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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du jeudi 9 mars 2006

Séance de 15 heures
71ème jour de séance, 166ème séance

Présidence de M. Yves Bur
Vice-Président

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La séance est ouverte à quinze heures.

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DROIT D'AUTEUR ET DROITS VOISINS
DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - À l’Assemblée comme au Sénat, il est légitime que l’on débatte de la forme et du fond. Les questions de procédure sont porteuses de valeurs. Il en va, en effet, de la liberté d’expression, de l’équilibre et du pluralisme. Chacun doit pouvoir expliquer avec passion et conviction ce qu’il pense en toute indépendance et en toute dignité. Toutefois, nos concitoyens s’étonnent que les questions qui les concernent directement ne soient pas abordées au Parlement. Dans chaque famille française, chaque école, chaque café, chaque lieu de culture, on s’interroge : comment faire en sorte que la technologie reste une chance et ne soit pas une menace ? Hier, nous avons discuté de procédure. Je suis respectueux de vos interrogations et de vos interpellations…

M. Didier Mathus - Dans ce cas, répondez aux questions que l’on vous a posées !

M. le Ministre – Depuis le début de ce débat, il y a vingt-trois mois, j’ai voulu être au cœur de la mêlée.

M. Didier Mathus - Vous étiez bien caché !

M. le Ministre - De l’eau aura coulé sous les ponts avant que je ne devienne un ministre planqué…

M. Christian Paul - Vous êtes déjà un ministre planté !

M. Jean-Marie Le Guen - Et bien planté !

M. le Ministre – Il est regrettable que, depuis ce matin, la procédure prenne le pas sur le fond quand, et je suis fier de le constater, personne ne remet en cause le point d’équilibre trouvé par le Gouvernement… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Plusieurs députés socialistes – Bien sûr que si !

M. le Ministre - …si ce n’est les tenants de la licence globale…

M. Christian Paul - …et des millions d’internautes !

M. le Ministre – Personne ne conteste le fait…

M. Christian Paul - Le Gouvernement est complètement autiste !

M. Didier Mathus - Vous êtes tout seul à être d’accord avec vous !

M. le Ministre - …que nous sommes passés de la menace de la prison et d’une amende de 300 000 euros pour l’internaute ordinaire à un mécanisme de responsabilité approprié. Personne ne conteste cette avancée ! Nous voulons que chaque internaute puisse lire sur n’importe quel support les œuvres qu’il détient légalement. Bien évidemment, amendements et sous-amendements permettront encore d’enrichir le texte. Nous devons avancer sur la question de la copie privée…

M. Patrick Bloche - Nous devons la sauver !

M. le Ministre – Pour cela, il nous faut discuter des modalités d’application. Je suis fier, je le répète, que la proposition du Gouvernement fasse l’unanimité…

M. Christian Paul - Dans quel monde vivez-vous ?

M. le Ministre - …et ne soit repoussée que par les partisans de la licence globale, autrement dit les tenants d’un nouvel impôt pour les Français ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Marie Le Guen - Provocateur !

M. Henri Emmanuelli - Propagande !

Plusieurs députés socialistes – Retirez ce projet de loi !

M. Henri Emmanuelli - Et le ministre avec !

M. le Ministre – Ce débat traverse toutes les familles politiques. Il nous faut maintenant travailler de manière efficace…

Plusieurs députés socialistes – Ce n’est pas en commençant le débat par une telle provocation que cela va être possible ! Commencez par répondre à nos questions !

M. le Ministre – Je suis saisi de demandes totalement contradictoires. Certains veulent le retrait du projet…

M. Henri Emmanuelli - Oui !

M. le Ministre - …alors que nous avons déjà pris beaucoup de retard dans la transposition de la directive.

M. Patrick Bloche – La faute à qui ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Richard Cazenave - Monsieur le président, faites les taire !

M. le Ministre – Il est urgent d’agir.

M. Henri Emmanuelli - C’est pitoyable !

M. le Ministre - Il est urgent de proposer une offre nouvelle dans les domaines de la musique et du cinéma. Nous ne pouvons pas courir indéfiniment derrière la technologie…

M. Didier Mathus - Créons une mission parlementaire !

M. le Ministre – Nous devons fixer des principes. Nous devons traiter ces questions qui passionnent nos concitoyens !

M. Henri Emmanuelli - La passion, vous n’avez que ce mot à la bouche !

M. le Ministre – Nous avons tout le temps …

Plusieurs députés socialistes – Nous aussi !

M. le Ministre - …pour le faire. J’ai été à la disposition des commissions qui ont voulu m’auditionner ainsi que des parlementaires et je le reste (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Le débat doit avoir lieu !

M. Didier Migaud - Levez l’urgence !

M. le Ministre – Vos manœuvres d’obstruction ne feront pas illusion à l’extérieur. Tout le monde sait que vous n’avez aucune proposition alternative à celle du Gouvernement (Même mouvement).

Certains réclament la création d’une mission d’information parlementaire pour mener une réflexion permanente sur les évolutions technologiques. Cela ne relève pas de ma responsabilité. En revanche, il est de mon devoir de vous dire que le Gouvernement, conscient du défi que représente l’évolution technologique, a pris l’engagement au terme de la première année d’exécution de la loi de présenter un rapport… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Patrick Bloche - Rien à voir !

M. le Ministre - …sur la nécessité ou non d’adapter la loi. La technologie évolue… (Rires sur les bancs du groupe socialiste) et le Gouvernement est prêt à travailler en collaboration avec l’Assemblée sur ce sujet. Enfin, on me demande de lever l’urgence. Je tiens à réaffirmer que nous prendrons tout le temps qu’il faudra pour délibérer.

M. Henri Emmanuelli - Paroles !

M. le Ministre – En d’autres termes, aucune contrainte ne pèse sur nos épaules.

Sur les bancs socialistes – Et l’urgence ?

M. le Ministre - …le Premier ministre me l’a rappelé tout à l’heure. Il y a dans le système français deux chambres : l'Assemblée nationale et le Sénat.

M. Didier Migaud – Ça, nous le savons !

M. le Ministre – Chacune d’entre elles aura le temps de la délibération. J’ai pris l’engagement que le Gouvernement ne demanderait pas au Sénat une lecture conforme (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Par ailleurs, si des divergences fondamentales apparaissaient entre le Palais-Bourbon et la Haute assemblée (Même mouvement),…

M. Jean-Marie Le Guen - Ce n’est pas le Gouvernement qui rédige la loi !

M. le Ministre - …le Premier ministre ne convoquerait pas la commission mixte paritaire (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) mais laisserait la discussion se prolonger entre les deux assemblées.

Je vous demande de respecter la légitimité du travail de l'Assemblée nationale, pour que les questions que se posent nos concitoyens puissent enfin être tranchées par vous-mêmes, puis par le Sénat. Si le Gouvernement constate des divergences fondamentales d’analyse entre les deux assemblées, il n’agira pas par la force.

Ceci posé, il est urgent d’agir : chaque jour qui passe est un jour de perdu pour l’offre nouvelle de musique et de cinéma qui ne demande qu’à naître. Seule la sécurité juridique permettra aux talents diffusés par internet de rayonner. Cette sécurité juridique doit correspondre au nouveau modèle économique que chaque internaute attend : il faut une offre légale, nouvelle, diversifiée, respectueuse de cette grande victoire que nous avons remportée à l’UNESCO sur la diversité culturelle. Je suis donc à votre disposition pour prolonger un débat qui n’a aucune raison légitime d’être interrompu. Le temps est venu de la responsabilité. (« Levez l’urgence ! » sur les bancs du groupe socialiste) Je respecte trop la souveraineté parlementaire…

M. Henri Emmanuelli - Bla bla bla !

M. le Ministre - …pour exercer la moindre pression. Mais il est urgent d’agir, et ce ne sont pas les invectives qui m’intimideront. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Je vais donner la parole – pour des rappels au Règlement, je suppose – aux représentants de chacun des groupes.

M. François Hollande - Monsieur le ministre, c’est avec gravité que je m’adresse à vous. Il y a eu, c’est indéniable, des erreurs de procédure. Vous nous dites que vous êtes prêt à prendre le temps qu’il faudra pour que le texte puisse être examiné sereinement. Vous nous dites – et vous avez raison – que les artistes, les créateurs et les internautes sont attentifs à nos débats. Vous nous dites qu’il faut une discussion sur le fond, et qu’il faut par conséquent cesser les débats de procédure. Eh bien, je vous demande de lever l’urgence. Si vous le faites, le débat pourra s’engager à l’Assemblée, puis au Sénat, et il y aura une deuxième lecture dans chacune des deux assemblées. Ou vous vous obstinez – ce qui semble être la tentation du Gouvernement, et sur bien d’autres sujets – ou vous acceptez de faire ce geste somme toute assez peu coûteux quand on songe au nombre de textes sur lesquels on nous a imposé l’urgence – et je ne parle pas du recours à l’article 49-3. Nous ne vous demandons que de permettre une deuxième lecture ! Faites ce geste, et la discussion pourra reprendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Richard Cazenave - M. Hollande ne nous a toujours pas dit s’il était pour ou contre la licence globale ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Michel Herbillon - C’est le fond du débat, et vous ne voulez pas l’aborder !

M. Dominique Richard - Il me semble important d’éclairer la représentation nationale sur l’exaspération que l’attitude du PS suscite dans le monde de la culture et chez les internautes. Permettez-moi donc de vous lire quelques extraits d’un communiqué commun du Syndicat national de l’édition phonographique…

M. Henri Emmanuelli - C’est Vivendi !

M. Dominique Richard - …et de l’Union des producteurs phonographiques français indépendants : « au moment où le débat entre dans une phase cruciale, les représentants du monde de la création et de la production musicale réaffirment l’urgence d’aboutir à une transposition de la directive européenne. Les enjeux posés par le déploiement des contenus culturels sur internet sont d’une telle importance pour l’avenir de la filière musicale que ses représentants ne comprendraient pas que le processus n’aboutisse pas ou soit bloqué indéfiniment. À cet égard, la filière musicale dénonce l’attitude d’obstruction systématique du PS sur le texte de loi. C’est pourquoi le SNEP et l’UPFI demandent au Gouvernement et à l'Assemblée nationale d’aboutir dans les meilleurs délais à une transposition de la directive. » En fait, le PS lâche en rase campagne les auteurs, les artistes et les internautes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) On ne sait pas qui, au PS, est pour la licence globale et qui est contre : le Premier secrétaire lui-même ne le sait pas !

M. Jean Dionis du Séjour - Il faut que le ministre lève l’urgence. Il y a des débats difficiles : le choix du modèle économique – licence globale ou plateformes marchandes ; les mesures techniques de protection ; l’organisation d’un contrôle impartial et efficace… Le contexte procédural est également difficile : il a été créé le 21 décembre par un vote – auquel l’UDF n’a pas pris part – en faveur de la licence globale, qui est contraire à la directive européenne.

La réponse à toutes ces difficultés, c’est la levée de l’urgence. Il n’y a aucune honte à cela, Monsieur le ministre : Nicolas Sarkozy lui-même l’a fait sur la loi d’orientation énergétique. Ensuite seulement viendra la deuxième question : le parti socialiste s’est-il vraiment prononcé ? Il faudra bien, à ce moment-là, qu’il choisisse entre obstruction et législation.

La France est l’un des derniers États à transposer la directive. Ce retard est humiliant pour notre pays.

Mme Christine Boutin - Mieux vaut réfléchir !

M. Jean Dionis du Séjour - Le PS a rencontré les plus grandes difficultés quand il s’est agi de transposer la directive sur le commerce électronique. Il doit nous montrer qu’il est capable d’entrer dans le débat ! (« On va vous le montrer ! » sur les bancs du groupe socialiste) Oui ou non, Monsieur le ministre, prononcerez-vous cette simple phrase : « je lève l’urgence » ?

M. Jean-Pierre Brard - Le débat était déjà délicat ; cela ne s’arrange pas ! Monsieur le ministre, vous voulez limiter le nombre de copies téléchargées : en vérité, vous nous avez téléchargés, car depuis le début du débat, vous ne cessez de répéter la même chose. Vous dites que nous sommes pour un impôt nouveau : pas du tout ! Mais vous, avec vos ambiguïtés, vous voulez privatiser les impôts en roulant pour les majors !

M. Xavier de Roux – Mais non ! Ne dites pas n’importe quoi !

M. Jean-Pierre Brard - Vous prétendez que dans la majorité, la parole est libre. Mais vous n’avez pas le monopole de la liberté : vous n’avez que celui du désordre, dans votre majorité que vous n’arrivez pas à domestiquer…

M. Michel Herbillon - C’est dans votre groupe qu’on est domestiqué !

M. Jean-Pierre Brard – Les discours sont en effet contradictoires : certains d’entre vous, telle Mme Boutin, sont sensibles aux aspirations des jeunes, tandis que d’autres ne sont sensibles qu’à des intérêts bien précis. Il y avait une solution simple, qui avait l’assentiment du Président de notre Assemblée : créer une mission parlementaire. Un sujet aussi complexe mérite qu’on prenne le temps de trouver un minimum de consensus. Tout le monde, Monsieur le ministre, est conscient des évolutions technologiques. Vous ne pouvez ignorer les aspirations des jeunes. Il faut sortir des affirmations et des invectives pour organiser enfin le débat dans le pays.

Nous avons entendu des artistes divers : Johnny Hallyday – comme si ce contribuable belge d’ailleurs pouvait exprimer l’intérêt général… –, mais aussi Costa Gavras ou Robert Guédiguian, artistes tout aussi estimables dont le point de vue doit également être pris en compte.

Il faut à la fois préserver l’aspiration des jeunes à la liberté et les droits des créateurs. La création doit être rémunérée, mais dans des conditions équitables. Vous ne cessez de brandir l’épouvantail de la licence globale, mais définissons un contenu précis duquel nous pourrons discuter.

Je ne comprends pas que vous refusiez de lever l’urgence puisque vous expliquez par ailleurs que nous avons tout le temps pour débattre. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Pour des raisons incompréhensibles, vous persistez dans votre entêtement aveugle. Il n’est certes pas nécessaire de réussir pour persévérer, mais il faudrait tout de même sortir de l’ornière. Vous avez assuré que si les positions finales de l'Assemblée nationale et du Sénat étaient trop éloignées vous ne passeriez pas en force et ne convoqueriez pas de commission mixte paritaire.

M. le Président – Monsieur Brard, veuillez conclure, je vous prie.

M. Jean-Pierre Brard - Je termine.

Peut-être est-ce là votre opinion personnelle, Monsieur le ministre, mais comment vous croire après que le Gouvernement a utilisé le 49-3 pour faire adopter le CPE, après que l’on nous a menés en bateau sur les intermittents du spectacle, à tel point qu’il faut aujourd’hui que le Président de l’Assemblée nationale lui-même, qui a le sens de l’intérêt général, intervienne avec les députés de gauche et de droite, membres du comité de suivi, et les syndicats pour essayer de sortir de l’impasse ?

Monsieur le ministre, comme l’aurait dit Carmen, il en est temps encore : faites un geste ! Levez l’urgence, et le débat pourra reprendre. Le mieux serait d’ailleurs de reprendre l’idée du Président de l’Assemblée et de créer une mission d’information sur le sujet.

M. le Ministre – Le Gouvernement n’a pas la moindre intention de limiter de quelque manière que ce soit le débat…

Plusieurs députés socialistes – Alors, levez l’urgence !

M. le Ministre – Tout le temps nécessaire vous sera laissé pour mener à bien l’examen du texte. Si vous faites de l’obstruction, c’est pour dissimuler des conflits sur le fond, personne d’ailleurs ne s’y trompe. Le Gouvernement ne cherche pas à brider le Parlement. Il ne remet pas en question sa légitimité…

M. Didier Migaud - Encore heureux !

M. le Ministre – Du fait même de la procédure suivie, des amendements supplémentaires ont pu être déposés, que la commission des lois va examiner. Il faut maintenant en venir au fond. Je le redis, ce n’est pas parce que le domaine est évolutif qu’il ne faut pas fixer certains principes.

François Hollande m’a demandé ce matin de retirer le texte, puis maintenant seulement de lever l’urgence. L’important est que nous puissions délibérer sereinement. Au nom du Gouvernement, je me suis engagé devant vous, en cas de profonde divergence entre les positions de l'Assemblée nationale et du Sénat, à ne pas convoquer de CMP mais à organiser une navette.

M. Henri Emmanuelli - Levez l’urgence, un point c’est tout !

M. le Ministre – L’important est de clarifier les enjeux pour nos concitoyens. Je suis à la disposition de l’Assemblée, comme il est normal, pour débattre de tous les articles, amendements et sous-amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Henri Emmanuelli - Continuez comme ça, et vous ne serez pas là longtemps !

Mme Martine Billard – Au nom des députés verts, je vous demande à mon tour de lever l’urgence. Contrairement à ce que vous voudriez faire croire, ce n’est pas une question de durée des débats, mais de nombre de lectures, lequel est fondamental pour affiner un texte.

Vous nous reprochez de chercher à dissimuler. Mais qui dissimule ? Qui a essayé hier de faire voter contre l’exception pédagogique sans nous communiquer les accords sur cette question ? Qui a refusé de répondre aux questions de fond sur le contenu ces accords ? Pis, qui joue la comédie depuis hier ? Chacun sait ici qu’une fois terminée la discussion de l’amendement 272, nous ne passerons pas au vote mais reviendrons à l’article premier que vous avez réintroduit, ferons semblant de discuter d’amendements – qui seront les mêmes que ceux examinés en tant que sous-amendements au 272 –, et que votre majorité appellera alors à voter contre l’article premier, pour tenter d’échapper ainsi à la censure du Conseil constitutionnel. C’est vous qui vous dissimulez derrière la procédure, tout en essayant de le cacher en usant sans cesse depuis hier du même disque rayé !

Mme Martine Aurillac – Nous assistons depuis le début de la matinée à une bataille inédite dans l’hémicycle, où l’opposition cherche à masquer sa coutumière obstruction derrière une querelle de procédure, alors même que seul le Conseil constitutionnel sera habilité à se prononcer sur la validité de notre procédure, et ce ultérieurement.

M. Jean-Pierre Brard - M. Mazeaud s’est déjà prononcé !

Mme Martine Aurillac - Il n’y a que la vérité qui blesse, Monsieur Brard.

Est-il encore possible dans notre régime parlementaire de débattre sereinement de réformes pourtant attendues par notre jeunesse et par les créateurs ? L’importance des enjeux de fond devrait tous nous mobiliser. Faut-il donc que ce fond vous gêne pour que vous refusiez d’en débattre ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Le ministre a fait preuve d’une extrême bonne volonté en donnant la possibilité d’examiner des amendements supplémentaires, en proposant le dépôt ultérieur d’un rapport et en s’engageant même à organiser une navette. Il faut lui donner acte de son courage et de son esprit d’ouverture. (Rires sur les bancs du groupe socialiste) Nos collègues de l’opposition gagneraient à ne pas se discréditer davantage par leur entêtement aussi attristant que stérile.

M. Henri Emmanuelli - Le VIIe arrondissement vous a entendue !

M. Christian Vanneste, rapporteur de la commission des lois - Raciste social !

M. Henri Emmanuelli - Cela vous va bien à vous de dire çà !

M. François Hollande – J’ai ce matin demandé le retrait du texte. J’ai entendu la demande des artistes et des créateurs (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) qui souhaitent que le texte soit débattu. Mais celui-ci doit être débattu au fond et dans la sérénité. (« Alors ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Richard Cazenave - Dites-nous si vous êtes pour ou contre la licence globale.

M. François Hollande - Sur ce sujet, qui est loin d’être le seul, j’ai fait connaître ma position.

M. Richard Cazenave - Qui n’est pas la même que celle de M. Bloche !

M. François Hollande - C’est celle du parti socialiste.

M. Richard Cazenave - Les députés socialistes défendent donc ici une position différente de celle de leur parti.

M. François Hollande - Monsieur le ministre, pour le sérieux, la clarté et la sérénité du débat, pour que les droits du Parlement soient parfaitement respectés, nous vous demandons un seul geste : levez l’urgence. Que le texte fasse l’objet d’une deuxième lecture ne devrait pas vous poser de problème si vous êtes sûr de votre majorité. Vous nous reprochez de donner une mauvaise image du Parlement en faisant de la procédure, dites-vous. Mais qui est responsable de la situation actuelle ? Qui a bâclé le texte ? Qui en a retiré un article avant de le réintroduire, devant la menace de censure du Conseil constitutionnel ? Monsieur le ministre, il vous suffit de lever l’urgence pour que le débat reprenne et que nous ayons la possibilité en deuxième lecture d’améliorer le texte qui nous sera revenu du Sénat. Les auteurs et les internautes aussi méritent cette considération. Si vous refusez de lever l’urgence, c’est que vous ne voulez pas que le débat s’engage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président – La séance est suspendue pour dix minutes.

La séance, suspendue à 15 heures 40, est reprise à 16 heures 20.

M. le Président – Nous avons maintenant passé beaucoup de temps dans un débat de procédure. Ce débat a occupé une grande partie, sinon l’essentiel, de la séance d’hier soir et toute la matinée. Les positions des uns et des autres sont à présent bien connues : d’un côté, on demande la levée de l’urgence ; de l’autre, le Gouvernement…

M. Henri Emmanuelli - Il refuse !

M. le Président - …a indiqué qu’en cas de divergences importantes entre les deux assemblées…

M. Henri Emmanuelli – Un président ne peut pas défendre cela !

M. le Président - …une CMP ne serait pas immédiatement convoquée.

M. Didier Migaud - Qui le garantit ?

M. Christian Paul - Ce sont des promesses éjectables !

M. le Président – Je pense que le débat de procédure ne peut pas encore nous occuper tout l’après-midi et toute la soirée.

M. Henri Emmanuelli - On verra.

M. le Président – Cela ne répondrait pas aux attentes des Français, qui veulent que l’on traite du fond. Pour ma part, j’ai laissé à chaque groupe la possibilité de s’exprimer sur les questions de procédure et tout a été dit.

M. le Rapporteur – Plusieurs fois, même !

M. le Président – C’est pourquoi je souhaite que nous passions à l’examen des sous-amendements. Vous avez la parole, Monsieur Bloche, sur le sous-amendement 312.

M. Patrick Bloche - Non, je demande la parole pour un rappel au Règlement, qui est de droit. Après cette suspension de séance, qui n’a pas été demandée par l’opposition, la situation est toujours la même. Les groupes socialiste, communiste et UDF demandent que le Gouvernement lève l’urgence sur ce texte, car le sujet, très complexe, mérite bien deux lectures par les deux assemblées. Mais le ministre, à défaut sans doute d’obtenir du Premier ministre cette levée de l’urgence, se contente de nous donner un engagement personnel, exprimé d’ailleurs d’une façon un peu choquante : dire que, si le Sénat vote de façon très différente, il y aura une seconde lecture à l’Assemblée revient en effet à exercer une forme de chantage sur nos collègues sénateurs. On exige d’eux, en somme, un vote conforme.

Plusieurs députés UMP - Le ministre n’a jamais dit cela !

M. Patrick Bloche - Si nous nous opposons à ce projet, c’est parce qu’il rompt l’équilibre fragile entre contrôle de l’usage des œuvres et préservation de la copie privée – ce pendant naturel du droit d’auteur.

M. Richard Cazenave - Ce n’est pas un rappel au Règlement.

M. Patrick Bloche - En décembre, le Gouvernement avait fait le choix funeste, pour transposer la directive, du tout-répressif sur internet, un choix qui menaçait les libertés publiques et portait atteinte au respect de la vie privée de l’internaute. Grâce à notre opposition, il revient deux mois et demi plus tard avec un dispositif contraventionnel qui ne traite plus 10 millions de nos concitoyens comme des contrefacteurs passibles de trois ans de prison et de 300 000 euros d’amende. C’est grâce à une majorité de députés présents ici même le 21 décembre que nous sommes sortis du champ de la contrefaçon et que les libertés publiques et les droits des internautes sont protégés !

M. Jean-Charles Taugourdeau - Où est le rappel au Règlement ?

M. Patrick Bloche - La levée de l’urgence seule permettra de travailler sérieusement sur ce texte.

M. Laurent Wauquiez - Personne n’est dupe : c’est de l’obstruction procédurale !

M. Patrick Bloche - Le ministre l’accepte-t-il, oui ou non ? Soit il lève l’urgence, et nous pouvons aborder la discussion de fond, soit il refuse, et je demande alors une suspension de séance afin que le groupe socialiste décide de son attitude dans la suite du débat.

Plusieurs députés UMP - Chantage ! Obstruction !

M. le Président – Nous ne pouvons pas continuer éternellement ce débat de procédure…

M. Henri Emmanuelli - Nous ne céderons pas !

M. le Président – …qui n’est pas à notre honneur. Le Gouvernement est libre de choisir la procédure d’urgence, qui lui permet de toute façon d’accorder une ou deux lectures à l’Assemblée.

M. Henri Emmanuelli – Nous ne sommes pas à sa merci !

M. François Hollande - Est-ce vraiment le président de séance qui parle ?

M. le Président – Nous devons aussi prendre en compte les attentes de internautes et des Français en général. Le débat de procédure a assez duré : la réponse de M. le ministre y mettra fin.

M. Dominique Richard - L’hémicycle n’est pas un vase clos : c’est la représentation nationale. Il est de notre devoir d’écouter ce que dit le pays, et plus particulièrement la profession.

M. Christian Paul - Laquelle ?

M. Jean-Pierre Brard - Madame Boutin, faites quelque chose !

M. Dominique Richard - Or, elle vient de s’exprimer par les voix – excusez du peu – de la société civile des producteurs de cinéma et de télévision, de la société des auteurs et compositeurs dramatiques, du syndicat des producteurs indépendants…

M. Henri Emmanuelli - Et alors ?

M. Dominique Richard - …du syndicat des producteurs de films d’animation, de l’union syndicale de la production audiovisuelle, de l’association des producteurs indépendants…

M. Henri Emmanuelli - Et alors ?

M. Dominique Richard - …de la fédération des industries de l’audiovisuel, de cinéma et du multimédia, de la fédération nationale du cinéma français, de la fédération nationale des distributeurs de films et du syndicat de l’édition vidéo : c’est l’ensemble du monde de l’image, sans exception, qui s’exprime !

M. Patrick Bloche - Pas de mandat impératif ! Vous êtes la voix des lobbies ! C’est honteux !

M. Dominique Richard - Mais vous ne voulez pas l’entendre, car il demande à la représentation nationale de poursuivre le débat de fond sur ce projet de loi essentiel.

M. Patrick Bloche - Nous sommes libres ! Pas de mandat impératif !

M. Dominique Richard - Certes, le passage à l’acte n’est pas le fort de la gauche. Avez-vous donc peur que nous débusquions vos divergences ? Il est temps d’en finir avec les postures et les ultimatums. Venons-en au fond, comme le souhaitent nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre – Chacun est libre, mais nous sommes tous responsables. Sur ce thème essentiel, nous devons créer les conditions d’un véritable débat démocratique.

M. Patrick Bloche - C’est nous qui l’avons fait le 20 décembre !

M. Dominique Richard - Vous vous parez des plumes du paon !

M. le Ministre – Je me suis rendu disponible pour améliorer le texte initial. Chacun a, sur ce sujet, des convictions passionnées qu’il souhaite défendre avant de voter : c’est bien normal.

Il faut donc que ce grand débat de société ait lieu ici et au Sénat sans aucune limitation de durée. Si le Gouvernement constate un écart de fond considérable entre les deux assemblées…

M. Henri Emmanuelli - C’est inadmissible !

M. le Ministre - …il saura alors faire progresser le débat jusqu’à l’équilibre.

M. Henri Emmanuelli - Nous ne sommes pas vos gens de maison !

M. le Ministre – Il y a des divergences dans chaque formation politique : pour ou contre la licence globale, plus ou moins d’interopérabilité… Le lieu de la légitimité sans contrainte, c’est le Parlement. Voilà pourquoi je prends devant vous ce double engagement : ne pas limiter le débat…

M. Henri Emmanuelli - Levez l’urgence !

M. Laurent Wauquiez - Cessez l’obstruction !

M. le Ministre - …et constater, au terme de la première lecture, s’il y a unité ou divergence entre les deux assemblées.

M. Patrick Bloche - C’est inacceptable !

M. le Ministre – Si vous ne saisissez pas cette offre, c’est que vous refusez de débattre sur le fond ! (« Très bien ! » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Le Gouvernement ayant clairement défini sa position, je vais maintenant suspendre la séance pour répondre à la demande du groupe socialiste.

La séance, suspendue à 16 heures 40, est reprise à 16 heures 50.

M. le Président – Vous m’avez demandé une suspension de séance pour définir la position de votre groupe, Monsieur Bloche. Je vous pose donc la question : allons-nous enfin entrer dans le débat, ou bien en rester à des questions de procédure ? Quelle est la position de votre groupe ?

M. Patrick Bloche - Vous m’interpellez, Monsieur le président, et je vous en remercie, car je souhaite faire un rappel au Règlement.

Le ministre refuse de lever l’urgence, se contentant d’une promesse personnelle qui n’engage que lui. Ce que nous voulons donc, c’est une confirmation qu’il y aura bien deux lectures dans chaque assemblée avant la convocation de toute CMP, ce quelle que soit l’issue des débats et la teneur des textes adoptés ici et au Sénat. Ne mettez pas sous condition le débat parlementaire !

Si le ministre ne lève pas formellement l’urgence, nous voudrions qu’il prenne au moins un engagement écrit.

M. Jean-Jacques Descamps – Et où est la démocratie ?

M. le Président – La parole est à M. Brard, pour un rappel au Règlement.

M. Jean-Pierre Brard – À chacun sa conception de la démocratie, Monsieur Descamps – je me souviens que vous nous parliez récemment de « démocratie financière », notion d’un genre nouveau !

Vous vous engagez, Monsieur le ministre, à ce que la CMP ne soit pas convoquée si les points de vue des deux assemblées sont trop éloignés. Or, nous savons bien que vous êtes un fidèle du Président de la République, qui a un jour formulé cette sentence profonde : « Les promesses n’engagent que ceux qui les entendent. »

M. Hervé Morin - C’est de Pasqua !

M. Jean-Pierre Brard - Pas du tout ! Je le croyais également, mais c’est M. Pasqua lui-même qui m’a détrompé.

J’ajoute que nous avons entendu M. Richard égrener une longe liste d’organisations corporatistes, qui ont, sans doute, leur légitimité… (Interruptions sur le banc des députés UMP) Ne me coupez pas ! Je ne vous ai pas interrompu tout à l’heure, Monsieur Richard, car je ne voulais rien manquer de votre litanie.

Pouvez-vous me dire qui a tenu ces propos : « Quand s’exerce le chantage, nous ne sommes plus dans le domaine de l’influence et de l’argumentation… » ?

M. Bernard Carayon - C’est moi !

M. Jean-Pierre Brard – « Les enjeux financiers sont considérables et justifient pour certains des méthodes que la morale réprouve. »

M. Carayon s’est reconnu ! Vous êtes effectivement en butte à des pressions que vous ne voulez pas avouer, mes chers collègues. Pourtant, le mandat impératif n’est pas autorisé dans notre pays depuis la Révolution, et c’est heureux pour notre démocratie.

M. Hervé Morin - C’est même l’article 27 de la Constitution !

M. Jean-Pierre Brard – Pour vous citer, Monsieur le président, vous souhaitez que nous sortions de la procédure. Mais pourquoi le ferions-nous, si l’urgence n’est pas explicitement levée ? Le Gouvernement est très durement « accroché » sur la question du CPE, sur le régime des intermittents, et maintenant sur le droit d’auteur…

M. Jean-Jacques Descamps - Vous préférez la rue !

M. Jean-Pierre Brard - Nous refusons la loi du bâillon, que vous cherchez à imposer en empêchant la navette parlementaire. Je peux d’ailleurs le comprendre, car nous risquerions d’éclairer tous ceux qui nous écoutent, comme nous en avons la vocation !

On nous a ainsi expliqué cette semaine, Monsieur le ministre, que la vente des CD chutait, ce qui signifierait une baisse de ressources pour tout un secteur d’activité. Mais on ne nous dit pas tout ! La vérité se trouve dans le rapport annuel d’Universal, la maison de production pour le compte duquel vous roulez ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Pourquoi le contester ? C’est vrai ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Ne m’empêchez pas de m’exprimer !

M. Jean-Jacques Descamps - Venant d’un communiste, c’est un peu fort !

M. Jean-Pierre Brard - Que ceux qui nous regardent le sachent : le compte d’exploitation d’Universal Music Group a fait apparaître un quadruplement du résultat en 2004 ! À qui voudriez-vous faire croire que ces gens-là sont dans la misère ?

M. Christian Paul - Très bien !

M. Richard Cazenave - Vous préféreriez qu’ils licencient ?

M. Jean-Pierre Brard - On vous a connu mieux inspiré, Monsieur Cazenave.

M. Bernard Carayon - Cessez donc de jouer à l’instituteur, Monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard – C’est ce que je suis, en effet, et j’en suis fier. Je suis instituteur de la République et fils d’ouvrier, ne vous en déplaise !

M. le Président - Monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard - Je voudrais savoir, Monsieur le ministre, quelle part revient aux artistes et aux créateurs, et quelle part aux producteurs. Ceux qui nous écoutent seraient bien éclairés par votre réponse.

M. le Président - Puisque vous abordez le fond du débat, restons-y !

M. Jean-Pierre Brard – Oui, nous touchons au fond. Je souhaiterais que l’on n’y sombre pas, mais que l’on prenne de la hauteur ! (Sourires) Le ministre peut-il nous donner cette précision ? Elle permettrait de savoir pour qui « roule » le Gouvernement…

M. le Président – Ce débat s’apparente à une guerre de tranchées…

M. Christian Paul - Ce n’est pas une guerre de tranchées, c’est de la résistance au lobbying !

M. le Président – S’agissant de l’existence ou non d’une deuxième lecture, le ministre a dit que le débat se poursuivrait sauf si les positions des deux assemblées étaient très proches. Implicitement donc, il a pris l’engagement que vous souhaitez.

M. Christian Paul - Qu’il le fasse explicitement !

M. le Président – Il va quand même falloir entrer dans le débat de fond…

M. Richard Cazenave - Allez, on y va ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président – Je vous propose d’y entrer réellement, au lieu de le faire par le biais de rappels au Règlement qui eux-mêmes nous y amènent. Mais je vais faire un dernier tour de parole…

M. Hervé Morin - Je souhaite en effet faire un rappel au Règlement, Monsieur le Président, car nous ne comprenons pas l’obstination du Gouvernement à refuser de lever l’urgence. La directive a été adoptée en mai 2001 ; le Gouvernement a mis quatre ans pour nous proposer un projet de loi ; et aujourd’hui, il refuse au Parlement deux à trois mois supplémentaires de débat, lesquels permettraient, j’en suis convaincu, d’arriver à une position largement consensuelle !

M. Jean-Marie Le Guen - Consensus nécessaire sur un tel sujet !

M. Hervé Morin – Monsieur le ministre, je voudrais vous rappeler le précédent de la proposition de loi sur la récidive. Lorsqu’elle est arrivée en discussion, les oppositions étaient très fortes ; mais grâce aux navettes, nous sommes parvenus à un texte qui a été voté par trois des quatre groupes de cette assemblée.

Sur ce texte-ci, nous vous avons déjà évité des erreurs comme la police de l’internet, et pour notre part nous nous sommes opposés à la licence globale. Permettez-nous de poursuivre nos débats pour arriver à une solution raisonnable et consensuelle ! Vous-même avez bien pris deux mois pour nous proposer une nouvelle solution… Laissez au Parlement le temps de délibérer tranquillement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Michel Herbillon - Je ne comprends pas qu’après les longues heures passées ici depuis lundi, nous nous épuisions encore à des conflits de procédure qui n’intéressent personne – même plus les parlementaires qui sont ici !

M. Henri Emmanuelli - Ils intéressent le Premier ministre !

M. Michel Herbillon - Je récuse totalement l’idée que nous subirions des pressions : nous sommes des parlementaires libres, nous ne sommes que sous la pression des Français, des artistes, des compositeurs, des interprètes (« Ah… ! » sur les bancs du groupe socialiste), des internautes, des jeunes qui vous regardent, et qui attendent qu’enfin nous abordions le fond du sujet ! Nous, Monsieur Emmanuelli, nous ne nous « fichons » pas de ce qu’ils pensent !

Un beau débat nous attend. Échangeons nos points de vue sur la licence globale, sur les logiciels libres, sur l’interopérabilité, sur la conciliation de la liberté des internautes avec celle des auteurs et créateurs... À vos questions répétées, le ministre ne cesse de vous répondre qu’il est prêt à donner tout le temps nécessaire au débat à l'Assemblée nationale et au Sénat. Que voulez-vous de plus ? Ce que vous faites n’intéresse personne. Cela s’appelle tout simplement de l’obstruction. Vous voulez éviter d’aborder le fond du sujet parce que vous êtes divisés, alors vous restez dans le conflit de forme. Cordialement, je vous pose la question : êtes-vous prêts à débattre des articles et amendements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Paul - Ce qui est en train de se jouer devant tous ceux qui nous regardent, ce n’est pas une guérilla de procédure, ce n’est pas une guerre d’usure, c’est une bataille pour la démocratie ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Christine Boutin - Il a raison…

M. Christian Paul - Le ministre nous a rappelé à dix reprises depuis deux jours que l'Assemblée nationale était indépendante ; mais nous avons entendu tout à l’heure M. Richard nous lire une liste d’organisations professionnelles – qu’il est toujours utile d’entendre en amont du débat législatif, mais qui ne doivent pas faire irruption au moment où nous devons trancher. Son écoute me semble d’ailleurs un peu sélective car ce débat divise le pays ; la communauté artistique est aujourd’hui coupée en deux.

Mme Christine Boutin - Eh oui !

M. Christian Paul - L’honneur du ministre de la culture serait de réconcilier la communauté culturelle, non de creuser le fossé.

Or vous n’avez pas davantage écouté les internautes, Monsieur le ministre. Vous avez mis en ligne il y a dix jours, à grands frais pour la République, un « blog » baptisé lestéléchargements.com et censé contribuer au débat. J’espère que la Cour des comptes se penchera bientôt là-dessus : alors que le « blog » que j’ai moi-même mis en ligne avec le même logiciel libre m’a coûté 50 euros, vous en avez dépensé 200 000 pour le vôtre ! Bel exemple de l’utilisation des fonds publics… Toujours est-il que ce mirifique exercice de communication avec les Français a tourné au fiasco démocratique. Au bout de 24 heures, il y avait 40 000 connexions, mais, à 95 %, les internautes condamnaient les positions du Gouvernement !

M. Dominique Richard - C’est du micro-trottoir !

Mme Christine Boutin - Mais pas du tout !

M. Christian Paul - Alors qu’a-t-on fait ? On a verrouillé le « blog », le dialogue avec les artistes qui était prévu n’a pas eu lieu…

Enfin, Monsieur le ministre, comparer les internautes qui téléchargent à des bataillons de sauterelles qui iraient piller le patrimoine culturel, ce n’est pas faire preuve d’une grande capacité d’écoute…

Nous avons besoin de garanties quant à l’existence d’une procédure véritablement contradictoire au Parlement, et non de votes disciplinés (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Nous demandons l’engagement écrit du Gouvernement que nous aurons une seconde lecture.

M. Laurent Wauquiez - Le temps de mettre bas les masques est venu. Monsieur Paul, vous êtes parti dans votre rappel au Règlement d’une intervention sur la forme pour arriver au fond (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Hier soir, nous avions commencé à examiner les sous-amendements ; et ce matin, vous avez adopté une posture d’obstruction systématique. La réalité, c’est que vous cherchez des alibis pour cacher les divisions entre les députés socialistes (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP). D’ailleurs, M. Hollande préfère quitter l’hémicycle plutôt que d’assumer vos divisions…

M. Christian Paul - M. Sarkozy n’est pas là !

M. Laurent Wauquiez - La vérité, c’est qu’il y a d’un côté ceux qui comprennent l’importance des enjeux et qui souhaitent en débattre au fond – vous auriez pu en être – et de l’autre ceux qui choisissent l’esquive. Ceux-là sont des tartufes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qui préfèrent se draper lâchement dans les questions de forme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Plusieurs députés socialistes – Benjamin le lapin a frappé !

M. Henri Emmanuelli - Ce n’est parce que vous avez hérité d’une circonscription de droite que vous pouvez tout vous permettre !

Plusieurs députés UMP - Nous sommes tous des élus !

M. Bernard Accoyer - Et vous, Monsieur Emmanuelli, votre circonscription, vous en avez hérité ?

M. le Président – Je vous en prie, restons courtois !

M. Frédéric Dutoit – Pour entrer enfin dans le débat, je constate que nous souhaitons tous un accord, mais que la question que nous devons traiter partage tous les groupes politiques – encore que le groupe communiste soit unanime.

M. Dominique Richard - C’est facile, vous êtes seul !

M. Richard Cazenave – C’est le centralisme démocratique !

M. Frédéric Dutoit - Évitons les agressions stériles ! Je crains que nous ne soyons en train de créer un clivage irrémédiable entre les Français et le monde politique sur ce problème d’avenir. Rappelons que 150 000 internautes, 900 organisations dont 200 entreprises, se sont prononcés pour la licence globale et, selon un journaliste radio ce matin, 56 % des Français seraient contre le projet de loi du Gouvernement.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré que vous ne brusquerez pas le débat au Parlement et que le Premier ministre renoncera à convoquer une commission mixte paritaire si les divergences de vues entre les deux chambres apparaissent trop importantes. Pourquoi refuser de lever l’urgence formellement alors que vous vous y êtes engagé dans les faits ? Si vous faisiez ce geste, le groupe communiste serait prêt à reprendre le débat.

Mme Muriel Marland-Militello - Nous perdons du temps ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste) Je suis profondément choquée de ce que les députés de l’opposition, dont je connais l’investissement dans le domaine culturel, refusent de débattre de ce texte ! La démocratie, vous n’avez que ce mot à la bouche. Permettez-moi de rappeler qu’il en existe deux formes : la démocratie libérale, que mon mouvement incarne,…

M. Hervé Morin - Que M. Madelin incarne à merveille ! (Sourires sur les bancs du groupe UDF)

Mme Muriel Marland-Militello - …et les démocraties totalitaires, où une minorité agissante empêche la majorité démocratiquement élue d’exercer le pouvoir ! (Exclamations sur les bancs de l’opposition) Vous qui êtes si fiers de votre indépendance, pourquoi refusez-vous de créditer le ministre de la même indépendance ? Vous exercez un terrorisme (Exclamations sur les bancs de l’opposition) qui est l’arme des faibles…

Plusieurs députés socialistes – C’est grotesque !

Mme Muriel Marland-Militello - …pour bloquer le débat en usant de toutes les possibilités offertes par le Règlement de l’Assemblée.

M. Christian Paul - Comme tout bon avocat sûr de la cause qu’il défend !

Mme Muriel Marland-Militello – En conscience, pensez-vous que cette attitude serve la nation ?

M. Jean-Marie Le Guen - Ne nous donnez pas de leçons ! C’est le Gouvernement qui est responsable de ce fiasco !

Mme Muriel Marland-Militello - Au vrai, elle est inacceptable ! (Même mouvement) Vous n’êtes pas payés par la nation pour répéter trente fois la même chose ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Si vous n’êtes pas contents, quittez l’hémicycle ! (Rires sur les bancs de l’opposition)

M. Henri Emmanuelli - Je regrette que le débat prenne cette tournure. Des propos inadmissibles ont été prononcés…

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois - Vous parlez en expert !

M. Henri Emmanuelli - Les députés de la majorité ne sont pas habilités à demander aux membres de l’opposition de prendre la porte !

Mme Muriel Marland-Militello - Je dis ce que je veux !

M. Henri Emmanuelli - Et ce que vous voulez, ce dont vous rêvez, c’est un Parlement sans opposition !

M. Jean-Louis Idiart – Comme Villepin !

M. Henri Emmanuelli - Monsieur Herbillon, je n’ai pas répliqué « Je m’en fiche » à l’énumération de M. Richard, mais « Eh alors ? ». C’est mon droit ! Le parlementaire est porteur d’un mandat qui lui est confié par le suffrage universel, non par les lobbies. En réalité, pourquoi tous ces excès ? La situation est claire. Depuis quatre heures, …

Plusieurs députés UMP - Beaucoup plus !

M. Henri Emmanuelli - …l’opposition demande au Gouvernement l’assurance que ce texte fera l’objet d’une deuxième lecture…

M. Hervé Morin - Nous ne demandons rien d’autre !

M. Henri Emmanuelli - …pour que le débat démocratique puisse avoir lieu. Le ministre refuse de dire : « Je lève l’urgence ». Pourquoi ?

M. Richard Cazenave - Et vous, pourquoi le demandez-vous ?

M. Henri Emmanuelli - En réalité, Monsieur le ministre, vous en avez demandé l’autorisation à plusieurs reprises à Matignon. Elle ne vous a pas été accordée !

M. Jean-Marie Le Guen - Voilà !

M. Christian Paul – Villepin, il est droit dans ses bottes !

M. Henri Emmanuelli - Le Premier ministre sacrifie le gouvernement de la France à sa vanité.

Plusieurs députés socialistes – Rendez-nous Juppé !

M. Henri Emmanuelli – Il considère que c’est à l’opposition de plier !

M. Richard Cazenave - Dans une démocratie, ce n’est certainement pas à la majorité élue de s’incliner !

M. Henri Emmanuelli - Il est passé en force sur le CPE avec le 49-3…

M. Richard Cazenave - Vous mélangez tout !

M. Henri Emmanuelli - …et il est aujourd’hui confronté à l’opposition du monde étudiant et des salariés, à la désapprobation grandissante des membres de sa majorité, y compris au sein du Gouvernement…

M. Laurent Wauquiez – Ces remarques sont minables !

M. Henri Emmanuelli - …mais il a décidé de ne pas capituler. Eh bien, nous non plus ! Il n’y a aucune raison que l’opposition et des millions d’internautes s’inclinent devant la vanité du Premier ministre. Je veux d’ailleurs lui dire publiquement que gouverner la France, ce n’est pas enfourcher un cheval en carton et brandir un sabre de bois en disant : « Regardez comme je suis vigoureux ! Regardez comme je suis rapide et fort ! ». Monsieur le ministre, est-ce la vérité ? Si c’est faux, expliquez-moi les raisons de votre refus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Christine Boutin – Il serait vain de ne pas reconnaître qu’il y a un problème de procédure et que certains font de l’obstruction. Néanmoins, tout le monde veut entrer dans le débat…

M. Richard Cazenave - Pas si sûr !

Mme Christine Boutin - Chacun doit reprendre sa liberté et affirmer son indépendance vis-à-vis des lobbies…

M. Henri Emmanuelli - Très bien !

Mme Christine Boutin - …qui ont choisi leur camp depuis longtemps. Je souhaite que le débat ait lieu. Nous ne sommes pas au bout de nos peines car chaque amendement sera vivement débattu…

M. Pierre Hellier - C’est ça la démocratie !

Mme Christine Boutin - J’espère donc que la présidence a prévu des séances supplémentaires les jours prochains. Les problèmes de procédure vont sans aucun doute se multiplier puisque nous n’avons pas su trouver une solution consensuelle hors des lobbies. En tout état de cause, je ne peux pas accepter que l’on traite les internautes de voleurs, de délinquants…

M. Christian Paul - De sauterelles !

Mme Christine Boutin - …ou que l’on assimile leurs interventions à du micro-trottoir !

M. Jean Dionis du Séjour - Nous sommes tous des internautes !

M. François Bayrou - Je reviens du Conseil d’État où j’ai soutenu le référé contre la privatisation illégale des autoroutes. J’ai consulté ma messagerie avant de rejoindre l’hémicycle. Contrairement à ce qui vous avez affirmé, Monsieur le président, les internautes se déclarent passionnés par le débat de procédure : nous sommes, disent-ils, très intéressés, parce que nous savons que la procédure, ce sont nos libertés. Ils comprennent donc fort bien ce qui est en train de se jouer ici.

La dépêche qui rapporte vos propos, Monsieur le ministre, dit que s’il existait un décalage de fond important entre l’Assemblée et le Sénat, vous ne convoqueriez pas la CMP et feriez en sorte que les positions puissent se rapprocher. J’aimerais que vous nous expliquiez ce que cela veut dire. En réalité, vous dites tout simplement qu’il n’y pas urgence. De quelles positions, du reste, s’agirait-il ? Etes-vous en train de nous dire que vous joueriez les médiateurs entre les deux assemblées, et que votre médiation aboutirait à des négociations qui permettraient, quand vous en décideriez, de convoquer une CMP ? Mais vous avez été parlementaire assez longtemps pour savoir que ce schéma n’a pas le moindre fondement constitutionnel !

S’il n’y a pas urgence, il faut lever l’urgence et laisser la navette suivre son cours, pour que le Parlement puisse faire son travail et l’opinion publique entrer dans un débat qui concerne son avenir. Vous ne pouvez en tout cas vous contenter de hausser les épaules et de soupirer (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Didier Mathus - La procédure n’est pas là pour contrarier le Gouvernement : elle est là pour protéger les droits des parlementaires, et ceux de l’opposition en particulier. Nous revendiquons donc le droit d’user de tous les outils qui sont à notre disposition pour que ce débat puisse avoir lieu dans la clarté qui lui a fait défaut jusqu’ici. Oui, nous contestons ce projet – et heureusement qu’en décembre, nous avons mis le Gouvernement en échec : cela a évité le pire ! Ce qui nous est proposé aujourd’hui n’est pas davantage à la hauteur des enjeux. Face à l’apparition du peer to peer, des blogs, des liens RSS, ce sont tous les modèles économiques du monde ancien qui changent. Ses acteurs tentent donc de préserver leurs rentes, et la liste que nous a lue M. Richard était plus pathétique qu’autre chose – c’était le long lamento des comptes en banque…

Ces enjeux de société méritent un examen serein, et dans la durée s’il le faut. Nous voulons que soient pris en compte les nouveaux progrès que permettent les modes d’échange pour le bien-être collectif et pour la culture, et que l’acte de création soit enfin rémunéré. Nous voulons aussi éviter que Microsoft puisse « tracer » des millions d’internautes. Nous sommes prêts à consacrer le temps qu’il faudra à ce combat. Oui ou non, Monsieur le ministre, allez-vous lever l’urgence pour permettre au Parlement de débattre dans de bonnes conditions ?

M. Jean-Marie Le Guen - Permettez-moi d’esquisser un bilan de nos débats : un certain nombre d’entre nous, et pas seulement dans l’opposition, se sont prononcés en décembre en faveur de la licence globale. Cet amendement ayant été adopté par notre Assemblée, il nous paraissait légitime que la procédure parlementaire suive son cours. Nous avons donc été particulièrement étonnés par le double salto procédural du Gouvernement .

Mme Martine Billard - Avec chute à l’arrivée ! (Sourires)

M. Jean-Marie Le Guen – Dans un premier temps, il supprime cet article, avant – comme s’il ne courait pas déjà assez de risques – de le rétablir ! Vous comprenez que cela crée un certain émoi chez les parlementaires… C’est donc à bon droit que nous vous demandions de retirer ce texte : nous ne pouvions décemment travailler dans de telles conditions d’impréparation.

Le Gouvernement et une partie de sa majorité se disent convaincus de la sécurité constitutionnelle de ce texte : dont acte.

M. Laurent Wauquiez - Nous disons que c’est au Conseil constitutionnel de trancher !

M. Jean-Marie Le Guen - Alors, ne nous demandez pas d’examiner dans l’urgence un texte sur la constitutionnalité duquel vous-mêmes n’avez pas de certitudes ! Nous n’allons tout de même pas perdre notre temps ! Le Conseil constitutionnel lira nos débats, ne l’oubliez pas !

Vous noterez que nous avons fait un grand pas, puisque nous ne demandons plus le retrait du texte, mais simplement que vous leviez l’urgence, ce qui serait un gage de sérénité pour la suite (« Absolument ! » sur les bancs du groupe UDF).

M. François Bayrou - C’est la Constitution !

M. Jean-Marie Le Guen – Vous nous obligez à user de tous les artifices de la procédure pour faire respecter nos droits. Si vraiment vous voulez aller vite, je crois qu’un geste d’apaisement sera plus efficace qu’une provocation supplémentaire.

Monsieur le ministre, vous vous dites certain d’avoir trouvé le bon équilibre et d’avoir avec vous l’opinion. Dès lors, pourquoi ne pas vous donner le temps d’un débat serein devant une opinion informée ?

L’argument suprême que vous avancez est que le parti socialiste serait divisé.

M. Dominique Richard - Il l’est !

M. Jean-Marie Le Guen - Faites-vous donc plaisir : acceptez une double discussion, pour avoir une double division ! (Sourires)

Sur un texte de cette importance, le Gouvernement a le devoir d’écouter l’opposition.

M. François Bayrou - Et la diversité !

M. Jean-Marie Le Guen - Si vous n’en avez pas la volonté, montrez du moins un minimum de sérénité : un peu moins de brutalité à l’endroit du Parlement sera une bonne chose pour la respiration démocratique de notre pays ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre – Je souhaite comme vous un débat serein et une opinion informée. J’ai pris des engagements devant la représentation nationale. Cette offre de disponibilité, je la confirme.

Permettez-moi, Monsieur Bayrou, de vous relire l’article 45, alinéa 2, de la Constitution : « Lorsque, par suite d’un désaccord entre les deux assemblées, un projet ou une proposition de loi n’a pu être adopté après deux lectures par chaque assemblée ou, si le Gouvernement a déclaré l’urgence, après une seule lecture par chacune d’entre elles, le Premier ministre a la faculté de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion ».

Je me suis engagé à ce que, dans le cas où des divergences profondes subsisteraient au terme de deux débats sereins à l'Assemblée nationale et au Sénat, une CMP ne soit pas convoquée. Je souhaite maintenant que nous puissions entrer dans le vif d’un débat majeur et attendu par nos concitoyens. Le Gouvernement ne limitera en rien le temps de ce débat : c’est vous et vous seuls qui refusez d’y entrer. Je ne comprends d’ailleurs pas votre attitude aujourd’hui car, hier soir, nous avons pu discuter calmement de sujets passionnants, et pourtant difficiles.

Après les engagements que j’ai pris, je vous invite à entrer dans le débat. Je vous signale d’ailleurs que notre pays est sous le coup d’une condamnation européenne : il y a donc urgence à transposer cette directive.

M. François Bayrou – Le ministre vient de nous dire que si, sur ce texte pour l’examen duquel il a décrété l’urgence, l’Assemblée et le Sénat ne votaient pas le même texte…

M. le Ministre – Ce n’est pas ce que j’ai dit.

M. François Bayrou - …en tout cas que, s’il y avait un écart entre les textes votés par les deux assemblées – j’aimerais d’ailleurs beaucoup savoir comment se définit un écart sur le plan constitutionnel ! –, le Premier ministre avait décidé de ne pas convoquer de CMP,… si bien donc qu’il n’y aurait pas de loi.

Mme Martine Billard – Tout à fait.

M. le Président – La CMP peut être convoquée ultérieurement.

M. François Bayrou – En effet, mais dans cette attente, il n’y aura pas de loi. Comment le Gouvernement peut-il prétendre que ce texte doit être impérativement voté, décréter l’urgence afin d’éviter les navettes, et dans le même temps expliquer qu’en cas de désaccord entre les deux assemblées, il ne convoquera pas de CMP ? Il ne pourra pas maintenir longtemps une position aussi incohérente.

M. le Président – L’article 45-2 de la Constitution dispose que « (…) le Premier ministre a la faculté de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire (…) ». Ce qu’a dit le ministre ne signifie pas qu’il n’y aura pas de loi. Il a simplement indiqué que le Gouvernement se réservait la possibilité de poursuivre la navette.

M. Jean-Marie Le Guen - Monsieur le président, vous sortez de votre rôle.

M. François Bayrou – Une navette ne peut pas être engagée si l’urgence a été déclarée. Il faut lever l’urgence.

M. le Vice-président de la commission – Je suis surpris que des parlementaires découvrent cet après-midi notre Constitution…

Plusieurs députés socialistes – C’est le ministre qui la découvre.

M. le Vice-président de la commission – Pourquoi alors avez-vous poussé des cris d’orfraie à la lecture faite par le ministre ?

Notre Constitution est claire : il y a navette entre les deux assemblées jusqu’à ce que le Gouvernement décide de convoquer une CMP. D’ordinaire, le nombre des navettes est de deux. Mais il n’est écrit nulle part qu’il se limite à deux. Simplement, lorsque le Gouvernement a décrété l’urgence sur un texte, il a la faculté, mais ce n’est qu’une faculté, de convoquer une CMP à l’issue de la première lecture.

Je précise à l’intention de nos collègues qui nous ont rejoints cet après-midi qu’il a été clairement dit ce matin que, même si le Gouvernement avait décrété l’urgence, il n’était pas obligé de s’y tenir et que le Premier ministre était maître de décider du moment opportun pour réunir une CMP. En un mot, le Gouvernement a les mains libres et il convenait de le rappeler.

Nous avons également décidé ce matin qu’au moment où nous examinerions l’article premier (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), si de nouveaux amendements étaient présentés, la commission se réunirait pour les examiner et lèverait la forclusion. Plus rien n’empêche donc maintenant que l’on passe à l’examen des derniers sous-amendements à l’amendement 272, avant de revenir à l’article premier pour examiner les amendements déjà déposés et ceux qui pourraient venir. Je signale à ce sujet que, contrairement à ce qui avait été annoncé, la commission n’en a encore reçu aucun à cette heure.

Mme Christine Boutin - Nous ne pouvons pas tout faire à la fois !

M. Jean-Marie Le Guen – Monsieur le vice-président de la commission des lois, vous feriez mieux de faire vos cours de droit constitutionnel au ministre qu’à nous-mêmes. Pour ma part, j’admire la souplesse avec laquelle vous avez effectué ce « double salto juridique ». C’est dire combien vos rappels nous impressionnent !

L’esprit du 49-3 étant de permettre de mater une majorité récalcitrante, je pense que le Gouvernement eût été mieux inspiré de l’utiliser sur ce texte plutôt que sur le CPE où il a cherché à brider l’opposition. Mais j’en reviens à notre sujet. Alors que beaucoup s’interrogent déjà sur la pression excessive qu’exerce le pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif sous la Ve République, voilà que ce gouvernement innove avec des pratiques allant au-delà même de la Constitution actuelle. En effet, pour ce texte, il fait pression sur les deux assemblées – lesquelles avaient jusqu’à présent le petit privilège, une fois convoquées en CMP, de pouvoir discuter entre elles sans intervention du Gouvernement –, en subordonnant la convocation d’une CMP, c’est-à-dire la poursuite du débat parlementaire, au fait qu’il soit d’accord avec les positions prises par les deux assemblées. Cet abus de pouvoir caractérisé est inédit et cette procédure abracadabrantesque.

M. Christian Paul - Vive la VIe République!

M. le Président – À cet instant, une précision me paraît nécessaire dans ce débat qui nous éloigne du fond…

Mme Christine Boutin - Il ne nous en éloigne absolument pas.

M. le Président – Lors du débat sur la loi de modernisation sociale, bien que l’urgence ait été déclarée, il y a eu deux lectures du texte dans chaque assemblée avant qu’une CMP ne soit convoquée. Il y a donc eu des précédents dans le passé récent. (Protestations sur les bancs du groupe UDF)

Depuis le début de la discussion des articles de ce texte, le 21 décembre à 21 heures 30, jusqu’à aujourd’hui, matinée incluse, il y a eu neuf suspensions de séance…

Plusieurs députés socialistes – Ce n’est pas beaucoup !

M. le Président - …et 99 rappels au Règlement pour 9 heures 33 de débat. Cet après-midi, il y a déjà eu deux suspensions de séance et 23 rappels au Règlement en 2 heures 40.

M. Jean-Marie Le Guen - Et combien d’erreurs de procédure ?

M. le Président – Les rappels au Règlement avaient tous le même objet. Le Gouvernement y a largement répondu, même s’il ne vous a pas donné satisfaction sur le fond.

J’ai aussi, en tant que président, l’obligation de m’opposer aux tentatives de remise en cause de l’ordre du jour et de l’ordonnancement de nos travaux. Il y a donc un moment où je dois refuser les rappels au Règlement. Je souhaite que nous poursuivions l’examen du sous-amendement 312, commencé en début d’après-midi.

après l'article premier (suite)

M. François Bayrou - Je demande la parole, car j’ai été mis en cause !

M. Patrick Bloche – Je laisse la parole à M. Bayrou.

M. le Président – Monsieur Bloche, je considère que vous avez défendu votre sous-amendement (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur – Le sous-amendement vise à supprimer le test en trois étapes, ce qui serait en totale contradiction avec l’esprit du projet, avec la directive européenne que nous avons à transposer et avec des traités internationaux qui s’imposent à nous de façon absolue. Quand bien même ce sous-amendement serait adopté, le test en trois étapes s’imposerait au droit français.

M. Christian Paul - Vous n’y comprenez rien.

M. le Rapporteur – Mais on voit pour quelle raison ce sous-amendement est proposé. Il s’agit de revenir subrepticement sur ce qui a été décidé hier. L’opposition ne néglige rien pour empêcher que ce texte aboutisse. Je parle de l’opposition ici présente, car s’il y a une partie des socialistes qui souhaite faire traîner les choses et empêcher que nous traitions du fond, une autre souhaite, elle, que le texte soit voté (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Henri Emmanuelli - Je veux répondre à la commission.

M. le Président – Il faut d’abord laisser le ministre répondre.

M. le Ministre – Avis défavorable, pour les mêmes raisons que la commission.

M. Patrick Bloche - M. Vanneste est sorti de son rôle de rapporteur pour mettre en cause le rôle de l’opposition et sa capacité à amender, alors qu’il s’agit ici pour nous de défendre la copie privée, ce qui n’est pas rien ! Je demande donc une suspension de séance.

M. le Président – Je pense que nous en avons eu suffisamment. C’est pourquoi je mets aux voix le sous-amendement 312 (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF).

M. François Bayrou - Je voudrais faire une explication de vote !

Le sous-amendement 312, mis aux voix, n'est pas adopté.

Plusieurs députés socialistes – Rappel au Règlement !

M. le Président – La réponse que j’ai faite tout à l’heure reste valable. Nous continuons (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Henri Emmanuelli - Nous allons demander la réunion de la Conférence des présidents. Il y a un Règlement de cette Assemblée !

M. le Président – Le sous-amendement 306 rectifié n’étant pas défendu, je donne la parole à Mme Marland-Militello pour défendre le sous-amendement 302. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Muriel Marland-Militello - Le sous-amendement 302, fondamental, dit que l’auteur est libre de choisir le mode de rémunération et de diffusion de ses œuvres ou de mettre gratuitement celles-ci à la disposition du public. Il place les auteurs au centre du dispositif, garantit le respect de leur droit moral et présente un avantage considérable pour les jeunes créateurs. Mais il permet aussi aux internautes de s’enrichir culturellement en téléchargeant des œuvres légalement, ce qui d’ailleurs les amène souvent ensuite à se rendre aux spectacles des artistes qu’ils découvrent de cette façon.

Ce sous-amendement est la meilleure solution alternative à la licence globale, car il permet une rémunération personnalisée de l’artiste en fonction du succès que rencontre son œuvre auprès du public, tandis que la licence globale, forfait mensuel, ne le permet pas…

M. Patrick Bloche - Vous l’avez votée en décembre.

Mme Muriel Marland-Militello - Non.

M. Patrick Bloche - Votre groupe, si !

Mme Muriel Marland-Militello - La licence globale n’assure pas un bon équilibre entre les intérêts des internautes et ceux des artistes. En effet, soit elle est à un coût élevé et, dans ce cas, elle pénalise les internautes et tue la démocratisation culturelle ; soit elle est à un coût très bas, et alors elle ne permet pas de rémunérer les artistes. C’est pourquoi ce n’est pas un bon système. Dans celui que nous proposons, l’artiste peut choisir d’être diffusé gratuitement s’il le souhaite ou d’être rémunéré pour une location ou pour une vente. Il peut choisir sa rémunération et son public…

M. Christian Paul - C’est un conte de fées !

Mme Muriel Marland-Militello – Conjugué à l’amendement sur l’interopérabilité, ce texte assure à la fois la diversité et la démocratisation culturelles.

M. le Président – Sur ce sous-amendement, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

M. le Rapporteur – Cet excellent sous-amendement reconnaît le droit moral de l’auteur, libre de communiquer ou non son œuvre. La licence globale, elle, ne reconnaît pas cette liberté. Il est bon de défendre la liberté des internautes, mais il faut aussi penser à celle des auteurs. Ce sous-amendement assure un bon équilibre entre les deux, c’est pourquoi la commission a émis un avis favorable.

M. Henri Emmanuelli - Je souhaite répondre à la commission !

M. le Ministre – Ce sous-amendement met en effet l’auteur au centre du dispositif. Il doit pouvoir choisir librement le mode de diffusion de ses œuvres et son mode de rémunération, qui peut être, s’il le souhaite, la gratuité.

Je rappelle que la loi de 1957 dispose que l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporel exclusif et opposable à tous. Il est très utile que ce principe essentiel soit conforté à l’heure du numérique. Cela clarifie bien notre débat. Il va de soi que ce principe s’exerce dans le respect des droits des tiers.

M. le Président – Je vais donner la parole à un orateur contre, puis à deux orateurs, l’un pour répondre à la commission, l’autre pour répondre au Gouvernement.

Mme Christine Boutin - J’ai en fait demandé la parole pour protester, Monsieur le Président, contre la façon dont vous avez écarté l’amendement 306 rectifié de M. Suguenot. Je devais le défendre, mais vous ne m’en avez pas laissé le temps.

Par ailleurs, je viens d’apprendre qu’une prise d’otage est en train de se dérouler dans une école de la Sarthe. Nos pensées vont aux familles concernées.

M. Christian Paul - Vous vous rendez complice, Monsieur le président, d’un passage en force, dans la mesure où vous venez, en quelques minutes, de refuser plusieurs rappels au Règlement et plusieurs demandes de suspension de séance, qui sont pourtant de droit ! Vous avez également refusé la parole à M. Emmanuelli, qui voulait répondre à la commission et qui était en droit de le faire. Le groupe socialiste ne veut pas entrer dans le débat de cette façon-là.

Preuve que vous voulez légiférer contre la société, un sondage en date du 4 mars nous assure du soutien des Français : 72 % d’entre eux – et 87 % des moins de 25 ans ! –sont favorables à un système légal de téléchargements non commerciaux entre particuliers, moyennant une redevance ajoutée à l’abonnement internet afin de rémunérer les auteurs, artistes, interprètes et producteurs en complément de l’offre payante.

La jeunesse de France est contre vous sur le CPE, et elle est contre vous sur le téléchargement. C’est pourquoi, sans abuser de la procédure, nous mènerons cette bataille démocratique jusqu’à son terme !

M. Jean Dionis du Séjour - Nous n’avons pas encore déterminé si le sous-amendement 302 ne comporte aucun élément superfétatoire par rapport à la législation existante, mais nous le soutenons sur le fond, car il permet de sortir de l’opposition entre la licence globale et le seul achat à l’unité : nous allons donc le voter (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

À l’unanimité des 43 suffrages exprimés sur 50 votants, le sous-amendement est adopté.

M. Christian Paul - Nous nous sommes abstenus, car on ne peut voter dans une telle mascarade !

M. Frédéric Dutoit - Je souhaite, avant de défendre le sous-amendement 381, demander une suspension de séance afin de réunir mon groupe.

M. le Président – Défendez votre sous-amendement, Monsieur Dutoit.

M. Henri Emmanuelli - Il a quand même le droit de dire ce qu’il veut !

M. Richard Cazenave - De le dire, oui, mais pas de l’obtenir !

M. Frédéric Dutoit – Le débat s’apparente jusqu’ici à un passage en force, pour imposer à l’opposition le point de vue unilatéral du Gouvernement, alors qu’une discussion sereine aurait été possible. Je réitère donc ma demande de suspension.

M. le Président - Je vous accorde une minute sur place (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

La séance, suspendue à 18 heures 20, est reprise à 18 heures 23.

M. le Président – Je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public sur le sous-amendement 381.

M. Frédéric Dutoit - Nous proposons par ce sous-amendement que le Gouvernement transmette au Parlement un rapport sur les modalités de mise en œuvre d’une plateforme publique de téléchargement qui permettrait la diffusion des œuvres de jeunes créateurs qui ne sont pas disponibles sur les plateformes légales, et leur juste rémunération.

En effet, l’offre commerciale de téléchargement se concentre sur les segments les plus rentables du marché, et laisse de côté de nombreux jeunes créateurs qui doivent souvent renoncer à toute forme de rémunération en diffusant leurs œuvres sur internet. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous soutenions la licence globale. Nous regrettons que le Gouvernement l’ait refusée, comme il a refusé le retrait de ce texte.

Internet est un formidable outil de diffusion des jeunes artistes. Nombreux sont les internautes qui accepteraient d’acquitter des droits pour accéder à leurs œuvres. Pourtant, demain comme aujourd’hui, ils seront largement absents des plateformes commerciales. Le Gouvernement peut-il confirmer qu’il n’est pas hostile à la création d’une plateforme publique qui concilierait démocratisation d’internet et juste rémunération des auteurs ?

M. le Rapporteur – Dieu merci, nous avons enfin repris le cours normal de nos débats et redonné de la dignité à nos travaux (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Bloche - Cessez les provocations ! Jouez votre rôle de rapporteur et répondez à M. Dutoit !

M. le Rapporteur – Je salue le sous-amendement de M. Dutoit, parce qu’il s’adapte à l’évolution du texte. Le ministre a, par des conventions, remédié à la faiblesse des plateformes légales – neuf cent mille titres y sont aujourd’hui disponibles et les jeunes talents y sont en augmentation : dix-huit cette année contre dix l’année dernière. Mais nous pouvons faire mieux encore : c’est pourquoi je soutiens votre proposition.

M. Patrice Martin-Lalande - Très bien.

M. le Ministre – Avis favorable. Le début de carrière est, pour beaucoup de jeunes artistes, un véritable parcours du combattant. Il est essentiel qu’ils soient accueillis dans des festivals ou critiqués dans les médias – y compris sur les sites internet de plus en plus nombreux consacrés à la musique.

En novembre 2004, j’avais déjà lancé les chantiers numériques dont l’un des objectifs était la diffusion d’œuvres via internet grâce au dispositif d’aide à la création piloté par le CNC. L’offre doit être la plus diversifiée possible et concerner aussi, outre les artistes connus, les jeunes talents.

M. Richard Cazenave - Ce sous-amendement permet, comme le précédent, de sortir de la dichotomie qui avait marqué notre débat en décembre. Il faut pouvoir conjuguer différents systèmes afin d’offrir un large éventail et inciter à la mise en place de méthodes de téléchargement légal – y compris de titres seuls – que souhaitent les internautes.

M. Patrick Bloche - Il existe un large consensus, sur l’ensemble de ces bancs, en faveur du sous-amendement déposé par le groupe communiste. Je tiens à remercier notre collègue Frédéric Dutoit, dont la proposition permettra de pallier la carence du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Ce sous-amendement nous permettra en effet de prendre date dans la loi, et donc de manière contraignante. Voilà qui est heureux, car nous ne faisons que modérément confiance au Gouvernement.

Le rapporteur et le ministre approuvent cet amendement, mais que n’avez-vous créé plus tôt cette plateforme, au lieu de faire la promotion des offres payantes, qui ont pris un tel retard dans la libération de leur catalogue que le peer to peer s’est considérablement développé ? Et comment pouvez-vous faire le pari de la migration vers les offres commerciales, quand chacun sait que le prix exigé par titre – 0,99 euro – reste prohibitif pour bien des internautes ?

M. le Ministre – J’ai parlé des offres légales !

M. Patrick Bloche – Elles sont de nature commerciale : elles font des profits, ce qui n’a d’ailleurs rien d’illogique dans une économie de marché. Mais il n’en reste pas moins que bien des jeunes auteurs ne peuvent accéder à ces plateformes, aujourd’hui trop segmentées et uniformisées.

Or, internet, ce n’est pas seulement la culture de la gratuité que vous stigmatisez : c’est aussi la diversité– une diversité à laquelle les internautes cherchent à accéder par le biais du partage des fichiers musicaux, car les offres payantes la leur refusent.

Par cet amendement, nous allons donc offrir aux jeunes acteurs de la culture un espace public de téléchargement qui comblera un déficit démocratique entretenu par la politique culturelle actuelle.

J’ajoute que M. Dutoit a bien fait de demander au Gouvernement de nous transmettre un rapport sur la mise en place de cette plateforme dans un délai précis – dans les six mois suivant la publication de cette loi. Je voterai donc cet amendement qui palliera l’inaction du Gouvernement.

M. Didier Mathus – Une précision sémantique tout d’abord : plateformes légales ou plateformes commerciales ? Le ministre nous parle de plateformes légales, mais le rapport de force est aujourd’hui favorable aux majors, puissamment relayées par le Gouvernement. Or, ces maisons de disques tentent d’imposer le recours aux plateformes commerciales au détriment de toutes les autres formes d’échange.

Afin de lutter contre les pressions exercées par les industries de la culture et du logiciel, nous devrons donc tôt ou tard délimiter un espace public sur internet. Il faudrait d’ailleurs y réfléchir dès maintenant de manière approfondie, car n’oublions pas que les internautes doivent déjà payer pour accéder à des radios ou des télévisions publiques, pourtant financées par le contribuable, qui paie donc deux fois !

J’en profite pour suggérer de ne pas nous fier au ministère de la culture pour construire cette nouvelle plateforme : tout ce qu’il réalise nous coûte en effet très cher, comme son blog de propagande l’a bien montré – 200 000 euros pris dans la poche du contribuable !

Faisons enfin un rêve : celui d’une bibliothèque universelle rassemblant l’ensemble des catalogues et accessible à tous, en échange d’un forfait modique, qu’on pourrait appeler « l’accès forfaitaire à la culture », si les mots vous font peur. Nous réinventerions ainsi l’échange public sur internet !

M. Christian Paul - Bravo !

M. Jean Dionis du Séjour - Le groupe UDF soutient cet amendement, qui nous semble une très bonne initiative. Dans le droit fil de la loi Lang, nous devons réserver une partie de la rémunération pour copie privée au soutien à la jeune création. Nous ferons des propositions en ce sens.

À l’unanimité des 42 votants, le sous-amendement 381 est adopté.

M. le Président – Vous voyez bien que nous sommes capables d’être unanimes et de tenir des débats intéressants quand ils portent sur le fond !

M. Jean Dionis du Séjour - Le sous-amendement 383 vise la profession des reporters photographiques, elle aussi touchée par la révolution de l’internet. Nous souhaitons rendre possible un accord entre les partenaires sociaux sur les revenus complémentaires, que doivent verser les agences si elles exploitent des photographies plus de 24 mois après leur première utilisation, ou si leur auteur est arrivé au terme d’un éventuel CDD.

Or, cet accord sectoriel est bloqué par l’article 22 de la loi 93-121.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous travaillons dans des conditions inouïes !

M. le Président – Monsieur Le Guen, vous n’avez pas la parole !

M. Jean-Marie Le Guen - Je suis choqué que, sur des sujets aussi importants, le droit à la parole de l’opposition ne soit pas respecté ! (Signes de protestation sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Les droits de l’opposition sont respectés.

M. Jean-Marie Le Guen – C’est incroyable ! Et la majorité vous invite à passer en force !

M. le Président – La présidence est libre. Je vous interdis de tenir de tels propos !

M. Jean Dionis du Séjour - Pouvons-nous parler des photographes ? La date fixée par la loi rendant aujourd’hui impossible tout accord contractuel, ce sous-amendement vous invite à la remplacer.

Je souhaiterais également apporter le complément suivant à mon sous-amendement, en reprenant le contenu d’un autre sous-amendement écarté au titre de l’article 40, et pour lequel je demande au Gouvernement de lever le gage : au III de l’article 22 de la loi du 27 janvier 1993, portant diverses mesures d’ordre social, remplacer les mots : « 30 juin 1995 », par les mots : « pendant une période de deux ans à compter de la date de publication de la loi relative aux droits d’auteur ».

M. le Président – Vous ne pouvez pas corriger un sous-amendement.

M. Jean Dionis du Séjour – Après avoir passé des heures sur des questions de procédure, nous pouvons bien consacrer quelques minutes à un sujet aussi important. Il y va de toute une branche d’activité !

M. Jean-Marie Le Guen – Et maintenant, nous n’avons plus le droit de déposer des sous-amendements ! Encore plus incroyable !

M. Jean Dionis du Séjour - Allons-nous, oui ou non, donner aux partenaires sociaux le droit de conclure un accord de branche ? Ne prenons pas ce problème à la légère !

Mme Muriel Marland-Militello - Très bien !

M. le Président – Je ne doute pas de l’importance du sujet, mais je m’en tiens à la procédure : ce sous-amendement a été jugé irrecevable au titre de l’article 40.

M. le Rapporteur – Avis favorable au sous-amendement 383.

M. le Ministre – Même avis.

M. Jean Dionis du Séjour - Merci, Monsieur le ministre !

M. le Ministre - La loi de 1993 prévoyait qu’en l’absence d’un accord professionnel régissant les revenus complémentaires des reporters photographes au 30 juin 1995, les conditions d’assujettissement au régime de sécurité sociale des auteurs seraient définies par décret en Conseil d’État.

La divergence des positions des agences de presse n’a pourtant pas permis aux partenaires sociaux de s’accorder, et le Gouvernement n’a pu élaborer un texte répondant à leurs attentes. De récentes négociations ont néanmoins permis d’aboutir, fin 2005, à un accord entre les syndicats de journalistes et l’une des organisations professionnelles des agences de presse, même si plusieurs points restent en discussion avec la seconde organisation représentative des employeurs. Ces négociations méritent d’être encouragées, et d’être confortées par la loi si elles aboutissent.

M. le Président – Nous ne pouvons pas travailler dans de telles conditions : faites-nous donc porter votre texte, Monsieur Dionis du Séjour.

M. Henri Emmanuelli - Monsieur le président, vous voyez quand même dans quel désordre nous sommes… Je vous rappelle que l’article 40 est très précis : le président de la commission des finances, par délégation du Président de l'Assemblée nationale, doit dire si, oui ou non, un amendement est recevable – et il faudrait si possible que vous ne vous trompiez pas sur le sujet. Je vous demande une suspension de séance pour que vous vous informiez sur la recevabilité de ce sous-amendement, afin d’éviter de dire n’importe quoi en séance au motif que vous devez aller vite sur ordre du Gouvernement !

M. le Président – Je vous répète que le sous-amendement 382, par lequel M. Dionis du Séjour veut compléter son sous-amendement 383, a été déclaré irrecevable par la commission des finances ce matin.

M. Didier Mathus - Monsieur le président, vous essayez de dépanner le Gouvernement en accélérant le rythme de la séance, et nous sommes navrés pour vous que vous soyez contraint de jouer ce rôle car vous êtes un parlementaire de qualité. Mais ce qui se passe sur ce sous-amendement montre bien que nous ne sommes pas dans les bonnes conditions pour délibérer. Il faut sortir de ce désordre, peut-être réunir la commission des lois… Le mieux serait que le ministre s’engage à lever l’urgence !

M. le Président – Il n’y a pas de confusion, c’est vous qui essayez de l’introduire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nous en sommes à l’examen du sous-amendement 383. M. Dionis du Séjour nous indique qu’il fait une proposition complémentaire, laquelle reprend en fait le sous-amendement 382 qui, lui, a été jugé irrecevable par la commission des finances.

M. Jean-Marie Le Guen - Vous êtes en train, dans une discussion totalement sibylline pour l’ensemble des parlementaires, de contester un sous-amendement de M. Dionis du Séjour, que celui-ci n’a pas la possibilité d’exposer et que nous ne connaissons pas ! C’est surréaliste…

On nous a dit que la commission ne pouvait pas se réunir parce qu’elle n’avait pas reçu le texte du sous-amendement. Mais quand pourrions-nous écrire des textes, Monsieur le Président, alors que vous continuez à faire avancer le débat ? M. Dionis du Séjour ne peut pas faire autrement que de s’expliquer en séance !

M. le Président – Je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public sur le sous-amendement 383.

M. Jean Dionis du Séjour - Je voudrais tout d’abord remercier le ministre de son attitude constructive. En effet toute une profession est aujourd’hui dans l’impossibilité de passer un accord sectoriel. Le sous-amendement 383 le permet, à condition de ne pas en rester à la date butoir de 1995 ! C’est pourquoi je propose d’ajouter que l’accord sectoriel devra être conclu au plus tard deux ans après la publication de la loi. Si la commission des finances ne peut pas l’accepter, je demande au Gouvernement de reprendre ce sous-amendement et de lever le gage, puisque sur le fond il est favorable !

M. le Président – Vous parlez vous-même de gage… Le président de la commission des finances a considéré que le changement de date a des conséquences financières ; c’est pourquoi il a rejeté ce sous-amendement.

M. le Ministre – C’est un sujet important. Je prends l’engagement que ce point sera revu lors de la discussion au Sénat (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Marie Le Guen - Et revoilà la navette !

À l’unanimité des 26 suffrages exprimés, sur 35 votants, le sous-amendement 383 est adopté.

M. le Président – À la demande du Gouvernement, le vote sur l’amendement 272 est réservé (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Je constate que l’amendement 234 rectifié n’est pas soutenu.

article premier (suite)

M. le Président - Nous allons donc reprendre, comme cela a été annoncé par le Gouvernement hier soir, l’examen de l’article premier, à l’occasion duquel chacun pourra s’exprimer sur les amendements qui restent encore en discussion ou sur ceux qui pourraient être déposés (Même mouvement).

M. Patrick Bloche - Rappel au Règlement. Monsieur le président, vous nous avez appelés à engager un débat de fond, après que nous avons tout simplement demandé que les droits constitutionnels du Parlement soient respectés. Nous avons achevé l’examen des sous-amendements à l’amendement 272 – que, je le rappelle, le Gouvernement a sorti de sa poche après avoir retiré l’article premier, qu’il a depuis réintroduit.

M. Richard Cazenave - Vous avez répété cet argument une centaine de fois !

M. Patrick Bloche - Nous apprenons que le Gouvernement demande la réserve du vote de l’amendement 272 alors que nous venons de terminer l’examen des sous-amendements qui s’y rattachent ! Monsieur le président, avant de commencer l’examen des quatorze amendements à l’article premier qui a fait tant débat un certain soir du 21 décembre, vous comprendrez que je demande une suspension de séance d’une demi-heure afin de réunir mon groupe et de rédiger des nouveaux amendements à l’article premier !

M. le Président – Monsieur Bloche, vous avez parfaitement compris que M. le ministre demande la réserve du vote de l’amendement 272 afin de permettre le débat sur l’article premier. Sans cela, étant donné leur caractère alternatif, le débat n’aura pas lieu. Je vous accorde une suspension de séance de cinq minutes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Marie Le Guen - Cinq minutes pour rédiger des amendements ! C’est se moquer du monde !

La séance, suspendue à 19 heures 5, est reprise à 19 heures 15

M. Patrick Bloche - Rappel au Règlement. Nous avons demandé une suspension de séance, puisque nous en avions terminé avec l’examen de l’amendement 272, qui créait un article alternatif à l’article premier.

Nous en arrivons maintenant à ce fameux article premier, sur lequel a été voté ici même, le 21 décembre, un amendement qui dispose que le téléchargement est une exception pour copie privée, donnant droit en contrepartie à une rémunération des artistes – donc des auteurs. Cet article premier a été retiré par le Gouvernement à la reprise de nos débats, avant d’être réintroduit hier soir. J’observe que si l’article 84 de notre Règlement – ou tout du moins l’interprétation qu’en donne notre Président – n’interdit pas au Gouvernement de retirer tout ou partie d’un projet de loi en cours de discussion, rien dans ce Règlement ne l’autorise à le réintroduire.

Par ailleurs, nous avons revendiqué avec force un droit fondamental que nous garantit la Constitution : notre droit d’amendement.

Je vais maintenant poser au ministre une question qui appelle une réponse claire. Quatorze amendements ont été déposés sur l’article premier. Nous prendrons le temps qu’il faudra, sans plus, et nous aborderons à cette occasion des questions de fond. Le groupe socialiste souhaite que le ministre nous indique dès à présent l’avis qu’il réservera à cet article premier, une fois les quatorze amendements examinés.

Mme Martine Billard - Rappel au Règlement. Je me demande comment nous allons travailler. Revenant à l’article premier, nous allons discuter à nouveau de dispositions que nous avons déjà adoptées lorsque nous avons examiné l’amendement 272. Que se passera-t-il si des votes contradictoires s’expriment ? Imaginons que cela advienne sur le test en trois étapes, l’exception bibliothèques ou l’exception pédagogique. Il semble certes – ce qui serait du reste logique – que le Gouvernement appellera à voter contre l’article premier amendé (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), mais je ne m’en m’interroge pas moins.

M. le Président – Tant que l’amendement 272 n’a pas été voté – et je vous rappelle que cet amendement est réservé –, il ne peut y avoir de contradiction avec l’article premier. C’est au moment où nous passerons au vote, après l’article premier, que le choix devra être fait entre l’article premier et l’amendement 272.

Mme Martine Billard - Je n’y comprends rien !

M. le Président – Cela m’étonne de vous, Madame Billard.

M. Christian Paul - Quelle mascarade !

M. Didier Mathus - Quelle pitrerie !

M. le Vice-président de la commission – Les sous-amendements que nous avons votés ne prendront véritablement effet sur le plan juridique que lorsque l’amendement sur lequel ils se greffent aura été éventuellement adopté. Cela me semble basique.

Mme Martine Billard - À quel vote allez-vous appeler sur l’article premier ?

M. le Ministre – L’amendement 272 opère des avancées considérables par rapport au mois de décembre : c’est le fruit de l’important travail mené à l’Assemblée.

M. Patrick Bloche - C’est grâce à notre vote du 21 décembre !

M. le Ministre – Certaines d’entre elles ont d’ailleurs été adoptées à l’unanimité, ce qui revêt une grande portée symbolique. Dans un souci de clarté, j’ai souhaité que nous allions jusqu’au bout de l’examen de l’article premier, des amendements déjà déposés et de ceux qui peuvent encore l’être.

Cet article premier – cette déflagration politique, dirais-je – a eu le mérite de susciter un grand débat dans tout le pays. Deux amendements qui ont été adoptés à cet article, les amendements 153 et 154, visent à instaurer la licence globale, dispositif qui ne me semble ni applicable ni souhaitable. Lorsque tous les amendements à l’article premier auront été examinés, j’émettrai donc un avis défavorable.

M. Hervé Morin – Nous sommes dans un flou juridique et un impressionnisme constitutionnel des plus extrêmes. J’ai indiqué mardi au Président de notre Assemblée et au Gouvernement, en Conférence des présidents, que le retrait d’un article dont la discussion avait déjà commencé et qui avait fait l’objet d’amendements était contraire à la Constitution et à l’article 84 de notre Règlement. Le Président de l’Assemblée et le Gouvernement m’ont objecté qu’il y avait eu des précédents. Mais il s’agissait d’articles qui n’avaient fait l’objet d’aucune discussion ; en outre, le Conseil constitutionnel n’a jamais été saisi de cette question.

J’avais fait valoir qu’il ne paraissait conforme ni à la Constitution ni à l’article 84, alinéa 1, du Règlement, de retirer un article dont la discussion est en cours. Cet argument, balayé d’un revers de main en Conférence des présidents, n’a pas dû paraître si mauvais au président du Conseil constitutionnel, puisque celui-ci a entre-temps alerté le Secrétariat général du Gouvernement du risque d’inconstitutionnalité de cette procédure. Tout cela montre à quel point le Parlement est maltraité. Il serait grand temps de lui rendre la place qui devrait être la sienne dans nos institutions.

M. Jean-Marie Le Guen – Sans doute par esprit de prudence, le Gouvernement a accepté de rouvrir le droit d’amendement, faisant ainsi un geste envers le Conseil constitutionnel et ceux d’entre nous qui contestaient la procédure suivie. Si ce n’est que matériellement, nous n’avons pas le temps de travailler sérieusement et de proposer de nouveaux amendements à l’article premier…

M. Christian Paul - Il a fallu plus de deux mois au ministre pour le réécrire !

M. Jean-Marie Le Guen – Le comble est que, le ministre l’a annoncé, il appellera à voter contre cet article au profit de son amendement 272. Notre droit d’amendement est donc bel et bien battu en brèche. Et la situation devient ubuesque, le Gouvernement ne pouvant pas faire comme si les précédents amendements à l’article premier avaient été votés… Ce ne sont pas nos institutions qui sont en cause, mais ce Gouvernement et sa majorité, dont les manœuvres ne manqueront pas d’être sanctionnées par le Conseil constitutionnel. Tout cela est consternant. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Ou bien nous débattons d’amendements à l’article premier, ce qui n’a pas de sens puisque cet article ne sera jamais adopté – et nous nous ridiculisons –, ou bien nous sommes condamnés à nous taire, et notre droit d’amendement est bafoué. Voilà le dilemme dans lequel vous avez placé l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président – Monsieur Le Guen, le Conseil constitutionnel jugera le moment venu.

M. Henri Emmanuelli - Rappel au Règlement. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Les rappels au Règlement ont été assez nombreux. Nous en venons à l’amendement 105 rectifié. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF) Monsieur Dionis du Séjour, vous avez la parole. (Même mouvement)

M. Christian Paul - Vous pouvez pas refuser les rappels au Règlement en permanence. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen - Refuser un rappel au Règlement à un ancien président de l'Assemblée nationale, cela ne s’est jamais vu.

M. Henri Emmanuelli - Vous m’avez déjà opposé le même refus mardi soir. (Brouhaha croissant sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Dionis du Séjour - L’amendement 105 rectifié…

M. Hervé Morin - Cela n’a aucun sens.

M. Jean Dionis du Séjour - Il y a déjà eu des tremblements de terre dans cet hémicycle. Des amendements ont été adoptés à l’article premier, à la surprise générale. Ne préjugeons pas du vote sur l’article. Au cas où il serait adopté, cela vaut le coup de défendre certains amendements comme le 105 rectifié qui autoriserait les médias à diffuser la reproduction d’une œuvre quand celle-ci se justifie par une nécessité d’information. Je souhaiterais en tout cas que le ministre me confirme que ces éléments sont bien repris dans l’amendement 272.

MM. Hervé Morin et Jean-Marie Le Guen - C’est surréaliste !

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Deux des trois propositions contenues dans cet amendement ont été reprises dans l’amendement 272, ce qui témoigne de la capacité d’écoute du ministre.

M. le Ministre – L’amendement est en effet satisfait. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Billard - C’est la meilleure ! L’amendement 272 n’a pas encore été voté.

M. Hervé Morin - Ce débat est indigne. Il n’est même pas du niveau de celui d’un conseil général d’avant la décentralisation !

M. Henri Emmanuelli – Rappel au Règlement. Après que j’ai expliqué au Président Debré qu’il n’était pas possible de retirer un article en cours de discussion, j’ai eu droit à une leçon de droit constitutionnel, assénée avec une certaine hauteur. Or, que constate-t-on aujourd’hui ? Après une consultation officieuse du Conseil constitutionnel (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ou des avis pris auprès de juristes, si vous préférez, l’article premier a été réintroduit, le ministre nous expliquant qu’il ne serait toutefois pas adopté. Et on nous demande de voter l’amendement 272 portant article additionnel après cet article premier… qui va disparaître. A quoi donc sera rattaché cet amendement ? Vous auriez pu conserver l’article premier puis demander une deuxième délibération. Il y avait d’autres solutions que celle, ridicule, que vous nous proposez.

M. Hervé Morin - La situation est ubuesque. Jamais dans l’histoire du Parlement nous n’aurons rien vu d’aussi cocasse que de faire adopter des amendements à un article qui va être supprimé ! Cette façon de bafouer le droit d’amendement du Parlement sera sanctionnée par le Conseil constitutionnel. La Constitution de la Ve République offre, avec le vote bloqué, la deuxième délibération, etc, toute une panoplie de solutions pour que le Gouvernement puisse réintroduire toute disposition qu’il souhaite. Pourquoi vous ridiculiser ? Pour y voir plus clair, je demande une suspension de dix minutes.

M. Patrick Bloche - La situation ridicule où nous nous trouvons à cet instant, nous l’annonçions depuis deux jours ! Nous donnons là une image désastreuse du travail parlementaire. Quant au ministre, il se prend les pieds dans le tapis, répondant ainsi à notre collègue que son amendement est satisfait par l’amendement 272, lequel n’a pas été voté. Quelles garanties avons-nous qu’il le sera ?

Dans ces conditions, il serait sage de lever la séance et que nous nous retrouvions en commission des lois à 21 heures 30. Proposant cela, nous ne faisons que défendre notre droit d’amendement.

L'amendement 105 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Hervé Morin - J’ai demandé une suspension de séance.

M. le Président – Il y en a déjà eu une pour éclaircir la procédure. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe UDF) Nous en venons à l’amendement 81. Est-il défendu ? (« C’est indigne ! » sur les bancs du groupe socialiste où les députés se lèvent et se dirigent vers la sortie de l’hémicycle)

M. Henri Emmanuelli - C’est une honte !

M. le Président – L’amendement 81 n’est pas défendu. Nous en venons à l’amendement 108 rectifié. (Vives protestations et brouhaha persistant sur les bancs du groupe socialiste et du groupe de l’UDF qui se vident)

M. Jean Dionis du Séjour - L’amendement 108 rectifié est défendu.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre – Même avis.

L'amendement 108 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Nous en arrivons à deux amendements identiques. Vous défendez le 123, Madame Billard ?

Mme Martine Billard - Vous déshonorez l’Assemblée, Monsieur le président, par une telle mascarade !

M. le Président – L’amendement 162 de M. Dutoit est-il défendu ? Non. Les amendement 4 et 3 de M. Blanc ne le sont pas non plus. Vous défendez votre amendement 122, Madame Billard ?

Mme Martine Billard - Je ne vais pas participer à cette mascarade ! (Mme Billard quitte à son tour l’hémicycle )

M. le Président – L’amendement 163 de M. Dutoit n’est pas défendu. Je constate que les amendements 124, 161, 164, 165 et 82 ne sont pas défendus. Je vais donc mettre aux voix l’article premier. Je vous indique que son adoption ferait tomber l’amendement 272, dont le vote a été précédemment réservé.

L'article premier, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Sur l’amendement 272, je suis saisi par le groupe UMP d’une demande de scrutin public.

À l’unanimité des 28 votants, l’amendement 272 est adopté.
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.
La séance est levée à 19 heures 50.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
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