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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du mardi 28 mars 2006

Séance de 15 heures

78ème jour de séance, 183ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

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questions au gouvernement

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

retrait du cpe

M. Jean-Marc Ayrault - Voilà plus de deux mois que le CPE bloque notre pays (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Voilà plus de deux mois qu’il dresse les Français contre votre Gouvernement. Tout a été dit sur les raisons de leur refus ; vous seul ne les entendez pas, vous seul ignorez l’esprit de responsabilité des organisations syndicales et étudiantes. Toutes récusent la précarité du CPE mais toutes sont conscientes de la nécessité de bouger, de rénover le parcours professionnel des jeunes. Toutes sont prêtes à négocier, dès lors que vous ferez le geste de retirer le CPE (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Force est de constater que ce geste ne vient pas ! Où allez-vous ? Que voulez-vous ? Vous semblez avoir fait du CPE une affaire personnelle, pour démontrer que vous pouvez faire ployer l’échine à tout un peuple ! Je vous le dis avec gravité, Monsieur le Premier ministre : votre obstination est lourde de périls. Vous jetez la jeunesse dans la rue ; vous l’exposez à la violence des casseurs et à la riposte des forces de l’ordre ; vous provoquez une grève nationale en plein marasme économique ; vous réveillez les feux mal éteints des banlieues ! Non, Monsieur le Premier ministre, on ne construit pas un destin personnel contre son propre peuple (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) !

Comme nous, vous aimez la France. Comme nous, vous croyez qu’elle est capable des plus beaux sursauts lorsqu’elle est unie. Ne pensez plus qu’à elle, à son image, à son intérêt, à son unité. Oubliez votre orgueil, retirez le CPE, faites la paix avec les Français (Mêmes mouvements) ! Une telle décision ne serait pas une défaite : ce serait donner une chance à la négociation ; ce serait ouvrir la voie à un compromis social ; rassembler autour d’un projet partagé. On se grandit plus sûrement à convaincre, plutôt qu’à vaincre, à entraîner, plutôt qu’à contraindre. Monsieur le Premier ministre, la réponse est entre vos mains. Désormais, vous êtes le seul responsable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) !

M. le Président – La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement - Monsieur le Président Ayrault, le Gouvernement de Dominique de Villepin n’a pas le monopole des manifestations !

M. Jean Le Garrec - Continuez comme cela !

M. le Ministre – Lorsqu’il y a des manifestations, la principale préoccupation d’un gouvernement est de tout faire pour éviter des incidents graves.

M. Marcel Dehoux - Il ne croit pas ce qu’il dit !

M. le Ministre – Il est très déplacé de réduire le CPE, qui est la continuation du travail sur l’apprentissage et la formation, des contrats de professionnalisation, du recrutement de 3 500 personnes dans les ANPE – destinées notamment à recevoir les jeunes et à leur trouver des emplois durables – à une affaire personnelle !

Cela dit, le Premier ministre a évoqué lui-même un débat sur les modalités de la rupture et sur la période de consolidation (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Dominique de Villepin souhaite avancer dans ce dialogue (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste). Mais à un moment réel de crise, il faut beaucoup de respect mutuel, et même de supplément d’âme, car c’est de nos jeunes qu’il est question (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) !

M. Patrick Roy – Retirez le CPE !

necessité d’un dialogue sur le CPE

M. Hervé Morin - Monsieur le Premier ministre, un grand sentiment d’inquiétude monte dans le pays. Depuis près de huit semaines, les manifestations se suivent. Les rassemblements qui ont eu lieu ce matin en province montrent que la mobilisation des jeunes – particulièrement des lycéens et des étudiants – croît chaque jour, et ce dans un climat d’extrême tension.

Dans le même temps, on assiste à un dialogue de sourds entre le Gouvernement, les partenaires sociaux et les syndicats d’étudiants. La France ne peut se payer le luxe de s’enfermer durablement dans la crise. Le CPE n’est pas aussi fondamental pour l’avenir du pays que la France doive continuer à se déchirer. C’est à vous, Monsieur le Premier ministre, qu’il revient de rétablir les conditions du dialogue et de l’apaisement. Comme l’UDF vous l’a demandé depuis des semaines, il est temps de prendre des initiatives pour sortir de la crise et éviter que le pays se morcelle un peu plus (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF) !

M. le Président – La parole est à M. Larcher (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste).

M. Manuel Valls - Incroyable !

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes - Monsieur le Président Morin, le Gouvernement entend aussi l’inquiétude qui monte du pays. Elle se manifeste aujourd’hui dans la rue, mais nous la connaissons bien car elle tient à la précarité qui règne depuis trop longtemps. La précarité, nous ne l’avons pas découverte il y a deux mois ! Elle existe malheureusement depuis vingt ans…

M. Jean Glavany - C’est bien ! Continuez !

M. le Ministre délégué – A la suite de la loi de programmation pour la cohésion sociale, la loi pour l’égalité des chances entend répondre à un certain nombre de situations inacceptables, dont un taux de chômage des jeunes de 23 % qui traduit une réelle difficulté d’entrée dans l’emploi. Vous avez évoqué le dialogue : le Premier ministre l’a engagé… (Huées sur les bancs du groupe socialiste) et il se poursuit ! Naturellement, les solutions, c’est du dialogue social qu’elles sortiront ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen - Nul !

CONTRat PREMIère embauche

M. Jacques Brunhes – Monsieur le Premier ministre, le 16 janvier dernier, vous présentiez le CPE comme la mesure phare du Gouvernement en faveur des 18-25 ans et votre majorité lui réservait un accueil enthousiaste. 71 jours après, pour s’y opposer, le pays connaît le mouvement social le plus puissant et le plus unitaire de ces dernières années. Des millions de jeunes, de lycéens, d’étudiants, de parents, de salariés, de retraités… manifestent dans toute la France et c’est parce que les députés de notre groupe se sont joints aux cortèges qu’ils ne siègent pas en ce moment…

M. Pierre Lellouche - Quel événement !

M. Jacques Brunhes - Nos concitoyens refusent la mise en pièces du droit du travail et l’institutionnalisation de la précarité, d’abord pour la jeunesse puis pour l’ensemble du salariat. Face à ces enjeux de société, vous avez choisi le pourrissement et les manœuvres dilatoires destinées à provoquer l’opinion ou à souffler le chaud et le froid, au risque d’aviver les tensions et les confrontations violentes. Monsieur le Premier ministre, jouer ainsi avec le feu est terriblement dangereux, pour la démocratie comme pour la France.

En dépit de ces médiocres et irresponsables tentatives, 63 % des Français se disent solidaires du mouvement de contestation, soit 10 % de plus que lors de la grève historique contre le plan Juppé. Las, vous n’avez pas retenu la leçon – pourtant simple – selon laquelle on ne gouverne pas contre le pays. Vous proposez un dialogue visant à de simples aménagements du texte, cependant que d’autres proposent la suspension du CPE… De tout cela, les organisations concernées ne veulent pas puisque cela reviendrait à accepter au préalable le maintien du dispositif !

Monsieur le Premier ministre, tout peut rentrer dans l’ordre dès demain : la machine éducative et universitaire peut repartir immédiatement et les grèves cesser. Retirez le CPE ! Ouvrez de vraies négociations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. le Président – La parole est à Mme Vautrin (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Claude Bartolone - Ah, enfin ! (Rires)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Monsieur le député, vous le dites vous-même, les Français dénoncent la précarité et c’est bien à elle que notre Gouvernement entend s’attaquer. Non, le chômage des jeunes n’est pas une fatalité et nous avons commencé d’apporter des réponses, qu’il s’agisse des contrats aidés ou de la formation en alternance…

Plusieurs députés socialistes – Baratin !

Mme la Ministre déléguée - Le CPE est l’un des outils que nous proposons et le Gouvernement a entendu les demandes qui s’expriment à son sujet, qu’il s’agisse de la période de consolidation ou des modalités de rupture…

Plusieurs députés socialistes – Baratin !

Mme la Ministre déléguée – Et puis, il faut redire ici que les chefs d’entreprise qui recrutent un jeune avec la volonté de le former réalisent un investissement humain qui les engage, leur préoccupation n’étant évidemment pas de le licencier le plus facilement possible ! Il est temps de se remettre autour d’une table. Retrouvons-nous ! Discutons ensemble de ce CPE, pensé pour un monde qui évolue et une économie qui bouge. Sortons ensemble de cette crise, dangereuse pour la sécurité publique, pour les examens de jeunes, pour l’image de la France et pour la croissance économique qui recèle les emplois de demain (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Bruno Le Roux - Zéro !

contrat première embauche

M. Jean Leonetti - Ma question s’adresse au Premier ministre… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Annick Lepetit - Sans doute va-t-il daigner vous répondre !

M. Jean Leonetti - Par delà nos divergences – naturelles en démocratie -, nous pouvons partager le diagnostic : notre jeunesse est durement frappée par le chômage et vit une situation de précarité, en particulier lorsqu’elle est peu diplômée et sans expérience. Chacun, dans ce pays, est profondément attaché au respect des lois votées et conscient de la nécessité d’un dialogue social exigeant, susceptible de trouver un terrain d’entente conforme à l’intérêt général. Monsieur le Premier ministre, vous avez récemment réuni les représentants des syndicats et des étudiants (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) pour étudier les aménagements à apporter au CPE et vous avez affirmé votre ouverture sur les deux points qui cristallisent l’angoisse de la jeunesse : la durée de la période de consolidation et les modalités de rupture du contrat.

Monsieur le Premier ministre, dans quelles conditions ces négociations peuvent-elles se poursuivre, dans l’attente de la promulgation de la loi ?

M. Jean-Marie Le Guen - Tiens, où est donc M. Sarkozy ?

Plusieurs députés socialistes – A la manif ! (Rires)

M. Jean Leonetti - Ne serait-il pas utile, au-delà du CPE – qui n’est qu’un outil parmi d’autres de la lutte anti-chômage des jeunes –, d’ouvrir plus largement les discussions avec l’ensemble des partenaires sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – La parole est à M. le Premier ministre (Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste ; Mmes et MM. les députés du groupe UDF se lèvent et quittent l’hémicycle en signe de protestation).

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Il y a, dans notre pays, une anxiété sociale réelle, et c’est à cette angoisse qu’il nous faut répondre… (Huées sur les bancs du groupe socialiste) Ne nous y trompons pas ! Ce qui est en cause aujourd’hui, c’est le sentiment de précarité, c’est la crainte de l’avenir et le manque de projet collectif. Ce n’est que dans l’action que nous parviendrons à convaincre tous les Français que demain peut être meilleur qu’aujourd’hui. Cela vaut en particulier pour les jeunes, qui sont les premiers (Même mouvement, tendant à couvrir la voix de l’orateur) à pâtir des renoncements et de l’immobilisme. On avait promis des diplômes pour tous et des lendemains faciles. On a eu un chômage qui monte, et des diplômes qui ne garantissent plus la promotion sociale… (Même mouvement)

M. le Président – Écoutez la réponse !

M. le Premier ministre – Alors, oui, il est temps de faciliter l’entrée des jeunes dans la vie active, et pas seulement pour ceux qui, détenant de bons diplômes, trouvent facilement un CDI, un logement et s’installent dans la vie sans difficultés particulières. Pensons à ceux qui n’ont ni diplôme, ni qualification, ni expérience et dont le taux de chômage dépasse les 40 %.

Pensons d’abord à eux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), pensons à ces jeunes auxquels personne ne donne de chance ! C’est une question de justice…

M. Jean Glavany - Pas vous !

M. le Premier ministre - …et d‘égalité des chances (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste). L’enjeu (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), celui pour lequel je me bats depuis le premier jour, c’est l’insertion professionnelle des jeunes.

Cela se joue dès l’université. Aidons donc les jeunes à s’orienter, à faire leur choix en connaissance de cause, développons les filières professionnelles et l’alternance. Cela se joue aussi sur le marché du travail. Donnons plus de souplesse à l’employeur, pour offrir plus d’emplois aux jeunes. Cela marche (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), comme en témoigne le succès du Contrat Nouvelles Embauches. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) En contrepartie, il appartient à l’État d’apporter toutes les garanties nécessaires aux salariés (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), des garanties réelles, nouvelles (mêmes mouvements), comme la prise en charge du complément de rémunération lorsque le contrat du salarié est rompu et que celui-ci entre en formation.

Oui, avançons, ne restons pas immobiles, sans quoi rien ne pourra s’améliorer pour les jeunes dans notre pays !

Je suis prêt, comme certains syndicats l’ont demandé, à ouvrir un grand débat (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) sur les liens entre l’université et l’emploi. Les présidents d’université l’ont demandé. Je suis prêt à définir avec les partenaires sociaux un plan d’action concertée pour l’emploi des jeunes, qui traitera de tous les problèmes qu’ils rencontrent aujourd’hui sur le marché du travail.

Plusieurs députés socialistes – Retrait ! Retrait !

M. le Premier ministre – C’est bien dans cet esprit, avec comme seule volonté de faciliter l’embauche des jeunes, que nous avons élaboré le Contrat Première Embauche (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Personne n’avait auparavant attaqué ce problème (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Certainement pas vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

J’ai souhaité ouvrir les discussions les plus larges, car je vois bien les interrogations qui se portent sur certains points du contrat…

Plusieurs députés socialistes – Ah, quand même !

M. le Premier ministre - …en particulier sur la période de consolidation et sur les modalités de la rupture. Je suis prêt à engager le dialogue (les députés socialistes scandent « retrait, retrait ») et à aménager le contrat sur ces points. La République, ce n’est pas les préalables, ce n’est pas l’ultimatum ! Ce n’est pas non plus quand certains membres de la représentation nationale contestent la règle républicaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Je l’ai écrit aux syndicats et je leur ai proposé d’en discuter demain à Matignon. Ils ont refusé la main tendue. Je leur renouvelle devant vous cette proposition. S’ils veulent s’engager dans la voie du dialogue, s’ils veulent réduire la période des deux ans et s’ils veulent prévoir un entretien lors de la rupture du contrat, j’y suis prêt.

Il reste du temps utile. Mettons le à profit pour dialoguer. Mais il y a une chose que je n’accepte pas : c’est de rester les bras croisés face au chômage des jeunes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Ce que je n’accepte pas non plus, c’est la résignation ! Nous avons rendez-vous chaque mois, je serai présent à chaque rendez-vous. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Je n’accepte pas non plus de regarder vers le passé quand tous nos compatriotes ont soif d’avenir. Aujourd’hui, le rendez-vous que nous avons tous, c’est de défendre une ambition sociale tout en étant fidèles à une exigence républicaine (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). C’est bien le rendez-vous que tient ce Gouvernement et c’est celui-là que vous refusez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, huées sur les bancs du groupe socialiste)

elections en ukraine et en biélorussie

M. Pierre Lellouche – Au cours de ces deux dernières semaines viennent de se tenir dans deux républiques de l’ancienne URSS des élections toutes deux majeures mais qui se sont passées de façon fort différente. Il y a dix jours, en Biélorussie, à la suite de fraudes massives, le dernier dictateur d’Europe centrale, Alexandre Loukachenko, a été massivement réélu. Il a ensuite utilisé la force contre l’opposition démocratique. Ce dimanche, en Ukraine, les élections législatives ont été organisées dans des conditions irréprochables de transparence et d’honnêteté, dont, en tant qu’observateur officiel, je puis personnellement attester. Le président ukrainien, Victor Loutchenko, et Mme Timochenko comptent sur l’aide de la France pour conforter l’évolution de leur pays vers la démocratie.

Il y a néanmoins un point commun entre ces deux élections : l’interférence permanente que tente d’exercer la Russie, notamment par le biais du chantage sur le prix et les livraisons de gaz. Et je vous avoue mon inquiétude à l’égard de certaines évolutions en cours en Russie, ces dernières années, aussi bien en matière intérieure – avec la suppression des élections régionales, la mainmise sur la presse, la disparition des partis libéraux – qu’extérieure, avec des actions pour le moins critiquables en Tchétchénie, en Géorgie et dans le Caucase sud.

Au lendemain du sommet européen sur les questions énergétiques, je voudrais savoir, Monsieur le ministre des affaires étrangères, ce que compte faire la France pour aider l’opposition démocratique en Biélorussie ; deuxièmement, quelle est l’appréciation que porte le Gouvernement français sur les élections de ce dimanche en Ukraine ? Troisièmement, quelle est l’attitude que la France compte observer vis-à-vis de la Russie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères - La France a participé à la commission d’observation électorale de l’OSCE durant l’élection présidentielle en Biélorussie. Avec le Conseil européen, elle a condamné les fraudes constatées à cette occasion.

L’Union européenne envisage maintenant des sanctions directes contre le président Loukachenko, qu’il s’agisse d’interdictions de visas ou de gel d’avoirs personnels et de biens financiers. La France et ses partenaires européens demandent par ailleurs la libération des prisonniers politiques, dont le nombre atteindrait le millier depuis le 19 mars, d’après plusieurs ONG. Il me paraît enfin essentiel de continuer à parler avec le candidat de l’opposition, M. Milinkevich, que j’ai reçu le 9 janvier au Quai d’Orsay.

L’OSCE et l’Union européenne ont en revanche estimé que les élections en Ukraine avaient été justes et transparentes.

Nous connaîtrons, après la proclamation officielle des résultats, la nature de la coalition qui sera formée. Je souhaite en tout état de cause que les réformes engagées depuis la révolution orange se poursuivent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

blocage des universités

Mme Josiane Boyce – Depuis plusieurs semaines, de nombreuses universités sont bloquées, souvent par une minorité d’étudiants, (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et d’autres sont partiellement perturbées. Est-ce normal, alors que la grande majorité des étudiants, la fameuse majorité silencieuse, veut travailler ? Tous ces étudiants sont inquiets parce que la période des examens approche, que les nombreuses heures de cours perdues ne pourront être rattrapées, et parce que les efforts qu’ils ont fournis depuis la rentrée de septembre risquent d’être anéantis. Comment comptez-vous les rassurer, Monsieur le ministre de l’Éducation nationale, eux qui sont si soucieux de leur avenir et de leurs études ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – Les diplômes étant nationaux il convient, pour qu’ils aient toute leur valeur, que l’intégralité du programme universitaire ait été enseignée. Nous ne pouvons évidemment nous résoudre à des diplômes au rabais. Avec M. François Goulard, je demande donc aux présidents d’université de nous faire part de leur plan de rattrapage ainsi que d’un calendrier précis de façon à ce que cette année ne soit pas perdue.

Ceux qui bloquent les amphithéâtres causent le plus grand tort à leurs camarades les plus modestes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) car ce sont eux qui, souvent, ont besoin des mois de juillet et d’août pour trouver un travail et financer leurs études ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Quel mauvais service rendu ! Au nom d’une prétendue solidarité, ils commettent une profonde injustice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Enfin, il est vrai que ce sont souvent des minorités qui utilisent la force contre l’immense majorité des étudiants. Les responsables sont passibles de sanctions prévues par la loi. Ils commettent un véritable déni de justice auquel ils feraient bien de réfléchir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

CIRCULAIRE SUR LE CONTRAT NOUVELLES EMBAUCHES

M. Arnaud Montebourg – Monsieur le Premier ministre, quand daignerez-vous enfin descendre de votre statue équestre (Protestations sur les bancs du groupe UMP) pour répondre aux représentants du peuple que nous sommes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le ministre de la justice vient d’adresser à tous les procureurs une circulaire consacrée au CNE créé l’été dernier par ordonnance. Elle leur demande d’aller dans les conseils de prud’hommes, d’intervenir dans les litiges entre employeurs et salariés et de soutenir les CNE, tous menacés d’annulation par la justice prud’homale. Le CNE, comme le CPE, violent nos engagements internationaux interdisant le licenciement discrétionnaire et la période d’essai arbitraire de deux ans. C’est donc naturellement que, soucieux du respect de l’État de droit, les conseils de prud’hommes écartent l’application du CNE et appliquent nos engagements internationaux conformément à notre Constitution. Vous venez de décréter dans cette circulaire, Monsieur le Garde des Sceaux, une mobilisation politique sans précédent des procureurs en les chargeant de mettre sous contrôle la justice prud’homale qui, composée d’employeurs et de salariés, juge en toute indépendance. Plus grave, vous mettez les procureurs de France au service d’une partie, les employeurs, au détriment d’une autre, les salariés (Protestations sur les bancs du groupe UMP), alors qu’ils devraient être au service de l’État de droit impartial et républicain. Vos procureurs sont-ils encore des procureurs de la République ou sont-ils devenus les procureurs de l’illégalité et du mépris du droit ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Cette circulaire démontre, Monsieur le Premier ministre, qu’au mépris du Parlement et des partenaires sociaux vous ajoutez le mépris pour la justice, l’État de droit et l’indépendance de l’institution judiciaire. Face au spectacle d’une République aux institutions dévoyées, perverties et instrumentalisées par votre idéologie aveugle et votre ambition sans limite, les principes fondamentaux de la démocratie commandent que vous retiriez cette invraisemblable circulaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice  Tout le monde sait combien M. Montebourg est excessif. Dieu sait que ce qu’il vient de dire n’a que fort peut de rapport avec une circulaire que j’ai en effet envoyée le 2 mars, comme d’autres d’ailleurs dès lors qu’il s’agit d’expliquer une nouvelle loi et de décrire un nouveau dispositif dont l’éventuelle mauvaise application impliquerait, en effet, de faire appel. Le 2 avril 2005, mon prédécesseur a ainsi rédigé une circulaire sur les mariages blancs et en 1989, le Garde des Sceaux - alors de gauche - avait rédigé une circulaire relative à la loi sur la nationalité en utilisant des mots choquants que vous ne trouverez pas sous ma plume : il considérait en effet que les juges du siège devaient se faire une opinion parce qu’ils n’étaient pas suffisamment éclairés ! Une circulaire vise à uniformiser le droit, car celui-ci est identique à Caen, Tourcoing ou Aix. Vous devriez donc vous féliciter qu’il y ait encore un ministère de la justice garantissant une loi identique pour tous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

harkis

M. Daniel Spagnou – Je suis député d’une circonscription qui comprend une nombreuse communauté de harkis. Au cours de mes rencontres, j’ai pu mesurer leur désarroi, leur peine et leur colère suite à la déclaration de Georges Frêche. Celui-ci a en effet dépassé les limites en insultant des hommes et des femmes qui portent haut nos valeurs patriotiques. Cette blessure qui afflige l’ensemble de la communauté nationale n’est pas près de se refermer car les harkis attendent des sanctions fortes à l’encontre du président de la région Languedoc-Roussillon. Il doit répondre de son infamie ! C’est d’abord le parti socialiste, auquel appartient Georges Frêche, qui doit réagir en l’excluant, et non en prononçant une simple suspension (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Le parti socialiste se grandirait en accomplissant un tel geste en signe d’apaisement et de reconnaissance pour les harkis. Monsieur le premier secrétaire du partis socialiste, je vous demande donc avec force, mais avec cœur, de prendre vos responsabilités, comme vous le demandent d’ailleurs plusieurs parlementaires socialistes souhaitant que Georges Frêche soit exclu.

Où en sont les poursuites engagées à son encontre, Monsieur le ministre délégué aux anciens combattants, notamment en vertu de l’article 5 de la loi portant reconnaissance envers les rapatriés, que nous sommes fiers d’avoir votée en février 2005 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants Dès que M. Frêche a tenu ces propos que nous regrettons tous, j’ai saisi le Garde des Sceaux, en application de l’article 5 de la loi du 23 février 2005. A son tour, celui-ci a saisi le procureur de la République, qui a décidé d’ouvrir une information judiciaire. M. Frêche a ensuite été mis en examen pour injures à caractère racial.

M. Jean Glavany - C’est le problème central de notre société !

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants  Il n’appartient pas au Gouvernement de commenter une action judiciaire en cours. Naturellement, nous avons toute confiance en la justice française.

Je peux attester que si cette affaire a attristé tout un chacun, l’émotion demeure particulièrement forte chez les harkis. Cette composante de notre communauté nationale a su conserver son calme, mais la blessure reste d’autant plus vive que les regrets exprimés par l’auteur de cette agression injuste ont semblé être de pure forme.

Je voudrais donc assurer les harkis de la solidarité du Gouvernement. Nous sommes attentifs aux plus faibles, et nous nous tenons à leurs côtés pour défendre leurs droits (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

développement du trafic maritime

M. Jean-Yves Besselat – Sous l’impulsion du Président de la République et sous celle de Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, notre pays a mis en place une véritable politique de la mer…

Plusieurs députés socialistes – C’est faux !

M. Jean-Yves Besselat - … afin de répondre à l’exceptionnelle croissance du trafic maritime – plus 10 % en un an !

Dès jeudi prochain, vous allez ainsi inaugurer au Havre, Monsieur le ministre, le chantier Port 2000, lancé en 1995 par le Président de la République. Ce projet exceptionnel, d’un montant supérieur à 2 milliards d’euros, offrira à la France et au Havre une capacité de développement considérable. Grâce à cet équipement, le trafic passera de 2,2 à 6 millions de « boîtes » par an au cours des prochaines années, ce qui représente une augmentation du nombre de tonnes transitant par le Havre de 75 à 100 millions en sept ans, et une création de 4 000 emplois nets.

Pour accélérer le transit terrestre par la voie ferrée, d’autres équipements sont toutefois nécessaires, et je voudrais que vous nous indiquiez le calendrier suivi.

Par ailleurs, le registre international français, entré en vigueur en février…

Plusieurs députés socialistes – C’est un scandale !

M. Jean-Yves Besselat - … doit permettre à notre flotte de commerce de s’accroître – de 200 navires aujourd’hui, elle pourrait en compter 300 demain. Le redressement du pavillon français étant nécessaire pour redynamiser notre filière maritime, pouvez-vous nous préciser quand la circulaire relative aux revenus des marins sera publiée ?

Sous votre impulsion, Monsieur le ministre, ainsi que celle de vos deux prédécesseurs immédiats, la France est en passe de relever les défis maritimes auxquels elle est confrontée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer - Vous avez raison de souligner l’importance de ces investissements, Monsieur Besselat. Face à la croissance considérable du trafic maritime dans le monde, il importe que la France dispose d’une ouverture maximale.

C’est l’ensemble de notre pays qui doit profiter du développement de nos capacités portuaires, et nous devons éviter que les containers supplémentaires se retrouvent sur nos routes. Le projet de déviation ferroviaire au Nord de la région parisienne, qui implique notamment des travaux d’électrification, revêt donc une importance particulière, de même que l’amélioration du trafic fluvial, qui permettra de faire circuler plus de containers par voie d’eau.

Je prendrai donc avant l’été les décisions nécessaires pour l’installation d’une écluse maritime au Havre, à laquelle vous êtes très attaché, et j’ai par ailleurs autorisé les péniches fluviales à se rendre jusqu’à Port 2000, sous certaines conditions de sécurité.

Concernant le registre international français, élément essentiel de reconquête du pavillon français, l’ensemble du dispositif réglementaire est aujourd’hui en place. Le Gouvernement mène donc une véritable politique maritime, comme le savent l’ensemble des acteurs concernés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

cohérence de l’équipe gouvernementale

M. Gaëtan Gorce - Ma question s’adresse à Monsieur le Premier ministre, même si j’ai bien compris qu’il ne répondait pas à ceux qui le contredisent (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

A cette heure si grave pour notre pays, permettez moi de m’interroger sur la cohérence de votre équipe gouvernementale, et sur l’image qu’elle donne. Au moment où se déroulent des manifestations d’une très grande ampleur, on aurait pu penser que votre ministre de l’intérieur avait mieux à faire que de disserter sur votre action, puisqu’il est en charge de l’ordre public (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Or, sa première urgence est de dresser, en ces moments si difficiles pour vous et votre majorité, un réquisitoire en règle contre la méthode que vous avez suivie. C’est ce qu’il a fait hier à Douai, dénonçant « l’absence d’esprit de compromis », et rappelant qu’il ne devrait pas y avoir de textes gouvernementaux en matière sociale sans concertation préalable. Se faisant psychologue, il s’est même cru autorisé à préciser que « la fermeté n’est pas la rigidité ».

Comment pouvez-vous accepter que votre ministre de l’intérieur vous fasse ainsi la leçon ? Cette autorité dont vous prétendez faire usage à l’encontre de notre jeunesse, ne serait-elle pas mieux employée si elle s’exerçait à l’égard de vos ministres ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Si votre ministre de l’intérieur dispose de meilleures recettes que vous , je m’interroge sur sa présence au sein de votre Gouvernement ! Et si tel n’est pas le cas – souvenons-nous qu’il a déclaré le 2 février sur LCI qu’il n’existait pas de meilleure solution que le CPE – il ne cherche qu’à se démarquer à des fins purement électorales, manquant ainsi à ses responsabilités, et même à ses devoirs.

La France en a assez de ce jeu de rôle auquel vous vous livrez tous les deux, et par lequel vous prenez en otage les intérêts de l’État. Le devoir de l’opposition est de vous rappeler que sont en jeu l’avenir de notre jeunesse, la stabilité de notre économie et la cohésion de notre société. Quand cesserez-vous donc, Monsieur le Premier ministre, de faire de la République le champ clos de votre éternelle rivalité avec le ministre de l’intérieur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président – La parole est à M. Larcher (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes - Le chômage dans lequel galèrent des centaines de milliers de jeunes depuis des années n’est pas un jeu, Monsieur Gorce : c’est une réalité ! Vos allusions sont bien loin des préoccupations des jeunes et de leurs familles (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Quant à nous, nous répondons au chômage des jeunes, et non à vos petits jeux politiciens ! Tel est l’engagement de l’ensemble du Gouvernement, uni derrière le Premier Ministre. Le seul jeu qui compte, c’est de faire gagner la jeune génération ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

développement des biocarburants

M. Gérard Menuel - Au début des années 1990, la France avait une avance considérable dans le domaine des biocarburants. Quinze ans plus tard, elle l’a perdue : l’Espagne, l’Allemagne ou la Pologne en produisent plus que la deuxième puissance agricole du monde ! Nous avons récemment débattu, ici même, des blocages qui entravent une politique ambitieuse d’utilisation des biocarburants. On connaît les groupes de pression qui tentent de freiner le développement d’un secteur qui n’a pourtant que des avantages : réduction des émissions de gaz carbonique, renforcement de notre indépendance énergétique, création de 40 000 emplois.

Depuis quelques mois, une nouvelle dynamique est engagée : les biocarburants défiscalisés se multiplient grâce aux appels d’offre et l’on envisage la construction d’unités de production sur l’ensemble du territoire. Pouvez-vous, Monsieur le ministre, garantir que la méthode et le calendrier adoptés permettront le respect de nos engagements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche  En rattrapant notre retard, nous ouvrirons de nouveaux horizons à nos agriculteurs. Non seulement ils nourriront nos concitoyens, exporteront leurs produits et porteront le secteur agroalimentaire – premier employeur industriel de France – mais ils fourniront aussi une partie importante de notre énergie, alors que celle-ci renchérit et que les ressources fossiles diminuent.

Avec les biocarburants, nous entrons dans le cercle vertueux du respect des accords de Kyoto et de l’amélioration de notre environnement. Nous étions les cancres assis au fond près du radiateur, mais la réalisation des ambitieux objectifs annoncés par le Premier Ministre – 5,75 % de biocarburants en 2008, 7 % en 2010 et 10 % en 2015 – fera de nous les premiers de la classe européenne. Aux six usines déjà annoncées par M. Raffarin, M. de Villepin en a ajouté dix autres. Les biocarburants représentent 25 000 emplois, des investissements sur l’ensemble de notre territoire, un espoir pour l’agriculture et le nouveau visage de la France : voilà pourquoi la majorité et le Gouvernement se sont courageusement engagés dans cette voie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

enquête sur la catastrophe de charm el-cheikh et sécurité aérienne

M. François-Michel Gonnot - Les autorités égyptiennes ont enfin rendu public le rapport d’enquête final sur la catastrophe aérienne de Charm el-Cheikh qui a provoqué, le 3 janvier 2004, la mort de 148 personnes, dont 134 Français. Les familles des victimes ont été surprises de constater que c’est l’appareil – un Boeing 737 de la compagnie Flash Airlines – qui était incriminé, alors que le bureau d’enquêtes et d’analyses français, dont la crédibilité est pourtant incontestée, avait mis en cause les pilotes.

Cette divergence va provoquer de nombreux problèmes de procédure et d’indemnisation. Après cet accident, notre Assemblée s’était, à l’initiative de son président, penchée sur le problème de la sécurité du transport aérien des passagers, et la mission d’information dont j’étais le rapporteur avait à l’époque proposé une quarantaine de mesures pour la renforcer. Nous avions notamment proposé une liste noire dont l’Union européenne s’est inspirée, un rôle croissant pour l’Europe – je sais combien le Gouvernement s’efforce de construire une Europe de la sécurité aérienne – et une meilleure information des passagers. Quel jugement portez-vous sur l’actualité récente concernant le drame de la mer Rouge, et pensez-vous que nous ayons atteint un niveau suffisant, voire maximal, de sécurité aérienne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer  J’ai veillé à ce que les familles des victimes puissent, dès samedi, connaître le contenu du rapport d’enquête égyptien, et à ce qu’elle soient reçues hier par le bureau d’enquêtes et d’analyses. Les conclusions sont en effet nettement divergentes. J’ai décidé de transmettre le rapport du ministère de l’équipement aux autorités judiciaires françaises et égyptiennes, et l’enquête judiciaire va désormais suivre son cours.

Plus généralement, sur les quarante mesures que vous aviez proposées, trente-six sont aujourd’hui mises en œuvre. Vous avez souligné le rôle de la France dans l’évolution de la politique européenne de sécurité aérienne. Notre action a notamment permis des améliorations dans trois domaines : d’une part, le renforcement des contrôles aux escales sur le territoire français – j’ai donné des instructions précises, les moyens de la DGAC ont été renforcés et la France est désormais un modèle en la matière. Ensuite, l’Europe a récemment rendu publique sa liste noire, comme la France l’avait déjà fait l’été dernier : c’est un outil de dissuasion très efficace. Enfin, la France agit auprès de l’Europe et de l’OACI pour que chaque État respecte les règles de sécurité aérienne. Afin d’améliorer la transparence dans le transport aérien, je viens de faire paraître un décret obligeant les vendeurs de billets à indiquer les compagnies sur lesquelles voleront leurs clients. L’Europe adoptera sans doute bientôt cette règle. Tels sont les principaux éléments de notre combat pour la sécurité aérienne : nos concitoyens ont le droit de connaître les risques qu’ils encourent et ceux dont ils sont protégés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 17 heures 30, sous la présidence de M. Dosière.
PRÉSIDENCE de M. René DOSIÈRE
vice-président

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transparence et sÉcuritÉ en matière nuclÉaire

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable - Ce projet rénove en profondeur le cadre législatif applicable aux activités nucléaires et à leur contrôle, fait notablement progresser la transparence dans ce domaine, et, conformément au vœu du Président de la République, crée une Haute autorité chargée du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ainsi que de l’information du public. Ces améliorations étaient particulièrement souhaitables au moment où la France effectue des choix importants pour le nucléaire civil.

Compte tenu de la place du nucléaire dans notre politique énergétique, le Gouvernement est particulièrement attentif à cette sûreté et à cette transparence. Pour préparer avec soin l’échéance de 2006 concernant les déchets radioactifs, il a souhaité un débat public, mené sous l’égide de la commission nationale. Un projet de loi relatif à la gestion des matières et des déchets nucléaire est maintenant sur le bureau de votre Assemblée depuis le 15 mars. Quant au présent projet de loi, je suis particulièrement heureuse de vous le présenter : le Gouvernement reconnaît ainsi que le ministère de l’écologie est un ministère majeur, jouant un rôle central dans le contrôle des activités à risque.

Si le Gouvernement a souhaité présenter ce projet, c’est que les bases législatives du contrôle des installations nucléaires se limitent à quelques articles de la loi sur l’air de 1961. Certes, dans les faits, pour l’efficacité du contrôle et pour la transparence, nous n’avons rien à envier aux autres pays, mais il s’imposait de mettre notre législation à la hauteur de notre pratique.

Dès 1998, M . Le Déaut, alors président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, le constatait dans son rapport sur le système français de radioprotection, de contrôle et de sécurité nucléaire qui portait ce sous-titre prémonitoire : « La longue marche vers l'indépendance et la transparence ». Ce rapport a débouché sur une première réforme : le gouvernement de Lionel Jospin avait envisagé la création d'une autorité administrative indépendante chargée du contrôle de la sûreté nucléaire, préconisée par M. Le Déaut, mais y avait renoncé et, en lieu et place, il avait déposé en 2001 à l'Assemblée nationale le projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire. Sans esprit partisan, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a transféré ce texte au Sénat en 2002, pour ne pas perdre le bénéfice du travail accompli. Mais, estimant que le dispositif manquait d'ambition, il a, par lettre rectificative, introduit deux nouveautés majeures : d’une part la création d'une Haute autorité de sûreté nucléaire, chargée de contrôler la sûreté nucléaire et la radioprotection, et de participer à l'information du public ; d’autre part un renforcement notable des outils de contrôle de la sûreté des grandes installations nucléaires et des transports de matières radioactives.

Dans la perspective des choix importants qui seront bientôt faits concernant le nucléaire civil, devant les attentes révélées par le débat public, le Gouvernement estime indispensable de rénover la législation pour renforcer la confiance des Français.

Je tiens à saluer la très grande qualité du travail du rapporteur, M. Venot, et l'intérêt des amendements qu'il propose. J’y reviendrai en présentant les quatre grands objectifs servis par ce projet.

Le premier est de confirmer que les grands principes inscrits dans la Charte de l'environnement, qui a désormais valeur constitutionnelle, s'appliquent aux activités nucléaires, à savoir les principes de prévention et de précaution, le principe pollueur-payeur, et le principe de participation et d'information du public. Le Gouvernement estime utile d'y ajouter un principe essentiel en l’espèce, principe inscrit dans le droit international : celui de la responsabilité première de l'exploitant. Il estime également indispensable que la loi énonce le rôle et les responsabilités de l'Etat en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Sur ces points, les amendements du rapporteur sont très pertinents et contribuent à la lisibilité politique du projet.

Le deuxième objectif est de créer une Haute autorité de sûreté nucléaire, chargée de contrôler la sûreté nucléaire et la radioprotection, et de participer à l'information du public dans ces domaines. Le Président de la République a voulu cette innovation majeure car l'acceptation des activités nucléaires repose pour beaucoup sur la confiance dans le contrôle.

Actuellement, les services qui sont chargés de celui-ci sont placés sous l'autorité du Gouvernement, alors que celui-ci veille également à l'approvisionnement énergétique et joue son rôle d'actionnaire principal des grands opérateurs du secteur nucléaire. Pour répondre aux interrogations que cette situation suscite, le Gouvernement a voulu donner le statut d'autorité administrative indépendante à la structure chargée, au sein de l'Etat, de ce contrôle, mais ce tout en veillant à conserver les pouvoirs nécessaires à l'exercice de ses missions essentielles.

J'indique d'emblée que le Gouvernement n'a pas de doute sur la conformité du dispositif avec la Constitution. Le Conseil d'Etat a été consulté comme il se doit sur la lettre rectificative et n'a pas soulevé d'objection.

La Haute autorité de sûreté nucléaire sera constituée par un collège de cinq membres nommés pour six ans par le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat. Ces membres seront inamovibles et astreints à un devoir d'impartialité.

Le Gouvernement continuera à définir la réglementation s'appliquant aux activités nucléaires et à prendre les décisions majeures de création et de démantèlement des grandes installations nucléaires. En cas de risque grave, il pourra suspendre le fonctionnement d'une installation et en cas d'accident, il conservera toutes ses responsabilités en matière de protection de la population ou de mesures sanitaires.

La Haute autorité sera consultée sur les projets de textes réglementaires. Elle sera chargée du contrôle des grandes installations nucléaires et des installations nucléaires dites « de proximité » – laboratoires de recherche ou installations industrielles mettant en œuvre des sources radioactives, installations médicales. Elle pourra définir des prescriptions techniques individuelles s'appliquant à ces activités. Elle aura également la responsabilité de contribuer à l'information du public sur la sûreté nucléaire et la radioprotection.

La Haute autorité disposera des services relevant aujourd'hui de la Direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et de ses onze divisions territoriales. Le Gouvernement entend évidemment conserver les moyens nécessaires à l'exercice de ses compétences propres, dont l’organisation sera adaptée.

Le rapporteur propose des améliorations très utiles pour mieux garantir un fonctionnement collégial et une réelle solidarité entre les membres de la Haute autorité.

Le troisième objectif est de garantir les conditions d’une transparence effective. La transparence semble une notion évidente. En réalité, il convient de lui donner un contenu concret. Cela signifie d'abord informer complètement le public sur la sûreté nucléaire et la radioprotection. Y concourent notamment les amendements visant à renforcer le contrôle du Parlement sur la Haute autorité ainsi que la possibilité pour le Gouvernement d'adresser des demandes à celle-ci. L’amendement du rapporteur qui récapitule les compétences du Gouvernement et de la Haute autorité de sûreté nucléaire montre que nous sommes parvenus à un bon équilibre.

Depuis de nombreuses années, sous l'impulsion du Gouvernement, l'administration a fait des efforts importants en la matière : des informations sont données quotidiennement via Internet, par exemple sur les lettres adressées aux exploitants à l'issue des inspections ou sur les incidents significatifs avec leur classement sur l'échelle internationale des événements nucléaires, mais je pense également à la revue mensuelle et au rapport annuel sur la sûreté nucléaire et la radioprotection. Les exploitants ont de même réalisé des progrès notables, il est juste de le reconnaître. Le projet donne une légitimité nouvelle à tous ces efforts.

La transparence passe aussi par un droit d'accès effectif à l'information. S’agissant de celle qui est détenue par les autorités publiques, ce droit existe déjà en vertu du code de l'environnement. Le projet de loi porte l’exigence bien au-delà, en instituant un droit d’accès à l’information détenue par les exploitants d’installations et les responsables de transports de matières radioactives. Cette innovation majeure distingue les activités nucléaires des autres activités industrielles qui, elles, ne sont pas soumises à une telle obligation.

La transparence suppose enfin qu’existent des lieux spécifiquement consacrés à l’information et au débat pluriel. Les premiers de ces lieux, ce sont les commissions locales d'information, les CLI créées au fil des années autour des grandes installations nucléaires, en application d'une circulaire du Premier ministre de 1981. Le projet de loi leur donne un statut législatif, consacre l'implication des collectivités territoriales, notamment des conseils généraux, dans leur fonctionnement, et pérennise leur financement.

M. François Sauvadet - Très bien !

Mme la Ministre – Il prévoit par ailleurs la création d’une fédération de CLI, pour donner une assise à l’association nationale déjà constituée.

Le Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire, destiné à prendre la relève du Conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaire, constituera le deuxième lieu de débat et de la diffusion de l'information. Ouvert, il rassemblera notamment des parlementaires, des représentants des CLI, d’associations, d’organisations syndicales et de l'administration, ainsi que des personnalités qualifiées.

Le Haut Comité – pendant des CLI au niveau national – ne peut en aucun cas être confondu avec la Haute Autorité, en ceci qu’il est dédié au débat pluriel et à l’information, tandis que la Haute Autorité, au caractère opérationnel marqué, est chargée du contrôle de la sûreté nucléaire et en partie de l'information du public. C'est pourquoi le Gouvernement note avec intérêt l'amendement de votre Rapporteur visant à mieux préciser la mission du Haut Comité.

Quatrième objectif : rénover la législation. Le projet de loi institue une inspection de la sûreté nucléaire, adapte la gamme des sanctions administratives en cas de manquement et rénove les sanctions pénales en cas d'infraction, aujourd’hui trop faibles par rapport à ce qu’elles sont pour d'autres activités.

Le Gouvernement, considérant que le projet de loi initial manquait d'ambition, l’a considérablement renforcé par la lettre rectificative. Il définit plus clairement les intérêts à protéger, en prenant acte d’une conception de la sûreté nucléaire élargie à la protection de la santé et de l'environnement. Il précise les conditions posées à la délivrance de l'autorisation de création d'une installation, en faisant toute leur place aux mesures de prévention et de limitation, conformément à la Charte de l'environnement. En particulier, il affiche clairement que le risque zéro n'existe pas, et que les mesures prises ont pour objet de prévenir et de limiter les risques en fonction des connaissances scientifiques et techniques du moment. De telles dispositions sont prises en vertu de la transparence et du respect que nous devons aux Français.

Le Gouvernement donne à la Haute autorité de sûreté nucléaire le pouvoir d'imposer à l'exploitant des prescriptions techniques complémentaires tout au long de la vie de l'installation, y compris lors de son démantèlement. Votre Rapporteur a proposé des amendements permettant d'améliorer encore ce dispositif : ainsi des dispositions spécifiques pour l'arrêt définitif et le passage en phase de surveillance des installations de stockage de déchets radioactifs. Nous notons par ailleurs avec intérêt les amendements visant à améliorer l'implication des salariés des installations nucléaires de base dans la prévention des risques.

Il s’agit là d’un texte important, qui est le premier à être soumis au Parlement en vue de donner un cadre législatif général aux activités nucléaires et à leur contrôle. Il prend acte des aspirations de notre société à plus de transparence et met la législation en cohérence avec la pratique. Ce projet de loi est indispensable pour fonder le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection sur des bases solides, au moment où d’importantes décisions sont prises en matière de nucléaire civil. Ce texte est attendu depuis de nombreuses années, souvent annoncé, souvent reporté : le Gouvernement entend aujourd’hui le faire aboutir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Venot, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - Ce projet de loi, adopté par le Sénat le 8 mars, présente la spécificité d'avoir été déposé par un Gouvernement issu de la précédente majorité. Sa modification par lettre rectificative contribue à le rapprocher des recommandations formulées, également sous la précédente législature, par notre collègue Jean-Yves Le Déaut.

Le titre II est le plus novateur puisqu'il crée une autorité administrative indépendante en charge de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et de l'information du public. Elle dispose de prérogatives importantes, tandis que son organisation présente peu de différences avec les autorités similaires régulant un secteur d'activité économique.

L'État, qui est – de très loin – le principal exploitant de grandes installations nucléaires comprendra donc, en son sein, une structure de contrôle indépendante de ses préoccupations d'actionnaire ou de tutelle administrative. Compte tenu de l'enjeu, nous avons veillé, comme le Sénat avant nous, à ce que le Gouvernement conserve les prérogatives fondamentales. Ainsi, la définition des règles générales de sûreté et de radioprotection appartient aux ministres : l’autorité de sûreté ne peut que les compléter de manière générale, et seulement par des décisions à caractère purement technique dont l'entrée en vigueur est subordonnée à l’homologation des ministres. En outre, les décisions les plus importantes, en particulier l'autorisation de création et l'autorisation de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement, demeurent de la compétence du Gouvernement puisqu'elles relèvent de décrets. La décision de suspendre le fonctionnement d'une installation, en raison des risques qu'elle présente, demeure de la compétence des ministres, sauf cas d'urgence. Enfin, les sanctions administratives prises par l'autorité sont soumises à l'homologation des ministres.

Le titre III, qui vise à améliorer l'information du public, a été substantiellement modifié par le Sénat. La rédaction initiale proposait de confier au Haut comité les compétences qui sont celles de la Commission d'accès aux documents administratifs. Mais, dans un souci d'efficacité, et compte tenu du fait que le fonctionnement de la CADA donne toute satisfaction, la Haute assemblée a préféré étendre les compétences de cet organisme à l'accès aux documents détenus par les exploitants d’installations nucléaires. Parallèlement, elle a recentré le Haut comité sur sa mission de concertation.

Notre commission vous présentera 99 amendements – dont beaucoup sont de nature formelle – ainsi, nous avons décidé à l’unanimité, Madame la ministre, de retenir la dénomination d'Autorité de sûreté nucléaire au lieu de celle de Haute autorité de sûreté nucléaire.

M. Christian Paul - C’est la nuit du 4 août !

M. le Rapporteur – Cela vous encouragera peut-être à voter le texte !

De façon plus substantielle, nous vous proposons par l'amendement 11 de rappeler quelles sont les autorités compétentes pour exercer les attributions prévues en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Cette question du partage des compétences est en effet fondamentale et nous nous sommes tous montrés attachés à la préservation des compétences régaliennes de l'État.

Dans le même esprit, nous vous proposons par l'amendement 14 de souligner que le pouvoir d'homologation des ministres n'est pas une compétence liée et qu'il doit leur permettre d'exercer un veto à l'encontre de décisions de l'ASN. Quant à l'amendement 26, il prévoit l'homologation du règlement intérieur de l'ASN, sachant qu'il n'est pas d'usage qu'une autorité administrative indépendante fixe sans contrôle son propre règlement intérieur.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. le Rapporteur - Nous avons également souhaité renforcer le contrôle parlementaire sur l'ASN : l'amendement 21 permet la convocation du président par les instances du Parlement et l'amendement 22 fait obligation à l'ASN de déférer aux demandes qui lui sont adressées par les autorités politiques.

M. Claude Gatignol - Juste équilibre !

M. le Rapporteur - S'agissant de l'information du public, la commission vous propose de reprendre l'architecture générale du texte, telle qu'elle a été améliorée par le Sénat. Toutefois, reprenant une proposition de Christian Bataille, l'amendement 34 vise à étendre le droit à l'information, au-delà des seuls exploitants d'installations nucléaires de base, aux détenteurs de substances radioactives et aux personnes responsables de leur transport – lorsque les quantités détenues ou transportées le justifient.

S'agissant des CLI, il nous est apparu important d’exiger, par l’amendement 39, la représentation en leur sein des organisations syndicales. Nous avons aussi jugé utile de préciser le nombre de membres siégeant au Haut comité par l’amendement 50.

Sur le titre IV, relatif aux installations nucléaires de base et au transport de matières radioactives, nos amendements sont, pour l'essentiel, techniques, mais nous vous proposons également – et c'est là un point fondamental – d’ajouter un chapitre consacré au rôle des salariés, qui étaient les grands absents du projet de loi initial. Cela était d'autant plus regrettable que leur rôle en matière de prévention des risques est irremplaçable, comme nous l'avons du reste largement reconnu, pour ce qui concerne les installations industrielles non nucléaires les plus dangereuses, dans la loi du 30 juillet 2003. J'ai donc soumis à notre commission quatre amendements tendant à aligner sur ce point le régime des installations nucléaires de base sur celui de ces installations industrielles non nucléaires les plus dangereuses. Il vous sera ainsi proposé de reprendre les dispositions relatives à l'accroissement des compétences des comités d'hygiène de sécurité et des conditions de travail, ainsi que celles qui permettent de tenir compte des risques spécifiques liés à l'intervention d'entreprises extérieures en situation de sous-traitance. Enfin, la commission vous propose de ne pas modifier l'articulation actuelle des compétences entre les inspecteurs du travail et les inspecteurs de la sûreté nucléaire.

De nombreuses idées ont été exprimées par des commissaires siégeant sur tous les bancs, notamment MM. Le Déaut, Brottes, Bataille et Daniel Paul ou, s'agissant de la majorité, MM. Gatignol et Birraux. Ces suggestions, venant notamment de ceux de nos collègues qui sont d'éminents spécialistes des questions nucléaires – ce que je ne suis pas –, m'ont très souvent semblé d'un grand intérêt. J'ai donc travaillé avec les collègues qui les ont émises pour les mettre en forme. J'ai aussi bon espoir que notre commission accepte d'autres amendements et que nous puissions, en séance publique, comme nous l'avons fait en commission, sous l’autorité de notre président, travailler de manière sereine et non partisane, à l'amélioration du texte que la commission des affaires économiques vous engage bien entendu à adopter.

Pour conclure, je tiens, Madame la ministre, à vous remercier pour votre écoute attentive et à remercier vos services, dont l'assistance, sur un sujet très technique, a été extrêmement précieuse. Leur compétence et leur disponibilité sont particulièrement rassurantes pour qui se soucie de la qualité des personnels en charge de la sûreté nucléaire et de la radioprotection dans notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Ce texte s’inscrit dans le prolongement de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique, dans laquelle nous avons réaffirmé la nécessité de maintenir notre filière nucléaire. Il sera en outre complété par le projet de loi de programme pour la gestion des déchets et des matières radioactives, que M. Loos nous a présenté en commission et dont Claude Birraux est le rapporteur. Cette législature aura donc permis à notre majorité – pour la première fois – de définir les objectifs de la politique énergétique, de confirmer le choix du nucléaire et de créer un cadre juridique régissant l’ensemble des activités nucléaires, aval du cycle compris.

Je tiens à remercier notre rapporteur Alain Venot pour son excellent travail. Il a notamment réussi à emporter la conviction de notre commission sur l’ensemble des amendements qu’il a proposés.

Ce texte tient une place centrale dans l’édifice global qui a été bâti. Il permet tout d’abord de parfaire l’information des citoyens et de conforter l’indépendance du contrôle de la sûreté nucléaire, confié à une autorité administrative indépendante. La création de cette AAI a du reste suscité quelques interrogations et je ne cache pas que je me suis moi-même longuement interrogé, étant a priori peu favorable à ce type d’organisme. Le remarquable travail du Sénat a cependant permis de lever la plupart des doutes, en garantissant notamment que les autorités politiques conserveront des prérogatives étendues et le pouvoir de prendre les décisions les plus importantes.

A ce titre, je tiens à rendre hommage au travail des rapporteurs du Sénat – MM. Revol et Sido – et à celui de mon homologue, Jean-Paul Emorine. Il nous revenait de prolonger l’œuvre engagée et je crois pouvoir dire que nous y sommes, ensemble, largement parvenus. Je puis témoigner, en présence de M. Le Déaut ou de M. Daniel Paul, qu’un consensus s’est dégagé sur les sujets les plus importants. Aussi pourrons-nous avancer rapidement. Je tiens à remercier M. Sauvadet, pour l’UDF, ainsi que MM. Birraux et Gatignol, pour l’UMP, et à rappeler que plusieurs amendements de l’opposition ont également été acceptés. Je remercie en particulier MM. Le Déaut, Bataille, Brottes et Paul pour leur esprit de responsabilité. Ainsi, le débat a été libre des polémiques partisanes qui polluent d’autres sujets… Bravo, chers collègues, d’avoir su hisser les échanges à ce niveau là ! Puissions-nous persévérer dans cette voie jusqu’à la fin de ces séances pour produire la meilleure loi possible !

S’agissant de l’autorité de sûreté nucléaire, je considère que cette AAI doit s’occuper de la gestion quotidienne du contrôle, mais que tout ce qui concerne le pouvoir régalien doit rester à l’État. Il importe que l’organisation des pouvoirs évite tout empiètement de l’autorité administrative sur les pouvoirs régaliens et empêche l’autorité de décider en opportunité…

MM. François Sauvadet et Jean Dionis du Séjour – Parfait !

M. le Président de la commission – Les amendements déposés à cet égard par notre rapporteur ont fait consensus. L’indépendance de l’autorité administrative vis-à-vis du gouvernement concernera pour l’essentiel la gestion quotidienne, l’État restant l’actionnaire principal ou la tutelle des grands exploitants nucléaires. Elle ne saurait lui conférer une quelconque forme d’irresponsabilité devant le peuple français et ses représentants. Le gouvernement continuera par conséquent de fixer les orientations générales et de prendre les décisions les plus importantes.

En commission, nos débats sur ce texte qui vient de loin – puisqu’il a été déposé en 2001 – ont été apaisés et des solutions consensuelles se sont dégagées. Dès lors, je regrette, au nom de la commission toute entière, que le Gouvernement ait déclaré l’urgence, cette procédure n’étant manifestement pas adaptée. Attendu depuis cinq ans, ce texte mérite d’être examiné sereinement par les deux assemblées du Parlement. Aussi, Madame la ministre, les commissaires unanimes m’ont-ils mandaté pour vous demander de ne pas provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire au terme de nos séances, afin que la discussion parlementaire aille à son terme. De notre côté, nous nous engageons à ne pas faire durer les débats, à aller à l’essentiel et à dépasser les polémiques politiciennes (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, UDF et socialiste).

Mme la Ministre - Monsieur le président Ollier, soucieuse, comme vous, de la sérénité de nos débats et compte tenu de la qualité des travaux parlementaires, je vous propose de ne pas faire usage de la faculté donnée au Gouvernement de convoquer une CMP à l’issue de nos séances. Ainsi la navette pourra-t-elle se poursuivre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président de la commission – Madame la ministre, au nom de la commission des affaires économiques, je vous en remercie.

EXCEPTION D’irrecevabilité

M. le Président - J’ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement. La Conférence des présidents a fixé à trente minutes la durée maximale des interventions à l’appui des motions de procédure.

M. Jacques Desallangre – Nous examinons un texte dont l'initiative a été prise en 1999 et qui a fait l’objet d'un premier projet de loi. Il était devenu essentiel que le Parlement s’en saisisse, au moment où l’on restructure le secteur énergétique et où l’on transforme l'un des principaux exploitants de la filière électronucléaire en société anonyme. Mais, depuis 2001, que d'atermoiements et de confusion dans la procédure suivie par le Gouvernement : inscription du texte à l'ordre du jour de nos travaux, puis ajournement, suite à l'annonce par le Président de la République de la création d'une autorité indépendante chargée du contrôle de la sécurité et de l'information ; adoption, enfin, d'une lettre rectificative venant modifier sensiblement le texte originel… Convenez, Madame la ministre, que ces décisions pour le moins contradictoires sont symptomatiques d'un dysfonctionnement majeur au sein de l'exécutif. Enfin, pour mettre la touche finale à ce parcours chaotique, pourquoi avoir déclaré l’urgence après cinq ans d’hésitations et pourquoi vouloir abréger un débat aussi attendu que nécessaire ? La proposition du Président Ollier – qui vient d’être reprise – montrait la gêne de la majorité

Comme le démontre l'historique du débat, notre volonté de participer à l'élaboration d'un texte de qualité ne peut être mise en doute. L'affaire qui nous occupe est déjà ancienne et nous ne contestons pas les motifs d'opportunité qui ont pu conduire le Gouvernement actuel à s’en saisir à nouveau. Rappelons cependant que la « colonne vertébrale « de ce texte – soit la mise en place d'une autorité indépendante en matière de nucléaire civil – avait fait initialement l'objet d'un avis négatif du Conseil d'Etat. Je ne sais si la lettre rectificative du Gouvernement lève les préventions de la haute juridiction administrative puisque son avis est resté secret, le Gouvernement n’ayant pas – encore – usé de sa faculté de le rendre public en vue d'éclairer nos travaux. Au reste, Madame la ministre, nous demandons toujours solennellement que cet avis nous soit communiqué, la question de la pertinence de la création de cette autorité restant, à l’évidence, posée. Nous sommes convaincus qu’il n’est pas opportun, s’agissant d’un domaine aussi stratégique que la transparence et la sécurité en matière nucléaire, de substituer à la maîtrise publique un simple «contrôle public ».

Nous ne pouvons que déplorer ce mouvement continu de translation – qui accompagne le désengagement de l’État et la libéralisation de secteurs entiers de l’économie – de la logique de maîtrise vers celle de contrôle.

L’avenir de la filière électronucléaire repose largement sur la confiance que peuvent avoir en elle nos concitoyens. L’instauration ou la restauration de cette confiance passent nécessairement par l’amélioration de l’information mise à la disposition de tous. Si nous voulons lever la suspicion actuelle de l’opinion publique vis-à-vis du nucléaire, il faudra lui prouver qu’un mensonge comme celui du nuage radioactif qui s’arrêtait à nos frontières, après la catastrophe de Tchernobyl, ne sera plus possible demain. Des réformes en ce sens seraient les bienvenues, mais cela risque de ne pas être l’effet du présent projet, qui apparaît comme insuffisant compte tenu de l’évolution du contexte.

Auparavant, les centrales françaises étaient possédées par une personne publique, un EPIC, soumis à la tutelle de l’État et guidé par le seul intérêt général. Depuis que vous avez changé le statut d’EDF et ouvert largement son capital, tous les outils de production énergétique sont soumis aux lois du marché et guidés par la volonté des actionnaires. Les installations nucléaires les plus importantes étant désormais entre les mains d’opérateurs privés, vous êtes amenés à recréer les mécanismes d’un contrôle que la tutelle assumait auparavant correctement. Et demain, ce ne sera pas uniquement EDF qu’il faudra contrôler, mais aussi Suez, Enel…

La nécessité du contrôle par une autorité administrative indépendante est directement liée à l’abandon de la maîtrise publique de l’énergie, ce bien vital. Rappelons que le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 dispose que tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert le caractère d’un service public national ou d’un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité. Votre politique libérale visant à privatiser EDF et GDF – faisant de ce dernier, comble de l’ineptie, un concurrent du premier ! – et à répondre au besoin de contrôle par une simple autorité administrative indépendante est donc contraire au bloc de constitutionnalité.

Le bon sens impose de considérer que la sécurité de l'approvisionnement énergétique, la maîtrise des coûts de production et de distribution de l’énergie, la transparence et la sécurité sont des questions de nature stratégique et doivent en conséquence relever exclusivement de la compétence de l'État. Qui peut garantir que nos centrales nucléaires ne seront pas un jour entre les mains de personnes pour lesquelles la priorité ne sera pas la sécurité, mais plutôt de servir des dividendes élevés aux actionnaires ? La filière électronucléaire pourrait-elle échapper à cette logique, alors que l'un de ses exploitants principaux vient d'ouvrir son capital et qu’une OPA ou une fusion-acquisition sont si vite arrivées ?

Or, la sûreté et la sécurité sont pour les entreprises des coûts à optimiser, en intégrant le concept de risque acceptable. Si elles représentent pour EDF et pour GDF, personnes publiques, un impératif, elles ne sont plus, pour des entreprises privées, qu’une contrainte. C'est dans ce contexte que la création d'une autorité vous apparaît souhaitable. En d'autres termes, ce n'est que parce que vous appliquez votre dogme libéral au secteur énergétique que vous êtes obligés de créer une autorité administrative indépendante.

La libéralisation du secteur s'est déjà traduite par une dégradation effective du niveau de sûreté. Les rapports annuels de l'inspection général de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et des autorités de sûreté nucléaire nous alertent sur les incidences de la recherche de la compétitivité. Par ailleurs, cette recherche de rationalisation des coûts conduit à une régression de la recherche : les effectifs de recherche et développement à EDF ont ainsi baissé d'un tiers depuis 1999 et le budget consacré à cette activité est en baisse de 37 %.

La libéralisation du secteur se traduit aussi par une dégradation des conditions de travail et des garanties sociales des salariés. C’est ainsi que 80 % des doses d'irradiation reçues dans le nucléaire et 70 % des accidents du travail sont subis par les salariés de la sous-traitance. L'autorité de sûreté nucléaire souligne que, « lorsque des prestataires d'EDF sous-traitent à des entreprises, qui à leur tour font appel à la sous-traitance, il devient difficile de contrôler effectivement la qualification de l'intervenant et la qualité des travaux. » Or le recours à l'emploi précaire dans les centrales nucléaires ou électriques est le double de celui qui est observé dans l'industrie, atteignant parfois 70 %.

Sans le dogmatisme de ce Gouvernement, qui se conjugue à celui de la Commission européenne, la maîtrise publique aurait conservé un haut niveau de sécurité. Malheureusement, comme le soulignait déjà Daniel Paul en demandant l’an dernier la création d’une commission d’enquête sur l’ouverture à la concurrence des services publics, nous assistons depuis 1990 à la remise en cause radicale d'une forme juridique née d'un projet politique longtemps largement partagé : le service public. Une forme juridique dont le Conseil d'État a déterminé les trois principes constitutifs : la continuité, l’égalité et l’adaptabilité.

Depuis que la réalisation du marché intérieur, fondée sur la libéralisation des économies, constitue l'unique credo politique de l'Union européenne, les grands acteurs du service public ont dû apprendre à renoncer à une logique dépassant celle des stricts intérêts économiques et financiers et à se soumettre à de nouvelles règles du jeu, au détriment de la qualité de service et de la sécurité. Rien ne permet aujourd'hui de dire que l'ouverture à la concurrence de ces services a fait d'une quelconque manière la preuve de son efficacité. Où sont en effet les progrès ? Force est de constater que cette vaste et hasardeuse entreprise n'a fait à ce jour l'objet d'aucun examen critique, d'aucun bilan précis. Au bilan raisonné, on continue visiblement de préférer l'entêtement idéologique.

Tant dans les domaines des transports que des télécommunications, la dernière période s'est traduite par une hausse générale des tarifs, celui du transport voyageur et de l'abonnement téléphonique par exemple, et par le développement des inégalités territoriales – fermetures de gares et de bureaux de poste, développement de la fracture numérique. II n'aura fallu que quelques années, parfois quelques mois, pour que ce qui faisait la force mais aussi l'efficacité économique et sociale du service public cède devant des logiques qui sont autant de menaces graves pour la vitalité et l'aménagement du territoire, pour l'égalité et la sécurité de nos concitoyens. Nous devons cette dégradation à l'absence de toute réflexion politique sur les limites de la logique de marché.

Le cas de Gaz de France constitue d'ores et déjà une remarquable illustration du fiasco de la déréglementation. Le prix du gaz a augmenté de 30% entre 1999 et juin 2005, mais de 18 % supplémentaires ces six derniers mois ! Quant à la qualité, non seulement l'indice de satisfaction de la clientèle n'a cessé de chuter, mais nous avons en outre assisté à de dramatiques accidents. Le contrat de service public 2005-2007 aggrave cette orientation, puisqu'il stipule que le délai d'intervention d'urgence gaz passe de 25 minutes à une heure !

La déréglementation apparaît bien alors, pour reprendre les termes employés par Olivier Barrault, comme une « désoptimisation » du modèle qu'avait construit la France D’ailleurs, l'Autorité des marchés financiers le disait aussi en d’autres termes : « L'ouverture des marchés a pour conséquence une réorganisation majeure du système, pouvant potentiellement le perturber. De telles perturbations peuvent avoir des conséquences négatives sur la qualité des services rendus et générer des coûts importants, avec la mise en place de nouvelles structures. Enfin, la séparation de la gestion des réseaux de transport et de distribution en des structures indépendantes pourrait entraîner la perte de synergies ».

Une telle analyse n’incite pas à l’optimisme, d’autant que ce qui est vrai de GDF l'est aussi, ou le sera demain, de l'ensemble du secteur de l'énergie, et du nucléaire en particulier. Pour compléter le bilan des déréglementations, comment ne pas évoquer la pénurie de gaz de l’an passé, pendant la vague de froid , et les incidents analogues survenus en Italie et aux États-Unis, dans le domaine de la fourniture en électricité ?

Si l’approvisionnement en énergie est la clé de la croissance économique et symbolise par excellence notre souveraineté, nous devons nous interroger sur les conséquences à court, moyen et long termes des déréglementations et sur la capacité des politiques à se saisir à nouveau de ces questions. Il ne s’agit pas de nous expliquer que c’est le marché qui décide et que nous n’y pouvons rien ! Le débat sur le rapprochement entre Suez et GDF soulève à cet égard de vives inquiétudes. Le Gouvernement ne s’était pas montré avare de promesses à l’occasion de l’ouverture du capital d’EDF-GDF : la participation de l’État au capital du gazier ne devait pas descendre en-dessous de 70%. C’était là, selon vous, une « véritable muraille de Chine » ! Dix-huit mois auront suffi pour que la parole de l’État soit trahie. Alors que les enjeux énergétiques justifient une implication de l’État, mais également la fusion de EDF et de GDF ainsi qu’une véritable politique européenne de l’énergie, vous livrez ces entreprises aux marchés financiers. En 1999, je plaidais déjà auprès du précédent gouvernement pour leur regroupement, ce qui aurait permis de dégager des synergies, d’éloigner le spectre d’OPA hostiles et de conserver l’esprit du service public. Vous, vous souhaitez bien plutôt exacerber la concurrence entre ces deux entreprises et libéraliser le marché. Votre « patriotisme économique » ne doit pas faire illusion. Présenter le rapprochement de Suez et de GDF comme une parade à l’éventuelle offre du groupe italien Enel, et donc comme une initiative contrariant la logique de marché, constitue un mensonge. Quelle que soit l'issue de ce bras de fer européen, les grands perdants seront les usagers – avec des hausses de tarifs –, les salariés – dont les emplois sont menacés –, et notre pays tout entier qui perdra la maîtrise de GDF. Les actionnaires, eux, seront les seuls gagnants. Vous agitez comme un hochet la participation de l'Etat à hauteur de 34 % dans le capital mais vous connaissez les limites d’une telle présence. Le ministre des finances est bien placé pour savoir ce que cela a donné à France Télécom ! C’est en l’occurrence d'autant plus grave qu’en livrant l'énergie aux intérêts de la finance, vous mettez en danger nos concitoyens : rien en effet ne permet de penser que le nucléaire ne sera pas logé demain à la même enseigne. A partir du moment où les entreprises de ce secteur auront pour objectif non plus d'assurer un service mais une rente au marché financier, ce sera la fin du service public et de toute politique volontariste de maîtrise énergétique.

Ce texte ne doit pas faire illusion. La Haute autorité indépendante chargée du contrôle de la sûreté nucléaire est une simple mesure d'affichage politique, qui témoigne en fait d’un désengagement de l'État. De quelle indépendance s’agit-il ? Vis-à-vis des exploitants, du corps des Mines dont sont issus la plupart sinon la totalité des acteurs majeurs du secteur nucléaire ? Pas du tout ! De l'indépendance vis-à-vis de ceux qui assument la responsabilité des choix énergétiques de la France et qui ont à rendre des comptes devant le peuple français. Or, notre Constitution interdit que les pouvoirs exécutif et législatif se dessaisissent de leurs prérogatives, qui plus est au profit d'un énième « machin ». Comme l'ont fait remarquer certains juristes, la Haute autorité de sûreté nucléaire constitue un démembrement de l'administration, tous les moyens humains, financiers et techniques étant attribués à un collège de cinq personnes désignées pour six ans et inamovibles durant cette période. Cette structure dispose de surcroît d'énormes pouvoirs juridiques pour édicter des règlements et effectuer des contrôles. Elle se substitue en réalité aux services du ministère délégué à l'industrie. Ne recevant aucune instruction d'un ministre, elle échappe à tout contrôle hiérarchique ou politique du Parlement et du Gouvernement. Il est à ce propos regrettable que vous n'ayez pas retenu la proposition de créer une commission parlementaire spécifique, chargée du contrôle de cette autorité. La représentation nationale ne peut, une nouvelle fois, être écartée d’une mission de surveillance qui relève de sa compétence. Les amendements de la majorité témoignent d’ailleurs d’une inquiétude réelle face à une projet qu’elle juge elle-même extrémiste. Cette autorité est en outre irresponsable puisqu'elle n'est pas dotée de personnalité morale propre. Elle arrête donc ses décisions en toute indépendance vis-à-vis de l’État mais en cas de faute, elle engage la responsabilité de celui-ci. N’est-ce pas absurde ? Nous ne pouvons en outre qu'être frappés par le risque de consanguinité entre le contrôleur et le contrôlé. Le probable futur président de cette autorité n'est-il pas un ancien dirigeant de la COGEMA ? La Haute autorité sera sûrement indépendante de l'État mais pas de l'industrie nucléaire ! Le collège des cinq membres désignés sera composé de personnes dont la carrière se sera déroulée dans le secteur nucléaire et l'endogamie sera quasi totale. Qui peut croire que ce système sera efficace ? Qui contrôlera le contrôleur ? Le Gouvernement, le Parlement, les citoyens ? Non ! Personne ! Cette autorité cumule des pouvoirs considérables puisqu'elle sera chargée à la fois du contrôle de l'application des réglementations et de l'information du public, mais une telle organisation contredit le principe de la séparation entre les missions d'expertise, de contrôle et d'information.

L’autorité renforcera-t-elle enfin la confiance des citoyens dans le nucléaire ? Cette confiance a toujours reposé en la matière sur l’action d’une entreprise publique ayant fait ses preuves. De surcroît, en quoi l'externalisation du contrôle de la sécurité nucléaire et la délégation de pouvoir de l'Etat à une haute autorité constitueraient-elles une garantie d'indépendance de nature à rassurer nos concitoyens ? Une telle autorité n'offrirait-elle pas plutôt un cadre favorable à l'exercice de pressions de tous ordres, notamment de la part des grands groupes industriels ? L'avis rendu par le Conseil d'Etat en 1999 allait dans ce sens-là en affirmant que la sûreté nucléaire constitue un sujet dont l'importance requiert la tutelle directe de l'État. Celui-ci doit pouvoir apprécier l'ensemble de la politique de sécurité nucléaire et ne saurait se dessaisir des pouvoirs de contrôle dont il dispose, notamment à travers le corps des inspecteurs de sûreté nucléaire. Sa mission ne peut être réduite à l'exercice des compétences législative et réglementaire. C'est par le renforcement des moyens humains et matériels de la Direction générale de la sûreté nucléaire, de ses moyens de contrôle et d'information, que se gagnera la confiance de nos concitoyens ! Qu'il s'agisse du traitement et de la gestion des déchets, du démantèlement des installations, des programmes de nouveaux équipements, de la maîtrise des coûts de production et de distribution, de l'équilibrage des ressources énergétiques, les enjeux sont nombreux et décisifs. Il faut que l’État reprenne la main pour garantir le caractère public de la gestion du nucléaire : il y va du respect de notre Constitution. Mais ce n’est pas ce que vous faites. J'invite donc notre Assemblée à adopter cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Claude Gatignol – Irrecevabilité, dites-vous ? Quels sont vos arguments ? Vous avez des doutes quant à la possibilité, pour la Haute autorité, d’exercer une mission de contrôle, mais outre que celle-ci est indépendante, la continuité de l’action de l’État est garantie par les 400 inspecteurs de sûreté nucléaire qui agissent sur le terrain. En aucune façon le rôle de l’État n’est diminué, bien au contraire, puisque les ministres concernés par la sûreté nucléaire sont les premiers interlocuteurs de cette autorité. Sa composition et ses règles de fonctionnement ne peuvent que nous rassurer. En outre, c’est l’établissement industriel nucléaire qui est contrôlé et le statut de son exploitant n’est pas en cause. Votre référence aux textes récents donnant toute liberté d’action à notre grand champion de l’énergie qu’est EDF ne peut être retenue. Les règles de la sûreté nucléaire doivent être inscrites dans un texte législatif, de même que la garantie du droit à l’information de nos concitoyens. Ce texte nous est présenté logiquement après le vote de la loi d’orientation sur l’énergie. Il renforcera la confiance accordée par une majorité de Français à cette industrie garante de notre compétitivité et de notre indépendance.

Le groupe UMP ne votera donc pas cette exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Daniel Paul - Bien évidemment, je soutiens cette exception d’irrecevabilité.

Le contexte dans lequel ce projet est présenté est préoccupant, je pense notamment à la fusion entre Suez et GDF. Il s’agirait, dit-on, de protéger Suez des menaces extérieures qui pèseraient sur ce groupe. En fait, il s’agit de privatiser GDF puisque les négociations avaient commencé bien avant. Si GDF est absorbé par Suez, c’est au démantèlement effectif de cette entreprise que nous assisterons puisqu’il ne saurait être question par exemple de maintenir le réseau de transport à l’intérieur de cet ensemble. On prétend que l’État conserverait une participation de 35 % dans le nouveau groupe et que ce serait une garantie pour empêcher des opérations financières…

M. Jean Dionis du Séjour - Vous vous éloignez du sujet !

M. Daniel Paul – Pas du tout : c’en est le cœur.

De tels propos ne valent rien, sauf si l’État fait preuve de détermination dans le cadre de l’opération similaire qui se déroule actuellement entre la Caisse d’épargne et la Caisse des dépôts et consignations, laquelle devrait, dit-on, conserver également 35 % du capital. Mais il semblerait que la Caisse des dépôts ne s’opposerait pas à cette opération. Dans ces conditions, comment croire en cette nouvelle « muraille de Chine », constituée par les 35% conservés par l’Etat ? Chacun a pu voir avec quelle facilité ce type de défense peut s’effondrer !

Comme le soulignait Jacques Desallangre, un bilan est effectivement à faire. Si vous nous apportez la preuve que les évolutions des derniers mois sont bénéfiques en matière de sécurité, de tarification et de sécurisation des salariés, alors nous voterons votre texte. Hélas, vous ne pourrez le démontrer.

Au-delà des mots pompeux – le « patriotisme économique » par exemple –, l’État doit en effet conserver la pleine maîtrise sur le nucléaire s’il veut préserver la confiance dans ce secteur. Notre collègue Claude Gatignol a beau affirmer que celle-ci existe toujours dans notre pays, je doute fort que ce soit encore le cas.

J’ajoute que la conduite de nos travaux n’y contribue guère : alors que vous avez ce texte sous le coude depuis quatre ans, voilà que vous déclarez subitement l’urgence, dont je ne peux que souhaiter la levée à l’instar du président Ollier (Applaudissements sur divers bancs). Comment justifier, en outre, que le même sort soit réservé au texte sur les déchets nucléaires, qui sera discuté demain en commission, après quinze ans d’attente ? Toute l’attention étant aujourd’hui concentrée sur le CPE, on jurerait que vous espérez le faire adopter à la sauvette.

En tout cas, vous ne vous y prendriez pas autrement si vous souhaitiez porter préjudice à l’ensemble de la filière nucléaire civile : en usant de telles méthodes, qui sont indignes aussi bien de ce secteur capital que du travail parlementaire, c’est en effet la confiance dans toute la filière nucléaire que vous allez ébrécher.

M. Jean Dionis du Séjour - Notre collègue Desallangre a commencé par nous exposer tous les méfaits de la privatisation dans le secteur de l’énergie, point de vue respectable, mais qui n’a rien à voir avec le débat qui nous occupe ce soir (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Nous en avons d’ailleurs discuté amplement à propos de la loi sur l’énergie et de celle sur EDF.

Si la question de la légitimité et de l’opportunité de l’Autorité est en revanche au cœur du sujet, je dois dire que nous n’avons aucune réticence à l’égard d’un tel montage.

M. Jacques Desallangre - Le contraire nous eût étonné !

M. Jean Dionis du Séjour - Un dispositif de cette nature est même recommandé par le législateur européen, et se justifie parfaitement lorsqu’il y a consanguinité entre l’actionnaire et le régulateur – ne versons pas dans l’angélisme !

M. Jacques Desallangre - C’est que vous vous méfiez de l’Etat !

M. Jean Dionis du Séjour – Vous avez également posé des questions fort intéressantes, en particulier sur l’origine des membres de l’Autorité, mais je ne vois rien de constitutionnel à cela. Si une autorité de régulation était anticonstitutionnelle, il me semble qu’on s’en serait déjà aperçu, une trentaine d’organismes similaire existant déjà en France !

En dernier lieu, vous vous êtes interrogé sur l’intérêt qu’il y aurait à débattre de ce sujet. Pour notre part, nous pensons que ce texte a sa raison d’être, car nous arrivons à la fin d’une génération de centrales nucléaires : celles-ci vont être remplacées par de nouveaux réacteurs, ce qui exige de mettre en place un cadre législatif solide. J’ajoute que l’échéance de la loi Bataille nous place au pied du mur s’agissant des déchets, et que l’accélération du marché européen ne doit pas être négligée – n’oublions pas que les centrales belges d’Electrabel ne sont guère éloignées de la région Nord-Pas-de-Calais !

Voilà pourquoi nous n’approuverons pas la motion de nos collègues communistes et républicains (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et quelques bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Déaut - Le Président Ollier a demandé la levée de l’urgence sur ce texte, mais il me semble que nous devrions faire de même s’agissant du projet relatif aux déchets…

M. Jean-Louis Dumont - Tout à fait !

M. Jean-Yves Le Déaut - …faute de quoi, nous donnerions l’impression que nous voulons nous débarrasser de questions cruciales, risque dont les députés de la Meuse et de la Lorraine, ici présents, ont parfaitement conscience.

M. François Sauvadet - Vous représentez la nation dans son ensemble !

M. Jean-Yves Le Déaut - Certes, mais certains assument plus que d’autres leurs responsabilités…

J’ajoute qu’il est important de conserver un équilibre entre l’Autorité de sûreté nucléaire, le Haut conseil de la transparence et de l’information, et l’agence en charge de l’expertise déjà créée – mais j’y reviendrai plus tard.

Ce qui nous semble irrecevable au fond, ce n’est pas tant ce texte que la politique énergétique menée par le Gouvernement. Deux ans après avoir assuré que GDF ne serait pas privatisé, c’est pourtant ce qu’il envisage de faire à l’occasion d’une fusion avec un autre groupe ! Nous devons avoir conscience qu’en matière nucléaire, l’Autorité de sûreté n’aura pas le même rôle si le secteur reste public, ou s’il est privatisé, et que la confiance de nos concitoyens en cette énergie pâtirait d’une privatisation.

Voilà pourquoi nous soutenons la motion d’irrecevabilité.

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

question préalable

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

Je rappelle que la conférence des Présidents a fixé à trente minutes la durée maximale de l’intervention.

M. Jean-Yves Le Déaut – Avec 59 réacteurs nucléaires, la France constitue la deuxième puissance électronucléaire mondiale, derrière les Etats-Unis. Cinquante huit ans après la mise en service de Zoé, la première pile atomique française, et cinquante ans après la production du premier kilowattheure issu du nucléaire, la France s'engage enfin dans la voie de la transparence, alors que l'énergie d'origine nucléaire couvre désormais 78 % des besoins de la France en électricité, et que son exportation vers d'autres pays européens génère un chiffre d'affaires annuel compris entre 3 et 4,5 milliards d'euros.

Si nous nous accordons tous sur le besoin de diversification des bouquets énergétiques français et européen, notamment face aux risques de dépendance et aux effets du réchauffement climatique, le nucléaire reste une source d'énergie indispensable, qui ne génère pas de gaz à effet de serre et qui fait de la France un des meilleurs élèves des pays développés pour les rejets de carbone dans l'atmosphère.

En dépit de l'effort de recherche et développement aujourd’hui indispensable en matière d’énergies renouvelables, nous devons assumer la place tenue par le nucléaire dans notre approvisionnement énergétique. Nous devons également reconnaître que cette source d'énergie nous a apporté l'indépendance énergétique, alors qu'un grand nombre d’Etats dépend aujourd'hui des pays producteurs du pétrole ou du gaz. Dans le contexte actuel, il serait parfaitement irresponsable de faire croire que nous pourrions décréter demain l'abandon du nucléaire – ceux qui réclament une telle solution oublient toujours de préciser comment ils remplaceraient cette énergie ! Dans le cas de la Suède, par exemple, les réacteurs existants n’ont pas été arrêtés, 25 ans après la décision de sortir du nucléaire.

Plus de 70 ans après la découverte de la radioactivité artificielle par Frédéric Joliot, est enfin présentée cette première loi sur la transparence et la sécurité nucléaire, déjà appelée de ses vœux par Lionel Jospin en 1997. J’avais d’ailleurs été chargé en 1998 d’un travail d'étude et de proposition législative à ce sujet, travail qui a conduit au rapport sur le système français de radioprotection, de contrôle et de sécurité nucléaire, dont le sous-titre était : « La longue marche vers l'indépendance et la transparence ».

Le législateur n'avait hélas retenu que la moitié de mes propositions, créant par exemple l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, qui a regroupé les capacités d'expertise sur la radioprotection, relevant à cette époque du ministère de la santé, et celles relatives à la sûreté nucléaire, dépendant du ministère de l'industrie. Conformément à mes recommandations, la commission interministérielle des radioéléments artificiels, chargée de gérer le « petit » nucléaire et d'accorder les autorisations pour l'importation, l'utilisation et la cession des radioéléments artificiels, avait également été intégrée par le décret du 22 février 2002 au sein de la direction générale de la sûreté nucléaire et de radioprotection.

Le projet de loi sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire, déposé en 2001 par Dominique Voynet, alors ministre de l'environnement, s’était en revanche enlisé en raison des réserves émises par le Conseil d'Etat à l’encontre de l'abandon d'une partie du pouvoir régalien d'État à une autorité indépendante.

Mme Bachelot, alors ministre de l’environnement, déposa en 2002 sur le bureau du Sénat un projet de loi inspiré du même rapport : il n’a jamais été examiné. La longue marche se poursuivait. Ce n’est qu’en 2005 que, grâce à vous, Madame la ministre, la loi renaquit de ses cendres – le Président de la République ayant souhaité qu’y soit ajoutée la création d’une Haute autorité de sûreté nucléaire – et nous discutons enfin le projet aujourd’hui. Longue, longue marche ! Je vous félicite, Madame, qu’elle touche à sa fin.

La sûreté nucléaire et la radioprotection sont des sujets complexes. Il faut les clarifier autant que possible, afin de garantir à nos concitoyens un contrôle nucléaire sérieux, la radioprotection des travailleurs et l’accès à l’information sur toutes les activités liées, dont ils ont le droit de connaître les risques et les effets sur la santé humaine et l’environnement. Il faut leur indiquer clairement qui fait quoi en la matière. La culture du secret doit céder la place à la transparence : c’est une exigence démocratique.

Au fil du temps, le nucléaire est devenu un totem sur lequel se sont cristallisées des peurs variées. Cessons d’en faire un thème passionnel, et mettons fin à la méfiance d’une partie de la population à son égard : persuadons-la que notre système de contrôle est sûr et transparent.

Malgré l’amélioration du contrôle et de l’expertise depuis la fusion entre sûreté nucléaire et radioprotection, les multiples incidents, même inoffensifs, et l’opacité de l’information sur Tchernobyl ont porté atteinte à la crédibilité de la filière. La transparence est pourtant la condition sine qua non de la confiance.

D’où viennent ces craintes ? Des accidents, d’abord, et surtout de celui de Tchernobyl. Même si des déclarations caricaturales lui ont été attribuées, le professeur Pellerin a tout de même largement sous-estimé l’impact sanitaire potentiel du nuage radioactif.

M. Jean-Louis Dumont - Bien sûr !

M. Jean-Yves Le Déaut - La volonté gouvernementale de dissimuler la gravité de l’événement mérite un zéro pointé, car les Français sont convaincus qu’on leur a menti.

Ensuite, le périmètre sacro-saint – mais bien opaque – du nucléaire militaire a renforcé la culture traditionnelle du secret.

M. Jean-Louis Dumont - Ou plutôt du mensonge !

M. Jean-Yves Le Déaut – Le débat public sur les déchets radioactifs montre le manque d’informations dont souffrent nos concitoyens, de plus en plus sceptiques, et le fossé qui les sépare des spécialistes. Le secret défense ne justifie pourtant pas que l’on traite la sécurité nucléaire différemment des installations militaires.

Enfin, la dérégulation du secteur énergétique banalise le nucléaire et inquiète nos compatriotes. La création d’une instance administrative supplémentaire, même indépendante, ne suffira pas à apaiser ces craintes. Bien au contraire, celles-ci sont ravivées par la transformation d’EDF en société anonyme. Le secteur nucléaire, qui nécessite des investissements à long terme, doit rester la charge du service public et ne peut être soumis à la pression d’actionnaires, dont l’intérêt est souvent à court terme. A ce titre, le projet de fusion entre Suez et GDF – malgré les promesses du Gouvernement – ne manquera pas d’entraîner un affaiblissement de l’effort de recherche et une détérioration de la sécurité des installations. Or, qui peut garantir que le secteur énergétique ne sera pas, demain, entièrement privatisé ?

C’est contre cette tendance que le groupe socialiste a déposé en décembre 2004 une proposition de loi pour créer une commission d’enquête sur les risques en matière de sécurité provoqués par la privatisation rampante de la filière nucléaire française. De même, sacrifiera-t-on la recherche et la maintenance – autres conditions essentielles au bon fonctionnement de la filière – au profit immédiat des actionnaires ? Les conséquences de l’ouverture du capital d’EDF le font penser : rationalisation des coûts, suppression de 6 000 à 6 500 emplois. Le risque est bien réel, à tel point que le directeur général de la sûreté nucléaire, présent sur ces bancs, s’est senti obligé de rappeler au président d’EDF combien il devait être attentif à ce que la sûreté demeure la première des priorités, malgré la recherche de compétitivité.

La filière nucléaire a besoin de financements stables et durables, loin des circuits spéculatifs, et d’un projet industriel clair. Dois-je vous rappeler que M. Devedjian, alors ministre de l’industrie, déclarait en juin 2004 que le Gouvernement ne prendrait jamais le risque de privatiser l’opérateur des centrales nucléaires ? Pourrez-vous nous le confirmer, mais si les faits l’infirment ?

M. Daniel Paul - Trahison !

M. Jean-Yves Le Déaut - C’est l’État qui doit garantir la sûreté nucléaire. Il peut solliciter diverses expertises, mais les décisions lui reviennent. Le contrôle doit être irréprochable, le système transparent, la répartition des compétences précise. Économiste et chercheur, Olivier Godard rappelle à juste titre que la confiance dans la gestion des risques dépend largement de la confiance dans les institutions politiques et le Gouvernement.

Pour rétablir cette confiance, il faut redonner aux organismes chargés de la sécurité nucléaire et de la radioprotection la crédibilité d’arbitres incontestés et incontestables qui aurait toujours dû être la leur. Nous saluons la décision du Gouvernement de s’atteler à cette tâche, mais l’aptitude du texte à répondre à nos exigences dépendra de la teneur des débats.

Pour la première fois, un projet de loi pose les bases juridiques de la transparence nucléaire. Il offre un véritable statut aux commissions locales de l’information, créées au fil des ans depuis la circulaire de M. Mauroy en 1981, mais dont les présidents devraient désormais être élus , et pris dans le collège des élus, afin que les préfets ne soient plus les seuls garants de l’information – c’est l’objet de plusieurs amendements. Il crée le Haut comité à la transparence sur la sécurité nucléaire pour garantir l’information et définit le droit applicable aux installations nucléaires de base – après cinquante ans d’attente ! – et au transport des matières radioactives.

Néanmoins, en l’état, il reste imparfait. Les obligations de l’État et celles de la Haute autorité de sûreté nucléaire ne sont pas suffisamment précisées. Certes, les grandes décisions nucléaires – création et installation, mise à l’arrêt et démantèlement, fixation des normes, organisation des secours, gestion des crises et négociations internationales – relèvent des pouvoirs régaliens de l’État, mais les décisions courantes de sûreté doivent relever d’une autorité indépendante de toute pression, financière ou politique. Les responsabilités de la Haute autorité doivent être précisément consacrées à la sûreté des installations – approbation de mise en service, de divergence, de redémarrage et de modifications techniques, autorisation de détention et d’importation de matières radioactives et agrément de leurs colis de transport, agrément d’équipements médicaux à rayonnements ionisants, modification des autorisations de rejet, commissionnement des inspecteurs d’installations et exécution des sanctions administratives.

Cette séparation très fine des compétences est loin d’être un grignotage des compétences de l’État. A ceux qui clament que l’on ne peut jouer avec la sécurité des populations en créant une autorité indépendante, je rappellerai l’émiettement passé des responsabilités entre cabinets ministériels, directions administratives, agences d’expertise et CEA : les conflits étaient permanents, les décisions retardées. Comment envisager de faire dépendre une administration de six ministères ? Les ministères de l’industrie et de l’équipement ont déjà besoin de plusieurs mois pour aboutir à une nomination commune… La gestion chaotique de l’incident survenu après la tempête de 1999 à la centrale du Blayais a montré combien une autorité de sûreté nucléaire, gérant la sécurité de nos installations à la minute près, était indispensable – tout en laissant l’Etat définir les grandes lignes directrices. Tel était d’ailleurs l’équilibre que j’avais proposé en 1998, en tant que rapporteur de l’enquête sur la sûreté nucléaire et la radioprotection. Le projet de Haute autorité nucléaire – que l’un de nos amendements vise à appeler Autorité de sûreté nucléaire – peut aller en ce sens si l’on en précise les compétences.

Le projet donne en effet à cette autorité trop de pouvoirs. Faire dépendre d’elle le financement de l’IRSN et des CLI n’est pas facteur d’équilibre. La condition de la confiance dans le nucléaire réside dans l’indépendance des structures de contrôle, grâce au triptyque que constituent la Haute autorité chargée du contrôle, l’IRSN chargé de l’expertise, et le Haut comité chargé de l’information. L’autorité cumulant tous ces pouvoirs, il y a confusion des rôles dans une structure qui risque ainsi, comme le signalait le sénateur socialiste Daniel Raoult, de devenir une dictature technocratique indépendante de l’État mais dépendante du pouvoir nucléaire. Nous avons déposé un amendement pour renforcer la transparence et un accès non discriminatoire à l’information.

S’agissant des rayonnements ionisants, on cherche depuis des années à minimiser les risques ou à les comparer avec ceux d’autres sources de rayonnement. La méthode a montré ses limites, voire ses dangers. Le risque radioactif est perçu comme spécifique, il faut le traiter comme tel, reconnaître le danger pour la santé humaine et soumettre les exploitants à des contrôles sérieux et réguliers. Pour cela, il faut une autorité crédible, incontestée et incontestable. Or, comme l’a souligné à plusieurs reprises l’Office parlementaire, il y a une crise de confiance entre la population et les autorités chargées de la radioprotection. Avoir des lieux d’échange ne suffit pas, il faut compléter les connaissances, afficher des règles claires et informer correctement.

Trois points importants n’apparaissent pas dans le texte. D’abord, il faut mettre fin à l’hypocrisie qui consiste à considérer qu’un produit est radioactif s’il déclenche une balise de radioactivité, et ne l’est pas s’il ne la déclenche pas. Définir un seuil est un préalable nécessaire pour traiter des déchets stériles miniers et d’anciens sites pollués. La loi n’est d’ailleurs pas respectée en ce qui concerne l’interdiction d’entreposer des produits radioactifs dans un site de stockage. C’est peut-être dans le projet sur les déchets qu’on traitera de cet aspect.

Ensuite, il existe des critères pour juger de la gravité des incidents de sûreté, mais pas d’échelle pour classer les incidents de radioprotection. Vu la multitude des unités utilisées – curie, rem, rad, sievert, becquerel, gray – le public ne peut pas s’y retrouver, surtout si on lui dit qu’un examen médical peut donner lieu à une exposition plus importante. Il faut donc une échelle pour hiérarchiser les risques. D’ailleurs, la plupart des controverses naissent de cette incertitude sur l’effet des faibles doses de rayonnement. Cela nécessite, et c’est mon troisième point, de développer l’épidémiologie en ne se bornant pas à réagir aux crises.

M. Jean Dionis du Séjour - Très bien !

M. Jean-Yves Le Déaut - Il faut également renforcer la transparence à l’intérieur de l’entreprise. Il n’est pas normal que les comités d’hygiène et de sécurité des entreprises nucléaires n’aient pas accès à toute l’information sur la radioprotection, alors qu’elle est donnée pour les produits chimiques. Il faut développer un droit d’alerte pour les salariés grâce à une cellule à laquelle participent le médecin et l’inspecteur du travail et qui préserve l’anonymat sur les informations transmises. Il faut également développer la dosimétrie opérationnelle. Les plus exposés ne sont d’ailleurs pas les travailleurs sédentaires employés à l’occasion d’une grande opération de maintenance, mais les « nomades du nucléaire » qui travaillent dans la sous-traitance. Les exploitants doivent avoir accès aux données d’exposition individuelles pour réagir rapidement .

Pour me résumer, il est essentiel que les grandes options nucléaires et la gestion des crises relèvent du politique, tandis qu’une autorité indépendante gèrera les grandes options de sûreté. L’autorité de sûreté – l’ASN – devra bien sûr fournir au gouvernement les éléments techniques nécessaires pour décider de la création, de la mise à l'arrêt définitif et du démantèlement des installations. Pour cela, il faudra bien différencier les agents de l'État chargés de gérer le domaine régalien et ceux qui sont mis à disposition de l'ASN. Dans les régions, cette autorité devra être relayée par les agents des DRIRE, qui seront essentiellement chargés du contrôle et de la coordination, ainsi que de l'instruction de certains dossiers.

Nous souhaitons – c’est l’objet d’un amendement – que l’Office parlementaire exerce un contrôle sur l'ASN et sur le Haut conseil pour la transparence et l'information, et qu’il désigne le président et trois membres de ce dernier.

Quant au recours à des agents contractuels pour les missions d’inspection, sans être défavorables à la diversification des compétences, nous souhaitons qu’il soit limité à un quota. Les pouvoirs de police et de constat d'infractions pouvant mener à des poursuites pénales ne peuvent être exercés que par des fonctionnaires d'État.

Une autre question importante concerne les installations nucléaires de base secrètes Aujourd'hui, les installations nucléaires militaires relèvent le plus souvent du secret défense et ne sont pas soumises au régime général. Il faut concilier la sécurité de l'État et l'information des citoyens. Malheureusement, la culture du secret entoure encore trop souvent tout ce qui touche au nucléaire militaire. Mais aux mêmes risques doivent s’appliquer les mêmes règles de radioprotection, même si celles liées au secret d'armes et systèmes d'arme doivent être protégées par le secret défense. Il est donc regrettable que vous ayez maintenu le système séparé de radioprotection en distinguant entre installations nucléaires de base secrètes selon qu'elles dépendent du ministère de l'industrie ou de celui de la Défense. Mieux aurait valu que le directeur de l'ASN ait un droit de regard sur l’ensemble du secteur. Pour nous, il est grand temps d'en finir avec le « ghetto » du nucléaire militaire et de le soumettre au régime commun,…

M. François Sauvadet - Sur ce point, on a avancé.

M. Jean-Yves Le Déaut - … ne serait-ce que pour ce qui relève du droit de l'environnement. Toutes les installations nucléaires de base classées secrètes, les transports de matières radioactives et fissiles à usage militaire ainsi que l'intervention en cas d'accident impliquant ces installations et ces transports doivent être soumis aux mêmes obligations d'information et de contrôle que les installations civiles. Ne pas le faire, c’est nourrir la suspicion. En outre, pour les gens qui y travaillent, Il n'est pas concevable que la radioprotection s'arrête au grillage d'une centrale ou d'une installation nucléaire militaire. Nous souhaitons, par un amendement de M. Bataille, revenir à la rédaction première du projet, avant l’exclusion des installations militaires par le Sénat.

La France doit garder l'option nucléaire ouverte, mais à deux conditions. D’abord, en dehors des problèmes de radioprotection et de sûreté, il apparaît primordial de poursuivre des recherches pour résoudre les questions en suspens à l'aval du cycle nucléaire, mais aussi pour maintenir à bon niveau notre capacité d'expertise. Il est urgent de progresser en ce qui concerne la gestion des déchets radioactifs, mais également pour ce qui est du vieillissement des installations nucléaires et de leur démantèlement. Le texte sur les déchets nucléaires que nous allons bientôt examiner abordera cette question.

Ensuite, il faut restaurer la confiance de la population dans le nucléaire. On n’y parviendra pas sans un système de contrôle crédible, transparent, rigoureux, indépendant des pressions de toutes sortes. La sécurité nucléaire est partie intégrante d'une politique nucléaire qui doit faire l'objet d'un choix et d'une évaluation démocratiques par les citoyens et par leurs représentants élus.

Nous saluons l'ouverture de ce débat. Mais en déclarant l'urgence, le Gouvernement a donné l'impression de vouloir s'en débarrasser à la hâte.

Il est temps d'établir une véritable culture de transparence et de démocratie. Ce texte peut y contribuer si le Gouvernement répond positivement aux propositions que nous venons de faire. L'ASN doit être forte, reconnue et crédible et s'appuyer sur une expertise indépendante, pour inspirer confiance.

Vous conviendrez, Madame la Ministre, que je viens de défendre une question préalable au vote de ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Claude Gatignol – La longueur de mon intervention sera inversement proportionnelle à celle du propos de M. Le Déaut. Avec l’enthousiasme qu’on lui connaît, celui-ci s’est saisi de cette motion, mais la manière dont il a retracé l’historique du nucléaire remet à sa juste place la valeur du texte dont nous débattons. Notons aussi que M. Le Déaut ayant préparé des amendements, ce texte ne mérite pas d’être renvoyé !

Cet examen sera l’occasion d’apporter des améliorations substantielles, comme l’ont fait les sénateurs. Ainsi, la navette permettra au Parlement de construire un texte définitif, sur la base du vôtre, Madame la ministre.

L’enthousiasme de M. Le Déaut est compréhensible lorsque l’on connaît l’importance des travaux qu’il a effectués à l’occasion de ses missions ou comme président de l’OPECST. Mais, me souvenant de ses propositions, je lui répondrai qu’un grand nombre d’entre elles sont reprises dans le texte.

Ainsi, il n’y a aucun doute sur l’exercice de son autorité par l’État et sur la préservation du pouvoir régalien. Certes, la création d’une autorité administrative indépendante peut poser question, le président Ollier s’en est fait l’écho. Mais nos débats aussi bien que les précisions que vous avez apportées, Madame la ministre, ont levé l’ambiguïté.

Quant à la transparence, la place donnée aux CLI, comme la configuration du Haut comité, sont de nature à lever tous les doutes. Oui, l’information est bien au centre de ce texte.

Enfin, la troisième partie de ce texte redéfinit l’environnement de l’industrie nucléaire, des installations scientifiques et des transports. Il est important de rappeler les problèmes que pose le transport des matières nucléaires, de même qu’il convient de placer la radioprotection au centre de nos préoccupations. Cette radioprotection concerne aussi bien le public que les personnels, permanents et temporaires. A cet égard, nous avons bien conscience de l’importance du principe d’ « optimisation » des doses de rayonnement, au moment, par exemple, du changement de combustible.

Le texte initial doit être maintenu et enrichi par le travail de la commission. Il faut donc poursuivre le débat : le groupe UMP ne soutiendra pas la question préalable du groupe socialiste.

M. Daniel Paul - J’ai le sentiment que la méfiance, qui n’existait pas dans les années 1960 et 1970, s’est installée. Il est urgent d’y répondre si l’on ne veut pas qu’elle grignote le tissu social. Il est vrai que l’opacité, qui domine toujours le nucléaire, n’est pas acceptable, qu’il s’agisse du nucléaire civil ou du nucléaire militaire.

M. Jean-Marc Roubaud - Fantasmes !

M. Daniel Paul - C’est avec de tel propos que l’on nourrit justement le rejet, cher collègue !

M. Jean-Marc Roubaud - Faites de la bonne information !

M. Daniel Paul - Je viens, comme M. Gatignol, d’une région nucléaire. J’y constate aujourd’hui une dégradation de la confiance. Et je serais tenté de dire que, plus l’action d’EDF monte, plus la confiance baisse chez nos compatriotes !

M. Jean-Marc Roubaud - Et voilà !

M. Jean-Michel Fourgous - Vous ne comprenez rien au fonctionnement économique !

M. Daniel Paul - L’Autorité de sûreté nucléaire n’est conçue que pour préparer l’ouverture du nucléaire à un pluralisme de producteurs. Le statut des responsables des établissements jouera dans ce dispositif, nous le savons bien, et le risque est grand de voir se monter une usine à gaz dans la répartition des compétences entre l’Etat et l’ASN. Nous devrons veiller à clarifier cette répartition, de façon à ce que nous ayons tous le sentiment que ce texte a contribué a améliorer les choses. Nous soutiendrons la question préalable du groupe socialiste.

M. Jean Dionis du Séjour - Le groupe UDF a écouté avec intérêt Jean-Yves le Déaut, et s’est trouvé en accord sur bien des points avec lui ! Il y a en effet tension entre sûreté et compétitivité, M. Fourgous, et le texte devra construire un équilibre entre ces deux exigences contradictoires. Par ailleurs, une autorité est utile pour réagir rapidement en cas de crise imminente : la crise du Blayais a révélé les limites d’un appareil d’État lourd et fractionné. Nous avons aussi apprécié que M. Le Déaut évoque le trépied que constituent l’expertise de l’IRSM, le contrôle de l’ASN, et l’information donnée par le Haut comité : il y a là matière à un débat intéressant. Il est également vrai que le public ne comprend rien aux échelles et aux unités. Tout un travail de normalisation est nécessaire, afin que le public ne se laisse pas convaincre par n’importe quel site Internet alarmiste. Enfin, l’épidémiologie est importante et le groupe UDF souhaite la placer au cœur de ses propositions : nous devons parler clair, investir et tordre le cou à certains canards en matière de santé publique.

M. Jean-Louis Dumont - Surtout en ce moment ! (Sourires)

M. Jean Dionis du Séjour – L’intervention de M. Le Déaut était convaincante. La seule chose, c’est que nous n’y avons pas vu de question préalable. Le groupe UDF ne votera donc pas la motion.

M. François Brottes - M. Dionis du Séjour nous a habitués à plus d’honnêteté intellectuelle… Le temps est fini où l’expression de ceux qui savaient suffisait à rassurer le bon peuple. Le droit de savoir, c’est d’abord celui de comprendre. Et s’il n’y avait eu qu’une seule raison de lever l’urgence, Madame la ministre, ç’aurait été d’écouter plus avant les interventions de notre collègue Le Déaut.

Celui-ci vient de nous démontrer, en expert mais avec le souci de faire comprendre à tous les enjeux du débat, que ses propositions diffèrent du texte proposé. Heureusement, nous aurons deux lectures pour améliorer ce projet mais, en tout état de cause, cette question préalable était indispensable.

M. le Déaut y a en effet réaffirmé qu’un risque existe, ce que d’autres experts n’osent assumer. Il a également montré qu’il convient de hiérarchiser les risques, car on a trop tendnce à tout mélanger comme pour les antennes téléphoniques ou les OGM. Pour cela, un éclairage scientifique – et non scientiste – est nécessaire, et l’homme politique peut le donner lors d’une navette parlementaire. Enfin, s’il est vrai que la sûreté nucléaire ne se divise pas, le texte reste incertain sur ce point, Madame la ministre.

Ce projet de loi n’apportant pas toutes les réponses, le groupe socialiste votera cette motion de procédure.

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures 30.
La séance est levée à 19 heures 45.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

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