes de violences. Nous devons en effet les aider moralement et matériellement et répondre ainsi à leurs besoins. Il nous faut mettre en place des structures adéquates pour les accueillir et les héberger, et les suivre psychologiquement. Chacun le sait : au-delà des blessures physiques, qu'il convient bien sûr de soigner, existe très souvent un drame moral, qu'il faut également prendre en considération pour que ces victimes puissent un jour se reconstruire.

Depuis trois ans, le Gouvernement a déjà beaucoup fait, et vous avez proposé en novembre dernier, Madame la ministre, un hébergement des victimes dans des familles d'accueil, ainsi qu’un accompagnement médical au moyen de nouveaux protocoles de prise en charge.

En attendant le bilan de ces premières mesures, qui devra nous permettre d’améliorer leur efficacité, nous tenons à ce que cette proposition de loi soit adoptée. Elle recevra tout le soutien du groupe UMP (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et du groupe socialiste).

Mme Danielle Bousquet - Au-delà des chiffres, notre débat a souligné l’importance méconnue et le caractère universel de la violence envers les femmes dans les couples, qui provient surtout d’un modèle de société où la femme est naturellement en état d’infériorité. C’est parce que tous les milieux sont touchés qu’une approche globale s’imposait – de la prévention à la sanction – comme le souhaitaient les associations. Malheureusement, le Parlement ne leur donne pas satisfaction : ni le Sénat ni l’Assemblée n’ont ouvert de perspectives en matière de prévention, d’éducation des garçons au respect des filles, de soins pour les hommes violents et de formation des personnels. Ce texte répressif et fourre-tout se fonde sur l’aggravation des peines – et comble ainsi, il est vrai, certaines lacunes – mais il manque d’ambition et contient certaines dispositions éloignées de son objectif initial. Il n’a pas donné lieu, comme chez nos voisins, au débat de société que nous espérions, dont la vertu « thérapeutique » aurait pu satisfaire le devoir de pédagogie qui s’impose. Aujourd’hui, les violences contre les femmes ne régressent ni au domicile, ni à l’école, ni dans l’espace public.

Pour autant, ce texte a minima a le mérite d’exister. Les associations attendent que nous les dotions des moyens financiers nécessaires à la poursuite de leur remarquable travail militant, afin d’aider les femmes victimes de violences à se reconstruire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Pierre-Christophe Baguet - Rares sont les sujets dont l’intensité dramatique appelle le Parlement à dépasser les clivages partisans pour adopter une position commune. En matière de violences conjugales, le bon sens et la justice doivent l’emporter.

On n’a pris conscience de la gravité du phénomène que récemment, car peu de victimes portent plainte. En 2000, une première enquête a montré qu’une femme sur dix est victime de violences conjugales. En novembre dernier, une autre a révélé qu’une femme meurt tous les quatre jours des suites de telles violences. Voilà des chiffres qu’il ne faut cesser de répéter. L’ensemble de la société doit se mobiliser pour mettre fin à ces actes barbares.

Le groupe UDF, convaincu depuis longtemps de la nécessité de légiférer en la matière, salue les avancées de ce texte, notamment en matière de lutte contre les mariages forcés. Il faut également, comme le recommande la commission, conserver l’extension de la mesure d’éloignement des auteurs de violence aux anciens conjoints, concubins ou pacsés.

Toutefois, je regrette que nos collègues sénateurs souhaitent maintenir une seconde médiation pénale, et je me félicite que notre commission veuille l’interdire, tant cette procédure, qui aboutit souvent au retrait de la plainte, est inadaptée aux violences conjugales qu’elle contribue à dépénaliser.

Je regrette également la décision que l’Assemblée a prise dans la précipitation en première lecture – et sur laquelle le Sénat n’est pas revenu – de modifier le titre de la loi. Si la lutte contre les violences commises sur les mineurs est une nécessité absolue – le ministre de la famille prépare d’ailleurs un texte important sur ce sujet douloureux – son ajout dilue la force du combat à mener contre les violences conjugales.

D’autre part, Monsieur le Garde des Sceaux, la réflexion sur la dénonciation calomnieuse doit être poursuivie au-delà de la réponse que vous avez donnée au Sénat à Mme Gauthier, qui a déposé un amendement sur ce sujet.

Le groupe UDF, persuadé qu’il faut apporter une réponse globale au problème des violences conjugales, a proposé des mesures de sensibilisation des élèves, de formation des personnels médicaux et paramédicaux, des magistrats et des policiers, de coopération accrue entre les différents acteurs, d’obligation de soins pour les auteurs de violences et de construction d’établissements d’hébergement et de soins pour les victimes. Notre action doit concerner les victimes et les coupables, mais aussi le grand public et les professionnels.

Parce qu’il faut parer au plus pressé, nous pensons que la mesure d’hébergement dans des familles d’accueil est adaptée à la période de nécessaire reconstruction des victimes. D’autre part, il faut renforcer la sanction des auteurs de violences, mais aussi la prévention et le soin : 51 % des femmes qui succombent à de telles violences n’en sont pas victimes pour la première fois et 20 % des hommes violents changent de comportement lorsqu’ils reçoivent des soins. Il faut intervenir très tôt, car la récidive n’est pas une fatalité : tous les hommes sont amendables. Ensuite, les acteurs institutionnels doivent se mobiliser notamment pour améliorer la sensibilisation du public et la réponse judiciaire aux violences. Le volume des contentieux ne doit pas, par exemple, conduire les parquets à rendre la réponse pénale systématique, car chaque dossier cache une souffrance réelle. A ce titre, il faut encourager la diffusion par le ministère de la justice du guide de l’action publique sur la lutte contre les violences au sein du couple. Ses recommandations – protocole de recueil de la plainte, élaboration des procédures et prise en compte de la situation des enfants – doivent être appliquées.

Enfin, la réponse juridique ne suffit pas. Un véritable changement des mentalités s’impose pour mettre fin à ces souffrances. Comment notre pays, dont la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » est inscrite au fronton de tous les édifices publics, peut-il tolérer la violence contre les femmes – l’une des plus grandes offenses que notre époque fait aux droits humains ?

Le texte que nous examinons répond donc à une nécessité politique, mais c’est également un symbole. C’est dans l’intérêt des victimes et de leurs enfants que nous devons mettre en place un arsenal législatif cohérent et efficace. Le groupe UDF votera donc cette proposition de loi.

Mme Janine Jambu - La violence envers les femmes est un véritable fléau social. Une femme sur cinq est victime de violences conjugales, et six femmes en meurent chaque mois. Physique ou psychologique, verbale ou sexuelle, voire économique, cette violence porte toujours atteinte à l’intégrité et à la dignité de la victime. Le législateur doit en considérer tous les aspects, tant de tels comportements sont inacceptables et ne doivent pas être banalisés. Ils se produisent dans tous les milieux, et malgré les idées reçues, il n’y a pas de profil particulier : rien ne prédestine une femme à devenir la victime de son conjoint. De même, il faut protéger l’enfant qui en est le témoin et en souffre autant que la victime.

En deuxième lecture, le Sénat a complété l’article 212 du code civil : les époux se doivent le respect mutuel. Il a également précisé le dispositif de lutte contre les mariages forcés : les règles de délégation ont été modifiées pour faciliter les auditions dans le cas d’un mariage contracté à l’étranger, et les délais de recevabilité des actions en nullité ont été portés à cinq ans. Nous approuvons ces initiatives.

En revanche, nous regrettons la suppression de l’extension aux couples non mariés du dispositif d’éviction du conjoint. Cette contradiction résulte de la mauvaise articulation entre code civil et code pénal. Nous proposerons donc de rétablir ce dispositif.

Le Sénat est revenu à sa position initiale sur le plan pénal, qui est d’incriminer explicitement les agressions sexuelles entre conjoints sans en faire une circonstance aggravante. Les débats nous éclaireront sur le bien-fondé de cette nouvelle qualification. Les sénateurs ont également étendu – et cela va dans le bon sens – les mesures d'éloignement du domicile prévues par la loi du 12 décembre 2005 à l'ex-conjoint, l’ex-concubin ou au partenaire lié ou ayant été lié par un Pacs.

Dans un rapport paru le 8 février, Amnesty International se montre très critique sur la réaction de la France face à ces violences. Cette organisation s’interroge sur la réponse des autorités, sur la « timidité » de la justice, qui prononce des sanctions en deçà des minima légaux et de façon hétérogène sur l'ensemble du territoire, sur la prévention, sur l’insuffisance des capacités d'hébergement et sur la formation des policiers, magistrats ou médecins... Le rapport réclame, à juste titre, un traitement judiciaire rapide et efficace des allégations de violence, un bon accompagnement social, une meilleure coordination, une sensibilisation et une véritable campagne d'information soutenue par l'État. Amnesty insiste sur l'enfer que vivent les victimes qui, après avoir osé briser le silence, font l'objet de « représailles économiques » de la part de leur conjoint et demande que ces femmes, pour lesquelles accéder à la justice est un véritable parcours du combattant, ne se trouvent plus jamais face à l’incompréhension et à l'indifférence.

Avant de punir les violences, il faut les prévenir. Il faut aussi une prise de conscience nationale. Nous tenons donc à rappeler que tout fonctionnaire, officier public ou autorité reconnue se doit de signaler tout délit ou crime porté à sa connaissance. L'État et les collectivités locales doivent mettre sur pied des formations, initiales et continues, pour tous les agents susceptibles d'intervenir en cas de violences faites aux femmes – y compris les mariages forcés – formations qui doivent être assurées par des personnes elles-mêmes dûment formées. L’observatoire départemental créé en Seine-Saint-Denis va dans ce sens. En amont, il faudrait déclarer illégal tout texte ou toute image humiliant ou discriminatoire à l’égard de la femme et permettre aux associations de se porter partie civile contre ces représentations sexistes. Chaque jour des milliers de femmes sont insultées en tant que telles, impunément. Ces propos ou ces images abaissent, agressent, avilissent. Nous refuserons toujours que les femmes soient sous-défendues et sur-insultées.

Nous sommes également particulièrement préoccupés par la question du délit de dénonciation calomnieuse. Lorsque les plaintes pour violences sexuelles ont abouti à un non-lieu, une relaxe ou un acquittement, les victimes poursuivies pour dénonciation calomnieuse par l'auteur des violences sont quasi automatiquement condamnées à des peines de prison avec sursis ou à des amendes : elles sont en effet dans l'impossibilité d'établir leur bonne foi, puisque les violences qu’elles évoquent sont, du fait de la décision de justice antérieure, réputées fausses ! Leur présomption d'innocence est violée si les juges considèrent ce point comme acquis. Il faut donc modifier l’article 226-10 du code pénal.

L'État et les collectivités locales doivent multiplier les structures d'accueil et d'hébergement. Leurs subventions diminuent régulièrement alors qu’elles devraient pouvoir dispenser un accompagnement social adéquat et bénéficier de tous les moyens leur permettant de fonctionner correctement. D'une façon plus globale, toutes les femmes victimes de violences devraient bénéficier, indépendamment de leur position sociale, d'un droit à l'assistance sociale intégrale : information, soutien psychologique et social, suivi des réclamations, encadrement éducatif des enfants, soins médicaux et appui pour l'insertion professionnelle. Elles devraient également être prioritaires dans l'accès au logement, d'où l'importance de réaliser plus de logements sociaux.

Au-delà de ces grands principes, il faut prendre des mesures plus spécifiques. Nous approuvons par exemple l’introduction des dispositions concernant la lutte contre l'excision et les autres mutilations sexuelles, contre l'exploitation sexuelle des enfants et contre le tourisme sexuel.

Cette longue liste n'est pas seulement le signe d'une législation défaillante : c’est surtout un appel sans équivoque à élaborer, à l'instar de nos amis espagnols, une loi-cadre contre toutes les violences faites aux femmes, contre les formes les plus diverses et les plus insidieuses de la violence de genre. C'est seulement ainsi que les violences conjugales en particulier et le sexisme en général deviendront une affaire d'État. Pour terminer, je voudrais rendre hommage à toutes les associations et organisations non gouvernementales dont l’action a abouti à l'examen de ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Chantal Brunel – Chacun ici se félicite des avancées que comporte ce texte ; chacun a conscience de l'importance du drame des violences conjugales, confirmée par le dernier rapport d'Amnesty International. Il y a bien cette statistique terrifiante : tous les quatre jours, un femme meurt sous les coups de son partenaire. Il y a aussi les réseaux de prostitution, les mariages forcés, la polygamie, les excisions. Mais il y a aussi toutes ces femmes humiliées, battues ou psychologiquement abîmées, qui se taisent. Beaucoup se sentent décalées par rapport à la société actuelle et aux clichés de la femme moderne : elles se perçoivent comme anormales, et donc coupables de ce qui leur arrive, parce que plus aucune personne un tant soit peu éduquée ne serait victime de cette violence dans un pays comme la France ! Cela renforce leur isolement. Elles se sentent marginalisées.

Face à cela, l'État doit réagir. Il doit protéger les personnes contre les violences commises par d'autres. L'arsenal répressif est nécessaire, mais il n'est pas suffisant. Il est temps de mettre en œuvre une véritable politique d'information, à l'école, auprès des femmes, qui n'ont souvent pas connaissance de leurs droits ni des moyens mis à leur disposition, et auprès des professionnels – policiers, magistrats, travailleurs sociaux ou médecins. Il faut aussi offrir aux victimes un accompagnement adéquat. Il est sûr que la justice et la police n'ont pas toujours apprécié la gravité des faits de violences conjugales, mais cela n'était que le reflet de la société du passé. On peut espérer une amélioration liée à la parité : les femmes, de plus en plus présentes parmi les policiers, médecins et magistrats, sauront sans doute mieux accueillir et mieux aider les femmes en détresse.

La modification par le Sénat de l'article 212 du code civil est par ailleurs très positive : la notion de respect mutuel entre les époux s'ajoute ainsi aux obligations de fidélité, de secours et d'assistance. Cette notion semblerait aller de soi, mais il est malheureusement nécessaire d’insister sur les valeurs fondamentales de notre société. L’inscrire dans les obligations du mariage, du Pacs et du concubinage est une disposition importante pour la prévention des violences envers les femmes.

Je suis sûre que ce texte permettra à notre pays, patrie des droits de l'homme, d'être également la patrie des droits des femmes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Pemezec – Aujourd’hui, nous nous proposons tout simplement de combattre l'inacceptable : cette proposition de loi comble les carences dont notre pays souffre en matière de violences faites aux femmes, un douloureux problème que connaissent trop de nos concitoyennes. Il est urgent de répondre à cette situation intolérable. La question est d'une grande complexité, car elle recouvre des réalités très différentes. C’est sans doute ce qui explique les insuffisances de notre politique en la matière. Car de quoi parle t-on ? De violences physiques bien sûr, mais dont certaines sont maquillées par l'invocation de la coutume ou de la culture ; de violences au sein du couple aussi, une sphère longtemps sacralisée parce qu’appartenant à la vie privée. Ceci explique certainement pourquoi l’on dispose de si peu d'études et de statistiques. Aujourd’hui encore, il reste difficile d’établir des statistiques fiables en matière de violences conjugales. En effet, loin de crier leur souffrance, les victimes ont tendance à s'isoler et à se replier sur elles-mêmes. Elles sont envahies d'un sentiment de peur, de honte et de culpabilité et préfèrent vivre cette détresse en silence.

La force de ce texte est de couvrir l'ensemble de cette réalité, de compléter intelligemment les dispositions existantes et d'offrir un arsenal répressif à la hauteur de l'ignominie des actes commis. Le relèvement à dix-huit ans de l'âge légal du mariage, l'extension de la circonstance aggravante aux violences commises par le conjoint ou le concubin, le renforcement de la lutte contre les mutilations et l'exploitation sexuelle des mineurs vont dans le bon sens. Mais il nous faudra aller plus loin : il s’agit d’un travail de fond, qui doit viser également la tradition et la culture au sens large. Pour que les choses évoluent vraiment, c'est à nos enfants qu'il faudra s’adresser aussi, en insistant sur la prévention, la sensibilisation et l'éducation. C'est le grand chantier qui nous attend. C’est particulièrement le cas dans les quartiers les plus sensibles où, tous les jours, des jeunes filles et des femmes sont victimes de violence morale, où leurs droits les plus élémentaires peuvent être bafoués au nom de valeurs qui ne sont en réalité que barbarie, où elles sont parfois victimes d’actes inimaginables : tournantes, jeune fille brûlée vive… Il est donc impératif que le volet éducation et prévention soit mis en place le plus tôt possible dans nos écoles.

Il est également nécessaire, et cette proposition de loi y répond en partie, d’élaborer des programmes de formation à l’endroit des professionnels susceptibles d’être confrontés à la violence faite aux femmes : médecins, infirmiers, professeurs, policiers... C'est ainsi que nous progresserons dans le dépistage.

Enfin, il conviendrait d’améliorer l’accompagnement des victimes de violences, en particulier par la généralisation de structures d’hébergement spécifiques dans tous les départements. Il faudra aussi se donner les moyens de poursuivre au-delà de l’urgence le travail formidable accompli par les services sociaux.

C’est en tout cas l’honneur de la France de rattraper son retard et d’adopter cette législation qui lui fait faire un gigantesque progrès, en offrant aux femmes l’un des cadres juridiques les plus avancés des pays développés. (Applaudissements sur les bancs du groupe bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

La discussion générale est close.

M. le Président – J’appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pu parvenir à un texte identique.

Article premier ba et premier c

Les articles premier BA et premier C, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Article premier D

Mme Valérie Pecresse - Mon amendement 11 vise à tenir compte des remarques faites par nos collègues sénateurs, s’agissant de l’inscription dans le code civil, conformément aux conclusions de la Mission sur la famille dont le rapport a été adopté à l’unanimité, du fait que « l’exercice d’une contrainte sur les époux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité de mariage ». On sait en effet que la frontière est ténue entre le mariage arrangé et le mariage forcé – la différence étant évidemment l’existence ou non du consentement libre de l’intéressé. Nous souhaitons que cette disposition soit introduite à titre pédagogique ; c’est le corollaire de l’absence de mesures pénales spécifiques pour réprimer les mariages forcés – afin de ne pas culpabiliser les jeunes époux.

Mme Danielle Bousquet - Notre amendement 12 est identique. Nous souhaitons que la pression exercée par les parents soit un cas exprès de nullité, tout en évitant la pénalisation.

M. le Rapporteur – Nous avions adopté en première lecture un amendement qui avait le même objet, mais qui était rattaché à l’article 114 du code civil, ce qui a conduit nos collègues sénateurs à le supprimer. Il est important de conserver l’idée : la commission est donc favorable à ces amendements qui l’introduisent à l’article 180 du code civil, ce qui répond aux objections légitimes des sénateurs.

M. le Garde des Sceaux  On peut comprendre le souci pédagogique des auteurs de ces amendements. Toutefois, la nullité du mariage forcé se déduit non seulement de l’article 146, mais aussi de l’article 180 lui-même, selon lequel le mariage peut être attaqué par les époux ou par le ministère public. S’agissant de la crainte révérencielle, selon le rapport de la Mission d’information sur la famille, les dispositions de l’article 1114 du code civil empêcheraient l’annulation des mariages contractés sous la pression morale des parents. Or, la jurisprudence a toujours admis que les violences ou les pressions morales, sous quelque forme que ce soit, constituent une contrainte, et donc un vice du consentement.

Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

M. Pierre-Christophe Baguet - Je soutiens au nom du groupe UDF ces amendements présentés par le président de la Mission sur la famille, M. Bloche, et par sa rapporteure, Mme Pecresse, qui reprennent un point sur lequel nous avions été unanimes.

Mme Valérie Pecresse - Monsieur le Garde des Sceaux, l’idée de la mission sur la famille n’était pas d’influencer la jurisprudence, mais de faire œuvre de pédagogie.

Les amendements 11 et 12, mis aux voix, sont adoptés.
L'article premier D ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

Article premier e

L'article premier E, mis aux voix, est adopté.

après l'Article premier f

Mme Janine Jambu - Notre amendement 4, que nous défendons à nouveau, tend à préciser que l’enseignement d’éducation civique comporte une formation au respect de l’égalité entre les hommes et les femmes et une sensibilisation au respect mutuel qu’ils se doivent. Les garçons, et quelquefois les filles, sont en effet enfermés dans des représentations stéréotypés de leur rôle, dans une société qui reste globalement machiste. Je ne reviens pas sur les commentaires sexistes qui ont suivi l’annonce de la candidature possible de Ségolène Royal à la Présidence de la République, ni sur les propos déplacés de M. François Goulard sur la nomination de femmes au sein des instances de direction de la recherche française…

M. le Rapporteur – Cet amendement avait été repoussé en première lecture en raison de son caractère réglementaire. Je renouvelle pour ce motif l’avis défavorable de la commission, tout en demandant au Gouvernement de faire le nécessaire.

Mme la Ministre déléguée – Il est évidemment indispensable que la place de la femme dans la société soit reconnue par tous et que certains propos puissent être sanctionnés. Mais cet amendement relève en effet du domaine réglementaire. En outre, l’article 121-1 du code de l’éducation dispose déjà que l’une des missions de l’école est la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et le respect des droits de la personne. Il convient donc avant tout d’appliquer les textes existants. C’est la raison pour laquelle nous finalisons une convention sur l’égalité entre les filles et les garçons avec six ministères, qui vaudra pour les cinq prochaines années et devrait être signée dans la première quinzaine du mois de mars. Par ailleurs, nous venons de sortir un document sur l’éducation à la sexualité, que je vais vous remettre.

Avis défavorable à l’amendement, donc, même si nous nous activons pour faire avancer les choses.

M. Pierre-Christophe Baguet - Nous avions déposé un amendement identique en première lecture. Nous attendons avec impatience la signature de la première convention et nous serons très attentifs à son application réelle.

L'amendement 4, mis aux voix, n'est pas adopté.

Art. 4

Mme Janine Jambu – Je voudrais revenir sur le délit de dénonciation calomnieuse. Au Sénat, le rapporteur et le ministre avaient affirmé que les interrogations formulées reposaient sur un malentendu. Les victimes de violences sont supposées prouver leur bonne foi, mais on leur interdit d’évoquer des violences réputées fausses par une décision de justice antérieure. Ces nombreuses victimes, traumatisées et humiliées, saisissent la justice pour que l’atteinte à leurs droits fondamentaux soit reconnue. Malgré la réalité de ces violences, elles sont pourtant condamnées presque automatiquement. Les associations les connaissent : Mme K., condamnée à trois mois de prison avec sursis et à verser 15 000 euros à l’homme qui l’a violée et harcelée ; Mme M., condamnée à verser 6 000 euros à l’homme qui l’a agressée et harcelée sexuellement ; Mme D., condamnée à verser un euro de dommages et intérêts à l’homme qui l’a agressée.

La justice sortira renforcée si la condamnation pour dénonciation calomnieuse implique, pour les magistrats, la reprise intégrale du dossier pénal et la motivation de leur décision à la lumière de toutes les pièces. Outre que ceux-ci trouveront alors suffisamment d’éléments pour relaxer la personne poursuivie, cette procédure permettra d’éviter les plaintes abusives des agresseurs qui instrumentalisent la justice pour poursuivre leurs actes. Bien que la réflexion de M. le rapporteur m’ait beaucoup éclairée, je souhaiterais avoir des précisions.

M. le Rapporteur – L’amendement 1 vise à réintroduire une disposition importante supprimée par le Sénat : la circonstance aggravante qu’est le viol entre époux.

M. Pierre-Christophe Baguet - Très bien.

Mme la Ministre déléguée – Une violence sexuelle est une violence. Nous savons que des femmes sont parfois violées par leur compagnon. Celles-ci sont d’autant plus impuissantes à réagir que ces faits sont commis par un agresseur protégé par l’intimité de la cellule familiale. Or, la famille ne saurait évidemment impliquer je ne sais quel droit à la violence pas plus que le lien contracté volontairement entre un homme et une femme ne saurait porter atteinte au consentement et au droit des femmes. Même si des problèmes juridiques se poseront éventuellement quant à l’apport de la preuve, je suis favorable à cet amendement.

M. Pierre-Christophe Baguet - Très bien.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté et l’article 4 est ainsi rédigé.

ART. 5

M. le Rapporteur – L’article 5 concerne l’éloignement du conjoint violent. Nos collègues sénateurs ont craint que les dispositions de la loi relative à la récidive ne privent de sa substance cette proposition de loi. Nous les avons rassurés quant à nos intentions en première lecture. Nous avons alors enrichi cet article 5, tout comme les sénateurs, qui ont souhaité inclure dans cette disposition l’ex-conjoint, l’ex-concubin, l’ex-pacsé. L’amendement 2 vise à clarifier la rédaction de l’article en différenciant l’éloignement du conjoint, du concubin ou du pacsé violent du domicile conjugal et celui des « ex », éloignés non plus du domicile conjugal mais du « domicile de la victime ».

Mme la Ministre déléguée – Avis favorable. Je rappelle d’ailleurs que 31 % des violences conjugales ont lieu pendant ou après la rupture. Il importait donc d’adapter le texte à ces situations.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – A l’unanimité.

L'article 5 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 5 bis

M. le Rapporteur – L’amendement 3 vise à rétablir la disposition votée par l'Assemblée nationale selon laquelle, en cas d’échec de la médiation pénale dans le cadre de violences conjugales, il ne pourra en être proposé une seconde pour des faits de même nature. J’ai eu l’occasion de dire en première lecture que l’argument selon lequel un nouveau recours à la médiation pénale serait « mieux que rien » pouvait se révéler « pire que tout ». La médiation pénale doit être en l’occurrence utilisée avec infiniment de précautions. Nous sommes résolument déterminés à ne pas transformer les victimes de violences en responsables implicites.

Mme Janine Jambu – L’amendement 10 est identique.

M. le Garde des Sceaux  Formellement, cette question relève du règlement plutôt que de la loi mais il s’agit surtout de savoir si l’on modifie le champ d’intervention du Parquet, ce qu’en tant que Garde des Sceaux je ne saurais accepter. Je vous prie donc de bien vouloir retirer cet amendement.

Mme Valérie Pecresse – Je suis sensible aux arguments de M. le Garde des Sceaux. Le renouvellement d’une médiation pénale peut être vécu par la victime comme un refus de la justice de juger son litige mais cette mesure peut être souhaitable dans certains cas. Seul le procureur peut en juger. La bonne solution consisterait à ce que le Garde des Sceaux s’engage, par circulaire, à recommander au procureur une médiation unique dans les cas de violences conjugales habituelles.

M. le Garde des Sceaux  Bien évidemment, je m’y engage !

M. Pierre-Christophe Baguet – Le principe de la médiation est d’inviter les deux parties à faire un pas l’une vers l’autre dans une recherche d’apaisement. Dans le cas de violences conjugales, cette solution, très utile en d’autres circonstances comme le divorce, est inappropriée : les torts ne sont pas ici partagés, il y a une victime et un agresseur. J’invite le rapporteur à maintenir cet amendement ; à défaut je le reprendrai au nom du groupe UDF. Comme Mme la ministre l’a si bien expliqué, une violence est une violence et doit être jugée comme telle. Alors que nos tribunaux sont surchargés, les procureurs pourraient être tentés de recourir largement à la médiation pour traiter les affaires de violences conjugales. Je partage donc les propos du rapporteur.

Mme Janine Jambu – Je retire l’amendement 10.

Mme Valérie Pecresse – La position du groupe UDF me semble quelque peu contradictoire : si la médiation pénale est nocive dans tous les cas de violences conjugales, pourquoi ne pas la supprimer plutôt que d’interdire au procureur d’y recourir une nouvelle fois ?

M. le Garde des Sceaux  Mme Pecresse vient d’illustrer brillamment la différence entre la loi, d’ordre général, et le règlement, qui s’intéresse au particulier ! Cet amendement vise des cas particuliers, il relève donc du règlement.

M. Pierre-Christophe Baguet – Madame Pecresse, je m’étonne que vous polémiquiez sur un tel sujet. Notre position est claire : la médiation est nécessaire dans un premier temps mais elle ne doit pas être reconduite lorsqu’elle a échoué car cela revient à différer l’examen de situations dramatiques. Donc, une médiation oui, mais pas deux !

M. le Rapporteur – D’un point de vue juridique, l’analyse de M. le Garde des Sceaux est parfaitement fondée. Toutefois, il me semble utile de maintenir cet amendement afin de purger cette mauvaise querelle en CMP et de ne pas donner un mauvais signal aux victimes. Pour l’heure, nous n’avons pas su trancher entre le tout ou rien. Pour les sénateurs, il ne convient pas de supprimer la médiation pénale, mesure qui peut se révéler efficace en matière de violences conjugales. Pour nous, un recours illimité à la médiation serait contraire à l’intérêt de la victime de violences conjugales. La médiation ne doit être utilisée qu’une seule fois. Son échec prouve au procureur qu’il a bien affaire à des violences conjugales, ce qui, contrairement à ce que soutiennent nombre d’associations, n’est pas forcément perceptible immédiatement. Tel est le but de cet amendement adopté par la commission à l’initiative des membres de la Délégation des droits des femmes. En CMP, fort de la richesse des interventions du Garde des Sceaux et de Mme Pecresse ainsi que de la sagesse des députés communistes, nous parviendrons à une solution plus avantageuse pour les victimes, que le Garde des Sceaux pourra ensuite traduire dans le cadre réglementaire. Le recours à la médiation pénale en cas de violences conjugales avérées est la pire des solutions. Je maintiens donc l’amendement 3.

M. le Garde des Sceaux  Le pouvoir d’appréciation du parquet ne peut être limité par la loi ! Cet amendement n’ayant pas été retiré par le rapporteur, je suis contraint d’émettre un avis très défavorable.

Mme Danielle Bousquet - Nous soutiendrons cet amendement 3 car nous sommes opposés, par principe, à la médiation en cas de violences au sein du couple. Son usage ne s’impose que lorsque le procureur n’est pas certain d’être en présence de telles violences, comme l’a montré le rapporteur.

L'amendement 3, mis aux voix, n'est pas adopté.
L’article 5 bis B, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 5 bis

Mme Janine Jambu - C’est à l’initiative du groupe communiste que la disposition visant à autoriser le juge civil à statuer sur la résidence séparée des concubins en cas de violences au sein du couple avait été adoptée en première lecture. Celle-ci a été supprimée par le Sénat au motif que l’article 220-1 du code civil s’applique préalablement à une requête en divorce ou en séparation de corps et qu’il n’est donc pas transposable au concubin. En outre, la notion de domicile conjugal n’existe pas en droit civil pour les couples non mariés, le dispositif de co-titularité du bail étant réservé aux époux. Malgré cela, les femmes victimes manquent toujours de lieux d’accueil. Quoi qu’il en soit, il nous semble injuste d’orienter une politique de prévention uniquement dans cette direction. Pourquoi la victime devrait-elle quitter son foyer pour un lieu d’hébergement incertain qui renforcera son sentiment d’isolement et de détresse ? C’est l’agresseur qui doit partir ! Si c’était plus souvent le cas, les femmes porteraient sans doute plainte plus tôt et ne vivraient pas aussi longtemps dans la terreur et la culpabilité. Éloigner l’agresseur du domicile, c’est inverser le rapport de force ! Certes, le code de procédure pénale permet déjà d’imposer à l’intéressé de ne pas se rendre en certains lieux et de s’abstenir de rencontrer certaines personnes mais en pratique, l’absence de la mention selon laquelle cette interdiction peut s’appliquer à la personne qui a, a priori, vocation à occuper le logement parce qu’elle en est le propriétaire ou le locataire en titre, peut entraîner des hésitations sur la possibilité de prononcer une telle interdiction. Il faut donc y mettre un terme en permettant au juge de prononcer plus systématiquement l’éloignement du domicile conjugal. Tel est le sens de l’amendement 9.

M. le Rapporteur – Avis défavorable pour la simple raison que vous faites référence aux dispositions de l’article 220-1 relatives à une requête en divorce ou en séparation de corps de personnes mariées : elles ne sont pas transposables aux concubins.

M. le Garde des Sceaux  Avis également défavorable. Vouloir étendre aux couples non mariés les dispositions de l’article 220-1 du code civil part d’un bon sentiment. Toutefois, cela est juridiquement impossible puisqu’il n’y a ni domicile conjugal ni procédure de divorce pour les concubins et les partenaires d’un Pacs. Autrement dit, le juge aux affaires familiales ne peut s’affranchir des règles de droit commun qui s’appliquent au logement occupé par un couple non marié et décider l’attribution dudit logement à la victime de violences. L’expulsion du conjoint violent du domicile familial est une mesure provisoire, déclarée caduque si aucune procédure de divorce n’est engagée dans les quatre mois. Dans le cas de couples non mariés, cela reviendrait à une expulsion à durée indéterminée et sans indemnité, ce qui n’est pas possible. Par ailleurs, si le concubin violent, seul titulaire du bail, est expulsé, qui paiera le loyer ? La solidarité des dettes contractées pour les besoins de la vie courante ne peut être invoquée pour les concubins, contrairement aux époux. Si le concubin violent est seul propriétaire du logement, combien de temps sera-t-il dépourvu de son bien, et qui paiera les échéances du crédit ? Pour les couples mariés, ces questions seront réglées au moment de la liquidation des intérêts patrimoniaux. Le divorce et le régime matrimonial n’existant pas entre personnes non mariées, personne ne peut dire comment un tel article pourrait être appliqué.

La dissolution du lien matrimonial donnant lieu à une procédure judiciaire civile, la réforme du divorce a instauré un dispositif civil d’expulsion du conjoint violent. Mais pour les couples pouvant mettre fin à leur union sans le contrôle du juge, l’instauration d’une procédure civile est inadaptée et inefficace sur le plan juridique.

L'amendement 9, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Janine Jambu - L’amendement 5 vise à renforcer la formation des acteurs concernés par les violences au sein du couple : personnel médical, travailleurs sociaux, magistrats et services de police. Il nous semble qu’il existe dans ce texte un vide, qu’il conviendrait de combler.

M. le Rapporteur – La commission a rejeté en première lecture un amendement semblable, appartenant au domaine réglementaire. Avis défavorable.

M. le Garde des Sceaux – Même avis.

L'amendement 5, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Janine Jambu - L’amendement 6 vise à instaurer un plan national, destiné à coordonner les initiatives locales. Pour exemple, le conseil général du Val-de-Marne a créé un observatoire de l’égalité et de la lutte contre les violences faites aux femmes, il accorde d’importantes subventions aux associations concernées et a impulsé une grande campagne d’information. De son côté, le tribunal d’instance de Créteil a créé une unité de consultation médico-judiciaire. Un travail a en outre été engagé avec l’ordre des médecins sur la question du secret professionnel.

Afin de prévenir le phénomène des violences faites aux femmes, il est essentiel de mettre en œuvre des politiques globales, en concertation avec l’ensemble des acteurs. En première lecture, Mme Ameline, alors ministre de la parité et de l’égalité professionnelle, nous avait assurés de l’engagement du Gouvernement, au travers d’un plan de lutte contre les violences, présenté au conseil des ministres du 24 novembre 2004. Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Le plan que nous proposons par cet amendement obligerait le Gouvernement à s’engager concrètement et dans la durée, sur l’ensemble du territoire.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé en première lecture un amendement semblable. S’il procède d’une idée généreuse, il constitue une injonction au Gouvernement. Par ailleurs, le texte adopté en termes identiques lors des lectures précédentes répond au souci exprimé dans cet amendement.

Mme la Ministre déléguée - La France a effectivement mis en œuvre en novembre 2004 un plan pluriannuel pour la période 2005-2008. Je vous ai fait part, en première lecture, d’un certain nombre d’actions : mise en place d’un référent « violences /hébergement» dans chaque préfecture, protocole d’action contre les violences dans 19 départements, campagne de communication grand public, répression des propos sexistes et homophobes par la loi du 30 décembre 2004, augmentation de 20 % des subventions accordées aux associations de lutte contre les violences faites aux femmes en 2005.

Depuis, nous avons mis en place de nouveaux dispositifs en matière d’hébergement et recensé les places disponibles dans les centres d’hébergement et de réadaptation sociale. J’ai confié à l’IGAS une mission en ce sens et mes services sont en train d’analyser la faisabilité de ses propositions.

Nous inaugurerons au mois de mars, dans la Drôme et dans l’Ardèche, le dispositif d’accueil dans les familles. En outre, nous avons mis en place avec Xavier Bertrand des réseaux professionnels de santé pour améliorer les parcours de soins des victimes : les expérimentations se poursuivront au printemps à Créteil, Nantes et Clermont-Ferrand. Enfin, les partenaires sociaux ont accepté, dans le cadre de la nouvelle convention UNEDIC, de permettre aux femmes victimes de violences, contraintes de déménager, de bénéficier du chômage involontaire.

S’agissant de la prévention et de la prise en charge des hommes violents, j’ai confié une mission au docteur Coutenceau ; il me remettra ses propositions lors de la prochaine réunion de la commission nationale de lutte contre les violences, le 21 mars. Par ailleurs, nous avons mis en place un partenariat avec l’Éducation nationale et nous lancerons une nouvelle campagne d’information durant le second semestre.

C’est la conjugaison de ces actions, menées tant par les associations que par les pouvoirs publics, État et collectivités locales, qui permet des avancées concrètes. Je ne vois donc pas l’intérêt d’un plan supplémentaire, par ailleurs du domaine réglementaire. Avis défavorable.

L'amendement 6, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Janine Jambu - Chaque année, lors du 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences, des chiffres scandaleux révèlent l’ampleur du machisme et chaque année, le Gouvernement annonce des mesures supplémentaires pour sanctionner les auteurs d’agressions conjugales.

Considérant que ce fléau mérite une politique volontariste de lutte contre toutes les formes de violence, nous nous félicitons d’avoir été entendus sur certains points. Mais nous regrettons l’aspect uniquement répressif de cette proposition de loi : il aurait été nécessaire de mieux réfléchir à la prévention, au travers de la promotion d’une éducation non sexiste dès la maternelle, de mesures d’accompagnement et de la formation des professionnels.

Pourtant, l’enrichissement de ce texte au cours des débats nous rend optimistes et nous laisse espérer qu’une loi-cadre pourrait être votée avant la fin de cette législature. Tel est le sens de l’amendement 8.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé, tout comme en première lecture, cet amendement, dans la mesure où les dispositions contenues dans ce texte permettent d’avancer dans la direction souhaitée.

Avec l’accord du Gouvernement, nous avons adopté l’article 5 bis, qui dispose que le Gouvernement présentera aux assemblées un rapport bisannuel sur la politique de lutte contre les violences, présentant les mesures prises en faveur des victimes et les mesures d’accompagnement des auteurs.

Cette proposition de loi constitue un premier pas, plus important que ses auteurs ne l’avaient pensé initialement. Elle appelle une évaluation, qui fera l’objet du premier rapport. C’est alors que nous trouverons les moyens de la faire évoluer, de manière pragmatique. C’est la raison pour laquelle, tout en partageant votre souci, nous avons émis un avis défavorable.

Mme la Ministre déléguée - Je remercie Mme Jambu de constater que ce texte a été considérablement enrichi par le Parlement et par le travail interministériel, notamment en ce qui concerne la notion de respect entre époux, le relèvement de l’âge nubile ou la question des circonstances aggravantes. En parallèle, notre plan d’action permet de faire avancer cette lutte – nous sommes là dans le domaine réglementaire. Avis défavorable.

L'amendement 8, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 5 quater, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 5 quinquies

Mme Janine Jambu – L’amendement 7 tend à donner aux victimes les moyens de faire face aux séquelles physiques, sociales et psychologiques provoquées par les violences au sein du couple. Selon un rapport de février 2001, de tels actes ont en effet des incidences majeures sur la santé, en raison des coups reçus mais aussi de l’état de peur et d’angoisse entretenu par le conjoint, qui sont à l’origine de troubles très variés. Il en résulte, d’après l’OMS, une perte d’une à quatre années de vie en bonne santé.

En matière de traumatologie, de pathologies chroniques, de psychiatrie, de gynécologie, d’obstétrique ou de pédiatrie, les conséquences de ces violences nécessitent des soins qui ne sauraient être pris en charge par la seule victime. J’ajoute que la mise sous condition de l’aide juridictionnelle constitue un frein à l’assistance juridique des victimes.

À l’instar d’autres pays européens, nous devrions offrir une indemnisation aux victimes de violences au sein du couple, à l’image des dispositifs existant en matière d’attentats, d’accidents de la route ou de chasse.

M. le Rapporteur – La commission avait repoussé un amendement identique en première lecture, et n’a pas changé de position. La longue liste proposée nous semble en effet disparate, et risque d’exclure bien des éléments qu’il faudrait pourtant prendre en considération.

Par ailleurs, des indemnisations sont déjà prévues sur le plan pénal, notamment pour les violences ayant entraîné une incapacité de travail permanente ou supérieure à un mois.

M. le Garde des Sceaux - Même avis.

L'amendement 7, mis aux voix, n'est pas adopté.

explications de vote

Mme Danielle Bousquet - Cette proposition de loi nous a permis de débattre des violences commises au sein du couple – et je précise que ce terme est préférable à celui de « violences conjugales », car il recouvre d’autres hypothèses que le couple marié. Ce sujet douloureux, qui fait parfois l’objet de plaisanteries douteuses, a été pris au sérieux par le Parlement, et je ne peux que m’en féliciter.

Cela étant, l’approche retenue nous semble réductrice, la prévention étant totalement absente du texte. Si de nombreuses raisons ont été avancées pour justifier ce silence, aucune ne m’a convaincu : c’est à la loi d’en faire mention.

Ce texte a toutefois le mérite de reconnaître l’existence de viols entre époux et de constituer un premier pas. Nous le voterons donc, mais nous comptons sur vous, Madame la ministre, pour aller plus loin en lançant des campagnes nationales sur ce thème, et en donnant aux associations les moyens dont elles manquent cruellement en matière d’insertion professionnelle et de logement.

Pour en venir enfin aux « familles d’accueil » que vous évoquiez, Madame la ministre, il serait bon de mener une évaluation de ce dispositif le plus rapidement possible (Signes d’approbation de Mme la ministre déléguée ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Janine Jambu – Je voudrais vous faire part de ma satisfaction devant la richesse de nos débats. Ce texte a en effet été amélioré par de nombreuses dispositions, qui permettent de prendre en compte de façon plus complète les violences conjugales, comme les mariages forcés, les excisions et les autres mutilations sexuelles, l’exploitation des enfants ou encore le tourisme sexuel.

En revanche, je regrette le rejet de nos amendements, pour le motif qu’ils relèveraient du domaine réglementaire ou qu’ils renverraient à des dispositions déjà en vigueur. Nos propositions d’indemnisation et de sensibilisation ne sont pourtant que le reflet des revendications des associations féministes et de protection des droits de l’homme. Si j’ai bien entendu vos arguments, je demeure persuadée qu’il nous faudra organiser un véritable débat de société sur toutes les formes de sexisme, de violences et de discriminations contre les femmes.

Enfin, il me semble que seule une loi cadre et une programmation de moyens pérennes permettront de mener une politique volontariste et efficace. Dans l’attente de cette prochaine étape, nous voterons toutefois le texte qui nous est proposé.

M. Pierre-Christophe Baguet - Face à un phénomène aussi grave et répandu, nous avons besoin d’une attaque frontale et d’un projet global.

S’agissant du premier point, ce texte contient de nombreux éléments satisfaisants, comme l’éloignement du domicile de l’auteur des violences ou la lutte contre les mariages forcés. En revanche, nous manquons encore d’un projet global, et nous ne pouvons que compter sur vos efforts à venir, Madame la ministre, pour former les personnels concernés, pour sensibiliser les enfants dès le plus jeune âge, pour protéger les victimes, leur offrir les moyens de se reconstruire à l’abri du conjoint violent, leur donner les soins dont elles ont besoin et pour réparer leur préjudice.

La possibilité de recours à la médiation pénale m’inquiète également, et j’espère que la commission mixte paritaire sera l’occasion d’un débat sur ce sujet, même si j’ai été attentif aux arguments que vous avez développés, Monsieur le Garde des Sceaux. En effet, il ne faudrait pas qu’une médiation conduise à une deuxième pénalisation des victimes, en les fragilisant et les affaiblissant encore plus.

Il me semble enfin que nous devrons poursuivre notre réflexion sur la modification de l’article 226-10 du code pénal, relatif à la dénonciation calomnieuse.

Il n’en reste pas moins que ce texte me semble globalement satisfaisant. Parce qu’il était très attendu, il faut désormais qu’il soit rapidement voté et que les décrets d’application soient pris le plus vite possible. Pour conclure sur une note optimiste, souhaitons que le respect, qui va être introduit dans l’article 212 du code civil, ne vaille pas seulement pour les heureux candidats au mariage, mais aussi pour tous les hommes et toutes les femmes, dans notre pays et partout dans le monde.

Mme Valérie Pecresse - Je me félicite des positions adoptées par tous les groupes de notre assemblée. L’unanimité me semble d’autant plus importante sur un tel sujet de société qu’elle renforce le sentiment d’une véritable cohésion sociale derrière la cause des femmes.

Ce texte nous semble bon, car il a le mérite de lever un tabou : celui des violences dans la sphère privée. J’ajoute que nous allons adopter une législation moderne, fondée sur le respect et non pas seulement sur la pénalisation.

Contrairement à ce qui vient d’être dit, je crois en revanche nécessaire que nous respections plus scrupuleusement le domaine de la loi, qui doit être la plus simple et la plus courte possible, et qui ne doit pas empiéter sur l’action relevant des différents ministères. C’est un point difficile, mais auquel la juriste que je suis est très attachée.

Enfin, je voudrais marquer toute ma satisfaction devant la politique menée par le Gouvernement en faveur des femmes, qu’il s’agisse de la prévention des mariages forcés, qui a été l’objet de la Mission sur la famille et sur lequel la Délégation aux droits des femmes s’est également penchée, du texte sur l’égalité salariale qui a permis d’introduire par la voie d’amendements le principe de la parité dans le monde du travail, de la loi contre les discriminations que nous avons votée et qui vise notamment les violences sexistes, ou encore du congé maternité raccourci, proposé par Philippe Bas dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et qui permettra de mieux concilier vie professionnelle et famille.

Ce texte complète donc l’action globale que mène le Gouvernement en faveur des femmes et d’une société plus équilibrée et, naturellement, le groupe UMP le votera.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – À l’unanimité.

Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures.
La séance est levée à 11 heures 45.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

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ordre du jour

L’ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 21 février 2006 au jeudi 9 mars 2006 inclus a été ainsi fixé :

MARDI 21 FÉVRIER

matin (9 h 30) :

- Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs (nos 2809-2851).

(Séance d'initiative parlementaire)

après-midi (15 heures) :

- Questions au Gouvernement ;

- Discussion et vote sur la motion de censure, déposée en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution par MM. Jean-Marc AYRAULT, François HOLLANDE, Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, Mme Martine BILLARD et 141 membres de l'Assemblée.

soir (21 heures) :

- Discussion du projet de loi portant réforme des successions et des libéralités (nos 2427-2850).

MERCREDI 22 FÉVRIER

après-midi (15 heures) :

- Questions au Gouvernement ;

- Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes ;

- Suite de la discussion du projet de loi portant réforme des successions et des libéralités (nos 2427-2850).

soir (21 h 30) :

- Suite de la discussion du projet de loi portant réforme des successions et des libéralités (nos 2427-2850).

JEUDI 23 FÉVRIER

matin (9 h 30) :

- Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la révision de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales (nos 2803-2849) ;

- Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (nos 2174-2810) ;

- Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole portant modification de la convention relative aux transports internationaux ferroviaires du 9 mai 1980 (ensemble une annexe) (nos 2561-2811) ;

- Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (nos 2376-2847) ;

- Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'Acte de Genève de l'arrangement de La Haye concernant l'enregistrement international des dessins et modèles industriels (nos 2560-2848) ;

- Projet de loi autorisant l'approbation du protocole n° 14 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, amendant le système de contrôle de la convention (no 2788) ;

(Ces six derniers textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en application de l'article 107)

- Discussion de la proposition de loi relative à la réalisation de l'autoroute A 89 entre Lyon et Balbigny (nos 2845-2864) ;

- Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative aux obtentions végétales (no 2869) ;

(Ces deux derniers textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en application de l'article 106)

- Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes (no 2806) ;

- Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif au retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux (no 2834) ;

- Suite de la discussion du projet de loi portant réforme des successions et des libéralités (nos 2427-2850).

après-midi (15 heures) :

- Suite de la discussion du projet de loi portant réforme des successions et des libéralités (nos 2427-2850).

soir (21 h 30) :

- Suite de la discussion du projet de loi portant réforme des successions et des libéralités (nos 2427-2850).

MARDI 28 FÉVRIER

matin (9 h 30) :

- Questions orales sans débat.

après-midi (15 heures) :

- Questions au Gouvernement ;

- Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, de programme pour la recherche (nos 2784-2837).

soir (21 h 30) :

- Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, de programme pour la recherche (nos 2784-2837).

MERCREDI 1er MARS

après-midi (15 heures) :

- Questions au Gouvernement ;

- Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, de programme pour la recherche (nos 2784-2837).

soir (21 h 30) :

- Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, de programme pour la recherche (nos 2784-2837).

JEUDI 2 MARS

matin (9 h 30) :

- Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, de programme pour la recherche (nos 2784-2837).

après-midi (15 heures) :

- Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, de programme pour la recherche (nos 2784-2837).

soir (21 h 30) :

- Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, de programme pour la recherche (nos 2784-2837).

LUNDI 6 MARS

soir (21 h 30) :

- Sous réserve de sa transmission par le Sénat, discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux offres publiques d'acquisition.

MARDI 7 MARS

matin (9 h 30) :

- Questions orales sans débat.

après-midi (15 heures) :

- Questions au Gouvernement ;

- Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi, adopté par le Sénat, de programme pour la recherche (nos 2784-2837) ;

- Suite de la discussion du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (nos 1206-2349).

soir (21 h 30) :

- Suite de la discussion du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (nos 1206-2349).

MERCREDI 8 MARS

après-midi (15 heures) :

- Questions au Gouvernement ;

- Suite de la discussion du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (nos 1206-2349).

soir (21 h 30) :

- Suite de la discussion du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (nos 1206-2349).

JEUDI 9 MARS

matin (9 h 30) :

- Suite de la discussion du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (nos 1206-2349).

après-midi (15 heures) :

- Suite de la discussion du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (nos 1206-2349).

soir (21 h 30) :

- Suite de la discussion du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (nos 1206-2349).

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