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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du mardi 14 mars 2006

Séance de 15 heures

72ème jour de séance, 169ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

contrat PREMIÈRE embauche

M. François Hollande - Monsieur le Premier ministre, votre intervention à la télévision dimanche soir devait calmer les esprits. Elle a déclenché la colère. Tous vos aménagements sont apparus comme des atermoiements et vos timides compléments comme de simples ajustements. Rien n’a changé du CPE : il demeure un contrat de travail auquel il peut à tout moment être mis fin sans motif pendant deux ans. Vous avez proposé une concertation aux partenaires sociaux. Seul le Medef vous a répondu, les organisations syndicales considérant que n’ayant pas été consultées avant l’adoption du texte, elles n’avaient pas à être associées à son application dès lors qu’elles refusent la mesure en elle-même. Vos petites ouvertures, Monsieur le Premier ministre, sont apparues comme une grande fermeture.

Par votre obstination, vous prenez aujourd’hui le risque d’ouvrir un conflit long et lourd, dont nul ne peut prévoir l’issue (« On en a vu d’autres ! » sur les bancs du groupe UMP). Ce conflit n’est bon ni pour notre économie, ni pour l’éducation, ni pour l’ordre public. Quand d’aucuns dans votre Gouvernement prônent une politique de rupture, eh bien, la rupture est aujourd’hui consommée entre le pouvoir et une majorité de notre jeunesse (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP). Des voix s’élèvent, y compris dans votre propre majorité (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP), pour demander une nouvelle discussion, et même espérer l’annulation, totale ou partielle, du CPE par le Conseil constitutionnel. J’en connais même dans vos rangs certains qui doivent prier pour cette annulation. D’autres en appellent à un nouveau projet de loi sur le même sujet.

Avant que de nouvelles manifestations n’aient lieu, je vous demande dans un esprit de responsabilité et d’apaisement, Monsieur le Premier ministre, de retirer le CPE et d’ouvrir des négociations. L’autorité dont vous parlez commence par la sagesse (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains ; exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - En réponse à vos critiques, Monsieur le député, je souhaite vous faire part de ma détermination à lutter contre le chômage des jeunes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), dans le respect de la loi votée – est-il besoin de le rappeler à des parlementaires ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), et à avancer, dans un esprit de dialogue et d’ouverture, en particulier avec les organisations syndicales.

Je souhaite aussi vous rappeler les convictions qui sont les miennes. Face au chômage, nous ne pouvons pas fermer les yeux ni baisser les bras. Nous avons tous un devoir à l’égard des jeunes en difficulté. Tout d’abord, un devoir de vérité. Leur faire croire que nous pourrons leur donner un emploi sans rien changer dans notre pays, c’est faux, et vous le savez fort bien, Monsieur Hollande. Un devoir d’action ensuite. C’est en créant de nouveaux instruments à l’intention des jeunes comme le contrat d’accompagnement vers l’emploi, le dispositif Défense deuxième chance ou bien encore le contrat première embauche que nous ferons reculer leur chômage. Nous ne cherchons pas de solutions miracle, car nous savons qu’il n’en existe pas. Nous apportons, de manière pragmatique, des réponses à chaque difficulté rencontrée par les jeunes. Si le Gouvernement et la majorité tout entière s’engagent sur ce sujet, c’est qu’ils savent que le CPE est un contrat qui permettra de créer des emplois pour les jeunes en difficulté (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP), à l’instar de ce qu’a permis le CNE, avec 360 000 contrats signés en quelques mois, (« Où ? » sur les bancs du groupe socialiste), dont un tiers correspondant à des emplois nouveaux. (« Et combien de licenciements ? » sur les bancs du groupe socialiste). Le CPE marchera (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Des milliers de contrats attendent d’être signés, des milliers d’emplois sont en jeu.

Enfin, et c’est là pour moi l’essentiel, le CPE est un contrat juste et équilibré, qui offre de vraies garanties aux jeunes (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) tant en matière de formation que d’accès au logement ou au crédit. De manière tout à fait nouvelle, il comporte en cas de rupture un filet de sécurité que ne propose aucun autre contrat (Mêmes mouvements). Sortons un instant des généralités, Monsieur Hollande. Un jeune en CPE qui perdrait son emploi au bout de six mois aurait droit à un préavis d’un mois, un demi-mois de salaire, sept mois d’indemnisation chômage et un accompagnement personnalisé de l’ANPE grâce à un rendez-vous personnel tous les mois avec un conseiller. J’ai proposé que ce filet de sécurité soit encore étendu avec les partenaires sociaux : ainsi, un jeune en CPE dont le contrat serait rompu au bout de quelques mois pourrait avoir droit à une formation de trois mois, assortie d’un complément de rémunération. Soucieux de pragmatisme, nous avons également décidé que le dispositif serait évalué tous les six mois. Un bilan des embauches notamment sera réalisé avec les partenaires sociaux. Si ces évaluations révèlent que des ajustements sont nécessaires, nous y procéderons. En attendant, avançons, ne restons pas les bras croisés face aux attentes des Français (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste). J’en appelle à votre esprit de responsabilité (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) pour éviter toute surenchère et tout débordement. L’enjeu n’est rien moins que de répondre aux jeunes en difficulté et au-delà, de défendre notre modèle social. Monsieur Hollande, il vous faudra faire preuve de cet esprit de responsabilité avec le souci de l’action. C’est ce qu’attendent nos compatriotes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

contrat première embauche

M. Jean-Christophe Lagarde – Dès que l’amendement introduisant le CPE a été connu, le groupe UDF a alerté le Gouvernement sur les tensions (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et le rejet qu’il allait entraîner (Mêmes mouvements). Nous avons ainsi dénoncé la méthode qui a présidé à l’instauration de ce contrat, mais également son contenu.

La méthode, c’est cet amendement apparu par surprise et sans concertation avec les partenaires sociaux, la déclaration d’urgence qui limite la discussion au Parlement, l’utilisation du 49-3 qui constitue un passage en force, alors même que vous n’avez pas respecté votre engagement d’attendre un an pour évaluer le CNE avant d’en étendre le principe.

Nous avons également dénoncé le fond, notamment la période de précarité absolue de deux ans pour nos jeunes et le licenciement sans motif que même les entrepreneurs ne demandaient pas. Vous dites aujourd’hui, Monsieur le Premier ministre, que le CPE permettra aux jeunes des banlieues d’obtenir un emploi. Permettez à l’élu de banlieue que je suis de vous dire que si ces jeunes ne trouvent pas de travail, ce n’est pas parce que l’on ne peut pas les licencier, mais parce qu’on ne leur a pas donné la formation nécessaire qui leur permettrait d’être utiles dans une entreprise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF) Pour toutes ces raisons, le groupe UDF a voté contre votre projet.

Aujourd’hui, nous ne pouvons laisser notre pays s’enfoncer dans la crise. Des dizaines d’universités sont bloquées, les lycéens se mobilisent, les affrontements entre les jeunes et les forces de l’ordre se multiplient et aucun syndicat, même les plus réformistes, n’accepte de discuter avec le Gouvernement. A l'évidence, votre intervention de dimanche soir n'a pas apaisé la France. Monsieur le Premier Ministre, il est nécessaire de rouvrir un vrai dialogue portant sur l'ensemble du CPE. Vous pouvez et vous devez demander au Président de la République d'utiliser l'article 10 de la Constitution afin que le Parlement soit à nouveau saisi du projet de loi sur le CPE. C'est pour la France la seule voie permettant au Gouvernement de prendre le temps de discuter, de négocier avec les représentants des salariés, des entreprises et de la jeunesse. Monsieur le Premier Ministre il est préférable de négocier plutôt que de s’entredéchirer. Demandez au Chef de l'Etat une nouvelle délibération pour vous donner les moyens d'ouvrir un vrai dialogue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité  Vous connaissez la méthode que nous avons utilisée, Monsieur le député : 135 heures de débat et vote du CPE par l’Assemblée, puis discussion et vote au Sénat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Député de Seine-Saint-Denis, vous connaissez plus qu’ailleurs les difficultés que rencontrent les jeunes pour trouver un emploi. Vous en êtes si conscient que vous avez réclamé une ZFU dans votre ville et que l’avez d’ailleurs obtenue la semaine dernière (Huées sur les bancs du groupe UMP). Vous aussi vous voulez donc utiliser tous les outils nécessaires pour favoriser le développement de l’emploi ! Les territoires doivent certes être accompagnés, mais il faut également concevoir des démarches innovantes en matière de contrats de travail. Voilà ce qu’est le CPE ! Il faut savoir ce que nous voulons : polémiquer pendant des heures (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) ou avoir le courage de mettre en place des dispositifs novateurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Le Gouvernement a choisi, de même le Président de la République, qui a récemment réaffirmé son soutien au CPE ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

contrat première embauche

Mme Jacqueline Fraysse - Monsieur le Premier Ministre, votre présentation du CPE, il y a un mois, n’avait pas convaincu. Vous n'avez pas convaincu davantage lors de votre prestation télévisée de dimanche soir. Maintenant, vous voulez faire croire que ce contrat ne s'appliquerait qu'aux jeunes en difficulté sans qualification. C’est faux ! Votre contrat s'applique à tous les jeunes de moins de 26 ans sans exception, qu’ils soient ou non diplômés ! C’est votre loi, relisez-la ! Vous voulez faire croire que le droit du travail sera appliqué : c'est faux ! L’absence de justification en cas de licenciement – lequel peut se produire du jour au lendemain – constitue une dérogation au code du travail. Tous les abus seront permis ! Enfin, vous voulez faire croire que l'employeur n'a aucun intérêt à prendre un salarié en ayant l’objectif de le licencier pendant les deux premières années de son contrat. Mais pourquoi, alors, une période d'essai aussi longue pendant laquelle le licenciement est libre et sans aucun motif ? Nos concitoyens sont intelligents, ne l'oubliez jamais. Ce ne sont pas vos maigres propositions, après les manifestations de la semaine dernière, qui tromperont les jeunes et leurs familles. Ce contrat institue la précarité du travail des jeunes et vous le savez. Votre rigidité tout comme votre propension à nier la réalité appellent à amplifier le mouvement contre le CPE. Les jeunes le rejettent toujours, comme c’est d’ailleurs le cas à Paris X Nanterre ; plusieurs présidents d’Université le contestent également. Les organisations syndicales quant à elles n'ouvriront pas les négociations tant qu'il ne sera pas retiré. Certains, dans vos propres rangs, deviennent même raisonnables en demandant le retrait de ce contrat !

Monsieur le Premier Ministre, abandonnez votre attitude autoritaire ! Écoutez la voix de nos concitoyens qui vous demandent de retirer le CPE ! Allez-vous oui ou non les entendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et quelques bancs du groupe socialiste) )

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement  Le CPE ne crée pas la précarité. La difficulté de trouver un emploi pour la première fois est la même partout en Europe. L’apprentissage fonctionne, de même que les contrats de professionnalisation. Les jeunes qui ont bénéficié d’une formation très qualifiante, par exemple en IUT, trouvent facilement un travail, mais certains métiers nécessitent d’avoir au préalable une expérience. Le CPE n’est que l’un des nombreux contrats du droit du travail – il représentera peut-être 5 % à 10 % d’entre eux – mais il sera utile dans les cas où il est nécessaire d’emmagasiner de l’expérience. Lisez l’entretien de trois jeunes dans Le Parisien de ce jour : ils ont des diplômes, mais ils manquent de l’expérience nécessaire. Eux veulent bénéficier d’un CPE ! Les polémiques sont vaines (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

contrat première embauche

M. Jean-Claude Guibal - Monsieur le Premier Ministre, des démagogues qui se moquent pas mal des jeunes se servent d'eux, de l'angoisse des uns, de l’ingénuité des autres (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) et du militantisme d'un petit nombre pour se refaire une santé politique. A l'évidence, ce n'est pas l'avenir des jeunes qui les motive ni celui de notre pays. Leur véritable objectif est moins avouable : ils veulent gagner les élections et faire échouer les réformes initiées par le Gouvernement, car si ces réformes réussissaient, la preuve serait donnée que la politique de notre majorité peut sortir la France du marasme dans lequel elle s’enlise depuis vingt-cinq ans (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP ).

Vous avez confirmé dimanche soir aux Français que vous ne reviendriez pas sur le CPE, voté par le Parlement ; et vous avez bien fait, car les peuples ne respectent pas les faibles (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).Vous avez aussi proposé aux partenaires sociaux de négocier des garanties supplémentaires qui s’ajouteraient à celles – déjà nombreuses – que prévoit le CPE. Vous avez, comme l’a souligné Brice Hortefeux, tendu la main aux syndicats (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Nous verrons bien ceux qui sont sincères quand ils réclament davantage de dialogue ! Le CPE ne mérite ni excès d'honneur, ni l'excès d'indignité dont l'accablent certains, d’ailleurs minoritaires parmi les étudiants comme dans le pays. Il requiert en revanche encore plus de pédagogie, car il est au cœur de problématiques essentielles. En quoi le CPE est-il une arme contre la précarité ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) De quelles garanties est-il et pourrait-il encore être assorti ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement - Nous sommes là au cœur d’une problématique très difficile pour la France comme pour l’ensemble des pays européens. Le contexte de la mondialisation est celui d’une compétition. Certains de nos concurrents vivent dans des modèles d’une extrême flexibilité – et le mot est faible : la République populaire de Chine, l’Inde… L’Europe doit s’adapter. Tous les Etats européens essayent d’introduire de la souplesse et de la flexibilité dans leur économie, tout en assurant la sécurité des salariés. Les Britanniques l’ont fait, et leur taux de chômage est inférieur au nôtre ; les Italiens l’ont fait, et leur taux de chômage est de 7,7 % ; en Allemagne, la coalition CDU – socialistes a inscrit cette mesure dans son programme, avec une période d’essai de deux ans. Il s’agit de permettre une flexibilité dans l’un des premiers contrats de première embauche, mais avec le plus possible de garanties en termes de logement, d’indemnités et de deuxième formation (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). L’équilibre est certes difficile à trouver, mais c’est celui de la responsabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

politique de la ville

M. Georges Mothron - Nombre de quartiers sont depuis longtemps, Madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, le creuset et le reflet des maux de notre société : violence, habitat déqualifié, disparition des commerces de proximité, absence de lieux de vie et d'échange… Jeudi dernier, le Premier ministre a réuni le Comité interministériel des Villes et du Développement social urbain, auquel vous avez participé. Son objectif était de renouveler les fondements de la politique de la ville pour les années à venir. Au-delà des agissements de certains agitateurs et délinquants, les violences urbaines que nous avons connues étaient en effet un cri d’alerte des jeunes de ces quartiers devant une situation qui leur apparaît sans issue. Le Gouvernement s'attache donc à offrir à tous ces jeunes une vision d'avenir et les moyens de réussir leur intégration dans notre société et leur insertion sur le marché du travail. Le CPE, le développement de la formation en alternance et de l'apprentissage, la création de lieux d'écoute pour les jeunes ou la lutte contre les discriminations participent tous d'une même dynamique : redonner confiance et chances réelles à notre jeunesse. Comment le Gouvernement se mobilise-t-il en faveur d’une véritable politique globale pour la réussite de notre jeunesse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Plusieurs décisions importantes ont été prises jeudi dernier. Le Gouvernement a pris l’engagement de contractualiser à nouveau avec les villes, pour les accompagner dans les domaines du quotidien, au premier rang desquels l’emploi. Au-delà des mesures déjà prises – contacts systématiques de l’ANPE avec tous les jeunes, apprentissage, CPE – l’accompagnement du service civil volontaire est mis en place, ainsi que le service « défense deuxième chance », qui offrira à de nombreux jeunes une autre solution pour entamer un parcours professionnel. Nous allons également soutenir les dispositifs « école de la deuxième chance », qui s’adressent eux aussi à des jeunes très éloignés de l’école et de l’emploi.

Parce que la formation et l’accompagnement à l’école sont le moyen d’inscrire les jeunes dans des parcours personnels de réussite, nous prévoyons de renforcer les équipes de réussite éducative, premier dispositif spécifiquement dédié au jeune et à sa famille. Nous lançons, avec Gilles de Robien, les collèges « ambition réussite » (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), qui permettront, dans des quartiers ciblés, d’aider les jeunes à se former. S’agissant, enfin, de la citoyenneté et de la médiation sociale, nous allons doubler les effectifs des adultes relais, ces acteurs du quotidien qui sont à la disposition des associations. Nous avons là tous les outils pour répondre aux attentes des jeunes de nos quartiers (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

blocus des universités

M. Céleste Lett - Hier, les étudiants de l'université de Rennes II, appelés à se prononcer sur la fin du blocus de l’université, n’ont pu le faire. Plusieurs individus masqués sont en effet intervenus de façon musclée (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) pour mettre fin à l'assemblée générale avant que celle-ci puisse voter. Elle risquait en effet de mettre fin au blocus de l'université, au demeurant illégal, qui durait depuis plusieurs jours. Le Président de l'Université vient d’ailleurs d’être mis en demeure par le tribunal administratif de fournir des locaux aux étudiants qui souhaitent suivre les cours – car il y en a ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Déjà, dans la nuit de samedi à dimanche, la Sorbonne, occupée par plusieurs centaines de personnes, a dû être évacuée, alors que ces dernières jetaient sur les forces de l’ordre échelle d'incendie, chaises, livres de la bibliothèque de l'école des Chartes… Le bilan est désormais connu : outre la perte de plusieurs ouvrages anciens dont la valeur est difficilement estimable, plusieurs centaines de milliers d'euros de travaux, et surtout une semaine de fermeture avant que les milliers d'étudiants de la Sorbonne puissent reprendre les cours et préparer leurs examens.

Malheureusement, on pourrait multiplier les exemples de ce type. Est-il normal que des poignées d’individus puissent ainsi interdire à notre jeunesse d’étudier sereinement, qu’une minorité perturbe à ce point les établissements ? La loi étant votée, n’est-ce pas un refus flagrant de la démocratie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – Je profite de votre question pour faire le point sur la situation des universités. Trente-neuf universités fonctionnent tout à fait normalement, et 28 connaissent des perturbations, dont 17 sont fermées ou bloquées..

M. Julien Dray - Et les lycées ?

M. le Ministre - …sur 84 établissements, ce qui montre que l’immense majorité des étudiants veut suivre les cours, (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) quelle que soit leur opinion sur le CPE.

Certes, les étudiants peuvent avoir des inquiétudes, mais aucun démocrate ne peut admettre qu’une minorité empêche les étudiants de suivre les cours (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et leur parcours d’insertion professionnelle, car c’est grâce à ce parcours que leur inquiétude peut diminuer. A l’ensemble des étudiants, je dis que bien sur les manifestations sont autorisées, dans le cadre de la loi, les universités peuvent être le lieu de débats, dans le cadre de la loi. Mais la limite, c’est le respect de la loi, et des autres, qui veulent continuer à suivre leurs cours (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ainsi que l’a dit le vice-président de la conférence des présidents d’université, Yannick Vallée, le droit au blocage n’existe pas. J’appelle l’ensemble des étudiants et de la communauté universitaire à faire en sorte que sur l’ensemble du territoire, les cours soient assurés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Inconstitutionnalité du CPE

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Monsieur le Premier ministre, les Français rejettent massivement le CPE (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qui frappe les jeunes d’une discrimination négative.

Vous avez voulu passer en force au Parlement, par une sorte – la comparaison ne vous sera pas forcément désagréable – de bonapartisme législatif. Les députés socialistes et radicaux de gauche ont déféré cette loi au Conseil constitutionnel sur la base de trois griefs principaux.

D’abord, établir une discrimination fondée sur l’âge transgresse le principe constitutionnel d’égalité des salariés. Un jeune de 25 ans pourra être licencié sans motif par simple lettre recommandée, tandis qu’un jeune de 26 ans occupant le même poste dans la même entreprise sera convoqué à un entretien préalable et le motif lui sera communiqué.

M. Jean-Jacques Descamps - Et les emplois jeunes, c’était quoi ?

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Ensuite, même rebaptisée « période de consolidation », la période d’essai sera de deux ans contre un à trois mois pour les autres CDI . Cette longueur excessive contrevient à la convention 158 de l’OIT sur le licenciement et à la charte sociale européenne, engagements internationaux qui ont une autorité supérieure à celle des lois.

Un député UMP – Baratin !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Ces textes autorisent une dérogation pour la période d’essai, à condition qu’elle soit raisonnable. Sur cette base, la Cour de cassation a jugé abusive une période de trois mois pour un coursier. Avec le CPE, un directeur de Mac Do aura deux ans pour apprécier si un livreur de hamburgers donne satisfaction… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Dord - C’est scandaleux !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg – Enfin, la Constitution oblige le Gouvernement à consulter le Conseil d’État avant de soumettre un projet au Parlement. Vous avez pris son avis sur le projet relatif à l’égalité des chances lorsqu’il ne comportait pas l’article créant le CPE, introduit par amendement gouvernemental, lequel a été déposé après la consultation du Conseil d’État.

M. Maxime Gremetz - Très juste !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Pour créer le CPE, vous avez cru pouvoir vous exonérer de toutes les procédures démocratiques (La question ! sur de nombreux bancs du groupe UMP). Vous avez exclu le dialogue social, esquivé le Conseil d’État, escamoté le débat à l’Assemblée nationale. Mais il reste sur votre route le Conseil constitutionnel. Je souhaite qu’il censure votre texte injuste, inefficace et anticonstitutionnel.

M. le Président – Veuillez poser votre question.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Le problème n’est pas seulement juridique. Vous avez créé une crise politique, notre pays est dans un malaise croissant. Dans l’intérêt national, êtes-vous prêt à retirer enfin ce texte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement - Monsieur Schwartzenberg, je ne doute pas que vos qualités éminentes vous amènent un jour au Conseil constitutionnel. Mais pour l’instant, c’est à lui de répondre. Je vous indique simplement l’opinion que le Gouvernement lui transmettra sur les deux points que vous soulevez.

D’abord, dans sa décision du 22 juillet 2005, à propos du principe d’égalité, le Conseil a déclaré ceci : « aucun principe non plus qu’aucune règle constitutionnelle n’interdit au législateur de prendre des mesures propres à venir en aide à des catégories de personnes rencontrant des difficultés particulières. » Ce raisonnement s’applique au CPE.

D’autre part, le droit d’amendement du Gouvernement est limité en deuxième lecture, mais ne l’est pas en première lecture. L’amendement dont il est question a été présenté en première lecture. En ce qui nous concerne, nous attendrons sereinement la décision du Conseil constitutionnel (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Évaluation du contrat nouvelles embauches

M. Claude Gaillard – Monsieur le Premier ministre, ma question concerne la lutte contre le chômage. Mais d’abord, je voudrais dire à l’opposition, qui a déjà gouverné et a vocation à gouverner de nouveau un jour, qu’il y a des limites à la démagogie et à la caricature et que les dépasser est en quelque sorte criminel (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Il y a six mois, le débat sur le contrat nouvelle embauche nous a déjà valu des procès d’intention. Le groupe UMP a alors demandé une évaluation au bout de deux ans. Etant donné ce qu’est la discussion aujourd’hui, pouvez-vous nous communiquer de premières évaluations permettant de mesurer si la voie empruntée permet d’être optimiste face aux difficultés que notre pays connaît depuis trop longtemps ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – La parole est à M. Dutreil.

M. Jean Le Garrec - A Reims !

M. Henri Emmanuelli - Rendez-nous Catherine Vautrin !

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales – Pendant trop longtemps, la politique de l’emploi a méconnu les très petites entreprises, lesquelles représentent pourtant 95 % de nos entreprises et 40 % des emplois. Négociées avec les grandes centrales syndicales et les représentants des grands groupes industriels, les principales mesures en faveur de l’emploi méconnaissaient souvent leur spécificité. En créant à leur intention le CNE, nous avons changé la donne et les 350 000 contrats déjà signés attestent du succès de la mesure (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Jamais un dispositif n’avait rencontré un tel succès et ce sont d’ores et déjà plus de 100 000 emplois qui ont été créés sous ce mode, nombre d’entre eux profitant à des jeunes. Au reste, entre le chômage et un CNE, les jeunes n’hésitent pas longtemps : ils signent d’enthousiasme pour cette nouvelle chance. Résultat, les chiffres du chômage ont connu une évolution favorable…

M. Alain Vidalies – Parlez-nous des 50 000 érémistes de plus !

M. le Ministre – Et il faut juger l’arbre à ses fruits. Il y a ceux qui critiquent, ceux qui, comme Mme Royal en Poitou-Charentes, se proposent de punir les artisans et les chefs de petites entreprises… (Huées sur les bancs du groupe UMP), et ceux, qui, comme nous, luttent pour l’emploi et pour la survie des plus petites affaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

BILAN DU CHèQUE EMPLOI TPE

M. Martial Saddier – Monsieur le ministre des PME, le Gouvernement a fait de l'emploi sa priorité et mis en place dans ce cadre un plan d'urgence, tendant notamment à développer l'emploi dans les TPE. Celles-ci représentent 95 % des 2,5 millions d'entreprises que compte notre pays et près de 40 % des emplois dans le secteur marchand. Elles constituent donc un levier de croissance économique et un vivier d'emplois. Diffusé à compter du 1er septembre 2005, le chèque emploi TPE vise à simplifier les formalités d'embauche – déclaration préalable et contrat de travail – pour les entreprises de cinq salariés au plus, quel que soit leur secteur d'activité, et constitue tout à la fois un bulletin de salaire et un moyen de paiement. Pouvez-vous dresser un premier bilan de ce dispositif, six mois après qu’il a été mis en œuvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – La parole est à M. Dutreil.

M. Henri Emmanuelli - Encore ! On préfère Catherine !

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales - Pour m’être rendu dans votre circonscription de Haute-Savoie, je sais que les TPE y sont nombreuses et qu’elles contribuent au premier chef à son dynamisme économique. Or qu’attendent les petites et moyennes structures ? Qu’on leur simplifie la vie en rendant plus faciles toutes les formalités administratives, dont celles qui ont trait à l’embauche. Avec le chèque emploi TPE, auquel plus de 20 000 entreprises ont adhéré en six mois, nous répondons à cette attente de simplification et cela est bon pour l’emploi. Au reste, l’ambition de simplifier les démarches anime l’ensemble du Gouvernement et nous nous attachons, avec Jean-François Copé et Philippe Bas, à simplifier de manière significative les démarches fiscales et sociales incombant aux plus petites entreprises. Nous sommes convaincus que tout ce qui va dans le sens d’une simplification crée de l’emploi (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

RÔLE de l’État actionnaire

M. Jean-Pierre Balligand – Ma question s’adresse à Thierry Breton. Des réactions aux OPA hostiles aux annonces de fusions bancaires, le Gouvernement est à la manœuvre, l’un de ses derniers coups étant de vouloir accélérer la naissance d’une grande entreprise énergétique par le rapprochement de Suez et de Gaz de France. En orchestrant cette privatisation de GDF, le Gouvernement a menti au Parlement, puisqu’en 2004, un ministre s’était formellement engagé ici-même à ce que l’État ne renonce jamais à détenir moins de 70 % du capital de Gaz de France. En outre, EDF est l’autre grande victime de cette opération, dans la mesure où va être cédé à un grand groupe privé concurrent le trésor inestimable que représente le fichier des onze millions de clients de Gaz de France, à moins d’un an de l’ouverture du marché de l’électricité…

Plusieurs députés socialistes – Trahison !

M. Jean-Pierre Balligand - Vous allez porter un coup fatal à un opérateur qui se situe parmi les plus performants du monde. Las, vous ne vous en tenez pas là et les projets de rapprochements entre la Banque populaire et la Caisse d’épargne viennent d’être rendus publics : c’est au tour de la Caisse des Dépôts de faire les frais de votre jeu de Meccano sans vision stratégique !

Monsieur le ministre de l’économie, votre conception de l’État actionnaire est-elle de privilégier les affinités au détriment de l’intérêt général ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État - Monsieur le député, j’ai l’habitude de vous entendre sur les questions relatives aux finances locales et je suis déçu de constater que vous n’avez pas la même hauteur de vues ni la même rigueur pour ce qui concerne la politique industrielle…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nul ! Zéro pointé !

M. le Ministre délégué – En cette matière, vous êtes simplement… socialiste, c’est-à-dire théorique, loin des réalités et dépourvu de vision d’avenir (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Je me dois de rappeler la situation des principales entreprises publiques à notre arrivée aux responsabilités : France Télécom très endettée, EDF entravée dans toutes ses tentatives de développement…

Plusieurs députés socialistes – Répondez à la question !

M. le Ministre délégué – …la Poste et la SNCF dans des situations respectives guère plus enviables. Pour chacune d’entre elles, nous avons pris, en faisant du respect du service public une priorité, des décisions adaptées. Aujourd’hui, le projet Suez-Gaz de France constitue un très bel exemple de modernisation industrielle, à l’échelle de l’Europe et du monde. Il s’agit de créer un groupe de dimension mondiale ayant vocation à créer de nombreux emplois. Bien entendu, Gaz de France respectera ses obligations de service public, en matière de statut des personnels comme de services aux abonnés.

Au fond, ce sont moins les positions théoriques telles que les décrivent les manuels qui nous opposent, que nos capacités respectives à proposer des réponses pragmatiques (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

AIDES AUX ENTREPRISES AFFECTéES PAR LE CHIKUNGUNYA

M. René-Paul Victoria – Monsieur le ministre de l’outre-mer, lors de son passage – en votre compagnie – à la Réunion, le Premier ministre a annoncé des mesures d’aide aux entreprises touchées par le chikungunya. Les acteurs économiques et politiques locaux ont approuvé cette démarche à l’unanimité, les quelque 60 millions d’aides débloqués étant naturellement bienvenus. En leur nom, je remercie le Gouvernement. Le Premier ministre a également déclaré que la gestion du fonds de secours serait déconcentrée, puisque placée sous l’autorité du préfet.

Or il semble que la circulaire interministérielle précisant les critères et les modalités des aides remette en cause ce principe. S’agissant des seuils, elle introduirait une complexité incompatible avec l’urgence et la gravité de la situation : beaucoup d’entreprises ont subi des pertes qui correspondent bien aux 80 % annoncés par le Premier ministre. Pourriez-vous, Monsieur le ministre, confirmer le pourcentage retenu ?

Par ailleurs, pourriez-vous nous assurer que cette gestion se fera de manière déconcentrée, afin de mieux prendre en compte la situation de chaque entreprise ? Devant l’urgence, les réponses doivent être rapides et efficaces, adaptées aux réalités du terrain (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer - J’entamerai vendredi un déplacement de trois jours à la Réunion, afin d’évaluer, selon les instructions du Premier ministre, le dispositif exceptionnel de solidarité nationale, mis en place pour accompagner cette crise exceptionnelle.

La méthode retenue privilégie l’efficacité et la rapidité. Dès la fin du mois de mars, les entreprises seront accompagnées financièrement dans le recouvrement du déficit d’exploitation, lié notamment aux arrêts maladie de leurs collaborateurs, dans la limite de 80 %.

Le Préfet aura une grande latitude d’appréciation, en liaison avec un comité de pilotage réunissant les élus locaux et les partenaires économiques. Ce dispositif fera l’objet d’un suivi et d’une évaluation régulière. Comme Dominique de Villepin s’y est engagé, s’il faut aller plus loin en termes de montants et d’évolution des taux de couverture des pertes d’exploitation, le Gouvernement le fera. L’épidémie se poursuit, la solidarité nationale ne faiblit pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

politique du logement

M. Gilbert Meyer – Avec 270 000 mises en chantier et moins de 50 000 logements sociaux construits par an en dix ans, notre pays est entré dans une crise grave du logement. Face à cet héritage, le Gouvernement a pris les mesures qui s’imposaient (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). En 2005, nous avons ainsi enregistré 402 000 mises en chantier et 80 000 constructions de logements sociaux.

Le Gouvernement s’est attaqué à tous les aspects des problèmes rencontrés quotidiennement par les Français, prenant des mesures pour mobiliser les parcs public et privé, telles que la modernisation de l’ANAH et le dispositif de lutte contre l’habitat indigne. Il a aussi favorisé l’accession à la propriété des ménages modestes, grâce à la maison à cent mille euros et au prêt à taux zéro. Pour répondre à la crise du logement locatif social, il a mis en œuvre le programme de rénovation urbaine et fait voter, le 31 janvier dernier, la loi relative à l’engagement national pour le logement. Pourriez-vous, Monsieur le ministre, faire un point d’étape sur la situation du logement social en France et indiquer comment le Gouvernement compte poursuivre cette mobilisation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement - Lorsque nous sommes arrivés au Gouvernement, la crise était aussi grave que trente ans auparavant, car on avait construit pendant la décennie précédente deux fois moins de logements sociaux que notre pays n’avait coutume d’en produire. Des retards considérables dans certains quartiers nécessitaient un grand plan de rénovation urbaine.

Les chiffres, comme la méthode, sont simples : l’objectif de doublement des constructions a été atteint dans les délais prévus. La deuxième étape consiste à tripler le nombre de logements sociaux construits et de développer parallèlement l’accession populaire à la propriété, en triplant les prêts à taux zéro et en faisant passer le taux de TVA à 5,5 % dans certains de nos quartiers. Nous comptons ainsi construire 500 000 logements et utiliser, pour la libération du foncier, l’ancienne loi Meyer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) .

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Maurice Leroy.
PRÉSIDENCE de M. Maurice LEROY
vice-président

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DROIT D'AUTEUR ET DROITS VOISINS DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.

après l'Art. 5 (suite)

M. le Président - Jeudi soir, l’Assemblée a entamé la discussion de cinq amendements après l’article 5 et soumis à discussion commune. Ces amendements – 185, rectifié, 183, 187, 94 rectifié et 184 – ont été présentés par leurs auteurs et débattus, puis le Gouvernement et la commission ont donné leur avis sur chacun d’entre eux : il n’est donc pas nécessaire de rouvrir le débat.

L’amendement 185 rectifié, présenté par M. Alain Suguenot, était assorti d’un sous-amendement 323, qui a fait l’objet d’un avis défavorable de la part du Gouvernement et de la commission. Le vote sur ce sous-amendement ayant été reporté en application de l’article 67, alinéa 3 du Règlement, nous en venons maintenant au vote sur le sous-amendement 323, sur lequel le groupe socialiste avait demandé un scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l'Assemblée nationale. Vous avez la parole, Monsieur Bloche.

M. Patrick Bloche – En raison de la vérification du quorum demandée par M. Morin au nom du groupe UDF, nous en venons en effet directement à un vote. Mais il me semble nécessaire d’appeler tout particulièrement l’attention de notre Assemblée sur l’amendement 94 rectifié, qui va être mis aux voix dans quelques instants.

Chaque innovation technologique – piano mécanique, radio et télévision, photocopie, cassettes audio ou magnétoscope – perturbe dans un premier temps les modèles utilisés par les industries culturelles, et réactive les tensions entre auteurs, producteurs, artistes-interprètes et utilisateurs autour de la rémunération et des modes de contrôle économique des exploitations nouvelles. Toutefois, ces oppositions se sont toujours conclues par des compromis dynamiques : reconnaissance de nouveaux « droits » pour les titulaires et les utilisateurs, mise en place de nouveaux modes de rémunération, extension de la gestion collective, ouverture de nouveaux marchés, et enfin émergence de nouveaux acteurs.

La diffusion radiophonique et télévisuelle, puis l'apparition des cassettes audio et du magnétoscope, furent ainsi perçues et dénoncées comme des menaces mortelles pour les industries culturelles. Or, chacun sait ce qu'il advint : ces vecteurs sont devenus une source essentielle de croissance et de financement pour la musique et le cinéma, auxquels l'octroi d'une rémunération pour copie privée a en outre apporté une ressource additionnelle. L'adoption d'une redevance pour reprographie a également permis une meilleure maîtrise des pratiques de reproduction et a dégagé une ressource non négligeable pour les titulaires de droits.

Dans chacune de ces crises, le droit d'auteur a révélé ses capacités d'adaptation, et les pouvoirs publics sont intervenus pour préserver l'équilibre entre les intérêts des titulaires de droit et ceux du public, tout en encourageant un développement profitable du progrès technique.

Dans le nouvel univers numérique, le développement rapide du téléchargement des œuvres et l'essor des échanges entre particuliers bousculent à nouveau le modèle économique des industries culturelles, qui reste fondé sur le primat de la distribution physique et la vente unitaire des œuvres.

Les difficultés d'une telle période de transition se manifestent aujourd'hui par la coexistence de deux phénomènes des plus préoccupants. Tout d’abord, bien que le téléchargement individuel puisse être considéré comme une copie privée, et constitue un admirable vecteur d'accès à la culture dans toute sa diversité, notamment pour les plus jeunes des internautes, la multiplication des poursuites et le prononcé de quelques condamnations font peser une insécurité juridique sur des millions de personnes. Dans le même temps, l'essor de nouveaux usages ne s'accompagne d'aucune rémunération pour les œuvres téléchargées ou échangées. Cette situation, qui pénalise lourdement les créateurs, est d'autant plus problématique que le public ne se voit proposer aucune solution lui permettant de les rémunérer.

Les réponses à ces deux problèmes ne sont pourtant pas incompatibles. Il serait ainsi possible d’étendre la rémunération pour copie privée à tous les supports numériques – amovibles ou intégrés – ou encore de l'étendre à l'activité des fournisseurs d'accès, directement liée à l'essor des échanges numériques. Tel est précisément l’objet de notre amendement 94 rectifié : le téléchargement individuel, non commercial et dénué d'intention frauduleuse, ne serait plus assimilé à de la contrefaçon, mais relèverait désormais explicitement des pratiques de copie privée.

J’ajoute que de telles propositions rejoignent les recommandations du Conseil économique et social, qui propose « de qualifier de copie privée les téléchargements d'œuvres, au lieu de les assimiler systématiquement à du piratage », de même que l'opinion de nombreux professeurs de droit et la décision de la première Cour d'appel saisie de cette question. Nous nous placerions en effet dans le droit fil du considérant 39 de la directive : « Lorsqu'il s'agit d'appliquer l'exception ou la limitation pour copie privée, les Etats membres doivent dûment tenir compte de l'évolution technologique et économique, en particulier pour ce qui concerne la copie privée ».

Il serait donc souhaitable que le législateur encourage les acteurs déjà représentés au sein de la commission chargée de fixer les rémunérations pour copie privée à sortir de l'impasse actuelle, en leur permettant d’étendre de telles rémunérations aux fournisseurs d'accès, formule la plus susceptible de rencontrer un consensus. Les simulations disponibles attestent en effet qu'un tel prélèvement apporterait un revenu significatif aux auteurs et artistes, en proportion des utilisations en ligne, et qu’il permettrait de financer des actions de soutien en faveur des industries culturelles, en particulier les éditeurs et producteurs indépendants, qui doivent opérer leur transition vers l'économie numérique des biens culturels. L’amendement 94 rectifié ne compromettrait pas le succès d’offres commerciales en ligne. Son vote garantirait une ressource nouvelle décisive pour la culture. Il est normal que les fournisseurs d’accès à internet contribuent à son financement, tout comme la télévision finance aujourd’hui le cinéma. Ne ratons pas cette occasion !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - Le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à ces amendements et à ce sous-amendement qui s’inscrivent dans la logique de la licence globale. Sur l’important sujet de la copie privée, j’aurai l’occasion de m’exprimer de nouveau lors de l’examen des articles la concernant ainsi que le financement de la création.

M. Christian Paul - Pourquoi ne pas le faire dès maintenant ?

M. Alain Suguenot - La nouvelle version du projet de loi elle-même, notamment après l’adoption de l’amendement de notre collègue Dutoit qui prévoit la création de plates-formes de téléchargement publiques, exigerait que les fournisseurs d’accès à internet soient associés au financement de la culture. Refuser cette nouvelle recette, c’est mettre en péril la rémunération pour copie privée – à moins que celle-ci ne doive être tout simplement supprimée, si le droit à copie privée est bafoué ! – et priver la culture de moyens de financement considérables, le marché étant d’ores et déjà exponentiel.

Mme Christine Boutin - Très bien.

M. Christian Paul – La relecture des débats parlementaires sur la loi de 1984, dernière grande loi relative aux droits d’auteur, fait apparaître que vous aviez aujourd’hui le choix, Monsieur le ministre, entre deux attitudes : ou bien adapter ces droits à la nouvelle donne issue de l’économie de l’internet, ou bien procéder à leur « glaciation », au risque de dommages collatéraux considérables. Ayant choisi la deuxième option, vous vous privez de recettes considérables, dès la première année, pour le financement de la culture, et vous mettez en péril la rémunération pour copie privée. A défaut de modifier vos positions sur d’autres aspects de la loi, vous auriez pu faire preuve d’ouverture au moins sur cette question-là.

A la majorité de 53 voix contre 18 sur 71 votants et 71 suffrages exprimés, le sous-amendement 323 n’est pas adopté.
L'amendement 185 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.
L’amendement 183, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l’amendement 187.

M. Alain Bocquet - Je tiens à cet instant à dire combien nous sommes favorables à ce que les fournisseurs d’accès contribuent au financement de la culture sur internet. Dans le contexte actuel, la redevance sur les supports numériques vierges n’a plus aucune légitimité ni même aucun sens. Les CD et les DVD vierges n’ayant plus vocation, sinon de manière marginale, à permettre la copie de contenus culturels, mais étant devenus les supports ordinaires de gravure des données numériques, la taxe qui les frappe est obsolète. En revanche, nombre de Français s’abonnent aujourd’hui à internet pour avoir accès à des contenus culturels, ce qui est source de profits considérables pour les fournisseurs d’accès. Il n’est donc pas inutile de réfléchir à de nouveaux modes de financement de la culture, notamment par le biais d’une taxation de ces fournisseurs. Mais d’autres pistes existent. Le groupe UDF propose de taxer les plates-formes payantes, notre collègue Mme Billard songe, elle, aux sonneries de téléphones portables, source d’importants revenus pour la musique. Le groupe communiste et républicain votera donc l’amendement 184.

L'amendement 94 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 184, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Bloche - Alors même que nos collègues Alain Bocquet et Alain Suguenot, d’un bord pourtant différent, se sont exprimés dans le même sens, nous ne comprenons pas, Monsieur le ministre, votre refus obstiné de donner le feu vert pour faire contribuer les fournisseurs d’accès à internet. Si, comme vous le dites, vous aimez les artistes et les créateurs, êtes attaché à la création et à la diversité culturelle, garantie par la convention adoptée par l’UNESCO, dont vous aimez à vous prévaloir, au-delà des mots, il faut des actes ! Les fournisseurs d’accès ont largement profité de la culture pour remplir leurs tuyaux. Il ne serait donc pas illégitime qu’ils participent à son financement.

Mme Christine Boutin - Absolument.

M. Patrick Bloche - Votre refus est incompréhensible, d’autant que la télévision, elle, finance bien aujourd’hui le cinéma. C’est au nom même de la diversité culturelle et du droit à rémunération pour les auteurs et les artistes que nous demandons que les fournisseurs d’accès soient mis à contribution. Tel est le sens de notre amendement 96 rectifié.

Dans sa rédaction actuelle, le second alinéa de l’article L.311-4 du code de la propriété intellectuelle se limite à prévoir que la rémunération pour copie privée est fonction du type de support et de la durée d’enregistrement. Étant donné que, selon le type d’œuvre enregistré sur un même support, les capacité requises sont très différentes, la commission chargée de fixer les rémunérations devrait tenir compte de la capacité d’enregistrement, et non de la seule durée. D’une manière plus générale, dans un contexte de mutations rapides des techniques, des modes de gestion des œuvres et des pratiques des usagers, le législateur, dans un souci de rémunération équitable, doit inviter cette commission à prendre en compte les évolutions constatées.

Ainsi, le considérant 47 et l’article 5-2-b de la directive prévoient que la compensation équitable due au titre de la copie privée « prend en compte l’application ou non des mesures techniques ». Or, cette disposition, qui est un facteur essentiel d’équité économique entre utilisateurs et titulaires de droits et un élément d’arbitrage raisonné pour les industriels et titulaires de droits entre rémunération équitable et gestion numérique des droits, n’a pas été reprise dans le projet de loi. Nous proposons donc, par notre amendement, que l’incidence constatée de la mise en œuvre des mesures techniques sur le bénéfice effectif de la copie privée soit prise en compte dans la fixation de la rémunération pour copie privée.

M. Christian Vanneste, rapporteur de la commission des lois – Internet et le numérique ont révolutionné l’économie culturelle, en lui donnant une dimension beaucoup plus personnelle et moins collective, ce qui justifie notre opposition à la licence globale et à l’identification du téléchargement et de la copie privée. En effet, la directive européenne demande que l’on adapte les rémunérations pour copies privées à l’évolution de leur nombre mais tel sera précisément le cas avec l’amendement 23 rectifié après l’article 5 disposant que la rémunération tient compte des éventuelles incidences, sur les usages des consommateurs, de l’utilisation des mesures techniques de protection. Avis défavorable.

M. le Ministre – Même avis. Je partage l’objectif de MM. Bloche et Christian Paul : il faut trouver de nouveaux moyens de financement pour la production cinématographique, audiovisuelle et musicale.

Mme Christine Boutin – C’est indispensable.

M. le Ministre – Il convient d’ailleurs d’adapter la législation pour que les fournisseurs d’accès à internet puissent jouer ce rôle majeur en faveur de la création. Il existe des modalités adaptées de contribution qui ne sont pas contraires aux intérêts des fournisseurs d’accès. Les services de VOD, par exemple, sont déjà soumis à une taxe de 2 % pour financer le Comité de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels.

M. Christian Paul - Combien rapporte-t-elle ?

M. le Ministre – Mais il faut aller plus loin. Un accord interprofessionnel sur la vidéo à la demande a ainsi été cosigné le 20 décembre dernier par des représentants de la création cinématographique et des fournisseurs d’accès à internet, des opérateurs de télévisions et de communications électroniques. Il prévoit une contribution financière nouvelle des opérateurs de cinéma à la demande pour la création d’œuvres européennes et françaises. Cet accord, qui entrera en vigueur dès que la loi aura été adoptée, aura des conséquences importantes. J’ajoute que la proposition de révision de la directive télévision sans frontière actuellement débattue à Bruxelles prévoit également une contribution des services non linéaires à la création d’œuvres européennes.

M. Christian Paul – J’ai rendu hommage à votre entêtement, Monsieur le ministre, et je voudrais pouvoir en faire de même quant à votre vision de l’avenir. Nous souhaiterions vous entendre dire que si la création d’une redevance sur les fournisseurs d’accès n’est pas possible dans l’immédiat, elle sera possible à court ou moyen termes. Or, vous ne dites rien de tel, et ce silence est préjudiciable. Il en va de l’équité entre les artistes, les ayants droit et le public. La redevance pour copie privée doit dépendre des mesures techniques de protection. M. le rapporteur, pour la première fois, a prophétisé la baisse de la rémunération et M. le ministre, lui, refuse d’envisager des rémunérations nouvelles, ce qui sera dommageable pour la culture et en particulier pour la musique.

M. Jean Dionis du Séjour – Les ressources pour copies privées ne se portent pas mal puisqu’elles augmentent ! Les bonnes décisions ont donc été prises, y compris concernant l’élargissement des bases aux baladeurs ou aux accessoires de téléphonie. En outre, une période d’observation est en effet nécessaire car nous entrons dans une phase de transition s’agissant de l’impact des DRM sur la copie privée. De surcroît, dans l’hypothèse d’une baisse des rémunérations, il sera toujours possible d’élargir la base – pourquoi une taxe sur les fournisseurs d’accès à internet et pas sur les disques durs des PC ou les plateformes payantes ? En ce domaine, personne ne manque d’imagination ! Enfin, il faut séparer la question de l’aide à la création – les 25 % prélevés au titre de la redevance pour copie privée – et les 75 % qui restent aux ayants droit. S’agissant de l’aide à la création, le groupe UDF soutiendra le Gouvernement. Nous proposerons d’ailleurs un amendement portant ce taux à 30 %.

Veut-on ou non continuer à gagner la bataille de la diffusion sur internet ? La position de M. le rapporteur me semble sage. Le groupe UDF s’opposera donc à cet amendement.

M. Didier Mathus – Il s’agit au fond d’élaborer les barèmes de la copie privée en fonction de l’incidence des DRM et des MTP. Ce projet défend les seuls intérêts de l’industrie musicale (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Richard Cazenave - Changez de discours !

M. Didier Mathus – C’est ce qui justifie la surveillance policière des échanges électroniques et le traçage des internautes par les DRM au bénéfice de quelques industriels.

M. Richard Cazenave - C’est le contraire !

M. Didier Mathus – Les consommateurs devront à la fois acquitter une taxe pour la copie privée et supporter une amende lorsqu’ils exerceront ce droit ! Sachant que 80 % des copies privées sont aujourd’hui effectuées sur internet, le Gouvernement menace leur existence même. A quand la fin de la redevance pour copie privée, donc la suppression de dizaines de festivals ?

M. Richard Cazenave – Agiter des peurs et faire des caricatures n’est pas digne de la complexité de cette question.

M. Jérôme Lambert - Répondez !

M. Richard Cazenave – L’amendement 23 rectifié permet en effet d’observer ce qui se passera quant à la redevance. Nous ne pouvons savoir aujourd’hui si elle augmentera ou diminuera.

M. Christian Paul - Gouverner, c’est prévoir !

M. Richard Cazenave – Nous étudierons alors l’ensemble des solutions possibles pour envisager une redevance complémentaire.

M. Jérôme Lambert - Ils avancent dans le brouillard !

M. Richard Cazenave - Faire payer les FAI aurait deux conséquences : une répercussion sur le coût d’accès à internet –, au risque d’aggraver la fracture numérique ; l’identification du droit à la copie privée au simple droit de télécharger. C’est la négation même de ce projet visant à transposer la directive de Bruxelles. J’aurais certes préféré que l’on puisse faire plaisir à tout le monde et qu’il ne soit pas nécessaire d’installer des mesures techniques de protection – je proposerai d’ailleurs des amendements pour que celles-ci ne constituent pas un obstacle à l’interopérabilité et aux logiciels libres – mais on ne peut faire rentrer la licence globale par la fenêtre quand on vient de la faire sortir par la porte ! Il n’y a pas d’un côté les gentils modernes qui veulent développer la gratuité et faciliter l’accès de tous à la culture et les ringards qui s’y refusent ! Nous nous opposerons quant à nous à cette série d’amendements.

M. Patrick Bloche - L’intervention de M. Cazenave montre bien dans quelle contradiction le Gouvernement et sa majorité sont enfermés. Vous nous avez expliqué, des heures durant, que la rémunération forfaitaire acquittée par chaque internaute dans le cadre d’une licence globale était insuffisante. Et vous venez maintenant nous dire que taxer les fournisseurs d’accès à internet les conduirait à répercuter cette charge sur le montant des abonnements !

Ce que nous proposons s’inscrit du reste pleinement dans l’esprit de la directive, qui est bien de maintenir un équilibre entre les mesures de protection technique et la préservation de la copie privée. Dans le cadre actuel, la redevance pour copie privée ne pourra que baisser, puisqu’elle est fondée en grande partie sur la taxation des supports vierges et que nous sommes entrés dans une logique de dématérialisation. On peut faire le choix d’étendre la rémunération pour copie privée à tous les supports numériques, amovibles ou intégrés, mais on peut aussi, comme nous le proposons, mettre à contribution les fournisseurs d’accès à internet.

M. le Président – Sur le vote de l’amendement 96 rectifié, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

M. Alain Suguenot – Ne revenons plus à la licence globale : ce débat a été tranché à l’article premier. Il s’agit désormais de savoir si la copie privée existe encore, et si la rémunération pour copie privée n’est pas menacée par la limitation du droit à copie privée – ce qui est inévitable à terme. Comment le consommateur pourrait-il, en effet, accepter de payer pour quelque chose auquel il n’aurait pas droit ? Par ailleurs, le peer to peer existe-t-il encore, ou est-il interdit ? Regardons comment les autres pays d’Europe ont transposé la directive : les Pays-Bas considèrent avec raison que le téléchargement est essentiel, et qu’il y a un lien direct entre téléchargement et copie privée ; les Britanniques ont laissé à la jurisprudence le soin de préciser dans quels cas il s’agit d’une copie privée, selon l’usage qui en est fait – la directive parle d’usage privé. Chez nous, on admet d’emblée que le fournisseur d’accès ne pourra pas contribuer. Pourquoi ne pas explorer d’autres pistes, comme l’offre de chargement limité - moyennant un forfait de base – à laquelle pensait Louis Bertignac ? Ne fermons pas la porte aux solutions qui pourraient s’offrir : le problème n’est plus celui de la licence globale. Ajouter à la liste les fournisseurs d’accès, comme le proposent plusieurs amendements, n’est que justice.

Mme Christine Boutin - Très bien !

A la majorité de 33 voix contre 25 sur 58 votants et 58 suffrages exprimés, l’amendement 96 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Bloche – Nous faisons régulièrement appel à des études techniques ou économiques, qui ont l’inconvénient d’être fournies par des parties prenantes au débat. Or, il y a un moyen pour le législateur de travailler sur une base objective : que la commission chargée de fixer les rémunérations pour copie privée fournisse elle-même ses propres études. L’amendement 97 vise donc à affecter 1 % du montant global de la rémunération pour copie privée au financement d’études et d’évaluations indépendantes.

M. le Rapporteur – La question des moyens de fonctionnement de la commission pour copie privée mérite en effet d’être examinée avec intérêt. Les associations de consommateurs regrettent d’ailleurs que la participation aux réunions de la commission ne donne pas lieu à rémunération.

Mme Christine Boutin - Ce n’est pas le problème !

M. le Rapporteur – Il appartient au Gouvernement de résoudre ce problème ; la solution proposée ici est sans commune proportion avec la réalité du problème. Un prélèvement de 1 % de la rémunération pour copie privée représenterait en effet 1,5 millions d’euros, ce qui est beaucoup pour financer quelques études et un rapport annuel. La commission étant présidée par un représentant de l’État et établissant un barème de nature administrative, son fonctionnement doit être financé par le budget de la Culture, comme c’est le cas aujourd’hui. Laissez aux auteurs tous leurs droits ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) L’amendement est du reste satisfait sur un point par l’amendement 24 de la commission, qui pose le principe d’un rapport annuel de la commission pour copie privée et du collège des médiateurs.

M. le Ministre – Avis défavorable. L’affectation d’une part de la rémunération à des frais de gestion priverait les ayants droit de légitimes ressources et réduirait les actions d’aide à la création et au spectacle vivant. Le fonctionnement actuel de la commission pour copie privée est satisfaisant. Les supports sur lesquels se fonde le calcul de la rémunération pour copie privée ont certes évolué, mais la rémunération ne va pas nécessairement décroître, puisque les nouveaux supports font l’objet d’une taxation.

Je ne puis vous laisser dire, Monsieur Mathus, que j’aurais pour objectif la disparition des festivals en France ! Vous savez bien que je ne peux pas répondre à toutes les sollicitations. Il reste qu’entre 2001 et 2006, le budget de l’État consacré au spectacle vivant a augmenté de 17 %, et que les sommes déléguées aux DRAC pour le spectacle vivant n’ont fait l’objet d’aucune réserve cette année.

M. Christian Paul - Visiblement, vous ne lisez pas les rapports parlementaires. C’est pourtant celui de M. Dassault, député de la majorité, qui met en évidence une diminution de 8,5 % des subventions allouées au spectacle vivant entre 2005 et 2006. Si vous aviez disposé de bonnes études, cela aurait utilement éclairé le débat !

1 % serait trop, nous dit le rapporteur. Mais je vous rappelle que cette rémunération va évoluer à la baisse.

M. le Rapporteur – C’est vous qui le dites !

M. Christian Paul - Non, c’est la loi que vous vous apprêtez à voter qui va y conduire ! La jurisprudence de la Cour de cassation a d’ailleurs déjà sonné le glas de la rémunération pour copie privée. Il existe de bonnes raisons de faire contribuer les fournisseurs d’accès au financement de la musique et de la culture. Tout d’abord, le téléchargement est un produit d’appel depuis des années, sans contrepartie aucune pour la culture, et il le restera si vous ne prenez pas de dispositions dans ce texte.

Il y a, d’autre part, un précédent : celui de la redevance sur les supports vierges.

Vous nous dites que grâce à l’accord que vous avez obtenu, les fournisseurs d’accès vont participer à la création cinématographique et audiovisuelle, et que cela représentera 2 % des services de vente en ligne dans ce domaine.

Sur quel montant comptez-vous pour 2006 et 2007 ? Y aura-t-il un effet d’entraînement sur la création audiovisuelle, ou de simples recettes de poche pour le cinéma ?

M. le Ministre - Je suis heureux que vous me donniez l’occasion de revenir sur un accord essentiel pour le financement de l’industrie cinématographique. Vous confondez la taxe de 2 % sur le chiffre d’affaires pour financer le COSIP et la taxe prévue dans l’accord sur la VOD, qui sera de 5 % à 10 % du chiffre d’affaires pour financer le cinéma.

M. Christian Paul - Combien pour 2006 ?

M. le Ministre - Il s’agit, grâce à cet accord, de recettes supplémentaires pour l’industrie cinématographique. Il n’entrera en vigueur qu’à partir du moment où le Parlement aura délibéré sur le droit d’auteur et les droits voisins.

M. Christian Paul - Mais combien ?

L'amendement 97, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Bloche – Dans la logique de la rémunération pour copie privée auprès des fournisseurs d’accès à internet, nous prévoyons, par l’amendement 188, que ces derniers soient représentés dans la commission chargée de déterminer les conditions de cette rémunération. Nous regrettons d’être si peu entendus, malgré notre insistance, par le Gouvernement et sa majorité, sauf quelques exceptions. Nous nous heurtons à un mur, et c’est dommage, car ce projet sera battu en brèche à très court terme et il aurait été utile de s’inscrire dans une perspective longue. On met bien quelques sparadraps sur la redevance pour copie privée – selon une rumeur, ensuite démentie, par une augmentation de la taxation sur les supports vierges par exemple. Mieux vaudrait nous suivre et financer la culture par la taxation d’internet. Ainsi quand la réalité nous aura donné raison, le dispositif nécessaire sera en place.

M. le Rapporteur – La gauche a une cohérence esthétique. Nous sommes dans le film d’horreur expressionniste. Effectivement, deux logiques s’affrontent, celle du passé…

M. Christian Paul -– La nôtre est celle de l’avenir !

M. le Rapporteur – La logique de l’avenir, c’est la nôtre, qui consiste à distinguer copie privée et téléchargement, à ne pas souhaiter la licence globale…

Mme Christine Boutin - Vous l’avez jetée !

M. le Rapporteur - ..Et à ne pas introduire une taxation de plus – il est vrai que chez vous, c’est une seconde nature. Dans ces conditions, nous ne souhaitons pas que les fournisseurs d’accès soient présents dans la commission de la copie privée. Avis défavorable.

M. le Ministre – Avis défavorable, puisque l’amendement s’inscrit dans le droit fil de la licence globale.

Mme Martine Billard – Actuellement, qui fixe la redevance ? La commission de la copie privée, et elle peut très bien décider de l’étendre à tel ou tel support. Elle s’est même interrogée sur la taxation des flux internet. Vous vous indignez de ce que des députés veuillent fixer la taxation. Mais le Gouvernement préfère en transférer la responsabilité à la commission. Nous avons le courage de l’assumer. Je soutiens donc la proposition socialiste. Il serait normal que les fournisseurs d’accès, qui retirent les plus gros bénéfices de l’extension de l’internet, participent à l’aide à la création culturelle. De toute façon, ou l’on maintient l’exception de copie privée, et le Parlement encadre les modalités de la redevance, ou vous restreignez sans cesse cette exception, mais ne vous étonnez pas ensuite si les consommateurs refusent de payer cette redevance. Ce que vous faites va assécher le financement de la création culturelle.

M. Frédéric Dutoit - Je soutiens également ces amendements du groupe socialiste. Nous aurions pu trouver, dans la sérénité, des pistes de réflexion pour garantir le respect des droits d’auteur à la française, et certaines ont été ouvertes. Concernant l’exception de copie privée, il me paraît logique de mettre à contribution les fournisseurs d’accès à internet, donc de les faire participer à la commission. De toute façon, ce texte est déjà dépassé car les consommateurs qui payent actuellement une taxe pour copie privée sur les supports vont se rebeller. Mais en fait, votre objectif est moins de garantir les droits d’auteurs que la présence des DRM sur un marché potentiel énorme.

Mme Christine Boutin - Absolument.

M. Jean-Marc Ayrault - Le rapporteur nous caricature en hommes et femmes du passé. Auteur naguère d’un célèbre sous-amendement, il est mal placé pour nous donner des leçons sur le passé et l’avenir.

Dans la révolution technologique permanente que nous vivons, je crains que cette loi ne soit un frein, et qu’elle ne soit rapidement dépassée. Le débat sur la copie privée a déjà eu lieu et a été tranché lorsqu’on a mis en place la taxation sur les supports vierges. Aujourd’hui, nous nous retrouvons dans la même situation, à propos d’internet.

Au passage, je vous reproche, Monsieur le ministre, d’avoir caricaturé notre position. Si lors de mon point de presse hebdomadaire j’ai dit que la licence globale était derrière nous, c’était uniquement pour constater que nous étions passés à la discussion des articles suivants. Mais sur le financement de la création culturelle, vous ne pouvez pas vous en sortir par une pirouette. Nous proposons que les fournisseurs d’accès y contribuent. Vous vous y opposez. Or les créateurs risquent d’être les grands perdants de votre projet. On l’explique très bien dans un article du Monde d’aujourd’hui, « la farce du téléchargement ». Pourquoi refusez-vous cette possibilité de faire participer les fournisseurs d’accès au financement de la création culturelle et à la rémunération des auteurs ? Éclairez-nous.

Ce que je souhaite, c’est tout simplement qu’on puisse y voir clair et ne nous faites pas, Monsieur Vanneste, de procès d’intention ! Nous ne regardons pas le passé mais précisément l’avenir, et en refusant de mettre la tête dans le sable. Nous sommes soucieux de la juste rémunération des auteurs et nous ne comprenons pas ce refus obstiné de mettre à contribution les fournisseurs d’accès (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Dionis du Séjour - Tout à l’heure, Martine Billard a posé une vraie question car le code de la propriété intellectuelle dispose bien qu’il revient à la commission de la copie privée de fixer les taux et les supports éligibles. L’UDF ne voit pas d’un bon œil l’idée de transférer cette compétence à une autre instance. Pour autant, soyons honnêtes : les recettes pour copie privée ne cessent d’augmenter…

M. Jérôme Lambert - Peut-être, mais qu’en sera-t-il lorsqu’il ne sera plus permis de copier ?

M. Jean Dionis du Séjour - Il n’y a donc pas lieu de s’affoler et il faut faire confiance aux commissaires. Si du fait des mesures de protection, les recettes baissaient, il leur serait toujours possible de revoir l’assiette en l’étendant à de nouveaux supports ou de moduler les taux à la hausse. Et puis, pourquoi se focaliser sur les fournisseurs d’accès ? Pourquoi ne pas mettre aussi à contribution les fabricants d’ordinateurs ou les opérateurs de téléphonie mobile, qui profitent eux aussi des nouveaux usages ?

Mme Martine Billard et M. Frédéric Dutoit – Mais oui ! C’est une idée à creuser.

M. Jean Dionis du Séjour - Depuis que la licence globale a été abandonnée, certains de nos collègues semblent vouloir la faire revenir par la petite porte…

M. Jérôme Lambert - Il faut bien proposer quelque chose !

M. Jean Dionis du Séjour - Il faut surtout une doctrine. Pour nous, plus la taxe se rapprochera de l’acte de consommation, plus elle sera légitime et acceptable…

M. Patrick Bloche – Ne vous gênez pas pour déposer des amendements en ce sens !

M. Jean Dionis du Séjour - En tout cas, nous sommes opposés à la mise à contribution des seuls FAI.

Mme Christine Boutin - Cher Jean Dionis du Séjour, je m’étonne que vous proposiez au législateur de s’en remettre aux membres de la commission de la copie privée pour définir les modalités de taxation adaptées. Le législateur est dans son rôle en prenant ce type de responsabilités et c’est bien plutôt vous qui abdiquez vos prérogatives en repoussant l’idée intéressante de mettre à contribution les fournisseurs d’accès. A la reprise de nos travaux, il m’apparaît comme un évidence que si nous nous étions donné un peu plus de temps, nous serions sans doute parvenus à dégager ensemble des solutions consensuelles…

MM. Frédéric Dutoit et Patrick Bloche - Tout à fait !

Mme Christine Boutin - Et je n’admets pas, Monsieur le rapporteur et Monsieur le ministre, que vous nous reparliez sans cesse de la licence globale. Celle-ci a été écartée par la voie démocratique,…

M. Frédéric Dutoit - Provisoirement.

Mme Christine Boutin - … à l’issue d’une discussion très vive et il est déplacé de prétendre aujourd’hui que ceux qui la défendaient ne se soucient pas de l’intérêt général. De telles insinuations sont inacceptables.

M. le Ministre – L’examen de l’article 8 nous donnera l’occasion de réaffirmer le droit à l’exception pour copie privée. Cette consécration, à laquelle la démarche de transposition de la directive ne nous contraignait pas, est très attendue. Et il faut savoir que, simultanément, la Commission européenne est traversée de certaines réflexions tendant à interdire l’exception pour copie privée. Nous saurons faire entendre notre opposition à cette approche, mais il ne faut pas que nos débats internes nous fassent perdre de vue le contexte européen dans lequel sont abordées ces questions.

Je remercie le président Ayrault pour la tournure que prend notre débat. Sur le fond, il reste quelques divergences de vues sur le financement de la copie privée. Pour ma part, je ne considère pas que le fait de donner à une commission ad hoc le soin de fixer les assiettes et les taux traduise un renoncement du législateur à une prérogative essentielle. Au reste, la commission a su les faire évoluer en fonction de l’avancée des techniques, en incluant, au gré d’une approche non fixiste, les nouveaux supports dont l’usage se diffusait. Si je m’oppose à la proposition du groupe socialiste, c’est qu’elle tend à instituer une nouvelle taxe. Dès lors, cela ne vous donne pas le droit de m’accuser d’être indifférent au maintien des recettes destinées à financer la création culturelle. Mon action en faveur des labels musicaux indépendants et de la diversité culturelle témoigne de mon engagement personnel en ce domaine. Ce qui me gêne, c’est que l’on perde de vue que la rémunération pour copie privée procède d’une logique de compensation – il s’agit de compenser le préjudice né de l’exercice d’un droit - et non de profit. C’est bien ce principe de compensation que l’adoption de l’article 8 va conforter, en réaffirmant le droit à l’exception pour copie privée. S’agissant des modalités, je constate la persistance de certaines divergences. A cet égard, je rappelle que dans le cadre de la vidéo à la demande, les fournisseurs d’accès à internet sont mis à contribution au profit de l’industrie cinématographique, et, plus classiquement, que la contribution des télévisions au financement du cinéma est devenue prépondérante.

M. François Bayrou - A ce moment du débat, je souhaite préciser le modèle que nous défendons. Certains, un peu naïvement sans doute, imaginent qu’en étendant à l’infini des mesures de protection prétendument inviolables, on pourra un jour verrouiller tout échange de copies privées via une surveillance de tous les instants des communications des internautes. Pour nous, cela ne correspond à rien de réalisable…

M. Frédéric Dutoit - Tout à fait d’accord.

M. François Bayrou - Et puis il y a ceux qui demandent qu’une fois versé un forfait d’accès, tout échange devienne licite, la rémunération des auteurs et créateurs dût-elle en souffrir. Nous ne sommes pas plus favorables à cette thèse qu’à la première.

Nous plaidons pour un système d’offre légale d’accès facile, rapide, pas chère, conviviale…

M. le Ministre – Et diversifiée !

M. Jérôme Lambert - Et susceptible d’assurer la juste rémunération des artistes.

M. François Bayrou – …permettant de rémunérer directement les créateurs, cependant que l’exercice du droit à copie privée donnerait lieu au versement d’une compensation équitable. Tel est le modèle que nous défendons.

Au passage, j’admire les prouesses sémantiques du ministre. Moins que quiconque, il ignore qu’il existe un débat sémantique entre ceux qui parlent du « droit à copie privée » et ceux qui défendent « l’exception pour copie privée » : il le tranche, en inventant le « droit à l’exception pour copie privée »… (Sourires)

M. le Ministre – Nous préciserons les choses à l’article 8 !

M. François Bayrou - Pour nous, la copie privée est un droit élémentaire, pas une exception. C’est pourquoi nous ne sommes pas favorables à ce qu’une commission d’experts en décide. Cela doit rester du ressort du législateur.

Il est légitime que ce droit soit assorti d’une compensation et, à l’instar de Christine Boutin, je pense que toutes les voies pour la garantir n’ont pas été explorées, du fait de la déclaration d’urgence faite par le Gouvernement. Le Parlement s’est vu interdire le droit de conduire à son terme sa réflexion et ses échanges avec le Sénat.

Notre modèle de référence est donc simple : existence d’une offre légale, garantie et interopérable ; droit à copie privé assorti d’une compensation équitable, qui peut prendre la forme d’un forfait prélevé via les fournisseurs d’accès. Tel est notre programme de développement durable et de défense de la diversité culturelle sur internet.

M. Frédéric Dutoit - Très bien !

M. Didier Mathus - Je suis frappé de voir que nous sommes passés du roman noir, la semaine dernière – parfois grotesque sur le plan législatif – à un épisode de Bambi, où tout le monde serait heureux. Pourtant, les positions restent radicalement opposées.

L’idée sur laquelle repose votre projet est simple : verrouiller l’ensemble des échanges sur le net et empêcher l’exercice du droit à la copie privée. On imagine bien ce que feront les fabricants de DRM et les industriels du disque si vous leur laissez la faculté d’apprécier ce droit. Je n’ai aucun reproche à faire au PDG de la Fnac, qui fait son métier de marchand de disques en nous sollicitant. Mais ce dont nous débattons, c’est le droit de la société à bénéficier du progrès technologique. Or il est troublant que le Gouvernement propose d’utilise les capacités technologiques pour les retourner contre la société, notamment au travers des MTP.

Le débat sur la copie privée est tout à fait essentiel car ce droit, qui, avec l’évolution des comportements, apparaît comme légitime à des millions de personnes, est aujourd’hui remis en cause. Dès la loi de finances pour 2004, j’avais proposé d’examiner cette question car j’estimais que le fondement juridique de la redevance pour copie privée était remis en cause par l’existence d’un certain nombre de MTP : en effet, depuis 2002, certaines maisons de disques ont apposé des systèmes dits Copy control, qui empêchent non seulement de copier leurs disques, mais aussi de les écouter dans des conditions ordinaires, sur un autoradio par exemple. Le Gouvernement, là-dessus, n’a jamais levé le petit doigt, considérant que ces multinationales pouvaient bafouer la loi  en toute impunité; en revanche, il se déchaîne aujourd’hui pour imposer des mesures et un système contraventionnel contre les internautes.

Votre projet, en réalité, n’est rien d’autre que la licence globale, au bénéfice du budget de l’Etat, puisque les contraventions l’alimenteront sans servir à la création !

M. Frédéric Dutoit – Comme le disait Mme Boutin, ce débat est la démonstration concrète que nous aurions pu trouver un consensus si ce projet de loi avait été débattu au fond. Je partage tout à fait la position de M. Bayrou, d’autant plus que j’ai émis une proposition visant à mettre en place une plateforme publique pour le téléchargement des œuvres par internet, avec rémunération des auteurs, proposition toujours d’actualité.

Je remercie d’ailleurs l’ensemble de mes collègues qui ont bien voulu adopter, avec l’accord du Gouvernement, un sous-amendement que j’ai présenté, visant à la mise en place d’une plateforme publique pour le téléchargement des œuvres des jeunes créateurs ne bénéficiant pas d’une diffusion via les maisons de disques ou via les plateformes privées.

Il me semble que l’on peut, tous ensemble, aller dans cette direction. Monsieur Bayrou, il faut mettre à contribution l’ensemble des fournisseurs internet, l’e-commerce, et également, Monsieur Dionis du Séjour, Microsoft, Apple ou Sony pour le financement de la création.

S’agissant du droit à la copie privée, les consommateurs n’accepteront jamais de payer la taxe à la fois sur les supports et dans le cadre du téléchargement. Il nous faut donc avancer vers une solution proche de la licence globale. Monsieur le ministre, Monsieur le rapporteur, quand bien même vous ferez passer cette loi de force, vous n’échapperez pas à une réflexion sérieuse sur la rémunération de tous les auteurs. Le XXIème siècle vous rattrapera !

M. Dominique Richard - Nous nous égarons ! M. le ministre a annoncé que tous les débats auraient lieu : ne discutons donc pas de l’article 8 maintenant ! Je voudrais dire clairement à M. Ayrault, qui s’est interrogé sur les raisons du refus d’une taxation générale des FAI, que ceux-ci la répercuteraient forcément sur les abonnés internautes ! Vous avez une façon subreptice de tenter de faire entrer par la fenêtre ce que nous avons fait sortir par la porte…

L'amendement 188, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Bloche – Monsieur Richard, vous ne pouvez craindre que les fournisseurs répercutent la taxe sur les abonnés, alors que vous nous reprochiez, lors du débat sur la licence globale, de mettre en place cette rémunération forfaitaire. Dépassez vos contradictions !

Nous constatons, amendement après amendement, que le Gouvernement et une grande partie des membres de sa majorité, s’entêtent à refuser une rémunération complémentaire pour la culture, alors que cette loi aura des conséquences sur l’exercice du droit à copie privée ou sur l’exception pour copie privée ! La rémunération baissera et les acteurs culturels en seront les premières victimes. Nous prenons acte une nouvelle fois de votre entêtement et de votre refus à envisager toutes les conséquences de ce texte !

L’amendement 98 rectifié, par cohérence avec la proposition qui veut que l’incidence des mesures techniques sur le bénéfice effectif de la copie privée soit prise en compte dans la fixation de la rémunération pour copie privée, vise à confier à la commission la responsabilité d’en déterminer les modalités.

De manière plus générale, compte tenu de la complexité des critères d'évaluation et des enjeux économiques, il est proposé qu'outre le pouvoir déjà reconnu au président de cette commission, les deux ministres puissent demander une seconde délibération.

Pour des raisons de transparence, nous proposons également que les travaux, débats et décisions de la commission donnent matière à un rapport annuel public, dans des conditions comparables à celles prévues pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Ce rapport devrait être notamment adressé au collège des médiateurs, créé à l’article 9, dans la mesure où il est proposé que celui-ci établisse lui-même un rapport public présentant une évaluation de l'ampleur et des caractéristiques des mesures techniques, en particulier de la limitation du nombre de copies qu'elles peuvent impliquer.

Cet amendement, de transparence, reprend notre souci de voir la commission de la copie privée assurer elle-même la production d’études indépendantes sur la question.

M. le Rapporteur – L’avis de la commission est défavorable pour trois raisons. Le premier alinéa de l’amendement est satisfait par l’amendement 23. Les incidences des mesures techniques doivent, bien entendu, être gérées et régulées par la commission de la copie privée. Le quatrième alinéa est satisfait par l’amendement 24.

En revanche, le troisième alinéa aurait pour effet de modifier l’équilibre de la commission en donnant davantage de poids à l’Etat, alors que cette commission doit avant tout permettre à la société civile de trouver des solutions à ses propres problèmes. Il s’agit en effet d’une négociation de nature privée entre ceux qui paient, les consommateurs et les industriels, et ceux qui reçoivent une contrepartie à la perte de droits résultant de la copie privée, les auteurs et les titulaires de droits voisins.

Bien que les membres de l’opposition n’écoutent guère le rapporteur, M. Bloche avait lui-même remarqué que cette proposition était redondante puisque le président, qui représente l’Etat, possède déjà ce pouvoir. Il y a beaucoup d’Etat en France, inutile d’en rajouter !

M. le Ministre – Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

M. Christian Paul – Quelques chiffres permettront de répondre à ceux qui pensent visiblement que, par la magie des nouvelles technologies, la rémunération pour copie privée se trouve sur une pente ascendante : moins 4,5 % dans l’audiovisuel de 2004 à 2005, et moins 5,2 % pour la musique. Déjà bien fragiles, ces ressources seront mises en danger par votre projet de loi.

J’ajoute que nos concitoyens s’inquiètent à juste titre de la remise en cause de l’exception pour copie privée, comme en témoignent les centaines de mails que nous recevons en temps réel. Une chanson d’un artiste de vingt ans…

Mme Martine Billard - … en CPE !

M. Christian Paul – …sera protégée pendant 130 ans, dont 70 pour ses descendants, compte tenu de l’espérance de vie. Or, comment imaginer que cinq copies suffiront pour faire migrer une œuvre, légalement acquise, d’un support à un autre pendant une telle durée, durant laquelle les formats des lecteurs ne peuvent que changer ?

Le même internaute nous indique que tel opéra de Puccini tombera dans le domaine public dans deux ans, mais que son enregistrement par Maria Callas en 1958 restera cadenassé par les droits connexes accordés aux interprètes. Vous poussez donc les Français au peer to peer !

Mme Martine Billard - Le ministre ne cesse d’évoquer la nécessaire « contrepartie » des pertes de droit engendrées par la copie privée, et de faire référence à l’amendement 23. Mais il refuse de nous dire clairement ce qu’il adviendra de la redevance sur les DVD vierges en l’absence de droit à copie privée sur les DVD.

M. le Rapporteur – Ce droit n’existe pas aujourd’hui !

Mme Martine Billard – Certes, mais que faites-vous de la redevance acquittée au titre de la copie privée sur les supports vierges ? Pourquoi continuer à la faire payer dans de telles conditions ?

M. le Ministre – Personne n’est obligé de réaliser des copies !

Mme Martine Billard – Certains ne font jamais de copie, et les DVD vierges servent aussi à sauvegarder des photos de famille.

M. le Ministre – C’est la liberté de chacun !

Mme Martine Billard - Jusqu’à présent, la contribution en vigueur devait compenser la perte de revenu occasionnée par le droit à une copie privée, que vous ne cessez pourtant de remettre en cause, au point d’en faire une coquille vide.

Vous ne pourrez pas vous contenter d’une référence à l’amendement 24, car nous savons que vous suivez une stratégie déjà vieille de quatre ans : vous maintenez les apparences tout en les privant de leur contenu, comme ce fut le cas par exemple des 35 heures. Support après support, vous interdisez en effet la copie privée, d’abord pour les DVD, puis partout à cause des DRM !

L'amendement 98 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Bloche - Tôt ou tard, il faudra bien inclure les fournisseurs d’accès à internet parmi les personnes soumises au paiement de la contribution pour copie privée, et il vaudra mieux tôt que tard. Soucieux de cohérence, nous proposons par l’amendement 95 rectifié, de prévoir leur représentation au sein de la commission de la copiée privée.

Christian Paul et Martine Billard ont en effet démontré qu’une telle évolution de la redevance pour copie privée est inéluctable, si du moins on souhaite qu’elle demeure à un niveau satisfaisant. Je note d’ailleurs que vous employez à l’envi le terme de « taxe », car ses connotations péjoratives vous arrangent, alors qu’il s’agit seulement d’une rémunération visant à compenser l’exception pour copie privée…

M. Christian Paul - … dans les limites du raisonnable !

M. Alain Suguenot - L’objet de l’amendement 186 est identique. Il faut cesser de se voiler la face : il faudra bien que quelqu’un paie ! On ne peut pas vouloir lutter contre le piraterie et esquiver cette question. Que les majors arrêtent de nous dire qu’un jeune qui télécharge 10 000 titres inflige une perte de revenu de 9999 euros à l’industrie musicale : qui pourrait croire qu’il est en mesure de verser une pareille somme ?

Puisque nous nous trouvons évidemment à la veille d’un essor considérable du téléchargement, il faudra bien définir qui paiera demain, et ainsi garantir un équilibre entre les droits des artistes, des producteurs et ceux des internautes. Or, cet article 5 en est précisément l’occasion : n’attendons pas l’article 8 et ne fermons pas systématiquement la porte par pur dogmatisme !

M. le Rapporteur – Avis défavorable sur ces deux amendements, pour des raisons de cohérence. Deux logiques s’affrontent en effet dans ce débat, d’autant plus difficile qu’il tente d’adapter le droit aux évolutions de la technologie. J’y ai déjà insisté longuement : le droit à la copie privée est réaffirmé…

M. Christian Paul - De façon purement platonique !

M. le Rapporteur – … mais il ne peut pas être infini. Par exemple, il n’existe pas en matière de DVD, conformément à la jurisprudence « Mulholland Drive » de la Cour de cassation. Ce que vous avez dit, Madame Billard est donc inexact.

Ce droit doit être limité, à moins de briser la clef de voûte de la directive européenne, c’est-à-dire le test en trois étapes : nous devons nous en tenir à une exploitation normale de l’œuvre et protéger les droits légitimes des auteurs.

M. Christian Paul - C’est une affaire d’interprétation !

M. le Rapporteur – Il faut trouver un équilibre entre un droit qui nous est cher à tous, le droit à la copie privée, et les droits et intérêts des auteurs.

M. le Ministre – Comme vient de le rappeler le rapporteur, ces deux amendements sont la conséquence logique d’une conception déjà récusée par l’Assemblée.

Mme Billard se demande si la redevance pour copie privée pourra, à terme, être maintenue sur les DVD vierges. Mais celle-ci se justifie par la possibilité d’enregistrer sur un DVD aussi n’importe quelle œuvre diffusée à la télévision.

Plusieurs d’entre vous se sont interrogés sur la composition de la commission de la copie privée. Celle-ci, présidée par un représentant de l’État, est strictement paritaire : elle se compose de douze représentants des ayants droit, et douze des redevables, dont six représentants des industriels de la culture et six des consommateurs. Ce pluralisme y permet une légitime confrontation des points de vue. En aucun cas ses prérogatives ne constituent un dessaisissement du Parlement.

Je suis bien entendu défavorable aux deux amendements.

M. Frédéric Dutoit - Partageant l’avis de Mme Billard, de MM. Bloche et Suguenot, je souhaiterais, une fois de plus, faire une proposition qui pourrait faire l’objet d’un consensus. Si l’on va jusqu’au bout de votre logique, Monsieur le ministre, il faudrait exonérer tous les internautes de la redevance pour copie privée puisqu’ils n’auront pas le droit de télécharger. Pourquoi seraient-ils deux fois pénalisés ?

Mme Christine Boutin - Monsieur le ministre, vous avez indiqué que la redevance sur les supports vierges se justifiait parce qu’on pouvait y enregistrer une œuvre diffusée à la télévision. Mais tout DVD vierge n’a-t-il pas vocation à être gravé ? Personne n’accumulerait de supports vierges dans un tiroir sans les utiliser ! Votre explication est un peu courte.

Les amendements 95 rectifié et 186, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – Au cours des travaux préparatoires sur ce texte qui ont tout de même duré deux ans… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Pourquoi tairais-je ce chemin de croix ? Au cours des travaux préparatoires, disais-je, plusieurs pistes ont été tracées pour assurer un équilibre entre ayants droit, industriels de la culture et consommateurs. On a insisté chaque fois sur la nécessité d’une transparence vis-à-vis des consommateurs.

En 1985, le législateur a en effet confié le soin à la commission de la copie privée de fixer un prélèvement forfaitaire sur le prix des supports vierges, dont le montant total représente plusieurs centaines de millions d’euros – le non-paiement de cette redevance étant passible d’une sanction pénale. Le souci de transparence rend souhaitable que la commission publie les comptes-rendus de ses travaux, ce qui permettra à tous de mieux comprendre les positions de chacun des représentants et la justification des décisions prises. Par son amendement 24, la commission propose que soit publié un compte-rendu synthétique des réunions – un compte-rendu intégral représentant une trop lourde charge – et qu’un rapport annuel soit transmis au Parlement. Ce rapport pourrait notamment inclure des éléments sur les pratiques réelles de copie privée, qui justifient le montant de la redevance perçue sur les consommateurs et les industriels en contrepartie équitable des pertes de droits.

La commission a repoussé un amendement 174 de M. Dionis du Séjour, assez proche. Mais son auteur l’a rectifié, au point que le 174 2ème rectification est désormais identique au 24.

M. Jean Dionis du Séjour – Le Parlement s’est dessaisi de son pouvoir au profit de la commission de la copie privée. La moindre des choses est que celle-ci soit transparente. L’amendement de la commission, au profit duquel je retire le mien, désormais identique, est vraiment un minimum. 

M. le Ministre – Avis favorable. Tout ce qui contribue à améliorer l’information de la représentation nationale et de nos concitoyens sur ces questions est essentiel.

M. Patrick Bloche - Cet amendement est bien entendu mieux que rien. Mais nous regrettons que, surtout après deux ans de travail, le rapporteur ne soit pas allé plus loin et ne propose pas, comme nous le faisions dans notre amendement 98 rectifié, tout à l’heure balayé d’un revers de main tant par lui-même que par le ministre, que le rapport en question soit transmis également à la Commission européenne et au président du collège des médiateurs. Nous demandions également que soient rendues publiques les motivations des décisions. Nous regrettons que le rapporteur n’ait pas fait preuve de plus d’esprit d’ouverture sur ces sujets.

M. Didier Migaud - Permettez-moi de m’étonner que le Parlement se contente d’être informé s’agissant d’un prélèvement. Le ministre comme le rapporteur sous-estiment, me semble-t-il, que l’entrave croissante portée à l’exercice du droit à copie privée fait perdre au dispositif son fondement juridique. D’une redevance, on passe à une « imposition de toute nature », dont le produit se monte à plusieurs centaines de millions d’euros. Comment une commission, de manière totalement illégitime…

M. le Ministre – Elle a été créée par la loi.

M. Didier Migaud - Certes, mais la redevance prévue à l’époque visait à réparer un préjudice subi par les créateurs. Que le Parlement se contente aujourd’hui de demander à être informé des travaux de cette commission, les bras m’en tombent.

Cet amendement n’est pas un pis-aller. Il est scandaleux. Comment un ministre peut-il le cautionner ? C’est d’ailleurs une preuve supplémentaire, s’il en était besoin, que ce texte a été mal préparé, précipité… Informer le Parlement ne suffit pas, celui-ci doit être en mesure d’exercer son rôle, qui est notamment de voter les « impositions de toute nature ». N’oubliez jamais que la Révolution est née autour de questions budgétaires et fiscales !

M. Richard Cazenave – Il serait bon que nos collègues qui assistent à ce débat par intermittence (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) ne répètent pas chaque fois les propos qui ont déjà été tenus ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) La commission pour copie privée date d’une loi de 1985 votée par une majorité socialiste. Nous avons quant à nous voté un amendement la semaine dernière permettant de répondre aux problèmes précis qui se poseront afin, le cas échéant, d’ajuster les prélèvements pour copie privée. Nous ne pouvons répondre immédiatement à toutes les questions qui se posent alors que nous ne savons pas comment évoluera la redevance pour copie privée et que nous ne savons pas non plus quel support sera le mieux adapté pour une éventuelle modulation !

M. Patrick Bloche - Raison de plus !

M. Richard Cazenave - Nos collègues socialistes devraient faire preuve d’humilité !

Le projet prévoit en outre une clause de rendez-vous…

M. Patrick Bloche - Non ! Un rapport !

M. Richard Cazenave - … qui nous permettra d’examiner l’ensemble de ces questions le moment venu. Nous ne devons pas légiférer aujourd’hui à l’aveuglette quand certains tiennent d’ailleurs des propos un peu politiciens. On prétend qu’il est scandaleux de se dessaisir au profit d’une commission, mais c’est le Parlement qui l’a prévu…

M. Didier Migaud - Il y a vingt ans ! La situation a évolué !

M. Richard Cazenave – Certes, mais pas la gestion de la commission. Ne donnez donc pas de leçons, comme si nous n’avions pas déjà fait le point !

L'amendement 24, mis aux voix, est adopté.

M. Didier Mathus – L’amendement 99 rectifié vise à ce que la répartition entre les ayants droit prenne en compte l’utilisation ou non des MTP ainsi que la limitation du nombre de copies prévue au deuxième alinéa de l’article L. 331-6. La directive permet une telle disposition, mais une fois de plus, le Gouvernement a choisi une transposition parmi les plus répressives, à l’exemple de celles effectuées par la Mongolie ou la Grèce. Nous savons que l’existence même de la copie privée est en cause. M. le rapporteur, dans une déclaration qui risque de devenir aussi célèbre que celle sur le rôle positif de la colonisation française, a estimé que le droit à la copie privée pouvait être le droit à « zéro copie ». Et l’on demanderait une redevance sur un droit qu’il ne sera plus possible d’exercer ? Il faut faire en sorte que les consommateurs ne soient pas spoliés sur tous les plans ! L’Australie, il y a deux ans, a élaboré une législation comparable au Digital Millenium Copyright Act américain, et donc extrêmement favorable aux industriels de la musique. Un rapport du parlement australien propose aujourd’hui de revenir sur cette législation. Je le cite : « il devient nécessaire de protéger le public, les utilisateurs et le marché des protections techniques. Il faut retrouver un équilibre menacé par l’extrémisme des frénétiques de l’appropriation ».

M. Christian Paul - C’est de M. Vanneste qu’il s’agit !

M. Didier Mathus – Les DRM remettent non seulement en cause les libertés publiques et individuelles mais également la circulation économique des œuvres sur le net et même la circulation des informations entre des institutions officielles.

M. le Rapporteur – La polémique n’implique pas nécessairement l’absence d’honnêteté intellectuelle. On pourrait par exemple citer exactement les textes sans utiliser des mots qui ne s’y trouvent pas.

M. Christian Paul - Quid de votre démonstration ?

M. le Rapporteur – La conséquence de la mise en œuvre des MTP sur la répartition des droits constitue un vrai problème. On ne peut en effet adopter les mêmes mesures de protection et de limitation de copie pour un artiste renommé et pour un artiste débutant. Le dispositif sera extrêmement individualisé. Je remarque en outre la contradiction qui est la vôtre : d’une part vous proposez une rémunération forfaitaire et d’autre part vous souhaitez une rémunération très individualisée ! En quelque sorte, vous venez de dire adieu à la licence globale et je vous en remercie.

Je reviens, enfin, sur la question du droit zéro à la copie. Le texte affirme le droit à la copie privée mais un problème technologique se pose à propos des DVD. Le collège des médiateurs ne pourra pas plus admettre que les tribunaux la copie d’un DVD parce que celle-ci peut permettre d’en réaliser une infinité. Le directeur de la SACD,…

M. Christian Paul - Votre mentor !

M. le Rapporteur - … lors de la rencontre organisée par le président Debré avec les cinéastes, a affirmé que, demain, le progrès technologique permettra peut-être ce qui n’est pas possible aujourd’hui. J’ai seulement voulu faire référence à cette question précise. Ne généralisez pas, Monsieur Mathus !

Avis défavorable.

M. le Ministre – Avis défavorable. Les principes de répartition sont déjà prévus par les articles L.311-6 et L.311-7 du code de la propriété intellectuelle.

M. le Président – Sur le vote de l’article 99 rectifié, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

M. Christian Paul – On ne mesurera jamais assez le rôle positif de M. le rapporteur dans ce débat (Sourires). S’agissant de la licence globale, le forfait concernait la perception de la rémunération ; sa répartition, quant à elle, doit être évidemment individualisée. L’amendement 99 rectifié favorise une rémunération équitable : il s’agit bien de trouver un équilibre entre les droits du public et les justes prétentions des ayants droit. C’est le sens de cet internet équitable que vous appelez de vos vœux, Monsieur le ministre, alors que votre projet favorisera le développement d’un internet prédateur. Si nous devons être modestes, Monsieur Cazenave – personne n’est ici un champion de l’internet – nous ne devons pas pour autant être aveugles.

Nous aurons l’occasion de défendre des amendements sur les DRM visant à montrer que le nombre de copies privées risque de diminuer. Mais MM. Carayon et Cazenave, dans l’exposé des motifs d’un amendement qu’ils viennent de déposer, définissent les DRM comme des « mesures techniques permettant le contrôle à distance, direct ou indirect, d’une ou plusieurs fonctionnalités, ou l’accès à des données personnelles ». Contrôle à distance et accès à des données personnelles, voilà ce dont on veut consteller la culture !

M. Richard Cazenave - Justement ! On ne veut pas !

Mme Martine Billard - Limiter le droit à la copie privée et instaurer des DRM ne peut qu’avoir des conséquences sur la répartition entre les ayants droit. Certes, Monsieur le ministre, on peut graver un DVD à partir des films qui passent à la télévision hertzienne ; et les auteurs de ces films pourraient donc parfaitement réclamer que la redevance perçue sur les DVD ne soit répartie qu’entre les auteurs dont les œuvres passent sur ces chaînes de télévision. Et si on instaure des DRM de contrôle sur l’usage, faudra-t-il modifier la répartition des droits entre les auteurs selon qu’ils auront autorisé ou non le téléchargement ? Dès lors qu’on en arrive à ce degré de complexité, il serait logique d’individualiser beaucoup plus la répartition des droits. La commission ne sera-t-elle pas amenée, inévitablement, à trancher à la fois sur la perception et sur la répartition ? Or on sait bien que des conflits existent sur la répartition. Faut-il vraiment pérenniser un système qui ne correspond plus à l’évolution des technologies ? Ce que vous êtes en train de nous proposer, c’est le statu quo, quitte à modifier à nouveau la législation d’ici deux ou trois ans. Je pense pour ma part qu’on pouvait aller plus loin. Cela supposait, il est vrai, un travail de préparation autrement plus sérieux.

M. Patrick Bloche - Le rapporteur a ouvert le débat sur le nombre de copies privées autorisées pour le CD et pour le DVD. Je le dis dès à présent, nous refuserons que le Parlement soit dessaisi de ce sujet et cède, comme le Gouvernement, à la facilité de botter en touche en laissant au collège des médiateurs le soin de fixer les modes d’exercice de l’exception pour copie privée.

Cet amendement est d’une grande importance. Il s’agit de compléter l’article L.311-6 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa ainsi rédigé : « la répartition entre les ayants droits prend en compte l’utilisation ou non des mesures techniques prévues à l’article L.331-5 ainsi que de la limitation du nombre de copies prévue au deuxième alinéa de l’article L.331-6.» C’est le minimum syndical ! Le considérant 47 et l’article 5-2-b de la directive prévoient du reste que la compensation équitable due au titre de la copie privée « prend en compte l’application ou la non application des mesures techniques ». Dès lors que vous avez fait le choix de l’utilisation de mesures techniques de protection – qui menacent le droit à copie privée de nos concitoyens -, vous vous devez de rééquilibrer le texte. Or, vous refusez de transcrire cette disposition de la directive, qui est pourtant un facteur essentiel d’équité économique. Nous souhaitons pour notre part que le degré d’utilisation des mesures techniques de protection soit pris en compte dans la répartition de la rémunération.

Vous avez essayé de nous vendre la riposte graduée en décembre, puis l’internet équitable la semaine dernière. Nous vous proposons tout simplement un droit d’auteur durable !

M. Jean Dionis du Séjour - Voilà plus d’une heure que nous débattons de la rémunération pour copie privée. Permettez-moi de vous rappeler comment son montant a évolué : 95,31 millions en 2001 ; 125,48 millions en 2002, soit une augmentation de 31,7 % ; 145,97 millions en 2003, soit une augmentation de 16,3 % ; 164,84 millions en 2004, soit une augmentation de 12,9 %. Il n’y a pas de quoi pleurer !

La directive prévoit que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable, qui prend en compte l’application ou la non application des mesures techniques. Nous avons voté un amendement en ce sens.

Projetons-nous un peu dans l’avenir. Les revenus attendus des téléchargements de musique à partir des sites légaux étaient de zéro en 2001, de 0,1 million en 2002, de 0,2 millions en 2003, 2,5 millions en 2004, 10,1 millions en 2005, 22,6 millions en 2006, 41,9 millions en 2007… Pas de quoi pleurer non plus ! Nous avons donc choisi la voie de la sagesse : regardons d’abord ; nous ferons ensuite évoluer les assiettes et les taux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

A la majorité de 55 voix contre 27 sur 82 votants et 82 suffrages exprimés, l’amendement 99rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Sur le vote de l’amendement 176, que M. Sandrier va défendre, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d’une demande de scrutin public.

M. Jean-Claude Sandrier – Hormis quelques exceptions, comme les entreprises de communication audiovisuelle, toutes les personnes physiques et morales doivent payer une taxe pour copie privée à chaque achat d’un support numérique vierge. Les sommes prélevées – environ 160 millions d’euros – sont ensuite redistribuées entre les acteurs de la création, dont ceux du spectacle vivant.

Sans remettre en cause la légitimité de ces montants, ni le principe de la mutualisation qui gouverne la mise en œuvre de ce dispositif, nous voudrions par l’amendement 176 mettre en évidence son caractère obsolète. En effet, la vocation première des supports numériques n’est plus d’effectuer des copies d’œuvres musicales ou cinématographiques : ils servent d’abord à graver des données numériques sans objet culturel. Les acteurs de la santé utilisent ainsi presque exclusivement ces supports pour le stockage de leurs données. Il est donc illégitime d’exiger qu’ils acquittent la taxe. Il faut remettre à plat le dispositif et trouver d’autres sources de financement de la création. Pourquoi pas une taxe sur les profits exponentiels de l’e-commerce ?

M. Richard Cazenave - Sans partager tout le propos de M. Sandrier, je constate que l’imagerie médicale utilise de plus en plus le transfert de données, et que cela facilite la télémédecine, en pleine expansion. L’amendement 177 de M. Geffroy et M. Depierre prévoit donc le remboursement de la taxe pour l’utilisation de support d’enregistrement à des fins d’imagerie médicale. Cela ne couvre pas tout, c’est vrai, mais le terme « paramédical » serait peut-être trop extensif. Je souhaite au moins qu’on adopte l’amendement concernant l’imagerie médicale et qu’on poursuive la réflexion sur le sujet.

M. le Rapporteur – Actuellement, l’exonération est prévue pour les utilisations à fins professionnelles dans l’audiovisuel et pour l’aide aux handicapés. L’amendement 177 l’étend à l’imagerie médicale, ce qui paraît légitime, et n’a pas grande portée dans la mesure où la rémunération prévue pour un DVD vierge est de 1,29 euros. Néanmoins, il faut bien voir qu’il se produit un phénomène de vases communicants : ce qui n’est pas payé par les professionnels sera demandé aux usagers, dont la contribution augmentera. En ce sens, l’amendement de M. Dutoit va trop loin. La commission a repoussé les deux amendements, mais à titre personnel, j’y serais favorable si M. Dutoit acceptait d’abandonner le terme « paramédicales » et de s’en tenir à l’amendement 177.

M. Frédéric Dutoit - Que des deux côtés de l’Assemblée on ait soulevé cette question prouve que le projet n’est pas au point. J’entends bien l’objection concernant l’augmentation pour les autres usagers, et sans doute faudrait-il définir ce qu’on entend par paramédical. D’un autre côté, l’amendement 177 est trop restrictif, et il faut au moins que l’exonération porte sur toute utilisation médicale. Je suis d’accord pour une rectification qui rendrait les deux amendements identiques.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission - On pourrait effectivement s’accorder pour retenir le secteur médical.

M. Christian Paul - Deux grands secteurs publics s’appauvrissent, l’hôpital et l’école. Nous souhaiterions donc que l’amendement ne porte pas que sur les utilisations médicales mais soit sous-amendé pour couvrir également les fins éducatives. Mieux encore, car il est inutile de ne pas faire payer les laboratoires, on pourrait parler des utilisations par l’hôpital et par l’école.

Mme Martine Billard - Il y a là un certain manque de cohérence : peut-on dire qu’on veut maintenir la contribution sur la copie privée, et la démanteler ?On voit bien qu’on n’a pas travaillé assez, de façon globale, sur cette question. Je suis sensible aux difficultés du secteur de la santé, mais je trouve un peu gênant de le financer par une exonération de la rémunération sur copie privée. Je m’abstiendrai donc. J’observe aussi que, la semaine dernière, on a refusé une exonération en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche. Et on exonérerait les laboratoires pharmaceutiques ? SI l’on vote une disposition de ce genre, j’insiste pour qu’on s’en tienne au secteur public, et à l’ensemble du secteur public en difficulté, y compris l’enseignement et la recherche.

M. Frédéric Dutoit - Si le Gouvernement et le rapporteur peuvent l’accepter, je suis également très favorable à ce que l’on vise les activités à fins médicales et éducatives.

M. Jean Dionis du Séjour - Je reste sceptique. On a d’abord dit qu’il ne fallait pas faire payer le professionnels du secteur, puis les éditeurs, puis les handicapés. Maintenant, on veut y ajouter les activités médicales et paramédicales. Mais il y a un très grand nombre de secteurs qui font du transfert de données à fins professionnelles, les experts comptables par exemple. Pourquoi faudrait-il s’en tenir à cette exception pour l’activité médicale ? Je voterai contre les amendements.

M. Patrick Bloche - Voilà le rapporteur et le Gouvernement bien généreux, alors qu’ils l’ont été si peu lorsqu’il s’agissait d’accorder des exceptions la semaine dernière ! De même, lorsque nous avons essayé de procurer des recettes en taxant les fournisseurs d’accès à internet, le ministre, droit dans ses bottes, et soucieux uniquement des MTP, a refusé. Tout d’un coup, à l’heure du dîner, on se lâche un peu au profit des professionnels de santé ! Voilà que nos collègues Geoffroy et Depierre se préoccupent du sort des pauvres cabinets de radiologie…

M. Christian Paul - Nous aurions préféré que leur sollicitude profite à l’école !

M. Patrick Bloche – Alors, de grâce, un peu de cohérence !

M. Jean Dionis du Séjour - Il n’a pas tort.

M. Patrick Bloche - Depuis le début de l’après-midi, nous sommes systématiquement renvoyés dans nos cordes lorsque nous proposons de mieux garantir les droits des auteurs et voici que, subitement, certains professionnels de santé méritent une exception particulière ! Une telle improvisation est à l’image du bricolage qui prévaut depuis la fin de l’année dernière mais nous ne pouvons que déplorer la légèreté du rapporteur et du Gouvernement, qui n’hésitent pas à se contredire eux-mêmes lorsqu’il s’agit de défendre des intérêts qui leur tiennent à cœur !

M. le Ministre – Je me réjouis que le droit d’amendement existe et qu’il soit bien utilisé… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) J’avais espéré une motion de synthèse sur vos amendements 176 et 177. Puisque celle-ci semble impossible, je vous indique que le Gouvernement considère que MM. Geoffroy et Depierre ont raison de braquer le projecteur sur l’imagerie médicale. Avis favorable à l’amendement 177 et défavorable au 176.

A la majorité de 71 voix contre 5 sur 78 votants et 76 suffrages exprimés, l’amendement 176 n’est pas adopté.

M. le Président – Je rappelle que M. Christian Paul a déposé en séance un sous-amendement 401 à l’amendement 177, tendant à ouvrir le bénéfice de l’exception aux « personnes (…) qui utilisent les supports d’enregistrement à des fins d’imagerie médicale et à des fins éducatives ».

M. le Rapporteur – Avis personnel défavorable pour les raisons que j’ai précédemment évoquées.

M. le Ministre – Même avis.

Le sous-amendement 401, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 177, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Bloche - Les radiologues vous remercient !

M. Christian Paul - Mais pas les enseignants !

M. le Président – L’article 6 ayant été adopté précédemment, nous poursuivons l’examen de l’article 7.

ART. 7 (suite)

M. Patrick Bloche – Rappel au Règlement relatif à l’organisation de nos travaux. Nous avons travaillé au fond depuis plus de trois heures, et, en dépit de toutes nos tentatives, nous n’avons pas obtenu que l’internet finance enfin la culture. Toutes nos propositions en ce sens ont été repoussées et une fort belle occasion d’assurer enfin une rémunération décente aux auteurs grâce aux nouveaux usages a été manquée. Compte tenu de ce nouvel élément, je demande au nom de mon groupe une suspension de séance de trente minutes.

La séance, suspendue à 19 heures 20, est reprise à 19 heures 35.

M. Jean Dionis du Séjour - L’article 7 est central, puisqu’il consacre l’introduction dans la législation française des MTP, prévues par l’article 6 de la directive et que nous estimons légitimes.

Toutefois, en tant que législateurs, nous devons permettre aux personnes qui ont acheté de la musique de la lire sur tous les supports qui leur appartiennent : c’est ce que l’on désigne du terme barbare d’« interopérabilité ». Lors des séances homériques des 20 et 21 décembre, de nombreux orateurs, Christian Paul en tête, avaient critiqué l’impossibilité de lire sur leur baladeur, par exemple, des morceaux de musique téléchargés légalement.

Le groupe UDF propose une série d’amendements permettant de garantir l’interopérabilité. L’amendement 137 vise ainsi à accorder aux fabricants et aux exploitants l’ensemble des fournitures nécessaires à l’accomplissement de celle-ci. Un décret pris en Conseil d’Etat en précisera les conditions : ce domaine étant très technique, cela nous a semblé la meilleure manière de rapprocher l’ensemble des acteurs socio-économiques.

M. le Rapporteur – L’avis de la commission est défavorable car cet amendement est satisfait par l’amendement 253, voté en décembre. De plus, il est incorrect dans la forme, puisque c’est le « présent alinéa » et non « l’alinéa précédent » qui doit être visé dans la dernière phrase.

M. le Ministre – Nous avons beaucoup travaillé pendant la première lecture sur cette question fondamentale et avons poursuivi ce travail dans les commissions avec les parlementaires…

M. Patrick Bloche - De la majorité !

M. le Ministre – Il s’agit d’une des avancées principales de ce texte : nous serons l’un des premiers pays à faire en sorte qu’il soit possible de lire, quel que soit le support, une œuvre légalement acquise, le régime de diffusion de l’œuvre étant, comme l’a précisé un amendement du groupe UMP, du ressort de l’auteur.

Je ne voudrais pas que le droit à l’exception pour copie privée puisse sembler remis en cause, alors qu’il est au centre des avancées que nous proposons, de la même manière qu’il serait regrettable que la complexité du débat laisse accroire que nous renonçons à cette avancée fondamentale qu’est l’interopérabilité.

Ces questions sont d’ailleurs évolutives. C’est pourquoi le Premier ministre a annoncé qu’il confierait une mission à un parlementaire sur les questions liées à l’interopérabilité. Si nous devançons la technologie dans un certain nombre de domaines, nous savons qu’elle évolue de manière très rapide et nous serions des autistes si nous ne le reconnaissions pas, privant les internautes d’une offre légale supplémentaire.

Cet amendement est satisfait par l’amendement 253, adopté en décembre, qui donne ce pouvoir au conseil de la concurrence. Avis défavorable.

M. Frédéric Dutoit - Avec l’article 7, nous abordons la question des MTP, dont notre rapporteur souligne à l’envi qu’elles constituent « un progrès pour l'humanité ». Nous ne partageons évidemment pas ce point de vue. Il est utile que les Français sachent exactement ce qu'il en est : la gestion des droits numériques peut s'effectuer de bien des façons. Les MTP peuvent ainsi permettre de contrôler simplement le premier accès à une œuvre, puis laisser l'utilisateur libre de l'utiliser à sa guise : dans ce cas, elles sont parfaitement acceptables. De même, nous pouvons accepter la valeur informative de DRM qui préviendraient l'utilisateur de ce qu'il est en droit de faire ou non d'une œuvre.

Hélas, la totalité des DRM apparus au cours de ces dix dernières années poursuivent en pratique de tout autres objectifs. Leur seule vocation est en effet de contrôler étroitement l'usage privé des œuvres numériques au moyen de restrictions apportées aux modalités de lecture et de copie, déterminées de façon unilatérale par les ayants droit. Certains vont même jusqu'à envisager des DRM fondés sur la méfiance, qui intégreraient le numéro de carte de crédit de l’utilisateur, de façon à la diffuser publiquement en cas de copie ! Pouvez-vous donc nous expliquer, Monsieur le rapporteur, en quoi les DRM constituent un « progrès pour l'humanité » ?

Revenons enfin sur l'arrêt « Mulholland Drive », rendu il y a deux semaines par la Cour de cassation. La première chambre civile a en effet cassé un arrêt de la Cour d’appel de Paris, qui demandait le retrait des dispositifs de verrouillage placés sur les DVD de « Mulholland Drive », et condamnaient les éditeurs et les distributeurs à des dommages et intérêts, au motif que le système anti-copie de DVD était incompatible avec l'exercice de la copie privée, et pêchait par insuffisance d’information.

Au nom d’usages potentiellement frauduleux, l’arrêt de la cour de cassation autorise donc désormais toutes les mesures de protection, y compris celle qui empêchent l'utilisateur d'effectuer une copie privée. Alors que vous vous apprêtez à légiférer dans le même sens, demandons-nous si nous avons le droit de nous placer sous le signe du soupçon permanent, en partant de l'a priori que tous les consommateurs sont des fraudeurs potentiels. Dans notre droit, prévaut au contraire le principe de la bonne foi, et c’est heureux. Sans verser dans l'angélisme, notre conception des libertés publiques exige en effet que nous refusions la méfiance systématique. Voilà un motif essentiel pour refuser la légalisation des mesures techniques.

M. Christian Paul - A pas comptés, nous pénétrons dans l’article 7 de ce texte, véritable champ de mines pour internet. Pour quatre raisons, que nous développerons tout au long du long débat qui nous attend, nous sommes profondément hostiles à la généralisation des DRM que vous souhaitez introduire dans notre droit : les droits des usagers, qui doivent pouvoir jouir dans des conditions normales des œuvres qu’ils acquièrent ou partagent ; les libertés publiques et privées, remises en cause par un contrôle à distance des fonctionnalités des ordinateurs ou l’accès à des données personnelles, comme MM. Cazenave et Carayon l’ont montré ; …

M. Bernard Carayon - Vous anticipez !

M. Christian Paul - … le développement des logiciels libres ; et enfin les intérêts stratégiques de notre pays. Même modestement amendé par vos soins, cet article 7 nous semble donc inacceptable.

Afin que nos débats aient du sens, il faudrait également que vous précisiez votre définition de l’interopérabilité, Monsieur le ministre. S’agit-il pour vous d’une compatibilité temporaire entre plusieurs systèmes, comme nous le craignons, ou bien d’une relation durable et évolutive ?

M. Jean Dionis du Séjour – Notre rapporteur nous explique que notre amendement est redondant, un appel au conseil de la concurrence étant prévu. Or, il ne s’agit pas de se placer en aval, du point de vue du juge, mais de mettre les éditeurs de DRM dans l’obligation active de fournir les informations nécessaires à l’interopérabilité.

Afin de compléter utilement l’article 7, déjà enrichi mais encore lacunaire, nous devons en effet ajouter une telle disposition entre les alinéas 4 et 5. Comme je sais que l’amendement 137 que nous avons déposé sera refusé pour des raisons de forme, je tiens à la disposition du service de la séance une version rectifiée de notre proposition.

M. Richard Cazenave - Derrière le terme barbare d’interopérabilité…

M. Christian Paul - Qu’il faut définir !

M. Richard Cazenave - … se cachent des enjeux de la plus grande importance : le libre usage de tout support pour lire des œuvres acquises de façon licite ; le développement du logiciel libre ; mais aussi la sécurité de notre pays.

Je rappelle que nous avons apporté des précisions utiles dès nos premiers débats sur le sujet, en précisant la nature des « éléments essentiels à l’interopérabilité », à savoir la documentation technique et l’interface de protection nécessaires pour obtenir, dans les standards ouverts définis par la loi du 21 juin 2004, une copie d’une reproduction protégée par des mesures techniques, et celle des informations qui y sont jointes. Par conséquent, la protection ne doit pas conduire à entraver la recherche industrielle sur les logiciels et la lecture des données sur tous les supports.

Or, les mesures de protection actuelles empêchent la lecture de toutes les œuvres sur les baladeurs MP3, problème auquel il faudra que nous apportions une solution lors de nos débats, aujourd’hui ou en seconde lecture. Les consommateurs doivent en effet être en mesure de transférer les données sur le support de leur choix, Windows ou Linux, sans se rendre coupable d’un délit. Tel est l’objet des amendements que je continuerai à défendre avec Bernard Carayon.

M. Alain Suguenot – Nous sommes ici au cœur de l’application de la directive, dont le but est de consacrer les DRM. Commençons donc par un effort de vocabulaire : il s’agit de crypter un fichier, en brouillant son contenu à l’aide d’une clef. Une fois crypté, le fichier ne peut plus être lu sans un logiciel de décryptage compatible et, bien sûr, sans la clef.

Lorsque vous achetez de la musique sur internet, les DRM sont déjà systématiquement utilisés. Dans le système de Microsoft adopté par la Fnac et Virgin, le serveur de votre fournisseur crypte le morceau de musique à l’aide d’une clef secrète, que vous ne recevrez naturellement pas. Vous devez alors utiliser un lecteur compatible, Windows Media Player par exemple. Ce lecteur, détectant que le fichier est crypté, protégé par un DRM, prend contact avec le serveur pour lui demander la clé secrète nécessaire à la lecture. Avant de la lui envoyer, le serveur lui demande le numéro de série de votre ordinateur puis met à jour votre fiche client en y inscrivant le numéro de série du morceau concerné suivi de celui de l’ordinateur sur lequel vous désirez l’écouter, avant de fabriquer un fichier qu’on appelle licence. Cette licence contient la clé secrète de décryptage, mais aussi une liste de règles précisant ce que vous êtes autorisé à faire avec le morceau en question. Le serveur envoie cette licence à votre lecteur qui la « cache » sur votre disque dur. Disposant alors du morceau de musique et de sa licence, il vérifie dans celle-ci que vous avez bien le droit de lire celui-là. Si tout est en règle, vous pouvez, enfin, écouter votre musique !

Comprenant mieux le fonctionnement des DRM, on imagine les règles qu’ils permettent d’imposer. Si vous transférez le morceau sur une autre machine, le lecteur, ne trouvant plus de licence, va à nouveau contacter le serveur pour en obtenir une. Votre fiche client sera mise à jour et le serveur « saura » que vous avez installé ce morceau une deuxième fois. Si vous dépassez le nombre maximal d’ordinateurs autorisés, cinq avec iTunes par exemple, le serveur refusera de vous accorder une nouvelle licence, vous devrez lui demander d’en retirer une à un ordinateur pour la transférer à un autre. La licence peut également imposer une limitation dans le temps de l’utilisation d’un fichier, un délai au-delà duquel le lecteur le détruira.

Avant de parler d’interopérabilité, c’est-à-dire de la capacité qu’ont deux systèmes informatiques différents de travailler ensemble, il faut être conscient que la gestion des DRM est assurée par un ensemble de logiciel fournis par un seul et même éditeur, dans notre exemple à 90 % par Microsoft. Ainsi, personne, hormis Microsoft, ne connaît réellement la structure interne des fichiers Word que les autres traitements de texte, comme OpenOffice, ne peuvent donc pas lire correctement. La conséquence de tout cela est que Word – dont on dit qu’il utilise un format propriétaire ou fermé –, vous est imposé et que s’il venait à disparaître, vos fichiers seraient perdus.

M. Christian Paul - Excellente démonstration !

M. Alain Suguenot - Par essence donc, il ne peut y avoir d’interopérabilité s’il n’y a que des logiciels propriétaires ou fermés. Si l’on ne précise pas dans ce projet de loi qu’il faut des formats ouverts, le standard des DRM sera imposé à tous. Il y va de l’avenir du secteur des logiciels libres, particulièrement dynamique en France, et au-delà, de la menace de monopole qui pèse sur les internautes. Pour la contrer, il nous faut tous faire preuve d’imagination.

Mme Christine Boutin - Je remercie infiniment M. Suguenot de ces excellentes explications qui nous font comprendre tout l’enjeu des DRM. Je souhaite, pour ma part, appeler l’attention de l’Assemblée sur l’extrême danger de les légaliser. Les DRM consistent à surcharger un document numérique de données parasites permettant d’en restreindre la copie à l’identique, pourtant au fondement de la révolution numérique. Protéger les clés par un logiciel n’a jamais marché et ne marchera jamais. C’est pourquoi on a imaginé aux Etats-Unis de cacher les clés dans les ordinateurs, ce qui permettra à celui qui les maîtrisera de contrôler totalement les machines. Or, l’Union européenne, a fortiori la France, n’a aucun moyen de fabriquer les microprocesseurs. La généralisation des DRM freinerait le développement des logiciels libres qui constitue la principale opportunité française et européenne de contrer la domination d’un système. Se jouent donc là non pas l’avenir de la seule industrie musicale et cinématographique, mais la capacité des Français et des Européens à utiliser librement le cybermonde et à avoir leur propre industrie innovante dans ce domaine. Les DRM, plus insidieusement que les logiciels brevetés, limiteraient la possibilité pour la France et l’Europe de conserver une part de souveraineté en matière d’internet. D’autres solutions de rémunération des artistes étaient envisageables.

M. Bernard Carayon - S’il y a un article qui doit faire l’objet d’un consensus sur tous nos bancs, c’est bien celui-ci…

M. Christian Paul - Pas en l’état !

M. Bernard Carayon - …surtout si vous adoptez l’amendement 273 2ème rectification portant article additionnel que je proposerai tout à l’heure. C’est le fruit d’une concertation étroite avec le Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) sans lequel nous ne discuterions pas de ce sujet ce soir.

Cet article dispose que les logiciels libres pourront s’émanciper de la gangue dans laquelle ils étaient en quelque sorte enfermés. L’enjeu industriel est de taille car l’industrie du logiciel libre est pour l’essentiel européenne, et même française. Ses produits sont si sûrs qu’ils sont utilisés par la Gendarmerie nationale par exemple ou par la mairie de Paris et nombre d’autres collectivités. Cet article donne une liberté supplémentaire aux usagers en leur permettant de télécharger sur internet avec le logiciel auquel ils sont habitués, et il n’y a pas là seulement une dimension technique, mais aussi affective. Enfin, l’amendement 273 2ème rectification auquel j’ai fait allusion règle le problème de sécurité sur lequel vous avez par anticipation appelé notre attention.

Étant donné l’enjeu de cet article, puisqu’il y va de la sécurité de l’État, de la compétitivité des entreprises et de la protection de la vie privée, nous devrions le voter à l’unanimité.

M. Christian Paul - Il faut le réécrire !

Mme Martine Billard – Cet article constituait le principal motif d’opposition des députés Verts à ce projet de loi. Les DRM n’étant pas définis par la directive, il convient d’être extrêmement attentif à la définition ou à la non-définition que nous allons en donner dans la loi.

Notre collègue Suguenot l’a excellemment démontré, ces procédés limitent la sécurité de nos systèmes informatiques qu’ils rendent très vulnérables. Ils portent également atteinte à la protection de la vie privée, notamment tels qu’ils sont développés par Microsoft où ils permettront de contrôler l’ordinateur de chacun et l’utilisation qui en est faite. Comment accepter que, parce que nous avons téléchargé un morceau de musique sur une plate-forme payante, un logiciel espion ait été installé sur notre ordinateur qui peut tout révéler de nos pratiques culturelles et autres, permettant par la suite de nous inonder de spams commerciaux ?

M. Bernard Carayon - Nous répondons à ce problème.

Mme Martine Billard – Autre problème : l’interopérabilité. Qu’advient-il des morceaux téléchargés sur des plates-formes payantes si l’on change d’ordinateur ou si le disque dur subit une panne irrémédiable ? Faut-il tout racheter ? Le risque est que les utilisateurs, lassés de devoir racheter plusieurs fois la même oeuvre, ne se décident à la télécharger de manière illégale. A vouloir tout verrouiller avec ces DRM, on risque d’obtenir le résultat contraire à celui escompté. Quelle régression ! En effet, alors qu’il y a seulement quinze ans, les systèmes informatiques n’étaient pas compatibles, on a cherché à développer leur compatibilité. Et Internet est devenu un fantastique espace d’échanges, indépendamment des matériels et des formats. Or, voilà que l’on propose aujourd’hui de limiter ces possibilités d’échanges, en conditionnant l’interopérabilité à la bonne volonté de certains fournisseurs de logiciels en situation de monopole.

M. Christian Paul - C’est tragique !

Mme Martine Billard - Le format ouvert doit être obligatoire, sinon, nous connaîtrons à nouveau des situations comme celle d’aujourd’hui où Microsoft refuse de respecter les obligations auxquelles Bruxelles lui demande de se soumettre.

M. Patrick Bloche – Mme Billard l’a dit : nous nous sommes opposés à ce projet parce qu’il ne garantit pas l’interopérabilité et qu’il rompt l’équilibre établi par la directive entre le contrôle de l’usage des œuvres à travers les MTP et la préservation de la copie privée. Il ne s’agit pas de savoir si nous sommes pour ou contre les MTP. M. le rapporteur, lui, considère qu’elles sont un progrès pour l’humanité ; nous considérons quant à nous que la vraie question est celle de leur application car les enjeux sont nombreux tant en matière de sécurité informatique que de liberté individuelle et collective ou de protection du logiciel libre. Nous aurons sans doute l’occasion de savoir, au cours de notre discussion, où se situe vraiment le patriotisme économique : l’innovation et la recherche, dans notre pays, doivent être garantis.

Nous avons déjà eu l’occasion de dire que l’interopérabilité n’était pas garantie au cours de l’examen de cet article au mois de décembre. M. le ministre prétend qu’il n’en est rien. Comment compte-t-il donc agir ? A travers quels amendements ? Les internautes qui brisent les MTP ne seront peut-être plus pénalisés. Nous avons quant à nous déposé les amendements 340 et 341 après l’article 13 afin de définir l’interopérabilité, mais je souhaiterais que le Gouvernement, enfin, nous dise comment il compte s’y prendre !

M. le Ministre – Certains sujets doivent nous rassembler : le capital de talents artistiques que nous devons protéger, comme ce fut le cas pendant cinquante ans de politique culturelle avec notamment l’exception culturelle française ; le capital d’intelligences scientifiques, lequel doit également être protégé.

M. Patrick Bloche - Comment ?

M. le Ministre – Il ne faut donc pas faire de procès d’intention.

Les MTP comportent un aspect positif pour le consommateur en favorisant notamment une grande diversité de l’offre. Ainsi, je souhaite que les internautes puissent bénéficier de l’écoute en ligne à des prix très attractifs, peut-être dans le cadre d’un forfait illimité. Notre objectif premier est bien de favoriser l’accès du plus grand nombre au plus grand nombre d’œuvres possible.

Ce projet, enrichi par le travail de parlementaires légitimement passionnés, garantit la place du logiciel libre. L’interopérabilité telle que je la conçois, c’est la liberté d’utiliser le support de son choix – logiciel libre ou propriétaire – pour lire une œuvre légalement acquise sur tous les types d’appareils. Les créateurs de logiciels libres continuent à bénéficier de l’exception de décompilation et peuvent en outre s’appuyer sur les mesures garantissant l’interopérabilité pour développer des logiciels compatibles avec des œuvres protégées. Ce sont précisément ces questions, soulevées par les concepteurs de logiciels libres, qui nous ont conduits à ne pas sanctionner le contournement des MTP à des fins d’interopérabilité. Par ailleurs, nous voulons évidemment que les droits d’auteurs soient garantis. Dès lors, la technologie ne doit pas être synonyme de parcours du combattant pour l’internaute. Sur ces questions, je souhaiterais que nous soyons unanimes. Ce serait un beau message à l’endroit des mondes de la culture et de la science, dont nous souhaitons concilier les intérêts et les aspirations (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 137, mis aux voix, n'est pas adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 45.
La séance est levée à 20 heures 25.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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