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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du mercredi 8 mars 2006

Séance de 21 heures 30
70ème jour de séance, 164ème séance

Présidence de M. René Dosière
Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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droit d’auteur et droits voisins
dans la société de l’information (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.

M. Patrick Bloche - Nous reprenons nos débats au terme d’une journée d’action cruciale pour certains acteurs de la culture, même s’ils ne sont pas les premiers concernés par ce projet de loi – mais, du spectacle vivant à la gravure d’un disque, il n’y a qu’un pas. En effet, la représentation nationale ne peut ignorer la mobilisation des intermittents du spectacle, ces professionnels que le mauvais accord du 26 juin 2003 a précarisés.

C’est aujourd’hui que doivent s’achever les négociations que vous avez souhaité, Monsieur le ministre, voir engagées au sein de l’UNEDIC pour modifier le système d’assurance-chômage des annexes 8 et 10. Ces négociations se poursuivent actuellement dans un climat tendu, où le Medef campe sur ses positions sectaires sans donner aucun signe d’ouverture.

Si j’évoque le sort des intermittents, ce n’est pas pour vous critiquer – vous avez fait preuve de volontarisme sur ce dossier – mais pour constater qu’en l’absence de protocole d’accord au 1er janvier, vous aviez vous-mêmes envisagé la voie législative. Nous sommes le 8 mars : ne serait-il pas temps que l'Assemblée nationale se saisisse de la proposition de loi élaborée par son comité de suivi des intermittents, et se substitue ainsi, avec la légitimité que lui confère le suffrage universel, aux partenaires sociaux dans le respect de la solidarité interprofessionnelle ? Certes, un fonds transitoire permet aux quelques milliers d’intermittents exclus des annexes 8 et 10 de disposer d’un revenu de substitution, mais cette situation ne saurait durer.

Pouvez-vous informer la représentation nationale de l’état des négociations et du calendrier que vous envisagez sur ce dossier ?

Mme Muriel Marland-Militello et M. Richard Cazenave - Ce n’est pas le sujet de ce soir ! N’y a-t-il donc plus d’ordre du jour ?

M. Christian Paul - Mais il y a urgence !

M. Patrick Bloche - Une proposition de loi identique a été déposée par 407 députés de tous groupes : l’heure de la loi n’a-t-elle pas sonné ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication – L’indispensable soutien aux artistes et aux techniciens est au cœur de ce projet de loi d’équilibre entre créateurs, auteurs et internautes. Il faut avoir le courage de dire que la gratuité est un leurre : les artistes et les techniciens ont le droit de vivre de leurs œuvres ! (« Très bien !» sur divers bancs)

Notre débat est donc essentiel : il doit marier les nouvelles technologies avec la création artistique…

M. Christian Paul - Il s’agit plutôt de les faire divorcer !

M. le Ministre – … et concilier la liberté de l’esprit et l’activité économique.

La négociation sur les annexes 8 et 10 est en cours. Je l’ai ardemment souhaitée. J’ai voulu qu’elle soit professionnelle, loin de toute idéologie, et qu’elle aboutisse à l’équilibre durable de l’assurance-chômage des artistes et des techniciens. Les mesures que l’Etat prend avec le soutien de la majorité, des collectivités territoriales, des entreprises et des particuliers, favorisent l’emploi artistique.

Les partenaires sociaux, au sein de l’UNEDIC, ont commencé, et c’est bien légitime, par traiter la situation de l’ensemble des Français vant d’en venir aux annexes 8 et 10. La discussion se poursuit, et je la suis avec beaucoup d’attention. Pour qu’il n’y ait pas de vide juridique et que les artistes et techniciens puissent jouir de leurs droits aux Assedic, le fonds de transition sera maintenu jusqu’à ce qu’un accord définitif intervienne. Actuellement, c’est donc le protocole 2003 revu et corrigé par les dispositions qu’a prises l’Etat qui s’applique.

A l’heure où je parle, plus de 22 000 artistes et techniciens ont été réintégrés dans leurs droits par la décision de l’État instituant le fonds de transition. Comme vous, j’attends les décisions définitives d’un accord qui, peut-être, interviendra dans la soirée, mais ce n’est pas certain. Ce qui m’importe, c’est qu’il y ait une vraie négociation professionnelle, que les points de vue se rapprochent et que les exigences que les uns et les autres ont pu formuler soient prises en compte. Vous comprendrez que, de l’extérieur, je ne puisse pas dicter aux négociateurs le fruit de leur travail…

M. Christian Paul - C’est un principe de Ponce Pilate !

M. le Ministre – Non, c’est tout simplement le souci de parvenir à un résultat. Si les négociateurs ont besoin de quelques heures ou de quelques jours supplémentaires, c’est à eux d’en décider. Pour ma part, en tant que ministre du gouvernement de Dominique de Villepin, j’ai fait en sorte que la négociation puisse avoir lieu sur de bonnes bases. Vous avez débattu, ici même comme au Sénat, des conditions de l’emploi dans le domaine du spectacle, du cinéma et de l’audiovisuel. À présent, je fais confiance aux partenaires sociaux. Dominique de Villepin a annoncé – et c’est un point essentiel – qu’il y aurait de toute façon un fonds de professionnalisation. Dans l’attente du résultat de la négociation, vous comprendrez que je ne puisse pas en dire plus et je demande aux représentants du peuple que vous êtes de bien comprendre que le sort des artistes et techniciens est pour nous essentiel, et qu’il nous appartient de faire comprendre à tous les Français pourquoi il est logique et légitime que ces professions disposent d’un régime spécifique. Cela nous impose par ailleurs de traquer tous les abus, de bien préciser les périmètres, et, surtout, de donner sa chance à chacun. C’est du reste ce que fait le texte dont nous avons à débattre ce soir dans le domaine qui lui est propre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Paul – Je souhaitais faire un rappel au Règlement sur un autre sujet et j’ai cru comprendre que d’autres collègues souhaitaient intervenir sur la question des intermittents. Je leur cède donc volontiers la parole ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. Laurent Wauquiez – On comprends que la question des artistes vous embarrasse !

M. Dominique Richard – Nul ici, sur quelque banc qu’il siège, ne méconnaît l’importance de la question de l’intermittence, et moins que personne le ministre qui a trouvé, avec le fond de transition, les solutions pour permettre à la négociation de se dérouler. Celle-ci n’est pas encore terminée et il faut lui laisser une chance. Il est donc clair qu’en ouvrant le débat de cette façon, le parti socialiste se livre à une manœuvre de diversion un peu grossière. Il convient de revenir au texte, et pour que le débat commence dans de bonnes conditions, je demande au nom de mon groupe une suspension de séance de quinze minutes.

La séance, suspendue à 21 heures 50, est reprise à 22 heures 15.

M. Frédéric Dutoit - Je m’associe aux remarques de M. Bloche sur les intermittents du spectacle (Protestations sur les bancs du groupe UMP). J’ai pu constater de visu qu’ils manifestaient en nombre cet après-midi à Paris …

M. Laurent Wauquiez - Monsieur le président, ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Frédéric Dutoit - … et s’inquiétaient fort du résultat des négociations. Monsieur le ministre, si la négociation entre le Medef et l’UNEDIC n’aboutit pas, …

M. Michel Herbillon - Hors sujet !

M. Frédéric Dutoit – … accepterez-vous enfin que l’on règle cette question en passant par la voie parlementaire ?

M. Laurent Wauquiez - Tant qu’on y est, pourquoi ne pas évoquer également le financement du cinéma ou encore la rénovation du Grand Palais ?

M. Pierre-Christophe Baguet - N’en déplaise à certains, il ne serait pas opportun en cette journée solennelle de passer sous silence la situation des intermittents (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Ce sont nos fantassins de la culture (Même mouvement). Monsieur le ministre, je tiens à saluer votre action (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Vous n’avez pas ménagé vos efforts pour que le dialogue reprenne. Le rapport Guillot, commandé à votre initiative, s’est révélé très intéressant. De son côté, l’Assemblée n’a pas chômé : certains parlementaires, dont MM. Dutoit, Bloche, Richard et moi-même, participent au comité de suivi et ont contribué à nourrir les travaux de la mission Paillé.

Je tiens à rappeler que le groupe de l’UDF a dénoncé l’accord du 23 juin 2003 dès juillet 2003. Celui-ci a précarisé les plus faibles tout en enrichissant les plus fortunés du secteur artistique. Comme l’a souligné le Président de l'Assemblée nationale la semaine dernière, lors d’une réunion rassemblant les députés s’intéressant à la question des intermittents, le monde du spectacle vivant est aujourd’hui à bout. Si les négociations n’aboutissent pas demain, Jean-Louis Debré propose d’emprunter la voie législative. Cette suggestion fait l’objet d’un large consensus : plus de quatre cents parlementaires, de tous les horizons politiques, ont signé la proposition de loi de M. Pinte. M. Debré, qui a proposé d’en être le premier signataire, incarne ainsi l’engagement de l’Assemblée toute entière en faveur des intermittents ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Christian Paul – Nous sommes nombreux à attendre impatiemment la reprise du débat sur le droit d’auteur (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP).

Plusieurs députés UMP – Ça ne saute pas aux yeux !

M. Christian Paul - Cette impatience n’est visiblement pas partagée puisque le groupe UMP vient de demander une suspension de séance.

M. Laurent Wauquiez - Vous avez peur du débat sur le droit d’auteur car les artistes ne vous soutiennent pas !

M. Christian Paul - Nous avions d’abord pensé que vous demandiez cette interruption pour prendre connaissance des propos de M. Rivière, l’un de vos collègues de la majorité qui a déclaré : « la proposition du Gouvernement fait la part belle aux DRM, mesures techniques de protection, clés de verrouillage qui constituent des restrictions aux libertés individuelles ». Nous avons supposé que le groupe UMP avait besoin de remettre de l’ordre dans ses rangs.

M. Dominique Richard – Et la déclaration de Hollande !

M. Laurent Wauquiez - Votre secrétaire général vous a désavoués !

M. Christian Paul – Mais à la réflexion nous avons pensé que le groupe UMP, taraudé par le remords…

M. Michel Piron - C’est mal nous connaître !

M. Christian Paul - … après l’acte inconstitutionnel commis lundi soir avec le retrait de l’article premier, désirait faire marche arrière et revenir à un examen normal de ce texte.

Par ailleurs, j’ai une information d’importance à porter à votre connaissance. Les milliers d’internautes qui suivent ce débat sur le droit d’auteur en direct à partir du site de l’Assemblée voient en haut à droite de leur écran le logo d’une plateforme payante qui n’est autre que Virgin !

MM. Alain Suguenot et Frédéric Dutoit - C’est incroyable !

M. Christian Paul - Cela n’est pas sans rappeler l’incident de décembre dernier, bien que cette fois-ci la présence des marchands du temple au sein de l’Assemblée soit virtuelle et non physique !

M. Jean Dionis du Séjour - Les marchands du temple, il faut les chasser !

M. Christian Paul - Comment cela est-il possible ? Pour visionner les débats parlementaires à l’écran sous un des deux formats proposés, il est indispensable de recourir à un logiciel Microsoft.

Mme Martine Billard – Eh bien, bravo l’Assemblée !

M. Christian Paul - Bel exemple de patriotisme numérique ! Or Microsoft est partenaire de Virgin.

M. Bernard Carayon – Moi, je suis sous Linux. Je dois être le seul à utiliser les logiciels libres dans cette enceinte !

M. Christian Paul – Regarder les débats parlementaires sous Linux est difficile ! Les conditions du débat à l'Assemblée nationale contredisent dans les faits le principe de l’interopérabilité. Je signale à la présidence qu’il existe des technologies libres françaises qui permettraient de gérer les mêmes flux. Monsieur le président, je suggère une suspension de séance de dix minutes pour que chacun puisse vérifier dans son bureau la présence de ce logo Virgin sur le site de l’Assemblée ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Richard Cazenave - Monsieur Paul, en demandant une suspension de séance, semble oublier que le projet de loi que nous devons examiner traite justement des questions d’interopérabilité. Il est donc urgent de passer au débat. Ce rappel au Règlement me semble donc un peu surfait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine Billard - Mais non !

M. Laurent Wauquiez - C’est une manœuvre purement politicienne !

M. Patrick Bloche - Pas du tout !

M. Laurent Wauquiez - Vous repoussez le débat en commençant par évoquer la question des intermittents, qui n’a rien à voir avec le projet de loi. Ensuite, vous vous attaquez au site internet de l’Assemblée. La vérité, c’est que vous êtes en grande difficulté avec les artistes. L’Union des producteurs phonographiques français indépendants a publié un communiqué dans lequel on peut lire : « Alors que tous les responsables de la droite et du centre se sont clairement exprimés sur le sujet du droit d’auteur, l’Union est profondément choquée de l’absence totale de considération du parti socialiste sur un texte dont l’importance pour l’avenir de la production intellectuelle française est capitale ».

M. Guy Geoffroy – Pan sur le bec !

M. Laurent Wauquiez - Vous en donnez encore une illustration ce soir ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

La séance, suspendue à 22 heures 30, est reprise à 22 heures 40.

M. Patrick Bloche - Nous avons déjà eu l’occasion de dire que les exceptions au droit d’auteur proposées par le Gouvernement faisaient l’unanimité sur nos bancs. Les députés socialistes sont tout particulièrement attachés à une nouvelle exception permettant un accès élargi aux œuvres, pour les personnes affectées d’un handicap - qu’il soit physique, auditif, visuel ou moteur. Il s’agit de mettre à leur disposition des formats adaptés. Le sous-amendement 310, qui s’inspire de l’amendement déposé en son temps par le rapporteur, vise donc à autoriser les personnes morales agréées à opérer les adaptations d’une œuvre – par exemple la transcription en braille – nécessaires à sa jouissance par les malvoyants.

M. Christian Vanneste, rapporteur de la commission des lois - Je remercie M. Bloche d’avoir repris l’un de mes amendements et de soutenir ainsi l’un des grands chantiers du Président de la République, à savoir une meilleure prise en compte du handicap. Mais ce sous-amendement est satisfait, le ministre m’ayant confirmé que la reproduction incluait bien la transcription en question.

M. le Ministre – Garantir l’égalité des droits de tous les citoyens, y compris de nos concitoyens handicapés, est une juste cause qui nous réunit tous. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons amélioré le texte sur ce point. Mais ce sous-amendement est satisfait : le droit de reproduction couvre en effet la transcription dans un format accessible aux personnes handicapées. Si vous mainteniez ce sous-amendement, j’y donnerais un avis défavorable. Pour ce qui est du symbole, mieux vaudrait le retirer.

M. Jean Dionis du Séjour – Je comprends le souci de nos collègues socialistes mais le 7° de l’amendement 272 constitue une réelle avancée, que je salue. Je les invite à se rallier à sa rédaction.

M. Christian Paul – Je reconnais que le texte a progressé sur ce point depuis décembre dernier. Mais le ministre peut-il nous indiquer précisément quel est le degré de l’obligation faite aux éditeurs de mettre à disposition les fichiers numériques, de façon que les œuvres puissent être transcrites en braille ou lues à l’intention des malentendants ? Cette obligation n’est pas très claire, dans la mesure où n’a pas été retenue l’option du dépôt légal.

M. le Ministre – Comme vous lisez la presse et les dépêches de l’AFP, vous n’ignorez pas que des éditeurs et des auteurs s’inquiètent de savoir si nous avons trouvé un bon point d’équilibre. Je pense que oui. Il ne s’agit pas d’un dépôt légal géré par la BNF mais d’un dépôt directement assuré par les éditeurs. Les professionnels se sont engagés à se mobiliser pour cette cause et c’est là une avancée très positive.

Mme Christine Boutin – Je comprends les préoccupations de M. Paul. Je souhaiterais moi aussi être certaine que les personnes en situation de handicap auront bien accès à ces éditions. Il est dommage que le texte n’y fasse pas expressément référence, à moins que de le faire ne soit trop limitatif et exclue d’autres bénéficiaires potentiels de cette exception. Il faudrait en tout cas lever toute ambiguïté afin que les tribunaux ne puissent pas condamner ce type de reproduction.

M. le Ministre – Vous n’avez aucun doute à avoir. Il s’agit bien d’une obligation.

Le sous-amendement 310, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Paul – Le sous-amendement 311 vise à élargir l’exception spécifique prévue pour les bibliothèques. Le ministère en a en effet retenu une conception très malthusienne, la réduisant à une stricte dimension de conservation patrimoniale pour les œuvres épuisées ou n’existant plus que dans un format obsolète, alors même que la directive autorisait un champ beaucoup plus vaste. Les bibliothèques étant des services publics essentiels pour l’accès à la culture, nous aurions souhaité que sur ce point, on s’en tienne au texte exact de la directive, pour le plus grand bénéfice de tous.

M. le Rapporteur – A titre personnel, je ne verrais pas d’inconvénient à adopter ce sous-amendement, que la commission n’a pu examiner.

M. le Ministre – L’amendement 272 introduit une nouvelle exception au droit d’auteur pour permettre aux bibliothèques et aux services d’archives accessibles au public d’effectuer des copies de sauvegarde des œuvres protégées de leurs collections, « lorsque le support sur lequel sont fixées ces œuvres n’est plus disponible à la vente ou que le format de lecture est devenu obsolète ». Il s’agit, je le crois, d’un point d’équilibre, sachant que d’autres avancées auront lieu ultérieurement, notamment avec le projet de bibliothèque numérique européenne, pour lequel nous réfléchissons, avec les éditeurs et les auteurs, aux moyens de diffuser sur internet les ouvrages encore sous droits. Voilà pourquoi je suis défavorable à ce sous-amendement.

M. Frédéric Dutoit – Quant à moi, je le soutiens. En effet, l’exception prévue par le Gouvernement va de soi. Il faut en réalité y lire en creux que si l’œuvre est disponible à la vente, il n’y aura pas d’exception possible. Pourquoi refuser aux bibliothèques, qui remplissent une mission de service public, de mettre à disposition des lecteurs l’ensemble des œuvres disponibles comme elles le font actuellement ? Je regrette, Monsieur le ministre, que sur ce point, comme sur tant d’autres, vous ayez prêté une oreille complaisante à ceux qui cherchent à profiter de la révolution numérique pour modifier les règles du jeu et remettre en question le principe de la gratuité du prêt. Jusqu’à présent, les bibliothèques pouvaient s’abonner à la version papier d’un quotidien, lequel était consultable par tous. On a tendance à leur proposer aujourd’hui des versions consultables seulement sur ordinateur, ce qui permettra aux éditeurs de connaître le nombre exact de lecteurs et ainsi de facturer le service au prorata du nombre de consultations. Un marché nouveau, particulièrement juteux, s’ouvrirait ainsi pour les éditeurs, au risque de mettre à mal les finances des bibliothèques publiques et universitaires, des centres de documentation des établissements scolaires… Certaines sociétés d’auteurs et d’éditeurs n’ont jamais caché leur hostilité au prêt gratuit. Elles voient dans ce texte l’opportunité de le mettre à bas, avec l’aval du Gouvernement. Je défends donc ici l’exception au droit d’auteur, d’ailleurs prévue par la directive, pour les bibliothèques, les archives et les centres de documentation.

J’ajoute que l’ensemble des députés-maires qui sont ici devraient se mettre d’accord avec l’association des maires de France qui, elle, souhaite que cette exception soit garantie.

Mme Martine Billard - Je soutiens d’autant plus volontiers que ce sous-amendement que vous concevez la transposition de la directive d’une manière particulièrement restrictive. Le Conseil Économique et social a publié un excellent ouvrage sur les droits d’auteur où figure un tableau sur les transpositions telles qu’elles ont été effectuées dans différents pays. Tous, sauf un, ont transféré l’exception pour les bibliothèques et les centres d’archives. Si on ne les imite pas, les bibliothèques et les centres d’archives devront restreindre l’accès à un certain nombre d’informations concernant les œuvres françaises…

M. François Bayrou - Eh oui !

Mme Martine Billard – … qui seront dès lors particulièrement fragilisées. En outre, compte tenu de l’évolution des supports techniques, il faudra procéder à une réévaluation dans six mois. Je vous demande de faire un geste, Monsieur le ministre. Vous savez fort bien que les bibliothèques ou les centres d’archives ne se livreront à aucun abus.

M. Nicolas Dupont-Aignan – M. le ministre avait annoncé que ces nouvelles exceptions élargiraient considérablement la portée de ce texte, mais ce n’est pas le cas. Je souhaite qu’il se rallie à l’avis de M. le rapporteur. On ne peut pas se contenter de faire semblant d’ouvrir la porte.

M. Frédéric Dutoit et M. François Bayrou – Très bien.

M. Jean Dionis du Séjour – Nous devons nous déterminer clairement quant aux exceptions prévues par l’article 5 de la directive. L’exception y est-elle prévue pour les bibliothèques ? Oui. Les auteurs sont-ils financièrement lésés ? Non, puisque les reproductions n’entraînent aucun bénéfice économique direct ou indirect. Dès lors, qu’est-ce qui freine la diffusion du savoir et de la connaissance ? Ce sous-amendement, déjà défendu par M. Baguet lors de notre débat de la fin du mois de décembre, et soutenu par l’association des maires de France ainsi que la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture, doit être adopté.

M. le Ministre – Le point d’équilibre de notre projet a été établi avec l’association des maires de France.

M. Patrick Bloche - Elle s’oppose à votre projet !

M. le Ministre – Je le répète : je suis défavorable à ce sous-amendement.

Le sous-amendement 311, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard – Le sous-amendement 313 concerne l’exception dans le cadre de l’enseignement ou de la recherche scientifique à des fins exclusives d’illustration ou d’extraits, et à condition d’indiquer la source des documents. Toutes les transpositions effectuées dans les autres pays de l’Union européenne ont intégré cette exception de manière plus ou moins restreinte. Vous arguerez qu’un accord a été signé avec les différentes sociétés d’auteurs dans cinq domaines : presse, édition, musique, cinéma, arts plastiques. Dans le domaine cinématographique, il est possible d’utiliser des extraits à des fins d’illustration mais seulement à partir de l’audiovisuel hertzien non payant. Cela est absolument interdit à partir d’un support édité commercial ou d’une œuvre diffusée au sein d’un service de communication audiovisuelle payant, ou encore d’un service de vidéo à la demande. Restent donc TF1, France 2, France 3, Arte et la TNT : n’est-ce pas un peu limité ?

M. Dominique Richard - La TNT, ce sont 18 chaînes !

Mme Martine Billard - Les colloques, les conférences ou les séminaires doivent être, quant à eux, strictement destinés aux étudiants ou aux chercheurs. Faudra-t-il filtrer les entrées ? Un accord existe également concernant l’utilisation numérique dans le cadre d’un système intranet ; sur un système extranet, l’utilisation est à nouveau permise à destination des seuls chercheurs, élèves ou étudiants suivant un enseignement à distance. Les étudiants ou chercheurs d’un établissement public inclus dans l’accord mais qui souhaiteraient utiliser internet depuis chez eux ne pourront donc pas le faire. Quant à l’utilisation des œuvres d’art visuel, l’article 10 de l’accord prévoit que « les agents assermentés de chaque société de perception et de répartition des droits auront la faculté d’accéder au réseau informatique des établissements afin de procéder à toutes vérifications nécessaires ».

M. François Bayrou - C’est inacceptable.

Mme Martine Billard – Une société privée pourra exiger l’accès au réseau informatique des établissements afin de vérifier l’effectivité du respect de l’accord. Est-ce acceptable ? Enfin, les accords supposent une contrepartie financière, ce qui, dans le cadre du cinéma, est un peu étonnant car un professeur ne peut faire un cours en utilisant un DVD qu’il a acheté lui-même, non plus qu’à partir d’un téléchargement qu’il aurait payé auprès d’un service de VOD ou, en matière musicale, auprès d’une plateforme payante. Il sera donc impossible de se livrer à une étude critique sur une œuvre si elle n’est disponible que sur un service payant. La situation sera kafkaïenne.

M. Didier Migaud - Cette argumentation est très convaincante.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre – Même avis. Le Gouvernement s’y était engagé en décembre : des accords viennent d’être conclus entre le ministère de l’éducation nationale et les titulaires de droits pour développer de nouvelles utilisations, notamment numériques, des œuvres de l’écrit. Ils prennent en compte le caractère spécifique des missions et les contraintes financières des établissements et des collectivités. Le ministère de l’éducation nationale vient de les signer. Le visa du contrôleur financier est enfin intervenu, et les accord sont portés depuis la fin de l’après-midi afin d’être signés par les différentes catégories d’ayants droit. Le texte définitif en cours de signature doit être en ce moment même diffusé dans vos casiers. Ces accords, qui concernent les secteurs de la presse, de l’édition, de la musique, du cinéma et des arts plastiques, témoignent de l’intérêt que revêt l’utilisation des œuvres et autres objets protégés pour l’illustration des activités d’enseignement et de recherche. Ils confèrent une garantie juridique aux usages des œuvres pour l’enseignement et la recherche et permettront de développer de nouveaux usages numériques pour diffuser sur des réseaux numériques, à l’attention des élèves, et même sur internet, des œuvres illustrant des travaux pédagogiques et de recherche, afin d’utiliser pleinement les possibilités offertes par les nouvelles technologies. Cette formule contractuelle présente trois avantages : la souplesse, qui permettra d’adapter les accords aux évolutions technologiques grâce notamment à un comité de suivi ; une rémunération modérée qui tient compte des spécificités de la mission de service public – deux millions en 2007, à comparer aux trente millions pour la photocopie ; elle évite enfin de laisser croire que la création est gratuite et sans valeur, ce qui est essentiel d’un point de vue pédagogique. J’ajoute, enfin, que ces accords pourront être déclinés pour les établissements dépendant d’autres ministères.

M. Frédéric Dutoit – Au-delà du fait que les accords ne sont pas encore dans nos casiers – mais je vous fais confiance, Monsieur le ministre (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) –, il me semble que votre argumentation conforte ce sous-amendement. Vous démontrez en effet qu’il n’existe aucune raison de s’opposer à cette exception concernant la recherche scientifique et l’enseignement. Je soutiens donc l’amendement de Mme Billard.

M. Patrick Bloche - Nous avions déjà abordé cette question dans un de nos sous-amendements et nous avions eu droit à une réponse dilatoire, Monsieur le ministre. Hier soir, on nous promettait dans l’heure, l’accord dont vous êtes si satisfait. Vous nous dites maintenant qu’il va arriver dans nos casiers…

Mais l’important est de savoir qui a signé cet accord. En tout cas pas les syndicats de journalistes affiliés à la Société civile des auteurs multimédias, qui expliquent dans un communiqué que l’accord en question n’implique que des éditeurs de presse mais ne reconnaît pas les ayants droit que sont les journalistes, auxquels les textes de loi et la jurisprudence reconnaissent pourtant la pleine propriété intellectuelle sur leurs œuvres à l’occasion de nouvelles exploitations. Ils s’indignent de ce que les droits des auteurs soient ainsi bafoués et considèrent que cet accord n’a aucune validité, étant entendu qu’ils sont au demeurant très favorables à l’utilisation de la presse dans l’enseignement et la recherche, et prêts à conclure un accord en ce sens.

Vous ne pouvez pas davantage ignorer, Monsieur le ministre, la motion par laquelle la Conférence des présidents d’université et l’Association des directeurs et des personnels de direction des bibliothèques universitaires et de la documentation demandent au ministre de la culture de proposer au Parlement d’accepter l’exonération prévue par la directive, comme l’ont déjà fait les pays voisins.

M. François Bayrou - Je soutiens l’esprit de ce sous-amendement et m’étonne, Monsieur le ministre, que depuis hier soir, on fasse constamment allusion à un « accord signé » dont la représentation nationale ignore complètement la teneur et les signataires. Il est inimaginable que la représentation nationale se voie opposer un texte dont elle ignore la teneur ! Vous nous dites qu’à l’heure qu’il est, cet accord est distribué dans nos casiers. Nous allons donc demander une suspension de séance afin de l’y trouver et de l’étudier rapidement.

Un accord contractuel – dénonçable à tout moment - n’est pas une loi. Or, la directive nous invite à trancher par la loi. A dire dans la loi si la recherche publique a accès de droit à un certain nombre d’œuvres ou si elle en est exclue. La plupart des pays européens ont opté pour la première formule.

M. le Ministre – Sur ces questions, qui sont très évolutives, le Gouvernement a fait le choix de la voie contractuelle, parce que c’est celle de la souplesse, et donc du bon sens. C’est ce que je vous avais indiqué en décembre, en assumant parfaitement ce choix. Je demande à la majorité de l’Assemblée de bien vouloir faire de même.

M. François Bayrou - Ici, c’est l’Assemblée qui vote !

M. le Ministre - S’agissant de la rémunération des journalistes, les accords conclus entre le ministère de l’éducation nationale et la presse fonctionnent sur le modèle des panoramas de presse sur intranet, qui fonctionne bien et n’a pas fait l’objet de contentieux. Je serai attentif à la transparence dans ce domaine, afin que les auteurs soient effectivement rémunérés. Cette question ne pose aucun problème.

M. le Président – Avant la suspension, je vais mettre aux voix le sous-amendement 313 (Protestations sur les bancs du groupe UDF et du groupe socialiste).

M. le Ministre – Comme nous avons choisi la voie contractuelle, je suis défavorable au sous-amendement 313.

M. François Bayrou - La suspension demandée par M. Dionis du Séjour doit intervenir avant le vote, puisqu’elle est faite pour éclairer le vote. Le ministre nous dit que l’accord dont il est question est dans nos casiers. Nous en acceptons l’augure, mais nous voulons le vérifier et ainsi nous prononcer en connaissance de cause (Protestations sur les bancs du groupe UMP) .

La séance, suspendue à 23 heures 25, est reprise à 23 heures 45.

M. François Bayrou - Contrairement à ce que nous annonçait le Gouvernement, les casiers des députés sont vides de tout accord ! Cela aurait fait l’objet de simples rappels au règlement si les circonstances étaient ordinaires, mais il y a plus grave : pendant la suspension de séance, nous avons appris par une dépêche d’agence que, fait sans précédent dans notre histoire parlementaire, le Gouvernement s’apprête à reprendre à l’identique l’article 1er qu’il a retiré hier ! Qu’en est-il de la dignité de notre assemblée et de la cohérence intellectuelle de nos débats ? Le Gouvernement doit s’expliquer au plus vite : l’Assemblée ne peut accepter d’être traitée comme une marionnette !

En décembre, l’urgence avait été déclarée et nos débats ont duré deux jours, jusqu’à l’adoption d’un amendement contraire aux interventions du Gouvernement, et qui obligea celui-ci à les suspendre pendant deux mois et demi ! Nous constatons cette semaine avec étonnement que le Gouvernement a retiré l’article 1er, remplacé par un amendement surprise, lequel est retiré vingt-quatre heures plus tard pour rétablir l’article, et tout cela sous la procédure d’urgence !

M. Christian Paul - C’est le retrait du retrait !

M. Patrick Bloche - Nous sommes tous concernés !

M. François Bayrou - Le Gouvernement ne peut pas maintenir l’urgence sur un texte fait de palinodies successives. L’Assemblée, manipulée, doit refuser le fait accompli !

M. Didier Migaud - Mon rappel au règlement porte sur deux points. Tout d’abord, à la qualité de l’argumentation de Mme Billard sur le sous-amendement 313, le ministre a répondu qu’il fallait lui faire confiance puisque l’accord était dans nos casiers. La suspension de séance nous a permis, et M. le Président en est le témoin, de vérifier que ce n’est pas le cas. De qui se moque-t-on ? Quel amateurisme ! Quelle improvisation ! Il est pourtant indispensable que nous ayons connaissance du texte de l’accord pour nous prononcer sur ce sous-amendement !

D’autre part, le Président de l'Assemblée nationale nous a plusieurs fois déclaré que la procédure suivie était cohérente.

M. François Bayrou - Et qu’il y avait des précédents !

M. Didier Migaud - Qui datent de 1961… Alors que nous débattons d’amendements après l’article 1er qui n’existe plus, on nous explique dans les couloirs que le Gouvernement va changer d’avis, rétablir l’article 1er et ainsi rendre caduques toutes les discussions que nous avons eues depuis hier ! De qui se moque-t-on ? Le ministre connaît-il seulement son texte ?

Voilà qui justifie, sinon le retrait du texte, au moins le retrait de l’urgence – ne serait-ce que pour permettre au ministre de changer d’avis… Encore que l’obstination dont il fait preuve aujourd’hui est surprenante au regard de ce que font certaines majorités semblables chez nos voisins, plus ouvertes et moins soumises aux lobbies…

Pourquoi, malgré les interventions solennelles du Président de l'Assemblée nationale, le Gouvernement revient-il donc sur une procédure qui, hier encore, semblait infaillible ?

M. le Président – Je rappelle que vous vous exprimez pour l’instant sur des rumeurs…

M. Christian Paul - Des rumeurs concordantes !

M. le Président - … et non sur les propositions officielles du ministre. En outre, la procédure est régulière, comme l’a déclaré le Président de l’Assemblée.

M. François Bayrou - C’est au Conseil constitutionnel d’en décider !

M. le Président – Le Gouvernement n’a donc pas outrepassé ses droits, même si chacun peut en penser ce qu’il veut.

M. Christian Paul – L’Agence France Presse, généralement bien informée, nous annonce le retrait de l’amendement 272. Après le retrait, voici donc le retrait du retrait !

Le débat sur ce texte devait être un rendez-vous historique, car il concerne la place de la culture dans la civilisation numérique, et l’adaptation des droits d’auteurs.

M. Michel Piron - C’est toujours le sujet !

M. Christian Paul – Or, depuis le mois de décembre, nous assistons à un florilège d’amateurisme ou s’enchaînent tous les faux pas de procédure. Lorsque l’on fait autant d’erreurs de forme, on ne peut pas avoir raison sur le fond ! Donnez-vous plus de temps, Monsieur le ministre.

M. François Bayrou - Levez l’urgence !

M. Christian Paul - Mieux encore : retirez ce texte, non seulement parce qu’il est mauvais, mais parce qu’il réclame un travail loyal et approfondi avec l’ensemble des acteurs de la culture, et ce travail, vous ne l’avez pas encore fait. Ne vous embarquez pas dans une nouvelle aventure de procédure : vous avez enfin une bonne raison d’arrêter le débat, comme le souhaite le groupe socialiste !

Mme Christine Boutin - Si je soutiens le Gouvernement et le ministre de la culture, je constate qu’il faut encore réfléchir aux enjeux essentiels qu’aborde ce texte. C’est pourquoi je vous demande, Monsieur le Président, de bien vouloir transmettre au Président de l'Assemblée nationale la demande qu’ont faite de nombreux députés de créer une mission d’information parlementaire.

Plusieurs députés socialistes – Très bien.

Mme Martine Billard - Il y a un virus dans votre texte, et il se propage, Monsieur le ministre ! A partir d’une transposition de directive, vous avez déclaré l’urgence – au fil des semaines, elle devient moins convaincante… Le substitut d’article 1er sur lequel nous travaillons porte sur les exceptions. La directive en permettait dix-sept ; votre texte initial n’en prévoit qu’une seule, et sa version modifiée – grâce à la sagesse de l’Assemblée – en prévoit deux. C’est bien peu ! Vous nous demandez de ne pas voter le sous-amendement 313 sous prétexte qu’un accord est intervenu, mais nous n’en avons pas encore le texte définitif, pourtant indispensable à notre décision !

Enfin, en toute hypothèse, l’accord ne s’appliquerait qu’à compter du 1er janvier 2007, alors qu’en inscrivant les exceptions dans le présent texte, il y aurait de bonnes chances qu’elles soient prises en compte dès le début de l’été prochain. Sous quel régime travailleront les enseignants, les universitaires et les chercheurs en 2006 ?

M. Alain Joyandet - Soyons honnête : nous sommes dans une difficulté de procédure, que nous devons pour l’essentiel à l’ouverture d’esprit du ministre… (Rires sur les bancs du groupe socialiste) Mais oui ! Le ministre a écouté nos débats – lesquels traversent largement les courants habituels – et constaté l’existence d’un problème de fond dans son texte initial. Parallèlement, nous avons tous écouté les artistes et les internautes, et si certains de nos collègues de l’opposition tentent à présent par tous les moyens de ralentir nos travaux, c’est parce qu’ils se sont aperçus que leur thèse était en train de perdre. D’où le spectacle pitoyable qu’ils offrent à tous les jeunes qui nous suivent en ce moment ! Toutes ces manœuvres sont d’une ringardise indigne ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Un débat de fond très intéressant s’était engagé sur la licence globale, le Gouvernement proposant une formule intermédiaire sur laquelle se retrouvaient la plupart des parlementaires de la majorité. Las, nos collègues de l’opposition s’engouffrent dans les possibilités ouvertes par notre Règlement pour multiplier les incidents de procédure… (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Ils sont du reste fidèles à leur ligne de conduite : puisqu’il y a un problème, surtout, ne faisons rien et gagnons du temps ! Chers collègues de l’opposition, j’en appelle à votre raison ! Les 18-25 ans qui nous regardent…

M. Christian Paul - Vous les avez mis dans la rue !

M. Alain Joyandet - … ne peuvent qu’être atterrés par le spectacle que vous donnez !

M. Patrick Bloche - Ne soyez pas grossier !

M. Alain Joyandet – Venons-en enfin au fond !

M. Didier Migaud - C’est vous qui venez de retarder les débats par d’inutiles provocations.

M. le Ministre – Par conviction personnelle et parce que je suis respectueux des institutions, je suis animé en permanence par un souci de clarté absolu vis-à-vis du Parlement. Un très beau débat a démarré en décembre dernier…

Mme Christine Boutin - Absolument !

M. Christian Paul - Jusque là, tout va bien !

M. le Ministre - … sur l’équilibre à ménager entre le respect de la propriété intellectuelle, du droit d’auteur et de la création, et l’indispensable prise en compte de l’explosion des nouvelles technologies de l’information et de la communication. A cette occasion, nous avons collectivement constaté que sortir de la logique de la gratuité absolue était aussi difficile que nécessaire. Quoi qu’il en soit, je crois que nous sommes convenus de la nécessité d’entrer dans un système responsable et évolutif, dont il vous appartient de préciser les modalités.

Ce débat, il doit avoir lieu, et je constate qu’il a lieu. J’ai été auditionné par votre commission des lois, …

M. Christian Paul - Avec retard.

M. le Ministre - … puis par celle des affaires économiques,…

M. Patrick Bloche - Tardivement.

M. le Ministre - … et enfin, par celle des affaires culturelles.

M. Didier Migaud - Trop tard !

M. le Ministre – J’ai répondu à vos convocations !

M. François Bayrou - C’est la loi ! Vous ne pouvez pas faire autrement.

M. le Ministre – En séance publique, le débat s’est engagé sur des bases intéressantes et je remercie le président Debré ainsi que la Conférence des présidents d’avoir voulu qu’après deux mois et demi d’interruption, nos travaux redémarrent par une sorte de discussion générale au cours de laquelle nombre d’entre vous se sont exprimés de manière tout à fait libre…

M. Patrick Bloche - Encore heureux !

M. le Ministre – Ce que je souhaite à présent, c’est que le débat sur les articles aille à son terme. Le Gouvernement agira en toute transparence et dans le plus grand respect du Parlement, puisque c’est à lui que revient le pouvoir de décider.

J’entends s’exprimer sur vos bancs plusieurs interrogations et je veux qu’il n’y ait aucune ambiguïté, de sorte que les dispositions du texte que vous serez amenés à voter soient claires et compréhensibles par tous. A cet effet, je juge opportun que nous examinions tous les sous-amendements présentés à la suite de l’amendement du Gouvernement. Ensuite, je vous proposerai de ré-évoquer les amendements qui n’ont pas été traités à l’article premier…

M. Patrick Bloche - C’est insensé !

M. Didier Migaud - Incroyable !

M. le Ministre – Au terme de cette démarche, j’ai bon espoir que nous ayons fait le point sur l’ensemble des sujets qui vous préoccupent et que votre Assemblée soit parfaitement éclairée… (Rires sur plusieurs bancs des groupes socialiste, communiste et républicain et UDF) Libre à ceux qui en prendront la responsabilité d’entacher cette démarche de clarté de manœuvres de procédures…

M. Didier Migaud - C’est du jamais vu !

M. le Ministre – Quant au texte de l’accord conclu avec le ministère de l’Education nationale, il a été diffusé à toutes les présidences de groupes. Si les photocopies n’ont pas été faites…

Vous le voyez, je vous propose de travailler de manière souple et contractuelle, en donnant à la représentation nationale tous les éclaircissements qu’elle demande légitimement. Telle est la loi de la démocratie parlementaire et je me suis toujours fait un devoir de la respecter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Accoyer - Rappel au Règlement au titre de l’article 58, alinéa 3, relatif au déroulement de nos travaux. Je remercie le ministre d’avoir remis aussi clairement en perspective le déroulement – il est vrai un peu compliqué – de nos travaux. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) Je souhaite reprendre certains éléments particulièrement importants pour tous ceux dont l’avenir dépend de la conclusion de nos travaux.

Il y a deux mois, lorsque le débat s’est engagé dans cet hémicycle, certaines divergences de fond sont apparues sur tous nos bancs, et à l’intérieur même de nos groupes, entre les tenants de la licence globale et ceux qui se soucient en priorité de la juste rétribution des auteurs et des artistes. Ce débat, je répète qu’il existe dans tous les groupes. Dans l’opposition, certains parlementaires – largement représentés ici-même depuis hier – sont favorables à la licence globale, cependant que d’autres y sont résolument hostiles….

M. Patrick Bloche - C’est ici que l’on vote !

M. Bernard Accoyer - Au sein de notre groupe, nous ne sommes pas tous d’accord : certains – minoritaires – sont favorables à la licence globale ; la plupart d’entre-nous y sont très hostiles au regard du droit des artistes et des auteurs à une juste rétribution.

Conscient que ces divergences avaient créé, à la fin de l’année dernière, une situation plutôt confuse, le Gouvernement a souhaité – et je l’en remercie – que s’ouvre un grand débat ayant vocation – sans que les lignes de partage respectent nécessairement les clivages habituels – à dégager une solution équilibrée, respectant tout à la fois le droit d’auteur et la liberté des internautes – ainsi que leurs droits individuels. Cela passe, bien entendu, par une précision du régime de l’interopérabilité et des logiciels libres.

M. Christian Paul - Chiche !

M. Bernard Accoyer - Depuis vingt-quatre heures, nous échangeons dans ce but, avec le souci d’aborder au fond tous les sujets car nous sommes convaincus que rien ne doit rester dans l’ombre et qu’il n’y a du reste rien à cacher. En outre, nous devons être très attentifs à la solidité constitutionnelle de nos travaux…

M. Christian Paul - Tiens ! Je croyais qu’elle ne faisait aucun doute...

M. Bernard Accoyer - Au fond, qui peut souhaiter le statu quo alors que l’état actuel de notre droit ne garantit pas l’avenir de nos créateurs ? Après avoir proposé hier une solution, nous avons tous réfléchi…

M. François Bayrou - Il va finir à la rame !

M. Bernard Accoyer - … et il semble que le plus raisonnable soit de balayer l’ensemble des dispositions du texte, y compris celles qui figurent à l’article premier (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nous devons poursuivre nos travaux sans perdre de temps. Chacun doit pouvoir exprimer sa position mais il est de notre devoir d’avancer et donc de poursuivre le débat. Le groupe UMP souhaite donc l’examen de l’article premier en recourant, si nécessaire, à tous les moyens de procédure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Paul - Le 49-3 ?

M. le Président – Monsieur Accoyer, la procédure est parfaitement régulière quoique innovante.

M. François Bayrou - Le Conseil constitutionnel en jugera !

M. le Président – Nous débattrons donc des sous-amendements à l’amendement 272 du Gouvernement avant de revenir à l’article premier. Ce procédé étant particulier, je souhaite donner la parole brièvement à tous les orateurs qui souhaitent s’exprimer.

Mme Martine Billard - Il faut peut-être créer une mission d’information sur les procédures innovantes ! (Sourires)

M. Patrick Bloche – Lorsque le président de séance me demande d’être bref, je suis toujours coopératif. Mais, la gravité de la situation (Protestations sur les bancs du groupe UMP) m’amène à en user autrement ce soir.

M. le Président – Nous avons écouté M. Accoyer, laissez M. Bloche s’exprimer.

M. Patrick Bloche - Ce n’est pas seulement le droit d’auteur qui est en cause, c’est la dignité de notre Assemblée !

M. François Bayrou - Le droit du Parlement !

M. Patrick Bloche - Ne sombrons pas collectivement dans le ridicule ! Lundi soir, le Gouvernement a annoncé qu’il retirait l’article premier. Plusieurs d’entre nous ont dénoncé cette manœuvre hier. M. le président Debré a répondu à M. Ayrault qui l’interpellait à ce sujet hier après-midi – je cite le compte rendu analytique – que « la question du retrait de l'article premier a été évoquée ce matin en Conférence des présidents et l'est à nouveau cet après-midi. Je souhaiterais donc apporter quelques précisions. L'article 84 de notre Règlement dispose que les projets de loi peuvent être retirés par le Gouvernement à tout moment jusqu'à leur adoption définitive par le Parlement. En vertu du principe selon lequel qui peut le plus peut le moins, il est de jurisprudence constante que le Gouvernement, qui peut retirer l'ensemble d'un projet de loi, peut également en retirer une partie, c'est-à-dire un ou plusieurs articles. Il existe de nombreux cas de ce type – le premier remontant à 1960 – et la procédure a d'ailleurs été validée par le Conseil constitutionnel dans une décision du 26 juillet 1984. La circonstance que l'Assemblée ait commencé l'examen de l'article premier et ait déjà adopté des amendements ne fait pas obstacle à son retrait. Là encore, il existe des précédents à une telle situation. Parallèlement, le Gouvernement a déposé un amendement portant article additionnel qui propose une solution alternative à ce que l'Assemblée avait adopté dans le cadre de l'article premier. Je tiens à souligner que cette solution ne réduit nullement les droits de l'Assemblée. L'amendement a été examiné tout à l'heure par la commission. Il peut faire l'objet de sous-amendements. Nous venons d'ailleurs d'en recevoir un certain nombre du groupe socialiste. »

L’amendement 272 représente donc, selon le Président de l’Assemblée lui-même, une proposition alternative à l’article premier. Le président de séance vient d’indiquer que nous discuterons des sous-amendements à l’amendement 272 pour revenir ensuite à l’article premier. Nous allons donc débattre pour rien puisque cet amendement 272 sera retiré. C’est le comble du ridicule !

M. Accoyer, après qu’un certain amendement eut été voté en décembre avec le soutien de la majorité, avait eu ce cri du cœur : « l'Assemblée nationale n’est pas une chambre d’enregistrement ! » Et aujourd’hui, on nous demande de tenir ce rôle ! À ce stade, il est utile de rappeler l’historique de ce projet de loi. Il vise à transposer un accord international signé il y a dix ans et une directive européenne adoptée il y a cinq ans. Après que la France a été sanctionnée deux fois par la Commission pour ne pas avoir transposé la directive, le Gouvernement déclare l’urgence et programme l’examen de ce projet de loi, déposé depuis 2003 pour la fin 2005. Tant d’improvisation, tant d’amateurisme, nous amènent à demander une nouvelle fois une mission d’information parlementaire. Pour que la dignité du Parlement soit restaurée, le Gouvernement doit retirer ce projet de loi. Il nous faut entreprendre une réflexion collective sur cette question fondamentale du droit d’auteur.

D’autre part, Monsieur le ministre, nous ne voulons pas noyer le poisson mais nous ne voulons pas non plus être menés en bateau. Nous découvrons à l’instant que le fameux accord sur l’exception pédagogique, négocié par le ministère de la recherche et de l’enseignement, n’a été signé que par la société des éditeurs et auteurs de musique ! Un journaliste – auteur et ayant droit à part entière - ne peut être représenté par une telle institution ! La validité de cet accord sera dénoncée dès le première procédure judicaire. Afin d’y voir plus clair, je demande une suspension de séance !

M. Alain Joyandet - Encore !

M. le Président – Je tiens à confirmer les propos du président de l’Assemblée concernant la régularité de la procédure.

M. François Bayrou - Mais non !

M. le Président - Elle est parfaitement conforme à notre Règlement. Monsieur Bloche, vous anticipez sur la suite des travaux.

M. Patrick Bloche - Non, M. le ministre vient d’annoncer que l’article premier était remis en discussion !

M. le Président – Si l’article premier est remis en discussion, il sera soumis au vote de même que l’amendement 272.

M. François Bayrou - C’est parfaitement inutile !

M. le Président - L’on ne peut prévoir le résultat de ces votes. Le texte peut donc retrouver une certaine cohérence…

M. Gaëtan Gorce - En êtes-vous bien sûr ?

M. Patrick Bloche - Monsieur le président, vous êtes très ambitieux ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président – Il nous faut maintenant entrer dans le débat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Après la suspension de séance (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), je souhaite que nous discutions sur le fond.

M. Michel Herbillon - Enfin !

La séance, suspendue à 0 heure 25 le jeudi 9 mars, est reprise à 0 heure 35.

M. Jean Dionis du Séjour - Prenons acte qu’un évènement important s’est produit : le Conseil constitutionnel a envoyé des signaux négatifs sur la procédure de retrait de l’article premier qui a été employée.

M. François Bayrou - Le contraire de ce qu’on nous avait dit hier !

M. Jean Dionis du Séjour - J’ai beau être favorable à la directive et à l’esprit du texte, je pense qu’il faut prendre un peu de recul. La date limite pour la transposition de la directive était fixée à 2002. Une vingtaine d’Etats l’ont transposée ; il n’est d’ailleurs pas interdit de réfléchir sur l’incapacité de la France à transposer ce type de directive.

Ce texte est très politique : d’un côté, le monde de la culture, qui doit penser un nouveau modèle pour sa rémunération ; de l’autre, le monde d’internet, soit rien moins que 22 millions de personnes. La tâche n’est pas facile. Le projet de loi sur la société de l’information que le parti socialiste avait dans ses tiroirs n’a jamais été présenté. Et en tant que rapporteur du projet de loi sur la confiance dans l’économie numérique, je puis témoigner que deux lectures ne furent pas de trop.

La nuit du 20 décembre, nous vous avions déjà demandé de renvoyer ce texte en commission. C’est d’ailleurs ainsi que cela s’est de fait terminé. Aujourd’hui, nous vous adjurons de tenir compte de l’avis du Conseil constitutionnel et de lever l’urgence. En attendant, nous demandons à notre tour une suspension de séance.

M. le Président – Je donne d’abord la parole à M. Dutoit.

M. Frédéric Dutoit – Hier, le président du groupe UMP m’avait assuré qu’il y avait un débat entre la majorité et l’opposition : il reconnaît à présent que le débat transcende les clivages politiques. Bel hommage du vice à la vertu ! Un autre lapsus est révélateur de l’état d’esprit de M. Accoyer : il a dit que le débat opposait partisans de la juste rémunération des auteurs et partisans de la licence globale.

M. Christian Paul - C’est un contresens absolu !

M. Bernard Accoyer - Les artistes ne disent pas cela !

M. Frédéric Dutoit – Le débat n’est pas là : il porte sur les moyens d’assurer une juste rémunération aux auteurs dans la société de l’information qui est en train de naître.

Je suis certes peu familier des procédures, Monsieur le Président, mais je n’y comprends plus rien ! J’ai voulu vérifier l’existence de cette dépêche AFP, car je m’étais refusé à croire que le Gouvernement puisse, comme l’affirmait M. Bayrou, remettre à l’ordre du jour un article qu’il avait retiré lundi soir, après nous avoir laissé débattre toute une soirée sur le point de savoir si l’amendement 272 s’insérait bien après cet article premier qui n’existait plus… Et le ministre vient de nous confirmer qu’il souhaitait remettre l’article premier à l’ordre du jour ! Si je comprends bien, nous allons discuter des sous-amendements à l’amendement 272, qui se substitue à l’article premier, puis d’aborder cet article premier ! Et on nous parle de transparence et de clarté des débats ! Comme je l’avais fait en décembre, et comme je l’ai fait à nouveau mardi soir, je vous demande donc de retirer votre texte, l’urgence n’étant du reste plus avérée.

Vous aviez accepté quelques avancées, comme pour ce qui concerne les handicapés, ou certaines exceptions. J’avais cru comprendre également que vous acceptiez d’alléger les sanctions initialement prévues à l’encontre des internautes. Il aurait donc été envisageable de trouver une solution satisfaisante pour tous. Hélas, nous sommes maintenant dans la confusion la plus totale.

Certes, le ridicule ne tue pas, mais il serait tout de même intéressant d’entendre les explications du Président Debré, qui nous indiquait hier qu’il était parfaitement constitutionnel que le Gouvernement retire l’article premier du texte et présente un amendement portant article additionnel après celui-ci pour s’y substituer. Or, voilà qu’on nous dit maintenant que l’article premier nous sera de nouveau soumis.

M. le Président – Monsieur Dutoit, vous avez parfaitement compris et expliqué quelle sera la procédure. L’Assemblée doit terminer l’examen de l’amendement 272 du Gouvernement puis elle reviendra à l’article premier. Quoi qu’on puisse en penser, cette procédure est tout à fait régulière et c’est celle qui sera suivie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Monsieur Dionis du Séjour, vous avez demandé une suspension de séance. Je vous en accorde une d’une minute sur place. (Protestations sur les bancs du groupe UDF et du groupe socialiste)

La séance, suspendue à 0 heure 47, est reprise à 0 heure 48.

Mme Martine Billard – Rappel au Règlement. Il nous faut des éclaircissements sur la procédure. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Herbillon – Dites plutôt que vous ne voulez pas débattre.

Mme Martine Billard – A ce sujet, j’ai posé des questions très précises au ministre sur lesquelles j’attends toujours sa réponse, de même que j’attends toujours le texte des accords officiels.

Pour ce qui est de la procédure, le Président de l’Assemblée nous a expliqué hier que le dépôt d’un nouvel amendement du Gouvernement rouvrait le débat. Doit-on en conclure que si l’article premier est redéposé, le débat sera rouvert avec possibilité de déposer des amendements ?

Le sous-amendement 313, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Bloche - Rappel au Règlement. (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP) Monsieur le président de séance, nous avons montré en décembre dernier que nous étions soucieux de débattre au fond de ce texte.

Mme Muriel Marland-Militello – Non !

M. Patrick Bloche - Nous avons défendu des arguments de fond concernant l’exception pédagogique, celle pour les bibliothèques et les personnes handicapées. Nous avons débattu, regrettant que trop souvent le ministre ne nous réponde pas ou ne nous apporte que des réponses insuffisantes, notamment sur l’exception pédagogique.

Mme Muriel Marland-Militello - Vous êtes des pantins ! Ras-le-bol !

M. Patrick Bloche – Vu la tournure du débat, vous prenez le risque, Madame, que ce qualificatif ne vous revienne tel un boomerang.

La confusion est totale…

M. Michel Herbillon – C’est vous qui l’entretenez.

M. Patrick Bloche - Nous ne pouvons pas, dans ces conditions, légiférer sereinement, d’autant que nous légiférons pour rien en sous-amendant un amendement portant article additionnel, qui va disparaître puisque l’article premier sera redéposé.

M. Alain Joyandet - Mais pas du tout !

M. Patrick Bloche - Nous avons au moins, nous, le souci de la dignité de l’institution. Nous refusons de légiférer pour rien. Monsieur le président, vu la confusion qui règne, je vous demande solennellement une suspension de séance de dix minutes.

M. le Président – Je lèverai la séance après avoir donné la parole à M. Migaud qui la demande, et au ministre pour conclure.

M. Didier Migaud – Cela paraît en effet raisonnable.

Je tiens ici à élever la plus vive protestation contre les propos d’une collègue qui, nous regardant, nous a traités de pantins. Ces propos sont inadmissibles. Mais qu’elle me permette de lui demander qui depuis hier se comporte comme des pantins !

M. Alain Joyandet - C’est dramatique.

M. Didier Migaud - C’est votre comportement qui est dramatique. Vous nous avez expliqué hier qu’il fallait retenir une certaine procédure pour faire maintenant volte-face et en proposer une autre. C’est vous-mêmes qui avez usé et abusé des suspensions de séance et vous osez maintenant reprocher à l’opposition de faire de l’obstruction !

M. Alain Joyandet – Zéro !

M. Didier Migaud – Quelle démonstration d’amateurisme de votre part, Monsieur le ministre ! Pourquoi en sommes-nous là ? Notre collègue Dionis du Séjour a raison, c’est que très vraisemblablement des juristes vous ont indiqué que la procédure suivie était mauvaise. N’imputez donc pas à l’opposition vos propres turpitudes !

M. le Ministre – Je ne répondrai pas aux critiques qui me sont adressées ni aux qualificatifs utilisés à mon encontre. En démocratie, l’expression est libre (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Ce débat est nécessaire et il ira jusqu’à son terme car il s’agit d’un enjeu de société majeur.

M. Richard Cazenave - Absolument !

M. le Ministre - Nous devons des clarifications à nos concitoyens. Si les discussions ne s’étaient pas éternisées comme elles l’ont fait ce soir, nous aurions pu débattre d’un très beau sous-amendement qui dispose que « l’auteur est libre de choisir le mode de rémunération et de diffusion de ses oeuvres ou de les mettre gratuitement à la disposition du public ». Nous aurions pu avoir là un beau débat, comme un très beau débat a actuellement lieu entre les partenaires sociaux où il est question d’emploi, de liberté de l’esprit et de diversité culturelle. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Bloche - Paroles, paroles !

M. le Ministre - Au-delà de cet hémicycle, ceux qui nous regardent sauront distinguer ceux qui défendent effectivement l’emploi, le travail des auteurs, la création et le rayonnement culturel de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Le sous-amendement auquel vous faites allusion sera discuté à la prochaine séance. Ce soir, nous en avons examiné trois.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce matin à 9 heures 30.
La séance est levée à 0 heure 55.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

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Ordre du jour du
Jeudi 9 MARS 2006

NEUF HEURES TRENTE : 1RE SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi (n° 1206) relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.

Rapport (n° 2349) de M. Christian VANNESTE, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

QUINZE HEURES : 2E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

© Assemblée nationale