Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2005-2006)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit

Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

3ème séance du mercredi 12 avril 2006

Séance de 21 heures 30
85ème jour de séance, 200ème séance

Présidence de M. René Dosière
Vice-Président

Consulter le sommaire

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

Retour au haut de la page

gestion des déchets radioactifs (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion après déclaration d’urgence du projet de loi de programme relatif à la gestion des matières et des déchets radioactifs.

après l’art. 11 (suite)

M. Claude Birraux, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoireL’amendement 35, que j’ai déjà évoqué, est important d’un point de vue financier, mais aussi technique et politique. Il s’inscrit dans notre volonté de réaffirmer l’importance de l’axe transformation–transmutation et de pérenniser les recherches dans ce domaine. Nous avons d’ailleurs réécrit l’article premier pour souligner la complémentarité des trois axes définis par la loi Bataille.

La loi du 13 juillet 2005, relative aux orientations de la politique énergétique, a fixé l’objectif de développement des réacteurs nucléaires du futur, fission ou fusion, en particulier avec le soutien du programme ITER et des technologies nécessaires à une gestion durable des déchets nucléaires.

Le Président de la République, à l’occasion de ses vœux aux forces vives, a confirmé cet objectif en annonçant le lancement d’un prototype de réacteur de quatrième génération, qui devrait entrer en service en 2020. Si l’État assumera sa part du financement des recherches, il nous a paru important d’assurer la participation financière des industries du nucléaire. Tel est l’objet de l’amendement 35.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie - Je remercie la commission de son initiative. Avis favorable.

L'amendement 35, mis aux voix, est adopté.

art. 12

M. François Dosé – Je siège au comité local d’information et de suivi depuis quinze ans. Comment pouvez-vous laisser présider le CLIS et le groupement d’intérêt public par la même personne ? Je vous demande solennellement de revoir ce texte. Je crois en la puissance publique, en l’ardente obligation de l’État : pourquoi ne pas laisser ce rôle au préfet, compte tenu de la dimension atypique de la filière nucléaire civile ?

Je ne suis pas dupe, je connais les réticences. Mais si vous ne voulez pas de la présidence de l’État – ce qui pose tout de même un problème quant à sa vocation – laissez au CLIS le choix de sa présidence ! Si au contraire vous décidez que celle-ci doit revenir au président du conseil général, on vous accusera bientôt de protéger cette filière. Si je vous demande de ne pas vous enfermer dans ce piège et de rester vigilant, Monsieur le rapporteur, ce n’est pas pour régler des comptes politiques, mais fort de mes principes et de mes convictions.

M. Daniel Paul - Je partage les réticences et les critiques de M. Dosé : il serait bon de laisser le choix de leur président aux membres du CLIS. Les CLIS sont des structures importantes, dont la composition est plurielle. Ils peuvent être consultés sur toute question relative au fonctionnement du laboratoire, à ses incidences sur l’environnement et le voisinage, et peuvent faire procéder à des auditions et à des contre-expertises. Ils constituent un complément indispensable aux recherches et contribuent à garantir la transparence dans la gestion des déchets.

Nombre d’associations et de syndicats, pourtant, ont quitté les CLIS ou les ont critiqués. Prenons garde au respect du droit à la parole dans ces structures et à la garantie de leurs droits. Nous espérons également que leur financement, pris en charge par les GIP, se fera convenablement.

En outre, les CLIS ne sont pas les seuls tenants de la transparence dans ce domaine : la teneur du débat public et le degré d’information des populations sont essentiels. Trois mille personnes, de tous horizons, ont participé aux réunions organisées par la commission nationale du débat public, ce qui montre que les temps ont changé depuis l’installation des premiers équipements nucléaires. Mais si le public est plus averti et que les informations circulent mieux, nous sommes encore loin du compte.

Nous souhaitons que ce débat se poursuive, de manière plus approfondie. La CNDP a souligné toute absence de discours alarmiste, ce qui est important : les personnes vivant à proximité des installations doivent s’approprier le débat, afin de surmonter les contrevérités distillées ça et là. Plusieurs éléments cruciaux de leur vie sont en effet en jeu : leur environnement, leur santé, leur cadre de vie, mais aussi leur environnement économique.

Assurer un débat public et une réelle consultation des populations, c’est également ne pas laisser les seuls opposants au nucléaire monopoliser la parole. Le temps indispensable à la poursuite des recherches doit également servir au débat. Cet après-midi, j’ai eu l’occasion de dire que nous ne devons pas en rester aux textes qui régissent actuellement la question du débat public, mais qu’il convient de tenir compte du souhait émis par tous les habitants de la région de Bure : une consultation plus large doit être organisée. Appelons cela un « référendum consultatif », même si certains collègues demeurent dubitatifs. Des questions importantes doivent être examinées au cours de ces débats : il faut indiquer les étapes successives de gestion des déchets, ce qu’il faut avoir acquis pour envisager de passer à l’étape suivante, laisser place à une évaluation contradictoire pour déterminer à chaque étape si les progrès accomplis correspondent à ceux qui étaient attendus, adapter en conséquence la suite du processus. Quel que soit l’avenir de la filière nucléaire, il faut résoudre aujourd’hui les problèmes liés aux déchets existants. La transparence est un enjeu majeur. Le secret concernant le plutonium séparé ne suscite-t-il pas des inquiétudes ? N’améliore-t-on pas la sécurité du transport en informant la population ? En Scandinavie, des référendums locaux sont organisés : nous regrettons que ce texte n’aille que très insuffisamment en ce sens.

M. Yves Cochet - Je me félicite de représenter ici l’opposition au nucléaire. J’entends parfois dire que nous propagerions la peur : au contraire ! Ce sont ceux qui, depuis des décennies, au sein du lobby nucléaire…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Il n’y a donc pas de lobby antinucléaire ?

M. Yves Cochet - …ont essayé de couvrir certains de leurs agissements qui suscitent des inquiétudes ! On se flatte toujours de communiquer et de favoriser la transparence, mais la France, sur ce plan-là, n’est pas à la hauteur d’autres pays, je pense en particulier à ceux de l’Europe du nord. Le mot de transparence est d’ailleurs ambigu et n’implique pas du tout une parfaite clarté : quand c’est transparent, on ne voit rien…

Certes, il faut renforcer les CLIS, et je défendrai deux amendements en ce sens, mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, il ne s’agit pas seulement de délivrer des informations scientifiques à une population censée ne rien savoir. À côté de l’expertise savante, il existe aussi un savoir profane qui contribue efficacement à renforcer la sécurité. La transparence ne peut pas être envisagée comme une petite concession aux écolos et à Greenpeace. L’efficacité industrielle dépend aussi de l’existence de contrepouvoirs.

M. Jean-Marc Roubaud – Laisser les présidents de conseils généraux présider les CLIS me semble un peu dangereux compte tenu de ce que je viens d’entendre. Imaginons un élu vert, avec ses a priori sur le nucléaire, nous expliquant en outre que la transparence c’est l’opacité : quelle information, quel suivi des dossiers attendre de sa part ?

M. Yves Cochet - Ce que vous dites est scandaleux !

M. Jean-Marc Roubaud – Il serait sage de faire en sorte que les membres des CLIS, dans ces conditions, élisent leur président !

M. Yves Cochet – Il est scandaleux de soupçonner notre parti d’être moins soucieux de l’intérêt général que les autres ! À vous entendre, on a l’impression que la République serait en danger avec des élus Verts !

M. Christian Bataille – Le groupe socialiste a proposé de laisser aux préfets la présidence des CLIS même si nous connaissons les inconvénients de ce système. La qualité de la présidence dépend avant tout de la personnalité du préfet. En Meuse, il importe que celui-ci ne soit ni au début ni à la fin de sa carrière : il faut un homme d’expérience qui appréhende en technicien les questions liées au laboratoire et au stockage et qui les considère comme un enjeu essentiel. J’insiste, Monsieur le ministre : nous espérons que l’État veillera particulièrement à la nomination du préfet de la Meuse, qu’il soit ou non président du CLIS. Ce n’est d’ailleurs pas un désastre si la présidence du CLIS est confiée au président du conseil général – tel est l’esprit de la décentralisation –, mais c’est parce que le CLIS de la Meuse est spécifique, en raison de la présence d’un laboratoire national unique, qu’à notre avis un haut fonctionnaire, exceptionnellement, doit en avoir la charge.

M. Jean-Claude Lenoir – Voici ce que le préfet de la Meuse a fait du représentant que vous aviez choisi pour siéger au CLIS de Bure. En 2002, M. le président de la commission des affaires économiques m’a demandé d’accepter de représenter l'Assemblée nationale au CLIS. J’ai accepté, …

M. le Président de la commission – Merci de l’avoir fait.

M. Jean-Claude Lenoir - …m’estimant investi d’une importante mission. Or, je n’ai jamais reçu la moindre convocation à aucune réunion.

M. le Président de la commission – Vous me l’avez en effet signalé.

M. Jean-Claude Lenoir – Au bout de deux ans, j’ai écrit à M. le président de l'Assemblée nationale pour lui dire que je ne voyais pas comment continuer à assumer ma mission. Néanmoins, j’ai été l’objet dans mon département d’un certain nombre de campagnes menées par des amis de l’un de nos collègues – que je ne citerai pas car il demanderait un rappel au Règlement ! J’étais mis en cause parce que je ne participais pas aux réunions (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) auxquelles je n’étais pas convoqué !

M. Christian Bataille - C’est du Kafka !

M. Jean-Claude Lenoir – J’ai donc démissionné, tout en continuant d’être victime de certaines manœuvres, mon nom continuant d’être associé à mon ancienne fonction sur le site de l'Assemblée nationale. Un ami de notre collègue s’est même installé devant la mairie de Mortagne-au-Perche et a commencé une grève de la faim, ou plus exactement un jeûne. Il y a eu un battage médiatique invraisemblable.

Franchement, je préfère faire confiance à un élu qu’à un représentant de l’État susceptible de faire preuve d’une telle négligence, et même d’une telle désinvolture. Oui vraiment, je préfère le président du conseil général !

M. Christian Bataille - L’amendement 105 est défendu.

M. le Rapporteur – J’ai un très grand respect pour tous les élus, dans ma circonscription comme dans cet hémicycle. En tant que président de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, j’ai fait preuve de la même considération pour tous ses membres, quelle que soit leur appartenance politique ; chacun a pu travailler dans un esprit constructif, dans une totale liberté vis-à-vis des rapporteurs et dans la confiance réciproque. Mon attachement aux élus est indéfectible.

Par ailleurs, nous avons constaté que le CLIS de Bure n’a pas fonctionné, et cela parce que les préfets n’ont pas assumé leur rôle de président. Un président doit présider, ce qui veut dire être présent et assumer l’ensemble des prérogatives d’un président, et non pas être ou muet, ou terrorisé ou sous la table – c’est ce que nous avons vu…

M. Jean-Louis Dumont - J’espère qu’ils liront cela !

M. le Rapporteur - J’ai lu dans la presse que le président de l’Association nationale des commissions locales d’information, M. Delalonde, voulait s’inviter au débat sur les déchets ; or les auteurs du Livre blanc de l’ANCLI disent ne pas comprendre pourquoi il y aurait un régime dérogatoire pour le CLIS de Bure. Je demande l’application du régime normal des CLIS, c’est-à-dire la présidence par un élu car je suis d’accord avec M. Delalonde – qui, si mes informations sont exactes, est membre du parti socialiste. Je demande donc le rejet de tous les amendements qui confient au préfet la présidence de la commission, et donc le rejet de l’amendement 105. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué – Je rappelle que vous avez voté l’article 8, selon lequel un centre de stockage est une installation nucléaire de base. Pour un laboratoire souterrain, je préconise d’appliquer le principe de parallélisme des formes, lequel nous renvoie à ce qui a été voté récemment dans la loi sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire ; en conséquence, je suis défavorable à cet amendement.

M. François Dosé - Nous le retirons, mais nous soutiendrons l’amendement 143. En effet il n’y a pas de raison de confier automatiquement la présidence au président du conseil général ; celui qui encaisse l’argent ne doit pas se confondre avec celui qui anime l’information.

L'amendement 105 est retiré.

M. le Rapporteur – L’amendement 157 rectifie une erreur matérielle.

L'amendement 157, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Jean-Louis Dumont - Mon amendement 204 est défendu, avec détermination !

L'amendement 204, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté.

M. Yves Cochet - Le fonctionnement du CLIS de Bure doit être calé sur celui des autres CLIS ; en particulier, le président ne doit pas être désigné par la loi mais élu parmi ses membres : c’est l’objet de mon amendement 143.

M. le Rapporteur – La loi sur la transparence et la sûreté dans le domaine nucléaire prévoit que le président est soit le président du conseil général, soit une personnalité désignée par lui. M. Derosier est président du conseil général du Nord, et c’est M. Delalonde qui préside le CLIS. Avis défavorable.

M. le Ministre délégué – Défavorable également.

L'amendement 143, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet – Dans le même esprit que le précédent, mon amendement 144 tend à ce que le comité soit consulté sur toute question relative au fonctionnement du laboratoire ayant des incidences sur l’environnement et le voisinage, et puisse faire procéder à des auditions ou des contre-expertises. C’est un facteur de sécurité pour les populations avoisinantes.

M. le Rapporteur – Avis défavorable car c’est déjà le cas, et nous l’avons confirmé dans le projet sur la transparence et la sécurité dans le domaine nucléaire.

L'amendement 144, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.

M. le Ministre délégué – L’amendement 228 du Gouvernement assure le financement du CLIS ; la formule proposée correspond à celle retenue dans le projet TSN pour les CLI auprès des installations nucléaires de base.

L'amendement 228, accepté par la commission, est adopté.
L'article 12 modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 12

M. Christian Bataille - Notre amendement 107, qui concerne la propriété des déchets radioactifs, est complémentaire de notre proposition de création d’un fonds dédié, laquelle fait l’objet d’interprétations controversées. Il tend à transférer cette propriété à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, moyennant une redevance. C’est une méthode plus claire : dans quelques décennies, l’Agence sera nécessairement amenée à gérer des déchets qui n’auront plus de propriétaire parce que le périmètre des entreprises aura changé… Je sais que cet amendement va être refusé, mais je suis certain qu’on finira un jour par adopter cette solution de bon sens.

M. le Rapporteur – Avis défavorable, mais je ne suis pas hostile à ce que la réflexion se poursuive sur l’externalisation du fonds dédié. Nous avons adopté un amendement tendant à créer une commission nationale d’évaluation financière, chargée de vérifier que les méthodes de calcul sont bien appropriées et les sommes disponibles. Le Parlement y jouera tout son rôle, puisque des représentants des commissions des finances et des commissions chargées de l’énergie de l’Assemblée et du Sénat y siégeront. Ce sera à cette commission de faire ce travail d’analyse et de proposition si les dispositifs prévus ne s’avéraient pas satisfaisants. En tout état de cause, je suis opposé au transfert de propriété, qui revient à décharger les producteurs de leur responsabilité. Or nous avons adopté un amendement qui précise expressément que les producteurs sont responsables de leurs déchets.

M. le Ministre délégué – Je partage les arguments du rapporteur. Comment, d’ailleurs, mettre en œuvre ce système alors que les chiffres actuellement retenus peuvent être remis en cause d’ici quelques années ? L’opérateur producteur de déchets devra bien provisionner pour le cas où les évaluations futures s’avèreraient plus importantes. On rentre finalement dans un dispositif qui ne soustrait pas les producteurs de déchets de leur responsabilité réelle. Nous préférons, quant à nous, qu’ils restent responsables physiquement, mais aussi financièrement, de leurs déchets, et nous mettons en place un fonds interne dédié. C’est la meilleure solution. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

M. François Brottes - Vous n’avez pas compris le sens de notre amendement. Nous savons bien que vous êtes opposés à ce dispositif, et c’est pourquoi nous demandons seulement qu’un rapport explicite les raisons de cette opposition. Pourquoi refuser que le Parlement soit éclairé ? Accordez-nous au moins ce rapport !

M. Jean-Louis Dumont – Il faut faire aussi une étude économique !

L'amendement 107, mis aux voix, n'est pas adopté.

Art. 13

L'article 13, mis aux voix, est adopté.

art. 14

M. Daniel Paul - Le financement est un sujet difficile. Il l’aurait sans doute été moins il y a quelques années. Le contexte est en effet devenu défavorable en termes de sécurité et de stabilité de nos entreprises énergétiques, et la fusion envisagée entre Suez et GDF, qui ouvre la perspective de centrales nucléaires privées, vient encore assombrir le tableau. Que le capital d’EDF ne soit bientôt plus détenu qu’à 70 % – au lieu de 100 % – par l’État n’est pas pour nous rassurer. Nous ne sommes d’ailleurs pas au bout de nos surprises : l’Europe énergétique n’en est qu’à ses prémisses. Tout au plus devine-t-on que l’on va vers trois ou quatre grands groupes ; on n’en sait pas davantage. La même incertitude domine au niveau de l’État : celui-ci est devenu impécunieux. Je n’ai donc pas confiance dans cet État et dans les choix d’investissement qui pourraient demain être les siens. Tout dépend en fait des majorités qui seront portées au pouvoir dans les prochaines années.

Nous parlons ici de milliards d’euros, avec une marge d’erreur qui est aussi de plusieurs milliards d’euros – des montants équivalents au cumul de plusieurs années de déficit de la sécurité sociale. Il n’est guère raisonnable de faire confiance à un État impécunieux, qui peut puiser dans la caisse demain pour faire face à de nouvelles dépenses ou pour permettre à des entreprises de conserver des fonds dédiés. Qui sait si un fonds de pension mongol, par exemple, qui aurait mis la main sur un groupe énergétique détenteur de centrales nucléaires en France, ne décidera pas un jour d’abandonner ces centrales ? Quels moyens aurons-nous alors de le poursuivre ? Nous ne parlons pas de matériaux inertes et sans danger, mais de déchets nucléaires et de démantèlement de centrales !

Ne tranchons pas aujourd’hui. Nos voisins européens n’ont pas apporté de réponse homogène à cette question. Il n’y a pas encore urgence ; il serait donc souhaitable de disposer d’une étude économique plus poussée.

Selon un journal sérieux, l’idée est « de forcer les opérateurs producteurs de déchets à gérer les fonds en bons pères de famille, avec un taux de rentabilité de 5 à 6 %. » Les détenteurs d’un livret de caisse d’épargne – à 2,25 % – doivent se demander ce qu’est un bon père de famille !

M. Yves Cochet - Et les fonds de pension demandent 15 % !

Les estimations dont nous disposons quant au coût du démantèlement et de la gestion des déchets nucléaires laissent craindre le pire. En France, les dépenses de démantèlement ont été évaluées au départ à environ 15 % du coût d’investissement initial des réacteurs, soit entre 15 et 20 milliards d’euros pour l’ensemble de notre parc nucléaire. Les premiers démantèlements devraient nous conduire à revoir ces estimations à la hausse. C’est ce qu’ont fait les États-Unis, qui estiment désormais le coût de ce démantèlement à 25 % du coût d’investissement. Cela ferait passer l’estimation à 25, 30, voire 35 milliards pour la France. Nous avons l’exemple de la centrale de Brennilis, dont le coût de démantèlement avait été évalué à 20 millions d’euros au départ. Le coût annoncé aujourd’hui est de l’ordre de 480 millions ! L’expérience n’est peut-être pas généralisable ; retenons néanmoins que les sous-estimations peuvent déboucher sur des catastrophes financières. Le gouvernement britannique vient pour sa part d’évaluer le démantèlement de l’ensemble de son parc – inférieur au nôtre – à 100 milliards d’euros.

Le constat est plus alarmant encore en ce qui concerne la gestion des déchets nucléaires. En effet, le coût d’un éventuel stockage profond est très difficile à évaluer. En 1996, l’ANDRA l’avait estimé à 15 millions d’euros. Depuis, elle a effectué d’autres estimations, qui donnent jusqu’à 60 millions d’euros.

Je reviens à la gestion des provisions et des fonds dédiés. On a vu dans le passé qu’EDF avait géré les fonds dédiés au démantèlement de façon assez spéculative. C’était : « monopole à l’intérieur, Monopoly à l’extérieur » ! Pour ce Monopoly à l’extérieur, il fallait du cash : les fonds dédiés ont joué ce rôle ! Au point que la Cour des comptes s’en est émue dans son rapport de 2005, où il était dit qu’EDF, du fait de son endettement et de sa politique extérieure, n’avait qu’un embryon d’actifs dédiés au démantèlement par rapport à la masse à financer.

J’estime en conclusion qu’il faut procéder à des révisions régulières des coûts de démantèlement et qu’il serait sage de mettre en place une gestion séparée des fonds de démantèlement.

M. le Rapporteur – Outre des modifications rédactionnelles, l’amendement 36 rectifié de la commission tend à ce que les charges de gestion des combustibles usés et des déchets soient évalués sur la base de l’évaluation fixée par le ministre chargé de l’énergie.

S’agissant du sous-amendement 166 du Gouvernement, la commission s’est interrogée sur la portée juridique des termes « de manière prudente », qui semblent sous-entendre qu’une évaluation pourrait être faite de façon imprudente.

M. Christian Bataille – Notre sous-amendement 112 tend à supprimer la dernière phrase de l’amendement. Le financement de la gestion des déchets radioactifs doit être confié à un fonds externalisé, alimenté chaque année par des contributions des producteurs de ces déchets. Le financement par provision interne pouvait se comprendre quand il n’y avait qu’un seul producteur d’énergie nucléaire, placé sous le contrôle de l’État. Le paysage a changé : EDF est devenue une société et il y aura de plus en plus d’intervenants, ne serait-ce que Suez-Gaz de France, qui a déjà annoncé son intention de construire des centrales nucléaires.

C’est pourquoi nous voulons que les provisions prévues par cet article soient uniquement destinées au financement du démantèlement.

M. le Ministre délégué – Je suis défavorable au sous-amendement de M. Bataille, qui reprend l’idée d’un fonds externalisé, contre laquelle j’ai déjà pris position. Je suis d’accord avec l’amendement de la commission, à condition d’y inclure les termes « de manière prudente », qui sont les termes habituels dans les domaines de la finance et de l’assurance. Si nous ne les mettons pas, cela voudra dire, dans l’univers des normes comptables internationales dites IFRS, que nous ne voulons pas d’une évaluation prudente. Avec les sous-amendements 166 et 167, nous disons clairement le contraire à tous les financiers du monde.

M. le Rapporteur – Avis défavorable sur le sous-amendement 112.

Le sous-amendement 167, mis aux voix, est adopté, de même que le sous-amendement 166.
Le sous-amendement 112, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 36 rectifié, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Bataille - Je suis heureux de présenter un amendement qui a échappé aux foudres de l’article 40 ! Puisque les censeurs me permettent de m’exprimer, je redis que les provisions internes n’ont plus lieu d’être si elles sont remplacées par des versements annuels à un fonds externalisé. Tel est le sens de notre amendement 108.

L'amendement 108, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 37 est rédactionnel.

L'amendement 37, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur – Le 158 est un amendement de précision.

L'amendement 158, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 38 est rédactionnel.

L'amendement 38, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Jean-Louis Dumont - L’amendement 205 est défendu.

L'amendement 205, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – Le 159 est un amendement de précision.

L'amendement 159, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 39 est rédactionnel.

L'amendement 39, accepté par Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur – Le 40 est un amendement de précision.

L'amendement 40, accepté par le Gouvernement , est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 41 est rédactionnel.

L'amendement 41, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur – Le 42 est un amendement de précision, de même que le 160.

Les amendements 42 et 160, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.

M. le Rapporteur – L’amendement 43 rectifie une erreur matérielle, de même que le 44.

Les amendements 43 et 44, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.

M. le Rapporteur – Afin de conforter le contrôle du financement de la gestion des déchets et du démantèlement des installations nucléaires de base, et notamment de veiller qu’en aucun cas, la charge de la gestion des déchets ne soit supportée par le contribuable, il vous est proposé, dans l’amendement 45 rectifié, de créer une commission nationale d’évaluation de ce financement. Ce contrôle sera ainsi placé sous un regard externe, indépendant et pluraliste. La commission comprendra des parlementaires et des personnalités qualifiées et elle bénéficiera de l’appui technique de la Cour des comptes.

M. Yves Cochet - Notre sous-amendement 146 tend à ce que le rapport de cette commission soit rendu public.

Permettez-moi d’ajouter à mes exemples précédents celui du démantèlement de Marcoule, que la Cour des comptes signalait comme la plus importante en cours en France et comme l’une des plus importantes au monde par son ampleur financière – plus de 6 milliards d’euros. La répartition de cette énorme charge avait donné lieu à une bagarre entre le CEA, la Cogema et EDF, personne ne voulant évidemment payer le prix fort. Cette crise, qui avait pour origine une sous-évaluation des coûts, a d’ailleurs été aggravée par le ministère de la défense, qui a annoncé une réduction de sa contribution, alors qu’il était un des principaux responsables de l’activité du site. On voit bien, cher Daniel Paul, que, public ou privé, le démantèlement coûte cher et que la charge financière induite est difficile à estimer. Les conflits sur l’estimation des coûts semblent inévitables et il faut s’attendre, en toute hypothèse, à ce que la charge globale augmente.

M. le Rapporteur – La commission avait repoussé le sous-amendement 146 de M. Cochet car son auteur n’était pas présent. À titre personnel – et vous voyez, Monsieur Cochet, qu’en politique, il ne faut jamais dire jamais… –, j’y suis favorable.

M. le Ministre délégué – Le Gouvernement est favorable à l’amendement 45 rectifié et au sous-amendement de M. Cochet.

Le sous-amendement 146, mis aux voix, est adopté.
L’amendement 45 rectifié ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Bataille – L’amendement 109 supprime les alinéas 10 et 11 de cet article car les provisions internes n’ont plus lieu d’être si elles sont remplacées par des versements annuels à un fonds externalisé. Je vous promets que vous réentendrez ce couplet !

M. le Rapporteur – Dans la mesure où nous n’avons pas donné suite à votre proposition de créer un tel fonds externalisé, nous ne pouvons que repousser cet amendement.

M. le Ministre délégué – Même avis.

L'amendement 109, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – Les amendements 46 et 47 sont de précision.

Les amendements 46 et 47,approuvés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.
L'article 14 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 14

M. Luc-Marie Chatel - L’amendement 70 de M. Lecou est défendu.

L'amendement 70, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 15

M. le Rapporteur – L’amendement 183 vise à créer une taxe additionnelle de diffusion technologique pour financer le dispositif que nous avons adopté antérieurement.

L'amendement 183, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 182 est de coordination avec le précédent.

L'amendement 182, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Jean-Louis Dumont – Notre objectif global étant de diminuer la quantité de déchets produits, nous proposons, par notre amendement 221, que si la production de déchets augmente, la contribution de l’opérateur soit revue à la hausse, par application du principe de pollueur-payeur.

M. le Rapporteur – Défavorable, car déjà satisfait par plusieurs dispositions du code de l’environnement.

M. le Ministre délégué – Même avis.

L'amendement 221, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 161 est de coordination.

L'amendement 161, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Ministre délégué – L’amendement 168 est également un amendement de coordination.

L'amendement 168, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Louis Dumont – Mon amendement 222 vise à déjouer le piège qui nous a été tendu en fixant un coefficient multiplicateur de 0, car il n’est nul besoin d’être un grand scientifique pour savoir que toute valeur multipliée par zéro donne… zéro ! (Sourires) Il convient donc d’encadrer les coefficients multiplicateurs de 0,5 à 5 pour la recherche, de sorte que leur produit rapporte quelque chose.

M. le Rapporteur – Avis favorable.

M. le Ministre délégué – Même avis, et bravo, Monsieur Dumont, de ne pas être tombé dans le piège !

M. Luc-Marie Chatel - J’ai déposé un amendement identique – le 121 – pour ce qui concerne l’effort de développement local, et je tiens à dénoncer, comme Jean-Louis Dumont, le caractère absurde d’un coefficient multiplicateur pouvant être nul !

L'amendement 222, mis aux voix, est adopté.

M. Luc-Marie Chatel – Je viens de défendre mon amendement 121, lequel est identique au 51 de la commission, au 118 de M. Cornut-Gentille et au 223 de M. Dumont. Considérant qu’il n’est pas acceptable que l’effort de développement local puisse être nul, nous proposons de fixer une fourchette comprise entre 0,5 et 2, à laquelle il conviendra d’ajouter la taxe additionnelle de diffusion technologique dont la fourchette sera comprise entre 0,5 et 1.

M. le Ministre délégué – Avis favorable.

Les amendements 51, 121, 118 et 223, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur – Comme cela vient d’être indiqué, l’amendement 184 fixe entre 0,5 et 1 le coefficient multiplicateur de la taxe additionnelle de diffusion technologique qu’il est proposé de créer.

L'amendement 184, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Louis Dumont – J’ai rappelé, sans être vraiment entendu, que la loi Bataille de 1991 disposait que devraient être réalisés au moins deux laboratoires souterrains, dans des milieux géologiques différents : argile et granite. Dans la mesure où seul celui de Bure a été réalisé et où il sera désormais inscrit dans la loi qu’un seul laboratoire est suffisant, il ne serait pas illégitime que les Meusiens bénéficient d’une part des retombées des économies ainsi réalisées. Tel est l’objet de mon amendement 224.

M. le Rapporteur – Monsieur Dumont, nous sommes à quelques jours de Pâques, pas de Noël, et je ne puis vous offrir la poule aux œufs d’or !

M. Jean-Louis Dumont - Ah ! Le modeste meusien que je suis ne dirait pas non !

M. le Rapporteur – Je vous crois volontiers, mais il n’est pas dans mon pouvoir de doubler le fonds virtuel qu’évoque votre amendement, lequel risquerait du reste de susciter bien des vocations !

M. le Ministre délégué – Même avis.

M. François Dosé - Mon collègue meusien me pardonnera de me désolidariser de sa demande car je reste fermement convaincu de la nécessité de réaliser au moins deux laboratoires, et je ne me résous pas à faire l’impasse sur cette demande. Il faut envisager l’ensemble de la filière plutôt que raisonner sur les intérêts d’un seul territoire et il ne serait pas de très bonne gestion d’opter pour ce type de solution.

L'amendement 224, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 53 est important, puisqu’il vise à ce que la taxe soit payée par les installations nucléaires de base jusqu’à leur déclassement, dans la mesure où leur démantèlement produit des déchets.

L'amendement 53, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – La simplicité de la collecte des taxes additionnelles, qui ne sont dues que par une centaine d’installations nucléaires de base exploitées par une poignée d’opérateurs, ne justifie pas de retirer de 5 % de leur produit pour frais de collectes. Par l’amendement 54, nous proposons par conséquent de ramener ce taux à 1 %. Puissiez-vous, Monsieur le ministre, convaincre vos collègues d’inciter les services collecteurs à faire preuve d’efficacité, sachant que les puissants ordinateurs de Bercy ne seront pas mis à contribution pour trouver le résultat de multiplications que l’on peut presque faire de tête !

M. le Ministre délégué – Des frais de collecte de 5 % seraient trop élevés, dites-vous, mais 1 % ne serait pas non plus conforme à la réalité. La vérité des coûts est difficile à établir. Le Gouvernement vous propose de retenir 5 %. Il accepte toutefois de s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée.

M. le Président de la commission – Le produit de la taxe additionnelle s’élève à 200 millions d’euros, d’où des frais de collecte, au taux de 5 %, de 10 millions. Or, combien coûte exactement la collecte ? Pouvez-vous nous le dire, Monsieur le ministre ?

M. le Ministre délégué – La redevance est forfaitaire.

M. le Président de la commission – Comme nous cherchons à diminuer la dépense publique, nous estimons que 1 % suffit largement.

M. le Président - Monsieur le ministre, dans le cadre de la LOLF, votre raisonnement ne tient plus. Les coûts doivent pouvoir être précisément chiffrés.

M. le Ministre délégué – Le raisonnement visant à justifier un taux de 1 % ne tient pas davantage !

M. Daniel Paul - Le taux de 5 % avait, me semble-t-il, été fixé en tenant compte des éventuels impayés. Or, vu ce qui nous a été assuré tout au long du débat, il ne saurait en ce domaine y avoir d’impayés. On a affaire à des opérateurs extrêmement sérieux qui paieront rubis sur ongle. Je serais donc d’avis de ramener le taux à 0,2 % ou 0,1 %.

L'amendement 54, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 55 est de coordination.

L'amendement 55, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – La commission a adopté l’amendement 56 rectifié sur la proposition de M. Chatel.

M. Luc-Marie Chatel - Outre une modification tenant compte de l’existence de plusieurs GIP, cet amendement prévoit un versement direct au bénéfice des communes de la zone de proximité.

M. le Ministre délégué – Avis favorable.

L’amendements 56 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 176 doit être modifié pour tenir compte des amendements adoptés à l’article 9 : c’est l’objet du sous-amendement 232 du Gouvernement, auquel je suis donc favorable.

M. le Ministre délégué – Le sous-amendement 232 est en effet de coordination. Sous réserve de son adoption, je suis favorable à l’amendement.

Le sous-amendement 232, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 176 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.
L'article 15 modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 16

L'article 16, mis aux voix, est adopté.

Art. 17

M. le Rapporteur – L’amendement 162 est de précision et le 58 rédactionnel.

L'amendement 162, accepté par le Gouvernement, est adopté, de même que l’amendement 58.

M. Jean-Louis Dumont - La sanction pécuniaire en cas de manquement de l’exploitant à ses obligations doit être assez dissuasive, afin d’éviter toute dérive, surtout devant la multiplication possible des opérateurs privés. Nous proposons donc, par notre amendement 203, d’en porter le montant de 15 000 à 150 000 euros.

M. le Rapporteur – Avis favorable.

M. le Ministre délégué – Sagesse.

L'amendement 203, mis aux voix, est adopté.
L'article 17 modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 18

M. le Rapporteur – Les amendements 59 et 163 sont rédactionnels.

L'amendement 59, accepté par le Gouvernement, est adopté, de même que l’amendement 163.
L'article 18 modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 19

M. Luc-Marie Chatel – Avant que nous n’en venions aux explications de vote, qui seront données pour le groupe UMP par notre excellent collègue Lenoir, je profite de cet article pour remercier le Gouvernement, le rapporteur et le président de la commission d’avoir entendu les demandes de nombreux collègues, en particulier de la Haute-Marne. Pour ma part, je trouvais le texte initial intéressant mais souhaitais des garanties supplémentaires, en matière de transparence et de concertation, mais aussi d’accompagnement économique. Vous nous les avez apportées en acceptant plusieurs amendements relatifs notamment au rendez-vous pris avec le Parlement à l’horizon des recherches actuelles, à la définition des zones de proximité, au vote des conseils municipaux des communes de la deuxième zone de proximité, à l’enseignement supérieur et à la formation. Encore merci d’avoir donné ces garanties, essentielles pour la Haute-Marne, et qui me permettront de voter le texte.

L'article 19, mis aux voix, est adopté.

titre

M. le Rapporteur – L’amendement 227 propose de mettre en conformité l’intitulé du texte avec son objet qui est d’assurer une gestion durable des déchets radioactifs, soit, pour reprendre la définition donnée en 1987 par la Commission mondiale de l’environnement et du développement, dite commission Brundtland, en répondant aux besoins présents, sans compromettre la possibilité pour les générations futures de répondre à leurs propres besoins. Le titre du projet de loi deviendrait donc « Gestion durable des matières et déchets radioactifs », s’inspirant de celui du rapport de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, que j’ai cosigné avec M. Bataille en mars 2005.

À ce stade du débat, je tiens à remercier le Gouvernement d’avoir accepté diverses propositions de la commission et ainsi apporté la preuve que l’on s’inscrit bien dans une perspective de développement durable (Exclamations de M. Cochet) et une vision éthique. Celle-ci repose sur trois piliers.

Tout d’abord, la recherche qui doit se poursuivre dans les trois directions et demeurer une préoccupation constante en vue d’améliorer les techniques et les technologies qui, au demeurant, évoluent très rapidement.

Ensuite, la garantie que le financement de la gestion des déchets sera bien assuré. Certes, nous ne sommes pas allés jusqu’au fonds externalisé. Mais la création d’un second fonds auprès de l’ANDRA, la création d’une commission nationale d’évaluation financière – au cœur de laquelle sera placé le Parlement, par le biais de la commission des finances et des commissions chargées de l’énergie – sont des avancées certaines.

Enfin, le principe de réversibilité. Nous nous sommes accordés sur un rendez-vous parlementaire, et sur le fait de considérer que si les conditions de la réversibilité n’étaient pas réunies, le centre de stockage ne serait pas créé. Nous sommes bien là dans une démarche éthique, qui permettra aux générations futures de procéder autrement, en fonction des connaissances qu’elles auront acquises.

M. le Ministre délégué – Avis favorable. Je voudrais à mon tour remercier l'Assemblée nationale pour le travail accompli. Vous avez largement amendé ce texte, préparé à la suite des importants travaux de recherche et d’évaluation qui nous ont été fournis jusqu’à très récemment. Je suis heureux que le principe de rendez-vous parlementaire, notamment, ait été acquis.

Notre loi nationale servira sans aucun doute de référence internationale. Elle comporte également une dimension locale forte, et je voudrais à ce titre me tourner vers les députés de la Meuse et de la Haute-Marne : j’espère que ce texte convaincra les divers acteurs, mais aussi l’ensemble de la population (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Dosé – S’agissant de l’amendement 227, je voudrais rappeler à M. le rapporteur, qui sait combien la recherche est œuvre d’humilité, que ce n’est pas le cas de ce titre. Je ne connais pas la définition de 1987, mais si je me réfère à l’article 8, alinéa 3 – que vous avez voté – il faudrait titrer : « gestion des matières et des déchets radioactifs, jusqu’à fermeture définitive du centre », et ne pas ajouter l’adjectif « durable ».

M. le Président de la commission – Sur le fond, nous avons bien légiféré, sans nous laisser enfermer dans les certitudes, et sans insulter l’avenir. La pédagogie, nécessaire à l’adhésion des populations, impliquait le vote de ces dispositions.

Sur la forme, nous avons tout fait pour dépasser les querelles de parti et tendre vers l’intérêt général. Je tiens à remercier sincèrement MM. Bataille et Brottes, porte-parole du groupe socialiste ainsi que tous les députés d’opposition, qui ont accompli en commission un travail sérieux et sans aucune démagogie, lequel a permis un débat de haute tenue dans l’hémicycle.

Je me félicite que MM. Dosé et Dumont, comme MM. Chatel et Cornut-Gentille aient pu avoir la certitude que leurs inquiétudes et leurs légitimes interrogations étaient partagées sur tous ces bancs, ce qui a permis de voter de nouvelles dispositions.

Je tiens aussi à vous remercier, Monsieur le ministre, pour votre ouverture et votre attitude constructive, ainsi que vos services, toujours attentifs à nos demandes. Je veux remercier également les services de la commission. Enfin, je ne terminerai pas sans rendre hommage à M. le rapporteur, dont le talent et la compétence sont reconnus de tous, et qui voit consacrées là des années de travail dans un domaine délicat. Après la loi Bataille, voici en quelque sorte la loi Birraux. Merci enfin à vous, Monsieur le Président, qui avez conduit ces débats avec fermeté, mais aussi beaucoup d’humour et de compréhension à l’égard de tous les groupes.

M. Christian Bataille - Pardonnez-moi d’en revenir à l’amendement 227, que je soutiens. En effet, le titre devient ainsi presque identique à celui de la proposition de loi du groupe socialiste : « Gestion durable des déchets radioactifs ». Au moins avons-nous une vision commune pour ce qui est du titre !

M. Yves Cochet – L’amendement 227 fait référence au mot « durable », polysémique s’il en est, et, dans son exposé des motifs, au rapport Bruntland, qui a baigné ma jeunesse militante. Toutefois, cela n’est que mascarade, dans la mesure où ce texte consiste à développer encore l’énergie nucléaire, que nous devrions abandonner au plus tôt compte tenu de sa dangerosité.

Cette loi renforce l’option du retraitement, maintes fois louée, alors qu’elle n’est une solution que pour 15 % des combustibles irradiés. On ne sait toujours que faire de 85 % des déchets, et notamment du mox irradié. Selon la Cour des comptes, le retraitement est la continuation du programme électronucléaire et son prolongement à des réacteurs dits de quatrième génération, eux-mêmes consommateurs de plutonium : c’est dire combien nous persévérons dans l’erreur.

Enfin, tandis que M. le ministre et d’autres orateurs affirmaient que le site de Bure pouvait servir de référence internationale, les pays qui cherchent à stocker leurs déchets dans les couches géologiques profondes ont été cités en exemple. Les déchets américains ou scandinaves ne sont pourtant pas du même type que les déchets français ! Les premiers sont presque banals, tandis que nous avons du mox et des déchets vitrifiés, par conséquent concentrés, très chauds et de forte toxicité. Enfin, vous évoquez le site de Yucca Mountain : celui-ci a fait l’objet d’une décision politique, mais il n’existe pas encore ! (Protestations sur quelques bancs du groupe UMP)

Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, je voterai contre ce projet de loi.

M. le Président – Avant de passer aux explications de vote, dont certaines ont déjà été données, je mets aux voix l’amendement 227.

L'amendement 227, mis aux voix, est adopté.

explications de vote

M. Jean-Claude Lenoir - Le groupe UMP votera ce texte issu d’un débat exemplaire sur la forme et sur le fond.

La loi de 1991, dans laquelle M. Bataille a lucidement soulevé la question des déchets nucléaires, imposait un rendez-vous quinze ans plus tard : nous y sommes, et il faut en féliciter le Gouvernement. Le nucléaire produisant 85 % de notre électricité, nous devions réfléchir au devenir de ces déchets. M. Bataille, alors, avait parlé de « constipation » : certains mouvements hostiles au nucléaire, en effet, voulaient « constiper le cycle » et empêcher le développement de cette filière dès lors que le traitement était sans solution. Un travail exemplaire a également été mené au sein de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques, notamment par MM. Birraux, Bataille et Le Déaut. M. Ollier a, quant à lui, remarquablement organisé les discussions au sein de la commission des affaires économiques. Enfin, le débat en séance publique a aussi été exemplaire grâce à M. le ministre, M. le rapporteur, M. le président de la commission et tous les intervenants.

Sur le fond, nous avons essayé de résoudre un certain nombre de problèmes à l’échelle nationale et locale. Il était essentiel d’assumer nos responsabilités sans nous en défaire sur les générations futures. Le rendez-vous de 2015 est à ce propos essentiel. Nous faisons par ailleurs confiance à ceux qui nous succèderont pour trouver d’autres solutions technologiques et scientifiques. La majorité et l’opposition se sont montrées très attentives aux préoccupations locales. Monsieur Dosé, nous nous mettons à votre place : il n’est pas facile d’expliquer aux populations ce qu’il faut faire, et la part qu’elles doivent prendre à la résolution de certains problèmes. Les députés concernés ont su en tout cas faire preuve de pugnacité et de conviction au service de leurs départements.

J’ajoute que M. Gonnot, qui préside l’ANDRA, ne participera évidemment pas au vote.

Je souhaite que nos débats à venir se déroulent dans les mêmes conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Daniel Paul – Les déchets nucléaires sont là, et le choix du nucléaire sera sans doute durable. (M. Cochet fait un geste de dénégation énergique) Raison de plus pour apporter les réponses attendues par nos concitoyens.

Je ne voterai pas ce texte (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) pour quatre séries de raisons. Tout d’abord, le contexte lié à votre politique énergétique n’est pas bon. Je songe à l’ouverture du capital d’EDF, puisque la participation de l’État tombe à 70 %, et à la modification de la loi sur l’ouverture du capital de GDF qui se profile afin de permettre la fusion avec Suez et donc la privatisation du gazier. D’autre part nous avons des incertitudes quant aux fonds dédiés permettant la prise en charge des déchets. Certes, M. le rapporteur a ajouté des dispositifs favorisant un meilleur contrôle, et l’Assemblée a accepté la mise en place d’une commission nationale d’évaluation du financement qui va dans le bon sens. Néanmoins, j’avais suggéré d’engager un débat plus large sur cette question, et vous l’avez refusé.

Ensuite, alors que la loi Bataille de 1991 prévoyait plusieurs sites de stockage en couche géologique profonde, nous n’en avons aujourd’hui qu’un seul. Certes nous examinons ce qui se passe à l’étranger, certes aucune décision définitive n’a été prise. Mais on sent bien ce qu’il adviendra, et il a même fallu batailler pour que la date de 2025 soit retirée. Quant à la durée de cent ans, elle a été maintenue – certes, la navette pourrait en décider autrement, mais je juge sur pièces.

Troisième observation, la concertation est essentielle pour les populations de la Meuse et de la Haute-Marne. J’ai reçu une délégation comprenant des habitants, des responsables associatifs et des élus de ces deux départements : ils ne sont pas opposés au nucléaire mais ils veulent être écoutés et respectés. Ils souhaitent l’organisation d’un référendum consultatif que vous refusez, hélas, privilégiant le filtre des élus, certes essentiel en démocratie. Ce référendum doit néanmoins être considéré comme un élément de la discussion.

Enfin, une interrogation demeure quant à votre volonté de donner les moyens nécessaires à la recherche. Pourquoi le plan national de gestion ne fait-il pas état des procédés de séparation et de transmutation ? Cette lacune pourrait être lourde de conséquences, de même que le rejet, par la commission, de l’un de nos amendements relatifs à la prise en compte des sites radioactifs.

L’urgence ayant été levée, j’espère que de nouvelles avancées auront lieu dans le cadre de la navette. Mais pour le moment, nous ne pourrons que voter contre.

M. Christian Bataille – M. le ministre, sur proposition de M. Ollier, a accepté de lever l’urgence, ce qui a permis de détendre l’atmosphère. Nous avons eu ainsi le temps de discuter, comme ce fut d’ailleurs le cas dans le cadre du débat sur la transparence en matière nucléaire. Je m’en réjouis.

Je veux souligner aussi l’esprit de dialogue qui a présidé à ce débat. Si le Gouvernement avait eu la même attitude sur le CPE, les dernières semaines auraient sans doute été plus sereines…

Des avancées ont été obtenues. Tout d’abord, des garanties quant à la poursuite des recherches sur les trois voies. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a pleinement rempli sa mission : derrière notre discussion sur ce projet, il y a quinze ans de travail, de nombreux rapports, des auditions multiples ; j’insiste pour que le Gouvernement continue à travailler dans cet esprit démocratique, en renonçant définitivement aux décisions autoritaires en matière nucléaire.

S’agissant ensuite de la gestion industrielle, vous avez accepté un entreposage pour une dizaine d’années, ce qui était indispensable.

Je me félicite aussi tout particulièrement de l’évolution du texte concernant le rendez-vous dans dix ans : le Parlement aura alors à trancher sur le problème de la création ou non d’un centre de stockage.

En revanche, vous n’avez pas accepté notre proposition de fonds externalisé dédié. Nous ne l’avions pas créé en 1991, pourriez-vous nous dire, mais nous y reviendrons, même si la commission des finances a adopté sur ce sujet une attitude un peu raide, car c’est à notre avis une nécessité. Vous avez néanmoins proposé, Monsieur le rapporteur, des évolutions positives, et j’espère que l’on va vers une plus grande transparence.

Bref, nous mesurons les avancées significatives qui ont été réalisées, mais il reste du chemin à faire. Nous nous abstiendrons donc – et certains d’entre nous voteront même contre le projet.

L’ensemble du projet, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Chers collègues, je vous souhaite une joyeuse fête de Pâques et d’excellentes vacances parlementaires !

Prochaine séance, mardi 2 mai, à 9 heures 30.
La séance est levée à 23 heures 50.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

Retour au haut de la page

Ordre du jour
du Mardi 2 Mai 2006

NEUF HEURES TRENTE : 1RE SÉANCE PUBLIQUE

Questions orales sans débat.

QUINZE HEURES : 2E SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Discussion du projet de loi (n° 2986) relatif à l’immigration et à l’intégration.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

© Assemblée nationale