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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du jeudi 2 mars 2006

Séance de 9 heures 30
67ème jour de séance, 156ème séance

Présidence de Mme Hélène Mignon
Vice-Présidente

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

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recherche (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de programme pour la recherche, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence.

Art. 2 (suite)

M. Christian Blanc - L’objet de l’amendement 47 est d’éviter que les pôles de recherche et d’enseignement supérieur ne souffrent du même manque de gouvernance que les universités. Ces dernières sont parfois dans des situations invraisemblables : comment prendre une décision quand le conseil d’administration compte plus de soixante membres ? Par conséquent, je propose que le conseil d’administration des PRES soit limité à quinze personnes. Par ailleurs, il faut veiller à ce que les financeurs – en l’espèce, l’État et bientôt, je l’espère, la région – y soient fortement représentés. Ainsi les décisions se prendront au sein des conseils d’administration, et non en dehors comme dans les universités où le directeur du budget est le véritable patron !

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales Je comprends fort bien les préoccupations qui animent l’auteur de cet amendement. Toutefois, la commission a émis un avis défavorable car il convient de laisser souplesse et flexibilité aux conseils d’administration des PRES.

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche - Monsieur Blanc, je comprends votre souci. Toutefois, le conseil d’administration d’une université a une double fonction : c’est un organe de décision et un lieu de représentation des différentes composantes de l’université – étudiants, enseignants-chercheurs et personnels. Hier soir, Mme Comparini et M. Novelli ont exposé leur position sur l’avenir de l’université, je respecte chacun de leur point de vue.

S’agissant des PRES et des établissements publics de coopération scientifique, leur objet sera très divers. Il est donc préférable de laisser aux acteurs le soin de fixer précisément la composition du conseil d’administration. Avis défavorable.

M. Pierre Cohen – Monsieur le ministre, certains ont profité hier soir de votre absence en fin de séance pour commettre quelque chose d’inacceptable (Sourires).

M. le Ministre délégué – C’est souvent le cas !

M. Pierre Cohen - Ils ont adopté un amendement dénaturant la philosophie de votre texte. L’EPCS est un des outils du PRES…

M. le Ministre délégué – Plus exactement, c’est une des formes du PRES.

M. Pierre Cohen - Or, il a été décidé que les organismes de recherche pourront créer un EPCS sans que l’université n’y participe ! Dans une agglomération donnée, deux grandes écoles pourront ainsi s’associer avec un laboratoire du CNRS et fonder un EPCS en laissant l’université de côté. Il serait regrettable de remettre ainsi en cause l’esprit du PRES qui avait recueilli un large soutien dans la communauté scientifique et universitaire et que nous soutenons tous.

M. Jean-Yves Le Déaut – À une heure tardive, donc, a été adopté un amendement contre l’avis du président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, M. de Robien représentant le Gouvernement. Il me semble qu’il faut y revenir. Durant les États généraux de la recherche, la définition du PRES a été longuement débattue et tranchée : doit y figurer au moins un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, c’est-à-dire une université. Le but de ces pôles est de regrouper de manière géographique ou thématique des forces émiettées - l’université, les grandes écoles et les organismes de recherche – afin d’acquérir une meilleure lisibilité au plan international. Or, depuis hier soir, il est possible de créer un EPCS, autrement dit un PRES, sans qu’une université y participe. Selon l’auteur de l’amendement, cette possibilité se révélera utile dans certains cas, au demeurant très rares. Pour ma part, il me semble que cette disposition est contraire à l’esprit de la loi. Le président de la conférence des présidents d’université et le président de l’université de Metz, contactés ce matin par téléphone, m’ont confirmé que la présence de l’université était indispensable dans un EPCS et partant dans un PRES, sans être toutefois opposés à d’autres formes de coopération.

Bref, nous avons voté hier dans la confusion, et à une voix près, un amendement qui peut être contraire à l’esprit du texte, sans que nous en ayons bien compris la portée. Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser la portée de cet amendement dans les relations entre universités et organismes de recherche ? Ne pourrait-on envisager une seconde délibération ?

M. le Ministre délégué – Nous avons eu ces discussions lors de la phase d’élaboration du texte. D’aucuns ont trouvé celle-ci trop longue, mais la matière était complexe et la concertation nécessaire, notamment avec les présidents d’université.

Le principe reste inchangé. Comme vous, messieurs les députés de l’opposition …

Mme Anne-Marie Comparini - Sur les bancs de l’UDF également !

M. le Ministre délégué – … nous souhaitons favoriser la coopération entre les universités et les organismes de recherche, mettre en synergie les forces existantes. Il n’y a, là-dessus, aucune divergence.

Une chose est le projet, une autre l’outil juridique. Pour les PRES, nous avons proposé des formes de coopération diverses, préexistantes – les associations, les GIP – et nouvelles, créées par la loi – l’EPCS et la fondation de coopération scientifique. A la demande des présidents d’université, nous avons précisé qu’un EPCSCP, c’est-à-dire une université, devait être présent dans la constitution d’un PRES.

M. Lasbordes a proposé un amendement qui ne remet pas en cause cette politique, mais qui permet à une coopération entre organismes de recherche, n’impliquant pas d’université, de prendre la forme – commode – d’un EPCS. Cette idée, si elle est bien expliquée, me semble tout à fait recevable. A titre d’exemple, nous avons, dans le domaine de l’agronomie tropicale, trois organismes de recherche : l’INRA, l’IRD et le CIRA. Imaginons qu’ils souhaitent se rapprocher, ils pourront bénéficier de cette souplesse qui leur permet d’adopter un EPCS ou un GIP. Cela ne devrait choquer personne.

Lorsqu’il s’agira de concentrer les forces sur des thématiques importantes, nous aurons toujours, par la force des choses, une ou plusieurs universités partie prenante. Par conséquent, le cas visé par cet amendement est marginal. Pour autant, il ne paraît pas nécessaire de l’exclure.

M. le Rapporteur – M. le ministre tente d’introduire de la souplesse et de la liberté. Il n’en reste pas moins que, de mon point de vue, cet amendement s’éloigne de l’esprit de ce texte, qui veut rassembler organismes de recherche et universités, trop longtemps séparés. Sur ce point, je me félicite que le recteur d’université siège bien au conseil d’administration du PRES.

M. Alain Claeys - Tentons de commencer cette journée dans la clarté, et ne cherchons pas, comme vous l’avez dit, des « commodités ». Nous sommes tombés d’accord sur les périmètres des PRES, et nous étions favorables à leur existence, sous réserve qu’ils incluent obligatoirement une université. Il n’est pas acceptable de faire une exception, car cela ouvrirait la porte à la constitution de PRES sans université.

Si nous ne revenons pas sur cet amendement, nous allons au-devant de graves difficultés et risquons de fragiliser les relations entre la représentation nationale et la communauté universitaire. Les représentants des présidents d’université ont donné leur accord sur les PRES, mais si, au travers d’un amendement mal ficelé, nous créons une ambiguïté, le doute s’instillera. Nous avons été constructifs depuis le début des débats : tentons de trouver une solution intelligente.

M. le Ministre délégué – Le principe selon lequel une université doit obligatoirement faire partie d’un PRES ne change pas du fait de l’adoption de l’amendement de M. Lasbordes. Dans le dossier « Soleil », le CEA et le CNRS, organismes de recherche, ont constitué en support de leur coopération une société civile : ne pensez-vous pas qu’un établissement public aurait été préférable ? C’est ce que permet l’amendement de M. Lasbordes. Mais il ne s’agit pas d’un PRES !

Mme Anne-Marie Comparini - Je me permets d’insister. Nous avons été nombreux à nous féliciter des PRES, qui relèvent le défi de la taille, du rayonnement, et de la formation par la recherche. Ce dernier point est important, car si les docteurs éprouvent aujourd’hui tant de difficultés à trouver des débouchés, c’est que l’on a oublié que la formation par la recherche était essentielle. Or elle est assurée par les universités, et non par les grandes écoles. Pour l’Institut du solaire, à Chambéry, on a fait en sorte qu’outre le CEA et d’autres structures provenant du CNRS, l’Université de Savoie y participe.

M. Pierre Cohen - Monsieur le ministre, ce que vous dites n’est pas juste. La définition du PRES donnée par l’article 344-1 mentionne les établissements ou les organismes de recherche ou d’enseignement supérieur et de recherche, publics ou privés, dont au moins un EPCSCP. Dans l’agglomération toulousaine, l’EPCSCP est l’INSA, qui n’est pas une université. A priori, dans la définition du PRES, on peut donc se passer d’une université.

M. le Ministre délégué – Ne jouez pas avec les mots !

M. le Rapporteur – Ça va, on a compris !

M. Pierre Cohen - Vous auriez dû comprendre avant de faire la loi !

M. le Rapporteur – J’ai bien compris ce que vous avez compris !

M. Pierre Cohen - Nous sommes tombés d’accord sur la nécessité de coordonner des logiques différentes, de renforcer les coopérations, de croiser les logiques universitaires et celles des organismes de recherche. Mais ce n’est pas le cas et de plus, cet amendement, au nom de la liberté d’entreprendre, introduit une confusion totale sur ce que sera le paysage de la recherche à l’avenir. Nous demandons donc une suspension de séance.

La séance, suspendue à 10 heures, est reprise à 10 heures 5.

M. le Ministre délégué – Avant de passer aux amendements suivants, je tiens à rappeler que l’adoption de l’amendement de M. Lasbordes ne change rien au fait que la participation d’un établissement à caractère scientifique, culturel et professionnel est requise pour la constitution d’un pôle de recherche et d’enseignement supérieur. Or, la loi de 1984 donne ce statut d’EPSCP aux universités, qu’elles ne partagent qu’avec quelques rares autres écoles. Dans 90 % des cas, l’université sera donc partie prenante à la création des pôles de recherche et d’enseignement, dont nous ne modifions ni l’esprit ni la lettre.

M. Jacques Brunhes - Pour éviter le contournement de la loi de 1984 et garantir le respect de la démocratie universitaire, il faut laisser une importante marge de manœuvre aux acteurs de la recherche dans la composition du conseil d’administration des établissements publics de coopération scientifique, qui sont appelés à jouer un rôle croissant dans l’organisation de notre recherche. Dans les conseils d’administration des universités, la représentation des enseignants, personnels et chercheurs rejoint déjà les orientations de la loi de 1984. L’amendement 77 vise à mettre les conseils d’administration des EPCS en cohérence avec cette pratique et éviter un grave recul démocratique.

Il vise également à garantir la représentativité des enseignants, chercheurs, personnels et étudiants dans les conseils d’administration des EPCS en soumettant leur désignation à une élection au sein des instances des établissements fondateurs. Les doctorants, mais aussi les étudiants de master, qui sont directement affectés par la politique de la recherche, doivent y trouver leur place.

On ne peut réformer la recherche sans y associer les chercheurs et les doctorants. Le Gouvernement fera-t-il confiance à la communauté scientifique en encourageant une large participation de toutes les catégories professionnelles de la recherche aux instances officielles ?

M. Noël Mamère – N’est-il pas étonnant que le texte proposé détaille précisément la composition des conseils d’administration des EPCS, alors que l’on ne cesse d’entendre parler de libre initiative depuis le début de nos débats ? Plutôt que cette description minutieuse au siège près, l’amendement 33 vise à garantir souplesse et liberté dans le respect des acquis démocratiques que sont la juste représentation des membres, la transparence des délibérations et la protection de la propriété intellectuelle des chercheurs.

M. le Rapporteur – La commission a rejeté ces deux amendements. Monsieur Brunhes, la composition des conseils d’administration des universités est une procédure lourde et complexe qu’il faut adapter aux temps modernes. Monsieur Mamère, la liberté que vous évoquez existe déjà puisque les membres des conseils d’administration sont tous issus des PRES, qui les choisissent librement.

M. le Ministre délégué – Une fois n’est pas coutume, je vais me situer politiquement entre M. Brunhes et M. Mamère. Le premier veut un encadrement législatif précis, le second laisse une totale liberté. Nous proposons de donner beaucoup de liberté aux acteurs dans le cadre de règles générales. Je suis donc défavorable aux deux amendements.

M. Pierre Cohen - Pour nous, l’intérêt de la loi est de reprendre les propositions des états généraux pour faire coopérer réellement les universités et les organismes de recherche, dans le cadre d’un PRES. Mais celui-ci n’a pas de personnalité morale : il est soit un GIP, soit un EPCS, soit une fondation.

M. le Ministre délégué – Dans chaque cas, il y a personnalité morale.

M. Pierre Cohen - Oui, mais le PRES en lui-même n’en a pas.

Le meilleur outil sera l’EPCS, nous en sommes d’accord, et vous nous avez garanti qu’il faudrait au moins une université dans le PRES – peut-être aurait-il fallu aussi qu’il y ait un organisme de recherche, pour que toutes les logiques se croisent. Mais il est déjà possible de créer un EPCS, sans déclarer qu’il s’agit d’un PRES. Au bout du compte, comment fera-t-on la différence ? Pourtant, dans certains cas, on se sera passé d’inclure une université ou un organisme de recherche, ce qui signifie que l’esprit de la loi, à travers la définition qu’elle donne du PRES, ne sera pas respecté.

Dès lors, je ne sais pas s’il faut entrer autant dans le détail que M. Brunhes le propose, mais il faut à coup sûr s’assurer que, dans ces structures, il y aura une démocratie de représentativité, comme elle existe dans les universités, où les différentes catégories – y compris les doctorants – sont représentées.

M. le Ministre délégué – Pour mieux apprécier nos réelles divergences, il faut bien cerner de quoi nous parlons. Les PRES pourront prendre différentes formes juridiques. Mais c’est déjà le cas actuellement des organismes de recherche : les EPSCP sont en majorité des universités, les EPA souvent des grandes écoles, d’autres, comme le CEA, sont des EPIC, et certaines grandes écoles font de la recherche sous forme associative. Il est normal que le législateur se soucie de cette forme juridique, mais le plus important est la politique mise en œuvre.

S’agissant de la composition des conseils d’administration, il est bien sûr normal de fixer des règles. Mais il y aura une grande diversité des PRES : beaucoup en préparent, des associations de préfiguration existent déjà. La souplesse s’impose donc. De toute façon, un établissement public ne se crée pas comme une association : il faut une autorisation de l’État.

Les amendements 47, 77 et 33, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – L’amendement 126 est de cohérence.

L'amendement 126, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jacques Brunhes - L’amendement 82 est défendu.

L'amendement 82, repoussé par la Commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Lasbordes - L’amendement 229 est un ajustement lié à l’amendement 228.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre délégué – Favorable, comme sur le 228.

L'amendement 229, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Brunhes - L’amendement 83 est défendu.

L'amendement 83, repoussé par la Commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Anne-Marie Comparini - Par notre amendement 127, nous voulons que le conseil d’administration de l’EPCS soit en quelque sorte, par sa composition, un conseil d’orientation stratégique, permettant des adaptations rapides. La commission l’a repris.

M. le Rapporteur – C’est effectivement l’amendement 205 identique de la commission.

M. le Ministre délégué – Le gouvernement y est défavorable. Les membres fondateurs de l’établissement public doivent rester en mesure de le gouverner. Ce ne serait pas le cas avec les règles proposées, qui donnent la majorité aux personnalités extérieures.

M. Jacques Brunhes - Le conseil d’administration des EPCS remplacera à terme les conseils scientifiques des universités qui composent cet établissement. En application de la loi Savary du 26 janvier 2004, le conseil scientifique comprend 60 % à 80 % de représentants des personnels et 7,5 % à 12,5 % de représentants des étudiants de troisième cycle. Ce qui nous est proposé aujourd’hui s’apparente au conseil d’orientation stratégique que Luc Ferry a voulu imposer en 2003. C’est un retour en arrière dans la gestion démocratique des universités.

Notre amendement 81 vise au contraire à garantir la participation de l’ensemble de la communauté scientifique à la prise de décision dans les conseils d’administration des EPCS. Il serait inadmissible d’y réduire la part des personnels, chercheurs et étudiants, au profit des établissements fondateurs et des personnalités qualifiées qu’ils désignent. Ce recul de la démocratie hypothéquerait gravement l’avenir des nouvelles structures.

M. le Rapporteur – Rejet car c’est la paralysie annoncée des EPCS.

M. le Ministre délégué – Avis défavorable.

Les amendements 127 et 205, mis aux voix, sont adoptés.

Mme la Présidente – Et l’amendement 81 tombe.

M. Pierre Cohen - Nous sommes allés un peu vite… Je ne sais pas si tout le monde se rend compte que nous venons de donner la possibilité aux collectivités locales d’être majoritaires ! Je demande une suspension de séance.

Mme la Présidente - Elle est de droit.

La séance, suspendue à 10 heures 30, est reprise à 10 heures 40.

Mme Anne-Marie Comparini - L’amendement 206 est défendu.

L'amendement 206, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Blanc - Deux statuts coexistent dans la recherche publique : celui des chercheurs, qui travaillent au sein d’organismes comme le CNRS ou l’INSERM et qui n’ont pas de cours à assurer, et celui des enseignants-chercheurs qui travaillent dans les universités et ont une obligation d’enseignement. Cette distinction traduit une conception restrictive de la fonction de chercheur, dont la mission consiste certes à faire progresser la connaissance, mais aussi à partager ses découvertes. C’est une exception française regrettable. Mon amendement 181 n’y met pas un terme puisqu’il ne concerne que les personnels de recherche qui passent sous l’autorité du président d’un PRES, mais il évite au moins l’absurdité de la coexistence de deux statuts distincts parmi les personnels exerçant le même métier au sein d’une même institution. La transmission du savoir étant essentielle, il tend à donner le statut d’enseignant-chercheur à tous les personnels de recherche des PRES – lesquels sont créés notamment pour mettre un terme au cloisonnement entre instituts de recherche et universités. Certains objecteront que les charges d’enseignement des enseignants-chercheurs les empêchent de consacrer le temps nécessaire à la recherche, mais la meilleure façon d’éviter la surcharge est précisément de répartir les enseignements entre un plus grand nombre de personnes. Tout en restant limité dans son objet, cet amendement a une portée symbolique importante.

M. le Rapporteur – Rejet.

M. le Ministre délégué – Avis défavorable, même si je conviens que la coexistence des statuts pose problème. On peut imaginer que les chercheurs accepteraient mal de se voir imposer un autre statut au seul motif qu’ils intègrent un PRES ; en outre, cela peut ne pas correspondre à la vocation de tel ou tel PRES.

M. Alain Claeys - Nous ne sommes pas hostiles à certaines modulations, mais l’adoption de cet amendement, qui creuse les différences, renforcerait nos craintes quant aux conséquences de la création des PRES sur les universités ; nous sommes donc contre.

M. Pierre Cohen - Le risque est en effet celui d’un démantèlement des universités au bénéfice des PRES, où seraient regroupés les meilleurs talents.

Par ailleurs, Monsieur le ministre, quelle est la position du Gouvernement sur la charte européenne des chercheurs ?

M. le Ministre délégué – C’est un tout autre sujet ! Il n’y a aucune disposition statutaire de cet ordre dans le texte. Tout cela sera sous le contrôle des responsables d’université : ne leur faites pas de procès d’intention. Avis défavorable.

M. Pierre Cohen – Je parlais de l’amendement, pas des PRES tels qu’ils sont prévus dans la loi.

L'amendement 181, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Brunhes - Le directeur de l’agence nationale de la recherche a déclaré que l’agence pourrait financer du personnel recruté sur contrat temporaire pour la période correspondant au projet, ce qui donnera de la souplesse et de la réactivité aux équipes de recherche. Cette conception nous paraît extrêmement dangereuse. Les contrats temporaires ne sont valables que s’ils sont adossés à une politique de renforcement de l’emploi statutaire qui assure la pérennité des équipes : un projet de recherche se développe sur plusieurs années ! Le contrat temporaire doit être pratiqué en fonction des nécessités définies par les équipes. Il ne doit pas donner lieu à des dérives gestionnaires et devenir une variable d’ajustement dans la colonne des pertes et profits. C’est l’objet de l’amendement 79.

L'amendement 79, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L’amendement 128 rectifié est rédactionnel.

L'amendement 128 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Blanc - Le classement mondial des universités fait clairement apparaître un manque de rayonnement des établissements français, en décalage par rapport à leur excellence. La comparaison avec les universités britanniques, par exemple, est sévère. Les conséquences sont importantes sur la venue des étudiants étrangers. J’ai proposé de réduire le nombre des membres des conseils d’administration, parce qu’au-delà de quinze personnes, il est bien difficile de prendre des décisions et que cette instance n’est pas une sorte de conseil économique et social qui représente toutes les catégories intéressées par la vie de l’organisme. Cette mesure a été rejetée. L’amendement 180 propose, lui, que les conseils d’administration puissent décider de fusionner des universités, en particulier dans des agglomérations communes : Grenoble, Bordeaux ou Toulouse par exemple. C’est envisageable à Lyon également, selon les présidents d’université eux-mêmes. Tôt ou tard, pour retrouver un rang mondial correct, nous y serons obligés. Continuons la politique des petits pas, ne progressons qu’en fonction de la société française sans jamais regarder l’évolution du monde, et nous constaterons bientôt que les potentiels dont nous disposons encore ont disparu !

M. le Rapporteur – Sur le fond, l’idée a du sens, mais la commission a rejeté cet amendement et nous avons déjà eu de longs débats sur le sujet.

M. le Ministre délégué – Avis défavorable. La fusion d’universités existe déjà dans les textes, et il n’est pas utile de changer les dispositions prévues. Elles seront d’ailleurs utiles, puisqu’un certain nombre de responsables universitaires candidats à des PRES ont l’intention de proposer, à terme, la fusion de leurs universités.

M. Christian Blanc – Comment vont-ils faire ?

M. Jean-Yves Le Déaut - Au fond, vous êtes favorable à cet amendement ! Le dispositif juridique actuel sur la fusion d’universités est très compliqué, et la proposition de Christian Blanc facilitait les choses. Après une première étape universitaire qui n’en est pas vraiment une, puisque certains considèrent que nous sommes restés dans le système facultaire, concentrer nos établissements favorisait la pluridisciplinarité, alors que les périmètres traditionnels des disciplines ont évolué. Des réticences et des pesanteurs se manifestent parce que chaque université est attachée à son président et à ses vice-présidents ainsi qu’à sa discipline propre, mais celles qui feront cette démarche les premières seront les gagnantes. Cet amendement devrait faire l’objet d’un consensus.

L'amendement 180, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Brunhes – Les campus de recherche, désormais appelés réseaux techniques de recherche avancée, sont inscrits dans le cadre juridique des fondations de coopération scientifique. Selon quels critères ces réseaux seront-ils sélectionnés et évalués ? En vertu du pacte pour la recherche, ils devront porter un projet scientifique spécifique, couvrant une ou plusieurs thématiques de recherche et dont la qualité leur conférera une envergure mondiale. Cela fait redouter un morcellement de la recherche, alors que les PRES doivent être un instrument de regroupement, et une dérive vers un système universitaire à plusieurs vitesses, dont le champion serait le réseau technologique, bien financé et attrayant, tandis que les unités moins visibles – au premier rang desquelles celles de la recherche fondamentale – seraient dépourvues de moyens. Or, la découverte ne se produit pas toujours là où elle est attendue. L’aide et le financement de l’État doivent être équitables, dans le cadre d’une politique de l’enseignement supérieur et de la recherche équilibrée. L’amendement 76 demande donc la suppression de la section 3.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement, dont l’exposé sommaire est un summum en son genre.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable.

M. Pierre Cohen - Nous soutenons cet amendement. Nous sommes favorables aux PRES et aux fondations, mais pas si on en profite pour créer un moyen de coopération de statut privé.

L'amendement 76, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère - L’amendement 34 vise à garantir que les chercheurs conservent leurs droits de propriété intellectuelle sur le savoir qu’ils produisent lorsqu’ils passent d’une structure traditionnelle à une nouvelle structure de coopération telle qu’une fondation.

L'amendement 34, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Brunhes - L’amendement 80 est de précision.

M. Jean-Yves Le Déaut - L’amendement 287 est identique.

Les amendements 80 et 287, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – Je laisse M. Cohen présenter l’amendement 130.

M. Pierre Cohen - Nous ne sommes pas favorables aux fondations mais si elles doivent exister, il faut prévoir la représentation des étudiants des formations doctorantes. Tel est l’objet de cet amendement.

M. Claude Birraux, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - L’amendement 60 rectifié permet lui aussi aux apprentis docteurs de siéger dans ce conseil d’administration. La confédération des jeunes chercheurs est très au fait des mécanismes qui régissent la recherche. Le groupe d’Edimbourg a notamment mené une étude particulièrement intéressante sur ces mécanismes en Grande-Bretagne et en France, et tenté de faire la synthèse du meilleur des deux côtés. Il est normal que ceux qui feront la recherche de demain soient partie prenante au conseil d’administration.

M. Jacques Brunhes - L’amendement 84 va dans le même sens. Il serait satisfait par le vote d’un des amendements précédents.

M. Jean-Yves Le Déaut - Les amendements identiques 281 à 286 ont un objet analogue.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable, au nom de la liberté laissée aux acteurs de prévoir la composition des organes.

L'amendement 130, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - Il fait tomber tous les autres.

M. le Rapporteur – L’amendement 129 est de cohérence ; il est complémentaire de ceux qui ont été précédemment adoptés.

M. le Ministre délégué – Avis défavorable, dans la mesure où il tend à compliquer les règles fixées dans la loi. Compte tenu de la diversité des organismes de coopération, il vaut mieux laisser un peu de souplesse à leurs fondateurs.

L'amendement 129, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – Par l’amendement 131, la commission propose de simplifier la rédaction retenue par le Sénat au sujet des fondations abritées, et qui tendent – je le rappelle pour mémoire – à permettre à une fondation de coopération scientifique de « s’abriter » sous une fondation reconnue d’utilité publique existante, le but principal étant de mutualiser les coûts de gestion.

M. le Ministre délégué – Le Gouvernement est très favorable à cette proposition initialement défendue par le sénateur Laffitte.

M. Pierre Cohen - Si j’en crois le site internet de votre ministère – mais peut-être n’est-il pas fiable ? - , il n’existe à ce jour que quatre ou cinq fondations et je doute que le présent texte leur donne un nouvel élan ! Dès lors, ces propositions me semblent relativement dérisoires compte tenu du nombre très limité d’entités concernées.

M. le Ministre délégué – Il existe une vingtaine de fondations de recherche, certaines ayant été créées récemment.

M. Jacques Brunhes - Mettez à jour votre site !

L'amendement 131, mis aux voix, est adopté.
L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 2

M. le Rapporteur – Nos amendements 263 rectifié et 265 visent à mieux définir le cadre de la recherche biomédicale. Le premier tend à ce que les groupements de coopération sanitaire - GCS - puissent coordonner les actions menées dans le domaine biomédical par les professionnels de santé, les chercheurs et les enseignants chercheurs ; le second demande au gouvernement de présenter au Parlement un rapport faisant le point sur la création d’une délégation interministérielle à la recherche médicale et à la santé publique, à laquelle le ministère de la santé s’est dit favorable.

M. le Ministre délégué – A mon grand dam, je suis pour une fois en désaccord avec le président Dubernard. S’agissant de l’amendement 263 rectifié, auquel le Gouvernement est défavorable, je rappelle que les GCS, dirigés par le directeur de l’Agence régionale d’hospitalisation, ne comportent pas de chercheurs ou d’enseignants-chercheurs : on voit mal, dans ces conditions, comment ils pourraient assurer la coordination de la recherche biomédicale !

Quant à l’amendement 265, le Gouvernement y est très défavorable au nom de la séparation des pouvoirs : la faculté de créer une délégation interministérielle appartient en propre à l’exécutif et il ne revient pas au Parlement d’en décider.

M. le Rapporteur – Cette réponse n’est pas satisfaisante. Le fond du problème, c’est que la France est en train de prendre un retard considérable en matière de recherche clinique – aussi appelée recherche biomédicale ou sur le vivant – et que personne – à part notre OPECST ! – ne semble s’en soucier, le présent texte n’en disant mot. L’Allemagne vient de doubler les crédits en la matière et la recherche qui se fait dans nos CHU, CHR, CHG, dans les centres anticancéreux et dans quelques unités de l’INSERM reste quasi clandestine. En dépit des efforts de son directeur général pour renforcer ce secteur, l’INSERM ne compte plus que 2 % de médecins dans ses chercheurs statutaires. Ce n’est pas une critique faite à l’institut, mais un constat. Et il faut aussi reconnaître que les directions interrégionales de la recherche clinique ne jouent qu’un rôle théorique. Notre proposition de confier la coordination de la recherche biomédicale aux GCS est donc bien fondée.

Quant à l’amendement 265, refuser l’idée d’une délégation interministérielle, c’est choisir de laisser la recherche biomédicale dans son coin, comme si la recherche sur le vivant était sans importance ! Très bien, mais ne nous étonnons pas si la France reste à la traîne. Et que l’on ne vienne pas me dire qu’il s’agit d’une proposition de nature corporatiste. Le bon sens commande de tirer la leçon des échecs du passé et c’est uniquement à cela que nous nous attachons ! (Applaudissements su plusieurs bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué – Je suis d’accord avec vous à 100 % mais vos amendements ne sont pas conformes à ces objectifs. Vous avez créé dans la loi les centres thématiques de recherche et de soins – CTRS – et ils répondent beaucoup mieux à vos préoccupations que les GCS, pilotés par les ARH et qui ne constituent manifestement pas l’organe adapté. Par ailleurs, je répète qu’il n’est pas dans les prérogatives du Parlement d’organiser l’administration française et que vous sortiriez des clous en le faisant, en prenant le risque de contrevenir à des règles de valeur constitutionnelle.

M. le Rapporteur – Je suis prêt à retirer ces amendements si vous vous engagez à faire des propositions précises en ce domaine. Les CTRS – je ne reviens pas sur les exemples de Nantes ou de Lyon – jouent effectivement un rôle très important, même s’ils sont encore trop peu nombreux. Mais je maintiens qu’une organisation déclinée au niveau interrégional, avec les GCS, et national, avec une délégation interministérielle, aurait du sens. La dimension interministérielle ne doit pas être ignorée, car, outre la santé, l’agriculture et plusieurs autres départements ministériels sont intéressés.

M. le Ministre délégué – La véhémence que nous mettons à défendre nos arguments correspond en fait à une vraie convergence de vues. Nous partageons le même objectif… (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) et j’appelle votre attention sur le fait que jamais les ministères de la santé et de la recherche n’ont aussi bien coopéré que dans la période actuelle. En témoignent notre projet commun de réforme des études médicales ou la gestion des deux crises sanitaires – influenza aviaire et chikungunya. J’admets aussi avec le président Dubernard qu’il faut faire un effort d’organisation administrative. A cet égard, je m’engage, si vous m’y invitez, à venir en parler longuement devant votre commission, afin que nous explorions ensemble des pistes de progrès car je reconnais que l’organisation administrative actuelle n’est pas adéquate.

M. le Rapporteur – Je prends acte de votre engagement et soyez sûr que la commission vous invitera avant l’été. Dans ces conditions, je retire ces deux amendements. Par ailleurs, je confirme que, depuis quelques mois, les relations entre les ministères de la santé et de la recherche existent réellement, même s’il faut encore les enrichir.

M. le Ministre délégué – J’y suis attentif !

M. Pierre-Louis Fagniez - Attention, nous n’oublions rien ! (Sourires)

Les amendements 263 rectifié et 265 sont retirés.

M. Jean-Yves Le Déaut – Rappel au Règlement. Nous ne sommes pas ici pour assister en simples spectateurs à un ping-pong d’arguments entre la majorité et le Gouvernement ! Beaucoup a été dit et nous avons le droit de faire valoir nos propres positions.

Premièrement, s’il est évident que le Parlement ne doit pas se substituer au Gouvernement, il a pour mission de le contrôler. C’est tout à fait l’objet de l’amendement qui vient d’être retiré puisque M. Dubernard proposait seulement que l’on étudie la possibilité de créer une délégation interministérielle.

Deuxièmement, je prends acte que le ministre vient de faire son autocritique et d’indiquer que les ministères de la santé et de l’enseignement supérieur et de la recherche travaillent maintenant en étroite concertation. C’est heureux, car nous avons noté quelques retards à l’allumage pour la sécheresse, la canicule et le chikungunya.

Enfin, Monsieur Dubernard, l’INSERM compte plus de 2% de médecins ! Néanmoins, vous avez, à juste titre, souligné la nécessité de développer la recherche clinique et épidémiologique dans notre pays, notamment à travers les groupements de coopération sanitaire. Cette préoccupation, nous la partageons et je profite de ce débat pour l’affirmer solennellement.

M. Daniel Garrigue – À l’instar de M. Dubernard, je veux souligner l’enjeu considérable que constitue la recherche clinique. Quant à la création de la délégation interministérielle, ce n’est pas un simple affaire d’organisation des services de l’État puisqu’il s’agit d’une administration de mission. Le Parlement a donc son mot à dire. Monsieur le ministre a pris des engagements, j’en prends acte tout en rappelant que notre attente à tous est forte.

M. Jacques Brunhes – Je ne suis pas convaincu par les explications de M. le ministre. Je reprends donc l’amendement 265.

L'amendement 265, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Art. 3

M. Jacques Brunhes – L’article 3 concerne la revalorisation de l’allocation de recherche. Selon la définition de la Commission européenne, les doctorants sont des chercheurs en début de carrière. La préparation d’un doctorat est une période de formation, mais aussi de production scientifique ; bien rares, en effet, sont les publications ne portant pas le nom d’au moins un doctorant. D’ailleurs, être chercheur, c’est être constamment en formation. Pour que le doctorat soit véritablement reconnu, l’allocation doit être non seulement indexée – cela a été obtenu au Sénat – mais également revalorisée de manière importante. Les revalorisations de ces trois dernières années – la première a été décidée par M. Schwartzenberg en 2002 suite à une année de mobilisation des jeunes chercheurs – étaient trop timides. Si, comme le prévoit ce texte, l’allocation est revalorisée de 16 % les deux prochaines années, elle sera seulement supérieure de 10% au SMIC en 2007, et non de 50 % comme cela avait été décidé lors de sa création. En comparaison, nos voisins européens ont pris des mesures bien plus ambitieuses : l’allocation de recherche a été revalorisée de 50% au Royaume-Uni entre 2002 et 2005 et de 26% aux Pays-Bas entre 2003 et 2005. Alors que l’Europe a fait de la revalorisation des carrières de recherche l’une des ses priorités, en adoptant notamment une charte européenne du chercheur, la France ne peut rester à la traîne. Il en va de son attractivité et de son rayonnement international. C’est pourquoi nous demandons que l’allocation soit égale au premier traitement d’un chercheur.

M. Pierre Cohen – Jusqu’alors, le Gouvernement reprenait les propositions issues des États généraux de la recherche. Nous le soutenions donc tout en étant opposés à l’idée d’une politique de recherche définie par un gouvernement et pilotée par une agence. Avec l’article 3, la divergence se creuse car nous avons manifestement là l’un des grands « ratés » de ce texte. En effet, ce projet de loi était l’occasion d’offrir aux jeunes chercheurs, auxquels nous devons une grande partie de la production scientifique, une meilleure reconnaissance et un véritable statut. Qu’ils soient engagés sous CDD ne pose pas de problème à condition qu’ils soient distingués des autres étudiants. Nous y reviendrons lors de la discussion des amendements. S’agissant de leur rémunération, elle doit être supérieure au SMIC. Ce dernier étant sujet à réévaluation, nous proposons de la fixer définitivement à 1,5 fois le SMIC. Ensuite, leur ancienneté et leurs qualifications doivent être reconnues à un supérieur à celui des ingénieurs, bac + 5 qui trouvent immédiatement et sans difficulté des emplois dans le secteur privé. Nous vous proposerons donc que le statut de doctorant soit introduit dans les conventions collectives et reconnu dans la fonction publique. Je ne reviens pas sur l’absence de programmation des emplois scientifiques dans ce texte. À l’heure actuelle, pour s’engager dans un doctorat, il faut être singulièrement passionné et désintéressé. Dans ces conditions, il n’y a rien d’étonnant à ce que le monde industriel manque de docteurs.

M. Jean-Yves Le Déaut – Ce texte de loi est une occasion manquée, je le répète. Pour preuve, cet article 3 squelettique est le seul consacré aux jeunes chercheurs. Il n’est question que de « faciliter l’accès à la formation pour la recherche ». Les engagements pris envers la communauté scientifique ne sont pas tenus et rien n’est fait ni pour remédier au recrutement à un âge de plus en plus tardif des post-doctorants et des ATER, ni pour enrayer la fuite des cerveaux. Il aurait fallu renforcer les écoles doctorales et uniformiser les allocations de recherche. Avec l’amendement 387, qui n’a pas été discuté en commission, vous prenez le chemin contraire en proposant que l’allocation de recherche puisse être abondée par une personne publique ou privée.

Bien des sujets n’ont pas été abordés : la transparence des procédures de recrutement, la possibilité pour un nombre plus importants de doctorants d’enseigner en premier cycle et de faire des stages en entreprise, l’accès des docteurs aux carrières administratives dans le cadre de la réforme LMD, l’inscription du statut de chercheur dans les conventions collectives, la programmation de l’emploi, la reconnaissance de l’ancienneté des post-doctorants dans leur classement indiciaire s’ils deviennent maîtres de conférences... Pourtant, le président de la CPU, les membres du comité consultatif du CNRS et les autres représentants de la recherche vous ont instamment demandé d’améliorer l’attractivité des métiers de la recherche par des mesures concrètes en faveur des jeunes chercheurs. Ils ont en besoin. Un jeune, qui savait que nous débattions de la recherche, m’a contacté. Je l’ai rencontré. Il s’appelle Eduardo. Il a eu son bac en 1987, a fait Maths Spé à Henri IV, a décroché un DEA de mathématiques pures à Paris VI, a passé l’agrégation, et obtenu un doctorat à Paris VI, avec mention très honorable et félicitations du jury. On lui a déconseillé d’aller enseigner en secondaire et on lui a promis un poste en université. Il a été nommé ATER pendant deux ans, et faute de poste en 2002, a dû rempiler pour deux ans supplémentaires avant de partir en post-doctorat en Espagne. Aujourd’hui, il a 35 ans, on lui dit qu’il est trop vieux et on lui reproche de s’être expatrié. Il est contraint d’aller enseigner dans le secondaire – où son ancienneté n’est pas prise en compte – tout en étant convié aux colloques internationaux. Il a aujourd’hui le statut de chercheur invité, c’est-à-dire sans rémunération. Heureusement, sa femme, avec qui il a eu un enfant, travaille.

Ce cas est l’illustration de la grande misère des universités françaises. Si nous acceptons collectivement ce gâchis, en finançant de longues études sans nous soucier de l’insertion future de ses chercheurs, notre pays, demain, sera sur le déclin.

M. Pierre-Louis Fagniez - Sous quels gouvernements a-t-il fait ses études ?

M. Alain Claeys - Il serait utile que le Gouvernement donne un signe. Un certain nombre d’amendements ont été déposés par le groupe socialiste, tendant notamment à faire inscrire le statut de docteur dans les conventions collectives, à faire reconnaître le doctorat comme première expérience professionnelle, et à le faire prendre en compte dans la fonction publique. Rien ne vous empêche de reprendre de tels amendements, Monsieur le ministre.

Au moment où les jeunes se détournent des filières scientifiques, nous ne pouvons discuter de la recherche sans leur donner un signe fort. Nous pouvons parler à perte de vue des structures ou des moyens financiers, mais le Gouvernement et la représentation nationale ne seront crédibles que s’ils sont capables d’apporter aux jeunes des réponses précises. Prendre l’engagement, par exemple, que le doctorat sera pris en compte dans la fonction publique vaudrait tous les discours.

Nous connaissons tous des cas semblables à celui que vient de détailler M. Le Déaut : c’est un gâchis énorme, une insulte faite aux jeunes et le reniement de ce que nous avons pu dire sur la société de la connaissance. C’est pourquoi nous vous demandons, à l’occasion de l’article 3, de prendre quelques initiatives : cela constituera un message d’espoir à l’adresse des jeunes qui ont choisi de s’engager dans cette merveilleuse filière.

M. le Ministre délégué – L’article 3 a une portée limitée : il permet le versement direct par les universités d’allocations de recherche. A cette occasion, vous évoquez la question essentielle du statut des chercheurs. Il ne s’agit pas de faire un procès à ceux qui ont été aux responsabilités dans le passé, mais force est de constater qu’entre 1992 et 2002, le pouvoir d’achat des allocataires a stagné…

M. Jean-Yves Le Déaut - Nous l’avons reconnu.

M. le Ministre délégué – Entre 2002 et 2007, c’est une hausse de 35,5 % de l’allocation de recherche à laquelle nous procédons : n’est-ce pas un effort considérable ? Qui plus est, le principe de l’indexation a été retenu au Sénat.

Le cas que vous évoquez est en effet poignant et nous connaissons tous des situations semblables. C’est bien pour mettre fin à ces parcours d’errance que nous créons des emplois. Certes, nous ne prétendons pas tout régler en une année et nous devrons continuer de travailler au statut des chercheurs. Ce pacte, qui émane d’une prise de conscience collective, indique une direction.

Nous ne prenons pas seulement des mesures législatives : nous avons ainsi créé les Bourses Descartes à l’attention des chercheurs brillants qui pourraient être tentés par l’étranger ; nous améliorons également les moyens et augmentons les effectifs de l’Institut universitaire de France, créé par la gauche. Nous avons commencé un effort de longue haleine, et nous devrions tous nous en réjouir.

M. le Rapporteur – La commission a adopté un amendement, qui est tombé sous le coup de l’article 40, tendant à fixer un objectif de 1,5 fois le SMIC pour les allocations de recherche. Je voudrais saluer le travail du Gouvernement dans ce domaine, qui a permis une hausse de 25 % des allocations de recherche ces deux dernières années, et de 35,5 % sur l’ensemble de la législature.

M. Pierre-Louis Fagniez - Il faut arriver à 1,5 fois le SMIC !

M. Pierre Cohen - Je ne voudrais pas que notre honnêteté engendre une réponse malhonnête. Monsieur le ministre, vous donnez l’impression qu’entre 1997 et 2002, aucun effort n’a été fait. Nous avons reconnu qu’entre 1997 et 1999, nous avons oublié que la recherche était une priorité. Cependant, après un rapport que le Premier Ministre avait commandé à Jean-Yves le Déaut et à moi-même, de nombreuses propositions ont été faites concernant le statut des thésards, grâce à qui, en grande partie, les laboratoires fonctionnent, et nous avons rectifié la situation en 2000 et 2001, en augmentant l’allocation de recherche. Lorsque vous êtes arrivés au pouvoir, vous avez arrêté tous les efforts, notamment le plan pluriannuel. L’augmentation que vous évoquez ne porte que sur les deux dernières années !

Notre objectif était de profiter de cette loi pour rectifier les erreurs que nous avons pu commettre, en donnant tous ensemble un véritable statut aux bénéficiaires d’allocations de recherche.

Mme Anne-Marie Comparini - J’ai déposé moi aussi un amendement qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40. Autant je peux admettre qu’il faille réfléchir aux conditions de rémunération et de travail des jeunes chercheurs, autant je ne comprends pas que l’on puisse présenter un projet de loi sur la recherche sans envoyer un signal fort aux jeunes. Et, dans cet amendement, j’avais pris pour horizon 2008 – soit un an après les présidentielles – plutôt que 2010, ce qui aurait permis de montrer que toutes les familles politiques étaient prêtes à régler la question de l’allocation des jeunes chercheurs.

M. Jean-Pierre Soisson - Je fus ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche entre 1974 et 1976. Sans vouloir ressasser le passé, je note que de nombreux efforts ont été entrepris en trente ans. Aujourd’hui, M. le ministre délégué nous propose plusieurs améliorations, dont l’augmentation de l’allocation de recherche et la création de postes : faisons donc ce pas en avant, en attendant d’en faire le bilan dans un an ou deux ! Dans une situation pourtant difficile où les contraintes budgétaires sont lourdes et les problèmes de terrain nombreux, M. Goulard a trouvé un équilibre en nous proposant des mesures concrètes : pourquoi les refuser ?

M. Pierre Cohen - Mais il n’y en a pas !

M. Noël Mamère – En remontant à la préhistoire de l’enseignement supérieur, M. Soisson nous demande de faire contre mauvaise fortune bon cœur.

Plusieurs députés UMP - C’est honteux !

M. Noël Mamère - Il nous propose d’accepter les quelques bricolages qui nous sont soumis et qui n’en sont même pas, tant la recherche et l’éducation sont loin des priorités de ce Gouvernement, qui fait tout en fonction des prochaines élections. La commission des affaires culturelles n’a pu, à cause de l’article 40, défendre son amendement fixant la rémunération des chercheurs à 1,5 SMIC : pourquoi le Gouvernement ne reprend-il pas cette mesure à son compte, comme il a accepté hier notre demande sur les euros constants ? Si la recherche est vraiment l’une de vos priorités, profitez de l’article 3 pour montrer aux chercheurs et aux doctorants que vous ne les laissez pas dans la précarité. Sinon, vous ne ferez qu’aligner ce projet de loi sur la politique générale du Gouvernement, celle d’une précarité à tous les étages de la société.

J’en viens à l’amendement 35, qui vise à autoriser les entités privées ou hybrides à accueillir des étudiants allocataires comme le font les organismes de recherche. La mesure qui avait été avancée lors des états généraux, figurait d’ailleurs dans la première version de ce projet.

L'amendement 35, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Brunhes - L’amendement 86 vise à reconnaître les dons de personnes physiques ou morales, de manière à compléter les allocations de recherche, et ce en contrepartie de quelque publicité mettant en valeur ces contributions.

M. Claude Birraux, rapporteur pour avis L’amendement 61 rectifié vise à faciliter l’obtention d’un complément de rémunération, en encourageant les doctorants à valoriser leurs recherches auprès des entreprises qui, à leur tour, peuvent bénéficier d’une formule souple d’abondement à l’allocation de recherche. Limitée dans le temps pour éviter l’effet d’aubaine, elle s’intègrerait dans les manifestations de solidarité « public-privé » des pôles de compétitivité.

Vous me répondrez, Monsieur le ministre, que la bourse CIFRE existe déjà. Pourtant, elle ne concerne que les industriels qui souhaitent réellement s’engager ; pour un grand nombre d’autres PME, le monde de la recherche est inconnu.

M. Pierre-Louis Fagniez - C’est vrai !

M. Claude Birraux, rapporteur pour avis Il faut apprendre à ces deux mondes – la recherche et l’entreprise – à s’apprivoiser et à vivre ensemble. J’ai pu constater dans mon département combien l’université s’est facilement impliquée dans le pôle de compétitivité, à la grande joie des entreprises, dans lesquelles il est d’ailleurs prévu que des doctorants puissent travailler.

Pour encourager cet apprentissage réciproque, les entreprises doivent pouvoir abonder l’allocation de recherche. Je ne doute pas de la volonté du Gouvernement de résorber les libéralités, mais le maquis existant masque le nombre réel – et très élevé – de leurs bénéficiaires. L’amendement 61 rectifié propose donc un moyen pour faire que les docteurs soient employés par les entreprises.

M. le Ministre délégué – En effet, l’implication des PME dans la recherche, même si leur culture ne les y prédispose pas, est essentielle. Les pôles de compétitivité leur offrent un terrain propice à la découverte de cet autre monde.

D’autre part, il faut mettre fin aux libéralités, ces indemnités versées hors statut et sans cotisations, notamment de retraite, alors même que les doctorants entrent tard dans la vie active. En cerner les contours n’est pas chose simple, et nous devons poursuivre le combat.

La proposition de M. Birraux est excellente : il faut autoriser l’abondement des allocations de recherche. Toutefois, je désapprouve l’exonération fiscale et sociale que vous proposez, car un tel abondement et les cotisations afférentes entrent déjà dans l’assiette du crédit d’impôt recherche pour les entreprises qui en bénéficient. Votre amendement entraînerait une double exonération, ce qui n’est pas souhaitable. Le Gouvernement propose donc, par l’amendement 387 rectifié, d’autoriser toute personne morale, publique ou privée, à abonder les allocations par une indemnité, sans plus en préciser le régime fiscal et social. Ajoutée aux mécanismes d’aide existants, cette mesure complète un régime robuste qui améliorera la situation des jeunes chercheurs.

M. le Rapporteur – La commission n’a pas examiné les amendements 86 et 387 rectifié, mais elle a accepté l’amendement 61 rectifié.

M. Claude Birraux, rapporteur pour avis Les compliments du ministre m’ont fait pressentir combien la situation est mal engagée (Sourires). Le crédit d’impôt recherche concerne les emplois créés au sein d’une entreprise, et son assiette exclut donc les bénéficiaires d’une allocation de recherche.

M. le Ministre délégué – (à mi-voix) Non, ils sont éligibles !

M. Claude Birraux, rapporteur pour avis Il faut donc le préciser à haute voix !

M. le Ministre délégué – L’allocation de recherche entre dans l’assiette du crédit impôt recherche.

M. Pierre-Louis Fagniez - Nous voilà rassurés !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis de la commission des finances – La pratique existe déjà dans les entreprises, et sans exonération. Les petits entrepreneurs ont besoin de rencontrer des chercheurs, et il faut faire tomber le mur entre public et privé. L’idée est donc excellente. En revanche, je vous mets en garde contre le recours au crédit d’impôt recherche : il n’est pas sûr que tous les entrepreneurs voudront recourir à un dispositif aussi compliqué.

M. Jean-Yves Le Déaut - Actuellement, en dehors de l’allocation du ministère de la recherche, les thèses peuvent être financées par les bourses CIFRE ou des bourses d’organismes de recherche, directement par des entreprises ou des associations, soit encore par d’autres ministères ou des régions qui apportent un complément, sans parler des bourses données par les écoles, des financements destinés aux étrangers et d’autres encore. Le système est donc compliqué et relève un peu du bricolage. Allez-vous y mettre de la clarté ? Je ne le crois pas, en vous entendant. Autoriser des abondements est pertinent, mais s’en remettre aux fondations, régions ou entreprises pour verser des compléments n’incite pas à améliorer le financement global des allocations de recherche. M. Dubernard vous a félicité de procéder à une forte augmentation. Je ne crois pas à celle-ci…

M. le Rapporteur – 1,5 SMIC au 1er janvier 2007 !

M. Jean-Yves Le Déaut - On n’est pas parvenu à un niveau décent. Si vous voulez vraiment aller vers des allocations de recherche supérieures de 50 % au SMIC, écrivez-le ! L’Assemblée ne peut prendre d’initiative financière, mais le ministre si. Nous vous demandons vraiment de préciser ce point – et nous vous le demanderons avec la même insistance que nous avons mise s’agissant des euros constants. Si nous avons satisfaction, on peut envisager des abondements, mais nous ne voulons pas que l’on finance les allocations de recherche par des expédients. Par ailleurs, s’en remettre à ces autres sources de financement laisserait de côté les chercheurs en sciences humaines et sociales, dont on a peu parlé alors que cette société a besoin de leur contribution. Il faut donc inscrire dans le texte ce montant de 1,5 SMIC, pour lequel nous avons voté en commission.

M. Pierre Cohen – M. Birraux a raison, car il faut développer la recherche dans l’entreprise, et y faire entrer des thésards est une bonne chose. Mais on ne sait pas si l’abondement dont il est question va permettre de parvenir au montant prévu de l’allocation de recherche, ce qui permettait un certain désengagement de l’État, ou si elle viendra s’y ajouter, ce qui introduirait une inégalité de rémunération préjudiciable entre chercheurs. Mieux vaudrait procéder à un abondement global, sans qu’il y ait un lien direct, pour la région ou l’entreprise, avec le sujet de recherche, ce en utilisant les CIFRE, même s’il faut améliorer ce dispositif. On parviendra ainsi à des conditions décentes dans l’égalité.

Mme Anne-Marie Comparini – Je félicite M. Birraux de vouloir favoriser la rencontre entre jeunes scientifiques et PME-PMI, et de prévoir un abondement qui assurera la qualité du parrainage. En effet, l’allocation actuelle donnée à de jeunes chercheurs n’est pas digne. On sera à 1,5 SMIC en janvier 2007, a dit le rapporteur : soit 1 806 euros brut. Mais il me semble que ce montant ne figure pas dans le texte du Gouvernement. Celui-ci présente un amendement de portée très générale. On ne sait pas très bien ce qu’il en sera par rapport au SMIC, et on risque de multiplier les situations différentes. Il faut au moins préciser qu’on ne peut descendre en dessous de l’allocation versée dans le cadre d’un CIFRE.

M. Jean-Yves Le Déaut - Très bien !

M. Noël Mamère – Je me méfie des deux amendements – celui du Gouvernement comme celui de M. Birraux, même si ce dernier est pétri de bonnes intentions. On ne peut faire de discrimination négative. Il faut que nous ayons la garantie que l’allocation de recherche de base sera de 1,5 fois le SMIC. Or le texte ne le dit pas. Nous nous battrons, comme nous l’avons fait pour les euros constants, afin d’obtenir un engagement du Gouvernement à cet égard, pour les chercheurs en sciences dures mais aussi en sciences « molles », ces sciences humaines et sociales délaissées et pourtant si utiles à notre compréhension de la société et à l’élaboration de politiques publiques.

M. Alain Claeys – Je pense me faire le porte-parole de tous ceux qui ont participé à la discussion en commission, et, de façon responsable et sans surenchère, sont parvenus, grâce au rapporteur, à la conclusion simple qu’il faut donner un signe fort aux chercheurs, par une proposition qui n’a rien de grandiose, qui est de porter l’allocation de recherche à 1,5 SMIC. L’Assemblée ne peut le faire. Nous demandons donc au Gouvernement de s’engager sur cette mesure.

Nous ne ferons pas de surenchère, nous aurons la même attitude ici qu’en commission. Prenons le temps d’y réfléchir quelques instants ; si nous pouvions nous mettre tous d’accord sur ce point, la démocratie représentative, en envoyant ainsi un message fort aux jeunes chercheurs, en sortirait renforcée.

M. le Ministre délégué – Les chiffres sont là. Il y aura eu une progression de 35,5 % sur la législature ; le 1er janvier 2007, nous serons au-delà d’une fois et demie le SMIC, que ce soit en net ou en brut ; les évolutions seront garanties par le mécanisme d’indexation. Votre demande est donc totalement satisfaite.

M. Pierre Cohen - Je demande une suspension de séance afin d’obtenir des éclaircissements.

Mme la Présidente – Elle est de droit.

La séance, suspendue à 12 heures 15, est reprise à 12 heures 25.

M. Jean-Yves Le Déaut - Rappel au Règlement. Nous demandons au ministre des explications car il y a une divergence entre ses calculs et les nôtres. Si les siens sont exacts, il n’est pas difficile pour lui de s’engager sur 1,5 SMIC. D’après les nôtres, on n’atteint pas aujourd’hui 1 200 euros en net ; il manque donc environ 300 euros pour arriver à une fois et demie le SMIC net, lequel avoisine 1 000 euros. Faites le calcul : 300 euros par mois sur douze mois pour 5 000 bourses, cela fait 18 millions d’euros ; un grand pays comme la France serait-il incapable de s’engager sur cette somme pour préparer son avenir et éviter un fantastique gâchis de matière grise ? Monsieur le ministre, puisque l’article 40 s’impose à nous, nous vous demandons d’inscrire cet engagement dans la loi. Cela nous ferait avancer sur la voie du consensus que vous souhaitez.

M. Christian Blanc – Je suis consterné par ce débat mesquin si éloigné des enjeux. Les chercheurs, les universitaires sont la ressource rare de ce début du XXIème siècle.

M. Jean-Yves Le Déaut - Eh oui !

M. Christian Blanc – Nous avons la chance, du fait de notre histoire, d’en avoir encore. Mais la matière grise ne peut pas se stocker et l’évasion de nos cerveaux n’est pas due au hasard. Je trouve déjà admirable qu’autant de jeunes chercheurs restent dans notre pays alors que le doublement de leur rémunération, directe et indirecte, ne ferait que nous mettre au niveau du marché mondial. Nous ne pouvons pas continuer avec cette approche comptable.

M. Alain Marty - Ce n’est pas de la démagogie, ça ?

M. Christian Blanc – Pas du tout. Il faut sortir un petit peu du cadre administratif et aller voir du côté du marché.

Ayant participé à la commission Pébereau, je me demande ce qui se passera si nous ne faisons pas cet effort aujourd’hui. Les exercices budgétaires des prochaines années obligeront à des réductions drastiques, quel que soit le Gouvernement, pour éviter la fantastique spirale de la dette et la faillite des finances publiques, et c’est à ce moment là que nous devrions augmenter les dépenses de recherche ? Je suis navré de devoir dire des choses aussi évidentes au moment où les chercheurs nous écoutent (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur les bancs du groupe socialiste).

M. Noël Mamère - La question du statut des chercheurs est sans doute une des plus importantes de ce projet et certains députés de droite parlent de démagogie ! Balayez devant votre porte : qui a donné deux milliards et demi aux restaurateurs ? Qui a réduit l’impôt pour les plus hauts revenus ?

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur pour avis – C’est mieux que les milliards des 35 heures !

M. Noël Mamère - Ici, il s’agit de 18 millions, non pas pour arriver au niveau mondial mais pour assurer aux chercheurs des conditions de travail décentes et pour leur permettre de remplir leur fonction dans la cité. Je ne comprends pas le silence obstiné du Gouvernement. Un SMIC et demi n’est que le minimum du minimum, pas de la démagogie ! Veillez au moins à l’adéquation entre vos propositions et les intentions que vous affichez.

M. le Ministre délégué – Christian Blanc se targue de connaître la réalité internationale et appelle à un doublement immédiat et sans conditions de la rémunération des chercheurs. Mais est-il vraiment sûr que leur rémunération moyenne – car il ne faut pas considérer que les éléments les plus brillants ! – est toujours au niveau de la nôtre dans les autres grands pays de recherche ? Quel est leur statut, la durée de leur contrat ? Parler de cela dans les termes qu’il a employés me paraît en effet, et le mot n’est pas trop fort, relever de la stricte démagogie (« Oh ! » sur les bancs du groupe UDF et du groupe socialiste).

Le 1er janvier prochain, les allocations de recherche seront portées à un niveau légèrement supérieur à une fois et demie le SMIC – étant entendu que nous parlons du SMIC à 35 heures, et non à 39 heures comme on le fait dans certains autres calculs.

M. Jean-Yves Le Déaut – Donnez-nous les chiffres !

M. le Ministre délégué – C’est un engagement formel que je prends devant vous.

M. Pierre Cohen - Les chiffres !

M. Jacques Brunhes - Vous vous gardez bien de dire combien la réalité que connaissent les jeunes chercheurs est médiocre. D’ailleurs, vous refusez de l’améliorer. Pourtant, un SMIC et demi est bien un minimum. Vous contestez les comparaisons de Christian Blanc ? J’en ai d’autres, que j’ai déjà présentées ! Au Royaume-Uni, la rémunération des doctorants a augmenté de 50% entre 2002 et 2005 et aux Pays-Bas, de 26% entre 2003 et 2005 ! La revalorisation des carrières de recherche est la priorité de la Commission européenne. Et nous ? L’utilisation de l’article 40 témoigne une fois de plus de la dévalorisation du Parlement. L’unanimité s’est exprimée en commission et, quasiment, sur ces bancs mais, grâce à cet article, la discussion n’a pas lieu sur le fond ! L’Assemblée regarde une fois encore passer les trains et le ministre fera à sa convenance. Cela ne va pas améliorer la situation dramatique de nos jeunes chercheurs.

M. Pierre Cohen - Que le ministre nous donne des chiffres ! Nous ne pouvons pas faire de proposition par amendement, mais tout le monde semble d’accord. Le rapporteur de la commission des finances lui-même, aussi éloigné soit-il de ma position, a dit que la matière grise était la matière première du XXIème siècle.

M. le Rapporteur – Arrêtez les lieux communs !

M. Pierre Cohen - Il faut nous préserver de l’exil des cerveaux. Le projet doit donner des garanties à cet égard. Si vous ne nous donnez pas vos chiffres, je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 12 h 40, est reprise à 12 h 45.

M. Alain Claeys - Nous avons entendu le ministre rappeler ses intentions et je vais être très direct. L’article 40 ayant été opposé à l’amendement de la commission, nous souhaitons, au vu de ses engagements, que le Gouvernement le reprenne, de sorte que la loi dispose : « Les allocations de recherche sont fixées à 1,5 SMIC… »

M. Jacques Brunhes - Au minimum !

M. Alain Claeys – « … et elles sont indexées sur l’évolution du salaire minimum ». Le groupe socialiste votera un tel amendement.

M. le Ministre délégué – Les déclarations que j’ai faites avant la suspension de séance me paraissent claires et je les maintiens, d’autant que nos actes les confirment (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP).

L'amendement 86, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 387 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente – L’amendement 61 rectifié tombe.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 3

M. Christian Blanc – Mes amendements 49, 183 et 50 sont défendus.

Les amendements 49, 183 et 50, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Anne-Marie Comparini - Nos amendements 209 rectifié et 210 sont défendus.

Les amendements 209 rectifié et 210, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Claude Birraux, rapporteur pour avis – L’article L.411-4 du code de la recherche publique dispose que « les dispositions des conventions collectives fixant les conditions d’emploi des travailleurs scientifiques des entreprises » doivent notamment viser à « assurer aux intéressés des conditions d’emploi et de déroulement de carrière comparables à celles des autres travailleurs de l’entreprise ». De son côté, le CES a défendu, dans l’avis que nous a présenté M. Ailleret, l’idée que le doctorat devait être reconnu dans les conventions collectives. En vue d’adresser un signal aux docteurs, l’amendement 62 confie au ministre chargé de la recherche l’initiative d’entreprendre une démarche pour obtenir cette reconnaissance.

L'amendement 62, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Yves Le Déaut - La défense de mon amendement 296 me permet de revenir une dernière fois sur la question des rémunérations en général et des allocations de recherche en particulier.

D’abord, contrairement à ce qui a été dit, nous ne sommes pas opposés au recours au mécénat pour financer, dans le respect des principes en vigueur, les écoles doctorales.

Ensuite, s’agissant des rémunérations, nous déplorons que le Gouvernement ne lève pas l’ambiguïté sur le SMIC de référence – 35 heures ? 169 heures ? – et refuse de fixer dans la loi le montant de la rémunération des allocations de recherche à 1,5 SMIC, comme cela avait été fait en 1976. Christian Blanc et d’autres ont relevé qu’il était tout de même regrettable que la situation faite à la recherche soit moins favorable en 2006 qu’il y a trente ans ! J’ai sous la main un tableau retraçant l’évolution dans le temps de l’écart entre l’allocation de recherche et le SMIC – précisément entre 1976 et 2006 – et je dois dire que, toutes tendances confondues, il n’est pas avantageux pour la plupart des gouvernements successifs !

Mme Anne-Marie Comparini - Tout à fait !

M. Jean-Yves Le Déaut - Quant aux comparaisons nationales et internationales entre les allocations de recherche et les autres modes de rémunération, elles ne sont pas plus favorables et, contrairement à ce qu’a déclaré M. Goulard, l’allocation reste inférieure au SMIC. Songez, par comparaison, qu’un ingénieur de moins de 30 ans perçoit, dans le secteur privé, un salaire moyen de 3 112 euros !

J’insiste sur ce point, car, par un tour de passe-passe, le ministre laisse entendre qu’à compter du 1er janvier 2007, les allocataires de recherche percevront l’équivalent de 1,5 SMIC. Sauf à obtenir un arbitrage budgétaire très favorable – et, partant, improbable –, j’affirme que vous ne serez pas en mesure de tenir cet engagement.

M. le Rapporteur – Rejet. La commission a considéré que cet amendement était satisfait par le 387 rectifié du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre délégué – Même avis, d’autant que les déductions proposées par l’amendement 296 figurent déjà dans le code général des impôts.

L'amendement 296, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Claeys - L’amendement 368 est défendu.

M. le Rapporteur – Avis personnel défavorable, la commission ne l’ayant pas examiné.

M. le Ministre délégué – Même avis.

L'amendement 368, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Cohen – L’amendement 304 est défendu.

M. le Rapporteur – Avis favorable.

M. le Ministre délégué – Le Gouvernement est défavorable à cet amendement car le sujet qu’il aborde est d’ordre réglementaire (M. le Rapporteur s’exclame).

M. le Rapporteur – Allons ! Chacun sait qu’il y a beaucoup de secteurs où trop de doctorants dépendent d’un même directeur de thèse : il n’est que temps de réagir à cette dérive ! (« Absolument ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué – Nous préparons une réforme des écoles doctorales qui tient compte de ce type de situations mais cela relève sans doute possible du domaine réglementaire, d’autant qu’il faut une disposition adaptée à chaque discipline.

M. Pierre Cohen – Monsieur le ministre, vous auriez raison si notre amendement entrait dans le détail, mais notre objectif est d’inscrire dans la loi un principe de bon sens. Peut-on admettre que nombre de doctorants ne rencontrent pratiquement jamais leur directeur de thèse ?

M. Jean-Pierre Soisson - Pour avoir été ministre en charge de la recherche pendant deux ans, je puis confirmer que nous sommes là en plein domaine réglementaire ! Aucun gouvernement ne pourrait accepter un tel amendement

L'amendement 304, mis aux voix, est adopté.

M. Alain Claeys - Les amendements identiques 297 à 303 et 339 sont défendus.

M. le Rapporteur – La commission les a adoptés, mais ne sont-ils pas satisfaits par l’adoption de l’amendement 62 de M. Birraux ?

M. le Ministre délégué – Même avis : je pense en effet que ces amendements sont déjà satisfaits.

Les amendements 297 à 303 et 339, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures.
La séance est levée à 13 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

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