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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du mercredi 8 mars 2006

Séance de 15 heures

70ème jour de séance, 163ème séance

Présidence de Mme Hélène Mignon
Vice-Présidente

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La séance est ouverte à quinze heures.

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questions au Gouvernement

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journée internationale de la femme

Mme la Présidente – En cette journée internationale de la Femme, M. Jean-Louis Debré a souhaité me céder la présidence de cette séance (Applaudissements sur les tous les bancs). Hasard du calendrier, c’est la deuxième fois depuis le début de la législature que cette opportunité nous est offerte. Je salue cette initiative hautement symbolique, comme l’est l’accrochage des portraits d’Ingrid Betancourt et de Clara Rojas aux grilles du Palais-Bourbon (Applaudissements sur les tous les bancs).

L’égalité entre les hommes et les femmes n’est pas encore aboutie dans notre pays ; la parité non plus. En revanche, les violences faites aux femmes s’imposent comme une triste réalité. Comment, en ce jour, ne pas penser à ces millions de femmes qui, de par le monde, ne bénéficient ni des libertés ni des droits fondamentaux qui leur sont toujours refusés ? Saluons ensemble leur patience et leur courage (Applaudissements prolongés sur les tous les bancs).

L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

actions en faveur des femmes

Mme Marie-Jo Zimmermann - Aujourd’hui 8 mars, les femmes sont célébrées dans le monde entier. En France, nous pouvons légitimement nous réjouir : ces dernières années ont vu des améliorations tant sur le plan de leur vie personnelle et professionnelle que sur celui de leur engagement dans la société. La France possède à la fois un fort taux d’activité des femmes et un taux de fécondité parmi les plus élevés d’Europe. De nombreux acteurs économiques placent aujourd’hui l’égalité professionnelle au cœur de leurs préoccupations. L’égalité professionnelle et salariale est en effet un moyen de rendre les femmes libres et autonomes, et de lutter contre les violences économiques et domestiques dont elles sont victimes.

Vous avez récemment défendu, Madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, deux projets de loi sur l’égalité salariale et sur la répression des violences au sein du couple. Quelles nouvelles actions envisagez-vous pour poursuivre ces combats afin qu’un plus grand nombre de femmes puissent refuser la violence, accéder à une véritable égalité professionnelle et occuper dans la société la place qui leur revient ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Je remercie le Président de votre assemblée, qui a souhaité inviter une centaine de jeunes femmes à assister à notre séance de questions d’actualité (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent). Si un long chemin a déjà été parcouru, la tâche est loin d’être achevée. À poste égal, la différence de salaire entre un homme et une femme est encore de 20 %. Les conseils d’administration des entreprises comptent moins de 10 % de femmes, la fonction publique plus de 50 % – mais pas dans les postes à responsabilité. Le projet de loi que vous avez adopté il y a quelques semaines fixe des objectifs ambitieux. En cinq ans, nous allons supprimer les différences de salaire entre les hommes et les femmes. Pour la première fois, cette mesure est assortie d’un calendrier et d’une évaluation obligatoire. La représentation nationale a fixé d’autre part à au moins 20 % la proportion de femmes dans les conseils d’administration des entreprises. Reste le problème du temps partiel subi sur lequel nous travaillons avec Gérard Larcher, afin d’encourager les femmes à s’engager dans des parcours professionnels qui leur permettent de vivre décemment de leur travail. Cette mobilisation doit être celle de toute la société : la journée des femmes, ce n’est pas le 8 mars, c’est toute l’année ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

pauvreté

Mme Danièle Hoffman-Rispal - L’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale a remis son rapport la semaine dernière. Vous ne pouvez le nier : la pauvreté a augmenté depuis 2002 (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Même si certains chiffres remontent à 2003, nous constatons bien que la situation se dégrade. La faiblesse de la croissance, la hausse du chômage, désormais moins bien indemnisé, le sacrifice des emplois aidés sont en cause. Si vous vous êtes réjouis de l’amélioration des chiffres de l’emploi à la fin de l’année 2005, vous avez oublié que dans le même temps les bénéficiaires de minima sociaux – en particulier du RMI – étaient plus nombreux. Il n’y a donc pas de reprise de l’emploi dans notre pays. Le rapport montre que les femmes, surtout lorsqu’elles élèvent seules leurs enfants, sont parmi les plus touchées. Et vous n’avez rien fait pour limiter le travail à temps partiel subi, qui est en grande partie responsable de cette situation ! Alors que la pauvreté concerne toujours autant de jeunes de moins de 25 ans, un phénomène nouveau apparaît : la pauvreté des personnes âgées. Tiendrez-vous compte de ce rapport alarmant ? Allez-vous changer de politique, ou continuerez-vous à prendre des mesures qui plongent dans la précarité les plus fragiles de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Il est des sujets sur lesquels mieux vaut s’en tenir aux faits. Le rapport qui a été remis au Gouvernement le 22 février emploie deux critères, français et européen : selon le critère français, le taux de pauvreté monétaire est passé de 5,9 à 6,3 ; selon le critère européen, il stagne. Ne nous jetons pas de chiffres à la figure. Parler de la pauvreté, c’est d’abord parler d’hommes et de femmes. Comme le recommandent les auteurs de ce rapport eux-mêmes, il conviendrait de modifier les critères car la pauvreté monétaire ne rend pas compte à elle seule des difficultés rencontrées. La seule question qui vaille aujourd’hui – dois-je rappeler que les chiffres mentionnés dans ce rapport datent de 2002-2003 ? – est de savoir quelles solutions concrètes nous pouvons apporter. Il faut mieux accompagner les femmes vers l’emploi : c’est l’objet du projet de loi relatif au retour à l’emploi qui vient d’être adopté. Il faut également limiter le temps partiel subi car être femme, chef de famille monoparentale et ne trouver qu’un temps partiel expose gravement à ce que l’on appelle la nouvelle pauvreté. Mais si tant de femmes ne trouvent pas de logement, c’est aussi parce que l’on n’en a pas assez construit. Quand, plus précisément ? Comme par hasard, entre 1997 et 2002 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste). Nous, nous avons mis en chantier les logements sociaux nécessaires. Alors, Madame Hoffman-Rispal, faire des constats, c’est bien, apporter des solutions, c’est encore mieux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Égalite entre les FEMMES et les hommes

Mme la Présidente - La parole est à M. Jardé au nom du groupe de l’UDF (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Olivier Jardé - Une étude du ministère de l’Éducation nationale a révélé que le niveau intellectuel des petites filles était supérieur à celui des petits garçons et que cet écart persiste dans le primaire et dans le secondaire, où les filles sont 85 % à obtenir leur baccalauréat contre seulement 80 % des garçons. Ensuite, hélas, le taux de chômage des femmes atteint 10,6 % contre 8,8 % pour les hommes, et si sur le plan des rémunérations, il existe une relative égalité, le constat est alarmant s’agissant des carrières. En ce jour du 96ème anniversaire de la Journée de la femme, le groupe UDF a voulu marquer sa détermination en faveur du droit des femmes en demandant à un homme de prendre la parole (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, que comptez-vous faire pour qu’existe enfin une véritable égalité entre les hommes et les femmes dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - La parité est par définition une affaire d’hommes et de femmes (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et quelques bancs du groupe socialiste). Les femmes, qui représentent aujourd’hui 52 % de la population, souhaitent occuper leur place dans la société, leur juste place mais toute leur place. Cela suppose l’égalité dans l’emploi, seule à même de leur garantir une réelle autonomie, l’égalité aussi dans la représentation politique. Sur ce point, nous devrions, sur tous les bancs de cet hémicycle, réfléchir aux moyens de faciliter l’accès des femmes aux responsabilités. Le ministre d’État et moi vous proposerons d’ailleurs prochainement à cet effet un projet de loi visant à parvenir à la parité dans les exécutifs. La parité, c’est aussi le respect que l’on doit aux femmes. C’est tout le sens de la lutte contre les violences qui leur sont faites, sujet sur lequel le Gouvernement s’est pleinement mobilisé avec un projet de loi sur lequel une commission mixte paritaire est convoquée demain même. Enfin, grâce à ce texte, l’âge légal du mariage sera le même pour les femmes et pour les hommes, et la notion de respect dû aux femmes figurera dans le code civil. C’est essentiel, car respecter les femmes, c’est permettre qu’elles prennent toute la place qui leur est due (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

contrat première embauche

Mme Janine Jambu – La pauvreté et la précarité sont des mots qui s’écrivent d’abord au féminin pluriel. Les femmes étaient nombreuses hier, en cette veille de la journée des femmes, jeunes étudiantes, salariées et toutes les autres, avec un million de manifestants à travers tout le pays, à clamer haut et fort leur rejet du CPE. « Contrat précarité exclusion », ou bien encore « Cadeau au patronat encore », pouvait-on lire hier sur les pancartes que brandissait notre jeunesse. C’est dire sa lucidité : elle perçoit bien que, derrière le CPE, risquent de se généraliser des emplois jetables à merci occupés par des salariés corvéables, le droit divin et unilatéral du patronat de licencier sans motif, qui concernerait bientôt tous les salariés. C’est dire aussi la combativité et l’espoir de cette jeunesse car l’action engagée va connaître de nouveaux développements. Alors que nos jeunes aspirent à s’épanouir dans leur vie personnelle et professionnelle, n’y a-t-il donc rien d’autre à leur offrir quand les départs en retraite vont libérer 600 000 emplois par an dans les dix années à venir ? De formations qualifiantes, d’emplois stables et bien rémunérés, de négociations sur la gestion prévisionnelle des emplois, les organisations syndicales et étudiantes veulent bien débattre, mais elles rejettent le modèle de précarité généralisée que vous voulez leur imposer. Du CPE, les jeunes disaient hier « C’est pas mieux que rien, c’est pire que tout ». Monsieur le Premier ministre, allez-vous les entendre et retirer ce dispositif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et quelques bancs du groupe socialiste)

M. Patrick Roy – CPE, contrat de miséreux !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement - Vous évoquez l’avenir de notre jeunesse, et donc de notre pays. Votre groupe a déposé une proposition de loi relative à la négociation de plans de gestion prévisionnelle des emplois, et c’est en effet la bonne voie. Madame Jambu, vous qui avez été présente jusque fort tard dans la nuit lors de l’examen du plan de cohésion sociale, je n’ai pas besoin de vous rappeler que ce texte fait obligation aux entreprises de plus de 300 salariés de négocier un plan prévisionnel de gestion des ressources humaines, comportant des mesures de nature à favoriser l’intégration des jeunes dans l’entreprise, et prévoit des négociations de branche pour les entreprises de moins de 300 salariés. Neuf mois après l’adoption du texte, de nombreuses branches ont commencé à négocier de tels plans. La fonderie par exemple est en train de mettre en place le sien.

Nous sommes tous d’accord (« Non ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) : il faut un dispositif le plus large possible. Nous nous mobilisons en faveur de l’apprentissage, des contrats de professionnalisation. Le CPE, au même titre que le CNE, ne sera qu’un outil supplémentaire et en aucun cas le droit commun. Tout comme le CNE, il ne concernera qu’un petit nombre de recrutements. Vous le savez pertinemment, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, c’est bien notre façon de procéder. Nous regarderons d’ailleurs attentivement votre proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

sécurité routière

Mme Brigitte Le Brethon - Les statistiques des accidents corporels de février 2006 sont connues et je souhaiterais, Monsieur le ministre des transports, que vous les commentiez. Chacun constate que le comportement des conducteurs, volontairement ou non, se modifie. En 2002, près de 8 000 personnes avaient perdu la vie sur les routes et 138 000 autres avaient été blessées, soit 20 000 personnes de plus que l’ensemble des habitants de ma ville de Caen. C’est énorme ! En 2005, nous dépasserons encore les 100 000 blessés. Au lendemain d’un accident corporel, lorsque l’on apprend qu’il n’y a que des blessés, nous sommes rassurés car des vies ont été épargnées mais ce sont toujours des drames personnels et familiaux, des vies brisées, qui se profilent derrière les statistiques.

Quelles actions allez-vous entreprendre pour continuer à faire baisser le nombre de tués et de blessés sur nos routes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Emile Zuccarelli – Très bien.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer  Par rapport à février 2005, le nombre de tués, en février 2006, a baissé de 20 %. Entre février 2002 et février 2006, le nombre de tués a baissé de 50 %. L’effort demandé par le Président de la République a porté ses fruits pour trois raisons : les automobilistes conduisent moins vite, portent plus fréquemment la ceinture de sécurité et la consommation d’alcool diminue. Nous devons néanmoins poursuivre nos efforts en particulier pour certains départements, dont l’évolution n’est pas aussi favorable, et les conducteurs de deux roues. En liaison avec M. le ministre de l’intérieur, j’ai demandé un audit très précis dans chacun de ces départements afin de mettre en œuvre une politique plus ciblée. Quant aux deux roues, nous savons qu’ils sont de plus en plus utilisés, en particulier dans les grandes villes. J’ai rencontré l’ensemble des associations de motards et de cyclomotoristes. Nous sommes en train d’élaborer un plan avec eux afin d’améliorer leur formation et la sécurisation de ce mode de transport (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

risques sanitaires

Mme Josette Pons – La grippe aviaire en métropole, le chikungunya à la Réunion et à Mayotte, la dengue en Guyane : nos concitoyens sont inquiets face à ces épidémies ou à ces menaces qui prennent des proportions très importantes. L’épidémie de chikungunya, à la Réunion, touche plus de 186 000 personnes. M. le Premier ministre a décidé une mobilisation générale contre ces épidémies autour de trois axes : la prévention, la réponse sanitaire et la gestion des conséquences économiques. La solidarité nationale doit évidemment s’appliquer et l’État se doit d’apporter des réponses. La réaction du Gouvernement est à la hauteur des besoins : aides financières, campagnes d’information, démoustication, confinement des élevages… Il semble que le mouvement de panique suscité par la grippe aviaire s’estompe, mais l’épizootie demeure, et le virus H5N1 pourrait peut-être muter. Monsieur le ministre de la santé, pouvez-vous faire le point sur l’action du Gouvernement afin de protéger nos compatriotes? Comment comptez-vous améliorer le dispositif de veille sanitaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Notre pays, comme bien d’autres, est en effet confronté à l’émergence d’un grand nombre de maladies infectieuses. Je me suis rendu en Guyane, en Guadeloupe et à la Martinique pour faire le point sur la situation. Nous devons nous mobiliser sur tous les fronts : la prévention, avec la démoustication – qui dépend certes des pouvoirs publics mais également de chacun des habitants –, la prise en charge des malades et le développement de la recherche. Nous ne pouvons plus accepter que nos départements et territoires d’outre-mer soient encore confrontés à la dengue ou au chikungunya sans que nous disposions d’une réponse thérapeutique satisfaisante : d’où l’urgence de la recherche. La lutte contre les maladies infectieuses doit être une priorité de santé publique.

Nous devons aussi bénéficier d’informations fiables et rapides. Le Président de la République a donc souhaité que l’on évalue notre système de veille sanitaire. J’ai confié au professeur Girard le soin de conduire une mission d’évaluation en métropole et en outre-mer. Dans quatre mois, il me rendra un rapport précis et nous mettrons en œuvre sans délai ses préconisations. J’ai d’ores et déjà décidé de renforcer notre réseau de veille sanitaire en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe. Nos priorités : l’action et l’anticipation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

contrat première embauche

Mme Chantal Robin-Rodrigo – Monsieur Borloo a une drôle de conception de la chose publique en pratiquant, avec cynisme, le double langage : dans les couloirs de l'Assemblée Nationale et du Sénat il emploie les qualificatifs les plus violents contre le CPE, précisant que, depuis le début, il y est opposé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP). Dans l'hémicycle, avec le verbe haut et beaucoup d'hypocrisie, il le défend avec acharnement (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Il est vrai qu’il est assis aux côtés du Premier Ministre ! Solidarité gouvernementale oblige ! Cette façon de procéder ne crédibilise pas la parole des hommes politiques, mais je reconnais, en l’occurrence, qu’il a raison sur le CPE. Qu’il fasse donc preuve de courage et qu’il explique au Premier Ministre que le CPE accroîtra la flexibilité pour les jeunes de moins de 26 ans sans pour autant leur apporter de garantie ! Qu’il lui explique que les jeunes seront la variable d’ajustement des entreprises ! Et que le Gouvernement ne peut pas dire qu’il ne s’est rien passé : la démonstration d’hier a été éclatante. Plus d’un million de Français ont manifesté leur colère dans toutes les villes de France. Plus de 60 % de nos concitoyens rejettent le CPE, jeunes, salariés, retraités, public et privé confondus. Les dangers camouflés du CPE ont été peu à peu mis au jour et chacun a pris conscience qu’il s’agit d’un débat majeur pour l’avenir de la société. Nous voulons un autre monde, avec de la solidarité et une place pour chacun : voilà ce que disent les jeunes et leurs familles (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste). Allez-vous expliquer au Premier ministre tout ce que vous pensez réellement du CPE, lui conseiller d’écouter nos concitoyens, car eux aussi « en ont marre », et peser pour l’ouverture de véritables négociations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Mme la Présidente - La parole est à M. Larcher (Bronca sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Plusieurs députés socialistes – Borloo ! Borloo !

Plusieurs députés UMP - Larcher !

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes - La première des inégalités, c’est que le taux de chômage des jeunes filles de nos quartiers soit supérieur de cinq points à celui des jeunes garçons. La première précarité, c’est la situation qui leur est faite (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ce que nous voulons briser, Jean-Louis Borloo et moi, (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) c’est cette précarité faite de CDD et de CDI qui s’interrompent pour les trois quarts au cours de la première année (Mêmes mouvements) Le CPE permet d’établir un filet de sécurité autour des jeunes (Mêmes mouvements).

Mme la Présidente - S’il vous plaît…

M. le Ministre délégué – Il permet d’en finir avec ce retour permanent à la case départ. Depuis vingt ans, les jeunes galèrent. C’est cela qui est inacceptable. Le CPE, que nous avons construit avec les partenaires sociaux, nous permettra d’en finir avec ces vingt ans de précarité (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

premier anniversaire de la charte de l’environnement

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet – II y a un an, les assemblées, réunies en Congrès, votaient la Charte de l'environnement, attendue depuis longtemps par les associations et voulue par le Président de la République, qui entrait ainsi dans le préambule de la Constitution aux côtés de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Prenaient ainsi valeur constitutionnelle les principes de prévention, de réparation des dommages, de transparence et de participation du public, de précaution aussi bien sûr, qui a été au cœur de beaucoup de nos débats, et enfin l’exigence d'éducation à l'environnement à laquelle nous sommes très attachés.

Un an après, quel bilan pouvons-nous tirer de l’application de la Charte ? Plusieurs lois qui vont venir en en discussion sont autant d'occasions de décliner ses principes : lois sur la transparence en matière nucléaire, sur les OGM ou sur l'eau, les sujets sont nombreux. Une jurisprudence relative à la Charte se développe, à un rythme d'ailleurs raisonnable, contrairement aux craintes qui avaient pu s'exprimer. De grands défis s'imposent à nous, comme la lutte contre l'effet de serre, qui réunit actuellement trente députés de tous bords dans une mission d'information. Au quotidien enfin, nos concitoyens s'interrogent sur tous ces sujets, et en particulier sur l'impact de l'environnement sur la santé. À ce propos, l’article premier de la Charte dispose… (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Plusieurs députés socialistes – Il arrive ! Borloo est là !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet - … que chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. Il me semble que cela devrait tous nous intéresser.

Monsieur le garde des Sceaux, quel regard portez-vous sur la Charte, un an après sa constitutionnalisation, et quelles perspectives lui donnez-vous ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme la Présidente - La parole est à M. Clément.

Plusieurs députés socialistes – Borloo !

Mme la Présidente – La question précédente a été traitée.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice - Aujourd’hui se célèbre aussi, c’est vrai, le premier anniversaire de la constitutionnalisation de la Charte pour l’environnement, dans l’élaboration de laquelle vous avez, Madame, pris une part prépondérante (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). En février 2005, nous en délibérions, le 28, nous la votions en Congrès et le 1er mars, elle était promulguée par le Président de la République qui l’avait voulue. Cette loi éclaire dorénavant l’action du Gouvernement, tant en ce qui concerne les précautions sanitaires, qui sont tellement d’actualité, que dans l’élaboration des projets de loi, qu’ils aient trait à la santé, à l’environnement, à l’eau ou à l’énergie. Elle conforte également l’évolution de l’opinion publique en ces matières : les questions d’environnement sont aujourd’hui dans les toutes premières préoccupations des Français.

D’aucuns craignaient que la Charte ne provoque une explosion du contentieux. Elle n’a pas eu lieu. Peu de juridictions y font directement référence, mais elle éclaire dorénavant leur décisions comme nos lois. Les valeurs constitutionnelles de l’environnement sont devenues des valeurs fondamentales pour la France, parce que le Président l’a voulu et parce que vous l’avez voté (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

contrat nouvelles embauches

Mme Marie-Anne Montchamp – Depuis quelque temps, nous entendons d’un certains côté de l’hémicycle une série de contrevérités sur l’emploi, émaillée de quelques propositions idéologiques. La France est confrontée à trois paradoxes. Le premier est que le chômage touche deux millions et demi de nos compatriotes alors que 300 000 offres d’emploi ne sont pas pourvues, notamment dans le secteur du BTP, où l’attente est très forte. Le deuxième est plus grave encore : alors que la croissance de notre population active ralentit fortement, 20 % des jeunes restent durablement à l’écart de l’emploi. Troisième paradoxe : alors que notre droit du travail est sans doute l’un des plus protecteurs qui soient, nos compatriotes éprouvent un fort sentiment de précarité. Ce sentiment peut être légitime, mais l’utiliser comme arme politicienne est un choix détestable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

De façon réaliste et courageuse, le Gouvernement a mis la lutte contre le chômage au cœur de ses priorités et pris une série de mesures : accompagnement personnalisé des chômeurs, valorisation du retour à l’emploi, chèque emploi service universel… L’une de ces mesures, le CNE, a été particulièrement appréciée par les très petites entreprises, qui ont vu là l’occasion de redémarrer leur programme d’embauche, stagnant depuis plusieurs mois. Pouvez-vous nous donner les derniers chiffres à ce sujet, Monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente - La parole est à M. Borloo (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement  Quelle meilleure réponse à Mme Robin-Rodrigo que le fait que ce soit maintenant moi qui réponde à la question que vous posez, Madame, à M. Larcher ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Cela prouve que la solidarité du pôle social – et du Gouvernement – est totale ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Oui, il faut débloquer les freins à l’emploi, mais en même temps améliorer la sécurisation des parcours professionnels (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). On ne peut pas faire l’un sans l’autre, et c’est cet équilibre que le Gouvernement cherche. Il l’a cherché sur les CNE, qui représentent 10 à 12 % des contrats des quelque 300 000 très petites entreprises. Sans les CNE, un grand nombre de recrutements n’auraient pas eu lieu.

Cet équilibre, nous l’avons cherché aussi pour les licenciements économiques, avec les conventions de reclassement personnalisé, pour l’apprentissage et la professionnalisation. L’objectif est toujours de desserrer les freins à l’emploi. Mais en même temps, on n’a jamais autant sécurisé les parcours professionnels que sous ce Gouvernement et cette majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

détection précoce des troubles comportementaux

Mme Claude Darciaux - J’aurais aimé, Monsieur Borloo, que vous répondiez à la question de Mme Robin-Rodrigo et que vous nous disiez si vous êtes pour le CPE en public et contre en privé ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur le Premier ministre, suite au rapport de l’INSERM sur les troubles de conduite chez l’enfant et l’adolescent, vous envisagez une détection très précoce des troubles comportementaux. Cette proposition va à l’encontre du rapport, intitulé « L’enfant d’abord », produit par la mission parlementaire que présidait Patrick Bloche et dont la rapporteure était Mme Pecresse. Rapport conforté par Claire Brisset, défenseure des enfants, et Louis de Broissia, président de l’ODAS. Son volet concernant la protection de l’enfance, voté à l’unanimité par les membres de la commission, met en évidence la nécessité de privilégier la prévention.

Dépister dès le plus jeune âge les enfants susceptibles d’évoluer vers la délinquance, créer des carnets de comportements à remplir dès la naissance et demander aux professionnels de la petite enfance de devenir des auxiliaires de police…Tout cela ne risquerait-il pas de se traduire par un fichage des enfants et une atteinte à leurs droits ? Un enfant qui aura volé un cube à trois ans sera-t-il considéré comme délinquant récidiviste à dix, parce qu’il aura alors volé une gomme ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Alors que la pétition « pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans » recueille déjà plus de 65 000 signatures, entendez-vous renoncer à cette inquiétante proposition et vous référer davantage aux cent préconisations du rapport parlementaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales – Je vous réponds au nom du Premier ministre et à la place de Nicolas Sarkozy, qui doit être actuellement en route pour les Antilles. J’en profite pour rappeler que cela faisait vingt-deux ans qu’aucun ministre de l’intérieur ne s’était rendu dans ces départements, et j’indique que le Premier ministre s’y rendra lui-même prochainement.

L’INSERM est un organisme qui a été créé en 1964 et qui ne dépend ni de près, ni de loin du ministre de l’intérieur. Le rapport qu’il a produit encourage à mieux accompagner et mieux soigner les enfants chez lesquels on observerait colère, agressivité et troubles de conduite. Nous proposons donc simplement que la communauté éducative, les services de PMI et la médecine scolaire s’attachent à repérer la souffrance des enfants ; et que celle-ci soit ensuite prise en charge par les services médico-scolaires, médico-sociaux et pédo-psychiatriques. Cela ne peut heurter personne (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Les Anglais, les Canadiens et les Allemands ont engagé des initiatives de ce type. Et certains centres médico-sociaux mènent aussi, ponctuellement, des actions remarquables en ce domaine.

Il n’y a pour autant aucune velléité de notre part d’instrumentaliser les soignants (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste), il n’est pas question de dresser un fichier d’enfants ni de repérer de potentiels futurs délinquants ! Nous proposons simplement de généraliser ce qui a déjà marché ponctuellement, afin d’aider les enfants qui accumulent les difficultés à réussir leur vie. Mieux vaut prévenir que guérir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

contrats de projets

Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud - Lors du CIACT qui s’est réuni hier, le Gouvernement a fixé les grandes orientations des futurs contrats de projets pour la période 2007 – 2013. Ces documents prennent la suite des actuels contrats de plan État-Régions, qui représentaient un engagement global de l'État de 19,5 milliards d'euros sur sept ans, mais dont seulement 65 % avaient été exécutés à la fin de l’année 2005 – soit un retard d’une année environ.

Depuis de nombreuses années, ces contrats souffrent en effet de nombreuses faiblesses : retards d'exécution, dérives financières et illisibilité du dispositif. Notre commission des affaires économiques a d’ailleurs consacré un rapport à cette question, et incité le Gouvernement à corriger les problèmes structurels de ces contrats.

Au lendemain du dernier CIACT, pouvez-vous nous expliquer, Monsieur le ministre, en quoi le nouveau dispositif sera plus vertueux que l'ancien ? Comment pouvons-nous être sûrs que la parole de l'État sera cette fois respectée ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire - La transformation des contrats de plan État-Régions en contrats de projets État-Régions n’est pas seulement un changement de nom, mais aussi de méthode et de comportement.

Par souci de rigueur et de vérité, le Premier ministre a ainsi décidé que nous respecterons, pour la première fois depuis vingt ans, le calendrier prévu, en achevant l’exécution du plan à la date du 31 décembre 2006 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Et c’est tout à l’honneur de l’État, car il n’y aurait pas de sens à diluer des moyens identiques sur une durée plus longue.

Nous allons en effet consacrer 1,5 milliard d’euros supplémentaires aux transports et aux infrastructures, et je voudrais d’ailleurs rendre hommage au travail de Dominique Perben en la matière. Fin 2006, nous atteindrons donc un taux de consommation de 81 %, contre à peine 79 % pour le précédent plan.

Notre deuxième objectif est de renforcer l’efficacité du dispositif en alignant sa durée sur celle des fonds structurels européens, qui couvrent la période 2007-2013. Grâce à une excellente négociation, nous avons d’ailleurs obtenu des financements d’un excellent niveau (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) pour l’aménagement du territoire et les aides à finalité régionale.

Nous souhaitons désormais la signature de contrats de projets mieux identifiés, réalisables à coup sûr et ciblés sur trois grands thèmes : la compétitivité des territoires, le développement durable et la cohésion sociale et territoriale. Je le répète en effet : un important volet territorial sera maintenu, mais il prendra la forme d’actions plus précises.

Avec Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, nous avons voulu mettre un terme à certaines dérives (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Rappelons, par exemple, que la signature par Lionel Jospin des contrats de plan 2000-2006 a été critiquée par la Cour des comptes dans un rapport du 7 février dernier : est en effet dénoncé un affichage purement politique, ainsi que la sous-estimation, la mauvaise évaluation, et le sous-financement des projets. (Mêmes mouvements).

C’est donc un véritable changement de culture que nous avons enclenché, et nous le revendiquons. Nous allons remettre les pendules à l’heure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

apprentissage

Mme Pascale Gruny – L’emploi, et en particulier celui des jeunes, est une des priorités du Gouvernement et de la majorité, qui s’attachent à ne négliger aucune solution. Si le CPE constitue une réponse, n’oublions pas non plus l’apprentissage, dont l’objectif est double : pourvoir de nombreux postes au sein des entreprises, et fournir un emploi stable et valorisant aux jeunes.

L’activité économique demande en effet que les entreprises puissent trouver des collaborateurs formés à l’ensemble de leurs métiers. L’apprentissage est en outre une réponse à l’échec scolaire, et une chance pour les 120 000 jeunes qui sortent du système éducatif sans aucun diplôme.

Ce n’est donc pas par hasard que 84 % des Français sont favorables à ce véritable passeport pour l’emploi, et que le Gouvernement se mobilise pour son développement et sa reconnaissance comme une orientation scolaire à part entière.

Pouvez-vous nous faire part, Monsieur le ministre, du bilan des mesures engagées pour soutenir l’apprentissage et en faire une réelle filière d’insertion professionnelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes L’apprentissage et la professionnalisation sécurisent l’entrée dans le marché du travail, aujourd’hui marquée par trop de ruptures et de difficultés. Tel est l’esprit de la loi de cohésion sociale du janvier 2001 et de la loi pour l’égalité des chances.

Je peux vous annoncer que l’objectif de 500 000 apprentis en 2009 sera rempli : dès le mois de janvier de cette année, nous avons en effet enregistré une progression de 20% des signatures de contrats d’apprentissage, et de 30% des contrats de professionnalisation.

La loi sur l’égalité des chances ouvre par ailleurs de nouvelles perspectives, en imposant aux entreprises de plus de 250 salariés de compter 3% de leurs effectifs en formation par alternance, ce qui représente 150 000 postes supplémentaires.

L’alternance étant une véritable voie vers la réussite, du CAP au bac + 5, je prépare avec Gilles de Robien l’ouverture de CFA dans les universités, qui permettront aux jeunes étudiants qui ont besoin de professionnalisation de rentrer de manière moins chaotique sur le marché du travail.

Enfin, l’apprentissage junior offre une vraie réponse à l’errance scolaire et à la sortie de 160 000 jeunes sans formation de notre système éducatif.

Voilà donc notre ambition pour les jeunes : lutter contre la précarité et leur donner une vraie chance pour l’avenir (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Jean-Louis Debré.
PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

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égalité des chances (cmp)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi sur l'égalité des chances.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP.

M. Laurent Hénart, rapporteur de la CMPLors de la réunion de la CMP, qui s’est tenue hier soir pour étudier le texte adopté par la Haute assemblée, députés et sénateurs sont parvenus à un consensus sur les trois axes principaux de ce texte.

Premièrement, sur l’emploi et l’accès à l’emploi, le débat parlementaire a permis de sécuriser les différentes mesures proposées par le Gouvernement, d’améliorer le statut des jeunes et des adultes concernés et de développer les moyens de formation disponibles dans l’ensemble des parcours individualisés. S’agissant de l’apprentissage, Assemblée et Sénat ont renforcé le suivi scolaire des apprentis junior jusqu’à seize ans en prévoyant un suivi pédagogique personnalisé et la désignation d’un tuteur pour chaque élève ainsi qu’un mécanisme légal de retour au collège d’origine à la demande de l’apprenti. Preuve que le départ des jeunes en apprentissage à quinze ans reste facultatif : la possibilité, adoptée à l’initiative du Sénat, de prolonger la période de parcours d’initiation aux métiers jusqu’à seize ans. Par ailleurs, Assemblée et Sénat ont veillé à ce que l’éventuelle gratification perçue par les élèves dans un cadre professionnel soient versée sous forme de monnaie sonnante et trébuchante et que leurs droits sociaux soient mieux garantis. Enfin, le Sénat a insisté sur la nécessaire disponibilité des maîtres d’apprentissage en introduisant un article invitant les partenaires sociaux à négocier sur le statut du maître et sa disponibilité.

Concernant les stages, le Gouvernement a rendu leur rémunération obligatoire au-delà de trois mois. Assemblée et Sénat ont rappelé qu’un stage s’accompagnait obligatoirement d’une convention associant le stagiaire, l’employeur et l’établissement chargé de la formation. Par ailleurs, le Sénat a précisé un statut social minimal du stagiaire que l’Assemblée a approuvé.

S’agissant du contrat jeune en entreprise, le travail de l'Assemblée nationale a été confirmé par le Sénat. Ce contrat bénéficiera à toutes les personnes âgées de seize à vingt-cinq ans. Pour les jeunes issus des zones urbaines sensibles ou sans qualification, une surcote d’exonérations de charges sera appliquée. Par ailleurs, le Gouvernement est incité à accorder des exonérations plus importantes aux entreprises vertueuses qui emploient ces jeunes sur CDI pendant plus de deux ans.

Enfin, l’Assemblée a proposé de renforcer le droit individuel à la formation des jeunes sous contrat première embauche et de prévoir pour ce contrat un mécanisme d’évaluation comparable à celui que nous avons prévu pour le contrat nouvelles embauches. Ces mesures ont été confirmées par le Sénat.

Deuxième volet de ce projet de loi, le renforcement des actions éducatives par la mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés – collectivités locales, associations, organismes spécialisés – au profit des jeunes et des familles les plus démunis. Ce renforcement passe tout d’abord par une réforme de la politique de la ville incarnée par le développement des zones franches urbaines et la création d’une agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances. Premier point, les zones franches urbaines. Les PME, mais aussi les associations installées dans ces quartiers bénéficieront d’exonérations fiscales plus importantes lorsqu’elles embauchent. Par ailleurs, le Sénat, reprenant une proposition de la commission des affaires sociales de l’Assemblée, a supprimé la modification de la loi Royer. L’installation de multiplex sera donc soumise aux règles de droit commun afin de respecter l’équilibre commercial et culturel de chaque bassin d’emploi. Quant à la nouvelle agence, elle s’intéressera de manière prioritaire aux habitants des zones urbaines sensibles, mais également aux populations les plus en difficulté habitant en dehors de ces quartiers. Par ailleurs, Assemblée et Sénat ont veillé à ce que son conseil d’administration regroupe l’ensemble des forces vives du pays : les représentants des associations, des parlementaires, des acteurs du monde économique par le biais des réseaux consulaires, les caisses de sécurité sociale et les organismes de mutualité. Ensuite, le contrat de responsabilité parentale. Celui-ci constitue un outil intermédiaire entre la médiation et la répression, entre les réseaux d’appui qui soutiennent les familles en difficulté à leur demande et la machine judiciaire qui sanctionne les manquements. Avec lui, le président du conseil général, qui a la compétence en matière de protection de l’enfance, pourra combiner mesures éducatives et rappel des devoirs des familles au bénéfice des enfants. Assemblée et Sénat ont amélioré le dispositif en permettant tout d’abord aux maires, aux inspecteurs d’académie et aux préfets de saisir le président du conseil général, ce dernier transmettant sa décision motivée à ces autorités. Le Sénat a rappelé le principe de la libre administration des collectivités locales, le contrat de responsabilité parentale n’étant au demeurant qu’un outil parmi d’autres de la politique du conseil général pour la protection de l’enfance.

L’Assemblée a souhaité en second lieu encadrer précisément la mesure de suspension des prestations familiales, en limitant sa durée – quelques mois renouvelables, dans la limite d’une année – et en précisant celles des prestations qui peuvent être suspendues – allocations familiales puis complément familial.

L’essentiel du débat entre les deux assemblées a porté sur le volet de la lutte contre les discriminations, priorité du Gouvernement qui met en jeu des principes constitutionnels et des éléments fondamentaux de notre pacte républicain. L’Assemblée avait déjà encadré strictement les pouvoirs de sanction de la Haute autorité de lutte contre les discriminations – HALD. Le Sénat a proposé – à une large majorité – une voie alternative, celle de la transaction pénale diligentée par la Haute autorité. Elle a le mérite de garantir la constitutionnalité de l’intervention de la HALD, ce qui assurera en même temps la conformité de la procédure nationale à nos engagements européens ou internationaux. L’Assemblée s’est donc ralliée à la position du Sénat.

S’agissant du CV anonyme, la CMP a voulu s’assurer que l’obligation d’anonymat s’applique au seul moment du recrutement. Nous avons proposé, avec le Président About, un amendement qui pose cette obligation pour les entreprises de plus de cinquante salariés et en soumet la mise en œuvre à un décret en Conseil d’État, amendement que la CMP a adopté à l’unanimité. Espérons qu’il incitera les partenaires sociaux à conclure leurs discussions sur le sujet.

Sur l’ensemble du projet, ce sont ainsi plus de 200 amendements parlementaires qui auront été adoptés. 48 des 50 amendements significatifs présentés par notre commission ont été acceptés par le Gouvernement dans le texte soumis à la procédure de l’article 49-3. Le débat parlementaire a donc permis d’enrichir réellement ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Durand - Rappel au Règlement. Je déplore une fois de plus, au nom du groupe socialiste, le bouleversement de notre calendrier – la CMP qui était prévue ce matin a été avancée à hier soir, et la séance qui se tient cet après-midi était prévue demain matin – qui nuit à la sérénité de nos travaux. Je regrette également l’absence du Premier ministre. Même si la présence de MM. Larcher et Begag est d’une grande qualité, il est le chef du Gouvernement. Or il n’a participé qu’une seule fois à nos débats sur ce texte, et pour le soumettre à la procédure de l’article 49-3 !

M. Gaëtan Gorce - Rappel au Règlement !

M. le Président – Nous n’allons pas multiplier les rappels au Règlement. Il y a un ordre du jour prioritaire ; les principaux orateurs et le ministre sont là. La Constitution est respectée, comme l’est notre Règlement. Je vais même aller au-delà du respect de ce Règlement en vous donnant la parole pour un deuxième rappel au Règlement.

M. Gaëtan Gorce - Yves Durand a eu raison de rappeler dans quelles circonstances nos débats avaient été interrompus : le Premier ministre a traité cette Assemblée comme un hussard ne traiterait pas une cantinière ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Un peu de respect pour la cantinière ! C’est la journée de la femme !

M. Gaëtan Gorce - J’ai beaucoup de respect pour les cantinières, mais un peu moins pour les hussards… La seule réponse que le Gouvernement trouve à apporter aux manifestations qui ont réuni des centaines de milliers de personnes hier, c’est d’accélérer l’adoption de ce texte, autrement dit de continuer à passer en force. Cette méthode est inqualifiable : elle justifie que l’opposition exprime à nouveau son désaccord.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes Je remercie votre rapporteur pour les travaux conduits en CMP, mais aussi en commission. Souvenons-nous de l’automne 2005, de ces jeunes qui désespéraient. Leur taux de chômage dans de nombreux quartiers excédait alors les 50 %. Encore ne savions-nous pas toujours estimer le nombre de ces jeunes, qui n’étaient inscrits nulle part – au point que Jean-Louis Borloo et moi-même, avons dû engager une action spécifique destinée à les inciter à s’inscrire auprès des missions locales et de l’ANPE. Près de 25 000 d’entre eux l’ont fait depuis la fin novembre. Il nous faut poursuivre cette démarche pour ne pas oublier ce sur quoi nous nous sommes engagés. J’entends trop peu parler de ceux qui sont hors du jeu. Par la violence ou la révolte, ils ont surtout exprimé une forme de désespérance que je connais, comme vous, dans mon département – à Trappes, aux Mureaux, à Chanteloup, à Mantes-la-Jolie et au Val-Fourré. Le département dont Mme Jacquaint est l’élue connaît les mêmes difficultés.

Notre objectif, c’est l’emploi des jeunes et le développement de la formation ; c’est l’entrée dans l’emploi, qui se fait souvent de manière chaotique, comme si toute une génération subissait le « bizutage depuis vingt ans » dont parlent les sociologues. Une politique, donc, en direction de ces jeunes, et aussi des territoires. Un renforcement, également, de la politique de la ville : les zones franches urbaines font aujourd’hui l’unanimité. Moi qui fus le rapporteur du texte qui les créait, je sais pourtant combien il a fallu batailler pour les imposer. Sans être la solution à tout, elles apportent vie, espoir et emploi.

La politique de cohésion sociale a besoin d’être moins cloisonnée, plus globale. Les préfets à l’égalité des chances sont là pour cela, avec les élus et les territoires.

S’agissant de la lutte contre les discriminations, nous partageons tous le même constat, celui de jeunes pourvus de diplômes qui ne trouvent pas d’emploi. Je le constate aujourd’hui dans l’opération d’out placement de 6000 jeunes des quartiers. Nous devons faire cette révolution culturelle de la diversité.

L’apprentissage junior n’est pas l’abaissement de l’obligation scolaire de 16 à 14 ans (« Mais si ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). C’est une manière d’assumer l’orientation et de nous interroger sur le processus d’éducation. Nous orientons trop tard les jeunes vers les métiers qui offrent des débouchés. Il y a un pacte de confiance à renouveler avec la jeunesse. L’apprentissage junior sera une chance, à condition que l’on s’attache à maintenir le lien avec les collèges et que l’on s’appuie sur le tutorat. Il doit nous conduire à créer, comme d’autres pays l’ont fait – pourquoi n’en serions-nous pas capables, nous ? –, des passerelles entre la filière classique et la filière professionnelle. Celle-ci doit devenir une grande voie d’accès républicaine à un emploi qualifié, du CAP jusqu’à bac + 5.

Quant au CPE, c’est un outil supplémentaire qui, contrairement à ce que vous dites, ne mettra pas en péril le CDI. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Savez-vous d’ailleurs que les trois quarts des sorties de CDI ont lieu avant la fin de la première année ? Le CPE, en offrant souplesse mais aussi sécurité, sera un élément d’un parcours d’accompagnement personnalisé dans l’emploi, et non pas seulement vers l’emploi. Ce sera en quelque sorte un CIVIS prolongé, un filet de sécurité et un accompagnement pour le jeune car, on le sait, la plupart des ruptures de contrat de travail interviennent dans les premiers mois. Quoi qu’il en soit, la réponse à la précarité, aujourd’hui comme hier, ne réside pas dans un énième contrat dans le secteur public mais bien dans une nouvelle relation avec les entreprises.

Ce texte reconnaît et encadre les stages, ce qui n’avait jamais été fait jusqu’à présent. Ceux-ci ne pourront plus être un moyen de détourner l’emploi ou de maintenir des filières sans débouchés. Et sur ce point, chacun devra balayer devant sa porte, y compris certains grands médias, prompts à donner des leçons… Les stages seront un élément à part entière, reconnu comme tel, de la professionnalisation. Ils ne pourront désormais être prolongés au-delà de six mois que s’ils font partie intégrante du cursus scolaire ou universitaire.

S’agissant des zones franches urbaines, de nombreux amendements ont enrichi le texte final. Ainsi, avec le Sénat, avez-vous recentré le dispositif d’exonération sur les entreprises de moins de cinquante salariés et refusé la possibilité de dérogations pour les surfaces commerciales et les multiplexes cinématographiques. Le Gouvernement a pris acte de ce choix du Parlement.

Pour ce qui est de l’Agence nationale de cohésion sociale, ses missions ont été précisées. Des représentants du Parlement et des associations siégeront à son conseil d’administration, et les agents du FASILD n’y seront transférés qu’avec leur accord.

En ce qui concerne la lutte contre les incivilités, le Sénat s’est attaché à préciser les conditions dans lesquelles les maires pourraient proposer des transactions. Le contrat de responsabilité parentale n’est destiné qu’à aider des parents désemparés, qui ont parfois baissé les bras, à se ressaisir et à les accompagner dans l’exercice de leurs responsabilités. Je souligne d’ailleurs qu’il n’est pas question, en cas de défaillance des parents, de supprimer les allocations familiales, mais seulement d’en suspendre tout ou partie du versement, et pour le seul enfant concerné.

M. Yves Durand - Cela est déjà possible.

M. le Ministre délégué – Ce texte comporte aussi de nombreuses mesures visant à renforcer la lutte contre les discriminations. Ainsi les pouvoirs effectifs de la HALDE ont-ils été accrus, les contrôles à l’improviste légalisés afin que puissent être sanctionnées des discriminations aujourd’hui trop souvent impunies – Azouz Begag a longuement évoqué ce point devant vous. Le curriculum vitae anonyme, quant à lui, peut être un outil parmi d’autres : il faudra sur ce point tenir compte des éléments de la négociation interprofessionnelle.

Monsieur le Président, nous aurons eu au total, à l’Assemblée et au Sénat, 129 heures trente de débat sur ce texte.

Plusieurs députés socialistes – Ce n’est pas assez encore !

M. le Ministre délégué – Avant de conclure, je tiens à remercier tous ceux qui ont participé à ce débat, sur le fond et pas seulement sur la forme. L’exigence de cohésion sociale, l’une des toutes premières valeurs républicaines, impose qu’aucun de nos jeunes ne demeure à l’écart. La volonté de ce Gouvernement est de faire de tous les jeunes des enfants de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Vidalies - Rappel au Règlement. Au moment où le Gouvernement et sa majorité se félicitent de la fin de ce débat, je note qu’il apporte, par la voix de deux de ses ministres, un éclairage nouveau sur le CPE. M. Borloo nous a expliqué tout à l’heure, lors des questions au Gouvernement, que le CPE ne concernerait qu’un petit nombre de recrutements. Tout çà pour çà, serais-je dès lors tenté de dire ! Et nous n’étions pas encore au bout de nos surprises…

M. le Président – Monsieur Vidalies, un rappel au Règlement porte sur le déroulement des débats. Vous aurez tout loisir de vous exprimer sur le fond puisque vous êtes inscrit dans la discussion générale.

M. Alain Vidalies – M. Larcher, quant à lui, vient de nous dire que le CPE serait une sorte de « CIVIS prolongé ». Comprenne qui pourra ! Ou bien le Gouvernement est dans un tel désarroi qu’il dit n’importe quoi, ou si le CPE devient une forme de CIVIS, il faut recommencer tout le débat. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Votre réponse sur ce point nous intéresserait beaucoup ainsi que le million de Français qui a manifesté hier (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Muguette Jacquaint – Rappel au Règlement. Je suis étonnée, Monsieur le ministre, que vous répondiez à certaines des questions qui auraient pu être posées si nous avions pu débattre du texte dans son ensemble car celui-ci comportait beaucoup d’autres mesures que l’apprentissage junior et le CPE. D’ailleurs, le CPE ne figurait même pas dans le texte initial et a été introduit par voie d’amendement gouvernemental. Il faudrait recommencer le débat sur l’ensemble du texte, la représentation nationale en ayant été privée. Sur nombre d’articles importants, nous n’avons pu dire notre mot, le débat ayant été stoppé par l’application de l’article 49-3 (Interruptions sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président – Monsieur Durand, vous me demandez la parole pour un nouveau rappel au Règlement ? Je vous la donne tout en rappelant que l’article 58, alinéa 2, de notre Règlement dispose que « si manifestement, son intervention n’a aucun rapport avec le Règlement ou le déroulement de la séance, ou si elle tend à remettre en question l’ordre du jour fixé, le Président retire la parole (à l’orateur). »

M. Yves Durand – M. Vidalies a posé une question précise et importante à M. Larcher. Je souhaiterais que celui-ci y réponde de suite. Si tel n’était pas le cas, je demanderais une suspension de séance.

M. le Président – La suspension est de droit.

La séance, suspendue à 16 heures 55, est reprise à 17 heures 5.

EXCEPTION D’irrecevabilité

M. le Président - J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg – M. le ministre délégué, vous êtes un homme compétent et estimable...

M. le Ministre délégué – Merci !

M. le Président – Cela commence bien !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg – … même si vous êtes commis d’office…

M. le Ministre délégué – Mais c’est avec joie !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - …, en bon avocat d’un mauvais dossier auquel vous ne croyez peut-être guère. Notre sympathie, au sens étymologique, vous est acquise (Sourires). Autrement dit, nous partageons votre souffrance politique. Mais qu’arrive-t-il au Premier ministre ? Il n’est pas là aujourd’hui, non plus que M. Borloo d’ailleurs, alors que plus d’un million de personne ont réclamé hier le retrait de ce texte controversé. Quel décalage !

Mme Sylvia Bassot - C’est vous qui êtes décalé !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg – M. le Premier ministre aura finalement bien peu honoré nos débats de sa présence, si ce n’est pendant quatre ou cinq minutes, le 23 février, pour annoncer un recours au 49-3, ce qui n’est guère gratifiant pour notre Assemblée. Admettez que l’on peut se faire une autre idée du débat législatif, voire de la considération que sont en droit d’attendre les députés qui, eux, sont élus au suffrage universel ! On disait M. de Villepin gaulliste et il verse dans les excès du libéralisme économique ; on le croyait attaché à notre modèle social et il démantèle le droit du travail en créant le CPE, qu’il faudrait d’ailleurs appeler « contrat premier licenciement » (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Il le fait en outre de telle manière que l’article qui le crée sera sans doute censuré par le Conseil Constitutionnel. M. de Villepin semble d’ailleurs bien seul dans son camp, avec le sentiment très romantique d’avoir raison seul contre tous : Chateaubriand version 2006 ! Il a choisi d’ignorer les objections des deux ministres directement concernés ; il a négligé d’entendre le sentiment de sa propre majorité…

M. Éric Raoult - Pas du tout !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - … car nombre d’élus attachés à la justice sociale sont réservés sur ce texte ; il a même refusé d’écouter la présidente du MEDEF qui a déclaré : « Il n’est jamais bon de traiter la jeunesse comme une catégorie à part ». Qu’il n’écoute pas les syndicats ouvriers, on pouvait s’y attendre ; qu’il refuse d’être attentif aux organisations étudiantes, dont l’UNEF, on pouvait le prévoir. Mais le MEDEF, dont le Gouvernement est si proche ! Mais l’organisation patronale à la présidence de laquelle M. Francis Mer, ancien ministre de l’économie, s’est porté candidat !

M. Éric Raoult - C’est un peu hors sujet !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg – Bref, M. le Premier ministre semble le seul à défendre le CPE, sans même l’appui de son ministre d’État, assez silencieux, comme s’il semblait balancer entre deux attitudes : le désagrément de voir ses idées reprises par le Premier ministre pour que celui-ci le concurrence mieux auprès des électeurs de droite ; la satisfaction peu dissimulée de voir M. de Villepin chuter dans les sondages en raison de son attachement opiniâtre à imposer le CPE, malgré le désaveu de 65 % des Français.

M. Éric Raoult - Ce sont des considérations un peu politiciennes.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg – Le Premier ministre est bien seul dans sa propre majorité, qui le soutient à contrecœur, et la gauche est bien minoritaire dans cette Assemblée…

M. Éric Raoult - Et dans le pays !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - … ce n’est pas une révélation. Au plan parlementaire, la cause est entendue, mais il y a le Conseil constitutionnel. Nous lui faisons confiance et voulons le croire indépendant car depuis trente cinq ans, il a souvent pris des décisions courageuses. Les députés socialistes et radicaux, sans doute suivis par leurs collègues de gauche, le saisiront donc de la loi créant le CPE en invoquant quatre griefs principaux.

Établir une discrimination fondée sur l’âge méconnaît à l’évidence le principe d’égalité des salariés. Un jeune de 25 ans et un autre de 26 ans occupant le même poste de travail dans la même entreprise seront traités très différemment : le premier pourra être licencié sans motif explicite et par une simple lettre recommandée, votre texte excluant l’application de l’article L. 122-14 du code du travail ; en revanche, le second sera convoqué à un entretien préalable au cours duquel l’employeur devra lui indiquer le ou les motifs du licenciement. Le Conseil constitutionnel a reconnu la valeur constitutionnelle du principe d’égalité, notamment sur un plan social, dès sa décision des 19 et 20 juillet 1982, et a souligné que le législateur ne peut y déroger que pour des raisons d’intérêt général. Le Gouvernement tentera certes de soutenir que le CPE contribuera à réduire le chômage, mais M. Borloo évoquait ce matin même un petit nombre de recrutements. En fait, au lieu de susciter des embauches supplémentaires, le CPE se substituera le plus souvent à des CDI classiques ou à des CDD qui auraient été conclus si ce dispositif n’avait pas été créé.

Second grief : l’atteinte aux principes fondamentaux du droit du travail. Certes, vous avez subitement et bizarrement rebaptisé la période d’essai « période de consolidation », mais il s’agit toujours bel et bien d’une période d’essai.

Elle durera deux ans, au lieu d’un à trois mois pour les CDI. Cette durée est contraire à plusieurs de nos engagements internationaux, tels que la charte sociale européenne et surtout la convention 158 de l’OIT sur le licenciement, adoptée en 1982 et ratifiée par la France. Cette convention autorise des dérogations en période d’essai, à condition que celle-ci soit d’une durée raisonnable. C’est la chambre sociale de la Cour de cassation, qui me paraît plus habituée à considérer ces problèmes que le Conseil d’État, qui a donné son interprétation de ce caractère raisonnable, en jugeant abusives des périodes d’essai de trois mois pour un coursier et d’un an pour un cadre supérieur.

Mais avec le CPE, l’employeur aura deux ans pour apprécier si un jeune lui donne satisfaction ! Le DRH d’Auchan ou de Carrefour aura deux ans pour décider si une jeune caissière conservera son emploi. Celui de Total – qui a fait 120 milliards de profit cette année…

Un député UMP - Vous n’êtes pas à un zéro près !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg – … pourra mûrir sa décision avant de décider de licencier un jeune manutentionnaire payé au SMIC, sans motif explicite, au 729ème jour de son CPE. Cette période de consolidation est donc évidemment contraire à la convention de l’OIT. Or, l’article 55 de la Constitution confère aux traités internationaux une autorité supérieure à celle des lois et le Conseil constitutionnel devrait bientôt rappeler qu’un engagement international n’est pas un simple chiffon de papier.

Restent deux griefs de forme auxquels le Conseil devrait se montrer attentif. D’abord, l’article 3 bis, qui crée le CPE, a été introduit dans le texte par voie d’amendement gouvernemental. Or, le projet de loi sur l’égalité des chances était censé répondre au malaise social révélé par la crise des banlieues et réduire le sentiment de précarisation croissante de nos concitoyens. Juxtaposer dans le même texte lutte contre l’anxiété sociale et renforcement de la précarité est une véritable figure de style, un oxymoron – comme « une obscure clarté », mais si Corneille était écrivain, vous êtes législateur. Nous n’avons pas besoin d’une loi « égalité des chances et précarité des jeunes ». Nous aimerions que le Gouvernement respecte la simple logique et la cohérence politique, mais le Conseil constitutionnel ne peut l’y contraindre. Il peut censurer les irrégularités juridiques, mais pas les incohérences intellectuelles. Vous soutiendrez donc contre toute évidence que, formellement, l’article relatif au CPE n’est pas dépourvu de tout lien avec le texte.

Toutefois, le Conseil exige que les dispositions issues d’un amendement restent circonscrites. Il a encore rappelé, le 11 juillet 2001, que les modifications apportées au texte en cours de discussion ne sauraient, sans méconnaître les exigences qui découlent des articles 39 et 44 de la Constitution, dépasser par leur objet et leur portée les limites inhérentes au droit d’amendement. Les articles résultant de tels amendements sont jugés comme ayant été adoptés selon une procédure législative irrégulière et sont censurés. Or, l’article 39 de la Constitution dispose que les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil d’État. Certes, le Gouvernement a bien pris l’avis du Conseil sur le projet de loi sur l’égalité des chances, mais ce texte ne comprenait alors pas les dispositions visant le CPE, insérées après coup. Pour tenter de se justifier, le Gouvernement tient un double langage. Devant le Conseil d’État, il assure que le CPE est identique au CNE, qui lui a été soumis. Au Parlement et dans les médias, il soutient que le CPE est essentiellement différent du CNE en invoquant les dispositions telles que le décompte, dans la période d’essai, des formations ou stages effectués dans l’entreprise, les droits à indemnisation du chômage dès le quatrième mois ou le droit individuel à la formation dès le premier. D’autres différences encore plus importantes existent aussi : le CNE, entre autres, est réservé aux moins de 26 ans et aux entreprises de moins de vingt salariés…

En tout état de cause, on ne peut soutenir une chose et son contraire : c’est ce qu’Henri Bergson appelait une argumentation sautillante. Si, comme vous l’affirmez, le CPE est essentiellement original, il n’a pas été soumis au Conseil d’État. Le projet de loi sur l’égalité des chances a donc été profondément modifié après la consultation du Conseil. C’est exactement le même cas de figure que pour la loi Raffarin sur l’élection des conseillers régionaux : le Conseil constitutionnel, saisi, avait déclaré dans sa décision du 3 avril 2003 contraire à la Constitution une disposition essentielle du texte parce qu’elle n’avait pas été soumise au préalable au Conseil d’État. Comme il risque de vous le dire aussi dans huit jours, il avait répondu que, considérant qu’en remplaçant le seuil qui avait été retenu par le texte soumis au Conseil d'État par un autre, le Gouvernement avait modifié la nature de la question posée, et que ce seuil n'avait été évoqué à aucun moment devant lui, cette disposition avait été adoptée selon une procédure irrégulière. Ce grief suffirait donc à fonder la censure de l’article relatif au CPE. Au-delà des considérations juridiques, cette censure encouragerait à respecter les règles du jeu législatif. Elle soulignerait qu’un Premier ministre ne peut faire réformer le droit du travail au pas de charge par sa majorité. Éluder les procédures, c’est aussi transgresser la démocratie qui s’impose à tous, même à l’ « homme pressé » de Matignon qui nous rappelle celui de Paul Morand, lancé dans une perpétuelle course de vitesse qui finit très mal.

Monsieur le ministre, vous disposez d’une majorité massive et fidèle, tant ici qu’au Sénat, sans compter le renfort sporadique des parlementaires de l’UDF. Mais après le vote parlementaire, aujourd’hui si distinct de la volonté populaire, se trouve la mission éminente du Conseil constitutionnel, gardien de la loi suprême. Comme vous l’avez demandé au Parlement, vous demanderez sans doute au Conseil de statuer dans l’urgence, c’est-à-dire dans le délai de huit jours imparti par la Constitution. Si le Sénat débat ce soir ou demain, la décision devrait être rendue à la fin de la semaine prochaine. Considérant les griefs invoqués et la jurisprudence du 3 avril 2003, il y a tout lieu de croire qu’il censurera l’article relatif au CPE. Ne vaut-il pas mieux le retirer dès maintenant, comme le demandent tous ces Français qui le tiennent pour injuste, inefficace et inconstitutionnel ? Hier, dans un sondage des Échos, 65 % des Français se sont prononcés contre le CPE et un million de manifestants ont demandé son retrait. Écoutez la voix du peuple français si vous voulez vraiment le servir. Il y a cent ans, à cette tribune, Jaurès disait qu’en démocratie, renoncer à une erreur n’est pas une faiblesse, mais une force. Nous vous souhaitons cette force-là. C’est la seule qui fasse les vrais hommes d’État et les grands serviteurs de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre délégué - Puisque vous avez parlé de souffrance, je vais vous dire la mienne : c’est de voir autant de jeunes dans de telles difficultés et de savoir que si l’on n’a à leur proposer que des CDD à répétition ou de l’intérim, on en laisse toujours un peu plus, mois après mois, sur le bas côté. Dans ce cas-là, j’accepte le terme de souffrance.

Vous avez aussi évoqué Total, qui, entre nous soit dit, a fait 12 milliards de profit. Or, Texaco en a eu 36 milliards : souhaitez-vous vraiment que Total perde de l’argent et soit racheté par Texaco ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Durand - Ce n’est pas une réponse !

Plusieurs députés socialistes – C’est indigne !

M. le Ministre délégué – Il me semble un peu facile de réduire le sujet à ce genre de propos. J’attendais, Monsieur Schwartzenberg, autre chose de votre part. Avis défavorable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Joyandet - M. Schwartzenberg a au moins eu le mérite de défendre réellement sa motion : dans les procédures de ce type, le temps de parole est généralement utilisé à répéter des arguments politiques et je lui rends hommage d’avoir véritablement parlé du sujet – même si je ne partage bien sûr pas son analyse. Selon vous, le CPE méconnaîtrait le principe d’égalité entre les salariés, mais dès son embauche, le jeune aura le même salaire que les autres, les mêmes droits et obligations fixés par le code du travail, les mêmes accords collectifs, le même suivi médical et les mêmes horaires de travail…

Plusieurs députés socialistes – Et le licenciement ?

M. Alain Joyandet - M. Schwartzenberg ajoute que la période de consolidation du CPE est, comme pour le contrat nouvelles embauches, une période d’essai, qui serait donc portée à deux ans, ce qui serait contraire à plusieurs de nos engagements internationaux, dont la charte sociale européenne et la convention 158 de l’OIT. En fait, une période de consolidation n’a rien à voir avec une période d’essai, comme l’a souligné le Conseil d’État dans son arrêt du 19 octobre 2005, puisque si le contrat est rompu lors de la période de consolidation, le salarié a droit à un préavis et à des indemnités qui vont croissant avec l’ancienneté, ce qui n’est pas le cas en période d’essai. Dans ce même arrêt, le Conseil d’État a d’ailleurs estimé que le CNE respectait parfaitement la convention 158 de l’OIT.

M. Alain Vidalies - On verra ce que dira le Conseil constitutionnel !

M. Alain Joyandet - Voilà déjà ce que dit le Conseil d’État !

Sur le fond, le CPE offre aux jeunes une véritable chance d’obtenir ce qu’ils ont aujourd’hui tant de mal à obtenir : leur premier emploi. La précarité, c’est aujourd’hui que nous la constatons, avec ces CDD qui succèdent à d’autres CDD, ces semaines d’intérim qui ne débouchent que sur d’autres séances d’intérim, ces jeunes qui apprennent le lundi matin que ce n’est pas la peine de revenir !

Le CPE donnera peut-être lieu à quelques effets d’aubaine, pourquoi le nier, mais qu’est-ce que cela peut faire si, grâce à lui, des dizaines de milliers de jeunes trouvent leur premier véritable emploi ? Nous oeuvrons pour la jeunesse de ce pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Je suis saisi, par le groupe socialiste, d’une demande de scrutin public sur l’exception d’irrecevabilité.

M. Philippe Vuilque - M. Schwartzenberg a évoqué les quatre raisons qui vont nous faire voter pour cette exception d’irrecevabilité. Deux de fond : la discrimination fondée sur l’âge ; l’atteinte aux principes fondamentaux du droit du travail que constitue cette période d’essai de deux ans, dont la longueur excessive est contraire à la convention de l’OIT et à la jurisprudence. D’ailleurs, les prud’hommes commencent à requalifier les CNE et à demander aux chefs d’entreprise le motif pour lequel ils ont licencié. Il en ira certainement de même avec le CPE.

Deux raisons de forme, ensuite. La première est que le CPE a été introduit dans le projet sous forme d’amendement alors qu’il en constitue le cœur. La procédure est vraiment cavalière ! Du coup, il n’y a pas eu consultation du Conseil d’État. De quoi aviez-vous donc peur, Monsieur le ministre ?

Enfin, le recours au 49-3, alors que le Gouvernement a une large majorité, trahit tout de même un certain affolement sur le sujet (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Je rappelle que le gouvernement de Lionel Jospin n’a, lui, jamais utilisé le 49-3, préférant toujours aller au bout des discussions, fussent-elles difficiles. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Recourir au 49-3 avec la majorité que vous avez, ce n’est pas très reluisant ! Et cela nous a empêchés de débattre du reste du texte, ce qui est inadmissible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Francis Vercamer – J’ai l’impression d’un immense gâchis. L’égalité des chances aurait dû tous nous rassembler, au-delà des clivages, et nous aurions dû chercher ensemble comment traiter le mal des banlieues, les discriminations, la galère… L’amendement sur le CPE a gâché cette occasion.

Si le groupe UDF est opposé au CPE, ce n’est pas par posture ( « Si ! » sur les bancs du groupe UMP) ni par idéologie, mais par pragmatisme.

Plusieurs députés UMP - Par démagogie !

M. Francis Vercamer - Si le CPE était vraiment fait pour combattre la précarité, il aurait carrément remplacé les CDD et les contrats d’intérim. Alors, les choses auraient été claires (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Si la majorité avait eu pour objectif de simplifier et d’alléger le code du travail, l’UDF aurait été aux côtés du Gouvernement dans cette entreprise, comme il l’est toujours lorsque le Gouvernement s’attaque aux sujets difficiles. (Mêmes mouvements) On l’a vu à propos des retraites.

Le CPE va-t-il répondre aux attentes des jeunes et aux problèmes actuels ? Croyez-vous que les vingt heures de formation par an qu’il prévoit suffiront ? Croyez-vous que les 500 000 offres d’emplois actuellement vacantes gagneront ainsi une chance d’être pourvues ? Croyez-vous qu’avec une si faible qualification, ces jeunes pourront occuper les 700 000 emplois qui vont être libérés par les prochains départs en retraite ? Evidemment non ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Fort de mon expérience de chef d’entreprise et d’ancien conseiller prud’homal, je vous répète que les dispositions sur le CPE sont contraires à la convention 158 de l’OIT, ce que ne manquera pas de reconnaître la Cour de Cassation. Or, cette convention 158 oblige à motiver un licenciement, sauf en période d’essai. Si, comme le dit le Gouvernement, la période de consolidation du CPE n’est pas une période d’essai, alors il faut motiver. Et si elle est une période d’essai, alors il faut qu’elle soit d’une longueur raisonnable, ce qui n’est pas le cas, puisqu’elle dure deux ans. Dans les deux cas, il y a non-conformité à un texte international, ce qui sera source d’insécurité juridique. Croyez-vous que l’insécurité juridique soit favorable à l’embauche ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Allons-nous voter pour autant l’exception d’irrecevabilité ? Non, car entendre prêcher contre la précarité un ancien ministre d’un gouvernement qui, avec les emplois jeunes, avait créé la précarité sur cinq ans ne saurait nous y pousser. C’est pourquoi le groupe UDF s’abstiendra (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Mme Muguette Jacquaint – Pour qu’il y ait égalité des chances, il faudrait d’autres choix politiques, des choix qui ne soient pas faits pour les privilégiés et la richesse insolente, mais pour la formation, l’emploi, le logement, le développement économique ! Voilà de quoi nous aurions dû parler si nous avions vraiment traité de l’égalité des chances.

En réalité, toute la politique que mène ce Gouvernement depuis quatre ans est contre l’égalité des chances. Elle ne vise qu’à introduire toujours plus de flexibilité et de précarité. Chaque fois, on nous explique que la France n’est pas compétitive, parce que ses salariés sont trop payés ; qu’il faut donc diminuer les salaires et remettre en cause les avantages sociaux… Résultat : encore plus de précarité et de pauvreté ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Avec le CPE, le Gouvernement continue dans la même veine et fait le choix de passer en force, imposant coûte que coûte des dispositions qui sont condamnées par la majorité des Français – et par 56 % des jeunes. Nous voterons pour l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

A la majorité de 181 voix contre 38 sur 220 votants et 219 suffrages exprimés, l’exception d’irrecevabilité n’est pas adoptée

Question préalable

M. le Président – J’ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe communiste une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

Mme Muguette Jacquaint – C’est dans l’urgence et la précipitation que nous en arrivons à la dernière étape de l’examen du projet de loi pour l’égalité des chances, alors même que le débat n’est pas clos.

Je veux donc réaffirmer notre plus profond mécontentement à l’égard des conditions de nos travaux sur un sujet aussi important. Comme tout gouvernement qui souhaite esquiver le débat, vous avez en effet déclaré l’urgence, puis procédé par amendement afin de vous épargner la consultation des partenaires sociaux et du Conseil d’Etat, avant de recourir à l’article 49-3 pour clore prématurément l’examen du texte. Enfin, vous avez accéléré les travaux du Sénat, et organisé à la hâte une CMP.

Pour tenter de répondre à l’importante mobilisation sociale, qui a rassemblé près d’un million de personnes…

Plusieurs députés du groupe UMP- 400 000 seulement !

Mme Muguette Jacquaint - … M. le Premier ministre se donne le beau rôle en se prétendant ouvert à la discussion et attentif aux propositions. Le mois qui vient de s’écouler a pourtant apporté la preuve du contraire ! Faut-il y voir un aveu de faiblesse ou une supercherie ? L’avenir nous le dira.

Depuis plusieurs années, la situation se dégrade dans certains de nos quartiers, condamnés par des politiques gouvernementales qui renforcent la relégation sociale, les discriminations et le chômage. Nous avons donc besoin de mesures concrètes et efficaces, au lieu des mesures que vous nous proposez aujourd’hui.

En effet, le chômage est deux fois plus important dans les zones urbaines sensibles, où 40 % des 15 à 24 ans sont demandeurs d'emploi, et où les retards scolaires dépassent de dix points la moyenne nationale. Les faits sont là : la ségrégation spatiale s'aggrave dans notre pays, et des millions de nos concitoyens vivent dans l'insécurité professionnelle et sociale, c’est-à-dire dans une précarité d'un autre âge, alors que l'argent coule à flot pour quelques privilégiés et les gros actionnaires.

Quand ils ne sont pas abandonnés par notre système éducatif, ou mis au chômage, nos jeunes ne se voient offrir que des emplois précaires qui ne leur permettent pas de vivre dignement ni de bâtir des projets d’avenir. La jeunesse de notre pays a donc besoin d'un plan de réforme en profondeur, définissant avec les intéressés une autre orientation politique pour l'ensemble de la société, au lieu du saupoudrage et des choix éculés que vous nous présentez, et qui ne feront qu'aggraver encore la situation.

En effet, tel sera le résultat des dispositions phares de votre projet, le CPE, l'apprentissage junior et le travail de nuit des mineurs.

Nous ne pouvons accepter votre CPE, et ce n’est pas le nouveau coup de force du Gouvernement, qui tente de précipiter son adoption, qui lui donnera plus de crédibilité. Il s’agit en effet d’une attaque frontale contre le CDI, et d’un contresens total dans la lutte contre le chômage.

Ce contrat constitue une véritable attaque contre le contrat de travail stable. Comble de la précarité, il fait miroiter un CDI aux jeunes, mais au bout de deux ans seulement, délai pendant lequel ils pourront se faire licencier du jour au lendemain par simple lettre, sans motif ni recours. Ce n'est donc même plus un contrat de six mois, ni même de trois mois : comme l’a montré le CNE, les salariés peuvent être mis à la porte du jour au lendemain !

Le CPE est encore moins protecteur que le CDD, dont on connaît pourtant l’utilisation regrettable de nos jours (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ainsi que les conséquences sociales pour les travailleurs.

Mme Janine Jambu - Très bien !

Mme Muguette Jacquaint - La rupture d'un CDD doit par exemple être motivée, contrairement à celle du CPE ! Cette absence de motif entraînera une soumission totale à l'arbitraire et une limitation des recours. Ce déni de droit nous fait reculer d’un siècle !

M. Bernard Deflesselles - Vous faites du Zola !

Mme Muguette Jacquaint - Je vous ferai visiter certains quartiers que vous ne connaissez visiblement pas ! Vous y trouverez des poches de pauvreté qui n’ont rien à envier à Zola !

Mais la supercherie du Gouvernement ne s'arrête pas là, puisque vous justifiez cette mesure par la panne que connaîtrait l’emploi dans ce pays. Or, rien n’est plus faux ! D’après les rapports les plus sérieux, les départs à la retraite vont en effet libérer 600 000 emplois par an de 2005 à 2010, soit 7,5 millions de postes à pourvoir d'ici à 2015.

Vous n’avez donc qu’une seule et unique ambition : casser le CDI par le CNE et le CPE, pour que l’on puisse embaucher de la manière la plus flexible possible, sans la moindre protection pour les salariés. Car telle est bien la réalité : votre volonté est de briser le CDI, qui reste le fondement des relations du travail, dans le seul but de complaire au MEDEF (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Pour faire passer la pilule, vous n'hésitez pas à brandir la menace du chômage, et à faire croire que l'emploi se résume aujourd’hui à la précarité. Oui, la précarité existe dans notre pays, mais c’est parce que les nouveaux emplois qui se créent ou ceux qui se libèrent sont remplacés par des emplois précaires – CDD, temps partiel ou CNE, par exemple. Et pourtant, même si les trois quarts des offres d’emploi sont de nature précaire, le CDI demeure la règle : sur 22 millions de salariés, 19 millions sont en CDI, les CDD et les autres contrats courts ne représentant que 11 % de l'emploi en France, chiffre qui a hélas doublé en 10 ans et qui continue de s'accélérer. Le CDI reste donc le noyau dur malgré la multitude de contrats de travail déjà créés afin d’y déroger.

Avec le CNE puis le CPE, c'est cette réalité sociale persistante que vous voulez faire disparaître à la demande du patronat (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP). Lors de l'examen de notre proposition de loi visant à soumettre à la négociation sociale les conditions de remplacement des départs à la retraite, nous vous proposerons à l’inverse de négocier un plan de gestion prévisionnelle des départs à la retraite dans les entreprises comptant plus de dix salariés, afin de favoriser le recrutement de jeunes par voie de contrats stables, et non de CPE, CNE, CIE ou encore RMA.

S’agissant maintenant des plus jeunes, vous inventez l'apprentissage junior, et vous légalisez leur travail de nuit, afin, prétendez-vous, de remédier à l’insuffisance de notre système scolaire.

Dès leur annonce, de telles mesures ont suscité les plus vives protestations des partenaires sociaux. Au lieu d’octroyer des moyens suffisants à notre système scolaire, vous faites preuve de complaisance face à la déliquescence actuelle, en préférant rogner sur les budgets de l'éducation nationale et en éjectant le plus précocement possible certains jeunes de nos écoles. Quel signal adressez-vous là aux parents et à leur enfant ?

M. Bernard Deflesselles - Un bon signal !

Mme Muguette Jacquaint - Plonger ainsi ces enfants en pleine rupture sociale dans le monde du travail les condamne à un échec d'autant plus douloureux qu'il est présenté comme une dernière chance ! Voilà une politique de renoncement que nous ne pouvons accepter !

Au contraire, nous avons besoin d’une réforme ambitieuse de l'école, à tous les niveaux, afin de donner à chaque enfant un accès égal aux savoirs, à la culture et à la citoyenneté ! Faisons de l'apprentissage et de la professionnalisation est un libre choix individuel, et non une voie de rattrapage ! L’égalité des chances l’exige.

Pour le reste, vous vous contentez de ressortir vos recettes pour améliorer l’emploi des jeunes dans les quartiers difficiles. C'est encore Noël pour le patronat, puisque vous lui offrez de nouveaux allégements fiscaux, pouvant aller jusqu’à 14 ans dans le cadre de la réforme des ZFU, et sans la moindre condition !

Face à la tentation grandissante de transformer ces zones franches urbaines en zones d'effet d'aubaine, il faudrait pourtant mesurer l’efficacité de tels dispositifs. Vous rompez en effet complètement avec l'approche retenue lors de leur création, sur laquelle il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire.

Vous profitez également de ce texte pour créer l'Agence nationale de cohésion sociale, qui continue à entretenir bien des craintes, notamment pour ce qui est de l’avenir du FASILD. Quant aux mesures de police, chacun voit à quel point vous êtes enfermés dans votre culture de la répression et de la sanction systématiques, sans considération des conditions sociales, qui peuvent effectivement pousser à certains errements que l'on connaît.

En suspendant le droit à l'aide sociale, originellement attribué pour aider à élever les enfants, votre contrat de responsabilité parentale va renforcer la pénalisation de familles déjà en difficulté et écrasées par un système qui ne leur laisse aucune chance. Quel terrible contresens ! Vous choisissez d’accabler des enfants qui sont en échec scolaire, ou qui connaissent des difficultés sociales avec leur famille, au lieu de les aider à surmonter leurs difficultés.

Alors même que vous prétendez lutter contre les discriminations, cet article aboutit précariser les familles en difficulté et à pénaliser leurs enfants. C'est une véritable mesure discriminatoire !

Enfin, vous dénaturez le sens des allocations familiales, conçues pour compenser la charge que représente un enfant et non pour jouer un rôle de sanction. Selon l'UNAF, vous allez ainsi « ajouter du malheur au malheur », ce que nous ne saurions accepter !

Dernier point, l’extension des pouvoirs de la HALDE, dont nous n’avons pas pu débattre en raison de l’utilisation du 49-3. Par ce projet de loi, la Haute autorité est notamment autorisée à infliger des sanctions pécuniaires aux contrevenants. Si une telle sanction venait à remplacer d’éventuelles poursuites pénales, cela reviendrait à privilégier une justice négociée. Si ce n’est pas le cas, cela s’apparenterait à une double peine. La lutte contre les discriminations, aussi nécessaire soit-elle, ne doit pas être menée au détriment des libertés individuelles.

Bref, vous vous êtes contentés de répondre à l’urgence sociale par des mesures législatives au lieu d’accorder des moyens humains et financiers supplémentaires à la lutte contre le chômage des jeunes. Au regard des mesures que contient ce texte, et plus particulièrement le CPE et l’apprentissage junior, l’égalité des chances n’est qu’un vœu pieux. Pour toutes ces raisons, le groupe communiste et républicain vous invite à voter cette question préalable.

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Gaëtan Gorce - Rappel au Règlement. Le Gouvernement reste obstinément sourd ! Il ne répond même pas aux arguments que Mme Jacquaint a exposés ! Au reste, à l’instar de M. Schwartzenberg, l’on ne peut que compatir. Les souffrances de M. Larcher ne sont pas celles du jeune Werther mais elles sont bien réelles ! Le Premier ministre le laisse défendre seul ce texte. Du reste, les inquiétudes des jeunes et des salariés face à ce texte méritent bien plus de compassion. Le Gouvernement se singularise aujourd’hui par un refus du dialogue avec les syndicats et du débat parlementaire, une incapacité à adapter le discours aux attentes des Français (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Simon - Vous n’avez pas de leçon à donner sur ce terrain !

M. Gaëtan Gorce – À chaque fois qu’un Premier ministre s’enferme dans son bunker, et creuse un fossé entre les Français et le Gouvernement, il commet une mauvaise action envers la nation et les jeunes ! Je voulais insister sur ce point.

M. le Président – Je vous remercie. Pour ma part, je voudrais insister sur le respect dû au Règlement. Nous abordons la discussion générale.

M. Alain Vidalies – Au lendemain de manifestations massives, le Gouvernement contraint le Parlement à adopter définitivement le projet de loi créant le contrat première embauche dans la plus grande panique. Peut-être faut-il y voir une preuve de la panique qui gagne le Gouvernement et la majorité devant le rejet croissant du CPE par l’opinion publique. Tout ceci n’empêchera pas que le débat se poursuive dans la rue comme à l’Assemblée et que CPE et CNE soient au cœur des préoccupations des Français en 2007.

Les fées de la démocratie politique et de la démocratie sociale ne se sont pas penchées sur le berceau du CPE !

M. Gaëtan Gorce - Très bien !

M. Alain Vidalies - Il a été annoncé par le Premier ministre, le 16 janvier 2006, sans que ce dernier ait mené la moindre concertation avec les partenaires sociaux.

M. Gaëtan Gorce - Juste !

M. Alain Vidalies - Vous vous étiez pourtant engagé à réaliser un bilan du CNE avant toute extension de ce type de contrat, et la loi Fillon vous imposait un dialogue social préalable.

M. Yves Simon - Les socialistes ont la mémoire courte !

M. Alain Vidalies - Tout se passe comme si vous aviez eu conscience, dès le début, que vous prépariez un mauvais coup. Comment justifier la création précipitée du CPE par un amendement au projet de loi sur l’égalité des chances autrement que par la compétition au sein de la majorité entre le Premier ministre et le président de l’UMP ?

S’il s’était agi d’un grand projet, et non d’un coup fourré, la création du CPE aurait été moins chaotique ! Le Gouvernement a choisi de le présenter sous la forme d’un amendement à l’Assemblée, puis de bloquer le débat en utilisant le 49-3 au Palais-Bourbon, avant de le faire adopter de manière indigne dans la nuit du dimanche au lundi soir au Sénat et de réunir la commission mixte paritaire la nuit dernière ! Autre signe de la précipitation du Gouvernement, le vote solennel du projet de loi a été programmé ce jour au lieu de la semaine prochaine.

L’ambition du Gouvernement est-elle vraiment de faire reculer le chômage des jeunes ? Rien n’est moins sûr. Dans le compte rendu analytique de la séance de questions au Gouvernement de cet après-midi, on peut lire que M. Borloo a répondu à Mme Jambu : « Le CPE, au même titre que le CNE, ne sera qu'un outil supplémentaire et en aucun cas le droit commun. Tout comme le CNE, il ne concernera qu'un petit nombre de recrutements. » Si le CPE ne concerne qu’un nombre négligeable d’emplois, quelle est son utilité ?

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Très bien.

M. Alain Vidalies - Monsieur Larcher, vous avez également semé la confusion tout à l’heure en qualifiant le CPE de « CIVIS prolongé »

L’adoption de ce texte ne signifiera pas la fin du débat. Chaque jour, de nouveaux arguments convaincants militent contre le CPE. Commençons par rappeler que le Gouvernement a manipulé les chiffres. À dessein, il a avancé un taux de chômage des 15-25 ans dramatiquement haut – 22 % – afin de justifier le recours à la solution violente du CPE. Selon Gérard Cornilleau, économiste à l’OFCE, « quand on entend ce chiffre, on peut imaginer que près du quart des jeunes recherchent un travail. Ce qui est faux. Ici, le taux de chômage ne signifie pas grand-chose car le taux d’activité des 15-24 ans est faible. » En France, il n’atteint que 37,5 %. Si l’on en tient compte, le chômage des 15-24 ans n’est que de 7,9 % en France, contre 10,8 % en Espagne, 8,3 % en Italie et 7,5 % en moyenne au niveau européen. Par ailleurs, nous avons entendu maintes et maintes fois le Gouvernement affirmer que les jeunes ne décrochent leur premier CDI qu’après onze ans de stages, de missions en intérim et de CDD. Mais, cela n’est qu’une moyenne et inclut le temps que les jeunes les plus en difficulté mettent à rejoindre l’ensemble de leur classe d’âge.

En vous appuyant sur ces chiffres, vous avez privilégié la solution inverse à celle préconisée dans le rapport du CERC : généraliser la précarité à tous les jeunes... alors qu’il aurait fallu élaborer une réponse ciblée et développer la formation en alternance pour les jeunes les plus en difficulté.

M. Gérard Bapt - Juste !

M. Alain Vidalies - Non content de manipuler les chiffres, vous avez délibérément omis de présenter les conclusions du rapport Proglio, qui écarte la nécessité d’un contrat spécifique pour les jeunes et réaffirme le rôle irremplaçable du CDI.

Depuis, d’autres spécialistes ont alimenté le débat, leurs arguments militant en faveur d’un retrait du CPE. Les professeurs Cahuc et Carcillo ont montré que CPE et CNE ne créeraient que 70 000 emplois en dix ans (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Gérard Bapt - C’est la réalité !

M. Alain Vidalies - Le professeur Philippe Martin a publié dans Libération un article au titre évocateur : « CPE-CNE : tout ça pour ça ». Et je lisais aujourd’hui dans Sud-Ouest un article présentant le cas d’une jeune femme de ma circonscription embauchée en CNE et licenciée parce qu’elle avait eu le malheur de dire à son employeur qu’elle était enceinte !

M. Yves Simon - C’est du réchauffé !

M. Jean-Charles Taugourdeau - Tous les employeurs ne se comportent pas aussi mal !

M. Alain Vidalies - C’est la précarité généralisée que vous voulez imposer aux jeunes jusqu’à vingt-six ans – car la précarité, c’est bien le licenciement sans motif, qui créera la suspicion chez les futurs employeurs – vous n’y avez pas pensé ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) C’est une situation humiliante que de se présenter chez un employeur avec un CV sur lequel ne figure aucune justification des licenciements précédents. Ni motif de licenciement, ni entretien préalable : des salariés jetables, qui nous renvoient au Code du travail de 1928 ! En attendant la France d’après, les Français ont droit à la France d’autrefois ! Je comprends que vous soyez pressés d’en finir, mais le débat sur le CPE n’est pas fini ! Et si vous n’y renoncez pas, il se trouvera bien un jour une majorité pour l’abroger (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Francis Vercamer - Ce projet de loi se voulait une réponse forte aux violences urbaines de l'automne dernier. A ce titre, il aurait dû permettre de lancer, au-delà de nos divergences politiques, un véritable plan Marshall des banlieues – un plan qui survive aux alternances politiques et témoigne de la détermination de la nation toute entière à résoudre leurs difficultés, bref, l'instrument de la cohésion nationale pour davantage de cohésion sociale.

Au lieu de cela, son examen aura laissé libre cours à l'expression de nos divisions les plus caricaturales, celles-là même qui sont responsables de la situation actuelle. Le sentiment qui domine aujourd'hui est donc celui d'un triple gâchis. Gâchis, avec un texte qui comportait des mesures intéressantes, mais occultées par l'ajout in extremis des dispositions créant le CPE. Gâchis, avec un débat parlementaire précipité et tronqué par l'utilisation de l’article 49-3, précédé d'une absence totale de considération pour la démocratie sociale et les partenaires sociaux. Gâchis enfin, devant la contestation sociale grandissante que provoque l'adoption du CPE et l'anxiété des jeunes. Était-il vraiment besoin d'en rajouter ?

Bien des dispositions de ce projet de loi méritaient d'être amendées. C'est ce qui a pu être fait au Sénat, où la discussion a démontré toute l'utilité de laisser le temps du débat au Parlement. Certaines dispositions recueillent notre assentiment, au premier rang desquelles l'apprentissage junior, auquel des garanties ont été apportées en termes d’encadrement éducatif. Nous approuvons par ailleurs la sécurisation des stages professionnels et la création d'un service civil, qui offre aux jeunes en difficulté la possibilité d'acquérir des savoir-faire dans le cadre de missions au service de la collectivité - même si nous regrettons qu’il ne soit pas obligatoire. Nous nous félicitons, enfin, de l'adoption par le Sénat, à l'initiative du groupe UC-UDF, d'un amendement posant le principe de l'anonymat des CV. J’y oeuvrais depuis plus de deux ans, et c’est suite aux initiatives prises par l’UDF lors de l'examen de la loi de cohésion sociale qu’une mission de réflexion a été confiée à Roger Fauroux. Cette réelle avancée de la lutte contre les discriminations à l'embauche ne saurait cependant être l'arbre qui cache la forêt.

Vous avez voulu faire du CPE la mesure-phare de ce projet : vous ne vous étonnerez donc pas que notre avis sur celui-ci détermine notre vote. Or, le CPE nous apparaît, à l'instar du CNE, comme un contrat doublement trompeur. Trompeur pour le jeune salarié, puisqu'en fait de marchepied vers l'emploi, il l'installe pour deux ans dans la précarité d'une relation de travail qui peut être interrompue à tout moment, et cela sans motif. Telle n’est pas notre conception d'une législation du travail moderne : pour établir un climat de confiance dans la relation de travail, les règles du jeu doivent être claires et stables.

Trompeur ensuite pour l'employeur, car l'absence de justification du licenciement ouvre la voie à une multiplication des recours devant les prud'hommes, préjudiciable à la sécurité juridique des entreprises. Au surplus, nous doutons de la conformité de ce contrat à la convention 158 de l’OIT, qui stipule qu'un travailleur ne peut être licencié sans « motif valable lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise.» L'article 2 permet certes de déroger à la convention pour « les travailleurs en période d'essai, ou n'ayant pas la période d'ancienneté requise, à condition que cette période soit déterminée par avance et qu'elle soit raisonnable.» Rappelons que la Cour de cassation considère comme «raisonnable» une période d'essai maximale de trois mois…

En créant un contrat de travail supplémentaire, on ne fait du reste que rendre plus complexe le droit du travail, que la majorité entendait simplifier. Depuis 2002, les réformes se sont multipliées : suspension, puis abrogation, de certains articles de la loi de modernisation sociale ; réforme partielle de la procédure du licenciement, réforme du dialogue social ; création du contrat jeune en entreprise ; suppression des CES et CEC ; création du CIVIS, mis en veilleuse par les contrats d'avenir et le contrat d'accompagnement dans l'emploi ; création du CNE, et maintenant du CPE, dans l'attente de l'entrée en vigueur des contrats seniors. La législation du travail évolue continuellement, sans pour autant créer des emplois ou gagner en lisibilité. Les employeurs ont pourtant moins besoin d'un contrat de travail supplémentaire que d'une croissance économique soutenue par des décisions pertinentes de l'État. Ils attendent aussi que celui-ci assure une meilleure adéquation entre leurs besoins de recrutement et la formation des jeunes et des demandeurs d'emploi.

Nous avions déposé des amendements visant à rendre le contrat plus sûr pour les salariés comme pour l'entreprise : vous les avez repoussés. Il ne s'agit pas de nier les difficultés d’accès des jeunes au marché du travail ; mais le CPE est une réponse inadaptée. Nous sommes conscients que la flexibilité est nécessaire à l'entreprise, mais la compétitivité de l'entreprise ne peut être obtenue aux dépens du salarié. L’UDF estime donc que nous ne pouvons avancer dans ce domaine qu'avec les partenaires sociaux, et dans la logique d'un rapport « gagnant-gagnant » entre employeurs et salariés. D’autres solutions existent : meilleure adéquation des formations aux besoins des entreprises, sécurisation des parcours professionnels, modernisation du CDI, droit à la formation pour tous.

De ce point de vue, le CPE est une mesure qui va à contresens. Il creuse le fossé qui sépare déjà nos concitoyens de l'entreprise, alors qu'il y a urgence à réconcilier les Français avec le monde économique. Le groupe UDF n'approuvera donc pas votre texte.

Mme Janine Jambu – Le Gouvernement fait passer en force le projet de loi – mal nommé – « pour l’égalité des chances ». Nous regrettons que le nécessaire débat sur les raisons qui imposent de renforcer la cohésion nationale et sur la lutte contre les discriminations ait été occulté par l'amendement du Gouvernement instaurant le CPE. Nous attendions une analyse du malaise qui s'est exprimé dans nos banlieues et sur les causes de la relégation sociale de nombre de nos concitoyens, bref une discussion de fond pour des mesures de fond.

Au lieu de cela, le Gouvernement s'est illustré par l'instauration d'une loi d'exception, suivie d'un projet de loi dénaturé par des dispositions inacceptables, au premier rang desquelles figurent le CPE et l'apprentissage junior. La contestation a été massive : l'opposition a grandi à mesure que le CPE était dévoilé : un million de manifestants hier, malgré vos actions de communication ! (Quelques exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Joyandet - Ce sont des anciens Francs ?

M. Eric Raoult - Il n’y avait pas de communistes ?

Mme Janine Jambu - II ne vous restait donc plus, après avoir déclaré l'urgence qu'à imposer l’article 49-3 et à bousculer le travail des sénateurs pour en accélérer l'adoption. Vos résultats en matière de politique sociale auraient pourtant dû tempérer vos certitudes. Mais, n’écoutant que le MEDEF, vous avez franchi un pas supplémentaire dans le démantèlement du droit du travail. Vous privilégiez la liberté d'entreprendre sur le droit du travail. Profitant d’un renouvellement de générations, vous imposez ce contrat aux jeunes, avant de généraliser le CNE à tous les salariés. C’est très grave pour le monde du travail, comme le constate Raymond Soubie dans une tribune parue dans la presse économique : « Si on veut généraliser le CNE rapidement, on fait disparaître le CDI dans l'économie française et on crée une rupture tellement considérable, qu'on peut se demander si ce ne serait pas faire oeuvre d'apprenti sorcier que de le tenter. »

L'opportunité de développer l'emploi des jeunes ne se trouve pas dans la casse du CDI, mais dans la libération de 600 000 emplois par an d'ici 2015 que permettront les départs à la retraite. M. Borloo a d’ailleurs reconnu tout à l’heure que notre groupe faisait des propositions sérieuses. Je regrette que nous n’ayons pas pu en discuter.

Ces créations ne devraient pas se faire sur des emplois précaires ni être aveuglément subventionnées sur fonds publics. Il y a matière à créer des emplois stables. Le Gouvernement préfère, hélas, faire l’apologie du CPE et du CNE, qu’il sera possible aux employeurs de rompre à tout instant sans motif. Une épée de Damoclès supplémentaire pèsera donc sur la tête des jeunes, déjà si souvent exploités. Outre qu’il fragilisera le CDI, le CPE freinera aussi la croissance. Or, sans croissance, comment la situation sociale pourrait-elle s’améliorer ? Mais peu vous importe peut-être, du moment que les dividendes des actionnaires battent tous les records !

Quant à l’apprentissage junior et à la légalisation du travail de nuit des apprentis, ils constituent de nouveaux reculs sociaux – la liste à porter à l’actif de cette majorité est pourtant déjà bien longue! Nous ne nous résignons pas, pour notre part, à ce que l’école ne joue plus son rôle d’ascenseur social. Ses dysfonctionnements et ses insuffisances ne doivent pas conduire à moins d’école, comme le Gouvernement en a pourtant le projet puisque, parallèlement à la mise en place de l’apprentissage junior, il prive l’école des moyens financiers et humains suffisants. Le collège doit dispenser l’enseignement de base indispensable à la polyvalence future des jeunes. Il doit certes privilégier davantage l’ouverture d’esprit, le sens critique, les capacités d’adaptation et l’apprentissage des méthodes de travail. Il faudrait certainement réfléchir à une pédagogie plus concrète permettant de mieux saisir l’intérêt des savoirs enseignés. Mais il est inconcevable de lancer des jeunes de 14 ans dans le monde du travail sans leur donner les armes pour évoluer par la suite. Par ailleurs, à l’instar de certaines organisations patronales elles-mêmes, nous ne pensons pas que faire de l’apprentissage une voie de garage pour les jeunes en difficulté aboutisse à le revaloriser, ce qui serait pourtant hautement nécessaire. Être en situation de choisir pour soi-même, là commence l’égalité des chances. Avec l’apprentissage junior, le Gouvernement interdit cette possibilité à de nombreux jeunes.

Quant aux différentes mesures de police contenues dans ce texte, comme la suspension des allocations familiales, elles constituent un contresens total. Plutôt que de comprendre la situation des familles, ce Gouvernement privilégie la sanction. Vous ne tenez aucun compte des conditions de logement ; vous n’imaginez pas le vécu des enfants qui voient leurs parents au chômage mais aussi leurs frères et sœurs, en dépit des études qu’ils ont faites et des formations qu’ils ont suivies ; vous ne vous interrogez pas sur les raisons qui poussent ces enfants à l’absentéisme scolaire, qu’ils ne croient plus aux vertus de l’école ou qu’ils constatent que celle-ci n’a pas les moyens de les soutenir lorsqu’ils sont en situation d’échec. Tout cela devrait pourtant être pris en compte. Pas un mot non plus sur le manque de structures pédopsychiatriques pour prendre sérieusement en charge les enfants turbulents, ni sur les trop faibles moyens de la médecine scolaire. Non, décidément, vous préférez sanctionner qu’aider.

Au total, votre projet de loi, loin de s’attaquer au fondement des inégalités, enferme encore davantage les populations pauvres dans leur situation, au risque d’aggraver leur humiliation. Il ne répond en rien à l’urgence sociale qui s’est exprimée cet automne. Loin de remettre en question votre politique, vous restez droits dans vos certitudes par idéologie, en dépit de vos erreurs manifestes, que confirment les derniers chiffres du chômage et de la pauvreté, mais, hélas, aussi les prévisions. Comment dans un tel contexte prétendre à plus d’égalité ? Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Alain Joyandet – Ce texte comporte d’incontestables avancées sociales. L’action sociale ne consiste pas à distribuer l’argent public à tout va mais à faire en sorte que chacun puisse avoir un travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) C’est pourquoi le Gouvernement s’est attaqué au mal qui ronge notre société, le chômage. Il n’y a aucune raison que nous ne parvenions pas, comme l’ont fait certains de nos voisins européens, à faire reculer le chômage de manière significative et durable dans notre pays.

Le travail n’est pas une aliénation, mais le moyen d’être acteur de la nation, d’élever sa famille et de pouvoir transmettre à ses enfants les fondamentaux de notre vie sociale. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) L’égalité des chances, c’est de disposer en fonction de sa situation sociale, familiale, intellectuelle, géographique, d’une solution adaptée aux circonstances.

Ce texte doit être resitué dans le cadre global de l’action conduite par le Gouvernement en faveur de l’emploi, notamment au travers du plan de cohésion sociale, lequel a dégagé des moyens jamais égalés pour le logement, l’emploi et les équilibres sociaux. Il reprend l’esprit dans lequel nous travaillons pour réduire le chômage : un traitement social pour les publics les plus fragiles, un traitement économique pour tous les autres.

Le traitement social, ce sont tous les emplois aidés, notamment dans le secteur non marchand, qui permettent à ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi de remettre le pied à l’étrier. Le dispositif mis en place commence à porter ses fruits. Ainsi les quarante personnes qui percevaient auparavant le RMI ou l’ASS et auxquelles la ville de Vesoul, dont je suis maire, a proposé un contrat d’avenir, nous sont-elles très reconnaissantes. Nous n’avons fait là que notre devoir envers ces personnes particulièrement volontaires qui aujourd’hui retrouvent leur dignité grâce à leur travail. (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Nous aussi agissons en faveur des plus fragiles : vous n’en avez pas le monopole.

Nous n’avons certes pas les mêmes convictions que la gauche qui fait campagne en laissant croire que la France peut continuer de distribuer largement un argent public qu’elle emprunte depuis longtemps (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP), ou que la solution réside dans la réduction du temps de travail. Nous croyons, nous, au travail, au mérite, à la récompense.

M. Yves Durand – C’est pour cela que vous créez du chômage !

M. Alain Joyandet - Si ceux qui ne travaillent pas gagnent autant que ceux qui travaillent, comment notre pays pourrait-il avancer ?

On le sait, il n’est pas facile de réformer dans ce pays, surtout tant que l’opposition de gauche campera sur ses positions démagogiques, laissant croire à nos concitoyens que l’État peut tout, toujours, et à n’importe quel prix. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Faisant cela, vous manquez à votre devoir de vérité. Il n’y a plus qu’en France qu’on voit cela ! Heureusement, certains responsables de gauche ont salué les propositions réalistes du Gouvernement. Ce sont d’ailleurs les mêmes qui avaient salué les politiques identiques conduites par des gouvernements de gauche dans d’autres pays européens. Hélas, les sociaux-démocrates sont encore minoritaires à gauche, ce qui a d’ailleurs conduit celle-ci à ne pas voter le plan de cohésion sociale – un comble !

M. Éric Raoult – Une honte !

M. Alain Joyandet - S’agissant de l’autre volet de traitement du chômage, concernant l’emploi marchand, le Gouvernement propose des solutions novatrices. La flexibilité proposée n’est d’ailleurs pas une première, elle existe déjà dans de nombreux pays qui réussissent beaucoup mieux que nous en matière d’emploi, comme au Danemark où le taux de chômage n’est que de 5% et où, en dépit d’une flexibilité totale, les salariés ont le plus fort sentiment de sécurité de tous les pays européens.

M. Alain Vidalies - Arrêtez ces comparaisons scandaleuses ! Le Danemark indemnise les chômeurs à 90 %.

M. Alain Joyandet – Fidèle à elle-même, face à notre démarche courageuse, l’opposition a tout rejeté en bloc, caricaturant le texte, répandant la peur dans la jeunesse de notre pays, alors même que, depuis plusieurs années, la gauche n’avait fait aucune proposition. Le chômage des jeunes est insupportable et hypothèque l’avenir de notre société, chacun s’accorde sur ce point. La conclusion qu’en tire l’opposition est qu’il est urgent de ne rien faire.

M. Alain Vidalies - C’est faux.

M. Alain Joyandet – Elle a même bloqué le travail du Parlement, obligeant le Gouvernement à recourir au 49-3 pour prétendre ensuite qu’il refusait de débattre ! Une réflexion serait d’ailleurs nécessaire, Monsieur le Président de l’assemblée nationale, sur le fonctionnement de nos institutions. Je suis très attaché au respect des droits du Parlement, mais ce qui s’est passé lors de la discussion de ce texte m’a profondément choqué. Car si chacun a ici des droits, il a aussi des devoirs. A la majorité la mission de soutenir le Gouvernement, à l’opposition le devoir de s’opposer mais en aucun cas le droit d’empêcher l’examen d’un texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Et après cela, vous osez nous reprocher de n’avoir pas voulu discuter ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Mais il est vrai que vous ne souhaitez pas que l’on débatte de la réforme de l’apprentissage – que toute la France attend et que nous mettons en œuvre –, du succès des formations en alternance, de l’accès au crédit bancaire que permettra le CPE, du Locapass, de l’indemnisation du chômage auquel il donnera droit, contrairement aux emplois jeunes (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). De tout cela, vous ne vouliez pas qu’on parle. Chers collègues de la majorité, nous pouvons être fiers de ce que nous proposons aux jeunes de notre pays par rapport à ce que la gauche leur a proposé lorsqu’elle était au pouvoir.

Des zones franches urbaines non plus, vous ne vouliez pas parler. Vous vouliez même les supprimer (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Éric Raoult - Vous tenez un double langage. Vous les critiquez ici et en redemandez dans vos circonscriptions !

M. Alain Joyandet – Elles ont pourtant été une bouée de sauvetage pour nombre de quartiers et de jeunes, vous le savez pertinemment.

Ce projet de loi renforce également la lutte contre les discriminations. Combien de jeunes se plaignent à nous qu’en raison de leur nom, de leur couleur de peau ou de leur adresse, on ne leur répond même pas lorsqu’ils envoient un CV ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Je comprends que cela vous embête que ce soit cette majorité qui s’attaque au problème et donne de nouvelles chances à notre jeunesse (Mêmes mouvements).

Mme Muguette Jacquaint - Et jette dans la rue un million de jeunes !

M. Alain Joyandet -

Caricaturer le CPE vous permet de masquer votre absence d’idée et les ambitions présidentielles qui agitent votre camp ! Défiler contre le CPE vous permet de régler vos problèmes internes !

Ce texte ne favorise pas la précarité. Interrogez les jeunes, diplômés ou non, qui sont au chômage et qui mettent parfois plusieurs années avant de trouver un travail, enchaînant CDD et intérim ! C’est à leur galère que nous voulons mettre fin ! Face à une telle situation, il n’y a que deux attitudes possibles : l’attentisme, avec son cortège de démagogie, de conservatisme, d’immobilisme et de facilités - la distribution publique -, et l’action, en osant proposer de nouvelles solutions fondées sur la confiance, la responsabilité, la fraternité, le refus de l’assistanat. Nous pouvons être fiers du plan de cohésion sociale, de notre action en faveur de l’égalité des chances et des mesures de retour vers l’emploi. C’est ainsi que nous rétablirons la France que nous aimons, la société de l’effort et du juste partage des richesses ! Nous continuerons à vous soutenir, Monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Durand – Tout de même, c’est le Gouvernement qui est responsable du 49-3, pas l’opposition. Ce n’est pas nous qui avons brutalement interrompu un débat fort intéressant.

Avec le CPE, vous avez voulu tromper les Français. Vous avez voulu leur faire croire qu’un tel contrat pourrait résorber le chômage des jeunes, qui d’ailleurs explose en raison de votre politique économique, alors que vous institutionnalisiez la précarité. Vous avez même voulu leur faire croire que la période de consolidation de deux ans pouvait être sereine, qu’aucun licenciement ne serait possible et que le couperet ne tomberait qu’à son terme, alors que c’est dès le lendemain d’une embauche que le licenciement peut intervenir ! Vous avez voulu faire croire que le seul choix possible serait entre votre projet et l’immobilisme, alors que nous avons fait état de nos propositions pendant le débat parlementaire. M. le Premier ministre, lui, a méprisé le Parlement en ne participant pas aux discussions, et le Gouvernement a négligé de dialoguer avec les organisations syndicales, malgré ce que prévoit la loi Fillon. Dès la création du CNE, que malgré vos engagements vous n’avez d’ailleurs jamais voulu évaluer, votre seul objectif a été de remettre en cause le droit du travail et de précariser l’emploi. Les déclarations de M. Borloo, cet après-midi, le confirment d’ailleurs, puisque selon lui, le CPE ne créera que très peu d’emplois. Il n’est plus temps de comprendre la colère qui gronde : il est urgent d’ouvrir enfin les portes de votre bureau, Monsieur le ministre, afin de négocier vraiment. Au mépris du Parlement et des partenaires sociaux, n’ajoutez pas le mépris de la jeunesse !

M. Yves Simon - C’est vous qui êtes méprisants !

M. Yves Durand – Évitez de couper la jeunesse de l’État ! Retirez le CPE ! Nous vous le demandons avec la majorité des Français. Ce vote ne clora pas un débat qui se poursuivra jusqu’à ce qu’enfin la raison triomphe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yves Cochet – Nous examinons une fois de plus ce texte dans l’urgence et la précipitation. C’est un dernier artifice trouvé par le Gouvernement que d’inscrire au dernier moment un vote solennel par scrutin public sur ce projet alors que nombre de nos collègues, dont Mme Billard, que je supplée, participent à la manifestation organisée dans le cadre de la journée de la femme. Faut-il que le Gouvernement soit à ce point terrorisé par la montée du mécontentement pour maltraiter ainsi l’agenda parlementaire ! Ce texte, initialement censé répondre à la crise des quartiers en difficulté, témoigne de l’échec de votre politique. Il constitue pour vous une occasion supplémentaire de casser le droit du travail. Le CPE contrevient d’ailleurs à la convention 158 de l’OIT qui interdit les licenciements sans motif, sauf pendant une « période d’essai » qui doit être d’une durée raisonnable. Or, deux ans à vivre dans la précarité et l’insécurité professionnelle, c’est beaucoup trop long, même si vous préférez parler de « période de consolidation » ! Pour tous les jeunes de moins de 26 ans, c’est l’égalité de la malchance que vous instaurez ! La situation de l’emploi des jeunes est certes préoccupante, mais c’est vous qui êtes au pouvoir depuis quatre ans. A votre arrivée, vous ne juriez que par les contrats du secteur marchand. Vous avez alors entrepris des coupes claires dans l’emploi public ou associatif, vous avez détruit les emplois jeunes et les emplois aidés, vous avez réduit les subventions aux associations sans vous préoccuper des conséquences sur l’emploi et dans les quartiers. Le résultat, on l’a vu en novembre dernier ! Le Gouvernement a glorifié ensuite les exonérations de charges patronales ainsi que les avantages fiscaux – 21 milliards pour 2006 ! Or, les réalités résistent à vos présupposés idéologiques : l’emploi n’en a pas été relancé. Vous avez de surcroît créé le CNE – par ordonnance, avec ce souci démocratique dont vous êtes coutumiers –, contrat de travail hybride qui n’est pas un CDI et ne comporte pas de période d’essai. Si les chiffres du chômage baissent, c’est évidemment par un effet de vases communicants avec les radiations de l’ANPE, l’augmentation du nombre de Rmistes et les départs à la retraite. L’arithmétique ne fait pas une politique ! Les statistiques officielles montrent que les créations d’emploi stagnent : d’après l’INSEE, 42 000 emplois ont été crées en 2005. Le Premier ministre, enfin, annonce la prochaine étape : le démantèlement définitif du CDI pour tout le monde.

Plus globalement, dans ce texte, libéralisme et conservatisme font bon ménage. Les gisements d’emplois existent pourtant, mais il faudrait faire porter nos efforts sur les emplois d’utilité sociale et environnementale répondant aux besoins et aux urgences.

Vous êtes tellement rétrogrades que pour vous, hors des sentiers battus, il n’y a pas de salut. Vous refusez de relancer l’emploi associatif, pourtant si utile, et d’agir contre l’effet de serre par exemple, ce qui créerait pourtant de nombreux emplois dans les secteurs du bâtiment ou des énergies renouvelables. Vous préférez renvoyer l’ensemble de notre jeunesse dans la précarité, bornant son horizon à une vie au jour le jour.

Il est très peu question d’égalité des chances et de cohésion sociale dans ce projet de loi. Les députés verts voteront résolument contre. Ils vous demandent instamment d’écouter ce qui s’est passé dans la rue (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et de revenir sur le CPE (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jacques Brunhes - Je voudrais faire un rappel au Règlement fondé sur l’article 58, relatif à l’organisation de nos travaux. En effet, rien ne nous aura été épargné !

Les conséquences de vos actes sur la place de l’Assemblée dans nos institutions seront considérables. Le Gouvernement ayant déclaré l’urgence sur ce texte, il n’y aura eu qu’une lecture dans chaque assemblée. C’est donc sur le texte du Sénat que nous nous prononcerons. Par ailleurs, le dispositif du CPE résulte d’un amendement du Gouvernement, ce qui exclut le passage par le Conseil d’État, évite la consultation des partenaires sociaux et prive les députés de leur droit d’amendement. J’étais à vos côtés, Monsieur le président, lorsque vous avez présenté les vœux de l'Assemblée nationale au Président de la République. Dans votre discours vous avez dit que légiférer par amendement était une anomalie, et que le Gouvernement, qui l’avait déjà fait en décembre, ne devait pas récidiver (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Les députés en étant réduits à des sous-amendements, la primeur revient au Sénat et la place des deux chambres dans les institutions est inversée.

C’est encore plus vrai après l’utilisation de l’article 49-3, qui prive l’Assemblée d’un débat d’ensemble sur le texte alors qu’il ne s’applique pas au Sénat. La discussion a duré là 90 heures ! La CMP se fonde donc sur le texte du Sénat, ce qui signifie que l’Assemblée devient sa chambre d’enregistrement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Cela est très grave (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). C’est une perversion de nos institutions. Pour couronner le tout, la conférence des présidents a refusé le recours au vote solennel : résultat, ce texte majeur, qui soulève des oppositions très fortes dans le pays, sera voté par simple scrutin public. Au nom du groupe communiste, je vous demande solennellement de reporter les explications de vote et le vote jusqu’à mardi ou à mercredi prochain (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. le Président – En vertu de l’article 65-1 de notre Règlement, le scrutin public peut être décidé en Conférence des Présidents qui, sous réserve des dispositions de l'article 48 de la Constitution, en fixe la date. La conférence des présidents a déjà décidé un vote immédiat après la discussion à plusieurs reprises : cela n’a rien d’une nouveauté. En tout état de cause, la conférence des présidents doit tenir compte des prérogatives que le Gouvernement tire de l’article 48 de la Constitution en matière d’ordre du jour . Or, le ministre délégué aux relations avec le Parlement s’est opposé au report du vote à mardi prochain. En conséquence, et conformément à la règle, la conférence des présidents a décidé que le scrutin public aurait lieu maintenant.

M. Jean Glavany - Et votre discours à l’Élysée ?

M. Yves Durand - Lors d’un premier rappel au Règlement, M. Vidalies a posé une question précise au ministre sur ses propres déclarations concernant le nouveau concept de « CIVIS prolongé ». Vous avez dit vous-même, Monsieur le président, que le ministre pourrait nous donner des éclaircissements lors de la discussion générale, mais il est resté résolument muet sur ce point. Je demande donc instamment à M. Larcher ce qu’il entend par là, afin que chacun soit pleinement éclairé. S’il ne le faisait pas, nous le prendrions comme une preuve supplémentaire de mépris de notre assemblée.

M. le Président – Le ministre ne souhaitant pas s’exprimer, nous en venons aux explications de vote.

M. Gaëtan Gorce - Croire qu’il aura suffi de bousculer ce Parlement, d’ignorer les partenaires sociaux et de précipiter la discussion de façon ahurissante pour laisser le problème derrière soi serait une erreur considérable, car le CPE ne changera rien au chômage des jeunes. Tout ce que vous aurez fait, c’est ajouter à leurs difficultés une crise de défiance à l’égard de votre gouvernement. Le Premier ministre n’a pas tenu ses engagements : écouter les Français et le Parlement, privilégier une approche plus sociale et plus attentive. Le mince mérite de ce débat aura été de faire tomber les masques : MM. de Villepin et Sarkozy, sous des discours différents, poursuivent une même politique qui contrevient directement à ce que nos concitoyens considèrent comme des garanties essentielles, parmi lesquelles le droit de ne pas être licencié sans délai et sans motif. Vous introduisez de l’arbitraire là où la loi et la négociation sociale avaient établi un équilibre.

Nous avons trois raisons principales de nous opposer à ce texte. D’abord, vous avez commis une erreur de méthode grave en considérant que vous pouviez agir contre les partenaires sociaux et contre le Parlement. Malgré l’avertissement qui vous a été lancé hier, vous continuez de penser que vous pourriez agir sans les jeunes eux-mêmes, comme vous le faites d’une certaine façon sans les entreprises.

La seconde erreur porte sur le diagnostic : vous pensez que la solution, face aux problèmes de notre économie, pour créer des embauches est de réduire les protections des salariés. C’est le contraire ! Ce n’est pas en facilitant les licenciements que l’on soutiendra l’emploi ! Cette analyse ne peut qu’aboutir à un échec économique, social et civique.

Enfin, vous avez commis une grave erreur de ciblage : nous nous serions interrogés sur un dispositif qui, malgré tous ses défauts, apporterait un commencement de solution au chômage des jeunes, mais le vôtre ne fera qu’augmenter la précarité pour chacun d’entre eux, y compris ceux qui sont aujourd’hui embauchés en contrat à durée indéterminée. Comment prétendre résoudre le problème du chômage des jeunes, qui ont une grande diversité de situation et de qualification, par une mesure générale, et qui plus est injuste ?

Nous avons bien compris que le Premier ministre ne s’intéressait à ce débat que s’il avait lieu dans les médias. Or, il l’a perdu devant les Français. Vous allez remporter dans cet hémicycle une victoire à la Pyrrhus, qui vous laissera penser que vous aurez reçu un blanc-seing mais qui aboutira à votre sanction. Bientôt, ce sont les Français qui utiliseront le 49-3 contre vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) En nous opposant à ce texte, nous nous opposons à une erreur de jugement, à une politique de la précarité, à une réduction des garanties des salariés et donc à une injustice sociale. Ce n’est pas ainsi que vous pouvez espérer regagner la confiance des Français. Nous croyons en la jeunesse de ce pays. Nous connaissons son enthousiasme (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), sa volonté d’apprendre et son désir de travailler (Claquement de pupitres sur les bancs du groupe UMP). Votre projet ne la sert pas. Nous sommes donc fiers de dire que ce texte que vous allez voter aujourd’hui, nous l’abrogerons demain car il est le symbole de votre politique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Francis Vercamer – Ce projet de loi pourrait être la chronique d’une occasion manquée, celle d’affirmer avec force la volonté de la nation tout entière, après les violences qu’elle a connues, d’assurer à chacun, et notamment aux plus jeunes, qu’il est possible de faire quelque chose de sa vie. La détresse qui s’est exprimée dans les quartiers provient pour une grande part de l’importance du chômage. Lorsqu’on est jeune, avec ou sans qualification, et qu’on ne trouve pas de travail, on a le sentiment de ne pas avoir d’avenir. Dès lors, comment se sentir respecté, comment se sentir un citoyen à part entière ? Toute l’ambition du texte aurait dû être de répondre à ce sentiment d’exclusion.

Bien sûr, certaines de ses mesures apportent des éléments de réponse. Je pense par exemple à l’apprentissage junior, au service civil ou à l’anonymat des CV. Nous sommes plus circonspects sur d’autres dispositions, par exemple sur la création de l’Agence nationale de cohésion sociale. Mais puisque vous avez voulu faire du CPE la mesure phare de ce projet, c’est au regard de celle-ci que le groupe UDF s’est déterminé.

Le CPE est un contrat doublement trompeur, qui n’assure ni au salarié, ni à l’employeur les garanties d’une relation de travail stable et solide. Il installe en effet le salarié dans la précarité d’une relation de travail qui, pendant deux ans, peut être interrompue à tout moment par l’employeur, sans que le licenciement soit motivé. Et il augmente l’insécurité juridique de l’employeur dans la mesure où l’absence de justification du licenciement ouvre la voie à une multiplication des recours devant les juridictions prud’homales. En contradiction avec la volonté qu’il affichait jadis de simplifier le droit du travail, le Gouvernement y ajoute un contrat supplémentaire, avec son régime spécifique.

Ce n’est pas avec un CPE que l’on donnera aux jeunes le sentiment qu’un avenir professionnel stable leur est accessible. L’automne dernier, la crise des banlieues a été le symptôme d’une société qui a trop longtemps avancé dans l’ignorance d’une partie d’elle-même. Avancer le CPE comme solution constitue un contresens, qui s’apparente à un non-sens. C’est pourquoi le groupe UDF n’approuvera pas ce projet de loi.

M. le Président – Le scrutin public est annoncé.

Mme Muguette Jacquaint – La précipitation avec laquelle le Gouvernement tente de faire adopter son texte est indigne, et elle exprime sa faiblesse. Mais bousculer ainsi le Parlement ne confèrera pas plus de crédibilité au CPE, qui a rassemblé contre lui près d’un million de manifestants.

La jeunesse de notre pays, rejointe en cela par une majorité de salariés, ne veut pas d’un contrat de travail qui la soumet au droit divin de l’employeur. Elle ne veut pas d’un contrat qui lui impose deux ans de mise à l’essai, sans protection, et qui peut être rompu à tout moment, sans justification. Elle ne veut pas d’un contrat qui bafoue les normes internationales.

Avec le CPE, tous les abus seront possibles, comme on le voit déjà avec les nombreux contentieux auxquels donne lieu le CNE. Cette instabilité juridique n’est bonne ni pour les entreprises, ni pour les salariés, ni pour l’économie et l’emploi. D’ailleurs, le CNE n’a pas vraiment créé d’emplois, il a tout au plus suscité des effets d’aubaine, comme le fera le CPE.

Puisque le Premier ministre dit qu’il attend des propositions concrètes, nous lui en ferons une dès la semaine prochaine, consistant à saisir l’opportunité des nombreux départs à la retraite attendus pour faire bénéficier les jeunes d’emplois stables. Le Premier ministre nous dit aussi qu’il est temps d’écouter, de faire preuve d’ouverture et de dialogue. Il aurait dû y penser avant d’avoir recours au 49-3, qui a empêché toute discussion. Sans parler de cette CMP organisée dans l’urgence et du vote solennel qui n’en est pas un !

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Alain Joyandet - Permettez-moi, Monsieur le Président, de m’adresser aussi, au-delà de cet hémicycle, à la jeunesse qui nous écoute via l’internet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Je veux lui dire que le texte que nous nous apprêtons à voter contient de très grandes avancées sociales, qu’il s’agisse des mesures historiques contre la discrimination (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), de la réforme de l’apprentissage ou du droit au logement et au crédit que nous ouvrons aux jeunes grâce au contrat à durée indéterminée qu’est le CPE (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Fort de toutes ces avancées, qui s’ajoutent au plan de cohésion sociale, j’invite les jeunes à comparer ce que leur proposent la droite et la gauche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Et je salue les responsables socialistes qui ont osé dire que nous prenions de bonnes mesures, les mêmes d’ailleurs que dans certains pays européens dirigés par des socialistes. Mais les sociaux-démocrates restent encore très minoritaires à gauche, ce qui fait que l’opposition a tout refusé, allant même jusqu’à voter contre le plan de cohésion sociale ! Je le dis aux jeunes : c’est l’opposition qui a bloqué le débat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) et qui, par son obstruction, a obligé le Gouvernement à recourir au 49-3. Je leur dis donc : méfiez-vous de la démagogie ! Les démagogues ne vous respectent pas !

En vérité, la gauche cherche à profiter du CPE pour refaire son unité. Pendant que l’on parle du CPE, on ne parle pas des divergences entre ses leaders et de son absence de son projet (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Pour ma part, je suis fier de soutenir ce texte novateur, généreux et fraternel, fier de refuser la démagogie comme l’immobilisme. Si on ne tente rien, rien ne changera. Le Gouvernement tente quelque chose de nouveau, je suis convaincu que la jeunesse suivra et je sais que nous avons fait œuvre utile (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

A la majorité de 329 voix contre 159, sur 492 votants et 488 suffrages exprimés, l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, est adopté.
Prochaine séance ce soir à 21 heures 30.
La séance est levée à 19 heures 25.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

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