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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du jeudi 23 mars 2006

Séance de 15 heures

77ème jour de séance, 181ème séance

Présidence de Mme Hélène Mignon
Vice-Présidente

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La séance est ouverte à quinze heures.

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Modification de l’ordre du jour

Mme la Présidente - À la demande du Gouvernement, la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programme pour la recherche est retirée de l’ordre du jour de cet après-midi.

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Lutte contre le dopage -deuxième lecture-

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative – Vous avez adopté à l’unanimité ce projet de loi, en première lecture, le 6 avril dernier, et je note que les amendements apportés par les sénateurs ont de même fait l’objet d’un vote unanime.

Depuis le 23 mars 1999, date à laquelle le dispositif français de lutte contre le dopage est entré en vigueur, de profonds changements sont survenus dans le paysage international. L’Agence mondiale antidopage, l’AMA, chargée de coordonner les efforts des gouvernements et du monde du sport, et donc composée à parité de représentants du mouvement olympique et des autorités gouvernementales, a été créée officiellement le 10 novembre 1999 et fait l’objet d'un cofinancement des gouvernements depuis le 1er janvier 2002.

Parallèlement et sur proposition de la France, les États membres de l'UNESCO ont adopté la première Convention universelle contre le dopage dans le sport. Ce document, adopté le 19 octobre, permet aux gouvernements d'harmoniser leur législation avec le code mondial antidopage. Il entrera en vigueur lorsque trente pays l’auront ratifié, dix l’ayant fait à ce jour.

Le présent projet de loi vise à clarifier les responsabilités en s'appuyant sur un principe clair : le contrôle de la loyauté des compétitions internationales doit relever des instances internationales organisatrices, tandis que le contrôle de la loyauté des compétitions nationales doit relever des autorités nationales.

S’agissant des amendements adoptés par le Sénat, beaucoup ne tendent qu’à faciliter la compréhension des évolutions induites par ce projet. D’autres ont pour objet de préciser les compétences de la future agence française de lutte contre le dopage, notamment dans l’organisation des contrôles : l'AFLD pourra prendre l'initiative d’en diligenter dans le cadre de compétitions sportives internationales, à condition que la fédération internationale ou que l’AMA n’en aient pas prévu et sous réserve de leur accord. L’organisation interne de l’AFLD est également clarifiée. Ainsi, comme dans le cas des autres autorités administratives indépendantes, la fonction de secrétaire général est identifiée et le cas d'une vacance possible de la présidence est prévu.

Il est également apparu utile de clarifier la procédure de délivrance et d'utilisation des autorisations accordées pour usage à des fins thérapeutiques. Par ailleurs, le rôle préventif des antennes médicales de prévention du dopage a été précisé : le public cible est étendu aux personnes susceptibles de recourir à des pratiques de dopage et le renouvellement ou la restitution de la licence est désormais lié à la production d’une attestation d’entretien avec un médecin d'une de ces antennes.

Enfin, un amendement sénatorial à donné compétence à l'AFLD pour la lutte contre le dopage des animaux participant à des compétitions sportives – les courses hippiques faisant l'objet de paris n’étant naturellement pas concernées.

Si ce projet de loi ne concerne que les procédures disciplinaires, il va de soi que les sanctions pénales liées à la répression des trafics doivent s'appliquer. Tel est le sens de la création d’un groupe technique national interministériel, ainsi que de la circulaire adressée aux parquets. Je suis en effet convaincu que la lutte contre le dopage et les trafics qu'il engendre doit être conduite de manière globale : les procédures pénales permettent de démanteler des filières et d’agir avec efficacité. J'ai donc pris l'initiative de proposer au Conseil de l'Europe un colloque sur le thème de la répression des trafics, qui sera l’occasion de faire le point des mesures de coopération internationale.

L'efficacité de la lutte pour la préservation de l’éthique sportive et pour la protection de la santé des pratiquants nécessite une constante adaptation des dispositifs opérationnels et le renforcement de la coopération internationale : tel est l'objet du texte soumis à votre approbation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Dominique Juillot, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Lors de son examen par le Sénat, ce projet de loi a fait l'objet d'un certain nombre de modifications, principalement à l'initiative de la commission des affaires culturelles. Ainsi, sur les vingt-sept articles que compte maintenant le texte, alors que seize ont fait l'objet d'un vote conforme, onze demeurent en navette, dont quatre introduits par la Haute assemblée. Le Sénat a souhaité mieux définir le fonctionnement de l'Agence française de lutte contre le dopage et clarifier ses compétences, notamment à l'occasion de compétitions internationales – améliorer l'articulation entre le programme national de contrôle et les groupes cibles, préciser le rôle des autorisations d'usage thérapeutique, et renforcer celui des antennes médicales de prévention à l'égard des sportifs sanctionnés. Toutes ces modifications, loin d’altérer l’économie générale du projet, en renforcent la cohérence.

De son côté, le Gouvernement a introduit un article qui abroge la loi du 28 juin 1989, relative à la répression du dopage des animaux, et transfère à l’AFLD les compétences en matière de dopage animal.

Au rang des principales améliorations, je mentionnerai d’abord la nouvelle rédaction de l'article 2, qui ouvre à l'AFLD le droit de diligenter de sa propre initiative des contrôles à l'occasion d'une manifestation sportive internationale, sous réserve d'agir « en coordination et avec l'accord » de la fédération internationale.

Il me semble également important que le Sénat ait renforcé le rôle de prévention du dopage dévolu aux antennes médicales : d'une part les consultations de celles-ci seront également destinées aux personnes susceptibles de recourir au dopage ; d'autre part, le dispositif actuel étant lacunaire et trop peu contraignant, la nouvelle rédaction du troisième alinéa de l'article L. 3613-1 prévoit l'organisation d'au moins un entretien entre le sportif sanctionné et un médecin appartenant à une antenne médicale, entretien validé par la délivrance d'une attestation – et non plus d'un certificat – à laquelle est subordonnée la délivrance d'une licence. Ce dispositif ne constitue bien entendu que l’ébauche d'un suivi des sportifs sanctionnés pour dopage.

Les plages horaires durant lesquelles peuvent avoir lieu les contrôles lors de compétitions ou d'entraînements et ceux effectués au domicile de l'athlète ont été précisées : dans le premier cas, les contrôles peuvent être effectués à tout moment ; dans le second, ils ne peuvent se dérouler qu'entre 6 heures et 21 heures, afin de respecter la vie privée.

Enfin, un dernier amendement précise que la compétence pour établir la composition du groupe cible des sportifs contrôlés appartient au directeur des contrôles et à lui seul, en application du principe de séparation fonctionnelle des compétences au sein de l’AFLD.

Quant à l'amendement présenté par le Gouvernement, il procède de la volonté de ne pas laisser la lutte contre le dopage animal en dehors de la réorganisation des compétences des différents intervenants, et il transfère cette compétence particulière à l’AFLD. Je précise que cette disposition n'est pas une conséquence de la création de l' Agence mondiale anti-dopage, puisque le dopage animal ne fait l'objet d'aucun engagement international.

Au-delà de l'adoption de ce projet de loi, indispensable à l'harmonisation et à la cohérence de la lutte mondiale contre le dopage, je tiens à souligner la nécessité de renforcer le travail de prévention, notamment auprès des jeunes. Il reviendra au ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative de mener des actions de sensibilisation, telle la campagne « Et toi, le dopage ? », lancée par le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage. À cet égard, il convient de saluer la création d'un « référent éthique » au niveau de chaque comité régional olympique et sportif. Mais il est également souhaitable de renforcer la formation des éducateurs sportifs et de prévoir des programmes spécifiques de sensibilisation, destinés aux jeunes inscrits dans un centre de formation.

L'unanimité constatée ici en première lecture s'est retrouvée dans le vote du Sénat. Il apparaît aujourd'hui urgent de mettre en vigueur ces dispositions, afin que la nouvelle agence puisse travailler sereinement et lutter efficacement contre ces dérives qui ternissent le sport (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente - Dans la discussion générale, la parole à est à M. Nayrou (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Henri Nayrou – Si ce projet de loi a fait l’objet d’un vote unanime en première lecture, le contexte a, depuis, évolué : les réserves et les craintes que nous avions exprimées n’ont pas été prises en compte et l'actualité a confirmé le bien-fondé de nos critiques.

Le passage devant le Sénat n'a pas bouleversé l'équilibre général du texte, même si l'on peut relever des avancées : ainsi le renforcement du rôle des antennes médicales de prévention du dopage est notable, même s’il reste, comme l’a reconnu le ministre, au stade de l’ébauche.

Depuis 1999, la lutte contre le dopage renvoie inexorablement à la notion de progrès de la recherche médicale, afin que les tricheurs n'aient pas éternellement une longueur d'avance. Mais la frontière entre la prise de produits dopants et l'absorption de médicaments à usage thérapeutique est tellement évolutive et requiert de telles compétences dans le domaine médical que je ne m'avancerai pas beaucoup en disant à cette tribune qu'en dépit de la bonne foi de certains sportifs, le système actuel comporte une large part d'hypocrisie.

Le texte aurait donc pu être renforcé en vue d’un combat réellement efficace. Certes, le présent dispositif législatif est le bienvenu, mais la volonté politique n'est pas suffisamment affirmée et les moyens demeurent insuffisants.

Quatre points du projet de loi marquent à nos yeux un recul notable par rapport à la loi Buffet de 1999.

D’abord, le remplacement du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage par la future agence française de lutte contre le dopage et la concentration au sein de celle-ci de tous les pouvoirs. De ce fait, l'autorité indépendante sera juge et partie : elle diligentera les contrôles comme l'analyse des prélèvements et disposera du pouvoir de sanction, le cumul de ces différentes fonctions pouvant poser des problèmes d’éthique.

Ensuite, l'ALFD perd la compétence qu’avait le CPLD en matière de prévention et de recherche, celles-ci relevant désormais du ministère chargé des sports, en vue – nous dit-on – d’une «meilleure coordination ». Nous ne sommes pas favorables à cette orientation car le CPLD avait su fédérer autour de lui la plupart des chercheurs motivés par la question.

Troisième difficulté : l'article 6 présente de nombreux risques de dérives quant à la procédure de délivrance des autorisations à usage thérapeutique – AUT – et en raison de la banalisation – du fait de la « procédure allégée » – de l'usage de certains produits. À cet égard, nous avions proposé un amendement – déclaré irrecevable au titre de l’article 40 – disposant qu'un sportif auquel auraient été prescrites des substances interdites ne serait pas admis à participer à une compétition et se trouverait automatiquement en situation d'arrêt de maladie. De même, nous voulions défendre un amendement – de « témoignage » – à l’article 2 visant à ce que le laboratoire de Châtenay-Malabry reste placé sous la double tutelle des ministères de la santé et des sports, mais je n’aurai pas la possibilité matérielle de le défendre car je dois retourner dans ma circonscription, les aléas du calendrier parlementaire ne m’ayant pas permis de me libérer de certains de mes engagements.

Enfin, le contrôle du dopage lors des compétitions internationales échappe aux autorités françaises, alors que l'on sait que la tendance internationale est à une plus grande tolérance que dans l'hexagone. L'influence de la France pourrait apparaître comme diluée et son haut degré d'exigence comme laminé par des standards moins rigoureux. Or, on constate que ce n'est pas l'absence de texte qui a empêché une action internationale contre le dopage, mais bien plutôt la multiplicité des initiatives et leur faible pouvoir de contrainte à l’encontre des Etats.

Les initiatives les plus récentes marquent une évolution bienvenue vers la constitution d'un corps de règles unifié, opposable à tous les sportifs. Aussi faut-il espérer que l'AMA saura faire preuve assez d’autorité pour imposer une lutte antidopage rigoureuse et homogène, et qu'elle aura les moyens de mobiliser les fédérations internationales, qui n'ont pas toutes montré – et loin s’en faut – un enthousiasme débordant en la matière…

Les Jeux olympiques d'hiver de Turin ont d'ailleurs mis en évidence les limites des moyens de contrôle. Si 900 contrôles ont été effectués, le véritable feuilleton médiatique qu’ont suscité les mésaventures de l'équipe autrichienne a souligné l'inefficacité des instances internationales dans la traque des tricheurs. À cet égard, l’exemple de Walter Meyer est édifiant : après avoir été impliqué dans un scandale à Salt Lake City et interdit de JO jusqu'en 2010, l'entraîneur autrichien a pu, cette année encore, prodiguer ses « conseils » jusque dans les chambres des athlètes ! Et on peine à croire que le comité olympique autrichien et sa fédération de ski n’étaient pas au courant ! Au final, les quelque 1 200 contrôles d'urines et de sang pratiqués à Turin n’ont avéré qu’un seul cas de dopage, celui de la bi-athlète russe Olga Pyleva.

Un tel bilan n'est pas convenable et il importe de tirer toutes les leçons de la tarfuferie des instances internationales. Je m’inspirerai de ce que disait le président d’un club de rugby professionnel à propos de son buteur : « Il n'est pas payé pour tenter des pénalités, mais pour les réussir ! ». Ce palmarès anti-dopage peu glorieux pourrait aussi laisser accroire que le sport mondial n’est plus pratiqué désormais que par des athlètes aussi propres que les eaux de mes montagnes… mais il faut rester sérieux !

Ce texte, qui procède de la nécessaire mise en conformité de la législation française avec les exigences internationales et qui s’inscrit dans l’esprit de la loi Buffet, n’est, en définitive, ni bon, ni mauvais. Entre ses deux passages dans notre hémicycle, les Jeux de Turin ont démontré que le CIO et l'AMA ne s'étaient pas encore dotés de moyens réellement efficaces pour éradiquer le dopage. Aussi le groupe socialiste s'abstiendra-t-il, non par attentisme, mais dans l’esprit constructif du « doit absolument mieux faire ».

M. Patrice Martin-Lalande – Eh bien ! Nous avons bien fait d’applaudir avant ! (Sourires)

Mme Muguette Jacquaint – Qu’il me soit tout d’abord permis de déplorer l’image détestable que donnent souvent du sport les principaux médias : violences des hooligans dans les stades, stupéfiante décision d’« importer » 40 000 prostituées des pays de l'Est en Allemagne à l'occasion du Mondial 2006, persistance de trop nombreux cas de dopage… Le tableau n’est pas reluisant ! Au surplus, les Jeux de Turin ont été entachés par plusieurs cas de dopage avéré et une athlète russe a même été exclue des épreuves, puis privée de sa médaille par le CIO. Selon le responsable antidopage du comité olympique russe, l'athlète en question aurait tenté de soigner une blessure avec un médicament dont elle ignorait qu'il contenait une substance interdite. Douze fondeurs et fondeuses ont aussi été interdits de compétition pour cinq jours en raison de taux d'hémoglobine trop élevés, mais aucun n'a été contrôlé positif par la suite. Ce diagnostic n'a cependant pas convaincu le président de l'AMA, M. Richard Pound, qui a fait part à la presse de son étonnement face à une telle coïncidence.

Au final, si 900 contrôles ont été effectué, les instances internationales n’ont pas fait montre d’une grande efficacité pour démasquer les tricheurs. Le dopage reste un phénomène très préoccupant et il faut se rappeler que ce fléau s'est développé à mesure que les disciplines sportives devenaient professionnelles. Dans tous les sports, l'argent tient aujourd’hui une place prépondérante et l’éthique sportive est souvent reléguée à l’arrière-plan. Dans nos sociétés, la marchandisation du sport a gagné tous les échelons : des sportifs eux-mêmes au matériel qu’ils utilisent, en passant par les compétitions, les droits de retransmission, et, demain, sans doute, la cotation des clubs de football en bourse ! De telles dérives sont inacceptables. Et que dire du projet de constitution de holdings sportives, que vous semblez approuver, Monsieur le ministre, puisque vous avez déclaré que vous étiez « disposé, y compris par des aménagements législatifs ou réglementaires, à faciliter l'investissement des clubs, en partenariat avec les collectivités locales, dans cet outil de travail qui doit, à terme, faire partie de leurs actifs. L'existence au sein d'une holding d'une société détentrice de droits réels sur le stade permettra, avez-vous ajouté, sa cotation en bourse puisque la holding aura incontestablement une réalité économique distincte du club ».

Dans un contexte de marchandisation, de mondialisation, de baisse des dépenses publiques et de privatisation généralisée, lutter contre le dopage pourrait conduire à demander à un sportif d'être rentable à tout prix, tout en lui interdisant d’utiliser l’ensemble des outils disponibles. C’est en gardant cette dialectique perverse à l’esprit qu’il faut s’attaquer au problème !

Abordons à présent votre projet de loi…

M. Jean-Marie Geveaux - Enfin !

Mme Muguette Jacquaint - Ce texte sert deux objectifs essentiels : renforcer la protection sanitaire des sportifs et l'efficacité de la lutte contre le dopage à l’échelon national en clarifiant les domaines d'intervention respectifs des différents acteurs ; tirer les conséquences des évolutions majeures de la lutte anti-dopage à l’échelle mondiale.

Les travaux du Sénat ont amélioré le projet de loi en ouvrant la possibilité à l’AFLD de diligenter des contrôles lors d'une manifestation internationale, de sa propre initiative, sous réserve de coordonner son action avec celle de la fédération internationale compétente. De même, les fédérations sportives pourront consulter l'AFLD sur les questions relevant de sa compétence, et, de son côté, l’Agence leur enverra toute recommandation qu’elle jugera utile. Nous saluons aussi la prise en compte de l'expérience acquise au sein des antennes médicales depuis leur mise en place et, en particulier, la reconnaissance de leur rôle de prévention, via l’identification des personnes à risque parmi celles ayant accès à leurs consultations. La nouvelle rédaction du texte décrivant la procédure de délivrance des autorisations d'usage thérapeutique, adoptée dans un souci de simplification, va également dans le bon sens.

Par contre, nombre d’interrogations demeurent. Aujourd'hui encore, certains acteurs essentiels du mouvement sportif et de la santé ne s’impliquent pas assez dans les actions de prévention. Ainsi, la plupart des médecins généralistes restent peu concernés.

Alors que les crédits affectés à la lutte antidopage ont augmenté de 200 % entre 1998 et 2002, le Gouvernement ne les a fait progresser que de 2 % en 2003. Compte tenu du coût exorbitant du suivi médical des sportifs, les fédérations ne suivent pas, et le ministre avait du reste lui-même reconnu qu’il y avait là un problème tout à fait préoccupant. Ce n’est pas en diminuant les crédits qu’on a quelque chance d’inverser la situation.

Les ressources de l’Agence seraient principalement, mais non exclusivement, constituées de subventions de l’État. Est-ce une porte ouverte à sa privatisation ? Les ressources privées ne risquent-elles pas de se substituer à terme à la ressource publique et, en bout de chaîne, ne va-t-on pas arriver à des conflits d’intérêt, nuisibles à l’indépendance de l’Agence ?

Nous aurions souhaité que l’on soit plus exigeant en matière de répression des trafics de produits dopants, de prévention, de promotion de la médecine sportive, de formation des cadres techniques et des entraîneurs, et surtout plus résolu à combattre contre le règne de l’argent dans le sport.

Je ne conclurai pas sans évoquer le sort réservé à l’EPS dans notre pays. De 2002 à 2005, les recrutements ont été moins nombreux que les départs en retraite. Il n’y a pourtant aucun sureffectif dans cette discipline où les remplacements ne peuvent même pas être assurés. Les étudiants des STAPS, quelle que soit leur filière, peinent à trouver des débouchés et des emplois stables, confrontés qu’ils sont à la concurrence des titulaires de brevets d’État. Des postes et des moyens au profit de l’EPS devraient, hélas, être encore supprimés dans les établissements à la rentrée 2006, et des options être remises en cause, de même que les forfaits de certaines associations sportives. Mais il est vrai que la loi Fillon exclut l’EPS des enseignements fondamentaux…

Le sport remplit pourtant dans notre société des fonctions multiples. Vecteur d’épanouissement personnel, de bien-être et de santé, il est aussi un facteur de socialisation, d’éducation, de citoyenneté et participe au rayonnement international des pays. Seule une politique publique ambitieuse et cohérente permettrait de lutter contre tous les dévoiements si préjudiciables à son image.

Tout en étant convaincus que le Gouvernement doit faire encore davantage pour lutter contre le dopage afin de redonner toutes ses lettres de noblesse au sport, et en dépit des réserves que je viens d’exprimer, nous voterons ce texte.

M. le Ministre – Très bien !

M. Jean-Marie Geveaux - Ce texte important était très attendu. Nous déplorons comme vous, j’en suis sûr, Monsieur le ministre, la lenteur de son processus d’adoption : voilà bientôt un an qu’il avait été voté à l’unanimité à l’Assemblée ! Cette lenteur est d’autant plus regrettable que, renforçant et harmonisant la lutte contre le dopage, il est essentiel à l’action que mène la France dans ce domaine depuis maintenant de nombreuses années.

Notre pays a fait le choix d’une politique volontariste de lutte contre le dopage. Avec neuf mille contrôles par an et la mise au point de méthodes de détection toujours plus sophistiquées, la France est le pays qui effectue le plus de contrôles et recherche le plus de substances dopantes dans les prélèvements, y consacrant huit à neuf millions d’euros par an. Grâce à ce texte, elle va franchir un nouveau palier et se trouvera à la pointe des nations dans ce combat. Depuis 2002 et votre nomination au ministère, Monsieur le ministre, cette action n’a fait que se renforcer. Votre engagement personnel vous a d’ailleurs valu d’être nommé à la tête de l’Agence mondiale anti-dopage, en qualité de représentant français de l’Europe. L’actualité récente nous montre qu’il ne faut surtout pas relâcher la pression sur les fraudeurs et sur les industries chimiques, dont l’inventivité est sans bornes pour trouver des parades aux contrôles les plus sophistiqués.

La principale innovation du texte réside dans la création d’une nouvelle agence indépendante, l’AFLD, qui se substituera à l’ancien CPLD et intégrera le laboratoire national de dépistage de Châtenay-Malabry. Ses compétences ayant été étendues au contrôle, à l’analyse et à la sanction, des départements distincts ont été créés afin de garantir l’impartialité de l’institution. Son fonctionnement, que l’examen du texte au Sénat a permis de préciser, et son autonomie financière devraient lui permettre de travailler efficacement. Elle interviendra lors des compétitions nationales et sur les lieux d’entraînement des sportifs français et étrangers en France, les compétitions internationales relevant, quant à elles, du pouvoir de contrôle et de sanction des fédérations internationales, du CIO ou de l’AMA. Des recours pourront être intentés devant le tribunal arbitral du sport, de façon à garantir l’équité de traitement entre sportifs de nationalités différentes. L’AFLD pourra toutefois effectuer des contrôles lors de compétitions internationales, à la demande et pour le compte de l’AMA ou de fédérations internationales, mais aussi à sa propre initiative, à condition de se coordonner avec la fédération internationale compétente – le Sénat ayant adopté un amendement en ce sens. Cela permettra, nous l’espérons, de remédier aux insuffisances de certaines fédérations internationales, encore trop timides en matière de lutte contre le dopage. Dans un souci d’efficacité, l’AFLD sera aussi chargée de la définition du programme annuel des contrôles antidopage. Le Sénat a par ailleurs autorisé les fédérations à la consulter sur les questions relevant de sa compétence et à lui demander des recommandations.

La création des antennes médicales de prévention du dopage renforcera elle aussi la lutte contre le dopage. C’est un enjeu essentiel, dans la mesure où il y va de la santé de tous nos sportifs, y compris les jeunes et les non licenciés. Il importe que les pratiques à risques soient prohibées. La possibilité nouvelle donnée aux médecins d’autoriser ou non les sportifs de haut niveau à participer aux compétitions selon les résultats de leur suivi va dans le bon sens. Un contrôle plus sérieux des certificats médicaux de non contre-indication, lesquels devraient être régulièrement renouvelés, et un suivi plus rigoureux des sportifs permettront également des progrès.

La lutte contre le dopage exige une action résolue, sans relâche ni faiblesse. Je ne doute pas que ce texte recueillera un large consensus. Le groupe UMP le votera.

Mme Anne-Marie Comparini - Je m’exprime ici au nom de notre collègue François Rochebloine, retenu dans sa circonscription.

En souhaitant adapter la loi Buffet de 1999, le Gouvernement marque sa détermination à poursuivre la lutte contre le dopage. L’UDF approuve cette démarche, largement soutenue par le mouvement sportif français, en particulier par le Comité national olympique et sportif français. Le CPLD a ainsi renforcé ses contrôles, qui ont augmenté de 10 % entre 2003 et 2004. Il est de bon augure que dans le même temps, la proportion d’échantillons contenant des substances interdites soit tombé de 6,3 % à 4,8 %. Il n’en reste pas moins que l’action doit être poursuivie et renforcée.

L’UDF vous remercie, Monsieur le ministre, d’avoir fait de la lutte contre le dopage une priorité. Il y va non seulement de la santé de nos sportifs de haut niveau, mais aussi de nos jeunes, qu'il importe de mettre en garde contre les conséquences souvent méconnues de l'usage des produits dopants et d’inviter au respect de l'éthique sportive. Cela est d’autant plus important que des cas de dopage ont malheureusement été constatés lors des derniers Jeux Olympiques d'hiver à Turin.

Certaines des modifications apportées par le Sénat vont dans le bon sens. La Haute assemblée a notamment précisé le fonctionnement et le rôle de l’AFLD. Celle-ci pourra ainsi procéder de sa propre initiative, à titre dérogatoire, à des contrôles sur le territoire national lors de compétitions internationales, lorsque la fédération compétente n’en a pas prévu. Le Sénat a également proposé, à juste titre, de mieux articuler le programme national de contrôle et celui des groupes « cibles » ; il a précisé les plages horaires des contrôles et transféré la répression du dopage des animaux à l'AFLD.

Nous regrettons toutefois l’introduction des dispositions relatives aux antennes médicales de prévention du dopage, dont le rôle a été réduit, ainsi qu’aux conditions d'usage thérapeutique, qui risquent de conduire à des malentendus.

Pour l'avenir, de nombreuses avancées demeurent nécessaires, notamment pour coordonner les dispositifs, par le biais de l’AMA, ou bien encore pour transposer en droit interne la liste des produits dopants interdits, élaborée au niveau international en 1989.

Le texte largement consensuel issu de la navette appelle néanmoins certaines remarques de notre part. Tout d’abord, il aurait été utile de faire évoluer le système actuel vers un système dans lequel l'instruction du dossier et la définition de la sanction resteraient du ressort de la fédération sportive, l'appel étant confié à une organisation disciplinaire unique de l'Agence nationale antidopage, comme dans les procédures civiles traditionnelles. L'expérience a en effet mis en lumière la difficulté qu’éprouvent les commissions d'appel des fédérations pour faire face à des batteries d'avocats très spécialisés.

Concernant ensuite le suivi médical des athlètes, il est dommage que l'on ne soit pas allé plus loin en permettant le remboursement des examens médicaux pour tous les sportifs des listes Élite, Espoirs et Jeunes. Il serait par ailleurs judicieux de dissocier le suivi biologique du suivi médical des sportifs, afin de contourner le problème lié au secret médical, qui constitue le « maillon faible » du dispositif global de lutte contre le dopage.

Enfin, il convient de ne pas tomber dans les excès de zèle observés dans certaines disciplines. Je pense en particulier au cyclisme.

Ce projet de loi n'en reste pas moins d'une grande qualité et constitue une réponse appropriée au problème. Ses dispositions sont de nature à faire avancer efficacement la lutte contre le dopage et à affirmer la position pionnière de la France en ce domaine, en même temps que sa pleine motivation pour accueillir les athlètes des prochains événements sportifs. Le groupe UDF votera donc ce projet.

Mais je ne voudrais pas terminer cette brève intervention, Monsieur le ministre, sans vous rappeler la question soulevée par François Rochebloine, il y a déjà plus d'un an, sur le statut des agents sportifs. M. Rochebloine et M. Landrain ont déposé en février 2005 une proposition de loi sur le sujet. Vous-même, Monsieur le ministre, avez repris dans une conférence de presse de nombreux points de cette proposition. Aussi pourriez-vous nous dire où vous en êtes de votre réflexion et si nous aurons prochainement à légiférer sur ce sujet. (Applaudissements )

La discussion générale est close.

M. le Ministre - Vous avez raison, Madame Jacquaint : l’argent peut pousser des athlètes mal encadrés vers le dopage, mais l’argent n’est pas le seul motif possible. Souvenons-nous de ces régimes totalitaires qui faisaient du sport leur outil de propagande ! C’est bien pourquoi la lutte antidopage doit être un combat permanent. Le dopage peut en effet prendre de nouvelles formes, puisqu’on parle maintenant de dopage génétique. La vigilance ne doit donc pas se relâcher. Il faut faire preuve de ténacité et d’humilité.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué les Jeux Olympiques de Turin, en estimant que ce qui s’était passé était un signe négatif. Mais il ne faut pas être naïf : du dopage, des tricheurs, il y en aura toujours. Personnellement, je retiens surtout le caractère exemplaire de la coordination entre l’Agence mondiale antidopage, le CIO et les forces de police italiennes. L’enquête va maintenant se poursuivre. Nous avons, nous aussi, en France, des enquêtes en cours, car la lutte contre le trafic des produits dopants est efficace et commence à porter ses fruits.

J’ai senti dans les différentes interventions une volonté d’avancer ensemble et je m’en félicite. J’ai augmenté de 25 % en trois ans le budget de la lutte contre le dopage, Madame Jacquaint, et 20 millions d’euros y sont consacrés cette année, mais cette lutte n’est pas seulement affaire de moyens. Il faut aussi que l’argent soit bien dépensé, ce qui suppose une bonne coordination internationale. Il faut par exemple que nous ayons les mêmes procédures et les mêmes listes de produits dopants que les autres pays.

Dans le domaine de la prévention et de la formation, il existait une myriade d’initiatives. La coordination se fera désormais à partir de mon ministère, ce qui devrait favoriser les synergies.

Vous avez parlé, Madame Jacquaint, de l’éducation physique et sportive. Il y a actuellement 50 000 jeunes dans les filières STAPS. Je comprends que la diminution du nombre de postes au CAPES puisse inquiéter, mais, sachant que le marché en matière d’animation sportive ne suffit pas à absorber – ce que je regrette – autant de jeunes, j’ai fait différentes propositions : mille postes vont ainsi être créés, par exemple, pour accompagner la Coupe du monde de rugby et les Championnats du monde de handball féminin. Nous allons renforcer l’offre dans les quartiers, dans les centres qui accueillent des personnes handicapées… Nous nous attachons, croyez-le, à trouver des débouchés pour ces jeunes.

Je n’ai pas bien compris ce que vous appelez « concurrence » entre les brevets d’État et les brevets professionnels. Il n’y a pas concurrence, car on ne se situe pas au même niveau de formation : les brevets du ministère des sports sont de niveau 4, pour la plupart, tandis que les filières STAPS préparent plutôt aux niveaux 2 et 3.

J’ai décidé de former 2 500 jeunes supplémentaires dans un « parcours animation sport » : ils seront totalement pris en charge, avec une expérience professionnelle à la clé, au sein d’associations sportives, et pourront bénéficier d’une formation au brevet d’État ou au brevet professionnel.

Mme Comparini a terminé sur une question importante : celle des agents sportifs. Je suis, comme François Rochebloine, inquiet de l’évolution actuelle et je suis favorable à un encadrement du statut de ces agents. Mais il s’agit là aussi d’un domaine où rien n’est possible sans coordination internationale. C’est pourquoi j’attends de connaître les résultats de la réflexion que mène actuellement la FIFA sur le sujet. Il faudra que les transferts se fassent dans la transparence financière, ce qui est pour le moment loin d’être le cas.

Mme la Présidente - J’appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

Les articles 2, 3 bis, 4 à 6, 9, 12 bis, 13, 15 bis, 19 bis et 21, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L’ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.
Prochaine séance, mardi 28 mars, à 9 heures 30.
La séance est levée à 16 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

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ordre du jour
du Mardi 28 MARS 2006

NEUF HEURES TRENTE - 1re SÉANCE PUBLIQUE

Questions orales sans débat.

QUINZE HEURES - 2e SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Discussion du projet de loi (n° 2943), adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.

Rapport (n° 2976) de M. Alain VENOT, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE - 3e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

© Assemblée nationale