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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

3ème séance du mardi 7 mars 2006

Séance de 22 heures
69ème jour de séance, 162ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à vingt-deux heures.

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réunion d’une cmp

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant qu'il avait décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programme pour la recherche.

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droit d’auteur et droits voisins
dans la société de l’information (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.

après l'article premier (suite)

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication – Ce projet de loi a pour objet de construire l’internet équitable qui repose sur deux principes essentiels : le respect du droit d’auteur et l’accès aux œuvres. L’amendement 272 portant article additionnel après l’article premier en est donc le cœur. En définissant les exceptions aux droits patrimoniaux des auteurs et des titulaires des droits voisins et en en créant de nouvelles, il jette les bases de l’édifice législatif de l’internet équitable.

La licence globale viderait la protection des droits d’auteur de son effectivité. En imposant à tous un modèle unique, elle ébranlerait l’équilibre de ce texte.

M. Christian Paul - Caricatural !

M. le Ministre – L’amendement 272, fruit du débat qu’a déclenché l’adoption de la licence globale, de la concertation et du travail approfondi que le Gouvernement a mené avec les parlementaires depuis la suspension des travaux en séance publique, vise à compléter la liste des exceptions au droit exclusif de reproduction et de représentation, fixées de manière limitative par l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, sans dénaturer la protection de ces droits comme le fait la licence globale.

Le Gouvernement vous propose d’instituer quatre exceptions. Premièrement, une exception en faveur des personnes handicapées. Pour elles, l’accès aux œuvres culturelles et éducatives est un facteur clé d’intégration. Les bibliothèques et les services d’archives pourront donc assurer la reproduction et la diffusion d’œuvres auprès de ce public. En outre, le Gouvernement a retenu un mécanisme inspiré des réflexions de M. Dionis du Séjour : le dépôt sous la forme d’un fichier numérique des œuvres imprimées auprès d’organismes désignés par les titulaires des droits. Deuxièmement, les bibliothèques et les services d’archives, fer de lance de notre politique culturelle, seront autorisés à réaliser des copies de sauvegarde afin de remplir leur mission de conservation.

M. Christian Paul - C’est un peu réducteur !

M. le Ministre – Comme l’ont souhaité MM. Joyandet, Sauvadet, Françaix et Baguet, je vous propose également une autre exception en faveur de la presse. Cette dernière doit pouvoir citer des œuvres afin d’exercer sa mission d’information sans être dans une insécurité juridique permanente.

M. Pierre-Christophe Baguet - Très bien !

M. le Ministre – Les législations de nombreux autres pays européens – l’Allemagne, la Suisse, la Belgique, l’Espagne et la Grèce – ont prévu une telle dérogation afin d’éviter que les supports d’information ne soient remis en cause alors que la reproduction des œuvres présentées dans les reportages ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre. Un équilibre a ainsi été trouvé entre la légitime protection du droit d’auteur et les nécessités de l’information.

Conformément à l'article 5-1 de la directive, il est institué une exception aux droits de reproduction pour certains actes techniques de reproduction provisoire qui ne sont pas soumis à autorisation des titulaires de droits. Il s'agit notamment de certaines catégories de « caches » des serveurs des fournisseurs d'accès et de certaines copies techniques effectuées par les utilisateurs d'ordinateurs en vue d'un accès plus rapide aux sites internet. La rédaction proposée reprend les conditions posées par la directive mais en limitant la portée de cette exception.

Enfin cet amendement transpose en droit français le « test en trois étapes ». Ce principe essentiel du droit de la propriété littéraire et artistique européen et international, énoncé à l'article 5-5 de la directive et conforme aux traités de l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle relatifs au droit d'auteur et aux droits voisins ainsi qu’à l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce est déjà appliqué par le juge. Il fixe les limites des exceptions au droit d'auteur et aux droits voisins : celles-ci doivent constituer des « cas spéciaux » et ne pas porter atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes des titulaires de droits.

M. Christian Vanneste, rapporteur de la commission des loisJ’ai entendu dire tout à l’heure que ce texte manque de cohérence. Eh bien, l’adoption de cet amendement permettra de redonner à ce texte toute la cohérence qu’il avait perdu le 21 décembre dernier. D’ailleurs, ce projet de loi ne tombe pas du ciel ! Il est conforme à l’esprit de la directive européenne qu’il a pour objet de transposer. Celle-ci, n’en déplaise à certains, a bien pour but de « protéger les protections ». Rappelons qu’en son chapitre III, il est indiqué que « les États membres prévoient une protection juridique appropriée contre le contournement de toute mesure technique efficace ». Au nom de la cohérence européenne, l’abandon de la licence globale s’impose donc. C’est ce que propose cet amendement. Pour reprendre la démonstration de M. Dionis du Séjour, la licence globale est une idée archaïque…

Mme Christine Boutin - N’importe quoi !

M. Jean Dionis du Séjour - Elle date au moins du XIXe siècle !

M. le Rapporteur – L’évolution technologique donne aujourd’hui les moyens d’en revenir à une conception personnaliste du droit. Tous les mots en trois lettres, pour lesquels certains membres de notre Assemblée éprouvent une aversion systématique, ne sont pas équivalents. DRM rime avec OGM mais ce n’est pas la même chose ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Paul – Et le CPE ?

M. le Rapporteur - La DRM permet de rémunérer plus justement les auteurs et ceux qui contribuent à la création. Le système ancien était parfaitement inéquitable puisque les plus petits talents échappent aux sondages et aux statistiques !

M. Jean Dionis du Séjour - Juste !

M. le Rapporteur – Les artistes que nous avons rencontrés ont, du reste, souligné ce point.

Mme Christine Boutin - Arrêtez-le !

M. le Rapporteur – Enfin, soulignons l’aspect destructeur de la licence globale ! Tout le monde s’accorde à dire que l’amendement adopté en décembre dernier était une très lourde erreur, un véritable crime contre l’industrie cinématographique française…

Mme Christine Boutin - Voire contre toute l’humanité !

M. Maurice Giro - Attachez Mme Boutin !

M. le Rapporteur - …et la musique dont on ruinerait les talents créateurs. La licence globale, c’est une utopie. La France n’est pas une île, malgré l’exception culturelle !

M. Christian Paul - L’exception culturelle est une chance pour la France !

M. le Ministre – Oui, oui… mais n’exagérons rien !

M. le Rapporteur – Nous ne pouvons donc pas être le seul pays au monde à adopter ce système ! Pour conclure, je tiens à souligner combien le ministre s’est montré attentif au débat qui s’est déroulé en décembre et aux propositions des parlementaires. Le projet de loi a été considérablement enrichi. Il retient notamment une disposition initialement proposée par la commission des lois : l’élargissement de l’accès aux sources numériques des œuvres imprimées au bénéfice des personnes handicapées.

M. Jean Dionis du Séjour - Très bien !

M. le Président - Monsieur le rapporteur, veuillez conclure.

M. le Rapporteur – Je me réjouis donc que le Gouvernement ait repris cette proposition et l’ait renforcée en prévoyant un dépôt numérique systématique au profit des associations de personnes handicapées ou d’organismes agréés qui pourront mutualiser leurs efforts. Concernant les œuvres exposées sur le domaine public, j’avais suggéré de s’appuyer sur la jurisprudence de la cour de cassation concernant les colonnes de Buren sur l’exigence du caractère accessoire de l’œuvre. Là encore, le Gouvernement est allé plus loin en autorisant les copies d’œuvre protégées dont le support n’est plus disponible par les bibliothèques ou un service d’archives et la reproduction intégrale ou partielle d’œuvres d’art dans un but d’information par la presse. Pour toutes ces raisons, la commission des lois a émis un avis favorable à cet amendement !

M. Patrick Bloche - L’intervention de M. le rapporteur ruine les efforts de ceux qui tentaient cet après-midi d’élever le niveau du débat (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Paul - Très bien !

M. Patrick Bloche - Après avoir été le muet du sérail durant trois heures et demie, il doit éprouver le besoin impératif de parler (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Loin de redonner de la cohérence au texte, cet amendement ne fait qu’instituer quatre exceptions aux droits qui font l’unanimité sur les bancs de l’Assemblée. L’incohérence que nous avons pointée, c’est le maintien d’un régime de sanctions même diminué. Parier sur la migration massive des internautes vers les plateformes payantes ne tient pas la route !

De la même façon, à aucun moment nous n’avons voulu remettre en cause les protections juridiques concernant les mesures techniques de protection. Nous savons fort bien que la directive est en effet fondée sur un équilibre fragile entre cette protection et la préservation de la copie privée. En revanche, nous souhaitons qu’un contrôle strict des mesures techniques de protection soit effectué.

Une fois de plus, vous nous avez embarqué dans un débat manichéen pour ou contre la licence globale alors que nous voulons précisément en sortir.

M. Michel Herbillon - Quelle évolution !

M. Patrick Bloche - Il convient avant tout de tenir compte des réalités d’internet : plus d’un milliard de titres sont téléchargés via le peer to peer et seulement 20 millions à partir des plateformes payantes. Le téléchargement ne peut qu’être considéré comme une exception pour copie privée.

Le sous-amendement 332 vise à conserver les dispositions de la loi du 11 mars 1957 concernant le code de la propriété intellectuelle même si la copie privée permet aujourd’hui une reproduction des œuvres à l’identique.

M. le Rapporteur – Avis défavorable, comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire lors du débat du mois de décembre. La rédaction du premier alinéa de l’article 122-5 n’établissant aucune différence en fonction de l’évolution technologique, ce sous-amendement n’a aucune raison d’être.

M. le Ministre – Avis défavorable. Je pense fermement que les mesures d’information et de prévention en direction des internautes peuvent être efficaces. Sans offre légale attractive, il ne faut pas s’étonner des piratages, mais dès lors que nous proposerons une offre diversifiée, l’illégalité reculera.

M. Frédéric Dutoit – Je soutiens ce sous-amendement qui garantit l’exercice du droit à la copie privée. Je ne peux qu’être révolté lorsque certains parlent à ce propos d’une simple tolérance, comme ce fut le cas lors des auditions. C’est le droit des consommateurs, en fait, qui recule ! Le code de la propriété intellectuelle prévoit de longue date une exception pour copie privée, dont la rémunération constitue une contrepartie légitime. Celle-ci, versée aux créateurs et aux producteurs, est garantie par une taxe sur les supports numériques acquittée par les consommateurs. Elle a rapporté 160 millions en 2005. Or, depuis quelques années, les éditeurs mettent en place des mesures techniques de protection visant à contrôler les usages privés d’une œuvre, ce qui conduit à remettre en cause l’exception pour copie privée. Les risques liés à la diffusion des œuvres n’est qu’un prétexte : il s’agit en fait de démultiplier les profits, et c’est d’autant plus inacceptable que ces usages n’ont jamais porté préjudice à l’économie culturelle.

Mme Martine Billard – Ce débat est fondamental. Selon M. le ministre, les offres qui seront proposées aux internautes règleront tous les problèmes. Selon moi, le développement de plateformes peut en effet en régler une partie, mais à une condition : que les mesures techniques de protection n’en restreignent pas l’usage. Si la location des œuvres en ligne pour une durée très brève se développe, les consommateurs finiront par considérer qu’il y a de l’abus en raison des nombreuses restrictions d’utilisation des œuvres.

M. le Ministre – Ce problème sera réglé grâce à l’interopérabilité.

Mme Martine Billard – Vous voulez tant corseter le réseau que le piratage risque d’exploser.

Enfin, hormis la Grèce, et peut-être la France, donc, aucun pays n’a transposé les mesures techniques de protection dans le sens d’une limitation du droit d’usage. C’est une catastrophe. Il serait préférable d’étendre la redevance pour copie privée à internet et de considérer ces mesures comme des garanties du droit d’auteur, car quoi qu’il arrive, la limitation du droit d’usage sera contournée.

Le sous-amendement 332, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Paul – Le sous-amendement 308 vise à reconnaître une exception pour copie privée concernant le téléchargement d’œuvres musicales en particulier. La justice en a d’ailleurs jugé ainsi. Nous proposons également d’inscrire dans le droit une nouvelle redevance pour copie privée. La redevance sur les supports vierges est certes reversée aux artistes et aux ayants droit mais nous proposons de l’abonder substantiellement en l’appliquant à la fourniture de l’accès à internet. Sa répartition est connue : 50 % vont aux auteurs, 25 % aux interprètes et 25 % aux producteurs. Ce système a fait ses preuves et peut donc constituer un modèle. Nous croyons tous au développement des plateformes commerciales, mais si leur chiffre d’affaires a été de 20 millions en 2005, un prélèvement de deux euros pour chaque abonnement au haut débit multiplierait cette somme par dix dès la première année. J’ajoute que cette disposition pourrait être transitoire afin de nous permettre d’en examiner toutes les conséquences.

Ce qu’a dit le ministre tout à l’heure est très intéressant : pour que les plateformes se développent, elles ne doivent pas seulement vendre des fichiers, mais apporter aussi de réels services.

D’autres sous-amendements à venir, dont le 307, seront dans la ligne de ce dispositif gagnant-gagnant, pour les internautes comme pour les artistes.

M. Frédéric Dutoit – Le sous-amendement 335 est identique. Il vise à la reconnaissance du droit à la copie privée. Il peut sembler choquant à certains que le téléchargement entre dans le cadre de la copie privée, mais c’est pourtant la position de la jurisprudence. Par ailleurs, et compte tenu des risques que comporte la voie répressive dans laquelle le Gouvernement s’est engagé, la légalisation du téléchargement nous paraît la seule issue.

Sur le fond, ceux qui refusent notre proposition soulèvent deux problèmes. D’abord, il faudrait mesurer l’impact économique des téléchargements. Vous avez dit, Monsieur le ministre, que nul ne remettait en cause l’incidence nocive du peer to peer, mais je suis désolé de dire que c’est faux : aucune étude indépendante n’a abouti à cette conclusion, et vous n’avez pas produit celles que nous vous avons demandées. Notre sous-amendement a également pour mérite de tordre le cou à l’idée que seuls les sites de téléchargement des grandes enseignes peuvent prétendre à la légalité. La réalité est que ces enseignes voient d’un très mauvais œil l’existence de plateformes d’échange gratuit et tentent de s’imposer ! Or, leur offre reste non seulement onéreuse, mais limitée. Le coût des mesures techniques de protection favorise la concentration de l’offre sur les segments du marché les plus porteurs, au détriment de la diversité culturelle et de la promotion des jeunes artistes. Il est fâcheux que ce discours recueille une oreille aussi attentive d’un gouvernement qui prétend par ailleurs défendre la diversité culturelle.

Mais notre proposition implique de trouver une solution pour la juste rémunération des auteurs, une compensation financière de cette forme de copie privée que rien ne distingue, sur le fond, des autres. Nos collègues socialistes proposent la licence globale. Nous préférons l’offre publique légale, c’est-à-dire une médiathèque numérique publique regroupant toutes les œuvres, musicales, audiovisuelles, iconographiques, enregistrements de spectacle vivant et art plastique. Cette médiathèque, techniquement réalisable, rendrait possible le respect du droit moral des créateurs et une rémunération proportionnelle et équitable des auteurs. L’offre serait ouverte à tous les styles et garantirait la diversité culturelle. Le financement pourrait être assuré par une contribution des fournisseurs d’accès à internet, principaux bénéficiaires du développement des échanges en ligne, et accessoirement, de manière forfaitaire, par les utilisateurs. Cette proposition n’est qu’une piste : le préalable indispensable reste, ainsi que nous l’avons déjà dit, de mener les études nécessaires pour trouver des solutions viables et conformes aux intérêts des auteurs et des utilisateurs.

Cette proposition permet en outre de résoudre certains problèmes posés par la licence globale, comme la difficulté de contrôler les flux sur internet, donc de répartir équitablement les rémunérations. Grâce à une offre publique légale, il deviendrait possible de savoir très exactement qui télécharge quoi et de garantir une rémunération proportionnelle à l’exploitation réelle des œuvres. Cette offre publique légale correspond à une demande. Elle est plus facile d’accès et très peu chère, ce qui favorise la démocratisation de la culture. Elle responsabilise l’utilisateur sans le toucher au portefeuille, en lui donnant la satisfaction de verser des droits aux auteurs qu’il écoute vraiment : une grande majorité des internautes y sont favorables. Les auteurs y trouveront une source de rémunération équitable et les utilisateurs ne seront plus guère tentés d’utiliser le peer to peer classique, souvent vecteur de virus et très aléatoire quant à la qualité des fichiers. Cette solution est également conforme à notre approche de l’internet, que nous considérons comme un espace public et non comme un espace purement marchand.

Mme Martine Billard - Le sous-amendement 366 est identique. Que reste-t-il aujourd’hui de la copie privée ? La redevance pour copie privée s’applique sur les cassettes audio et les VHS vierges, qui tendent à disparaître, sur les CD, qui sont en régression, et sur les DVD, dont la Cour de cassation vient de nous expliquer qu’on ne pouvait les copier. Ne seront bientôt plus susceptibles de copie autorisée que les films qui passent à la télévision ! Et si l’on considère que les chaînes d’abonnés donnent lieu à un paiement, ne restent plus que les films de la télévision non payante, ce qui finit par faire bien peu…

Je regrette réellement qu’on n’ait pas travaillé suffisamment sérieusement sur ce texte pour disposer de tous les éléments avant de prendre une décision. On est en train de scier la branche sur laquelle on est assis. Une centaine de radios sont aujourd’hui en ligne : il suffit de se connecter sur leur site pour télécharger ! À vouloir tout verrouiller en faveur des plateformes payantes, vous risquez de déplacer les téléchargements sans dégager plus d’argent pour la création culturelle.

Les ventes en ligne ont été multipliées par quatre en un an ; un peu plus du quart des revenus de la SACEM provient de la musique enregistrée ; 70 % de ses revenus sur la musique en ligne proviennent de la téléphonie mobile. Il reste peu de musique en ligne en tant que telle ! Si vous croyez vraiment convaincre nos concitoyens de continuer à payer une redevance qui ne correspond plus à grand-chose – mais qui pourtant est fondamentale, puisqu’elle représente toute l’aide au spectacle vivant – et arriver à empêcher tout contournement, vous faites mieux que Don Quichotte ! Si les entreprises veulent développer des plateformes payantes, qu’elles le fassent : nous ne pouvons qu’espérer qu’elles gagnent en diversité. Mais ensuite, nous devons garantir les revenus du spectacle vivant, hors cinéma, et éviter d’assécher les revenus par des combats d’arrière-garde. Dans deux ou trois ans, on se rendra compte qu’on a perdu une source de financement très importante et qu’on a fait baisser les recettes de auteurs et des compositeurs.

Une dernière remarque : les plateformes de téléchargement payantes ont rémunéré les auteurs, mais les droits voisins n’ont pas été reversés ! Ceux qui prétendent défendre les droits d’auteurs risquent de tomber dans le panneau et de commencer à défendre les droits des fournisseurs !

M. le Rapporteur – Ces sous-amendements sont la démonstration du double langage de l’opposition, qui entretient la confusion entre les deux notions de téléchargement et de copie privée : elle oublie de préciser si le téléchargement est licite ou non ! Lorsque nous favorisons les téléchargements licites à partir de plateformes, c’est pour éliminer le téléchargement illicite, donc empêcher que les artistes soient spoliés. Vous laissez entendre, subrepticement, que télécharger revient à faire de la copie : non ! On fait une copie privée lorsqu’on reproduit ce que l’on a téléchargé licitement – nous proposerons que ce soit le collège des médiateurs qui fixe le nombre de copies autorisées. Confondre téléchargement et copie revient à rendre licite ce qui est illicite. C’est ce qu’il y a de profondément vicieux dans le système de la licence globale (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Finalement, il vous est proposé de faire rentrer par la fenêtre la licence globale qui était sortie par la porte. Or, c’est une rémunération parfaitement injuste pour les auteurs, et notamment pour les moins connus.

M. Christian Paul - Le rapporteur est un spécialiste de la provocation !

M. le Ministre - Avis défavorable. Les arguments que je vais développer ici serviront aussi pour les amendements connexes qui vont suivre.

Dans le secteur du cinéma tout d’abord, l’accord du 20 décembre sur la vidéo à la demande représente une immense novation : il permet, sans rompre les équilibres subtils et compliqués du secteur, la diffusion légale du cinéma sur internet et le financement par les fournisseurs d’accès à internet de la production cinématographique. C’est une étape considérable, qui donnera des moyens supplémentaires à l’exception française, laquelle est d’ailleurs en passe d’être reconnue par l’Union européenne : comme nous avons gagné le combat de la diversité culturelle, nous sommes fondés, en tant qu’État, à soutenir la production cinématographique.

En ce qui concerne la licence globale, elle ne profiterait ni au monde de la création, ni aux internautes. C’est une solution séduisante, mais dangereuse. La licence globale optionnelle, qui avait été évoquée, nécessiterait de repérer et de sanctionner les internautes qui téléchargent sans avoir payé cette licence. La licence globale obligatoire serait une taxe qui défavoriserait les revenus les plus bas dans l’accès à internet, notamment à haut débit, et ruinerait les efforts du Gouvernement pour réduire la fracture numérique. La licence globale optionnelle est une mécanisme inéquitable : elle ne serait optionnelle que pour les internautes, mais pas pour les artistes, qui ne seraient plus libres de choisir leur mode de diffusion ou de rémunération. La licence globale en général s’imposerait à tous comme un modèle économique unique qui empêcherait les autres de se développer.

L’absence de propositions fiables pour répartir entre les créateurs le produit de la licence globale optionnelle affaiblirait la prise de risque et l’investissement, tant personnel que financier, dont la création a besoin. La répartition de la rémunération ne pourrait se faire que par sondage, ce qui désavantagerait les artistes encore peu connus.

La licence globale, optionnelle ou non, asphyxierait la musique et le cinéma français par insuffisance de financement ; elle fragiliserait la création ; elle menacerait les emplois et les métiers des industries culturelles.

Si la moitié des foyers internautes qui téléchargent acceptaient de payer 10 euros par mois, et en estimant que ces foyers représentent 26 % des 9,8 millions de foyers abonnés à internet, la licence globale optionnelle rapporterait 153 millions par an, soit dix fois moins que les 1,5 milliard de ressources issues des CD et cinquante fois moins que les 7,8 milliards de ressources issues des CD, DVD et chaînes payantes.

Pourquoi la licence globale serait-elle obligatoire pour la musique et pas pour le cinéma ? Je n’aurai pas la cruauté de rappeler que lorsqu’elle a été adoptée ici, elle concernait l’une et l’autre… (Exclamations sur divers bancs) Et comment distinguer un internaute qui télécharge un fichier musical d’un internaute qui télécharge un film ? Que faire pour les milliers de films échangés illégalement ? Refuser toute sanction, c’est menacer l’avenir du cinéma.

Rejeter la licence globale, qu’elle soit optionnelle ou non, pour mettre en place un système adaptant le droit d’auteur à l’ère numérique, c’est garantir l’avenir de la musique et du cinéma français ; c’est la raison pour laquelle je vous demande de rejeter ces sous-amendements.

M. Laurent Wauquiez – Je demande un peu de patience aux auteurs de ces sous-amendements : onze articles plus loin, nous avons déposé un amendement reconnaissant le droit à la copie privée ; il va bien au-delà de ce qu’ils proposent (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP).

Mme Christine Boutin - Je voudrais tout d’abord remercier le ministre de nous avoir pour la première fois exposé clairement les raisons de l’opposition du Gouvernement à la licence globale… Pour ma part, je soutiens ces sous-amendements.

Monsieur le ministre, on ne peut fonder le financement de l’industrie culturelle sur des supports matériels qui ont vocation à disparaître ! La « communication en ligne » évoquée par ces sous-amendements n’est-elle pas la nouvelle forme de la société de l’information ? Si nous n’adoptons pas cela, nous allons encourager le piratage !

M. Jean Dionis du Séjour - Voici ce que dit l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle. « Lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire : 1°) Les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille ; 2°) Les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective ». Or le peer to peer, c’est précisément le partage et l’usage collectif ! Adopter ces sous-amendements serait transformer l’exception pour copie privée, ce qui ne serait pas lui rendre service… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Mathus - M. Vanneste est coutumier des propos excessifs… Quant à vous, Monsieur le ministre, vous nous avez lu un argumentaire qui avait manifestement été rédigé au mois de décembre.

Pour votre part, Monsieur Dionis du Séjour, vous contestez l’interprétation faite par la jurisprudence : le download a été considéré par tous les tribunaux comme une exception au droit d’auteur pour la copie privée.

En France, un foyer sur quatre utilise le téléchargement ; c’est un formidable progrès pour les échanges culturels, et la société a droit au progrès technique. Il reste à faire en sorte que ces téléchargements puissent également rémunérer la création. Empêcher qu’ils soient reconnus comme un acte de copie privée, c’est remettre en cause ce qui a été peu à peu considéré comme un droit : lorsque nos enfants achètent un baladeur MP3, ils paient une taxe qui leur donne le droit d’effectuer cette copie. Interdire celle-ci, c’est menacer les 240 millions du fonds pour copie privée, qui servent essentiellement à financer des spectacles vivants dans nos circonscriptions : il faut y réfléchir à deux fois avant de prononcer cette condamnation à mort !

On invoque le droit de la propriété intellectuelle, mais qui ne voit qu’il subit une dérive considérable ? Les industriels de la biogénétique veulent breveter les molécules vivantes ; aujourd’hui les industriels de la culture veulent breveter les fichiers qui circulent sur internet…

M. Jean Leonetti - Cela n’a rien à voir !

M. Didier Mathus - La culture n’est pas un magot réservé à quelques-uns ; internet permet un formidable développement des échanges culturels dans l’ensemble de la société.

M. Patrick Bloche - Il est un peu dommage de refaire le même débat qu’au mois de décembre… J’ai été très déçu que le ministre nous resserve des arguments qui ne tiennent pas compte de la réflexion que nous avons conduite depuis lors. Le téléchargement est-il ou non une exception pour copie privée ? Telle est la question à laquelle nous devons répondre maintenant. Un jugement récent du TGI de Paris va dans le sens d’une réponse positive.

Quant au Conseil économique et social, il nous avait tout d’abord alertés dès juillet 2004 sur le fait que la criminalisation de l’utilisation des nouveaux moyens d’accès à la culture était une régression. Il considérait également que l’utilisation des techniques de verrouillage ne pouvait conduire qu’à une recherche sans fin de contournement. Il préconisait le renforcement du droit d’auteur, l’appréhension des nouvelles technologies comme élément dynamique et positif pour la création artistique et culturelle, enfin la mise en place de mécanismes et d’instruments nécessaires à la protection du droit d’auteur.

Le CES est intervenu à nouveau en février dernier pour insister sur la nécessité d’un nouveau contrat social, car selon lui le droit d’auteur constitue un contrat entre l’auteur et la société. Il considère que la question ne se réduit pas à surveiller et punir, il faut aussi protéger et encourager les auteurs, tout en favorisant l’usage d’internet auprès d’une population pour qui il représente une nouvelle forme d’appréhension de la culture. Il préconise une mise à contribution des fournisseurs d’accès pour financer la création littéraire et artistique – c’était l’objet d’un amendement que nous avions déposé dès le mois de juin – et estime, comme la jurisprudence, que le téléchargement est assimilable à la copie privée.

Mme Martine Billard - L’article 5 de la directive prévoit bien une exception de copie privée, sur tout support, quand la reproduction est faite par une personne physique pour un usage privé et à des fins non commerciales. Or, pour le moment, rien dans le texte ne nous dit que cette copie privée sera possible à partir d’un téléchargement – ou déchargement. Pensons par exemple à quelqu’un qui achèterait légalement de la musique sur internet et qui voudrait ensuite faire une compilation.

M. Richard Cazenave - On va le dire dans des amendements !

M. Jean-Pierre Brard - Je regrette, Monsieur le ministre, que sur un sujet aussi délicat, vous cédiez à la pression des lobbies et n’anticipiez pas le futur. Comme dirait Mme Boutin, vous ne chaussez pas les lunettes de l’avenir. Il est dommage que vous n’ayez pas accepté de travailler d’une façon plus méticuleuse, en écoutant les uns et les autres…

Plusieurs députés UMP - On n’a fait que ça !

M. Jean-Pierre Brard - Alors, branchez votre Sonotone !

M. le Président – Évitez ce genre de remarque !

M. Jean-Pierre Brard - Imaginons, Monsieur le ministre, un internaute qui téléchargerait des choses en passant, tout à fait légalement, par un site russe…

Mme Sylvia Bassot - Comme par hasard !

M. Jean-Pierre Brard - Mme Bassot semble confondre russe et soviétique. Moi, je pense à Tchékhov, Dostoïevski…

M. Jean Leonetti - Et Staline ?

M. Jean-Pierre Brard - Je ne sache pas que Staline ait composé des œuvres culturelles ! Comment ferez-vous, Monsieur le ministre, pour protéger, dans ce cas-là, les droits d’auteur dans les conditions qu’il prétend garantir aux artistes ?

M. le Ministre – Le procès des lunettes du passé est vraiment grotesque, alors que notre objectif est que l’offre soit la plus large, la plus diversifiée et la plus accessible possible ! Depuis vingt-trois mois que je suis rue de Valois, nous avons organisé à cet effet quantité de réunions avec les fournisseurs d’accès, le monde de la musique, du cinéma et de la télévision. Ceux qui voteront ce texte auront contribué à ce qu’une offre nouvelle apparaisse et à ce que les modèles économiques évoluent. Nous n’avons pas l’œil rivé sur le passé mais bien sur l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Les sous-amendements 308, 335 et 366, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Pierre Cohen - L'activité d'enseignement et de recherche requiert de plus en plus l'utilisation d'œuvres protégées, auxquelles les nouvelles technologies offrent des facilités d'accès sans précédent. En l'état actuel de la législation, aucune solution globale, simple et rapide ne permet cependant de concilier la licéité de tels usages et les droits légitimes des titulaires.

L'article 5-3-a. de la directive prévoit bien, parmi les exceptions et limitations aux droits de reproduction et de communication au public que les États membres peuvent introduire une exception en faveur de l’enseignement et de la recherche, à condition de citer sa source, mais ce cas n'est cependant pas inclus dans ceux actuellement prévus par l'article L. 122-5, ni dans ceux nouvellement introduits par le projet de loi.

Même si cette exception ne fait pas partie de celles pour lesquelles la directive implique obligation d'une compensation, il ne paraîtrait pas équitable de la consacrer par voie législative sur une base aussi extensive que l'autoriserait la directive sans qu'une négociation ait fixé une compensation proportionnée au bénéfice des ayants droit.

Compte tenu du retard pris par cette négociation, il est proposé dans l'immédiat d'assouplir, pour les seuls usages « pédagogique » et « scientifique » conservant un caractère non commercial et une diffusion limitée à leur objet, l'application de l'actuel régime du droit de citation, qui relève de l'article 5-3-d de la directive, en introduisant en ces domaines la notion d'« extraits », moins restrictive que celle de « courte citation », et en y étendant le droit de citation aux domaines, aujourd'hui exclus par la jurisprudence, des œuvres autres que littéraires.

L'adoption de ce sous-amendement 309 permettrait la définition rapide d'un mécanisme d'exception simple et cohérent, en attendant la négociation d'une compensation équitable entre les ayants droit et le ministère de l'éducation nationale.

M. le Rapporteur – Défavorable.

M. le Ministre – Si le Gouvernement est défavorable à cet amendement, c’est parce que nous avons réussi à traiter le problème par un bon accord avec l’Éducation nationale. Certains en doutaient en décembre, mais aujourd’hui l’accord est concrétisé, ce dont on devrait se réjouir sur tous les bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Bloche - Vous semblez être un spécialiste des accords miracle ! Le 19 décembre, vous aviez déjà sorti, inopinément, un accord avec le cinéma. Et aujourd’hui, 7 mars, voici que vous faites état d’un accord avec l’Éducation nationale, dont vous nous avez dit en commission, lorsque nous avons eu la chance de vous entendre pour la première fois sur ce projet, qu’il était signé, alors que, d’après nos informations, il est seulement en cours de négociation. De plus, vous nous aviez assuré qu’il serait à notre disposition. Nous vous demandons donc de tenir cet engagement, ici et maintenant !

M. Jean-Louis Dumont - C’est du bluff !

M. Jean-Pierre Brard - Nous voulons bien vous croire, Monsieur le ministre, mais nous avons tout de même besoin d’un peu de concret. Avec tout le respect que nous devons à votre fonction et à votre personne, je rappelle que vous nous menez en bateau sur la question des intermittents et vous vous montreriez subitement efficace sur un sujet aussi délicat ? Puisque l’accord est signé, pourquoi diable ne nous en donnez-vous pas un exemplaire ?

Comment aborder la question des exceptions sans évoquer celle de la recherche et de l’enseignement ? J’estime que celle-ci ne doit pas seulement faire l’objet d’un protocole ou d’un accord, mais être reconnue dans la loi, car je suis comme Saint Thomas. Le Gouvernement prétend avoir trouvé une solution d’équilibre, or il s’agit plutôt de mesures en trompe-l’œil.

Prenons l’exemple des bibliothèques : vous proposez d’autoriser les copies d’œuvres protégées, dès lors que les bibliothèques n’en tirent aucun avantage commercial. Mais pourquoi limiter ce droit de copie aux œuvres qui ne sont plus disponibles à la vente ou dont le format de lecture est devenu obsolète ? Une véritable exception consisterait à admettre que les missions des bibliothèques passent par le droit de copie numérique de l’ensemble des œuvres. Vous prétendez que le problème est réglé : démontrez-le !

M. le Ministre – Il n’y a jamais eu d’accord miracle, mais beaucoup de travail et de persuasion. Au début de 2005, avec François Fillon, alors ministre de l’éducation nationale, nous avons lancé le mouvement et engagé des négociations ardues avec les secteurs de la presse, de l’édition, des arts plastiques, du cinéma, de la musique. Les accords auxquels nous avons abouti donnent une garantie juridique à l’usage des œuvres pour l’enseignement et la recherche. Ils permettront de diffuser sur des réseaux numériques et même sur internet, à l’attention des élèves, des œuvres illustrant des travaux pédagogique et de recherche.

Cette formule présente plusieurs avantages : elle confère une souplesse qui permettra d’adapter les accords aux évolutions technologiques ; elle prévoit une rémunération modérée, de 2 millions – à rapporter aux 30 millions des droits de photocopie – qui évite de laisser croire que la création est gratuite et sans valeur. Les accords ont été signés et n’attendent plus que le visa du contrôleur financier.

M. Jean-Pierre Brard - Montrez-les nous !

M. le Ministre – Vous pourrez en disposer. Je suis heureux de constater que vous faites référence au travail effectué dans les commissions.

M. Christian Paul - Je souhaite faire un rappel au Règlement concernant l’organisation de nos travaux. Certes, la commission des lois a – enfin – auditionné M. le ministre, huit jours avant la reprise du débat, mais cela a précédemment fait l’objet de deux lettres, adressées par MM. Bloche et Mathus au Président de l’Assemblée et à celui de la commission.

Monsieur le ministre, vous avez solennellement pris l’engagement en commission des lois de transmettre aux députés copie de l’accord.

M. le Ministre – Vous l’aurez dans une heure !

M. Christian Paul – Nous allons donc demander une suspension de séance. Deux questions nous intéressent plus particulièrement : elles concernent des centaines de milliers d’enseignants qui ont besoin d’accéder à des extraits de livres, d’œuvres cinématographiques ou musicales.

M. Bernard Carayon - Le problème est réglé ! Faites confiance au ministre !

M. Christian Paul - Quel est le mécanisme ? S’agit-il d’une autorisation préalable ? Faudra-t-il, dans le cas d’une dictée d’un auteur contemporain, la demander à l’auteur ou à l’éditeur, dans le cas d’un extrait de film, au réalisateur ou au producteur ?

M. le Président – Nous sommes dans le cadre d’un rappel au Règlement !

M. Christian Paul – Je conclus : vous avez évoqué, Monsieur le ministre, un montant de 2 millions : qui paiera ?

Puisque vous êtes dans l’impossibilité de nous transmettre les accords ou de nous répondre, je demande une suspension de séance.

M. le Président – Je mets d’abord aux voix le sous-amendement 309 (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste).

L'amendement 309, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux - C’est un abus de pouvoir !

La séance, suspendue à 23 heures 20, est reprise à 23 heures 40.

Mme Christine Boutin - C’est une nouvelle forme de démocratie que les internautes sont en train d’inventer grâce aux médias de masse, qui bouleversent les rapports entre le politique et le citoyen, tout en révolutionnant les relations sociales et la culture.

Nous avons été nombreux, depuis le mois de décembre, à réunir les tenants et les adversaires de la licence globale. Je voudrais donc saluer tous ceux qui ont participé à ces réunions, et témoigner de leurs efforts pour résoudre les problèmes posés par le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Cette réflexion n’a malheureusement pas totalement abouti au moment où on nous demande de reprendre l’examen du projet. C’est pourquoi je demande la création d’une mission d’information parlementaire, que réclame d’ailleurs aussi la SACD, malgré son hostilité à la licence globale.

Pour en venir aux exceptions proposées par le ministre, je voterai naturellement en leur faveur – car qui peut s’y opposer ? –, mais je regrette que les propositions du Gouvernement n’aient pas réellement évolué depuis décembre. Par le sous-amendement 301, je vous propose donc de rétablir purement et simplement la licence globale.

J’observe qu’un seul camp a été entendu, Monsieur le Président, et que la parole n’a pas été donnée aux défenseurs de la licence globale. Rétablissons donc la réalité des faits : nous n’avons jamais eu l’intention de tout rendre gratuit. Nous souhaitons simplement que l’on cesse de traiter les internautes comme des voleurs !

Plusieurs députés socialistes et communistes – Très bien !

Mme Christine Boutin – Et même si le ministre prétend que les répartitions financières à réaliser seraient complexes, elles n’ont rien d’impossible ! Remarquez d’ailleurs que ce sont les artistes et les auteurs peu connus qui sont favorables à la licence globale, car la « Toile » leur offre l’occasion de se faire connaître, condition nécessaire pour entrer dans une major et pour survivre financièrement. Voilà une préoccupation étrangère aux artistes installés !

J’ajoute que nous avons tout entendu sur ce sujet depuis deux mois. Je ne suis pas une ayatollah de la licence globale !

M. Jean Dionis du Séjour - Ah !

Mme Christine Boutin – Mais je constate, Monsieur Dionis du Séjour, que vous n’avez rien à proposer de mieux !

M. Christian Paul - Très bien !

M. le Président – Pour le vote du sous-amendement 307, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

M. Alain Suguenot – Il ne faut pas voir dans mon sous-amendement 307 l’effet de je ne sais quelle nostalgie de la licence globale. Son objet est simple : il s’agit de confirmer l’existence d’un droit à la copie privée. Aux termes du 2° de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, la reproduction d’une œuvre est strictement limitée à l’usage privé du copiste. Autrement dit, le copiste devient contrefacteur dès lors qu’il télécharge une œuvre et la met à disposition de tiers, y compris à l’intérieur du cercle familial. La définition est si restrictive qu’une personne copiant une œuvre pour une autre incapable de télécharger pourra être sanctionnée par la loi. Dans ce contexte, une révision des dispositions de l’article L. 122-5 s’impose. La transposition de la directive « société de l’information » nous en donne la possibilité. En effet, dans son article 5, elle vise les reproductions effectuées par une personne physique pour « un » usage privé, et non pour « son » usage privé, comme le propose Mme Boutin. Toute la différence entre nos sous-amendements tient donc dans le déterminant : « un » ou « son ». Interdire la copie d’un fichier téléchargé légalement viderait de son sens ce projet de loi : les dispositions concernant le collège des médiateurs chargé d’établir le nombre de copies réalisées, notamment, deviendraient caduques. Je vous propose donc de préciser dans la loi que « l'auteur ne peut interdire les reproductions effectuées sur tout support à partir d'un service de communication en ligne par une personne physique pour un usage privé et à des fins non commerciales, à l'exception des copies d'un logiciel autres que la copie de sauvegarde, à condition que ces reproductions fassent l'objet d'une rémunération telle que prévue à l'article L. 311-4 ».

M. le Rapporteur – Avis défavorable à cet amendement déjà repoussé en décembre dernier. Tout d’abord, parce qu’il n’introduit aucune distinction entre le cinéma et la musique et propose de surcroît un système de rémunération injuste des artistes travaillant dans le domaine de la musique. Par ailleurs, contrairement à ce qui a été affirmé, des décisions de justice, notamment celle de Pontoise en février 2005, ont sévèrement puni les auteurs de téléchargements.

M. Henri Emmanuelli – Mais de telles décisions sont devenues plus rares, depuis !

M. le Rapporteur – Parce qu’il n’y a pas de jurisprudence établie, la loi doit trancher.

M. le Ministre – Avis défavorable. Nous discuterons ultérieurement des questions liées à la copie privée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jérôme Rivière - Aujourd’hui, nous avons abordé la question des DRM, les digital rights management, qui sont des logiciels de gestion des droits numériques. Or, il se trouve que l’installation d’un logiciel peer to peer sur un ordinateur peut empêcher les logiciels qui permettent de copier en toute légalité de fonctionner. Cette question qui relève du droit à la copie privée sera-t-elle abordée dans le texte ?

M. le Ministre – Oui !

M. Christian Paul – En adoptant la proposition de M. Suguenot, le Parlement a la possibilité de reconquérir son droit d’amendement, qui lui a été subrepticement ôté dans la nuit de lundi à mardi. Depuis des semaines, nous essayons d’élaborer une solution acceptable par tous et de permettre une sortie par le haut de ce débat en privilégiant la généralisation de la possibilité du prélèvement sur internet.

Monsieur le ministre, je reconnais très volontiers que votre position a évolué dans le bon sens depuis décembre dernier : vous avez enfin cessé de considérer le téléchargement comme de la contrefaçon. Toutefois, votre vision de la copie à l’âge numérique reste archaïque puisque vous nous expliquerez bientôt qu’elle relève d’un régime contraventionnel. Quant à nous, nous constatons que la jurisprudence a évolué : les décisions de justice condamnant les internautes se sont raréfiées au fil des mois.

Par ailleurs, adopter ce sous-amendement 307, c’est permettre le financement de l’exception culturelle à l’âge numérique. Parce que la culture n’est pas un service comme un autre (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP), elle doit être soutenue par des fonds publics et des financements mutualisés tels que le système de la licence utilisé pour la radio ou la redevance pour la copie privée. Si ce sous-amendement était repoussé, la culture serait condamnée à rester dans la sphère marchande !

M. Alain Joyandet - Mais non, c’est le contraire !

M. Dominique Richard - Le groupe UMP ne votera pas ce sous-amendement…

M. Didier Mathus – En êtes-vous bien sûr ?

M. Dominique Richard - …qui va contre l’esprit du texte proposé par le Gouvernement.

M. Henri Emmanuelli - Il a tout compris !

M. Didier Mathus – Je voudrais être certain que les membres de l’Assemblée ont bien compris quelle était la teneur exacte de la solution préconisée par le Gouvernement : elle conduit au verrouillage des fichiers sur internet par les DRM (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Qu’est-ce qu’un DRM ? C’est un verrou numérique qui distribue les fichiers sur tous les appareils numériques. Or, ces DRM sont aujourd’hui aux mains de quelques entreprises :…

M. Henri Emmanuelli - Eh oui !

M. Didier Mathus - …Apple, Microsoft, Intertrust et Real Networks ! Rappelons que le chiffre d’affaires de l’industrie des logiciels en 2005, près de 4 milliards de dollars, était largement supérieur aux sommes générées par les ventes de CD. Cette loi favorisera donc bien la rémunération de la création… de DRM. Or ces derniers sont dangereux. Sony en a fait les frais cet automne quand on a découvert que la lecture de ses CD verrouillés à partir d’un ordinateur entraînait l’installation d’un logiciel espion sur le disque dur ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Accoyer - Quelle mauvaise foi !

M. Didier Mathus - Cela en dit long sur l’éthique qui anime ces industriels !

M. Frédéric Dutoit - Nous voici arrivés à un moment essentiel du débat : choisir pour l’avenir entre le verrouillage numérique…

M. le Ministre – Non !

M. Frédéric Dutoit - …ou la possibilité de faire d’internet l’espace d’échanges, de connaissance et de diversité culturelle que tous les internautes souhaitent. Ce projet de loi, déjà obsolète, n’empêchera pas les téléchargements. Il est plus que jamais nécessaire de réfléchir aux moyens de rémunérer plus justement les auteurs !

M. le Président – La parole est à Mme Billard (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). J’ai donné la parole à deux orateurs du groupe UMP, deux du groupe socialiste, un communiste et un Vert. C’est équitable !

M. Alain Joyandet - Non, le groupe UMP a encore droit à une intervention !

M. le Président – Certainement pas !

Mme Martine Billard - Je voterai le sous-amendement 307 car il correspond très exactement à l’article 5 de la directive.

Le sous-amendement 301, mis aux voix, n'est pas adopté.
À la majorité de 85 voix contre 44, sur 132 votants et 129 suffrages exprimés, le sous-amendement 307 n’est pas adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu demain, mercredi 8 mars, à 15 heures.
La séance est levée à minuit.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

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ordre du jour
du mErCREdi 8 MARS 2006

QUINZE HEURES – 1re SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l’égalité des chances.

Rapport (n° 2931) de M. Laurent HÉNART.

À 19 HEURES : 3. Explications de vote et vote, par scrutin public, sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l’égalité des chances.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE - 2e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi (n° 1206) relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.

Rapport (n° 2349) de M. Christian VANNESTE, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

© Assemblée nationale