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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

3ème séance du mardi 14 mars 2006

Séance de 21 heures 30

72ème jour de séance, 170ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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droit d’auteur et droits voisins
dans la société de l’information (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.

Art. 7 (suite)

M. Jean Dionis du Séjour - Par l’amendement 138, nous proposons d’obliger les titulaires de droit à informer les consommateurs sur les limites éventuelles d’usage des œuvres assorties de mesures techniques de protection. En bref, le consommateur doit savoir ce qu’impliquent les mesures techniques qui protègent l’œuvre achetée. Cette obligation d’information semble couler de source. Le terme anglais digital rights management est traduit bizarrement en français par « mesure techniques de protection » alors qu’il s’agit bien de gestion des droits !

M. Christian Vanneste, rapporteur de la commission des loisLa commission des lois est si favorable à cet amendement qu’elle en présentera un dans le même esprit à l’article 8, ce qui sera plus efficace, en replaçant toutefois un certain nombre de ses dispositions au niveau réglementaire.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication – Avis défavorable à cet amendement 138 auquel le Gouvernement préfère l’amendement 31 de la commission des lois qui répond aux préoccupations légitimes de MM. Dionis du Séjour et Baguet.

M. Frédéric Dutoit - Garantir une meilleure information des consommateurs sur les limites posées à l’utilisation d’une oeuvre, comme le proposent les auteurs de cet amendement, est louable. Toutefois, cela revient à reconnaître le principe de la limitation que nous contestons. Par ailleurs, l’information n’est essentielle que si l’interopérabilité n’est pas effective. D’autre part, les amendements ne précisent pas quelle forme doit prendre l’information aux consommateurs. Si celle-ci se borne à quelques mentions rédigées en lettres minuscules parmi diverses stipulations contractuelles, les titulaires de droit s’en serviront pour se dédouaner d'éventuelles poursuites. Afin d’éviter ce détournement, pourquoi ne pas calquer l'information des consommateurs en matière de DRM sur ce qui existe en matière de vente de tabac ? Nous pourrions imaginer que les CD ou DVD non copiables soient accompagnés de la mention « Copie impossible »…

M. Christian Paul - « Le DRM tue ! »

M. Frédéric Dutoit - …ou encore « Ce CD peut nuire à la santé de votre ordinateur » ou bien « Contient des logiciels espions » (Sourires). Il serait d’ailleurs utile d’évaluer l’influence de ces mentions sur les ventes… Voilà ce que nous réserve l’avenir avec la généralisation des mesures techniques voulue par le Gouvernement !

M. Christian Paul – L’amendement 138 traduit la prise de conscience tardive, par la majorité et le groupe de l’UDF, des dangers que présentent les DRM. Nous devons aller au-delà des « tout va très bien Madame la marquise » que nous ont servis le ministre et M. Carayon pour que ce débat ne se transforme pas en poker menteur. La majorité affirme avoir trouvé la pierre philosophale pour éviter les dégâts des DRM.

M. Bernard Carayon - Tout à fait !

M. Christian Paul – Dans ce cas, qu’elle explique comment sera assurée concrètement l’interopérabilité. Pour l’heure, le ministre s’est seulement engagé verbalement à une compatibilité temporaire des formats…

M. Pierre-Christophe Baguet - C’est la sagesse !

M. Christian Paul - …alors que le droit à l’interopérabilité suppose que chacun puisse utiliser le format de son choix sur l’appareil de son choix sans contraintes et de manière durable. D’où nos interrogations récurrentes, Monsieur le ministre, sur la manière dont vous définissez l’interopérabilité. Que les informations nécessaires à la mise en œuvre de l’interopérabilité soient disponibles sous la forme de standards ouverts serait sans doute la meilleure formule. Nous rouvrirons ce débat aux articles 13 et 14 qui concernent la répression du contournement des mesures techniques de protection. Quant à l’article 7, tel qu’il est rédigé actuellement, nous ne pouvons l’adopter car il n’institue qu’une interopérabilité de façade, empêche l’utilisation des logiciels libres et limite le droit à la copie privée à une simple copie de transfert.

L'amendement 138, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Monsieur Paul, pourriez-vous défendre l’amendement de M. Bloche en un mot ?

M. Christian Paul – Il me faudra peut-être un peu plus de temps car, Monsieur le président, nous débattons depuis mardi dernier de questions fort complexes sur les plans juridique, technique et constitutionnel (Sourires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Nous proposons, par l’amendement 86 rectifié, que le tribunal de grande instance ait la possibilité de faire cesser tout usage abusif des mesures de protection, et ce, à la demande du titulaire de droit, du ministre de la culture ou de tout utilisateur. Cette procédure contradictoire sera grandement utile dans le climat d’insécurité juridique créé par ce texte.

M. le Rapporteur – Avis très défavorable. Ces problèmes seront réglés par le collège des médiateurs, institué par ce texte, avec plus de rapidité et de cohérence que par la voie judiciaire.

M. le Ministre – Cet amendement est satisfait par l’amendement 246, adopté par l’Assemblée, qui prévoit de faire figurer dans le contrat passé entre les producteurs, les auteurs et les artistes, la faculté de recourir aux mesures techniques et rend ainsi possible le recours à un juge des contrats en cas d’abus ainsi que par la création du collège des médiateurs doté d’un pouvoir d’injonction et prescrivant au besoin les mesures propres à assurer le bénéfice effectif de l’exception. Par conséquent, avis défavorable.

M. Frédéric Dutoit – Puisque le projet de loi porte atteinte aux consommateurs, je crois, comme M. Paul, qu’il faut prévoir une voie de recours lisible pour empêcher les usages abusifs des mesures techniques.

M. le Président – Je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public sur l’amendement 86 rectifié.

M. Christian Paul - Il est abusif de vouloir confier au collège des médiateurs le rôle d’une instance judiciaire ! Tout au plus peut-on admettre qu’il édicte des normes et codifie des pratiques – quoique nous le réprouvions. Le droit au juge est garanti par la Constitution. Or, en l’occurrence, non seulement le Parlement démissionne en sous-traitant l’édiction de certaines règles, mais le juge lui-même est dessaisi : la coupe est pleine !

M. le Président – Nous allons voter sur l’amendement 86 rectifié.

M. Christian Paul - La Constitution nous donne cinq minutes !

A la majorité de 25 voix contre 9 sur 35 votants et 34 suffrages exprimés, l’amendement 86 rectifié n’est pas adopté.

M. le Président – Vous remarquerez, Monsieur Paul, que j’ai été très laxiste : la demande de scrutin public était signée par M. Bloche, qui n’est pas là, mais pour moi, Bloche et Paul, même combat ! Voilà comment je vois la Constitution, et voilà vos cinq minutes passées !

M. Bernard Carayon - L’amendement 233, 3ème rectification, vise à éviter que les mesures de protection n’empêchent la lecture d’œuvres sur certains formats. Il garantira l’application incontestable de la législation sur les vices cachés aux procédés anticopie qui interdisent à des ordinateurs la lecture, pourtant légitime, de certains CD.

M. Alain Suguenot – L’objet du sous-amendement 400 est de permettre aux mesures techniques de prendre la forme d’un standard DRM ouvert sans qu’il ne lui soit fait obstacle, au risque d’encourager une situation monopolistique.

M. Didier Mathus - Le ministre, apôtre d’une rigueur absolue sur l’interdiction de la copie privée pour les internautes, est pourtant bien clément à l’égard de producteurs qui, au mépris de la loi de 1985, apposent depuis trois ans des verrous numériques sur leurs disques. Il ne s’est jamais insurgé contre cette atteinte au droit des consommateurs !

D’ailleurs, qu’entend-il par interopérabilité ? M. Accoyer déclarait que la loi nous permettrait de copier sur nos Ipods des fichiers téléchargés sur des plateformes commerciales.

M. Laurent Wauquiez - Pas de marques ! Ne faites pas entrer les marchands du temple dans l’hémicycle ! (Sourires)

M. Didier Mathus – M. Steve Jobs sera-t-il vraiment terrorisé par les gros yeux de M. Accoyer ? Sortons du pathos : dites-nous donc comment cela fonctionnera ! Le sous-amendement 402 vise à préciser les solution envisagées.

M. Richard Cazenave - Le sous-amendement 404, rédactionnel, ajoute l’objet protégé à l’expression « libre usage de l’œuvre ». Il soutient ainsi l’amendement 233, 3ème rectification, qui apporte à toutes les critiques des réponses concrètes et précises.

Plusieurs députés socialistes – Lesquelles ?

M. Richard Cazenave – En effet, les amendements adoptés lors du premier examen et ceux de ce soir instaurent pour le consommateur l’accès libre à l’œuvre sur le médium de son choix. D’autres amendements y ajouteront la sécurité informatique.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé l’amendement 233, 3ème rectification, car il est satisfait par l’amendement 31. Toutefois, son esprit est conforme à celui de la loi – garantir la copie privée – et sa version rectifiée est convenable. J’y suis donc favorable à titre personnel. Quant au sous-amendement 400, il s’apparente plutôt à une pétition de principe !

M. Christian Paul - C’est l’hôpital qui se fout de la charité !

M. le Rapporteur – Le souci d’interopérabilité que nous partageons tous est en effet garanti par l’amendement 253. Il en va de même pour le sous-amendement 402, même s’il est plus précis dans sa rédaction. Enfin, la commission n’a pas examiné le sous-amendement 404, mais j’y suis favorable à titre personnel car il marque un progrès rédactionnel.

M. le Ministre – Je suis favorable à l’amendement 233, 3ème rectification, qui clarifie les enjeux de l’interopérabilité. La préoccupation défendue par M. Suguenot dans le sous-amendement 400 – que nous partageons tous – est légitime ; mais rien, à l’heure actuelle, n’interdit un standard ouvert pour garantir l’interopérabilité des mesures techniques. Le texte que vous avez voté en décembre y fait d’ailleurs explicitement référence. Je suis donc défavorable aux sous-amendements 400 et 402, mais favorable au sous-amendement 404.

M. Frédéric Dutoit - L’article 7, dont les associations de logiciels libres ne cessent de dénoncer la rédaction, ne permet pas de protéger le logiciel libre : l’obtention des informations essentielles à l’interopérabilité est soumise à des règles arbitrairement définies par les fournisseurs de mesures techniques. Microsoft pourrait don interdire la divulgation d’un code-source interopérant ! En outre, les conditions tarifaires pourront exclure les logiciels libres des marchés concernés. Nous voterons donc contre l’article et pour le sous-amendement 402.

Mme Martine Billard - Nous sommes loin de garantir l’interopérabilité, malgré l’amendement et ses sous-amendements ! En effet, le fameux amendement adopté en décembre en restreint le champ, puisqu’il l’autorise pourvu qu’elle ne porte pas atteinte aux conditions d’utilisation d’une œuvre.

Cette rédaction est peu satisfaisante : comment l’interopérabilité pourrait-elle porter atteinte aux conditions d’utilisation d’une œuvre ? Si interopérabilité il y a, on peut lire l’œuvre sur l’ensemble des supports disponibles. Introduire cette restriction dans le texte revient à démontrer qu’on ne parle pas d’interopérabilité.

En ce qui concerne le prix, si l’interopérabilité n’est pas respectée dès le départ, une association, par exemple, dans le cas de l’exception handicap, pourra saisir le conseil de la concurrence pour avoir accès aux informations, à des conditions de prix équitables. Mais on ne voit pourquoi il faudrait, soudain, payer pour avoir un format ouvert ! Le prix du support est le seul qui est susceptible d’être acquitté. En outre, la rédaction est particulièrement peu claire : les fabricants et exploitants qui veulent mettre en œuvre l’interopérabilité devraient s’engager à respecter, dans leur domaine d’activité, les conditions garantissant la sécurité de fonctionnement des mesures techniques de protection qu’ils utilisent ! Autrement dit, l’interopérabilité existe, mais elle doit garantir le fonctionnement des mesures techniques ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Une fois qu’on a réalisé la possibilité de lire l’œuvre sur un autre support, faut-il fermer les conditions d’accès ? L’amendement représente une toute petite avancée et je le voterai, mais je me prononcerai contre l’article 7, qui n’est que de la poudre aux yeux.

M. Jean Dionis du Séjour - L’UDF, qui a toujours réclamé l’interopérabilité, votera l’amendement 233, 3ème rectification, – sans toutefois bien comprendre pourquoi cet amendement est passé et pas les nôtres. Monsieur le président, j’ai proposé une modification pour rendre l’article 7 plus lisible : « les fournisseurs de mesures techniques donnent accès aux informations essentielles à l’interopérabilité ». Que devient-elle ?

M. le Président – Elle a été présentée hors délais.

M. Jean Dionis du Séjour - Et le droit de déposer un sous-amendement en séance ?

M. le Président – C’est un amendement, que vous nous avez fait parvenir.

M. Jean Dionis du Séjour - Les amendements qui nous ont été refusés commencent à devenir vraiment nombreux ! Et il s’agit d’un sous-amendement, puisqu’il est directement rattaché à l’amendement : il fait la jonction entre le quatrième et le cinquième alinéa !

M. le Président – Il était rattaché à un article : c’est donc un amendement. Aux termes du Règlement, il ne pouvait pas être reçu.

M. Jean Dionis du Séjour - Mais l’article est illisible tel qu’il est écrit !

M. le Président – Je demanderai pour vous au Gouvernement et à la commission de lever la forclusion.

M. Christian Paul – Nous discutons depuis des jours sur un texte extrêmement complexe, qui plus est dans le cadre de l’urgence. Lorsque l’un d’entre nous peut améliorer la rédaction, même s’il s’éloigne de la stricte orthodoxie du Règlement, on devrait l’y autoriser.

M. le Président – En ce qui concerne cette proposition, le Gouvernement vient de lever la forclusion. Pour le reste, et comme j’ai été traumatisé par vos reproches de tout à l’heure concernant les cinq minutes constitutionnelles, vous comprendrez que je respecte le Règlement à la lettre !

M. Christian Paul - Je comprends que notre discussion de mardi dernier vous ait quelque peu traumatisé.

M. le Président – Certes non, parce que vérification faite, vous n’avez pas totalement raison.

M. Christian Paul - Alors c’est le Gouvernement qui a encore tort !

Cela dit, l’amendement de M. Le Fur ne peut pas faire de mal, même s’il est révélateur de cette partie de poker menteur que nous ne cessons de dénoncer. Mais cet amendement ne fait que donner l’objectif du libre usage. Les sous-amendements qui mentionnent le format ouvert, eux, donnent la méthode pour y parvenir. Ils ne se contentent pas de garanties de façade. Nous défendons donc le sous-amendement 402.

M. le Président – Malgré la levée de la forclusion, Monsieur Dionis du Séjour, je ne peux accepter votre modification. D’abord, votre assistant avait été prévenu. Ensuite, vous voulez revenir sur un dispositif qui a déjà été voté. On ne peut plus rien faire, à part une seconde délibération !

Mme Martine Billard - Ce serait une bonne idée !

M. Laurent Wauquiez - Cet amendement 233, 3ème rectification, est l’aboutissement du travail mené par MM. Cazenave et Carayon sur l’interopérabilité. Il est extrêmement important non seulement pour les logiciels libres, mais aussi pour les consommateurs, qui ne se verront pas imposer par la plateforme de téléchargement le format et surtout le support hardware du fichier. C’est la première fois en Europe que se font de telles avancées.

Quant à M. Mathus, ses propos traduisent une sorte de démission du Parlement, ce qui est très étonnant de sa part. Que Steve Jobs fronce les sourcils devant le président du groupe UMP n’a aucune importance. La loi française, une fois adoptée, s’appliquera aussi bien à Apple qu’à Microsoft (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Suguenot - Si l’on veut que Microsoft ou Apple aient de la considération pour le Parlement français, il faut que le texte soit complet. Je ne vois pas en quoi le redondance serait gênante dans un dossier aussi important. Préciser que les mesures techniques peuvent prendre la forme d’un standard DRM ouvert peut être redondant, mais préciser qu’elles ne doivent pas pouvoir faire obstacle à la mise en place de ce standard ne l’est pas ! C’est une amélioration du texte garantissant que demain, les formats propriétaires n’empêcheront pas, en monopolisant le marché, l’offre faite par les acteurs français. Entre ce qu’on souhaite et ce qui se passe dans la réalité du fait des évolutions techniques, il y a un monde !

M. Christian Paul - Il y a un contresens.

M. le Président – Monsieur Paul, je ne vous donne pas la parole. Il y a déjà eu six orateurs.

Le sous-amendement 400, mis aux voix, n'est pas adopté.
Le sous-amendement 402, mis aux voix, n'est pas adopté.
Le sous-amendement 404, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 233, troisième rectification, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.
L'article 7, modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 7

M. Bernard Carayon - Il y a quelques mois, Sony a arrêté d’utiliser une mesure technique de protection de ses CD : le spyware installé à l’insu de l’utilisateur pour contrôler l’ordinateur compromettait sa sécurité au point que dès la faille connue, un virus diffusé par courrier électronique l’a exploitée. Sony n’a pu que rappeler les disques concernés. Outre les problèmes que pose cette MTP pour la vie privée, on doit s’interroger de façon plus générale sur la sécurité des ordinateurs qui accueillent des MTP et de leurs réseaux.

L’amendement 273, deuxième rectification, concerne donc un domaine très sensible et j’espère qu’il emportera un vote unanime. La sécurité des systèmes d’information doit devenir une de nos préoccupations majeures : elle touche à la fois à la sécurité de l’État, à la compétitivité des entreprises et à la vie privée des individus. Certaines des mesures techniques qui vont être protégées juridiquement par le texte peuvent se révéler propices à la pénétration à distance des réseaux informatiques. L’amendement a pour objectif d’obliger les fournisseurs de mesures techniques à communiquer le code source des logiciels aux services compétents de l’État, à les soumettre, pour les données personnelles qu’elles auront à traiter, aux règles spécifiées par la CNIL et à soumettre l’installation de logiciels comportant ce type de mesures techniques, y compris les système d’exploitation, à autorisation de l’administration lorsqu’elle se fait dans des administrations de l’État ou des collectivités locales.

Je remercie le ministre d’avoir eu une oreille attentive pour les préoccupations de sécurité auxquelles répond cet amendement.

Enfin, je voudrais informer nos collègues que j’ai écrit au Président de l’Assemblée, il y a quelques jours, pour lui demander de permettre aux députés de la prochaine législature de pouvoir choisir, pour leur poste de travail, entre des systèmes propriétaires et des logiciels libres, plus sûrs car dépourvus de telles mesures techniques. Je lui ai demandé aussi de mettre en place un groupe de travail, qui pourrait associer toutes les formations politiques représentées à l’Assemblée, en vue de définir le cahier des charges de cette offre alternative, qui réconcilie les impératifs de sécurité et de liberté.

Plusieurs députés UMP - Très bien !

M. Christian Paul - M. Wauquiez nous a dit tout à l’heure que l’amendement proposé allait permettre de déverrouiller les fichiers MP3 des plates-formes commerciales…

M. Laurent Wauquiez - Je n’ai pas dit cela !

M. Christian Paul - C’est oublier qu’il n’y a pas de DRM sur les fichiers MP3 !

Quant à l’amendement de M. Carayon, il confirme ce que nous ne cessons de dénoncer, à savoir le danger des DRM. Mais alors que nous insistons pour que l’on dise stop aux DRM, il propose au Parlement de forger un sabre de bois contre eux, du moins pour tenter de protéger les intérêts stratégiques de l’État. Mais quid de la vie privée des citoyens, sachant que les DRM permettent de contrôler à distance un certain nombre de fonctionnalités de l’ordinateur, donc d’accéder à des données personnelles ?

M. Richard Cazenave - On va vous répondre là-dessus.

M. Christian Paul - Par le sous-amendement 403, nous essayons de limiter les dégâts collatéraux en proposant que les conditions dont parle l’amendement de M. Carayon fassent l’objet d’une publication au Journal Officiel et qu’une certaine transparence soit ainsi garantie à tous.

M. le Rapporteur – L’amendement de M. Carayon est un amendement très important, qui vise à renforcer la sécurité sur internet, tant pour l’État que pour les entreprises et les individus. La commission l’avait repoussé pour des raisons de forme, une référence au SGDN lui conférant, pour partie, un caractère réglementaire. Mais puisque ce défaut a été corrigé, j’exprime à titre personnel un avis favorable.

Le sous-amendement 403 est, lui, inutile, puisque l’amendement renvoie à un décret en Conseil d’État, qui est par définition publié au Journal officiel.

M. Christian Paul – Nous ne demandons pas la même chose !

M. le Ministre – Cet amendement, qui vise à encadrer les mesures techniques en soumettant les éditeurs de logiciels à un double contrôle, celui de la Direction centrale de la sécurité des systèmes d’information et celui de la CNIL, est de nature à rassurer nos concitoyens sur l’éventuel caractère intrusif des mesures techniques. Je remercie les parlementaires de leur travail sur ce sujet important – sécurité, intelligence économique – et j’émets un avis défavorable.

Même avis que le rapporteur sur le sous-amendement 403.

M. Bernard Carayon - Le fait que M. Christian Paul sous-amende mon amendement me fait penser qu’il va voter ce dernier, ce dont je le remercie par avance.

Il est sans doute un peu paradoxal que ce soit à la faveur d’un texte sur les droits d’auteur que l’on remette l’État au centre d’une problématique – la protection des intérêts des entreprises et de la vie privée des particuliers, la sécurité des systèmes d’information – à laquelle il ne s’est pas beaucoup intéressé dans le passé, comme en témoigne le niveau modeste de la coopération en ce domaine. Je suis en tout cas heureux que le Gouvernement donne un avis favorable à cet amendement et j’y vois le prélude à une réflexion plus poussée sur cette question stratégique de la sécurité informatique. Je suis convaincu qu’il est temps que l’État la mène et mobilise des moyens à la hauteur des enjeux.

M. Laurent Wauquiez - J’ai beaucoup d’estime pour les capacités techniques de M. Paul, moins pour ses capacités d’écoute. Je vais donc lui redire ce que j’ai dit tout à l’heure. Dans une version accessible à tous, d’abord : quand vous téléchargez un fichier MP3 sur Itunes et que vous essayez de le lire sur autre chose que votre Ipod, vous pouvez avoir des problèmes. Dans une version plus technique : les fichiers MP3 sont des fichiers de compression et peuvent donc comporter des MTP.

Mme Martine Billard - A lire l’exposé sommaire de l’amendement 273 2ème rectification, je me demande si j’ai rêvé tout le débat précédent et je comprends que le rapporteur n’ait pas eu l’air très à l’aise, à l’instant. Quand on lit en effet que l’objet de l’amendement est « d’éviter que la gestion de droits d’auteur ne compromette de facto la sécurité des utilisateurs individuels, des entreprises et des administrations »…

M. Bernard Carayon - Votez donc cet amendement !

Mme Martine Billard - …on a vraiment du mal à croire que les DRM soient bien, comme on nous l’a expliqué tout au long de la discussion de l’article 7, un grand progrès pour l’humanité !

Oui, il y a bel et bien des risques pour la sécurité nationale et pour la compétitivité des entreprises, et les auteurs de cet amendement s’efforcent d’y répondre. Mais ils se montrent beaucoup moins soucieux des risques, pourtant tout aussi réels, que les DRM représentent pour la liberté individuelle des internautes !

On essaie de nous faire croire que les acteurs du logiciel libre ont été écoutés, mais ces derniers nous disent que ce n’est pas vrai (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et demandent une seconde délibération sur l’article 7, qui ne respecte pas les engagements que vous aviez pris sur l’interopérabilité ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Bloche - L’on ne s’étonnera pas que mon propos rejoigne celui de Mme Billard car il faut avoir tout de même un sacré estomac pour, après avoir refusé tous nos amendements à l’article 7 tendant à procurer un surcroît de garanties, essayer de se refaire une virginité avec un tel amendement. Et que dire des remerciements du ministre pour cette « initiative bienvenue » des parlementaires ! Je sais que l’esprit de courtisanerie règne à la rue de Valois, mais la flatterie n’est jamais bonne conseillère pour légiférer.

Les préoccupation qu’expriment MM. Carayon, Cazenave et consorts au travers de leur amendement ne nous laissent pas insensibles, mais pourquoi ce qui vaudrait pour l’État – au titre de la sécurité nationale – ne serait-il pas également indispensable pour les citoyens – en vertu du respect de leur vie privée – et pour les entreprises – au nom de la nécessaire protection des secrets industriels ? Pourquoi limiter le champ de cet amendement en forme de sévère réquisitoire contre les mesures techniques de protection aux seuls pouvoirs publics ? C’est pourquoi notre sous-amendement 403 vise à ce que l’ensemble des consommateurs et des entreprises bénéficient de protection analogues.

M. François Bayrou - Le groupe UDF tient à faire part de la perplexité que lui inspire cet amendement. A priori, nous ne voterons pas contre, car, si on l’aborde d’un œil bienveillant, on peut sans doute se laisser convaincre qu’il est bien intentionné. Il reste que la construction d’une telle usine à gaz au profit exclusif de l’État a de quoi surprendre, le réalisme de nombre des mesures envisagées pouvant être mis en doute. A dire vrai, nous n’y croyons pas et nous attendons de voir les suites qui pourront être données avec beaucoup de scepticisme. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la lecture du texte de cet amendement et de son exposé sommaire incline à porter un regard un peu sévère sur les risques inhérents aux mesures techniques de protection.

M. Richard Cazenave - Ce débat – notamment lorsqu’il est alimenté par ceux qui voudraient sous-amender – montre toute l’utilité de cet amendement, lequel répond à une préoccupation présente sur tous nos bancs. Je ne doute pas que tous ceux qu’intéressent les problèmes liés à la sécurité informatique auront à cœur de le voter. La situation n’est pas aussi compliquée que certains se plaisent à le laisser croire : nous avons besoin des mesures techniques de protection, notamment pour mettre en œuvre le droit d’auteur ; mais au regard du risque potentiel qu’elles font courir aux libertés individuelles, à la survie des logiciels libres ou à l’interopérabilité, il est indispensable de les encadrer afin que leurs effets soient strictement proportionnés à leur objectif central. Il s’agit en quelque sorte de domestiquer un dispositif et les réserves de certains peinent à masquer leur frustration de n’avoir pas écrit eux-mêmes cet amendement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Mathus - Que dit cet amendement, sinon que les mesures techniques de protection sont extrêmement dangereuses, …

M. Patrice Martin-Lalande – Disons qu’elles peuvent l’être, comme un avion ou une automobile !

M. Didier Mathus - … en particulier pour les administrations ? Dès lors, il est choquant que le Gouvernement juge bon de donner des garanties supplémentaires aux pouvoirs publics, sans envisager d’en faire bénéficier aussi les citoyens. Cela rappelle le précédent de l’Australie, qui, après avoir voté, il y a dix-huit mois, une loi jumelle du présent texte, se voit aujourd’hui contrainte de solliciter – via un rapport parlementaire – plus de trente exceptions en sus de celles prévues initialement. Attachons-nous à prévenir de tels errements en faisant preuve dès à présent de plus de vigilance. Au-delà, je répète qu’il est choquant que le Gouvernement admette en toute tranquillité que ce qui est bon pour l’État – donc pour lui – n’est pas utile pour les cochons de payeurs que sont les citoyens consommateurs.

M. Christian Paul - Nous ne voterons pas cet amendement cosmétique qui pourrait s’intituler : « il faut sauver le soldat DRM ! » Mal comprise, notre proposition de sous-amendement ne fait pas recette et François Bayrou a raison de dénoncer l’usine à gaz – sans doute destinée, dans l’esprit de ses concepteurs, à être gérée par un organisme privé – qui nous est proposée. Sans vouloir alimenter une querelle personnelle avec M. Wauquiez, je souhaite lui faire observer que les fichiers téléchargés sur iTunes ne sont pas au format MP3, et qu’ils sont encodés via des mesures techniques de protection de type FairPlay. En définitive, vous avez fait la promotion de Boeing contre Airbus, et je le déplore.

M. François Bayrou - Cet amendement développe une certaine vision de la réalité dont je tiens à dire à quel point nous ne la partageons pas. Que dit-il en substance ? Que les mesures techniques permettant l’accès à distance à des données personnelles sont soumises à une déclaration préalable auprès des services de l’État. Or, cela, nous n’en voulons pas. Pour nous, de tels dispositifs doivent être interdits, et l’on ne voit pas au nom de quelle conception mythique de l’État, le fait de les déclarer préalablement aux pouvoirs publics les rendrait licites. C’est au législateur de veiller, dans le cadre d’un système juridique équilibré, que le citoyen constatant de tels agissements à son encontre puisse en saisir une juridiction, laquelle, assistée d’experts, les sanctionnera. Tout à l’heure, j’avais fait part de mon intention de m’abstenir. Là, je me demande si je ne vais pas voter contre cet amendement !

M. le Président – Dépêchons-nous, ou M. Bayrou va finir par voter pour cet amendement ! (Sourires)

M. Laurent Wauquiez – Un mot pour dire à Christian Paul que les normes MP3 et MP4 sont des formats de compression, auxquels peuvent s’appliquer des mesures techniques de protection conformes à nos standards. La critique qu’il m’a adressée tout à l’heure est donc parfaitement infondée et traduit sa méconnaissance du sujet.

Je mets cela sur le compte de cet esprit de synthèse, que vous avez perdu au début du débat !

M. Bernard Carayon - Nos collègues socialistes feignent de découvrir la vulnérabilité des systèmes d’information, mais c’est de l’histoire ancienne et l’on connaît bien l’importance qu’attachent les Etats à la résorption des failles portant atteinte à leur sécurité, à la compétitivité des entreprises et à la vie privée. Le marché, on le sait, est extrêmement monopolistique et les canaux d’information sont issus d’un même pays, lequel domine l’ensemble des contenus.

Monsieur Bayrou, si ce n’est pas à l’Etat – et en particulier au Parlement – de garantir les libertés fondamentales, qui le fera ?

M. François Bayrou - L’Etat et le Parlement, ce n’est pas la même chose !

M. Bernard Carayon – Est-ce aux entreprises privées ou aux associations de consommateurs de protéger les libertés fondamentales et la sécurité de l’Etat ? Faisons notre travail !

M. François Bayrou - Faisons la loi !

M. Bernard Carayon - C’est l’honneur du Parlement que de prévoir des protections pour l’Etat, pour les entreprises et pour les particuliers.

Enfin, je salue la volte-face de M. Paul, prêt à voter notre amendement en le sous-amendant, mais qui, pour des raisons politiciennes, s’échappe, opérant, comme au rugby, un « cadrage-débord ». En réalité, il veut dissimuler sa frustration sur le droit à la copie privée et sa gêne à l’égard des garanties offertes en matière d’interopérabilité, et de la nouvelle échelle de sanctions proposée par le Gouvernement.

Le sous-amendement 403, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 273, deuxième rectification, mis aux voix, est adopté.

art.8

M. Dominique Richard – En confiant au collège des médiateurs, sous le contrôle du juge, le soin de fixer les modalités d’exercice de la copie privée, le Gouvernement entend prendre en compte la diversité des supports et des contenus, et rendre possible l’adaptation de ces modalités à l’évolution de la technologie.

Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur deux points. Il convient tout d’abord de disjoindre les personnes en charge de l’instruction et celles participant à la formation de jugement, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de cassation.

Il faut ensuite veiller à ce que la chronologie des médias ne soit pas fragilisée et permette toujours de financer notre production cinématographique.

M. Patrice Martin-Lalande - C’est fondamental !

M. Dominique Richard - La technologie ne permet pas actuellement de limiter la copie des DVD : soit ils ne sont pas copiables, soit ils le sont à l’infini. Or une nouvelle génération de DVD, dans les mois à venir, permettra de mieux gérer le nombre de copies.

Il convient donc d’indiquer dans nos débats que le collège des médiateurs devra respecter le principe de chronologie des médias, l’exception pour copie privée étant garantie par la possibilité de copier l’œuvre lors de sa diffusion par un éditeur de télévision. C’est pourquoi je vous proposerai, avec Patrice Martin-Lalande, un amendement interdisant de bloquer le double signal.

M. Patrick Bloche – Selon le rapport de M. Vanneste, l’article 8 contient les mesures volontaires pour la protection des exceptions au droit d’auteur, au regard des MTP. Nous parviendrons peut-être, à l’occasion de la discussion de cet article, à réparer un certain nombre de dégâts causés à l’article 7, d’autant plus que les débats nous ont conduits à protéger pénalement les MTP, alors que nous avions tous convenu qu’elles constituaient une menace pour les libertés publiques et pour la vie privée.

Nous sommes amenés à examiner un amendement du rapporteur, qui élargit de façon considérable la mission de médiation et de règlement des litiges confiée, à l’article 9, au collège des médiateurs. L’amendement vise en effet à lui octroyer la responsabilité de fixer les modalités d’exercice de l’exception pour copie privée. Il y a, entre l’article 8 et l’article 9, une confusion inacceptable : nous ne pouvons confier à la même institution une fonction de régulateur et une fonction d’arbitre des litiges.

M. Jérôme Lambert - Elle serait juge et partie !

M. Patrick Bloche - Le Gouvernement botte en touche ! Au lieu de fixer clairement dans cet hémicycle les modalités de l’exercice de l’exception pour copie privée et de donner exactement le nombre de copies qui seront possibles, il fait le choix de la facilité en renvoyant cette responsabilité majeure au collège des médiateurs.

D’une part, le groupe socialiste considère qu’il revient à la représentation nationale de fixer ces modalités. D’autre part, nous constatons que la confusion est totale s’agissant du nombre de copies privées. Un amendement du rapporteur précise que ce nombre ne peut être inférieur à un, tandis que le ministre, en commission des lois, affirmait que le nombre de copies privées d’un CD pouvait aller jusqu’à cinq ou six. Cette approximation est-elle bien sérieuse, surtout lorsque l’on sait qu’un arrêt de la Cour de cassation a indiqué que la copie de DVD était impossible ?

Je trouverais irresponsable, voire lâche, de confier à d’autres le soin de fixer les normes dans un domaine aussi essentiel que l’exercice de la copie privée !

M. Didier Mathus - Le Gouvernement veut-il vraiment garantir le droit à la copie privée ? Si l’on en juge par l’architecture globale du texte, la réponse est « non » ! J’ai même entendu un ministre nous expliquer qu’il voulait chasser les plateformes peer to peer de l’internet.

M. Laurent Wauquiez - Vous confondez un peu rapidement le peer to peer et la copie privée !

M. Didier Mathus – Il est pourtant légitime que la société bénéficie du progrès technique. La loi de 1985, adoptée à l’unanimité, a introduit ce droit à la copie privée.

Je reste sous le coup de l’amendement qui vient d’être adopté : le fait que le Gouvernement ait reconnu l’exposé des motifs montre qu’il ne croit pas lui-même à son argumentation. Ce qui vaut pour l’Etat ne vaudrait-il pas pour les citoyens ? Nous allons sanctuariser des MTP, dont on reconnaît qu’elles sont attentatoires aux libertés individuelles, et protéger ceux qui les mettent en place. Jamais nous n’avons été confrontés à une telle contradiction dans un texte !

La question de la copie privée, désormais au cœur du dispositif, est essentielle. Bien sûr, des déclarations de principe affirment que le droit à la copie privée est garanti. Mais en réalité, vous livrez pieds et poings liés les internautes aux industriels du disque pour interdire, dans les faits, le bénéfice de la copie privée !

M. Didier Migaud - Nos collègues de la majorité ont prétendu que nous nous contredisions parce que nous sommes à l’origine de la loi de 1985 relative à la copie privée et au système de rémunération. Mais depuis, vingt ans ont passé, autant dire une éternité numérique ! En 1985, seuls les supports analogiques existaient et les supports vierges ne pouvaient servir qu’à copier. Aujourd’hui, les supports numériques concernés par la redevance pour copie privée sont des supports dits hybrides qui peuvent donc servir à autre chose qu’à la réalisation de copies. Or, le système de la copie privée existant essentiellement grâce au prélèvement sur les supports pouvant servir à la réalisation de copies à usage privé, la fragilisation de son fondement juridique peut avoir des conséquences sur les droits d’auteur. Ces sommes sont pourtant utiles car elle rémunèrent les ayants droit et contribuent au soutien de l’action culturelle : 25 % d’entre elles sont ainsi conservées par les sociétés collectives de gestion de droits pour financer leurs propres actions de soutien à la création culturelle. Des collègues ont envisagé la taxation des ordinateurs, des flux internet, et même des téléphones mobiles. Pourquoi pas ? Mais la taxation de biens qui ne permettent pas nécessairement de réaliser de la copie privée ne relève pas d’une commission composée d’experts désignés par les organisations représentants les bénéficiaires du droit à rémunération, de personnes désignées par les organisations représentant les fabricants et importateurs de supports d’enregistrement assujettis et de personnes désignées par les organisations représentant les consommateurs. Une partie de cette commission a par ailleurs refusé de siéger lors de la dernière réunion relative aux DVD. Censée être un lieu de concertation, ce sont en fait des intérêts divergents qui s’y affrontent. Au-delà du nécessaire combat pour les libertés publiques, il convient de donner une valeur légale à ce prélèvement afin de garantir l’existence du dispositif né en 1985. C’est parce que nous souhaitons pérenniser la copie privée et son mode de rémunération originale que le Parlement, garant de l’intérêt général, doit en fixer l’assiette, le taux et les modalités.

Une fois de plus, nous constatons l’impréparation de cette loi et combien la déclaration d’urgence est inadaptée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Dionis du Séjour – L’article 8 dispose que les titulaires des droits d’auteur doivent prendre les mesures nécessaires pour garantir l’exercice de l’exception pour copie privée. En ce sens, il doit être lu parallèlement à l’article 7 car il faudra gérer l’antagonisme entre DRM et copie privée, et parallèlement à l’article 9 car, concernant la copie privée, un arbitrage sera nécessaire.

Les DRM sont une méthode de protection des contenus et une fourniture de clés d’accès. Ils impliquent également une gestion des droits et peuvent servir à la traçabilité du contenu, ce qui risque de créer des problèmes quant au respect des données personnelles. Les DRM constituent enfin la réponse appropriée aux piratages. Étant au cœur de la directive, on ne peut les opposer à l’interopérabilité. Au contraire, il s’agit de les concilier. L’interopérabilité, quant à elle, relève d’abord de la copie privée puisque celle-ci concerne le cercle de famille et la copie pour un usage privé du copiste sans destination collective. Sur cette articulation, la loi est insuffisante et devra être complétée au Sénat et en CMP.

Mme Martine Billard – Cet article précise les conditions d’exercice de l’exception de copie privée sans pour autant en fixer le nombre. L’article 9 crée un collège de médiateurs chargé de réguler les mesures techniques de protection afin de garantir le bénéfice de l’exception pour copie privée. Celui-ci fixera également le nombre de copies et vérifiera si les MTP ne se transforment pas en contrôle de l’usage. Quelle nébuleuse ! L’article fait état de quelques principes mais, en définitive, ce n’est pas la représentation nationale qui décidera de l’application du droit à la copie privée. Comme le montant de la redevance et son champ d’intervention ont été jadis transférés à une commission, la loi transfèrera les questions du droit à la copie privée à une autre instance.

En outre, les titulaires de droits ne sont pas tenus de prendre les mesures prévues au premier alinéa lorsque l'œuvre ou un autre objet protégé par un droit voisin sont mis à la disposition du public selon les stipulations contractuelles convenues entre les parties, de manière que chacun puisse y avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit. Nous avons vu que ces fameuses stipulations contractuelles portaient notamment sur l’exception pédagogique. Je rappelle que les cinq accords signés par le ministère de l’éducation ne concernent que la formation initiale, et non la formation permanente et continue, qui constitue pourtant l’une des missions de l’université. Comment s’effectuera donc le travail ? Concernant l’accord sur l’audiovisuel, seule la programmation des télévisions hertziennes est prise en compte. Comment croire que les enseignants chercheurs pourraient faire dépendre leur travail de leur seule programmation ? En outre, sachant que l’accord ne s’applique qu’en 2007, quelle est la situation juridique des chercheurs aujourd’hui ? Je constate que ceux-ci ont du mal à accepter vos accords, Monsieur le ministre, et qu’une pétition circule en ce moment même. Je crains qu’entre le texte sur la recherche, la mobilisation contre le CPE et cette partie du texte sur les droits d’auteur, vous n’ayez quelques problèmes !

M. Frédéric Dutoit - Vous avez déclaré vouloir réaffirmer solennellement le droit à la copie privée, Monsieur le ministre. Or, tel ne sera pas le cas. Le texte que vous proposez ne modifie en rien le statut de la copie privée dans le sens de la reconnaissance d'un droit. Demain, nul ne pourra copier un DVD pour son usage personnel. Prouvez nous le contraire ! Des internautes ont récemment évoqué cette question sur mon blog : tous témoignent de l'incompatibilité entre l'usage des DRM tels qu'ils sont aujourd'hui définis et mis en place et l'exercice du droit à la copie privée. Ils ne vous croiront pas sur parole ! Les déclarations d'intention n'ont pas de sens si vous ne fixez pas de limites aux atteintes que les DRM font peser sur le droit des usagers. Si vous dites vouloir défendre le droit à la copie privée, apportez nous une garantie législative que cette possibilité sera bien offerte et que les systèmes anti-copie seront illégaux ! Au lieu de cela, vous déléguez cette responsabilité au collège des médiateurs. C’est inacceptable ! C’est à la loi de fixer le régime précis des exceptions et de garantir formellement l’exercice des droits des usagers qui, rappelons-le, relèvent des libertés publiques.

M. Laurent Wauquiez - M. Dionis du Séjour a fort bien souligné les problèmes posés par la copie privée. Il s’agit de garantir la liberté du consommateur et de lui permettre de transférer un fichier qu’il a acquis légalement sur les différents supports dont il dispose, et de restreindre dans le même temps le contournement des DRM afin de ne pas ouvrir la voie au piratage et de protéger au mieux le droit d’auteur, préoccupation qui ne semble pas animer les députés socialistes. L’amendement 321 a pour objet d’inscrire clairement dans la loi le droit à la copie privée. Toutefois, il semble que la jurisprudence de la Cour de Cassation, dans ses arrêts récents, ait privilégié l’expression « exception pour copie privée ». Si tel est le cas, Monsieur le ministre, je suis prêt à me rallier à l’amendement de la commission car ce choix traduit un équilibre entre protection des artistes et droit des internautes.

Par ailleurs, je m’étonne que certains déplorent la création d’un collège des médiateurs alors que la gauche a beaucoup œuvré… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Plusieurs députés socialistes – Hélas !

M. Laurent Wauquiez - …pour le développement des autorités administratives indépendantes, notamment à la grande époque du mitterrandisme, avec l’ART et le CSA ou encore la CNIL sous Giscard d’Estaing…

M. Christian Paul - Arrêtons-nous là !

M. Laurent Wauquiez – Par là, le groupe socialiste a reconnu le premier combien la voie législative, trop lente, n’était pas adaptée pour traiter les questions techniques (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). En revanche, la loi doit encadrer le travail du collège des médiateurs.

M. le Rapporteur – Il existe un consensus sur les bancs de cette Assemblée pour inscrire dans la loi le droit à la copie privée. Ce droit doit rester subordonné, dans la hiérarchie des normes, au droit d’auteur. La propriété intellectuelle est « la plus sacrée, la plus personnelle de toutes les propriétés » comme disait Le Chapelier en son temps. C’est d’ailleurs parce que les DRM la protègent que je leur suis favorable. Par conséquent, il est préférable d’utiliser l’expression « le bénéfice de l’exception pour copie privée » comme je le propose par l’amendement 258 rectifié. Avis défavorable à l’amendement 321.

M. Alain Suguenot – Le droit d’auteur n’existe pas sans le droit à la copie privée, de la même façon qu’un artiste n’existe pas sans public. On ne peut parler ici de hiérarchie : il s’agit d’un équilibre.

M. Maxime Gremetz - Juste !

M. Alain Suguenot - L’introduction des DRM remet en cause cet équilibre. Pour le rétablir, je propose par le sous-amendement 270 de réaffirmer clairement que « le bénéfice de l’exception pour copie privée » est un « droit ». C’est au législateur de prendre ses responsabilités et d’énoncer clairement qu’il crée un droit subjectif.

Mme Christine Boutin - Le sous-amendement 271 est identique à celui brillamment défendu par M. Suguenot qui contribue, et c’est heureux, à élever ce débat assez accablant…

M. le Rapporteur – Avis favorable à titre personnel aux sous-amendements identiques 270 et 271, par lesquels le droit à la copie privée est réaffirmé mais reste expressément du domaine de l’exception. La rédaction de mon amendement eût été plus conforme aux habitudes de notre droit mais je me rallie à la volonté générale.

M. le Ministre – Nous arrivons à un moment crucial du débat, celui où nous allons affirmer « le droit à l’exception pour copie privée », y compris dans l’ère numérique. Cette disposition symbolique permettra de fixer un cadre juridique précis aux pratiques des internautes. L’adoption de l’amendement 258 rectifié, modifié par les sous-amendements 270 et 271, permettra de mettre un terme aux rumeurs selon lesquelles le Gouvernement voulait porter atteinte à la copie privée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Bloche - Ça ne veut rien dire « le droit à l’exception pour copie privée » !

M. Laurent Wauquiez - Je retire l’amendement 321.

L'amendement 321 est retiré.

M. Frédéric Dutoit - Monsieur Wauquiez, vous me décevez ! Par votre amendement, vous souligniez toute l’insuffisance de la position de la majorité et du Gouvernement ! Pourquoi y avoir renoncé ? Le ministre prétend défendre l’exception pour copie privée mais ne prévoit aucune mesure visant à en garantir l’exercice. Cette contradiction est stupéfiante. L’impossibilité de copier un CD ou un DVD restera la règle...

Plusieurs députés UMP - C’est déjà le cas !

M. Frédéric Dutoit - …comme l’a confirmé l’arrêt « Mulholland Drive » de la cour de cassation.

M. Patrick Bloche - Juste !

M. Frédéric Dutoit - Nous aurions aimé que le ministre nous donne son sentiment sur cet arrêt. Avec ce projet de loi, la réalisation de compilations musicales personnelles deviendra illégale. Notre droit évolue dans le seul sens des éditeurs au détriment des consommateurs. Ce projet de loi est le cheval de Troie des lobbies. L’interdiction de la copie privée pour usage personnel ou dans le cadre familial au prétexte de la défense des droits d’auteur fait peser sur l’ensemble des utilisateurs une présomption de culpabilité, le Gouvernement postulant que la copie est naturellement destinée à un usage frauduleux. C’est une atteinte intolérable au droit d’usage le plus élémentaire ! Derrière les discours de façade, votre texte ne fait pas illusion. L’amendement de M. Wauquiez n’était d’ailleurs qu’un faux-fuyant, puisqu’en le retirant, il permet au ministre de sortir par le soupirail !

M. Laurent Wauquiez - Il faudrait savoir ! Vous dansez sur les deux jambes !

M. Frédéric Dutoit – J’alerte nos concitoyens : le droit essentiel à la copie privée, que les sociétés d’auteurs et d’éditeurs n’ont cessé de combattre, est aujourd’hui remis en cause. C’est inacceptable !

M. Christian Paul - Au lieu de l’équilibre des droits recherché, nous allons aboutir à une régression.

M. le Rapporteur – Un retour aux sources !

M. Maxime Gremetz - Ah ! Il avoue !

M. Christian Paul - Au-delà de l’affichage cosmétique, vous encadrez si strictement ce droit qu’on peut y voir une régression. Jusqu’à présent, l’exception pour copie privée avait au moins le mérite d’être appréciée par le juge. Votre texte la transforme en copie contrôlée et prévoit le degré zéro de l’usage – l’absence de copie possible dans certains cas. Vous prétendez créer un nouveau droit : ce ne sont que des mots. La copie privée est consubstantielle à la civilisation numérique. Il aurait mieux valu renforcer l’exception pour copie privée en créant des conditions de rémunération équitable pour les artistes plutôt que de réduire la rémunération en créant un droit régressif. Tel est le bilan que feront les internautes !

M. Pierre-Christophe Baguet - A vouloir faire plaisir à tout le monde, Monsieur le ministre, vous nous préparez des lendemains compliqués ! Ce droit à l’exception provoquera de nombreux contentieux bien difficiles à trancher. La directive européenne ne prévoit qu’une exception et une limitation. Ne compliquons pas les choses : acceptons l’amendement de la commission, et rejetons les sous-amendements !

M. Laurent Wauquiez – J’avais initialement déposé l’amendement 321 en comptant sur l’affirmation du droit à la copie privée. Or, de récents arrêts de la Cour de cassation s’appuient au contraire sur l’exception pour la copie privée. Ils protègent autant la copie privée que les artistes. Poursuivre la défense du droit à la copie privée reviendrait à remettre en cause ces pans de jurisprudence.

M. le Ministre – Absolument !

M. Laurent Wauquiez - Le jeu n’en vaut pas la chandelle : je préfère donc revenir au droit à l’exception pour copie privée, qui est d’ailleurs plus conforme au droit communautaire.

Les sous-amendements 270 et 271, mis aux voix, sont adoptés.
L'amendement 258 rectifié, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 29 est rédactionnel.

L'amendement 29, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Dominique Richard - Certains fournisseurs de programmes, notamment étrangers, ont tendance à imposer une protection du signal télé qui empêche l’enregistrement des programmes sur cassette ou DVD. L’amendement 6, 2ème rectification vise à rétablir ce droit des téléspectateurs et conforte ainsi l’exception pour copie privée.

M. le Rapporteur – Avis favorable. Cet amendement permet de préserver, pour les programmes de télévision diffusés en numérique, l’exception pour copie privée, dont je rappelle qu’elle se justifie avant tout par le droit des téléspectateurs à enregistrer une émission pour la regarder plus tard. Le projet de loi ne remet d’ailleurs pas ce fondement en cause, mais certains producteurs pourraient être tentés de contraindre les chaînes de télévision à des mesures de protection.

Plus important encore : l’amendement 6, 2ème rectification dépasse la médiation demandée au collège, puisqu’il impose la possibilité de la copie privée dans tous les cas.

M. le Ministre – Avis favorable. Cet amendement apporte une clarification utile. Depuis toujours, les téléspectateurs peuvent enregistrer les programmes qu’ils souhaitent conserver sur cassette ou DVD : cela ne doit pas être remis en cause.

M. Patrick Bloche - Le groupe socialiste est surpris que l’amendement 30 rectifié de la commission, qui fixait le nombre minimum de copies privées à un, ait été retiré. Sans doute eût-il fallu aller plus loin en écoutant le ministre, qui ne répond à aucune des questions pourtant essentielles que nous lui posons ! Laissez donc un instant les fiches que l’on vous prépare et répondez-nous !

L’amendement 30 rectifié, bien qu’insuffisant, avait au moins une vertu : faire intervenir le législateur pour fixer une règle de l’exercice de la copie privée, et lui éviter de se décharger de sa responsabilité sur le collège des médiateurs. Même si la tâche de celui-ci est bien nécessaire en matière de propriété artistique, l’intervention du législateur, pourtant timide, nous est ici refusée ! La création de ce collège était une bonne idée, pour autant que sa fonction soit de médiation, chose bien nécessaire dans ce domaine. En revanche il est inadmissible de dessaisir le Parlement sur des questions fondamentales.

M. le Président – Le Règlement permet au rapporteur de retirer un amendement même si la commission l’a adopté.

M. Patrick Bloche - Puis-je le reprendre ?

M. le Président – Non, car il a été retiré préalablement à la séance, et n’a pas été appelé.

M. Maxime Gremetz - Je n’ai jamais lu cela dans le Règlement !

M. Didier Mathus - La soirée tourne mal. Nous confirmons le jugement d’un grand journal du soir qui évoquait la « farce » de la loi sur les droits d’auteurs ! L’amendement retiré avait le mérite, certes modeste, de préciser ce qu’est la copie privée, car elle n’est aujourd’hui qu’un rêve abstrait…

Mme Martine Billard - Et virtuel !

M. Didier Mathus - La loi de 1985 précise pourtant qu’elle est à l’usage du cercle familial. Plusieurs pays européens l’on également délimitée à tout ce qui n’est pas à usage commercial. Or, nous restons dans un grand flou. La semaine de la poésie n’excuse pas l’imprécision législative !

M. Christian Paul - La semaine du Premier Ministre…

M. Didier Mathus - Quant à M. Wauquiez, il a indiqué qu’il retirait un amendement pour ne pas déplaire à la la Cour de Cassation. Mais la Constitution de 1958 ne prévoit-elle pas que ce sont les parlementaires qui font la loi ? De moins en moins, j’en conviens…

L’amendement de M. Richard confirme nos doutes : s’il est légitime de préciser l’exercice de la copie privée pour les émissions de télévision, pourquoi ne le fait-on pas pour le reste ? Cela signifie que, pour le reste, par défaut, le droit à la copie privée n’existe pas.

M. Didier Migaud - Nous avons déjà vu beaucoup de choses depuis le début de l’examen de ce texte : des articles sont retirés, puis reviennent… Mais pourrions-nous au moins connaître les raisons du retrait de l’amendement 30 ? Devrions-nous croire que tel ou tel groupe de pression serait intervenu pour qu’il n’y ait pas de définition de la copie privée ?

Plusieurs députés socialistes – Oh non !

M. Maxime Gremetz - Ça n’existe pas !

M. Didier Migaud - Alors il faut une explication !

Mme Martine Billard – Tout cela tourne à la prestidigitation : les articles vont et viennent, les amendements sont retirés sans qu’on ait eu le temps de les voir apparaître… Il y aurait matière à faire un cours ! Mais en l’occurrence, je préfère rappeler le début de l’exposé sommaire de l’amendement 30 rectifié : « Sauf à accréditer l'idée selon laquelle le projet de loi aurait pour conséquence la disparition progressive de la copie privée dans l'univers numérique, il convient de prévoir que la notion d'exception pour copie privée aura toujours un sens, et que, donc, le nombre de copies autorisées ne pourra pas être inférieur à un ». Si l’amendement ainsi justifié par le rapporteur est retiré, il en résulte que ladite idée se trouve accréditée ! Il est urgent pour le rapporteur d’en revenir à un minimum de rigueur dans ses explications : on passe les bornes !

Nous avions déjà critiqué la formulation : quel nombre de copies pourrait en effet être inférieur à un ? Il n’y a pas de demi-copie ! Mais là, on arrive à zéro : le collège des médiateurs pourra décider que certes, le droit à copie privée existe, mais que compte tenu de diverses choses, il n’y a pas de copies autorisées…

M. Christian Paul - Nous ne faisons que revivre une scène à laquelle nous sommes dorénavant habitués : ce texte est un Clemenceau permanent ! Ça s’en va et ça revient…

Plusieurs députés communistes et républicains – C’est fait de tout petits riens !

M. Christian Paul - Ce n’est pas digne du législateur. Vous avez tout simplement décidé de créer un droit à limiter le nombre des copies. Assumez-le et fixez un nombre, même si c’est zéro ! Vous en serez quittes pour être considérés comme les Terminator de la copie privée.

Une copie, c’est une sauvegarde. Cinq ou six, ce sont des copies d’usage. La restriction que vous imposez met les citoyens dans l’incapacité de transmettre le patrimoine culturel. L’exception pour copie privée ne peut pas être limitée et le cadre que vous fixez nous mène vers une régression considérable de ce droit.

M. le Rapporteur – Tout ce qui est excessif est insignifiant (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Maxime Gremetz - Pas dans votre bouche !

M. le Rapporteur – Voulez-vous comparer le temps que vous avez passé sur le retrait de cet amendement et celui que vous avez passé à défendre la culture française, les auteurs et notre patrimoine exceptionnel ? Il faut retrouver une saine mesure. L’heure tardive aide à l’oubli : je dois donc rappeler que lors de sa réunion, à laquelle MM. Paul et Bloche étaient présents, la commission des lois a adopté un amendement 259 du rapporteur, destiné à remplacer l’amendement 30 précédemment adopté. Le compte-rendu est très clair.

M. Christian Paul - Ça n’a rien à voir !

M. le Rapporteur – Cette adoption nous menait évidemment à retirer l’amendement 30 ! Toute cette discussion était donc parfaitement inutile.

M. Maxime Gremetz - Vous avez raison, Monsieur Vanneste : tout ce qui est excessif est insignifiant.

M. le Président – Monsieur Gremetz, vous êtes un expert.

M. Maxime Gremetz - Mais pour M. Vanneste, il y a une jurisprudence !

Si j’appartenais à votre commission, je vous aurais demandé comment vous pouviez avoir le toupet de retirer seul un amendement adopté par la commission.

M. le Rapporteur – Mais non !

M. Maxime Gremetz - Jamais un rapporteur de la commission des affaires sociales ne s’est permis une telle chose.

M. le Président - L’amendement a été retiré en commission.

M. Maxime Gremetz - Ce n’est pas vrai !

Si vous écoutez le ministre, vous le trouverez formidable : il comprend tout, il défend tout ce que vous trouvez le mieux. Mais trois jours après, il dit exactement le contraire ! C’est vrai, ça s’en va et ça revient… On en conclut que vous vous moquez de la représentation nationale – ou alors que la colère des internautes est telle que vous êtes obligé d’en tenir compte, et que c’est le rapporteur qui doit ensuite arranger les choses en commission. Qu’importe si cet amendement permettait une petite avancée, vous le retirez ! La vérité, que vous n’osez pas dire, est que le droit à copie privée est remis en cause.

Mme Christine Boutin – L’amendement 6, deuxième rectification permet aux téléspectateurs de continuer à enregistrer librement les programmes diffusés par les chaînes : il est vrai que les téléspectateurs sont nombreux en France, mais je m’étonne que le téléchargement, pour les internautes, ne fasse pas l’objet de la même préoccupation, car ils seront bientôt beaucoup plus nombreux que les téléspectateurs.

M. Didier Migaud - Je n’ai obtenu aucune explication : pourquoi cet amendement a-t-il été retiré ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Car en l’état actuel, les propos du rapporteur sont plutôt de nature à aggraver mes inquiétudes : il soutient un autre amendement qui retire au Parlement le pouvoir de définir ce qu’est la copie privée et le nombre de copies possibles, pour le confier à une commission ! Le principe même de la copie privée pourrait ainsi disparaître sans que le législateur ait à se prononcer ! C’est très grave, et le présenter de façon aussi accessoire est proprement scandaleux de la part d’un représentant de la commission des Lois. Le Parlement est dessaisi d’un sujet essentiel. Il nous faut une réponse précise sur ce sujet fondamental.

M. Pierre-Christophe Baguet – Nos collègues socialistes jouent allègrement sur les mots pour confondre le pouvoir qui va être donné à cette autorité et les consignes qu’elle devra suivre. Le rapporteur a tout à fait le droit de changer d’avis. L’amendement 259 qu’il va présenter tout à l’heure, qui s’est substitué au 30, est presque conforme au 365 que je vais défendre à l’article 9. Le fait est qu’il faut prendre en compte la situation de l’ensemble des médias, et qu’on ne pouvait voter l’amendement 30 tel qu’il était rédigé. Ce dernier ne permettait pas de donner un statut spécifique aux DVD, qui se rattachent au cinéma, et portait donc atteinte, dans cette mesure, à la chronologie des médias, à laquelle nous sommes tous attachés. Ne nous faisons donc pas plus idiots que nous sommes : l’amendement 259 nous permettra d’avoir la discussion souhaitée.

L’amendement 6 2ème rectification, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Bloche - Rappel au Règlement. Nous ne contestons pas les raisons du retrait de l’amendement 30 rectifié, mais celui-ci était le moyen pour la représentation nationale de proposer quelques mesures de base concernant l’exception pour copie privée, notamment en posant qu’un nombre, au moins égal à un, de copies privées doit être autorisé. Sans cela, nous nous retrouvons avec un projet qui ne garantit pas le moindre droit à la copie privée !

M. Richard Cazenave - Bien sûr que si !

M. Patrick Bloche – Nous sommes assez perturbés par ce retrait et nous aimerions tout de même pouvoir exercer notre droit à sous-amendement. C’est pourquoi je demande une suspension de séance.

M. le Président – Puisque vous êtes perturbés, la séance reprendra demain à 15 heures.

Prochaine séance cet après-midi, mercredi 15 mars, à 15 heures.
La séance est levée à 0 heure 15.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

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ordre du jour
du mErCREdi 15 MARS 2006

QUINZE HEURES : 1RE SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi (n° 1206) relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.

Rapport (n° 2349) de M. Christian VANNESTE, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

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