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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du mardi 21 février 2006

Séance de 15 heures
62ème jour de séance, 145ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

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questions au gouvernement

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

inégalités en france

M. Jacques Brunhes - Monsieur le Premier ministre, deux séries de statistiques viennent d’être publiées. La première révèle l’envolée des profits boursiers. En effet, les groupes du CAC 40 annoncent des résultats mirobolants – supérieurs à 80 milliards, soit un triplement en trois ans ! – ….

Plusieurs députés UMP - Tant mieux !

M. Jacques Brunhes - …et de fortes hausses des dividendes acquises grâce à une gestion exclusivement tournée vers la rentabilité financière.

Alors que le pétrolier Total, avec 12 milliards de bénéfices en 2005, bat tous les records de profits, l’essence a augmenté de 7% et le groupe, outre qu’il emploie des salariés étrangers sous-payés, arrête ses investissements au Havre. Quant au PDG de France Télécom dont le bénéfice a augmenté de 90% en 2005, il annonce cyniquement 17 000 suppressions de postes.

Bénéfices et dividendes records, donc, alors que les salaires régressent, les suppressions d’emplois se multiplient et la précarité se généralise avec le CPE !

Parallèlement, une deuxième série de statistiques, publiée par l’INSEE au début de ce mois, annonce une forte hausse de la pauvreté, un retournement de tendance comme nous n’en avions plus vu depuis trente ans, hormis en 1990, année de récession. 260 000 Français ont ainsi basculé dans la pauvreté en un an, soit 1 000 pauvres de plus par jour ouvrable, comme le relève M. Hirsch, président d’Emmaüs France ! Sans compter la multiplication des bénéficiaires du RMI, et l’accroissement d’activité forcé des Restos du cœur…

Les Français ont parfaitement conscience de l’écart choquant que dénoncent ces deux séries de statistiques. L’aggravation des inégalités est le résultat dramatique de votre politique. L’abîme social, c’est vous !

Plusieurs députés UMP - La question !

M. Jacques Brunhes - Monsieur le Premier ministre, resterez-vous indifférent à ces chiffres ?

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Présentés ainsi, ces chiffres suscitent une émotion bien compréhensible, mais ils doivent être replacés dans leur contexte, car ces grandes entreprises françaises que vous venez de citer sont, dans leur quasi-totalité, fortement exportatrices. Total, dont les résultats ont défrayé la chronique, réalise ainsi 95 % de ses bénéfices hors du territoire national, ce qui signifie que la majeure partie de l’impôt que paiera le groupe viendra enrichir le patrimoine national grâce à une activité menée à l’extérieur de nos frontières.

Par ailleurs, M. le Premier ministre, soucieux de tenir compte du retour de la croissance enregistré au second semestre et donc des futurs bénéfices des entreprises, a voulu que nous réunissions l’ensemble des acteurs économiques pour leur demander d’aller, au-delà de l’impôt qu’ils paient déjà. Ils ont ainsi pris l’engagement d’investir, au cours des cinq à venir, 3,5 milliards qui n’étaient initialement pas destinés au territoire national, auxquels s’ajouteront 600 millions pour la recherche et le développement.

Comme vous le voyez, nous anticipons pour que la richesse profite à tous.

Mais notre priorité reste la lutte contre le chômage, car il n’y a pas de plus grande précarité que celle du non-emploi. Aussi avons-nous mobilisé l’ensemble des ressources disponibles pour faire en sorte que, jour après jour, le chômage recule (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

meurtre d’Ilan Halimi

M. Georges Tron - Monsieur le ministre de l’intérieur, le 13 février dernier, à Sainte-Geneviève-des-Bois, dans l’Essonne, le jeune Ilan Halimi était retrouvé nu, ligoté, bâillonné, et portant des traces de brûlures et de tortures sur tout le corps. Il devait décéder quelques heures après. Ce crime, particulièrement odieux, a plongé le pays dans l’effroi, et vous-même, hier soir, vous avez qualifié à juste titre de barbares les auteurs de cette affreuse agression.

Le pire est sans doute qu’ils revendiquent eux-mêmes ce qualificatif, puisqu’ils en ont fait le nom de leur gang.

Les juges en charge du dossier ont décidé de retenir la circonstance aggravante d’antisémitisme à l’encontre des auteurs de ce crime. L’un d’entre eux a effet déclaré qu’Ilan Halimi avait été kidnappé, torturé et tué parce qu’il était juif, avant d’ajouter que « les Juifs sont une communauté solidaire et que ce sont des gens riches ».

M. le président des institutions juives de France a demandé hier au Premier ministre que toute la vérité soit faite sur cette affaire, et je vous demande donc, Monsieur le ministre d’État, si oui, ou non, ce jeune homme a été tué parce qu’il était juif.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire - Nous avons un devoir de vérité envers la mémoire d’Ilan Halimi et à l’égard de sa famille, de ses parents, de ses amis et de tous les juifs de France.

La vérité, c’est d’abord que des individus qui se sont comportés comme des barbares sont des voyous chevronnés, puisque le chef de la bande est connu des affaires de police pour treize affaires, et l’un de ses complices pour une vingtaine. Cela confirme à quel point la multi-récidive constitue un problème face auquel l’État républicain est encore par trop désarmé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF, exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

La vérité, c’est encore que, sur six autres personnes qui ont failli faire l’objet d’une tentative d’enlèvement, quatre étaient de confession juive.

La vérité, c’est que ces voyous ont d’abord agi pour un motif crapuleux et sordide, pour l’argent, mais en ayant la conviction que « les juifs ont de l’argent » et que, si la personne enlevée n’en avait pas elle-même, ceux de sa famille ou de ses proches qui en ont seraient solidaires. Cela s’appelle de l’anti-sémitisme.

La vérité, c’est que les perquisitions ont permis de découvrir des documents de soutien aux comités de bienveillance et de secours aux Palestiniens, ainsi que des prescriptions de caractère salafiste.

Je le dis pour que chacun soit informé, car on ne peut d’un côté exiger la vérité, et de l’autre cacher ses informations.

Telle est donc la vérité que je me devais, sous le contrôle du Premier ministre, de vous révéler. Elle ne doit pour autant susciter ni amalgame, ni haine, ni crainte. Ceux qui ont fait cela sont des voyous…

M. Jean-Marc Ayrault – La justice est-elle encore indépendante ?

M. le Ministre d’État – La plupart d’entre eux sont aujourd’hui sous les verrous et tout sera mis en œuvre pour que tous soient retrouvés. Mais nous devons à la mémoire de ce jeune homme d’éviter tout amalgame, car cela serait particulièrement odieux. Cette affaire doit nous inviter à un sursaut de volonté de paix, de tolérance et de dialogue. Il ne manquerait plus qu’à la barbarie s’ajoutent l’incompréhension, l’intolérance et le racisme. Tel est le message que le Gouvernement français voulait adresser à la représentation nationale. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

PORTE-avions clemenceau

Mme Patricia Adam – Les multiples ronds dans l’eau du Clemenceau et les incompétences gouvernementales qu’ils ont révélées… (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) ont ridiculisé la France. Le navire revient maintenant à Brest, port qui l’a vu naître il y a cinquante ans. Au reste, Monsieur le Premier ministre, les élus brestois auraient préféré être informés de ce retour par vous-même plutôt que par les médias ! Mais il est vrai que nul ne s’étonne plus de l’autoritarisme qui vous conduit à refuser tout dialogue. Alors que le Conseil d’État a qualifié l’ancien fleuron de notre marine de « déchet dangereux », nous apprenons que vous auriez été informé depuis de longs mois de l’impossibilité de transférer le Clemenceau en Inde : qu’en est-il ? Quelle est, Monsieur le Premier ministre, votre responsabilité personnelle dans la conduite de ce dossier ?

Cette affaire a été gérée lamentablement (Même mouvement) mais elle a également révélé toutes les difficultés qui s’attachent à la dépollution, à la démolition et au recyclage des navires en fin de vie, qu’ils soient civils ou militaires. Nous le savons bien : seule l’action des États et des organisations internationales permettra d’adopter des règles et des procédures efficaces. Nous devons notamment faire cesser les abus – tant à l’encontre des équipages que de l’environnement – liés à la multiplication des pavillons de complaisance. La France doit redevenir une force de proposition. Il n’est que temps d’agir, et le groupe socialiste demandera la création d’une mission d’information à ce sujet.

Mais la France doit aussi assumer ses responsabilités pour ce qui concerne ses propres navires. Alors que l’État soutient la filière de démantèlement des avions implantée à Tarbes, est-il prévu de constituer une filière analogue pour les bateaux ? Et l’État entend-il mobiliser les moyens nécessaires à son développement ? Dans cette affaire comme dans beaucoup d’autres, le Gouvernement, à l’image du Clemenceau déclassé, fait figure de vaisseau fantôme ! Quel gâchis pour notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président – La parole est à M. le Premier ministre.

Plusieurs députés UMP - Envoie-lui une torpille ! (Sourires)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre  Si vous aviez posé votre question il y a six mois, cela aurait peut-être éclairé le débat. Las, elle vient un peu tard… Et je voudrais d’abord vous inviter à la sérénité et à l’esprit de justice : soyons juste car, sur un sujet aussi difficile, il n’y a pas de solution simple et personne ne peut donner de leçon… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Glavany - Surtout pas vous !

M. le Premier ministre – Tous les pays du monde qui disposent d’une flotte sont concernés. La plupart d’entre eux coulent leurs bateaux en fin de vie…

Mme Martine David - C’est vous qui coulez !

M. le Premier ministre – …et c’est l’honneur de la France de rechercher d’autres solutions. La question du démantèlement du Clemenceau – et je n’y insisterai pas plus car je n’ai aucun goût pour aucune forme de cruauté – s’est posée en 1997… (Huées sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et l’ex-Clemenceau est resté en rade de Toulon jusqu’en 2002…

M. Jean Glavany - Qui était le chef des Armées dans cette période ?

M. le Premier ministre – À partir de cette date, le Gouvernement a recherché des solutions équilibrées et novatrices. Au terme de bien des efforts, nous avons conclu un partenariat avec un chantier indien et nous n’avons à aucun moment dégagé notre responsabilité. Ainsi, nous avons prévu des transferts de technologie et un accompagnement social, en vue de créer une filière économiquement viable et respectueuse du développement durable…

Plusieurs députés socialistes – Charabia !

M. le Premier ministre – À la suite de la décision du Conseil d’État, le Président de la République a décidé le retour en France de l’ex-Clemenceau,

Plusieurs députés socialistes – Avait-il d’autres choix ?

M. le Premier ministre - …à Brest. C’est par lui que vous l’avez appris, et non par la presse. Le Gouvernement entend tirer toutes les leçons de cette affaire et c’est pourquoi j’ai pris, avec Michèle Alliot-Marie, trois initiatives. D’abord, nous allons mettre en conformité les procédures d’exportation des matériels de guerre en fin de vie avec nos obligations internationales en matière d’environnement et de santé. Ensuite, nous allons procéder à un diagnostic complet de l’amiante et des matières dangereuses restant à bord. Enfin, nous allons promouvoir une filière européenne de navires hors d’usage, conforme aux exigences de sécurité et de protection de l’environnement.

Vous le voyez, le Gouvernement assume ses responsabilités et il recherche des solutions adaptées avec un souci de transparence. Il est facile, sur ce sujet comme sur tous les autres, d’arriver, tels les carabiniers, après la bataille et le verbe haut ! La vérité, c’est que, tout au long de ces années, nous ne vous avons jamais entendus proposer quoi que ce soit ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

déficit public

M. Charles de Courson - Monsieur le ministre de l’économie et des finances, d’après la presse, la Commission européenne reste dubitative quant aux chances qu’a la France de ramener le déficit de ses finances publiques pour 2006 en deçà du seuil de 3 % du PIB fixé par le pacte de stabilité et de croissance. Manifestement, le Gouvernement n’a pas réussi à convaincre la Commission de la crédibilité du budget de la France pour 2006. L’UDF avait d’ailleurs refusé de le voter, en raison de l’ampleur des artifices comptables et de la surestimation du taux de croissance, tant pour 2005 – ce que l’INSEE a confirmé récemment – que pour 2006.

Ainsi, la présentation par le Gouvernement d’une réduction du déficit budgétaire liée à la constatation d’une plus-value de cession de 950 millions grâce à la privatisation de trois sociétés d’autoroute alimente le scepticisme de la Commission. Après avoir examiné le programme de stabilité transmis fin janvier par le Gouvernement, la Commission va recommander demain au Conseil des ministres européens des finances « d’inviter la France à assurer sans délai l’ajustement structurel nécessaire pour ramener le déficit en dessous de 3 % du PIB d’une façon crédible et durable ».

Dès lors, ma question est simple : quels éléments nouveaux allez-vous fournir à la Commission européenne pour rendre durablement crédibles vos efforts en vue de maintenir le déficit des finances publiques en dessous de 3 % du PIB ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État Je vous prie d’excuser l’absence de Thierry Breton, retenu au Sénat où il défend un texte sur les OPA.

Vous nous parlez de quelque chose qui, pour l’instant, ne relève que de bruits : je n’ai pas lu l’avis officiel de la Commission, et je pense que vous non plus. Et je regrette que même pour les bruits, vous ayez une oreille sélective. Il en est un, en effet, que vous auriez pu entendre : il semblerait que la Commission donne quitus à la France d’avoir tenu son objectif de 3 % pour 2005 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Il semblerait aussi qu’il y ait une divergence sur les perspectives de croissance, mais apparemment la Commission a indiqué cet après-midi qu’elle remontait sa prévision de 1,8 à 1,9 % – cependant, il s’agit toujours de bruits…

Quoi qu’il en soit, nous conduisons une politique déterminée pour réduire fortement nos déficits ; rien que pour cela, j’aurais bien aimé que vous votiez un texte sur lequel nous nous rejoignons beaucoup plus que vous ne le prétendez… Vous demandez une commission d’enquête : je préférerais de loin que nous travaillions main dans la main pour maîtriser les dépenses et retrouver le chemin de la croissance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

propos de M. Georges frêche à l’encontre des harkis

M. Christian Jeanjean - J’associe à ma question l’ensemble des députés de la majorité, en particulier ceux du Languedoc-Roussillon.

Monsieur le ministre délégué aux anciens combattants, c’est avec indignation que nous avons pris connaissance des propos tenus par Georges Frêche, président socialiste de la région Languedoc-Roussillon, président de l’agglomération de Montpellier, en présence de M. Jack Lang, de Mme Mandroux, maire de Montpellier, et de bien d’autres conseillers et hiérarques socialistes de cette ville, au cours d’une cérémonie organisée à la mémoire de Jacques Roseau le samedi 11 février. Adressés au président d’une association de harkis, ils sont d’une telle indignité, d’une telle violence et ont été tellement médiatisés que nous n’aurions jamais dû avoir à les rapporter ici. Je pensais ne jamais entendre dans la bouche d’un homme politique des termes comme celui de « sous-hommes », qui rappelle l’idéologie nazie… Il s’agit d’un appel à la haine à l’encontre d’un groupe en raison de ses origines.

Plusieurs voix UMP – Démission !

M. Christian Jeanjean - L’honneur le plus élémentaire aurait voulu que cet homme fût exclu du parti socialiste dans l’instant (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). L’honneur de la région Languedoc-Roussillon voudrait que cet homme n’en soit plus le président (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Monsieur le ministre, quel sentiment vous inspirent ces insultes proférées à l’encontre de nos concitoyens harkis, qui ont tant donné pour défendre la France et ses valeurs républicaines ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour que ces propos qui rappellent le fascisme soient solennellement condamnés ici puis sanctionnés ? Dans une démocratie, nul n’est au-dessus des lois ! (Les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants - Les propos injurieux de M. Georges Frêche ont scandalisé tous les citoyens dignes de ce nom, et le gouvernement de Dominique de Villepin a partagé l’émotion des familles de harkis. Ils nous rappellent une période noire et sont d’autant plus graves qu’ils viennent d’un élu de la République, d’un président de région – à l’encontre d’hommes et de femmes dont certains ont peut-être voté pour lui. Ils s’adressaient à des anciens combattants de l’armée française, qui sont en droit d’attendre de leurs élus le respect plutôt que l’invective (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Je tiens à souligner l’extrême sang-froid, le calme et la dignité de ceux qui ont subi de telles injures.

Le législateur a été bien inspiré de vouloir protéger cette composante de la communauté nationale par la loi du 23 février 2005, notamment par son article 5. En application de celui-ci, le Garde des Sceaux a été saisi et a transmis le dossier de cette triste affaire au procureur général de la Cour d’appel de Montpellier (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Il faut maintenant attendre la qualification des faits et les suites qu’il reviendra à la justice de leur donner. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

grippe aviaire

M. Michel Voisin - J’associe à ma question, qui s’adresse à M. Xavier Bertrand, mon collègue Lucien Guichon et l’ensemble de mes collègues du département de l’Ain.

La découverte la semaine dernière du premier cas avéré de grippe aviaire en France a suscité l’émotion dans le pays de la Dombes, mais aussi l’agacement devant une présentation caricaturale qui fait du beau pays aux mille étangs, façonné par le travail des hommes, une zone de marais insalubres. Après la tempête médiatique, le calme est revenu. Je voudrais saluer le professionnalisme des services de l’État – préfecture, gendarmes et notamment réservistes, pompiers, techniciens de l’Office de la chasse et des services départementaux, et surtout l’engagement total des exploitants mais aussi des chasseurs, tellement décriés par ailleurs, qui quadrillent le terrain, font des observations et récupèrent les oiseaux morts (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). C’est la filière avicole tout entière qui connaît aujourd’hui de graves difficultés dans ce territoire de pisciculture et d’aviculture profondément touché par les prédateurs comme les cygnes ou les grands cormorans. Je ne doute pas que toutes les mesures économiques seront prises pour venir en aide à ce secteur.

Cependant, s’il faut tenir compte de la situation des animaux, et en particulier des oiseaux, ce sont les hommes qui doivent être au cœur de nos préoccupations. Monsieur le ministre de la santé, pouvez-vous faire le point sur la situation et sur les moyens sanitaires mis en place ? Comment informerez-vous les Français sur l’évolution de cette crise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Le calme est en effet revenu, et c’est dans le calme mais avec détermination que nous devons aborder la question de la grippe aviaire. Je rappelle qu’en l’occurrence, c’est un oiseau sauvage qui a été touché par cette maladie, et non un élevage. Il est vrai que tous les acteurs se sont mobilisés comme il le fallait : une zone de protection de trois kilomètres a ainsi été mise en place, ainsi qu’une zone de surveillance de dix kilomètres, conformément au plan que nous avons préparé depuis des mois. En outre, même si la contamination entre êtres humains par le virus de la grippe aviaire n’a été constatée nulle part, il est de notre responsabilité politique de nous y préparer. Le Président de la République l’a dit : il n’y aura aucun obstacle économique ou financier en la matière. Le Premier ministre a, quant à lui, souhaité que ce plan ne soit pas définitif mais constamment révisé en fonction de la situation : masques de protection en cas de pandémie, médicaments anti-viraux, vaccins. Nous agissons dans une totale transparence en faisant part des résultats de la recherche scientifique et en annonçant les simulations qui sont mises en place, comme celle qui aura lieu à Lyon vendredi prochain. Nous le devons à nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

situation économique

M. Didier Migaud – Contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement, notre situation économique, budgétaire et sociale n’est pas bonne, ainsi qu’une grande majorité de Français le constate d’ailleurs. Nous accumulons les mauvais records, comme le confirme l’INSEE : 1,4 % de croissance contre les 2,5 % attendus alors que la croissance mondiale s’élève à plus de 4 % ; le commerce extérieur connaît l’un de ses plus mauvais résultats, la consommation est peu soutenue, le déficit et l’endettement ne sont pas maîtrisés, les créations d’emplois sont peu nombreuses. À ce dernier égard, le contraste est fort avec l’année 2000, où 400 000 emplois avaient été créés. La France est affaiblie, les difficultés de nos concitoyens s’accroissent, les inégalités et la précarité s’accentuent, le nombre de érémistes explose – 200 000 de plus par rapport à 2002. Chaque fois, pour justifier vos mauvais résultats, vous invoquez l’héritage comme le Premier ministre vient encore de le faire à propos de l’affaire du Clemenceau : il ne se serait ainsi rien passé en 1997, mais a-t-il oublié, ou feint d’oublier, que le chef des armées était déjà l’actuel Président de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Après quatre années de gouvernement, l’excuse de l’héritage est peu convenable, et relève même d’une certaine lâcheté car les mauvais résultats relèvent avant tout de mauvais choix. Acceptez-vous enfin qu’un audit contradictoire sur la réalité de la situation ait lieu avant la fin de cette législature ? Oui, ou non ? Si c’est non, de quoi avez-vous peur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État Je constate une grande différence entre vous et moi, Monsieur Migaud…

M. Augustin Bonrepaux - C’est vrai !

M. le Ministre délégué - …Lorsque les résultats sont bons, j’en prends acte avec le sourire, et lorsqu’ils sont moins bons, je les interprète avec prudence. Vous, dans le premier cas, vous expliquez que nous avons trafiqué les chiffres, et dans le second, vous souriez presque avec jubilation ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Je le regrette, car cela vous entraîne, comme M. de Courson d’ailleurs, à faire une lecture sélective. Je constate que la croissance du troisième trimestre de 2005 s’élève à 0,7 % ; les résultats concernant le quatrième trimestre sont quant à eux provisoires et s’il faut tenir compte du « choc sectoriel » dans l’industrie automobile, il convient également de noter des performances encourageantes sur l’année en matière d’investissement, de consommation et d’exportations.

M. Augustin Bonrepaux - Tout va bien !

M. le Ministre délégué - Enfin, nous divergeons encore, Monsieur Migaud, concernant le chômage : en huit mois, le nombre de chômeurs a diminué de 180 000 et plus de 300 000 CNE ont été signés. Il fallait tout de même souligner qu’il se passe quelque chose de positif dans notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

chikungunya

M. Bertho Audifax - Le sentiment de sécurité que procure depuis plus de quarante ans un système sanitaire sain n'a pas préparé la population réunionnaise à affronter le chikungunya. Les Réunionnais sont terrifiés par les symptômes invalidants de cette maladie, les douleurs occasionnées, les rechutes, mais aussi par le manque de connaissances qui entraîne une incertitude totale quant à une issue favorable, proche et définitive. S'ajoutent à cela des éléments contradictoires et polémiques, une cacophonie médiatique faisant surtout état des cas les plus graves et des décès, l'insuffisance de nos connaissances sur les produits utilisés dans la lutte antivectorielle. Sous votre autorité, Monsieur le Premier ministre, les ministres de la santé et de l'outre-mer se sont mobilisés et l'État apporte chaque jour davantage de moyens pour lutter contre ce fléau. Cependant, en raison de nos incertitudes sur cette maladie, de sa recrudescence à la fin de 2005 et au début de 2006, la communication a été très difficile et demeure délicate.

Monsieur le Premier ministre, ne pensez-vous pas qu’il serait bon de constituer une cellule de communication spécialisée en gestion d’épidémie ? Quelle aide psychologique peut-on apporter aux patients déprimés par les rechutes à répétition et aux familles en deuil ? Parallèlement, pouvez-vous vous engager à ce qu’une seule autorité, responsable de la coordination des moyens humains et matériels destinés à la lutte contre le chikungunya, travaille en relation directe avec les municipalités ? Enfin, compte tenu de la situation exposée de la Réunion, entourée de pays en développement qui ne disposent pas de système sanitaire sécurisé, peut-être serait-il souhaitable de relancer un service de prophylaxie, de renforcer la veille sanitaire et de créer un institut de recherche européen sur les maladies tropicales à la Réunion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer – Monsieur, je veux vous assurer de la pleine et entière solidarité de la communauté nationale à l’égard de nos compatriotes réunionnais. Le Gouvernement a défini un plan global, vous l’avez rappelé, afin de traiter la crise du chikungunya sous ses aspects aussi bien sanitaires qu’économiques et d’améliorer la coordination entre l’État et les collectivités territoriales. Notre politique en la matière repose sur deux principes simples : une transparence absolue et une mobilisation sans faille en tout lieu, en tout temps et en toutes circonstances. Le chikungunya est d’abord un problème de santé publique. La cellule interministérielle de lutte contre le chikungunya est donc placée sous l’autorité du ministre de la santé. Des personnels sanitaires et médicaux ont été envoyés pour renforcer les équipes sur place, ainsi que du matériel destiné aux mères et à leurs jeunes enfants. Par ailleurs, les ministres de la défense et de l’intérieur ont mobilisé des moyens supplémentaires : 300 militaires se sont ajoutés aux 500 militaires présents sur l’île et 77 représentants des forces de la sécurité civile sont arrivés la semaine dernière. Le dispositif sera encore renforcé à la fin du mois et ce seront ainsi 3 000 personnes qui seront en charge de la lutte contre la démoustication. Quant au ministre de la recherche, il a dépêché ses meilleurs experts en maladies tropicales afin de mieux connaître cette maladie pour laquelle il n’existe pour l’heure ni vaccin ni traitement. La ministre de l’environnement, en liaison avec les collectivités locales, a intensifié la lutte contre les décharges sauvages. Enfin, le ministre du tourisme était à la Réunion hier. Je m’y rends ce soir pour m’assurer de la coordination du plan et de sa bonne application au niveau local par une cellule animée par le préfet. Par ailleurs, un numéro vert a été mis en place, le 0 800 100 000, afin d’apporter un accompagnement psychologique aux malades et aux familles. Monsieur Audifax, nous gagnerons la bataille contre le chikungunya et…

M. Jean-Marie Le Guen - Ce n’est pas une guerre, c’est un problème de santé publique !

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer - ...nous la gagnerons ensemble – l’État, les collectivités locales et tous les Réunionnais – car seule une action collective permettra l’éradication de ce moustique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

responsabilité des régions dans la hausse de la fiscalité locale

M. Bernard Deflesselles - M. Migaud, député socialiste, vient de nous parler de « bonne gestion ». Parlons-en ! La région PACA ferait-elle figure de précurseur en la matière ? On peut le penser car son président socialiste, Michel Vauzelle, vient de lui infliger une hausse des impôts de 24 % en moyenne (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et même de 30 % pour la taxe professionnelle ! (« C’est un scandale ! » sur les bancs du groupe UMP) Par ces décisions, les socialistes jouent contre les entreprises, contre l’investissement et contre l’emploi !

Plusieurs députés socialistes – Et la compensation des transferts de charges ?

M. Bernard Deflesselles - 22 % sur les cartes grises en PACA ! C’est la fiscalité automobile la plus lourde de France. La potion est amère surtout quand l’on se rend compte que, depuis 1998, l’augmentation de la fiscalité en région PACA a été de 110 % (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP). Ces augmentations seraient dues à la décentralisation et à l’étranglement des régions par l’État.

M. Jean Glavany - Ainsi, vous le reconnaissez !

M. Bernard Deflesselles - De qui se moque-t-on ? Ce sont les socialistes qui ont porté un coup à l’autonomie financière des régions : en 1998, M. Strauss-Kahn leur a supprimé les droits de mutation ; en 2000, M. Fabius les a privées de la part salariale sur la taxe professionnelle ; en 2001, M. Jospin lui-même les privait, sans concertation, de leur part de la taxe d’habitation.

Néanmoins, il est une région socialiste qui n’augmentera pas ses impôts cette année : le Poitou-Charentes ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) De deux choses l’une : ou cette région n’est pas étranglée par l’État ou sa présidente, Ségolène Royal, poursuit d’autres desseins (Rires sur les bancs du groupe UMP).

Monsieur le ministre délégué au budget, pourriez-vous user de votre influence pour que les vingt présidents des autres régions socialistes nourrissent les mêmes ambitions ? La très grande majorité des contribuables régionaux serait ainsi épargnée ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Plusieurs députés socialistes – Et les Hauts-de-Seine, ils sont présidés par qui ?

M. Bernard Deflesselles – Enfin, pourriez-vous préciser les responsabilités respectives de l’État et des régions dans ces hausses inconsidérées de la fiscalité régionale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État - Cette question me cause de la peine, car je suis consterné de constater une nouvelle fois l’explosion des impôts locaux dans les régions PACA et Île-de-France (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste). Dans le même temps, j’éprouve de la joie à l’idée que le président de la région PACA ne se présente pas aux élections présidentielles puisque, si je vous suis bien, il augmente la taxe professionnelle de 30% ! (Même mouvement)

M. Albert Facon - C’était pour payer les dettes de la majorité !

M. le Ministre délégué - Reste que cette hausse de la fiscalité locale est consternante alors que nous nous efforçons par tous les moyens d’inviter à la maîtrise de la dépense publique, de diminuer les impôts de l’État et de compenser systématiquement les transferts de compétences (Brouhaha sur les bancs du groupe socialiste). D’ailleurs, les régions ont toujours bénéficié de dotations de l’État pour financer ces transferts. Malgré cela, certains augmentent de manière inconsidérée la taxe professionnelle et viennent ensuite déplorer les délocalisations ! Nous en appellerons à la responsabilité de chacun à travers la conférence des finances publiques. Quant à Ségolène Royal, elle a déclaré il y a peu : « Il faut lutter contre les gaspillages car les Français ne comprennent l’impôt qu’à travers l’utilisation concrète des dépenses ». Finalement, la sagesse est partout dans l’hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

épidémie de chikungunya à la Réunion

M. Jean-Marie Le Guen - La sécurité sanitaire est devenue à juste titre une préoccupation majeure de nos concitoyens. À mon tour, je dois malheureusement signaler les négligences graves dont s’est rendu coupable le Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) en matière de sécurité sanitaire. Au début d’avril, une épidémie de chikungunya frappait la Réunion. Ce virus, mal connu, aurait dû être davantage surveillé. Le Gouvernement a sous-estimé l’épidémie et aujourd’hui plus de 120 000 personnes sont touchées. Chaque semaine, la maladie frappe, chers collègues qui éructez sur ces bancs de façon politicienne (Protestations sur les bancs du groupe UMP), 25 000 nouveaux Réunionnais !

Vous avez non seulement sous-estimé la gravité de l’épidémie, mais aussi celle de la maladie elle-même. Il y a encore quelques semaines, un ministre parlait d’une mauvaise grippe, alors qu’il s’agit d’une maladie douloureuse, invalidante, aux risques de transmission materno-fœtale inconnus pour le moment, et qui a malheureusement tué.

Vous avez joué l’inertie pendant des mois, avant que l’opinion publique réunionnaise ne fasse pression. Nous n’en serions sans doute pas là s’il s’était agi, chers collègues, de l’un de vos départements métropolitains ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF, puis claquements de pupitres)

M. le Président – Voyez ce que vous avez déclenché ! Je vous en prie, posez votre question.

M. Jean-Marie Le Guen – Trouvez-vous normal que le Gouvernement ne réagisse pas lorsque 120 000 personnes sont atteintes par cette maladie ? (La voix de M. Le Guen est progressivement couverte par le tumulte qui grossit sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président – Posez votre question ou je coupe votre microphone !

M. Jean-Marie Le Guen – Faites-les taire !

M. le Président – Vous avez quinze secondes pour poser votre question !

M. Jean-Marie Le Guen – Je veux simplement demander au Gouvernement… (Le brouhaha continue sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président – Posez votre question ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Marie Le Guen – On ne peut pas s’exprimer ! (Tumulte sur tous les bancs)

M. le Président – Puisque vous ne voulez pas poser votre question, la séance est suspendue !

La séance, suspendue à 15 heures 50, est reprise à 16 heures 20.

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motion de censure

L'ordre du jour appelle la discussion et le vote sur la motion de censure, déposée en application de l’article 49, alinéa 2, de la Constitution par MM. Jean-Marc Ayrault, François Hollande et Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Martine Billard et 141 membres de l’Assemblée.

M. François Hollande – La motion de censure que je présente au nom des socialistes, des radicaux de gauche et des Verts, constitue notre réponse à votre décision de recourir à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution pour faire adopter sans vote votre contrat « Première embauche ».

Plusieurs députés du groupe socialiste – C’était un scandale !

M. François Hollande – Ce n’est toutefois pas de procédure que nous entendons débattre, mais de l’avenir de notre modèle social. Vous avez fait le pari de la précarité, au nom de ce que vous pensez être l’efficacité économique, comme si l’incertitude et l’instabilité pouvaient être le gage d’une prospérité même éphémère. Or, nous faisons, à gauche, le choix inverse : ce sont les sécurités sociale et professionnelle qui permettent les transitions et garantissent une croissance durable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Jugeons donc vos résultats, Monsieur le Premier ministre : vous avez la responsabilité de ce Gouvernement depuis bientôt neuf mois, et vous souhaitiez insuffler à votre majorité le mouvement et l’audace. Alors que vous vous étiez imprudemment donné cent jours pour convaincre l’opinion, vous voilà au bout de deux cents dans la même situation que votre prédécesseur : vous avez perdu la confiance des Français !

Rien d’étonnant à cela puisque vous poursuivez la même politique, avec les mêmes conséquences pour notre pays. L’état de la France, tel est le premier motif de censure.

En effet, la France va mal. Elle n’est pas en déclin, et je suis d’accord avec vous sur ce point, mais elle se trouve entre de mauvaises mains. Qu’affirmiez-vous devant notre Assemblée il y a quelques mois ? Vous prétendiez relancer la croissance. Or, elle languit, elle se traîne, elle expire même : à peine 1,4 % en 2005, contre les 2,5 % qu’annonçait Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie et des finances.

Vous disiez également vouloir soutenir l'investissement, mais il a baissé de 4 % ces douze derniers mois. Vous vantiez la compétitivité des entreprises, et le déficit de notre balance commerciale atteint le niveau record de 26,5 milliards d'euros, contre huit milliards en 2004, alors que l’alourdissement de la facture pétrolière n’y contribue que pour neuf millions.

Vous annonciez en outre une maîtrise de l'endettement public. Or, la dette atteint le niveau historique de 68 % de la richesse nationale, contre 58 %, en 2002. Vous affichiez pour objectif le redressement de la sécurité sociale, et pourtant, l'assurance maladie accuse un découvert de plus de dix milliards d'euros, tandis que les régimes de retraite sont de nouveau dans le rouge. Vous faisiez attendre le redressement du pouvoir d’achat, or il s’est effondré sous le coup des hausses de pression fiscale et sociale que vous avez infligées aux Français.

Vous vous glorifiez enfin d'une diminution du chômage depuis huit mois. Nous voudrions nous en réjouir avec vous, mais cette baisse n’est due qu'aux départs en retraite, plus nombreux que les arrivées de jeunes sur le marché du travail, aux radiations administratives intervenues tout au long de l’année 2005 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) et à la progression du nombre des contrats aidés, que vous aviez supprimés en 2002 avant de vous résoudre à les rétablir.

En aucun cas, cette baisse du chômage n’est donc due à la création d'emplois dans le secteur privé. Celle-ci se limite à 60 000, ce qui est mieux qu’en 2004, – où il n’y en avait eu aucune –, et qu’en 2003, où les destructions d’emplois l’avaient emporté, mais vous n’en avez créé que 20 000 à peine depuis 2002, contre deux millions de 1997 à 2002, sous le gouvernement de Lionel Jospin (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Plusieurs députés du groupe UMP - C’est faux !

M. François Hollande - Voilà votre bilan, Monsieur le Premier ministre ! Pour être juste, il se confond avec celui de Jean-Pierre Raffarin et de tous les ministres qui vous entourent, y compris celui qui propose, non sans esprit de provocation, « La France d'après », alors qu'il est lui aussi comptable de l’état de la « France d'aujourd'hui », et sans doute plus qu’aucun autre (Même mouvement).

Au lieu d’assumer la responsabilité de vos décisions depuis quatre ans, vous mettez en accusation le modèle social. Selon vous, ce ne serait pas votre politique qui serait en échec du fait de ses errements, mais la France qui serait en panne en raison de ses acquis sociaux. Voilà le tour de passe : rien ne serait de votre faute, et tout viendrait des Français eux-mêmes, trop protégés et trop immobiles, tenus enfermés par des verrous qu’il faudrait faire sauter à tout prix. Et dont le premier serait le code du travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Tel est le second motif de censure : en quatre ans, il ne vous a pas suffi d'élargir le contingent des heures supplémentaires, d'alourdir leur coût, de supprimer un jour férié, de faciliter le recours à l'intérim, d'assouplir les règles du licenciement, de modifier les fondements de la négociation collective et de supprimer les emplois-jeunes. Vous entendez désormais toucher au contrat de travail, d’abord avec le CNE, au motif de faciliter la tâche des petites entreprises, et maintenant avec le CPE, au prétexte de traiter le chômage des jeunes. Et bientôt vous proposerez un nouveau contrat pour tous les salariés, sans doute au nom du principe d'égalité de tous devant la précarité. Voilà ce que vous préparez !

Les jeunes de moins de 26 ans risquent donc de faire les frais de votre obstination idéologique (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP). Si l’instrument que vous leur destinez est contestable en lui-même, je vous reproche surtout de ne pas dire la vérité aux jeunes.

Vous avez affirmé qu’il faut de huit à onze ans pour qu’un jeune décroche un CDI. Or, toutes les statistiques officielles démontrent que la première embauche d’un jeune sur trois a lieu en CDI, et que deux jeunes sur trois bénéficient de ce type de contrat au bout de trois ans de présence sur le marché du travail. Le CDI concerne ainsi près de 60 % des actifs de 19 à 29 ans !

Prendre prétexte de la précarité où se trouvent certains jeunes – trop nombreux – pour la généraliser à tous, voilà qui est insupportable ! Vous démantelez le CDI au prétexte que certains n’y accéderaient pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Plusieurs députés du groupe UMP – Quel démagogue !

M. François Hollande - Vous noircissez la situation de la jeunesse pour mieux obscurcir son avenir. Et vous ne lui dites pas la vérité non plus sur la réalité du CPE, lorsque vous déclarez « qu'il n'y a jamais eu une proposition faite aux jeunes qui soit aussi avantageuse et protectrice ».

Car vous pourrez utiliser toutes les précautions verbales que vous voudrez, mais le CPE se résume à cette formule simple et incontestable : c’est un contrat qui permet à l'employeur de licencier un salarié du jour au lendemain et sans motif, ce pendant deux ans ! Où est donc le progrès social ? Où est l’avancée dont vous parlez ? Où est le progrès social quand le salarié n’a aucun droit et l’employeur aucun devoir ? Le CPE n’est pas un contrat à durée indéterminée, comme vous le prétendez, mais un contrat dénonçable immédiatement ! Il est moins protecteur qu’un CDD puisqu’il n’a aucune durée minimale. En revanche, il comporte une période d’essai de deux ans, qui n’existe dans aucun autre pays européen. Il faut que ce soit en France, pays où le code du travail était jusqu’à présent considéré comme le plus protecteur, que la période d’essai soit la plus longue. Voilà le résultat de votre politique !

Enfin, il est contraire aux principes fondamentaux de notre droit. Outre que le salarié n’a droit à aucun entretien préalable de licenciement, l’employeur n’est pas obligé de motiver sa décision. Il en résultera, comme déjà avec le CNE, une multiplication des contentieux, d’autant plus que cette disposition est également contraire à la charte sociale européenne et à la convention de l’OIT, qui imposent de motiver les licenciements.

Vous venez d’inventer le licenciement par simple lettre avec accusé de réception, et nous savons maintenant que, jusqu’à ses 26 ans, un jeune pourra être recruté en CPE par plusieurs employeurs successifs, sans limitation du nombre de contrats, tandis que l’employeur, après avoir licencié un jeune sans motif, pourra, sur le même poste de travail, en recruter un autre en CPE, sans davantage de limites.

Plusieurs députés socialistes – C’est lamentable !

M. François Hollande – Le CPE n’est donc pas un contrat de plus pour les jeunes, mais bel et bien le contrat qui remplacera tous les autres. Jusqu’à leurs 26 ans, les jeunes n’auront bientôt plus d’autre perspective que le CPE ou le chômage !

Ce n’est pas un outil de plus pour l’emploi, mais une arme de destruction du contrat à durée indéterminée. Ce n’est pas réservé à quelques-uns, mais prévu pour tous.

À cette conception d’une société de la précarité, nous voulons en opposer une autre, fondée sur la sécurité professionnelle. En direction des jeunes de moins de 26 ans sans qualification, nous vous proposons tout d’abord de créer le contrat sécurité formation qui permettrait à l’employeur, dans le cadre d’un contrat durable, d’être remboursé par l’État pendant deux ans de toutes les actions de formation dispensées au jeune.

Par ailleurs, nous vous proposons de moduler les cotisations sociales selon la durée des contrats, afin de faire du CDI la forme normale d’embauche. J’utilise cette formule à dessein, car le rapport que M. Proglio vient de vous présenter préconise, non pas de créer un nouveau contrat, mais d’encourager, par la modulation, les contrats de longue durée, et décourager, de la même manière, les contrats précaires. Puisque vous ne voulez pas de ce rapport, nous le faisons nôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Selon la commission d’orientation de l’emploi, il existerait plus de 2 000 aides à l’emploi et plus de 300 contrats, ciblant les jeunes, les seniors, les personnes handicapées, les femmes ! Nous avons besoin aujourd’hui d’une forme simple de contrat de travail, et pour cela, il faut ouvrir une grande négociation avec les partenaires sociaux afin de prévoir des garanties qui progresseraient au fur et à mesure de la carrière, qui se renforceraient avec l’ancienneté. De même, nous proposons, pour faciliter les transitions professionnelles, un contrat de reclassement afin d’accompagner le salarié vers l’emploi, à travers un parcours de formation.

Voilà ce qui nous différencie profondément : alors que vous démantelez le droit du travail, nous proposons d’adapter les aides, et de former les salariés qui en ont le plus besoin.

J’en viens au troisième motif de la censure. Monsieur le Premier ministre, vous parlez beaucoup, vous communiquez encore plus, mais jamais les mots n’ont été autant démentis par les actes.

Que veut dire l’égalité des chances quand le projet de loi du même nom met fin à l’obligation scolaire jusqu’à 16 ans, autorise l’apprentissage à 14 ans, légalise le travail de nuit à 15 ans, supprime les allocations familiales pour les ménages en grande détresse ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Que veut dire la priorité éducative quand le Gouvernement dépose le bilan des zones d’éducation prioritaire et multiplie les filières d’exclusion ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Que veut dire « l’engagement national pour le logement » quand la seule réponse de votre majorité à l’envolée des loyers est de briser l’obligation faite aux communes de construire des logements sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Que veut dire « un plan pour les banlieues » quand on apprend aujourd’hui que les crédits qui avaient été promis à la suite des graves évènements de novembre n’ont toujours pas été attribués aux maires des communes concernées, et que le plan d’indemnisation des victimes n’est pas mis en place ?

Que veut dire « croissance sociale » quand il n’y a pas plus de croissance économique que de progrès social ?

Ce grand écart entre les principes proclamés et la réalité du terrain a nourri la défiance des Français envers votre politique, et il nous revient à tous d’éviter, au nom de la démocratie, qu’elle ne se transforme en colère ou en fatalisme.

Alors qu’une démocratie vivante est de notre intérêt à tous, vous semblez la craindre, Monsieur le Premier ministre, tant votre méthode de gouvernement apparaît personnelle et singulière.

Libre à vous de décider seul du CPE, contre l’avis, semble-t-il de certains ministres, mais comment admettre que les partenaires sociaux, les syndicats ou les organisations patronales n’aient pas été consultés sur ce sujet majeur ? Vous avez ainsi contrevenu à une règle que votre majorité avait elle-même imposée dans la loi du 4 mai 2004, et qui oblige à négocier avant de légiférer en matière de droit du travail.

Comment comprendre un tel passage en force du CPE, alors que vous vous étiez engagé, avant toute extension du CNE, à évaluer ce nouveau contrat qui a déjà suscité de nombreux contentieux.

Comment expliquer votre comportement à l’égard du Parlement, où vous disposez pourtant d’une majorité large et docile ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Ce n’est pas une injure ! Non content d’avoir eu recours à la procédure des ordonnances pour le CNE, d’avoir créé le CPE par un amendement au projet de loi « égalité des chances », d’avoir proclamé l’urgence sur ce projet, d’avoir accéléré le calendrier pour que le débat ait lieu pendant les vacances scolaires, vous utilisez le 49-3 pour empêcher le débat ! (Très vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Vous nous parlez de la nécessité d’agir vite, Monsieur le Premier ministre, alors que votre majorité est aux affaires depuis quatre ans et qu’elle a voté au moins cinq lois sur le travail et l’emploi ! Ou bien vous avez perdu du temps, ou bien vous voulez rendre vos choix irréversibles avant 2007, ce qui serait grave pour vos successeurs ! Comme nous espérons bien être ceux-là, de grâce, ne démantelez pas le code du travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Le passage en force est le signe des pouvoirs faibles. La démocratie n’est pas un frein, mais une chance ! Malheureusement, vous ne l’avez pas saisie car vous n’êtes pas sûr de vos réformes, et vous craignez les réactions de la rue ! Vous avez mis fin aux débats, mais vous n’échapperez pas aux mouvements de la jeunesse ! Quand on bafoue les droits du Parlement, quand on méprise le dialogue social, quand on oublie la jeunesse, on en subit toujours les conséquences. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Monsieur le Premier ministre, nous engagerions, nous, une grande réforme de la démocratie sociale, nous renforcerions la représentativité des syndicats, nous donnerions des financements publics aux organisations syndicales, nous affirmerions le principe des accords majoritaires et de la présence des salariés élus dans les conseils d’administration des entreprises, nous ferions confiance au dialogue social. Nous ferions aussi confiance au Parlement, et je peux en parler d’autant plus aisément que, pendant cinq ans, de 1997 à 2002, nous n’avons jamais utilisé le 49-3 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) …même lorsque, pendant des nuits entières, vous avez tenté d’empêcher le vote des 35 heures ou du Pacs. Jamais nous n’avons utilisé de procédure contraignante à l’égard du Parlement et nous en sommes fiers. (Même mouvement)

Ce qui nous oppose, c’est une vision du modèle social et une stratégie économique. Mais c’est aussi une méthode politique et un rapport à la démocratie. Et si la confrontation légitime de nos points de vue ne peut avoir lieu ici, au Parlement, elle aura lieu bientôt, en 2007, et nous n’avons aucune crainte. Les Français seront juges, et si cette majorité ne prononce pas la censure, ce sont eux qui le feront l’année prochaine ! (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste se lèvent et applaudissent longuement)

M. François Bayrou - Monsieur le Premier ministre, lorsque vous avez proposé le CPE, il y a eu une grande incertitude parmi les Français. Même parmi ceux qui étaient plutôt contre, on entendait parfois : « Après tout, c’est mieux que rien puisque les jeunes subissent de toute façon la précarité ». Et à l’inverse, dans l’autre camp, on se demandait si vous n’alliez pas trop loin, si le contrat de travail n’était pas mis en cause de manière trop risquée. Sortant peu à peu de cette incertitude, les Français ont bougé et ils pensent aujourd’hui majoritairement que, décidément, dans ce CPE, « quelque chose ne va pas ». Ce mouvement des Français, ce « quelque chose ne va pas », vous devriez l’entendre au lieu de chercher à passer en force. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

Une grande agence de presse définissait hier le CPE par quatre éléments constitutifs : un contrat à durée indéterminée ; réservé aux moins de 26 ans ; dans les entreprises de plus de 20 salariés ; qui débute par une période de deux ans au cours de laquelle le licenciement peut intervenir sans justification. Sur ces quatre éléments, il y en a trois qui ne vont pas !

Le premier élément tient à votre choix de lier la précarité à l’âge, en se focalisant sur les moins de 26 ans. (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. Bruno Le Roux - Vous préféreriez l’élargir à tous ?

M. François Bayrou - Certes, beaucoup pensent que la mondialisation entraîne la flexibilité, et la flexibilité la précarité. Et certains, y compris dans cet hémicycle, considèrent que de la faculté de débaucher dépend celle d’embaucher…

M. Maxime Gremetz – A l’UMP, ils sont nombreux à le penser !

M. François Bayrou - Cela me fait penser à ceux qui estiment que l’on trouverait beaucoup plus de logements à louer si les contrats de location à durée fixée étaient supprimés et si le bail devenait révocable à tout moment ! Telle n’est pas notre vision des choses. Nous pensons au contraire que la solidarité – et la loyauté – entre employeurs et salariés est un atout dans la compétition mondiale (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Au reste, ce qui frappe, dans le CNE comme dans le CPE, c’est que l’on n’a pas osé poser la question de la flexibilité pour tous les contrats de travail. On est allé au plus facile, en concentrant toute la précarité sur les plus fragiles : les plus jeunes et les plus petites entreprises. Ainsi, dans une France qui se déchire, sur la couleur de peau, sur la religion ou sur les conditions sociales, dans cette France des fractures, on invente encore une nouvelle fracture ! Une nouvelle fois, deux France : d’un côté, celle des plus protégés – la fonction publique, les grandes entreprises, les travailleurs à statut – ; de l’autre, la France des « sans statut », de ceux qui ne se défendront pas et qui vont devenir la variable d’ajustement des mouvements d’emploi. Si le besoin de flexibilité est aussi fort qu’on le dit, cela va faire tache d’huile. Aujourd’hui, trois ans après leur entrée sur le marché du travail, plus de la moitié des jeunes détiennent un CDI. Demain, croyez-vous que les employeurs hésiteront longtemps, si on leur donne le choix entre un contrat qui les engage et un autre qui ne les engage pas ? En économie, on dit que « la mauvaise monnaie chasse la bonne ». Cela risque de devenir vrai pour le contrat de travail !

Deuxième raison qui fait que « quelque chose ne va pas » : le CPE est un contrat qui, pendant deux ans, peut être rompu sans justification à l’initiative de l’employeur.

Monsieur le Premier ministre, aucun pays en Europe, pas même l’Angleterre de Mme Thatcher, n’a opté pour un contrat de travail permettant de licencier sans justification pendant deux ans…

M. Julien Dray - Votez la censure !

M. François Bayrou - Au reste, cette disposition contrevient directement à la convention 158 de l’OIT, que la France a ratifiée, laquelle oblige à établir le motif de tout licenciement, hors deux cas. Le premier vise le CDD ; le second, celui où le licenciement intervient au cours d’une période d’essai, à condition que la durée de celle-ci soit fixée par avance et qu’elle soit « raisonnable »… Deux ans, Monsieur le Premier ministre, ce n’est plus une période d’essai, et ce ne peut pas être considéré comme une durée raisonnable ! Cela n’est ni loyal ni juste. Les juges qui auront à en connaître le diront, ce qui créera une incertitude juridique supplémentaire pour les employeurs comme pour les titulaires de ces contrats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF) Et que dire de la disposition tendant à faire du CPE un contrat renouvelable, ce qui permettra à certains jeunes d’aller de CPE en CPE, et aux entreprises de remplacer un CPE par un nouveau CPE ! Cela est encore moins juste, encore moins loyal et encore moins raisonnable. Considérer que l’on peut licencier sans justification, cela ne correspond pas à l’idée que la nation se fait du lien social.

Monsieur le Premier ministre, il y a quelques mois à peine, à cette tribune, vous vous présentiez comme le défenseur du modèle social français. Pour nous, ce modèle, c’est d’abord le contrat de travail, dont les règles directrices doivent être fixées par la loi. La première de ces règles, c’est qu’en tant que contrat, le contrat de travail vaut engagement réciproque des parties. La question de la justification du licenciement est donc centrale. Imaginez la jeune fille ou le jeune homme qui travaille depuis vingt-deux ou vingt-trois mois dans une entreprise et qui apprend que son contrat de travail est rompu, cependant que personne n’aura obligation de lui dire pourquoi ! Imaginez le sentiment d’injustice qu’il ou elle va éprouver. Et s’il existe une vraie raison à ce désaveu, la moindre des choses n’est-elle pas de l’en informer, pour l’aider à s’améliorer ? Et quel regard l’employeur suivant portera-t-il sur le parcours de ces jeunes ? Sans doute un regard en coin, en se demandant pour quelle raison obscure ils ont été renvoyés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste)

Le besoin de sécurité, ce n’est pas un luxe ! Connaissez-vous un cadre dirigeant, y compris dans les pays les plus libéraux, qui accepte d’être embauché sans sécurité, sans que soit prévu dans son contrat un « parachute doré », parfois calculé en millions d’euros ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Comment accepter une société réservant à quelques-uns une situation de sécurité absolue et à tous les autres l’insécurité ? Cela ne ressemble pas au modèle de société que nous voulons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Tels sont les fondements de notre opposition au CPE, et voilà ce que vous auriez entendu des Français si vous aviez respecté l’engagement, pris et répété par Jacques Chirac, de faire vivre la démocratie et d’aider à la « refondation sociale ». Vous auriez même pu vous contenter de respecter la loi Fillon que cette majorité a votée en mai 2004, et qui impose de consulter les partenaires sociaux avant toute décision affectant le droit du travail. Si vous aviez respecté ce texte, votre projet de loi aurait été examiné par le Conseil d’État, discuté par les partenaires sociaux, soumis au Conseil économique et social, puis débattu et amendé au Parlement en respectant les allers et retours constitutionnels… Et puisqu’il y avait controverse, le CPE aurait pu – selon une idée autrefois chère à Pierre Méhaignerie – être expérimenté dans plusieurs régions et évalué. On aurait ainsi évité les erreurs que l’on commence à découvrir avec le CNE, puisqu’il apparaît désormais que 95 % des contrats signés ont simplement pris la place d’un autre contrat (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et approbations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Respecter cette démarche, c’est respecter les règles de la démocratie sociale et parlementaire. Loin d’y perdre, vous y auriez gagné beaucoup, et les jeunes de France avec vous. Les Français n’auraient pas eu le sentiment qu’on leur forçait la main, et ils auraient eu d’autres recours que de manifester ! Ils auraient pu saisir leurs députés et nous aurions eu un vrai débat porteur de progrès.

Voilà pourquoi nous défendons une autre approche, et, d’abord, une réforme des institutions. Nous sommes favorables à la suppression du 49-3, qui force la main du Parlement au profit d’un exécutif déjà tout-puissant (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe socialiste). Nous souhaitons également que le Règlement de notre Assemblée tende à limiter raisonnablement le recours à l’obstruction. Car l’un ne va pas sans l’autre : le 49-3 s’appuie sur l’obstruction, cependant que l’obstruction se justifie en invoquant le passage en force (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Ensuite, nous défendons une autre approche sociale, fondée sur l’égalité et la simplicité. Cessons, Monsieur le Premier ministre, de multiplier les contrats. Certains disent qu’il y en a 23 ; d’autres 38… ou plus d’une centaine ! Et il n’est pas un expert capable de les citer tous ! Ce paysage illisible crée une immense insécurité (Même mouvement).

Mme Christine Boutin - Allons donc !

M. François Bayrou – Le contrat de travail doit être un cadre, posant des obligations d’ordre public valables pour tous les salariés. Le cas échéant, les adaptations nécessaires doivent être réalisées à l’intérieur des branches, par l’accord des partenaires sociaux. Dans ce contrat-cadre, les droits doivent se renforcer en fonction de l’ancienneté, comme c’est en réalité le cas pour le CDI, bien qu’un maquis de règles incompréhensible tende à le dissimuler.

D’ailleurs, ce qui frappe à la lecture des réactions que provoque le CPE, c’est, qu’au fond, tout le monde est prêt à évoluer. C’est ce qu’a dit la commission Camdessus, c’est ce que dit le Centre des jeunes dirigeants, c’est ce que dit le Medef, mais la CGT le dit aussi par la voix de M. Le Duigou.

M. Maxime Gremetz - Il faut le citer dans son contexte !

M. François Bayrou - « La question du contrat unique doit être discutée. Nous avons engagé depuis plusieurs années une réflexion sur les limites du droit social actuel. Le CDI n’est pas en soi une protection absolue ». La CFDT, la CFTC ont également évoqué cette idée. C’est aussi ce que M. Proglio vient de dire très clairement dans un rapport dont la publicité n’a pas été assurée par le Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Parti de la même idée depuis dix ans, M. Boissonnat propose un « contrat d’activité » réaménageant le droit du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle et définissant un « statut du travailleur ».

Nous souhaitons un contrat de travail de nouvelle génération, simplifiant le maquis actuel, un CDl à droits progressifs caractérisé par quatre éléments : une période d'essai raisonnable et clairement limitée, par exemple à six mois ; l’obligation de motivation en cas de rupture du contrat, ainsi susceptible de recours – les conditions économiques étant reconnues comme une cause réelle et sérieuse, ainsi que vient de le dire la chambre sociale de la Cour de cassation – ; un droit à indemnité se renforçant au fil du temps ; un droit à formation. Cette nouvelle génération de contrats doit être élaborée avec les partenaires sociaux ; pour nous, un contrat de travail défini en dehors des partenaires sociaux n'a pas de sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

S’agissant des jeunes, dont l’entrée dans l’emploi pose un problème dans tous les pays, il faut une politique simple, non de précarité renforcée, mais de formation.

Il est juste, comme c’est le cas dans une dizaine de pays européens, que la formation au métier ne soit pas à la charge de l'entreprise, spécialement pour les jeunes sans qualification. En Autriche, par exemple, on prend en charge jusqu'à une année de salaire du jeune embauché. Nous proposons ainsi un « contrat de travail et de formation professionnelle ». C'est une idée autour de laquelle tout le monde tourne, avec les contrats de qualification, les contrats de professionnalisation, le contrat que François Hollande vient d’évoquer à cette tribune.

Par ailleurs, il faut une politique incitative de la puissance publique pour permettre aux jeunes de mettre le pied à l'étrier.

Pour le reste, nous proposons d'aider l'entreprise, de la libérer, et non pas de la lier encore plus, de la contrôler encore plus, de la taxer encore plus, de lui promettre encore plus de punitions et de répression.

Mme Christine Boutin - Démagogue !

M. François Bayrou - C'est là notre opposition de fond avec le Parti socialiste, qui nous conduit évidemment à ne pas soutenir sa motion (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UMP).

M. Alain Néri - À la soupe !

M. François Bayrou - Le projet du parti socialiste, qui a commencé d'être exposé dans la « synthèse » du congrès du Mans, n'est pas le nôtre. Il est même contraire au nôtre, initiant un immense retour en arrière (Mêmes mouvements).

Quelques exemples. Au Mans, vous avez annoncé que vous retireriez « purement et simplement » la loi Fillon sur les retraites. Pourtant, lequel d’entre vous est capable de soutenir devant ses concitoyens que l'on peut revenir en arrière sur ce sujet ? Nous savons tous que non seulement on ne reviendra pas en arrière, mais qu'il faudra aller plus loin, parce que le déséquilibre entre le nombre des retraités et le nombre des actifs ne nous laissera pas le choix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Vous avez annoncé aussi que l'on devrait sortir du pacte de stabilité, en extraire un certain nombre de dépenses. Comme si le problème résidait dans les injonctions de Bruxelles, et non dans notre incapacité à rembourser notre dette ! En même temps, vous déclarez que vous voulez un renforcement de la zone euro et son pilotage économique. Quelle logique y a-t-il à demander à la fois un gouvernement économique européen et une sortie du pacte de stabilité – alors que celui-ci est la seule forme de gouvernance économique, insuffisante certes, dont dispose la zone euro ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Concernant les entreprises, j'ai compté dans votre synthèse cinq taxes et contrôles supplémentaires – et sans doute en ai-je oublié : taxe supplémentaire sur les entreprises qui n’atteignent pas un niveau minimal, fixé par l'État, de recherche et d'innovation, laquelle touchera particulièrement les entreprises de main-d'œuvre ; augmentation de l'impôt sur les sociétés qui font des bénéfices ; augmentation des cotisations pour les entreprises qui, en vertu de normes fixées par l’État, ont trop de CDD et pas assez de CDI ; taxation nouvelle sur les heures supplémentaires, et limitation, sous peine d'amende, du nombre de celles-ci, sans compter l'alignement obligatoire des sous-traitants sur la convention collective des donneurs d'ordre.

Vous voulez que l'État intervienne toujours davantage, réglemente toujours davantage, organise, impose, sanctionne, taxe les entreprises de notre pays. C’est exactement l'inverse de ce que nous préconisons, exactement l’inverse de ce que souhaitent les démocrates américains, les travaillistes britanniques, les sociaux-démocrates allemands, les socialistes espagnols et le centre-gauche italien (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Des millions d'hommes et de femmes de notre pays ne se reconnaissent pas ou ne se reconnaissent plus dans la politique du Gouvernement, et pourtant ne veulent pas de ce retour en arrière vers le monde du dirigisme, vers le monde d'hier où l'État impuissant prétend s'occuper de tout, cet État que vous érigez en contrôleur, régisseur et gouverneur.

Mme Christine Boutin - Ils attendent François !

M. François Bayrou - Nous avons un tout autre projet. Nous pensons que, pour que l'entreprise soit plus forte, il ne faut pas que le salarié soit plus fragile, à la merci d'un renvoi sans justification (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Et pour que le salarié soit plus fort, il ne faut pas que l'entreprise soit plus faible, soumise à la toute-puissance de l'État (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe UMP).

Nous croyons qu'en ces temps d'inquiétude, notre mission à tous n'est pas de répandre la précarité, pour les salariés comme pour les entreprises. Nous croyons que les Français ont à l'esprit et au cœur un tout autre modèle, où les rapports entre le salarié et l'entreprise sont équilibrés, où l'entreprise est libre et respectée, où on l'aide au lieu de la brider, en tout cas où on la laisse vivre. Et nous croyons fermement que ce modèle, le jour viendra où les Français et la France l'imposeront. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Alain Bocquet - Voilà quatre ans que vos gouvernements sont censurés à chaque consultation électorale, quatre ans que vos mesures provoquent la colère de l'opinion, quatre ans que vous gouvernez contre le peuple.

Monsieur le Premier ministre, après avoir donné le ton dès votre arrivée en décidant de légiférer par ordonnances, vous avez décidé récemment de recourir contre la représentation nationale à l’article 49-3. Force est de constater que la démocratie parlementaire n’est pas votre « truc ».

M. Francis Delattre - C’est le vôtre, c’est bien connu !

M. Alain Bocquet - Votre politique provoque de grandes souffrances. Vous voulez soumettre les hommes et les femmes à la mondialisation capitaliste, et vous frappez là où il y a le plus d'espoir, en vous attaquant à la jeunesse. Les jeunes, les salariés ne l'acceptent pas. 400 000 personnes l'ont exprimé dans la rue le 7 février et depuis, l'opposition à la galère institutionnalisée grandit dans le pays. Les Français ne veulent pas de votre « Contrat Précarité de l'Emploi » qui impose aux jeunes deux ans de mise à l'essai, deux années d'incertitude et de pression quotidienne.

Vous placez au-dessus de la tête des jeunes l'épée de Damoclès du licenciement sans justification, vous les livrez au bon vouloir du grand patronat, vous voulez leur faire courber l’échine car vous voulez des salariés serviles. Vous allez fragiliser leur existence en les empêchant d’accéder aux prêts et au logement et de faire des projets d'avenir.

Depuis quatre ans, vous avez offert 70 milliards d'euros de cadeaux au patronat, en pure perte. Moins de 65 000 emplois ont été créés en 2005, 70 % des offres d'emplois sont instables, on recense deux millions et demi de chômeurs et trois millions et demi de salariés précaires ou à temps partiel ! Quant à la croissance, elle est en berne: 1,4 % au lieu des 2,5 % que vous annonciez…

Voilà votre bilan calamiteux, et vous voulez encore alourdir la note ! Le CNE et le CPE ne créeront pas d'emplois, ils déstabiliseront davantage le salariat. Les deux tiers des 280 000 CNE comptabilisés se substituent en fait à des contrats à durée indéterminée ; 10 % ont déjà été résiliés, et les plaintes se multiplient devant les tribunaux parce que vous avez autorisé le licenciement sans motif.

Mais peu vous importe, du moment que le Medef y trouve son compte. Mme Parisot est très contente, elle a les yeux de Chimène pour votre politique !

La formation des jeunes et l'école sont aussi dans votre ligne de mire. Vous supprimez des moyens dans deux tiers des zones d'éducation prioritaires, vous autorisez le travail des enfants à partir de 14 ans, vous ouvrez la porte au travail de nuit dès 15 ans ; vous rompez avec les missions de l'école républicaine en refusant de réduire les inégalités et de créer les fondements d'un vrai « vivre ensemble ».

Hormis pendant les périodes de guerre ou de catastrophe, le bien-être de chaque génération allait en s’accroissant. Ce n’est, hélas, plus vrai pour la jeunesse d’aujourd’hui. Où va une société qui abandonne et précarise ses jeunes ? Retirez le CPE, abrogez le CNE, renoncez à vos projets de destruction du code du travail et de décennies de droits sociaux !

Soixante-dix ans après les conquêtes du Front Populaire, vous proposez un bien triste anniversaire au monde du travail et de la création ! Vous amplifiez l’exploitation des chômeurs alors que le grand patronat, l’œil rivé sur la Bourse, multiplie les plans de licenciement en remettant en cause les 35 heures et en ne remplaçant pas les départs à la retraite. La DARES estime le nombre de départs en retraite à 600 000 chaque année, entre 2006 et 2015. Laisserez-vous les directions d’entreprises profiter de ce mouvement démographique pour réduire les effectifs – souvent plus d’un emploi sur dix, comme c’est le cas à France Télécom ou à EDF, deux groupes dont les bénéfices sont pourtant au beau fixe ? Qu’attendez-vous pour instaurer une négociation collective obligatoire sur le remplacement des emplois libérés afin d’embaucher des dizaines de milliers de jeunes ?

Mais bien évidemment, on ne changera pas la donne sans s’attaquer à la prédation des puissances financières. Le groupe Total annonce des profits de 12 milliards et son PDG propose une hausse du dividende de 20 %. A la BNP, les profits augmentent de 21 % et le bénéfice de 25 %. Les entreprises du CAC 40 ont augmenté leurs profits de 25 % en 2005. Où sont les retombées positives pour les salaires, l'emploi, la formation, la recherche, le développement industriel ? Seul l'actionnariat prospère. La France des dividendes est en pleine forme et les entreprises françaises redistribuent le tiers de leur profit aux actionnaires. Le montant des coupons a ainsi augmenté de 33 % l'an dernier.

En revanche, selon l'INSEE, notre pays a compté en 2005 1 000 pauvres de plus par jour ouvrable. Il est temps de mettre un terme à votre politique de paupérisation croissante de notre peuple ! Qu'attendez-vous pour augmenter les revenus des familles, relancer la consommation et donc le développement économique ? Qu'attendez-vous pour donner le signal d'un Grenelle des salaires ?

Notre groupe a proposé la création de plusieurs commissions d'enquête parlementaires afin que la représentation nationale se saisisse des dérives de ce modèle économique. Il faudrait examiner le cas de Total, le devenir de la filière acier, le scandale de la liquidation de Metaleurop ou les conditions de mise en bourse d'EDF. À chacune de nos demandes, l’UMP oppose une fin de non recevoir et s’efface devant les forces de l'argent. Vous laissez l’entreprise SEB fermer des sites et Alsthom se défaire des chantiers de l'Atlantique ; vous restez de marbre quand Altadis, qui réalise un bénéfice net de 220 millions, prévoit à nouveau la suppression de 472 emplois ; vous laissez Arcelor être ballotté au gré des opérations boursières. Votre politique industrielle est inexistante, vos pôles de compétitivité inefficaces.

Vous avez en outre démantelé de nombreux services publics : autoroutes, rail, énergie, services téléphoniques et postaux. Vous réduisez par milliers le nombre d'agents de l'État tout en cadenassant le pouvoir d'achat des fonctionnaires. Et que dire du scandale que constitue le statut des intermittents, lesquels vous rendent responsables d’un immense plan de licenciements laissant plus de 20 000 femmes et hommes sur le carreau ?

Enfin, que faites-vous pour lutter contre l'exclusion ? Avez-vous pris des mesures contre les coupures d'eau et d'électricité en plein hiver ? Non ! Vous avez demandé à vos préfets de contester les arrêtés municipaux allant en ce sens. Avez-vous agi pour donner un toit à ceux qui n'en ont pas ? Non ! Vous détruisez des logements et vos amis vendent les logements sociaux. Avez-vous relevé les minima sociaux au-dessus du seuil de pauvreté? Non ! Face à la crise sociale qui mine les quartiers populaires, vos seules réponses ont été sécuritaires. Vous avez ainsi refusé de rectifier le budget 2006 pour engager un plan d'action doté de 6,2 milliards sur deux ans comme nous l’avions proposé dès novembre dernier. Vous préférez museler la dépense publique au mépris de la santé, de la recherche, de la culture, du sport.

Je pourrais parler encore du triste vaudeville du Clemenceau, des collectivités territoriales sans ressources face aux charges de la décentralisation, des lois sécuritaires qui ne règlent ni les problèmes de sécurité ni le manque de moyens pour la justice comme nous l’avons vu avec le fiasco d'Outreau. Je m'arrêterai néanmoins, cas exemplaire, sur la directive Bolkestein qui revient en tenue de camouflage et que vous vous apprêtez à accepter après avoir crié au loup. Vous soutenez que le sens en a été changé, mais cela ne trompe personne. Respectez plutôt le verdict populaire du 29 mai ! Nous vous demandons solennellement d'agir pour que l'Europe renonce à cette directive.

Monsieur le Premier ministre, il n'y a pas d'autre choix que de censurer votre politique car il faut rompre avec votre logique libérale. La victoire du Non au référendum sur la Constitution européenne montre que les Français ne veulent pas de cette société d'injustices et d'inégalités que vous tentez de leur imposer.

Nous, nous combattons les coups portés à notre peuple et proposons des solutions alternatives. L'argent coule à flot dans notre pays et doit être utilisé autrement. La priorité, c'est de créer de véritables emplois et de développer la production, la recherche et les services. Pour cela, il faut encourager les investissements utiles à l'emploi, la formation, les salaires, avec une nouvelle politique du crédit favorable notamment aux PME et à l'artisanat, mais aussi une nouvelle fiscalité sélective pénalisant la spéculation boursière. II faut résorber l'emploi précaire injustifié et requalifier les stages abusifs en contrats de travail ; il faut ouvrir des droits nouveaux aux salariés, notamment un droit d'ingérence dans la gestion leur permettant de faire valoir des propositions alternatives en cas de délocalisation ou de licenciements collectifs. Les Français seront nombreux dans la rue le 7 mars et ils resteront mobilisés d'ici là. Il est encore temps d'entendre l'exigence populaire et de retirer le CPE !

Au nom de la jeunesse que vous voulez mettre au pas, au nom des salariés, des chômeurs et des retraités, des chercheurs et des artistes, au nom de celles et ceux qui luttent dans les écoles, les cités, les entreprises, de celles et ceux qui souffrent et veulent que cela change, les députés communistes et républicains voteront la censure de votre gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Bernard Accoyer – En bloquant délibérément le débat parlementaire sur l’égalité des chances, vous avez choisi, Monsieur le Premier secrétaire du parti socialiste, de jeter le masque…

M. Jean-Pierre Brard - Le carnaval, c’est vous !

M. Bernard Accoyer - …d’une opposition politique qui se prétendait moderne, réaliste et honnête. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Pourtant, la cause de l’égalité des chances aurait dû, sinon nous rassembler, du moins nous mobiliser tous. Vous ne l’avez pas voulu. Faute de contribution socialiste et d’alternative crédible, vous avez opposé une manœuvre politicienne à retardement calquée sur votre plan média.

M. Patrick Roy – Et le 49-3, ce n’est pas une manœuvre ?

M. Bernard Accoyer – Même quand il s’agit de notre pacte républicain et social…

M. Jean-Pierre Brard - Avec vous, c’est plutôt le pacte de Méphisto !

M. Bernard Accoyer - …quand il s’agit de lutter contre les inégalités, en particulier dans les quartiers difficiles, aucune réponse ne trouve grâce à vos yeux. Pourtant, qui peut nier qu’en ce domaine, il faille agir vite ? Quarante trois heures de débat émaillées par 150 incidents de séance ont été nécessaires pour que soit voté le CPE, d’ailleurs par une écrasante majorité, et alors que le groupe socialiste avait déserté l’hémicycle. Quelle indifférence pour les jeunes confrontés au chômage ou en attente d’une insertion durable dans le monde du travail !

Face à ce blocage total, le Gouvernement, pour apporter des réponses concrètes et innovantes, a pris ses responsabilités avec courage : il a appliqué la Constitution, et il a eu raison ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Quant à vous, Monsieur Hollande, qui prétendez que la gauche n’aurait jamais recouru au 49-3, je vais vous rafraîchir la mémoire : entre 1988 et 1993, les gouvernements Rocard, Cresson et Bérégovoy l’ont utilisé à 39 reprises ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) Entre 1981 et 1986, M. Mauroy et M. Fabius l’ont utilisé onze fois ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Les donneurs de leçons et inventeurs de la technique du mur d’amendements feraient donc mieux de se taire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Vous avez refusé le débat sur le projet de loi pour l’égalité des chances que le Gouvernement et la majorité étaient prêts à poursuivre. En lançant des appels à la rue, vous avez tenté de faire pression sur les travaux parlementaires.

MM. Philippe Vitel et Roland Chassain - Irresponsables, manipulateurs !

M. Bernard Accoyer - Véritable déni de démocratie, puisque vous avez même contesté la légitimité parlementaire de la majorité. La faible mobilisation, en dépit de tous vos mensonges et de vos amalgames pour attiser peurs et angoisses dans la jeunesse, montre que l’on ne vous croit plus ! (Approbations sur les bancs du groupe UMP) La vérité, c’est que cette « opposition frontale » est vitale pour le parti socialiste. Elle donne l’illusion d’une unité de façade quand votre parti est divisé par les ambitions personnelles et se distingue par la confusion idéologique et le vide de ses idées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Le parti socialiste est englué dans la querelle de ses chefs…

M. Jean-Pierre Brard - Ce n’est pas comme à l’UMP !

M. Jean-Claude Lefort - Au fait, où est donc Sarkozy ?

M. Bernard Accoyer - Aux questions concrètes, il répond par des postures idéologiques. Les socialistes, tétanisés par l’extrême gauche, se sont mis à sa remorque en copiant ses idées et ses méthodes.

M. Jean-Pierre Brard - N’exagérons rien !

M. Bernard Accoyer - Pourtant, Monsieur Hollande, vous aviez déclaré qu’il ne servait à rien de courir après l’extrême gauche, car on ne la rattrape jamais ! » (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - Ça c’est vrai.

M. Bernard Accoyer - Dans l’urgence, l’opposition improvise un projet flou et inconsistant. Pour preuve, son nom, « nouvelle sécurité » ou « nouvelle formation », n’est pas encore fixé. Commençons par rétablir la vérité sur le projet de loi pour l’égalité des chances que vous avez caricaturé sans vergogne.

Vos fameux emplois-jeunes étaient des contrats à durée déterminée…

MM. Jean-Louis Idiart et Pierre Cohen - Cinq ans !

M. Bernard Accoyer - …qui n’ouvraient aucun droit à la formation ni au chômage (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) contrairement aux CPE. Par ailleurs, votre « contrat sécurité formation » n’est rien d’autre que le contrat jeune en entreprise ! 300 000 ont déjà été signés depuis trois ans, et le projet pour l’égalité des chances étend ces contrats à tous les jeunes au chômage depuis plus de six mois. Voilà une véritable avancée ! (Même mouvement) Quant à votre prétendu rapport, ses conclusions suggèrent de faciliter l’accès des jeunes aux contrats à durée indéterminée. C’est exactement ce qu’apporte le CPE ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Claude Lefort - C’est hallucinant !

M. Bernard Accoyer - Autre contrevérité : vous avez prétendu que ce texte proposait l’abrogation de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans. En réalité, il ne s’agit que d’offrir aux enfants qui se sont exclus eux-mêmes du système scolaire une issue par la formation professionnelle dès 14 ans en gardant un contact avec le milieu scolaire.

Ce nouveau projet ne peut masquer que la gauche plurielle a battu tous les records en matière d’insécurité. Insécurité pour les personnes et les biens d’abord : la gauche a péché par naïveté et insuffisamment lutté contre la délinquance – M. Jospin l’a reconnu. Les gouvernements Raffarin et de Villepin ont, quant à eux, fait reculer la délinquance de 10 %, notamment grâce à l’action de M. Sarkozy au ministère de l’intérieur (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Insécurité pour notre pacte social ensuite, car la gauche plurielle n’a jamais eu le courage, alors qu’elle était au pouvoir en période de forte croissance, de conduire les réformes indispensables pour préserver nos systèmes de retraite et d’assurance maladie. C’est la droite qui a dû s’en est charger !

Insécurité encore pour l’avenir des jeunes à qui la gauche n’a proposé que des emplois publics sans formation ni débouchés, un statut précaire sans perspectives…

M. François Hollande - Cinq ans, tout de même !

M. Bernard Accoyer - Insécurité pour l’hôpital, désorganisé par les 35 heures, selon les dires mêmes de Lionel Jospin. Insécurité pour nos entreprises avec les 35 heures toujours, les rigidités imposées par la loi Guigou et une fiscalité dissuasive pour les transmissions et donc destructrice d’emplois.

Insécurité pour les contribuables avec la création de 19 impôts nouveaux en cinq ans et aujourd’hui une hausse sans précédent de la fiscalité régionale – à quoi il faut ajouter le matraquage sans précédent des automobilistes franciliens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Décidément, pour la gauche, il n’y a qu’une seule réponse : toujours plus d’impôts ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Insécurité pour nos finances publiques, plombées durablement par les bombes à retardement laissées par la gauche en 2002 : 15 milliards d’euros par an pour les 35 heures, recrutements massifs dans la fonction publique ou encore le financement de l’APA, de la CMU ou encore de l’AME.

Insécurité pour l’avenir de notre filière énergétique avec le démantèlement sacrificiel de Super Phénix sur l’autel de la gauche plurielle ! (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Insécurité pour les emplois, car les créations de postes que la gauche s’attribue ont été en grande majorité le fait d’emplois aidés, subventionnés et administratifs.

Insécurité en matière d’immigration, puisque par laxisme et aveuglement, vous avez encouragé la venue de clandestins en procédant à des régularisations massives.

Quel crédit les Français peuvent-ils donc accorder au parti socialiste… (« Aucun ! » sur les bancs du groupe UMP) …alors qu’il s’est distingué par son recours au double langage ? Monsieur Hollande, vous avez pourtant déclaré qu’il « faut savoir dire la vérité et ne pas tenir un discours quand on est dans l’opposition et un autre diamétralement opposé quand on est au pouvoir ».

M. François Hollande - Je persiste.

M. Bernard Accoyer - Or, que constate-t-on ? Aujourd’hui, vous promettez l’augmentation massive du SMIC alors que vous avez gelé hier le pouvoir d’achat des plus modestes avec les 35 heures et atomisé le SMIC ! Vous réclamez une taxation exceptionnelle des bénéfices des entreprises après avoir été les champions de la privatisation et d’une faible fiscalité sur les stock options. MM. Fabius et Strauss-Kahn étaient favorables à l’ouverture du capital d’EDF et de GDF et demandent maintenant leur renationalisation (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Hollande demande l’intervention de l’État dans le dossier Arcelor en oubliant que la gauche plurielle a renoncé aux dernières actions que l’État possédait dans cette entreprise et que M. Jospin s’était déclaré impuissant à propos de Vilvorde !

Le parti socialiste est bien le parti de l’hypocrisie. Qui doit-on croire ? M. Frêche qui insulte une partie de la communauté nationale (« Hou ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), ou bien M. Ayrault, seul responsable socialiste à avoir dénoncé ces propos alors que les présidentiables du parti se cantonnaient dans un silence assourdissant ?

Comment tolérer qu’un élu de la République s’exprime ainsi sans être immédiatement sanctionné par son parti ? Après de telles déclarations, M. Frêche aurait dû démissionner de sa présidence de région (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Monsieur Hollande, vous qui êtes si prompt à demander des comptes et à donner des leçons, qu’en pensez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Lefort - Voilà qui s’appelle rester dans le sujet !

M. Bernard Accoyer - Au double langage du parti socialiste, s’ajoute le dogmatisme. Vous refusez de voir le monde tel qu’il est, vous lui préférez de vieux schémas usés, des idéologies d’un autre âge. Dans un monde en pleine mutation, vous restez recroquevillés sur vous-mêmes par archaïsme, par arrogance, comme l’ont si bien noté M. Kouchner et Mme Royal. Vous vous êtes coupés des autres partis sociaux-démocrates européens en associant vos voix à celles des partis extrêmes et populistes sur le projet de directive sur les services ! La vérité, c’est que la gauche française reste imprégnée par des préjugés collectivistes (Rires sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) et l’idéologie marxiste (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Elle voit en l’entreprise et les entrepreneurs des ennemis. Qui peut nier que vous soyez responsables de la mauvaise image du travail français dans le monde ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Qui peut nier que vos décisions aient handicapé durablement le développement de l’emploi marchand ? Le monde d’aujourd’hui appelle plus d’innovation, de régulation et de flexibilité.

Dans la bataille pour l’emploi, le Premier ministre a choisi de sortir des idées reçues. Et, les résultats sont là : 180 000 demandeurs d’emplois de moins en neuf mois, une baisse du chômage qui profite à toutes les tranches d’âge, 300 000 CNE signés en six mois – un tiers de ces embauches n’auraient pas été possibles sans ce nouveau contrat ! (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Maxime Gremetz - Quel culot !

M. Bernard Accoyer - Ce succès est incontestable ! Avec le même volontarisme, M. de Villepin a décidé de s’inspirer des expériences menées en Grande-Bretagne (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) pour mieux lutter contre le chômage des jeunes. Mme Royal nous y a invités d’ailleurs en affirmant que M. Blair a « obtenu de vrais succès en recourant à plus de flexibilité et plus de sécurité ». C’est tout l’intérêt du CPE, vrai contrat de travail à durée indéterminée avec un vrai salaire, des droits et des garanties…

M. Alain Néri - …et la précarité en prime !

M. Bernard Accoyer - Non, la précarité, c’est ce que les jeunes vivent aujourd’hui en multipliant stages, missions en intérim et CDD de quelques semaines !

M. Alain Néri - Et bientôt CPE de quelques jours !

M. Bernard Accoyer - Pour la gauche, un bon emploi ne peut être qu’aidé et financé à coup de subventions, de déficits, c’est-à-dire de dettes que les jeunes devront payer eux-mêmes.

M. Jean Glavany - Quelle finesse dans le raisonnement !

M. Bernard Accoyer - S’il ne faut pas tout attendre de l’État, nous sommes convaincus que la politique peut mobiliser les entreprises et leur donner les moyens de se battre à armes égales avec leurs concurrents. C’est une question de volontarisme politique.

Ce gouvernement a créé les pôles de compétitivité et installé l’agence d’innovation industrielle ; c’est son action et celle de la majorité qui a permis de relancer la création d’entreprises, à un rythme inégalé ; c’est ce gouvernement qui a adopté des mesures pour encourager la constitution d’un actionnariat pérenne et qui mettra en place les outils indispensables pour réguler les OPA hostiles.

Enfin, c’est ce gouvernement qui a relancé la construction de logements : 400 000 mises en chantier en 2005, dont 80 000 logements sociaux, deux fois plus qu’en 2000. Permettez-moi, Monsieur Hollande, de dénoncer à cet égard votre mensonge selon lequel nous aurions profondément modifié la loi Gayssot ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Rien n’a été changé. (« Menteur ! » sur les bancs du groupe socialiste)

C’est encore le Gouvernement qui affectera des moyens supplémentaires aux collèges prioritaires des ZEP.

M. Alain Néri - Paroles !

M. Bernard Accoyer - Sur tous ces sujets, l’opposition n’a rien d’autre à proposer aux Français que le replâtrage artificiel de cette gauche plurielle, qui a pourtant porté tant de mauvais coups à notre pays. Comme hier, elle n’est d’accord sur rien : ni sur l’économie de marché, ni sur la construction européenne, ni sur la place du travail, ni sur les grands choix énergétiques.

M. Henri Emmanuelli - Vous êtes une caricature !

M. Bernard Accoyer - Le ciment de son unité factice réside dans la lutte pour les places, la perspective du partage du pouvoir et des postes.

M. Jean Glavany - Et c’est vous qui dites cela !

M. Bernard Accoyer – Cette conception de la politique, faite de petits arrangements entre amis, de postures démagogiques et de reniements programmés n’est pas et ne sera jamais la nôtre. L’action, le courage et la volonté politique ont pour nous un sens et un objectif : l’avenir de la France, le bonheur des Français.

Aussi, nous dénonçons votre conservatisme et votre volonté constante de dresser les Français les uns contre les autres. Nous voulons être des élus responsables, au service d’une France rassemblée, valorisant ses atouts dans un monde en mutation.

Sous l’impulsion du Président de la République, unis derrière le Premier ministre, nous voulons continuer à moderniser la France : c’est pourquoi le groupe UMP appelle au rejet de cette motion de censure. (Plusieurs députés du groupe UMP se lèvent, tous applaudissent)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Je suis très heureux de l’occasion qui m’est donnée de défendre l’action du Gouvernement en ce moment décisif de notre histoire, dans la fidélité à la ligne tracée par le Président de la République.

M. Augustin Bonrepaux - Vous aurez du mal !

M. le Premier ministre - Je voudrais remercier M. Accoyer…

M. Jean Glavany - De sa finesse sans doute !

M. le Premier ministre - …et l’ensemble de la majorité pour le soutien sans faille qu’ils apportent jour après jour à cette action (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Je voudrais dire à M. Bayrou que je suis sensible à ses encouragements (Rires sur les bancs du groupe socialiste).

La France change, elle évolue et attend de ses responsables politiques des réponses nouvelles à des problèmes nouveaux, non des réponses anciennes à des problèmes anciens. Elle attend de la lucidité, de la décision, des résultats (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La France s’impatiente…

M. Alain Néri - Elle a raison !

M. Christian Paul - Quatre ans !

M. le Premier ministre - …quand le chômage des jeunes persiste, quand la compétition économique est plus vive, quand la situation internationale se dégrade. Les Français nous demandent : que faites-vous ? Que proposez-vous ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) A tous ceux qui veulent aujourd’hui censurer le Gouvernement, je demande : que faites-vous ? Que proposez vous ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Dans un monde de plus en plus complexe, où les repères se brouillent et où les valeurs sont mises à l’épreuve, où les inégalités pèsent sur les plus fragiles d’entre nous, il serait irréaliste, Monsieur Hollande, et irresponsable, Monsieur Bocquet, de faire croire aux Français que nous pourrons résoudre nos difficultés en reprenant les slogans du passé (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Julien Dray - Qui n’a pas de passé n’a pas d’avenir !

M. le Premier ministre - Il est de votre droit de viser le Gouvernement, Monsieur Hollande. Pourtant, et ce sera mon premier message, la politique, ce n’est pas le dénigrement…

M. Jean Glavany - C’est l’élection !

M. le Premier ministre – …c’est la proposition, c’est l’action.

Alors, pour que notre débat soit serein, permettez-moi de rétablir quelques vérités. Vous dites que la baisse du chômage provient de la radiation de chômeurs (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). La vérité, c’est qu’il y a eu moins de radiations en 2005 qu’en 2004. Oui, le chômage baisse, et même si nous ne sommes pas à l’abri d’un à-coup mensuel, la tendance est là !

M. Augustin Bonrepaux - Et le RMI ?

M. le Premier ministre - Vous dites que nous décourageons la demande des ménages…

M. Jean Glavany - C’est vrai !

M. le Premier ministre - La vérité, c’est que la consommation continue à progresser. La vérité, c’est que le SMIC horaire a augmenté de plus de 17 % depuis 2002 ! (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP)

Vous dites que nous déposons le bilan des ZEP : la vérité, c'est qu'avec Gilles de Robien, nous mettons fin au saupoudrage des moyens et que nous concentrons nos efforts sur 250 établissements prioritaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Roy - C’est un mensonge !

M. le Premier ministre - Vous dites que nous supprimons les allocations familiales pour les familles en grande détresse : la vérité, c'est que nous voulons inciter les parents à prendre leurs responsabilités, quitte à suspendre temporairement leurs allocations.

M. Alain Néri - Ce n’est pas la bonne formule.

M. le Premier ministre - La solidarité, ce n'est pas distribuer l'argent public les yeux fermés : ce sont des droits et des devoirs, c'est une vraie solution aux difficultés de chacun, une main tendue !(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Vous ironisez sur notre engagement national pour le logement : la vérité, c'est que nous n'avons jamais construit autant de logements en France depuis vingt-cinq ans.

M. Henri Emmanuelli - Les logements « de Robien » sont vides ! Allez sur le terrain !

M. le Premier ministre - La vérité, c'est que nous finançons deux fois plus de logements sociaux que ne le faisait le gouvernement Jospin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Avec Jean-Louis Borloo, nous avons lancé un programme de rénovation urbaine qui transforme le visage de nos banlieues.

M. François Hollande - Allez les voir, les banlieues !

M. le Premier ministre - Je vous entends même vous féliciter de votre gestion des finances publiques entre 1997 et 2002…

M. Henri Emmanuelli – Oui, on peut comparer !

M. le Premier ministre - Mais vous n'avez pas pris les décisions de redressement nécessaires…

M. François Hollande - Et vous ?

M. le Premier ministre - …les décisions courageuses sur les retraites ou le système de santé que Jean-Pierre Raffarin a prises, avec l'appui de notre majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Vous le voyez, la liste de vos approximations est longue. Et pourtant, celle de vos propositions est terriblement courte. Rien de neuf sur l'emploi des jeunes, sinon des rafistolages et des ravaudages qui ne leur offrent pas la possibilité de démarrer dans la vie.

Le contrat que vous proposez est intéressant, Monsieur Hollande, mais vous ne faites que repeindre ce qui existe depuis deux ans : le contrat de professionnalisation et le contrat « jeunes en entreprise », exonérés de toutes charges sociales pour les non-qualifiés et incluant une formation.

M. François Hollande - Sans contrepartie !

M. le Premier ministre - Rien de neuf sur les exonérations de charges, sinon l'idée de revenir sur des engagements qui ont été pris : cela conduirait à remettre en cause 800 000 emplois. Ce sont les nouvelles exonérations qu'il faudra conditionner, et c'est ce que nous venons de décider.

M. Daniel Vaillant - Vous n’y connaissez rien !

M. le Premier ministre - Rien de neuf sur la recherche et l'innovation, qui sont les grands défis de notre économie. Rien de neuf sur l'orientation, la formation, l'éducation, qui sont pourtant des priorités absolues.

M. François Hollande - Demandez aux chercheurs !

M. le Premier ministre - Et cela, alors que le monde bouge : tous nos grands partenaires européens imaginent et mettent en œuvre des mesures nouvelles pour l'emploi, pour la croissance et pour l'éducation. Oui, ouvrons les yeux sur la réalité qui nous entoure, prenons conscience des changements du monde et des exigences nouvelles qu'il nous impose : plus d'opportunités et davantage de protection, plus de liberté pour chacun et un projet collectif pour tous, voilà ce que nous devons construire pour les Français !

Alors je fais un rêve (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Jack Queyranne - C’est un cauchemar !

M. Jean Glavany - Réveillez-le, Monsieur le Président !

M. le Premier ministre - …celui d'une opposition qui aurait enfin tourné le dos aux impasses de l'idéologie et qui aurait résolument choisi – comme MM. Zapatero et Blair, comme les alliés de Mme Merkel – le parti de la modernité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Avec les Français, je veux construire un nouveau pacte social : plus moderne, plus équitable, plus juste. Car je sais combien la situation est difficile pour beaucoup d'entre eux. Je mesure les inquiétudes : il nous faut agir.

Ce sera mon deuxième message : si nous voulons sauver le modèle social français, il faut le refonder sur des bases solides et justes, sur des principes républicains qui auraient retrouvé tout leur sens et toute leur vitalité.

La liberté d'abord : aujourd'hui, elle nous appelle à offrir de nouvelles chances et à aider chacun dans ses choix. Car enfin, qu’est-ce que la liberté pour un étudiant, quand il ne connaît pas les filières dans lesquelles il peut s'engager, quand on ne l'informe pas sur les débouchés professionnel de ses études ? Nous, nous voulons mettre en place un vrai service public de l'orientation pour tous.

Qu’est-ce que la liberté pour un jeune quand il ne trouve pas d'emploi stable pendant les huit ou dix premières années…

M. François Hollande - C’est faux !

M. le Premier ministre - Quand il ne peut ni se loger ni emprunter ni se former ? Nous, nous voulons donner la possibilité à chaque jeune d'entrer plus vite et plus facilement dans la vie active.

Qu’est-ce que la liberté pour des enfants handicapés, qui se voient refuser l'accès aux collèges et aux lycées et un soutien adapté ? Nous voulons leur apporter un véritable accompagnement scolaire.

M. Jean Glavany - Cela fait quatre ans !

M. le Premier ministre - Qu’est-ce que la liberté pour des hommes et des femmes à qui on interdit l'accès à un compte bancaire ou à une carte de crédit, au motif qu'ils ne gagnent pas assez d'argent ? Nous voulons mettre en place un vrai service bancaire universel (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Oui, la liberté se construit, et elle résulte des décisions concrètes que nous prenons !

Le second principe, c’est l’égalité (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Ce n’est pas un acquis, mais une victoire de tous les jours, qui exige de porter attention aux plus faibles, aux blessés de la vie et à tous ceux qui n’ont pas bénéficié des mêmes chances au départ. Quand des élèves n’arrivent plus à suivre les cours, il est normal de les aider davantage. C’est pourquoi nous voulons offrir, dès le plus jeune âge, un soutien en français aux enfants dont les parents sont d’origine étrangère, ainsi qu’une évaluation réelle de leur maîtrise de la lecture et de l’écriture, un accompagnement personnalisé, et un tutorat assuré par des étudiants.

Et lorsque des jeunes sont au chômage depuis plus de six mois, il est normal de leur donner un coup de pouce supplémentaire, en consentant des exonérations totales de charges sur trois ans.

M. Jean-Marc Ayrault - Des mots, encore des mots ! Voilà quatre ans que vous êtes en charge !

M. le Premier ministre - Troisième principe : la fraternité. Elle implique de donner à chacun une place, quelque soit son origine et sa situation. Soyons donc plus exigeants en matière de lutte contre les discriminations, qui empoisonnent chaque jour la vie de dizaines de milliers de nos compatriotes. Chacune de ces discriminations est un coup porté à la République !

N’oublions pas non plus la promesse faite à tous les habitants des quartiers sensibles lors de la crise de l’automne dernier. Vous attribuez à ce gouvernement la responsabilité des événements, mais les Français jugeront. Pour ma part, je préfère les solutions aux accusations, et les réponses aux réquisitoires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Vidalies - Bla bla bla !

M. le Premier ministre - Toute l’ambition du projet de loi sur l’égalité des chances est de donner de nouvelles opportunités en créant de nouvelles zones franches urbaines, en renforçant les zones d’éducation prioritaires, et en accordant de nouveaux moyens aux associations, qui réalisent un travail exceptionnel sur le terrain. Il s’agit d’offrir plus de choix aux jeunes, et de coordonner les initiatives grâce à la création de l’Agence pour l’égalité des chances et des préfets délégués. Voilà ce qu’avec Jean-Louis Borloo, Azouz Begag et Catherine Vautrin, nous mettons en place. Et pourtant vous y avez fait obstruction lors du débat parlementaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Il nous faut aussi refonder notre modèle social grâce à une politique de l’emploi maîtrisée et efficace, priorité absolue du Gouvernement. Au cœur de nos préoccupations, se trouve ainsi l’emploi des jeunes : face à la précarité actuelle, c’est un vrai parcours d’embauche que je veux leur offrir. Il faut d’abord que tous les jeunes, dès le collège et plus encore au lycée et à l’université, puissent choisir leur voie en connaissant les diplômes et les débouchés professionnels offerts. Tel est l’objectif du service public de l’orientation que Gilles de Robien et François Goulard sont en train de créer.

M. André Chassaigne - Il faut des postes pour cela !

M. le Premier ministre - Nous devons également développer l’alternance, en offrant plus de places en entreprise, mais aussi en multipliant les possibilités de formation dès l’entrée dans la vie active. C’est pourquoi tous les apprentis juniors pourront bénéficier, à compter de la rentrée 2006, d’une année de formation, lorsqu’ils en éprouveront le besoin pour changer de métier. Ce sera le premier pas vers un droit universel à la formation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Les stages, qui permettent d’acquérir une première expérience en entreprise, seront également encadrés et obligatoirement rémunérés au-delà de trois mois.

Enfin, tous les jeunes doivent pouvoir accéder rapidement à un contrat à durée déterminée. Tel est le but du CPE (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. François Liberti - Quelle hypocrisie !

M. le Premier ministre - Ce contrat ouvrira les portes de l’emploi à tous les jeunes qui se heurtent aujourd’hui au refus ou à l’indifférence. Face aux inquiétudes qui se sont manifestées, je veux réaffirmer que la période de deux ans ne sera pas une période d’essai, mais de consolidation de l’emploi (M. Gremetz s’exclame), qui prendra en compte toutes les périodes d’activité dans l’entreprise. J’ajoute que le préavis en cas de rupture sera garanti, de même que les indemnités et le respect du droit du travail.

Et n’oublions pas les droits nouveaux : le droit individuel à la formation et l’indemnisation du chômage dès le quatrième mois.

J’en prends l’engagement devant vous : nous répondrons aux difficultés particulières que les jeunes pourraient rencontrer. Ainsi, nous avons déjà reçu les banques afin de nous assurer qu’elles considéreront le CPE comme un CDI classique (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), et nous avons discuté avec les bailleurs et les assureurs pour sécuriser la mise en œuvre du dispositif LOCAPASS.

Soyez-en sûrs : ce contrat sera un succès, à l’image du CNE, qui a permis de débloquer des centaines de milliers d’emplois dans les très petites entreprises. En effet, comment pouvez-vous penser qu’un employeur qui a formé un jeune pendant des mois voudra se séparer de lui ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Cela fait vingt ans que nous utilisons les mêmes recettes, que nous hésitons et que le chômage des jeunes reste aussi élevé. Ne croyez-vous donc pas qu’il soit temps d’essayer de nouvelles solutions ?

Au-delà des jeunes, c'est toute la politique de l'emploi que nous devons adapter aux réalités quotidiennes. Aux femmes qui subissent le temps partiel et qui souhaiteraient gagner davantage pour mieux faire vivre leur famille, nous voulons permettre de prendre un nouvel emploi en simplifiant les règles du cumul ; aux salariés qui approchent de la retraite et qui estiment à juste titre qu'ils pourraient encore faire partager leur expérience, nous voulons donner la possibilité de sortir progressivement de l'entreprise, sans rupture, grâce à des CDD seniors, élaborés par les partenaires sociaux et répondant à un vrai besoin de prolongation de la vie professionnelle.

Je pense enfin à toutes ces formes d'activité que nous devons encourager pour que les Français puissent s'engager dans les domaines les plus variés de l’existence, en fonction de leurs goûts et de leurs talents. Tel est par exemple le cas des services à la personne, auxquels le chèque emploi-service universel, lancé par Jean-Louis Borloo, donnera une nouvelle impulsion, en libérant l’accès à des services qui aujourd'hui ne sont pas satisfaits.

C’est aussi vrai dans le secteur associatif, où le statut de volontaire associatif voulu par Jean-François Lamour permettra un engagement dans de meilleures conditions, mais également dans le secteur culturel : les dispositions fiscales que nous avons prises en faveur de la création artistique, les échanges avec d'autres pays européens et la construction de résidences d'artistes sont autant de décisions qui aideront tous ceux dont l'imagination, le cœur et le talent illustrent et défendent ce qu’il y a de plus généreux en France.

Enfin, la justice de notre modèle social juste exige que nous améliorions les outils de notre solidarité. Notre pays est en effet de plus en plus mobile et divers : apparaissent de nouveaux métiers, de nouveaux modes de vie ainsi que des modèles familiaux différents.

Or, le progrès social n’a rien d’une photographie nostalgique du passé. Il s’agit au contraire de reconnaître la mobilité et d’en faire une chance pour chacun d'entre nous, en particulier les plus faibles et ceux qui sont le plus exposés au risque du chômage et de la précarité. Le progrès social, c'est la mobilité et la sécurité, de nouvelles chances et de nouvelles protections ; c’est aller vers une vraie sécurisation des parcours professionnels (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Le Gouvernement entend apporter une aide à tous ceux qui sont éloignés de l'emploi, dans une logique de droits, mais aussi de devoirs. Depuis le 1er janvier, les chômeurs ont ainsi droit à un accompagnement personnalisé par un conseiller qu'ils connaissent, qui les rencontre tous les mois, et qui peut donc mieux les guider dans leur recherche. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) En retour, ils ont le devoir de rechercher activement un emploi. S’agissant des titulaires de l'allocation de solidarité spécifique et du RMI ensuite, nous devons être plus exigeants en matière insertion dans le travail, car il doit être plus intéressant de gagner sa vie par un revenu d’activité que par un revenu de l'assistance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Nous voulons aussi accompagner ceux qui sont dans l'emploi mais qui craignent de le perdre, tout comme ceux qui voudraient prolonger leur activité. Aux salariés dont les usines ferment pour se délocaliser, vous avez répondu : « on ne peut rien faire ». Or, notre conviction, c’est qu’il faut aider chaque salarié à se reclasser grâce à des conventions personnalisées, comme nous l'avons fait à Romans pour l'usine Jourdan.

Il faut ainsi expérimenter des dispositifs audacieux dans les bassins d'emploi en restructuration, comme le contrat de transition professionnelle. N'attendons pas les difficultés pour agir, ne subissons pas le mouvement, mais accompagnons-le pour que chacun puisse prévoir et anticiper !

M. Augustin Bonrepaux - Ce sont des mots !

M. le Premier ministre - Apportons enfin une réponse à tous ceux qui souffrent de la pauvreté ou de l'exclusion, et qui ont été bien étrangement absents de votre discours, Monsieur Hollande. Par l'ampleur des moyens dégagés, le plan de cohésion sociale représente une mobilisation sans précédent.

M. Augustin Bonrepaux - Quels moyens ?

M. le Premier ministre - Dans quelques jours, je ferai des propositions d'expérimentation qui permettront d’apporter des solutions locales, concrètes et rapides. Dans ce domaine, il faut innover, valoriser et rassembler les efforts de chacun.

C’est d'énergie et de vitalité que le nouveau pacte social français a besoin. Et il les trouvera dans son économie, dans sa capacité à produire des richesses et à les vendre à l'étranger. Tel est en effet mon troisième message : nous devons gagner la bataille de l'innovation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Pour cela, nous disposons d’atouts exceptionnels : la productivité horaire de notre main-d’œuvre est l'une des meilleures au monde ; nos salariés ne cessent de faire des efforts pour répondre – avec succès – aux exigences de la compétition mondiale ; et nous avons des services publics remarquables (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), hôpitaux, écoles, infrastructures routières et autoroutières, qui contribuent à la qualité de la vie dans notre pays.

Par ailleurs, notre capacité d'innovation est intacte : le haut niveau de nos laboratoires et de nos centres de recherche est reconnu dans le monde entier, de même que la puissance de nos champions industriels mondiaux, la densité exceptionnelle de notre équipement en internet à haut débit, ou la performance de notre agriculture, qui structure nos paysages ruraux.

Les Français sont fiers de ces atouts. Plus de cinq millions de Français, et 70 % des salariés de l’entreprise, ont acheté des actions EDF. Soyons donc au diapason de nos concitoyens ! Au lieu d'alimenter leurs peurs, donnons-leur confiance dans l'avenir !

Regroupons donc nos forces économiques. Voilà le but des pôles de compétitivité et des pôles d'excellence rurale, mais aussi celui des mesures que j’ai prises avec Renaud Dutreil en vue de faciliter le financement des PME, leur transmission et leur croissance. Nous savons que nos PME doivent avoir une taille plus importante pour gagner des parts de marché dans les pays les plus dynamiques.

Et déjà la situation s’améliore, Monsieur Hollande : nos exportations vers l'Inde ont augmenté de 45 % l'année dernière, et de 17 % vers la Chine (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Être présents partout où la croissance est forte, c'est le défi majeur que nous avons à relever. Si j’ai parlé de « patriotisme économique », il ne s'agit pas de dresser des barrières illusoires contre la mondialisation, mais de reconnaître que les intérêts français et européens passent en premier, et surtout, que nous devons donner à nos entreprises les moyens de se battre à armes égales avec leurs concurrentes américaines et asiatiques.

Nous devons ensuite soutenir l'innovation. C’est pourquoi nous avons mis sur la table huit milliards d'euros supplémentaires sur la période 2005-2007 afin de relancer la recherche technologique.

Nous soutenons l'investissement grâce à une réforme de la taxe professionnelle qui libère les capacités de notre industrie. Pour la première fois dans ce pays, les hautes technologies, la recherche, l'innovation, qui sont les outils décisifs pour gagner dans le monde de demain, sont mis au service d'une véritable vision économique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) L'innovation doit se diffuser partout. Le dynamisme et la compétitivité de notre économie en dépendent.

Enfin l'État doit défendre les intérêts de notre économie et de nos salariés. Thierry Breton présentera un nouveau dispositif de protection contre les OPA hostiles, qui mettra en œuvre le principe de réciprocité. Nous devons encourager la détention d'actions longues et l'actionnariat salarié, car un capital fort et structuré reste la meilleure façon de défendre nos entreprises tout en valorisant les efforts des salariés. J'annoncerai de nouvelles mesures dans les prochains jours.

L'économie française a des ressources d'énergie et de talent immenses. Nous voulons avancer en préservant à la fois une agriculture moderne, une industrie compétitive et des services innovants. Nous voulons préserver de la concurrence certains services publics qui, sans être rentables, sont socialement nécessaires. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Cet équilibre nous protège des grands chocs extérieurs, il faut le renforcer.

Pour cela, je suis convaincu que l'Europe est une chance pour la France, car elle peut nous donner les moyens de construire de grands champions industriels, pourvu que nous ayons la volonté de faire passer nos intérêts économiques avant le droit de la concurrence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Elle doit nous permettre de valoriser notre expérience en matière de services, pourvu que nous soyons vigilants sur nos services publics et sur les conditions du droit du travail. De ce point de vue, la nouvelle directive sur les services va dans le bon sens (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Le parti socialiste et le parti communiste français ont voté contre au Parlement européen. Je ne crois pas qu’ils aient donné là une leçon de courage politique. (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) L'Europe doit être notre horizon en matière d'énergie et d'innovation. Notre pays, aujourd'hui, a toutes les qualités pour être le fer de lance du défi technologique et énergétique européen.

Enfin, et c'est ce qui fonde ma politique et mon engagement, je crois dans l'avenir de la France. Nous pouvons compter sur les Français, nous devons nous appuyer sur leur volonté de dépassement. Oui, nous pouvons tous être fiers de leurs efforts, et des capacités de notre pays. Ensemble, nous allons en finir avec le chômage de masse, en particulier le chômage des jeunes. Ensemble, nous allons entrer sereinement dans la modernité.

Et pour cela, donnons sa juste place à l'Etat, garant de l'autorité publique, car il est là pour faire respecter nos règles et nos valeurs et défendre l'intérêt général. C'est vrai en particulier en matière de sécurité. Vous savez que vous pouvez compter sur la détermination de Nicolas Sarkozy (Très vives exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste) pour continuer à lutter contre la délinquance et les violences aux personnes, qui exaspèrent nos concitoyens.

C'est vrai en matière de justice, une justice qui doit être rapide, efficace et humaine. Avec Pascal Clément (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), comme l'a demandé le Président de la République, nous tirerons toutes les conséquences de la commission d'enquête sur le drame d'Outreau. J'ai confiance dans la capacité de notre magistrature à s'engager dans cette voie avec son sens des responsabilités, pour apporter de meilleures garanties aux justiciables.

C'est vrai aussi en matière d'immigration : vous critiquez l'immigration choisie, mais préférez-vous l'immigration subie ? Les flux continus d'étrangers en situation irrégulière ? Les délais scandaleux qui étaient de mise en matière de demande d'asile avant notre réforme de l'OFPRA ? Avec le ministre d'État, nous croyons que refuser l'immigration irrégulière, les détournements de procédure, les mariages de complaisance est de notre devoir, et la condition de la bonne intégration des étrangers en situation régulière qui viennent en France avec leurs projets et leurs espoirs. Nous croyons qu’orienter vers la France les étudiants les meilleurs et les plus motivés…

M. Daniel Paul - C’est du pillage !

M. le Premier ministre - …qu'imposer un vrai contrat d'intégration reposant sur la maîtrise du français, c'est mettre tous les atouts de notre côté.

Si l'État ne protège pas les plus faibles, qui le fera ? Si l'État ne fait pas respecter la règle de droit, qui le fera ? Si l'État ne s’assure pas de protéger chacun contre les nouveaux risques sanitaires comme la grippe aviaire ou le Chikungunya, qui le fera ?

Mais l'État doit retrouver des marges de manœuvre. Aussi souhaitons-nous revenir à un taux maximum d'endettement de 60 % du PIB avant 2010. Pour la première fois, avec Thierry Breton et Jean-François Copé (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), nous avons fixé un objectif transparent de désendettement, de maîtrise de la dépense publique, de limitation des déficits. Cet objectif est défini collectivement et sera chiffré devant la représentation nationale lors du débat d'orientation budgétaire de juin.

Nous devons toujours mieux servir les Français et répondre à leur soif de changement. Je pense au marché du travail : avec Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), nous ouvrirons dans les prochaines semaines la troisième étape de la bataille pour l'emploi. Ce sera une étape d'approfondissement, de concertation et de dialogue qui abordera tous les sujets utiles.

Je pense aussi à l'éducation : nous avons déjà beaucoup avancé sur l'école, l'acquisition des savoirs fondamentaux, l'accompagnement des élèves. Avec Gilles de Robien et François Goulard (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), nous voulons encore améliorer notre système d'enseignement supérieur, avec deux préoccupations majeures, aider les étudiants dans leur vie quotidienne, que ce soit pour leur orientation, leur accès au diplôme, les bourses, le logement étudiant, ou l'apprentissage d'un métier, et revaloriser le statut des enseignants, pour mieux reconnaître leur dévouement et leur compétence, leur permettre d'accéder à une seconde carrière.

A toutes ces questions, nous allons apporter des réponses.

Vous le voyez, comme l'a souhaité le Président de la République, l'année 2006 sera une année utile pour la France.

Plusieurs députés socialistes – Vous avez oublié Douste !

M. le Premier ministre - A chaque âge de l'histoire de notre pays correspond un défi majeur : la République à enraciner pour nos grands-parents, l'homme à sauver de la barbarie et le pays à reconstruire pour nos parents, la France à faire progresser pour notre génération et celle de nos enfants. En cédant trop souvent à l'immobilisme et à la peur, nous n'avons que trop tardé.

Plusieurs députés socialistes – Quatre ans !

M. le Premier ministre - Aujourd'hui, nous sommes au rendez-vous de l'action contre la résignation, au rendez-vous du pragmatisme contre l'idéologie. Alors, qu'il y ait des doutes, des hésitations, quoi de plus normal quand il faut faire face sur tous les fronts à la fois. Changer, oui, pour pouvoir rester nous-même : fidèles à une exigence française à laquelle nous sommes tous attachés. Fidèles à notre identité, forts de notre diversité, de la métropole à l'outre-mer, forts d'une histoire qui doit nous rassembler et non nous diviser. Il y a des mémoires en France, mais il n'y a qu'une histoire de France, à connaître et à partager.

Entendons-nous sur ce que nous souhaitons défendre et promouvoir. Le souffle de l'humain d'abord, malgré les heurts et les soubresauts de la mondialisation, contre le règne de l'argent et de la marchandisation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), contre le flot incessant des violences, contre les inégalités, contre l'irrespect. Pour chacun une place, pour chacun l'égalité des chances.

L'aspiration à l'universel ensuite, dans un esprit de respect, de tolérance, de dialogue entre les peuples et les cultures par delà les couleurs de la peau, les convictions ou les religions.

Le goût de l'avenir enfin, parce que le progrès est possible pour chaque individu, comme pour la communauté nationale. Mais il suppose l'engagement, l'effort, la compassion envers l'autre et non le repli sur soi ou l'indifférence.

Bien sûr, François Hollande, j'écoute ce que vous me dites à travers cette motion de censure. Je n'oublie pas de tirer chaque jour les leçons de la veille pour faire mieux, pour faire plus au service des Françaises et des Français, mais la politique aujourd'hui dans notre pays a besoin de sincérité, de lucidité pour répondre aux doutes et aux frustrations, aux colères et aux impatiences de nos compatriotes.

Alors laissons tomber les outrages et les vieux usages de la politique politicienne. Il n'y a pas d'un côté l'ombre et de l'autre côté la lumière. Il y a ceux qui regardent devant et ceux qui refusent tout changement. Vous me trouverez toujours du côté de ceux qui croient dans la France et qui veulent le meilleur pour les Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Je sais que notre majorité partage cette conviction, et qu’elle s'engage sans répit pour remettre notre pays en marche. Je veux la saluer. Je compte sur elle. (Les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent)

M. le Président – Je vais mettre la motion de censure aux voix. Le scrutin est ouvert pour trente minutes.

La séance, suspendue à 18 heures 30, est reprise à 19 heures.

M. le Président - Voici le résultat du scrutin :

Majorité requise pour l'adoption de la motion de censure : 289

Pour l'adoption : ............................................................. 178

La majorité requise n'étant pas atteinte, la motion de censure n'est pas adoptée.

Prochaine séance, ce soir, à 21 heures.
La séance est levée à 19 heures 5.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
www.assemblee-nationale.fr

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