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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du jeudi 4 mai 2006

Séance de 9 heures 30
88ème jour de séance, 206ème séance

Présidence de M. Yves Bur
Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

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immigration et intégration (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration.

art. 3

M. Richard Mallié - Durant cette nuit longue et difficile, nos collègues de l’opposition ont affirmé à plusieurs reprises que le nombre d’étrangers n’augmentait pas dans notre pays. Ils oublient de dire qu’ils ont régularisé des dizaines de milliers d’étrangers et procédé à des naturalisations.

Si l’on reproche souvent au politique de manquer de bon sens, vous donnez ici la preuve du contraire, Monsieur le ministre. L’article 3 ne procède en effet que du bon sens. Si l’étranger a des droits, il a aussi des devoirs. Que serait un pays dont les ressortissants seraient protégés, aidés par l’État, sans obligation en retour ? Une anarchie. Inutile de remonter jusqu’au pacte civil de Rousseau pour comprendre que le vivre ensemble est assorti de devoirs. Ce principe vaut plus encore lorsqu’il s’agit de ressortissants étrangers. Si l’étranger ne respecte plus les conditions du contrat, celui-ci doit être rompu et la carte de séjour pouvoir lui être retirée.

Accueillir les étrangers qui souhaitent lier leur destin à la France et leur donner les chances de s’intégrer est juste et légitime ; renvoyer chez eux ceux qui bafouent notre pays l’est tout autant, si cela est effectué avec humanité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Bernard Roman - Polémiquer sur le nombre d’étrangers présents en France est inutile : tous les chiffres, repris par le ministre ou par le rapporteur, démontrent que la proportion d’immigrés vivant sur notre territoire n’a que peu évolué depuis des décennies. Il n’y a en effet que les naturalisations qui pourraient faire baisser les flux, mais elles ne sont pas en assez grand nombre pour avoir grand effet.

M. Christian Decocq - C’est imprécis !

M. Bernard Roman - Ces chiffres figurent dans le rapport et sont d’ailleurs à peu près identiques à ceux produits lors de la discussion de la loi de 2003. M. Mariani évaluait alors le nombre d’immigrés non régularisés entre 200 000 et 400 000, fourchette que pour ma part je pense un peu sous-estimée, mais qui est semblable à celle que nous avions retenue en 1998. Cette polémique inutile démontre qu’avec ce projet, il s’agit bien d’affichage.

C’est le cas de l’article 3, qui institue une mesure par ailleurs inopérante. Il s’agit de légiférer sur les conditions de retrait de la carte de séjour temporaire, dès qu’une des raisons qui avaient justifié son attribution disparaît : la belle affaire ! Ces cartes sont de courte durée, d’un an en général, de trois ans au mieux, et aujourd’hui, l’administration règle cette question dans le cadre des demandes de renouvellement. Il serait d’ailleurs utile, Monsieur le ministre, de connaître les statistiques et de savoir combien de renouvellements sont accordés à tort. Puisque les situations sont passées au crible à chaque demande, à quoi sert-il de légiférer aujourd’hui ?

Monsieur le rapporteur, vous avez reconnu en commission des lois, comme le ministre, qu’il fallait amender ce texte inique. En effet, si le contrat d’un salarié – l’une des conditions d’attribution – cesse, faut-il lui retirer sur le champ sa carte ? Si une femme maltraitée quitte son mari, ne risque-t-elle pas de se voir retirer sa carte de séjour, accordée au titre de la vie privée et familiale ? Les conséquences de cette disposition peuvent être dramatiques. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste proposera un amendement de suppression de l’article 3.

M. Patrick Braouezec - Cet article est inutile et n’a aucun sens : la plupart des cartes ont une durée d’un an et les conditions de leur renouvellement sont vérifiées chaque année. De plus, en droit administratif, le retrait – lié à la fraude ou à la menace pour l’ordre public – abroge les droits de manière rétroactive : on considère alors qu’il n’y a jamais eu régularisation. Notre groupe proposera un amendement de suppression et des amendements visant à assouplir cette disposition.

M. René Dosière - Il me paraît nécessaire de rectifier les propos qui viennent d’être tenus et de mettre ainsi fin aux fantasmes que la majorité cultive quant au nombre d’immigrés. L’INSEE, qui a consacré un volume à ceux-ci, reprend la définition adoptée par le Haut conseil à l’intégration en 1991 : « la population immigrée est composée des personnes qui résident en France et qui sont nées étrangères dans un pays étranger. Le fait d’être né étranger dans un pays étranger constituant une caractéristique invariable, un individu continue de faire partie de la population immigrée, même si sa nationalité change. »

L’INSEE constate que les immigrés représentent 7,4 % de la population, soit une proportion constante depuis le recensement de 1975. En 1999, ajoutent les auteurs de l’ouvrage, un tiers des immigrés sont de nationalité française. Il faut donc cesser de faire croire à une invasion ! Il s’agit ici des immigrés en situation plutôt régulière…

M. Jérôme Rivière – Et les irréguliers ?

M. René Dosière - Les statisticiens peuvent mesurer une partie, certes faible, de l’immigration irrégulière.

Les estimations, que cite le ministre lui-même, vont de 200 000 à 400 000 personnes. Ce dernier chiffre ne représente que 0,5 % de la population métropolitaine ! Regardons ce qui se passe à l’étranger : le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur l’immigration irrégulière montre que le nombre d’immigrés irréguliers aux Pays-Bas est le double de celui que nous connaissons en France, et en Suisse le triple. Les immigrés irréguliers sont, après des campagnes de régularisation massives, deux fois plus nombreux en Italie, trois fois plus nombreux en Espagne, quatre fois plus nombreux au Portugal et sept fois plus nombreux en Grèce !

M. Jérôme Rivière - Comme quoi il ne faut pas régulariser !

M. René Dosière - Notre situation n’a rien d’extraordinaire ni de particulier par rapport aux autres pays européens. Ceux-ci, mis à part les partis extrémistes, ne s’amusent pas à attiser les peurs et les xénophobies comme le fait ce projet de loi, qui ne sera d’ailleurs pas applicable.

En effet, le ministre d’État ne sera plus là pour prendre les décrets nécessaires, puisqu’il ne cesse d’affirmer son envie de quitter le Gouvernement, tout en prétendant être seul capable de s’occuper des problèmes d’immigration. Voilà donc un texte de pur affichage !

M. Bernard Roman - L’amendement 271 vise à supprimer cet article, qui conduira au retrait de certains titres de séjour dans le plus grand arbitraire – sans respect des droits de la défense, puisqu’il s’agit d’une décision administrative prise par les préfets – ainsi qu’au gonflement du nombre des personnes dépourvues de titres de séjour mais inexpulsables en vertu de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, car ayant des liens familiaux dans notre pays.

Supprimons donc cette mesure qui ne fera que gonfler l’immigration illégale dans notre pays !

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des loisJ’admire, Monsieur Dosière, votre précision sur le nombre des clandestins !

M. René Dosière - Entre 200 000 et 400 000. Quelle précision !

M. le Rapporteur – Si, comme je ne suis pas loin de le penser, l’afflux de clandestins n’est pas énorme, c’est sans doute qu’il n’y a plus eu de régularisation depuis 1997 ! La vague n’arrive que lorsqu’on régularise, comme on l’a constaté dans les pays voisins.

S’agissant de l’amendement 271, l’attribution d’une carte de séjour temporaire est une décision créatrice de droit. Conformément aux principes du droit administratif, elle ne peut donc être retirée, une fois le délai de recours expiré, que sur la base d’une disposition législative ou réglementaire. L’article 5 du décret du 30 juin 1946, modifié, précise d’ailleurs les circonstances dans lesquelles les titres de séjour peuvent ou doivent être retirés. Y figure notamment le fait que le titulaire cesse de remplir les conditions d’octroi du titre.

Cet article donne donc une base législative à une règle qui existe déjà, se contentant d’en faire un principe et non plus seulement une possibilité. Il est en effet logique de retirer un acte dès lors que les éléments qui le motivaient ont disparu.

Toutefois, il est vrai que l’application stricte de ce principe posait un problème spécifique pour les salariés privés d’emploi. Un amendement a donc été déposé, qui ôte toute pertinence à vos critiques contre cet article, Monsieur Roman.

M. Bernard Roman - Et les femmes battues ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire - La France a délivré en 2005 165 000 titres de séjour, dont 82 000 pour des motifs familiaux, 12 500 pour des motifs professionnels et 40 000 à des étudiants.

S’il est normal que ces titres soient délivrés quand les conditions y donnant droit sont réunies, il est également normal qu’ils soient retirés quand elles ne le sont plus. Je vous rappelle d’ailleurs que ce principe a été affirmé en matière de cartes de séjour par un décret de 1946 – un peu perdu de vue depuis, il est vrai.

Il était donc nécessaire de réaffirmer législativement ce principe tout à fait conforme aux principes généraux du droit administratif. Je précise en outre que le Gouvernement est favorable à ce que la carte ne soit pas retirée au salarié en cas de rupture du contrat de travail, comme le demandaient notamment les évêques de France, auxquels M. Brard n’a pas cessé de faire référence. L’amendement 41 de M. Mariani leur donnera satisfaction !

Nous sommes donc défavorables à l’amendement 271 de suppression.

M. René Dosière - On ne peut qu’être favorable au respect des principes généraux du droit, mais cet article ne simplifiera pas la situation ! Par exemple, quand considérera-t-on que les conditions de délivrance de la carte « compétences et talents » ne sont plus remplies ?

Selon le rapport de M. Mariani, cette carte vise les « personnes susceptibles de participer, du fait de leurs compétences ou de leurs talents, de façon significative et durable, au développement économique et au rayonnement, notamment intellectuel, culturel ou sportif de la France ou du pays dont ils ont la nationalité ». Le rapporteur ajoute que cette définition extrêmement large permet de ne se fermer à aucune forme d’excellence, qu’elle soit économique, universitaire, culturelle ou sportive. Précisons également que la possession de cette carte permettra de faire venir sa famille, qui bénéficiera automatiquement d’un titre de séjour d’un an, renouvelable.

Selon vous, cette disposition permettrait de retirer son titre de séjour à une personne venue en France pour un projet précis et qui, une fois arrivée, pratiquerait des activités sans rapport avec ce projet. Prenons l’exemple d’un sportif de très haut niveau qui devient chanteur : lui retireriez-vous alors sa carte ?

Il s’agit, dites-vous, d’éviter un détournement d’une procédure dont le régime sera très favorable aux personnes qui en bénéficieront. Avouez plutôt que vos dispositions manquent de précision et que vous allez fabriquer de nouveaux clandestins, car ces personnes se seront installées en France avec leur famille !

L'amendement 271, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 241 vise à rassurer ceux qui, dans les églises, dans l’opposition mais aussi dans la majorité, craignaient que cet article imposât de retirer leur titre de séjour à ceux qui auraient perdu leur emploi, une des conditions nécessaires à la délivrance du titre de séjour ayant disparu.

Un travailleur étranger au chômage ne sera pas obligé de partir : il pourra se maintenir en France jusqu’à l’expiration de son titre de séjour. Par ailleurs, l’article R. 341-3-1 du code du travail précise que la validité du titre de séjour d’un étranger au chômage au moment du renouvellement de l’autorisation de travail est automatiquement prolongée d’un an.

Parler d’« immigration jetable » relève donc, soit d’une totale mécompréhension du texte, soit de la mauvaise foi.

M. Christian Vanneste - La seconde explication est la bonne !

M. le Ministre délégué – Il n’entrait nullement dans les intentions du Gouvernement de retirer leur carte de séjour aux travailleurs étrangers qui ont perdu leur emploi. Il faut leur donner la possibilité de retrouver un travail pendant la durée de leur carte de séjour, avant un éventuel renouvellement.

Par conséquent, avis tout à fait favorable à l’amendement du rapporteur.

M. Patrick Braouezec - Nous avons avancé dans certains domaines, puisque les avis des Églises de France mais aussi des associations ont été entendus. Tard dans la nuit, vous avez également accepté un amendement de bon sens, relatif à la délivrance d’un visa de long séjour à des étrangers en situation irrégulière mais mariés à un ressortissant français.

Toutefois, nous sommes encore loin du compte ! Ce projet prévoit toujours pour les immigrés des conditions plus que difficiles, voire inhumaines. Elles bafouent en tout les droits affirmés par bien des textes européens et internationaux. Nous continuons donc à affirmer que ce texte crée une immigration « jetable » !

M. Noël Mamère - On ne peut que se féliciter du recul du Gouvernement sous la pression des églises et des 461 associations et partis politiques réunis dans le collectif contre l’immigration jetable. Nous avons eu raison de nous mobiliser pour alerter l’opinion publique et dévoiler votre bricolage idéologique. Mais il ne faut pas se méprendre : ces légers reculs ne changent rien à l’économie générale de votre texte – une immigration instrumentalisée au service du libéralisme. Nous voterons cet amendement, certes, mais nous continuerons le combat jusqu’au dernier article de ce projet qui renforce le caractère coercitif de la politique d’immigration que vous menez depuis 2003 et qui vise à un affichage motivé par des considérations électoralistes – vous braconnez sur les terres de l’extrême droite…

M. Richard Mallié - C’est un psychopathe.

M. Noël Mamère - …alors que les décrets de la loi de 2003 ne sont pas encore tous promulgués et qu’aucun bilan de cette loi n’a été effectué. Vous voulez faire croire au bon peuple que l’immigration serait le problème principal de notre pays alors que nous vous avons montré, chiffres à l’appui, que le nombre d’immigrés n’a pas augmenté depuis dix ans.

L'amendement 41, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Braouezec – L’amendement 486 dispose que la carte de séjour ne pourra être retirée qu’en cas de fraude dûment constatée par une décision de justice. Dans le cas contraire, ce serait la porte ouverte à l’arbitraire.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Il n’est pas bon de mélanger une décision administrative avec une décision judiciaire. On ne saurait d’ailleurs considérer qu’il y aurait un risque d’arbitraire puisque c’est le tribunal administratif qui tranchera.

M. Bernard Roman - Il tranchera le recours, non la décision.

M. le Ministre délégué – Avis défavorable. La justice n’a pas à se prononcer sur les conditions légales de délivrance d’une carte de séjour ou de son retrait. Il s’agit là d’une mesure purement administrative, contrôlée par un juge administratif.

M. Bernard Roman – Je soutiens l’amendement de M. Braouezec. Une décision administrative, par définition, est entachée du risque d’arbitraire. J’ajoute qu’un décret est en préparation pour que l’ensemble du contentieux lié au droit des immigrés sorte du champ de la décision collégiale des tribunaux administratifs pour ne revenir qu’à un seul juge administratif, dont on sait par ailleurs qu’il est par nature très dépendant de sa hiérarchie et qu’il devra tenir compte des objectifs quantitatifs fixés par le ministre. Le risque d’arbitraire est grand.

L'amendement 486, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec – Nous savons que certains employeurs pourraient s’autoriser quelque liberté et profiter de situations difficiles. Par l’amendement 487, nous proposons donc que le retrait de la carte de séjour et de la carte « compétences ou talents » ne puisse leur ouvrir le droit de demander le remboursement des sommes perçues, je pense par exemple aux charges salariales.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Il s’agit là d’une question marginale, cette situation ayant très peu de chances de se produire.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 487, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. Serge Blisko – Cet article est fondamental puisqu’il concerne le contrat d’accueil et d’intégration. Nous n’avons rien contre le principe d’un tel contrat dès lors que ce qui est contractuel engage effectivement les deux parties. Le migrant devra donc recevoir une formation linguistique et civique, mais il devra également être certain d’être accueilli dans les meilleures conditions. En sera-t-il vraiment ainsi ? Tel que vous le concevez, ce contrat constitue moins un échange qu’une obligation unilatérale avec menace de sanction pour le migrant en cas d’échec, par exemple dans l’apprentissage de la langue. Or, nous savons qu’après un certain âge, c’est évidemment plus difficile, surtout lorsque l’on est issu d’une culture orale. De la même manière, allez-vous exiger d’une mère de famille nombreuse surchargée de travail et de responsabilités qu’elle ait une parfaite connaissance du français ? Enfin, pourrait-on discuter plus précisément des conditions d’application de ce contrat ? Quid des plateformes et des programmes mis en place par l’Agence nationale d’accueil des étrangers et des migrations, alors que nous ne disposons pas même d’un bilan?

M. Christian Decocq – Cet article est en effet essentiel, comme en témoigne le nombre de parlementaires souhaitant s’exprimer.

Alors, oui, il s’agit d’un formidable article d’affichage ! Mais pas n’importe lequel. Depuis des années, la France hésite – peut-être même depuis l’ordonnance de 1945. Depuis des années, elle se laisse ballotter au gré des conjonctures politiques et économiques sans savoir anticiper les changements du monde. Peut-être la société n’a-t-elle tout simplement pas voulu les voir, parce qu’elle veut conserver l’illusion de rester fidèle à un modèle républicain – mais un modèle de plus en plus théorique qui ne protège plus personne, ni la nation, ni les migrants. On a fait semblant de croire à la fin de l’immigration de main-d’œuvre, en 1974, mais on n’a pas mesuré l’extraordinaire bouleversement culturel provoqué par le regroupement familial. On a trop tardé à prendre conscience des discriminations visant les jeunes issus de l’immigration et on s’est choqué de leur révolte, de la Marseillaise sifflée aux événements des banlieues, qu’on estimait avec un brin de condescendance réservés aux pays anglo-saxons. Comme si, notre pacte républicain nous mettait à l’abri !

Le pays sait tout cela, mais il ne peut pas répondre à une question qu’on ne lui a jamais posée : quelle immigration voulons-nous ? Depuis trop longtemps, l’immigration est vécue comme une contrainte. Nous en avons perdu l’initiative. La conséquence est le développement des discriminations. C’est sans doute le plus grand mérite de ce projet de loi que de mettre fin à cette hésitation. Enfin, nous faisons un choix ! Celui de l’intégration, et pas du communautarisme.

Plusieurs députés socialistes – En êtes-vous sûr ?

M. Christian Decocq – La France n’en finissait pas d’hésiter entre deux options : la pratique américaine, qui accorde les mêmes droits civiques à tous les citoyens et accepte qu’ils s’organisent librement dans la sphère privée, en communauté, et l’autre souhaitant que tous, quelle que soit leur origine, bénéficient des mêmes droits civiques, se mêlent et soient solidaires. Mais plus on veut cette mixité, plus les arrivants et leurs descendants doivent adopter les usages de la société d’accueil. Cela suppose un effort réel de leur part, mais c’est le prix à payer. Le projet fait le choix de cette seconde conception, en proposant un cahier des charges clair et en définissant les conditions auxquelles les candidats à l’immigration peuvent séjourner dans notre pays et, pour certains, être reconnus comme Français – culturellement et pas seulement juridiquement. Ce faisant, il leur offre un autre choix que le repli communautaire. L’intégration contractuelle est une véritable volonté politique. L’instrument en est le contrat d’accueil et d’intégration, basé sur le respect des valeurs républicaines, en particulier du droit des femmes, et la connaissance de la langue française. Voilà donc un bel affichage, au bon sens du terme.

M. Jean-Christophe Lagarde - Il est vraiment incroyable que depuis des décennies, on accueille des étrangers sur notre territoire sans plus se soucier, une fois que les formalités administratives ont été accomplies, de ce qu’ils deviennent ! La France ne voyait qu’une main-d’œuvre. Elle n’a pas imaginé que ces gens allaient s’installer et avoir des enfants – qu’on a d’ailleurs concentrés progressivement dans des quartiers. Cet article est donc très important. Que nos concitoyens ne se focalisent pas sur des étrangers d’immigration récente ou extra-européenne : je rencontre aujourd’hui des femmes originaires du Portugal qui ne parlent toujours pas un mot de français, après cinquante ans passés chez nous ! L’Assemblée nationale pourrait sur ce point se montrer unanime : pour une fois, la France va se soucier de donner les moyens aux étrangers qui viennent sur son territoire de s’intégrer.

S’il y a contrat, il y a engagement des deux parties. Si, comme M. Blisko le soutient, on ne doit pas retirer son titre de séjour à un immigrant qui ne respecte pas son contrat, il n’y a plus que la France qui s’oblige à quelque chose ! On ne doit certes pas le lui retirer s’il ne réussit pas son examen, s’il fait trop de fautes de grammaire, mais tout devient différent s’il n’assiste pas aux formations organisées, à partir du moment où elles sont accessibles. Tout dépendra donc du décret d’application, comme malheureusement souvent, et donc de l’administration – le Parlement n’interviendra pas. La commission des lois aurait tout à gagner à entendre le ministre concerné avant que le décret soit pris !

Le rapporteur a proposé un amendement relatif à l’information sur la vie en France. C’est essentiel : il faut permettre aux parents qui arrivent sur notre territoire de connaître leurs obligations et leurs droits vis-à-vis de leurs enfants. Rien n’est plus dramatique que de voir des enfants devenus les médiateurs entre leurs parents et la société et qui disent ce qui est permis ou non à leurs parents, qui perdent ainsi toute forme d’autorité. On n’élève pas les enfants de la même façon à Bamako, à Séoul ou à Tokyo. Il faut absolument que tous les parents soient informés. Les communes développent des lieux d’écoute pour les parents. Il faut poursuivre dans ce sens plutôt que de laisser les associations leur expliquer, pays par pays, ce qu’ils doivent faire.

En ce qui concerne le refus de renouvellement du titre de séjour en cas de non-respect manifeste du contrat, je souhaite que le maire puisse être consulté. Il arrive que quelqu’un ne puisse pas se rendre aux formations, parce qu’il travaille ou qu’il a des problèmes de garde d’enfants. Les services sociaux suivent ces gens. Ils peuvent dire si les raisons qu’ils invoquent sont réelles ou non.

Enfin, les moyens de formation en français langue étrangère sont très insuffisants dans l’éducation nationale. Aucune formation spécifique n’existe pour les enseignants. Le contrat d’intégration suppose un énorme effort dans ce domaine, avec des enseignants formés, une méthode et des objectifs. Imaginez le nombre de postes nécessaires pour la seule Seine-Saint-Denis !

M. le Président – Je demande à chacun de faire preuve d’un peu de concision.

M. Gérard Bapt - L’aggravation de la précarité qui va résulter de ce texte aura un grand retentissement sur la santé des personnes. Les élus locaux sont très au fait de la situation – et je rejoins M. Lagarde dans son souci qu’ils soient consultés. Récemment, j’ai obtenu la régularisation d’une famille dont un enfant était scolarisé dans ma commune. J’ai vécu leur angoisse, j’ai vu les problèmes psychologiques qu’a connus la mère. Ce sont les acteurs de terrain, pas une administration éloignée et anonyme, qui peuvent apprécier les exigences préalables à l’intégration que vous mettez en place.

Les conséquences de l’irrégularité sont importantes sur la santé, tant physique que mentale. L’exclusion des sans papiers de la protection sociale les condamne à la précarité. Le travail sans titre de séjour est synonyme de conditions de travail dégradées, d’exposition aux risques, d’absence de prévention, de manipulation de produits toxiques ou de négligence de l’encadrement. Les hébergements précaires ou insalubres favorisent les problèmes de santé. La survie au quotidien exclut les pratiques prophylactiques et le recours aux premiers soins. Hier, à Lille, une femme suivie par les services sociaux et qui n’était même pas sans papiers a accouché dans la rue !

La réforme de l’AME a évidemment aggravé la situation des étrangers par rapport à la santé, surtout s’ils sont en situation irrégulière. Une grande partie d’entre eux se retrouve de fait exclue du système de santé, par méconnaissance du dispositif et à cause de la complexité des procédures. Il leur est notamment difficile d’obtenir une domiciliation et de fournir les documents justifiant d’une ancienneté de résidence de plus de trois mois.

Ajoutons à cela la circulaire du 21 février 2006 qui mentionne les hôpitaux parmi les lieux dans lesquels une interpellation peut être faite ! Connaîtrons-nous un jour la honte de voir une personne en situation irrégulière interpellée lors d’une consultation hospitalière, voire dans un bloc opératoire ?

M. Christian Vanneste - J’aime beaucoup M. Blisko, qui a des convictions fortes et qui les défend avec beaucoup de sincérité, mais son intervention de tout à l’heure m’a déçu, car elle est en complet décalage avec ce qui me paraît fondateur de l’idéal républicain, à savoir le contrat. Nous avons précisément la chance d’examiner un texte qui souligne l’importance du contrat.

M. Blisko nous dit que l’immigration est un fait. Mais le fait n’est pas le droit, comme nous l’explique Jean-Jacques Rousseau. M. Blisko définit ensuite la liberté comme l’absence de contraintes. Mais ce n’est pas cela, la liberté ! La liberté républicaine consiste à assumer sa volonté et ses choix, pas à refuser d’apprendre la langue du pays où l’on veut vivre, comme s’il s’agissait là d’une terrible contrainte ! Enfin, M. Blisko nous explique qu’il ne faut pas de sanctions et que celles-ci rappellent l’école. Mais moi, je suis fier d’avoir été formé à l’école républicaine, une école où il y avait des sanctions, à la fois positives – les récompenses – et négatives – les punitions. Nous avons été formés ainsi et j’estime que nous avons été bien formés.

L’homme de droite que je suis a toujours eu une grande vénération pour Rousseau, qui me paraît être le penseur de la société moderne, c’est-à-dire une société où l’homme ne subit pas ce qu’il est, ne subit pas le fait, mais choisit et accomplit des actes de volonté. C’est cela, le contrat, et c’est cela que nous propose ce texte : une immigration fondée sur un contrat, autrement dit un accord des volontés.

Qu’est-ce que la liberté républicaine ? C’est encore une fois Rousseau qui la définit comme l’obéissance à la loi que l’on se prescrit à soi-même. C’est le fait, lorsque l’on veut quelque chose, de vouloir aussi les conséquences de ce que l’on veut ! Si je veux venir en France, je veux aussi obéir à la loi française (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), je veux parler la langue française, je veux connaître les valeurs françaises ! À partir de là, on a le droit de vivre en France et peut-être un jour celui de devenir Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Noël Mamère - On nous dit sur les bancs de la droite que cette loi est faite pour éviter le communautarisme, mais lors des événements de novembre, n’était-ce pas le ministre de l’intérieur qui avait demandé aux imams de jouer un rôle de modérateur ? Les jeunes des banlieues ont répondu aux imams comme au ministre de l’intérieur par une sorte de bras d’honneur et ils ont eu bien raison (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), car leur révolte n’avait rien à voir avec la religion mais était une réaction aux conditions sociales, aux discriminations et aux injustices dont ils sont victimes ! Arrêtez donc de justifier une loi répressive comme celle-ci – aussi répressive que celle de 1937 – par une prétendue volonté d’éviter le communautarisme, alors que le ministre de l’intérieur confessionnalise les rapports sociaux et instrumentalise la religion !

Le problème de ce pays, c’est que l’on ne veut pas reconnaître que notre société est désormais multiculturelle. M. Vanneste et d’autres nous expliquent que la République doit tout uniformiser…

M. Christian Vanneste - Ai-je dit cela ?

M. Noël Mamère - …alors que notre pays est riche de sa diversité multiculturelle.

Le contrat d’accueil et d’intégration n’est qu’un leurre, un alibi, dans un ensemble dont l’objectif est l’immigration jetable, utilitaire. Il a pour objet de cacher un peu l’accumulation de dispositions policières qui ne visent en réalité qu’à multiplier les obstacles à l’intégration, qu’il s’agisse d’obliger les étrangers à aller chercher leur visa de long séjour dans leur pays d’origine ou de supprimer le dispositif qui permettait une régularisation au bout de dix ans de résidence.

Je note d’autre part que ce texte nous renvoie une fois de plus à des décrets en Conseil d’État. Nous commençons à avoir l’habitude de ces lois que l’on nous demande d’examiner en urgence et dont le flou est la vertu première, mais nous ne pouvons pas accepter que la représentation nationale soit ainsi privée d’un réel contrôle sur le contenu de la loi.

Enfin, je ne suis pas d’accord pour renforcer ainsi le pouvoir des préfets et des maires…

M. Jacques Myard - Même à Bègles ?

M. Noël Mamère - À Bègles comme ailleurs ! Tant que je serai le maire de Bègles, il n’y aura pas de police municipale, car j’estime que l’ordre public fait partie des compétences régaliennes de l’État. Je ne veux pas de maires shérifs, je ne veux pas non plus de maires et de préfets qui décident arbitrairement qui a le droit ou non de s’intégrer dans ce pays.

M. Jérôme Lambert - L’article 4 ne nous dit pas les critères qui devront être retenus, de sorte que le risque d’arbitraire est en effet réel, et ce alors même que les sanctions sont aggravées, puisque l’on pourra renvoyer chez eux les étrangers connaissant de trop grandes difficultés d’intégration. Aucune garantie n’est apportée concernant tous ceux qui connaîtraient en effet des difficultés malgré leur bonne volonté. Qu’est-ce qui nous garantit qu’il en sera tenu compte ? Comment fera-t-on pour assurer l’intégration sur tout le territoire, y compris dans les points les plus enclavés ou les plus ruraux ? Prenons donc vraiment garde à l’arbitraire.

M. Patrick Braouezec - M. Vanneste nous dit qu’il faut obéir à la loi française. Personne ne dit le contraire, mais il ne faut pas demander plus, de ce point de vue-là, aux étrangers qu’aux Français.

M. Serge Blisko - L’égalité.

M. Patrick Braouezec - Oui, il faut que tout le monde obéisse à la loi française. Obéir aux principes républicains ? Oui, bien sûr. Mais obéir aux « valeurs françaises » ? Je connais des valeurs universelles, je connais la loi française, mais je ne sais pas, Monsieur Vanneste, ce que sont ces valeurs françaises auxquelles il faudrait obéir !

Ensuite, j’ai l’impression qu’à droite, on confond communauté et communautarisme. L’appartenance à une communauté est utile pour forger une identité personnelle et collective. Venez donc voir le patronage espagnol le week-end à Saint-Denis et Aubervilliers. Cela n’a rien à voir avec un repli sur soi.

M. Jacques Myard - D’accord, mais on vise ceux qui veulent l’application de la loi personnelle.

M. Patrick Braouezec – On peut tout à fait être attaché à sa communauté et aux principes républicains.

Pour en venir à l’article, il est certes utile, et nécessaire, d’avoir une formation civique et linguistique. C’est même un gage de liberté pour les migrants.

M. Jean-Christophe Lagarde - C’est une chance pour eux.

M. Patrick Braouezec - Tout à fait. Mais je ne peux accepter qu’on mette comme condition de leur présence sur le territoire la réussite à des examens.

M. Jacques Myard - Heureusement, pourtant !

M. Patrick Braouezec – Or, c’est ce à quoi conduit le texte. Du moins, un décret en tirera les conséquences. J’ai été enseignant pendant vingt ans, comme vous, Monsieur Vanneste, et j’étais un instituteur exigeant. Mais j’adaptais les sanctions aux circonstances.

M. Christian Vanneste - Moi aussi !

M. Patrick Braouezec - Mais ici, la sanction au terme d’une formation qu’on jugerait non réussie, c’est de ne pouvoir rester en France.

M. le Rapporteur – C’est caricatural !

M. Patrick Braouezec - Pourtant, nous connaissons tous des gens d’un certain âge espagnols, portugais, maghrébins ou yougoslaves parfaitement intégrés et qui ne maîtrisent pas notre langue. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques Myard - Ce n’est pas vrai !

M. Patrick Braouezec - Que l’on fasse de la formation un droit, oui. Que l’on en fasse un moyen de sanction, c’est inacceptable.

M. Jacques Myard - Remettons les choses en perspective. C’est la première fois qu’on nous présente un projet global qui tient compte des réalités internationales. C’est que nous ne sommes qu’au tout début de l’immigration…

M. le Rapporteur – Absolument.

M. Jacques Myard - …en raison de la rupture démographique entre le Nord et le Sud. L’Afrique, qui comptait 250 millions d’habitants en 1950, en pèse aujourd’hui quatre fois plus, et selon l’ONU, on aura entre 1,5 et 1,650 milliard dans trente ans malgré les problèmes sanitaires. Nier cette pression serait un aveuglement coupable. Cela étant, nous voulons que notre politique reste humaniste. Dans cette situation complexe, il faut prendre en compte plusieurs obligations. La première est la maîtrise des frontières. La loi de 2003 a été un progrès, et ce projet est plus sévère car il faut afficher clairement notre volonté.

M. Patrick Braouezec - C’est une loi d’affichage !

M. Jacques Myard - Les régularisations massives ont créé un appel. Nous ne pouvons nous le permettre, car susciter le rêve entraîne des obligations de notre côté. C’est pourquoi les régularisations massives relèvent de la faute politique et de l’irresponsabilité. Supprimer les régularisations automatiques, simplifier les procédures d’éloignement, lutter contre les mariages de complaisance, assurer l’indispensable contrôle des regroupements familiaux, tout cela va dans le bon sens.

En revanche, il faudrait avoir le courage de dire qu’au niveau européen, la centralisation informatique des données dans le cadre de Schengen est une usine à gaz et qu’il faut revenir à des coopérations bilatérales ou multilatérales. J’aurais aimé que le projet en parle.

M. Bernard Roman - Vous diminuez les budgets européens !

M. Jacques Myard - J’en viens à l’article 4. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) Nous voulons défendre le « vouloir vivre ensemble ». Or il existe bien, à côté des principes universels, des valeurs françaises. Je regrette que, pour ce qui est de la laïcité, personne ne parle ici de la dignité des femmes que certaines pratiques religieuses transforment en objet (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Pour moi, il y a là un élément visible de non intégration et de refus du vivre ensemble. Dès lors, je me félicite qu’on mette en place un contrôle de l’accueil et des sanctions. J’ai défendu un amendement pour les rendre effectives.

Enfin, j’ai déposé également un amendement sur le codéveloppement. La gauche aime en parler, comme les Anglais parlent d’honneur. Mais sous le gouvernement Jospin, l’aide publique au développement a baissé de 10 %.

M. Bernard Roman - C’est faux ! Vous êtes un manipulateur !

M. Jacques Myard - C’est vrai et vous le savez très bien.

Cet amendement est tombé sous le coup de l’article 40. Il s’agit de créer un plan d’épargne retour sur le modèle du plan d’épargne logement, pour cofinancer des microentreprises. Je souhaiterais que le Gouvernement le reprenne. Il ne s’agit pas de retour forcé mais d’un contrat synallagmatique favorisant le retour économique.

Enfin, en réponse aux cris d’orfraie sur les droits de l’homme, je terminerai par cette citation : « les droits de l’homme, nous sommes tous pour, mais ce n’est pas une explication du monde ». C’est d’un homme de gauche, Max Gallo. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Noël Mamère - L’amendement 155 est de suppression. Nous nous en sommes expliqués, mais il me faut répondre à M. Myard. Il n’y a pas de politique de codéveloppement dans notre pays et les engagements du Président de la République n’ont pas été tenus : le Gouvernement que vous soutenez a réduit l’aide au développement. ( « Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) Comment croire que la Françafrique a disparu, quand le Président de la République salue la victoire dans les conditions que l’on sait du fils du dictateur Eyadéma au Togo,…

M. Serge Blisko - Un assassin !

M. Noël Mamère - …et celle d’Omar Bongo au Gabon, quand les armées françaises aident le dictateur Idriss Deby à s’imposer au Tchad par la violence et le meurtre ? S’il y a une politique de codéveloppement, elle est menée par certaines régions et collectivités locales, et par les immigrés. Les Maliens de France apportent plus à leur pays d’origine que nous ne le faisons.

M. Patrick Braouezec - Trois fois plus.

M. Jacques Myard - Ce projet va à l’encontre de la générosité. Et arrêtez de nous seriner les droits de l’homme. Ils sont universels, et il n’y a pas de valeurs françaises, Monsieur Vanneste.

M. Christian Vanneste - Il y a les droits du citoyen que vous ignorez en tant que maire !

M. Noël Mamère – Il y a les valeurs de respect et de dignité de l’homme telles qu’elles figurent dans la déclaration universelle et la convention européenne des droits de l’homme. Elles seules nous guident, et ces droits universels ne sont pas à géométrie variable selon les majorités politiques.

M. Jacques Myard - Rappel au Règlement. M. Mamère vient de se faire le défenseur d’un interventionnisme désuet. Il y a eu des élections, dans les conditions que l’on sait, certes. Mais que fallait-il donc faire ? Intervenir au Togo et au Gabon ?

Quant à l’aide au développement, vous pouvez plaider coupable. Il y a vingt ans, lorsque j’étais au cabinet du ministre de la coopération, elle était de 0,57 % du PNB ; avec M. Jospin on est tombé à 0,32 %, et aujourd’hui on est revenu à 0,40 %. Alors, Messieurs de gauche, balayez devant votre porte !

M. Bernard Roman - Mais le périmètre a changé !

M. Jacques Myard - Je parle de l’aide globale.

M. Julien Dray - Rappel au Règlement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Monsieur Myard, il existe effectivement une divergence fondamentale entre nous. Elle est tout entière contenue dans les propos que l’actuel Président de la République a tenus en Côte d’Ivoire il y a quelques années. Il avait alors déclaré que les pays africains pouvaient connaître un modèle de développement différent du nôtre et se passer de la démocratie…

M. Serge Blisko - Quelle honte !

M. Jacques Myard - Caricature !

M. Julien Dray – C’est ce qu’il avait dit lors d’une visite à « Papa Houphouët ». Rien d’étonnant à cela puisque la politique africaine de la France, dans la continuité du parti gaulliste, a toujours consisté à soutenir des régimes qui n’étaient pas démocratiques. Or sans démocratie, pas de développement possible car c’est la corruption généralisée !

M. Jacques Myard - N’importe quoi !

M. Julien Dray – C’est la raison pour laquelle nous n’avons jamais mené une politique de co-développement. Tant que la France continuera de soutenir des régimes dictatoriaux,…

M. Jacques Myard - Des mots ! Des mots !

M. Julien Dray - …les peuples d’Afrique continueront à souffrir car l’aide au développement est détournée !

M. Jacques Myard – C’est le discours de Bush !

M. Julien Dray - Allez donc faire la guerre en Irak !

M. le Président – Je vous en prie ! Un peu de calme !

M. le Ministre délégué – Je souhaite que nous revenions à la discussion des amendements au plus vite. Avant cela, permettez-moi de répondre aux quelques contrevérités qui viennent d’être assénées. C’est en 1994 que l’aide publique au développement a été la plus forte avec 0,62 % du PNB…

M. Jacques Myard - Eh oui !

M. le Ministre délégué - …et en 2000, sous Lionel Jospin, qu’elle a été la plus basse avec seulement 0,31 %. Aujourd’hui, elle représente 0,47 % du PNB !

M. Bernard Roman - Le périmètre de l’aide a changé !

M. le Ministre délégué – Par ailleurs, je voudrais revenir sur les propos particulièrement choquants que M. Mamère a tenus sur l’appel lancé par le ministre de l’intérieur aux imams durant la crise des banlieues. Selon lui, les jeunes n’auraient écouté ni l’appel du ministre de l’intérieur, ni celui des imams.

M. Julien Dray - M. Sarkozy a paniqué !

M. le Ministre délégué – Je veux rappeler que M. Sarkozy s’adressait alors à tous ceux qui participent au respect du pacte républicain dans notre pays :…

Plusieurs députés socialistes – Non ! La religion relève de la sphère privée !

M. le Ministre délégué - …les responsables religieux, dont les imams, les membres des associations, les responsables institutionnels et les élus locaux. Je veux d’ailleurs rendre hommage à tous ceux qui ont répondu à cet appel. Les Français attendaient fermeté et justice et c’est grâce à eux que les lois de la République ont prévalu sur la loi des bandes et que nous sommes venus à bout de la crise des banlieues (M. Myard applaudit).

M. Noël Mamère - Rappel au Règlement. Je comprends que M. Estrosi tente de disculper le ministre de l’intérieur.

Plusieurs députés UMP - Ce n’est pas un rappel au Règlement !

M. Noël Mamère – Mais quelle est la réalité ? Vous n’avez aucunement résolu le problème des banlieues. Vous avez simplement déclaré l’état d’urgence, triste et douloureuse référence à la guerre d’Algérie. Rien n’a changé, si ce n’est qu’il y a eu un renforcement des mesures policières et une montée des humiliations. Vous êtes bien placés pour le savoir puisque votre gouvernement a réduit de manière drastique…

M. le Ministre délégué – Monsieur le président, serait-il possible de revenir à la discussion des amendements ?

M. Noël Mamère - …les subventions aux associations pour l’accompagnement social et scolaire. Ce n’est pas en posant le couvercle sur la marmite que vous résoudrez le problème des banlieues ! Les braises ne sont pas éteintes.

D’autre part, je pourrai citer de nombreuses déclarations du ministre de l’intérieur dans lesquelles il confond questions sociales et religieuses. Le ministre de l’intérieur est un apprenti sorcier (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Il a contribué à allumer le feu dans les banlieues en prononçant les mots que l’on sait et que je ne répèterai pas ici et il ouvre la porte au communautarisme en confessionnalisant les rapports sociaux. C’est inacceptable !

M. Julien Dray - Rappel au Règlement.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois - Encore !

M. Julien Dray - Monsieur le ministre, la crise des banlieues n’est pas derrière nous. Nous la vivons tous les jours, voire tous les soirs ces temps-ci, même si les caméras se sont éloignées et les banlieues ne font plus la une de l’actualité

M. Jacques Myard - Personne n’a dit le contraire.

M. Julien Dray - Vous avez déserté le combat, vous avez laissé les élus locaux et les associations se débrouiller seuls.

M. Serge Blisko - Dans ces quartiers, il n’y a plus de services publics.

M. Julien Dray – Nous attendons toujours les 100 millions d’euros que le Gouvernement avait promis pour réparer les dégâts des émeutes, et la reconquête du territoire qui avait été annoncée. Dans la plupart des cas, vous vous contentez de disposer des forces autour des cités et vous laissez la violence s’installer dans les quartiers. Le bilan de votre politique en matière de lutte contre l’insécurité est désastreux : vous avez sécurisé les beaux quartiers et abandonné les quartiers en difficulté. L’heure n’est plus aux gesticulations médiatiques : les visites du ministre de l’intérieur se font rares car elles sont sources de tension et l’on n’entend plus parler des GIR.

S’agissant de l’appel lancé par Sarkozy aux communautés religieuses, ce ne sont certainement pas les imams qui ont permis de rétablir le calme, mais les élus locaux et les associations. Ensuite, nous devrons un jour débattre de la manière dont vous avez organisé l’Islam en France avec le Conseil des Français musulmans de France et du pacte secret que le ministre de l’intérieur a passé avec une organisation qui posait d’énormes problèmes par rapport au pacte laïc. Le bilan est encore une fois désastreux. Pour preuve, des hauts responsables en ont démissionné. C’est une erreur d’avoir voulu sous-traiter la gestion des problèmes aux communautés. Dernier exemple de votre communautarisme, vous avez proposé dans un amendement que le contrat d’intégration soit signé dans la langue compréhensible par celui qui le signe. Cela revient à justifier le multilinguisme.

M. le Président – Monsieur Dray, concluez !

M. Julien Dray - Je rappelle qu’au Canada, la formation à la langue est délivrée en amont, dans les consulats et que le contrat est signé dans la langue du pays d’accueil !

M. Bernard Roman – Par l’amendement 272, nous proposons de supprimer l’article 4. Revenons en quelques mots sur ce contrat d’intégration qui a été présenté dans un contexte erroné, notamment par M. Decocq. L’intention peut être louable et l’expression de la volonté d’une immigration maîtrisée compréhensible. Reste que ce contrat ne s’appliquera qu’à ceux qui solliciteront l’accueil dans notre pays, et non aux centaines de milliers de clandestins (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). D’autre part, vous allez gonfler le nombre des clandestins puisque vous rendez ce contrat obligatoire pour l’obtention d’un titre de séjour. Par ailleurs, quel besoin d’introduire ce contrat dans ce projet de loi, puisqu’il existe déjà ? En effet, dans la loi de cohésion sociale – que nous avons votée –, M. Borloo a créé et défini le contrat d’accueil et d’intégration, avec des droits et des obligations pour les deux parties, l’immigré et l’État, ce qui n’est pas le cas ici. Est-ce que les divisions au sein du Gouvernement sont telles que M. Sarkozy ne peut se satisfaire d’une mesure législative votée par l'Assemblée quasi unanime et souhaite créer un nouveau contrat ? Qui plus est, le respect de ce dernier devient, dans l’arbitraire le plus total, une condition de renouvellement du titre de séjour, selon des critères dont nous ne pouvons débattre puisqu’ils seront définis par décret. C’est la raison pour laquelle nous demandons, par notre amendement 272, la suppression de cet article.

M. Patrick Braouezec - Je souhaite d’abord revenir sur ce que certains appellent « la révolte des banlieues ». Ce qui s’est passé aux mois d’octobre et de novembre et qui se répétera malheureusement, puisque rien n’est réglé, n’est pas une crise des banlieues, mais la manifestation d’une crise de l’État, des institutions, de la société. Elle s’est produite là où les conséquences de ces crises sont les plus graves, non pas dans les banlieues, mais dans les quartiers populaires – il y a eu plus d’incendies à Versailles qu’à Saint-Denis. Attribuer aux banlieues la responsabilité du malaise social, c’est prendre les causes pour les conséquences !

L’amendement 488 vise à supprimer l’article 4, qui est flou : on ne sait pas exactement ce que contiendra ce contrat et on n’en connaît pas non plus les effets puisque nombre de dispositions sont renvoyées à un décret d’application. Je suis par ailleurs surpris, Monsieur le ministre, que vous n’ayez pas fait valoir l’article 40, car tout ceci aura un coût.

M. Jérôme Rivière - Le Gouvernement ne peut appliquer l’article 40 à son propre texte !

M. Patrick Braouezec - J’aimerais savoir comment cette disposition sera financée.

M. le Ministre délégué – C’est une très bonne question.

M. Patrick Braouezec - Merci, Monsieur le ministre. Vous comprenez mieux mon propos que ces messieurs de la majorité, qui vocifèrent…

M. le Rapporteur – Il y a aussi des femmes qui siègent.

M. Patrick Braouezec – Oui, mais elles ne vocifèrent pas. C’est peut-être là la différence entre une femme et un homme de droite (« Sexiste ! »sur les bancs du groupe UMP).

J’aimerais en tout cas connaître le contenu du décret, afin de sortir un peu du flou ! Enfin, il me paraît inconcevable d’assujettir l’obtention d’un titre de séjour à la réussite à un examen. La sanction serait sans commune mesure avec ce que propose, avec justesse d’ailleurs, le texte : une formation civique et linguistique qui rende les personnes indépendantes et libres.

M. le Rapporteur – Il s’agit d’un article clé de ce projet de loi, car il consacre le lien entre immigration et intégration. Avant 2003, ce lien n’existait pas : l’intégration relevait de la politique de la ville, qui finançait les ravalements, les associations de quartiers, les stades, mais ne s’occupait pas des personnes individuellement. La loi de 2003 a créé le contrat d’accueil et d’intégration. En juin, les plateformes nécessaires seront en place sur la totalité du territoire, hormis la Haute-Corse, la Corse du Sud, le Limousin et les DOM. Le bilan, après deux ans, est a priori très positif : plus de 90 % des immigrés signent le CAI. Toutefois, il ne s’agit que d’une formalité et, par ce projet, nous proposons donc de transformer ce contrat en ardente obligation.

Vous-même l’avez dit, Monsieur Braouezec, la maîtrise de la langue permet d’acquérir une certaine liberté. Cela vaut la peine de subir quelques contraintes, voire de prendre sa mobylette pour se rendre au chef-lieu de canton.

M. Jacques Myard - Pour sortir du ghetto !

M. le Rapporteur - Sans polémiquer sur les émeutes de l’an dernier, j’estime que si l’on avait intégré la première génération d’immigrés, les deuxième et troisième générations n’auraient pas causé les problèmes que l’on sait.

Le DILF, sur lequel M. Dray m’a interpellé, ne ressemble pas à l’agrégation de grammaire ! Il vise à contrôler les compétences orales, telles que comprendre une indication simple, une information chiffrée ou l’heure, demander un prix ou exprimer un besoin, et des compétences à l’écrit telles que recopier une adresse, un numéro de téléphone, compléter un formulaire ou laisser un message simple. Mais, comme l’indique le formulaire concernant le DILF : « La langue que l’on s’approprie, c’est la culture et les valeurs citoyennes du pays d’accueil que l’on fait siennes ».

Monsieur Braouezec, vous nous accusez de créer une sanction sans commune mesure avec la nature du diplôme en prévoyant la possibilité de refuser un titre de résident longue durée. Mais cela signifie que les intéressés disposent de cinq ans pour apprendre à demander l’heure, un prix ou comprendre une question. Monsieur Roman, vous affirmez que cela crée une contrainte supplémentaire pour les illégaux. Mais après une présence de dix ans sur le territoire, ceux-ci devraient être largement en mesure de faire ce qu’on leur demande avec le DILF !

Enfin, je suis formellement en désaccord avec M. Blisko. Je considère que l’apprentissage de la langue française est absolument indispensable pour une mère de famille, par exemple. Même si cela lui est difficile, c’est lui rendre service, à elle et à ses enfants, que de l’obliger à apprendre le français.

Mme Marie-Jo Zimmermann - C’est absolument nécessaire !

M. le Rapporteur – Voilà les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis négatif sur ces trois amendements de suppression.

M. le Ministre délégué – Comme l’a souligné M. Mariani, il est vrai que les politiques d’intégration ont longtemps consisté à régler les problèmes matériels, à soutenir les associations, à multiplier les aides et l’accompagnement social. Aujourd’hui, nous prenons en compte la place des étrangers dans notre pays et nous nous préoccupons de leur assurer une dignité : c’est la première fois qu’un texte portant sur l’immigration propose une vraie politique d’intégration.

Vous êtes hostiles au contrat d’accueil et d’intégration. Dont acte. Pour notre part, nous le jugeons nécessaire, car il ne peut pas y avoir d’immigration durable, acceptée par les Français et bénéfique aux migrants, sans intégration réussie. Et, pour qu’elle réussisse, il faut commencer par construire un parcours d’intégration cohérent, assorti d’outils adaptés. Or, j’ai l’impression qu’il existe un malentendu entre nous : il me semble que vous confondez le point de départ et le point d’arrivée.

L’étranger admis pour la première fois en France signera un contrat comportant des engagements mutuels. Il est exact que tel était déjà le cas, Monsieur Roman, mais ce contrat n’était que symbolique et facultatif. Nous le rendons obligatoire sans le modifier, même si nous apportons certaines précisions.

C’est d’abord l’État qui s’engage – formation linguistique, orientation dans les démarches vers l’emploi et, enfin, adaptation à la société française. De son côté, le migrant s’engage à apprendre la langue française et à respecter les lois et les valeurs de notre République.

Si M. Braouezec refuse qu’on exige une adhésion aux valeurs de la France, il me semble au contraire essentiel que nos lois et nos valeurs soient respectées,…

Plusieurs députés socialistes – C’est différent !

M. le Ministre délégué - …notamment l’égalité entre les hommes et les femmes !

Plusieurs députés du groupe UMP – Très bien !

M. Julien Dray - Mais il s’agit d’une valeur universelle !

M. le Ministre délégué – À M. Lagarde, qui s’interrogeait sur le décret d’application, je répondrai que son contenu est déjà largement précisé par les dispositions de ce projet, et qu’il le sera encore par les amendements déposés. Nous souhaitons en effet que le Parlement apporte le plus de précisions législatives possibles, et que la commission des lois soit consultée avant que le décret soit pris.

M. Jean-Christophe Lagarde - Très bien !

M. le Ministre délégué – J’ajoute que je ne verrais que des avantages à ce que l’avis des maires soit également recueilli. Enfin, je prends l’engagement formel, au nom du ministre d’État, de publier ce décret dès le début du mois de septembre. Le calendrier est donc bel et bien fixé !

M. Julien Dray - Mais ce ne sera plus le même ministre !

M. le Ministre délégué – Contrairement à ce qu’affirmaient MM. Mamère, Braouezec et Roman, ce contrat n’est pas que du « papier », car nous y consacrons des moyens ! D’ailleurs, j’ai été surpris que M. Roman, parlementaire expérimenté, fasse référence à l’article 40 : il s’agit d’une disposition prévue dans le texte gouvernemental.

De fait, les moyens existent : sous sa forme actuelle, le CAI a bénéficié de 38 millions d’euros en 2004 et de 49 en 2005, et ce sont 51 millions qui ont été inscrits à ce titre en loi de finances pour 2006.

M. Julien Dray - On ne les a jamais vus !

M. le Ministre délégué - Dans ces conditions, comment M. Mamère peut-il donc qualifier ce contrat d’« alibi » ?

J’ajoute que, comme tout contrat, le CAI devra être respecté : lorsque l’étranger demandera une carte de résident de dix ans, au terme de cinq années de séjour en France, il devra désormais démontrer qu’il s’est intégré.

Plusieurs députés UMP – Et c’est bien normal !

M. le Ministre délégué – Le respect du contrat sera ainsi vérifié à l’issue du parcours d’intégration, dont j’ai l’impression que vous ne voulez pas !

Sous prétexte que le contrat d’accueil et d’intégration existe déjà, comme vous le faites valoir dans l’exposé des motifs de vos amendements de suppression, il ne faudrait pas chercher à l’améliorer ? Nous affirmons le contraire ! Vous parlez également d’une obligation humiliante et pour la France et pour l’immigrant. Mais est-ce humiliant de recevoir des cours de français quand on ne parle pas notre langue ? Est-ce également humiliant de suivre des cours présentant nos institutions ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Vous affirmez enfin qu’il s’agirait d’un outil de « tri sélectif ». Permettez-moi de vous dire que je suis particulièrement choqué de vous entendre utiliser les mots de Jean-Marie Le Pen ! (Signes d’approbation sur plusieurs bancs du groupe UMP)

La France n’est pas une terre en jachère : si on décide de demeurer en France, il faut respecter ses règles, ses droits, ses devoirs, son histoire, sa culture et ses traditions. On accepte de poser à visage découvert pour une photo d’identité et on accepte que son épouse soit soignée par n’importe quel médecin. C’est cela, la République française ! Et c’est pourquoi nous proposons un contrat d’accueil et d’intégration (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Christophe Lagarde - Je voterai contre les amendements de suppression.

Si le débat a dérivé, il a cependant mis en lumière un point important : l’absence de développement et la misère dont sont victimes des pays proches de nous constituent la cause première de l’immigration. Or, comme le soulignait M. Mamère, la France n’a jamais mené de véritable politique en faveur du développement depuis la décolonisation. Certes, les crédits alloués à l’aide au développement augmentent, mais nul ne sait où va cet argent (Protestations sur certains bancs du groupe UMP).

Ainsi, malgré tous les beaux discours de François Mitterrand sur la démocratie, l’Afrique n’a guère progressé sur cette voie. Il serait pourtant souhaitable que nous fassions preuve de la même intelligence que les Américains, qui après avoir soutenu des régimes autoritaires en Amérique latine, ont finalement décidé de favoriser les mutations démocratiques. Nous aurions moins besoin de légiférer dans cet hémicycle si l’on vivait plus heureux en Afrique !

Évoquant des personnes qui vivent en France depuis quarante ans sans pour autant parler français, M. Braouezec affirme qu’elles sont « intégrées ». Or, elles ne peuvent pas être autonomes dans notre pays, ce qui est pourtant le but même de l’intégration ! Et cet impératif d’autonomie vaut aussi et peut-être surtout pour les femmes !

Contrairement à MM. Mamère et Braouezec, qui refusent la notion de « valeurs françaises », je crois que, si notre pays a toujours prétendu à l’universalité, il n’a pas toujours réussi à transmettre au monde toutes ses valeurs. Par exemple, la laïcité n’est pas une valeur universelle, la plupart des pays ne la reconnaissant pas, y compris dans l’Union européenne ! Voilà donc une valeur spécifiquement française ! (Signes de dénégation sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

Enfin, comment accepter que le non-respect d’un contrat ne soit pas sanctionné ? Par nature, un contrat est en effet un accord entre deux parties, et il doit emporter des conséquences si l’une y manque.

De même que tout le monde va évidemment se jeter sur la carte d’étudiant si l’on ferme d’autres possibilités d’obtenir un titre de séjour, de même personne ne fera l’effort de respecter ses engagements si aucune sanction n’est prévue, chacun le sait !

Tout dépendra bien sûr des conditions d’application – et je propose d’ailleurs de créer une mission d’évaluation à ce sujet – mais la sanction est nécessaire : si les parties ne s’obligent pas, le contrat n’a plus de sens.

M. le Président – Je ne doute pas, mes chers collègues, de l’importance de cet article. Nous avons néanmoins plus de sept ou huit inscrits pour répondre à la commission ! Afin de ne pas être contraint d’appliquer la règle selon laquelle ne peuvent répondre sur chaque amendement que deux orateurs, l’un pour et l’autre contre, je vous demanderai à tous un effort de concision. Je souhaite que le débat ait lieu, mais il pourrait être plus ramassé.

M. Claude Goasguen - Sur l’article 4, nous sommes presque à fronts renversés. En effet, si des parlementaires ne devraient pas se montrer hostiles à ce contrat, ce sont bien ceux de gauche ! Lors de la première vague d’immigration, dans les années cinquante et soixante, il s’agissait seulement de recevoir des travailleurs sans que nul se soucie de les intégrer en leur donnant une formation civique. Que transmettre, alors, à la seconde génération ? Comment des partis de gauche peuvent-ils oublier l’éducation populaire et la scolarité obligatoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques Myard - Excellent !

M. Claude Goasguen - Avec ce genre de raisonnement, l’école n’aurait jamais été obligatoire. Quelle différence avec le principe du contrat d’accueil ? Comment la gauche peut-elle ainsi rejoindre les positions des ultra-libéraux américains ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Jacqueline Fraysse - Arrêtez ces caricatures !

M. Claude Goasguen – Aux États-Unis, 12 millions d’immigrés hispanophones ne parlent pas l’anglais et les Américains découvrent maintenant qu’ils auraient dû faire quelques efforts de formation plutôt que de jouer la carte communautariste.

Nous avons là un excellent article.

Mme Marie-Jo Zimmermann - Oui ! C’est le meilleur !

M. Claude Goasguen – Lorsque cette question s’est posée avec la loi Chevènement, Monsieur Dray, le gouvernement d’alors avait jugé que les documents officiels devaient être rédigés en plusieurs langues. Permettez-moi donc de sourire de votre position d’aujourd’hui ! Vous ne pouvez pas ne pas voter cet article, à moins de vous déjuger. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jérôme Lambert – M. le rapporteur a dit qu’il ne voyait aucune difficulté à ce que les immigrés vivant en zone rurale se rendent, pour leur formation, jusqu’au chef-lieu de canton. Soit, mais je note qu’il faudra alors un centre de formation par canton.

Oui à l’intégration et à la formation, mais non à l’arbitraire d’une sanction administrative !

Mme Marie-Jo Zimmermann - C’est incroyable !

M. Julien Dray – Nous avons eu en effet ce débat en ce qui concerne les formulaires administratifs, qui peuvent très bien être rédigés en plusieurs langues, mais nous ne sommes pas dans le même cas de figure puisqu’il s’agit selon vous, avec ce contrat, d’un acte fondateur d’intégration : or, un contrat républicain doit être écrit dans la langue de la République, et ce n’est pas ce que vous proposez. C’est d’ailleurs votre droit, mais, comme M. Sarkozy, assumez votre abandon du modèle républicain et votre adhésion au communautarisme ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

En 1998, j’avais en effet évoqué dans un amendement la nécessité d’un acte symbolique fondateur, acte d’adhésion à la communauté républicaine. J’avais proposé que tous les jeunes – et pas seulement ceux d’origine étrangère –, à leur majorité, participent le 14 juillet à une cérémonie. On avait alors repoussé ce que d’aucuns appelèrent une « génuflexion devant la République ». Mais nous n’étions pas dans une logique de tri, tout le monde était sur le même plan – et ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Enfin, si vous aviez vraiment voulu préparer l’intégration dans le cadre d’une vraie démarche contractuelle, vous auriez organisé la formation linguistique et civique dans le cadre des consulats…

Mme Marie-Jo Zimmermann - Mais ce n’est pas aux consulats de le faire !

M. Julien Dray - …et cela aurait été positif.

En fait, ce contrat ne sera pas appliqué. C’est un paravent pour masquer l’échec de votre politique d’intégration (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Myard - De la vôtre !

M. Julien Dray – Vous n’avez rien fait,…

Mme Marie-Jo Zimmermann - Et vous ?

M. Julien Dray - …sinon communautariser et « ghettoïser » des populations. Vous n’aurez aucun moyen de vérifier, après cinq ans, la qualité de l’intégration, et des décisions arbitraires interviendront alors, ne faisant que renforcer l’immigration clandestine. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Patrick Braouezec – Je ne crois pas qu’une allégeance un peu cérémonieuse à la République serait souhaitable, mais au moins, elle serait égalitaire.

Attention, Monsieur le ministre, à certains propos. Si toute personne vivant sur le territoire français doit accepter les principes républicains, elle n’est en rien obligée d’adhérer à ce que vous avez appelé les traditions françaises. Et lesquelles, tout d’abord ? Elles changent d’une province à l’autre.

M. Claude Goasguen - Toi qui es Breton !

M. Patrick Braouezec – L’étranger devrait passer du fest-noz au gâteau landais ? Soyons sérieux ! Des dérapages sont possibles : on parle d’abord des valeurs, et l’on demande non plus une intégration mais une assimilation.

Mme Marie-Jo Zimmermann - Quelle incroyable mauvaise foi !

M. Patrick Braouezec – Deux philosophies s’affrontent autour de la nature humaine : l’une, sans faire preuve d’angélisme, la considère comme bonne, l’autre, comme mauvaise. Je suis à ce propos étonné que MM. Vanneste et Myard se soient réclamés de Rousseau, pour qui l’homme est naturellement bon et la société corruptrice.

M. Christian Vanneste - C’est le contrat social qui fonde la bonne société !

M. Patrick Braouezec - M. Lagarde disait tout à l’heure qu’il fallait contraindre les personnes à se lancer dans un processus d’apprentissage. Mais elles le feront librement si elles sont dans de bonnes conditions ! En outre, comment cette formation sera-t-elle délivrée ? Pendant le temps de travail ? En dehors ? Comment fera la mère de famille nombreuse ?

M. Étienne Pinte – Je ne suis pas d’accord avec M. Dray en ce qui concerne la traduction des contrats d’intégration. À l’Office français des réfugiés et des apatrides, où je représente l'Assemblée nationale, les migrants disposent de traducteurs afin de les aider à exposer leur situation. Aujourd’hui, même si c’est regrettable, on ne peut que traduire ces contrats dans la langue d’origine. En revanche, et je suis d’accord avec M. Dray, il faudrait disposer d’un système comparable à celui du Canada, où les démarches ont lieu en amont, dans les consulats. Le contrat se passe donc au départ, pas à l’arrivée. Sans compter qu’au Canada, les intéressés doivent apprendre non seulement l’anglais, mais le français ! Si nous pouvions organiser les choses de cette façon, ce serait bien préférable.

En ce qui concerne le financement de l’apprentissage des langues, je ne sais pas comment vous faites dans vos communes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) mais, dans la mienne, depuis dix ans, nous organisons des ateliers. Nous recevons quotidiennement des centaines d’hommes et de femmes de 45 nationalités, et il n’y a rien d’humiliant à s’y rendre. Un jour, j’ai été surpris d’y rencontrer une Algérienne de 60 ans, que je connais depuis longtemps et qui parle le français aussi bien que moi. Je lui ai demandé ce qu’elle faisait ici : elle m’a répondu qu’elle ne savait pas l’écrire… Nous avons donc mis en place des ateliers d’écriture et de lecture.

Quant au co-développement, lorsque le Président de la République s’est rendu en Côte d’Ivoire, il n’a pas parlé d’incompatibilité, mais a simplement pris acte de ce que le niveau de développement démocratique de certains pays n’était pas comparable au nôtre. Ces pays vont évoluer progressivement, et l’on ne peut pas attendre qu’ils aient atteint notre niveau avant de mener des actions de développement ! Il existe de nombreux programmes de co-développement intercommunaux, dans les pays d’Afrique notamment, et il faut les poursuivre.

M. Philippe Tourtelier - Nous sommes d’accord sur deux points : la formation, en particulier linguistique, et le principe du contrat. Mais un contrat doit être équilibré ! Ce que nous refusons, c’est que le contrat ouvre la porte à l’arbitraire. Or, la langue peut en être un instrument redoutable. Elle est un outil de sélection extrêmement efficace, au cours de la scolarité et dans la société, et c’est d’abord vrai pour les Français : on estime à 20 % la proportion de nos compatriotes illettrés ! L’illettrisme, c’est la difficulté à se débrouiller à l’écrit, et donc en particulier avec des documents administratifs. On demande donc aux immigrés beaucoup plus qu’aux Français ! Un Français peut être illettré, vous ne pourrez pas l’expulser, et d’ailleurs cela ne veut pas dire qu’il n’est pas intégré. Comme vous l’avez dit, il y a des gens qui parlent très bien le français et qui ne savent pas l’écrire. On va donc demander un double effort aux immigrés : à l’oral – ils devront être bilingues (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – et à l’écrit, ce que l’on ne réussit pas à obtenir des Français.

Mme Marie-Jo Zimmermann – On marche sur la tête !

M. Philippe Tourtelier - Au final, au bout de cinq ans, il sera extrêmement facile de montrer qu’ils n’y sont pas arrivés… Vous avez donc une arme formidable pour renvoyer ces gens, et surtout pour le faire de façon arbitraire.

Comme le disait M. Vanneste, un contrat marque la rencontre de deux volontés, à condition que les volontés soient libres et le contrat équilibré. En l’occurrence, les volontés ne sont pas libres, car l’immigration est subie par ces gens, et ils se voient proposer un contrat léonin. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Mme Marie-Jo Zimmermann - Ce débat me stupéfie ! La Délégation aux droits des femmes, que je préside, a rendu un rapport dont la toute première recommandation, acceptée par tous ses membres, de tous les groupes, touchait à l’apprentissage de la langue française. Et quel est le premier vœu émis par la ministre marocaine chargée de ses compatriotes établis à l’étranger, que je viens de rencontrer ? Que nous leur donnions la possibilité d’apprendre notre langue !

Mme Jacqueline Fraysse - Nous sommes d’accord !

Mme Marie-Jo Zimmermann - Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une question de respect des personnes : lorsqu’on accepte quelqu’un sur son sol, on lui enseigne sa langue. C’est la meilleure façon pour lui de s’intégrer – et non de s’assimiler, Monsieur Braouezec. Vous ne pouvez pas dire que des gens qui sont ici depuis vingt ans et ne savent pas parler français sont intégrés !

M. Patrick Braouezec - Ce n’est pas ce que j’ai dit !

Mme Marie-Jo Zimmermann - Je vous ai bien écouté ! Je suis profondément choquée du manque de respect que vous montrez ainsi. Lorsqu’on veut intégrer quelqu’un, on lui apprend la langue du pays.

M. Patrick Braouezec - Mais tout le monde l’a dit ! Ce n’est pas la peine de vous étendre sur le sujet.

Mme Marie-Jo Zimmermann – C’est la meilleure façon de s’assurer que les parents comprennent ce que disent les enseignants à leurs enfants.

M. Julien Dray - C’est dans nos communes qu’on alphabétise, pas dans les vôtres !

Mme Marie-Jo Zimmermann - Je ne comprends vraiment pas ces amendements de suppression. L’article 4 est fondamental.

M. Julien Dray - Inutile et abstrait.

Mme Marie-Jo Zimmermann - Il permettra d’intégrer réellement les gens que nous accueillons sur notre territoire. L’apprentissage de la langue est une des bases de la dignité de la personne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Les amendements 155, 272 et 488, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – Le contrat d’accueil et d’intégration est actuellement proposé aux primo-arrivants de plus de 18 ans. Or, des adolescents arrivent ici, dans une toute nouvelle culture, et l’école n’est obligatoire que jusqu’à 16 ans. L’amendement 42 propose donc d’étendre le parcours d’intégration aux jeunes de 16 à 18 ans, tout particulièrement s’ils maîtrisent mal la langue française.

M. le Ministre délégué – Le Gouvernement remercie le rapporteur pour cette excellente idée. En proposant le contrat d’accueil et d’intégration dès 16 ans, on ne fait qu’anticiper le parcours d’intégration de ces jeunes, qui pourront bénéficier de la formation linguistique et civique sans attendre.

L'amendement 42, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – Le contrat d'accueil et d'intégration, lancé en 2003 et qui sera généralisé au cours de l’année 2006, doit permettre à tous les primo-arrivants de s’intégrer – et donc de satisfaire aux conditions d’obtention de la carte de résident. Or, certains étrangers qui n’ont pas eu l’occasion de le signer vont devoir montrer qu’ils remplissent ces conditions. L’amendement 43, deuxième rectification, permet de gérer cette période transitoire en leur proposant de bénéficier des formations associées au contrat d'accueil et d'intégration.

M. le Ministre délégué – Avis favorable. C’est une précision utile.

M. Patrick Braouezec - Il s’agit bien d’une possibilité qui leur est offerte, pas d’une obligation ?

M. le Rapporteur – Oui.

L'amendement 43, deuxième rectification, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – Le contrat d'accueil et d'intégration est traduit dans la langue de l’étranger, mais il doit formellement être conclu en français, comme M. Dray l’a souhaité tout à l’heure. C’est l’objet de l’amendement 44.

Plusieurs députés socialistes – Vous donnez raison à M. Dray !

M. le Rapporteur – Nous avions simplement la même préoccupation.

M. le Ministre délégué – Le contrat doit être signé en français et accompagné d’une traduction pour être compris par l’étranger. Avis favorable.

L'amendement 44, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Roman - L’amendement 475 est défendu.

L'amendement 475, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Jacqueline Fraysse – Le projet énumère des éléments de la formation civique, dont l’égalité entre les hommes et les femmes. L’amendement 362 propose d’y ajouter la laïcité, une valeur fondamentale – et qui n’est d’ailleurs pas proprement française.

M. le Rapporteur - Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, avis défavorable : nous sommes d’accord sur le fond, mais nous ne pouvons pas énumérer toutes les valeurs visées ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Ministre délégué - Tout à l’heure, Monsieur Braouezec, vous réfutiez le principe des valeurs.

Plusieurs députés socialistes – Non ! La référence aux traditions !

M. Patrick Braouezec - Vous n’écoutez pas !

M. le Ministre délégué – Je suis très attentif à vos interventions, et il y a eu deux épisodes : un sur les valeurs, un sur les traditions. Nous sommes autant attachés aux unes qu’aux autres. Les cérémonies patriotiques, par exemple, sont une des traditions de notre pays, et la moindre des choses est que les étrangers les respectent.

La laïcité est une valeur que nous avons, je crois, tous en commun, mais comme elle est inscrite dans la loi française, l’ajout que vous demandez dans votre amendement n’est pas nécessaire. C’est pourquoi je vous suggère de retirer cette proposition.

M. Patrick Braouezec - Il a été question tout à l’heure, sur les bancs de la droite, de « valeurs françaises ». J’ai contesté cette notion en renvoyant aux valeurs universelles, après quoi M. Lagarde a expliqué qu’il existait à ses yeux une valeur strictement française : la laïcité. Je conteste aussi ce point de vue, car d’autres États que le nôtre ont assis leur république sur ce principe de laïcité, mais il est vrai que la France fait partie de ces rares États.

M. Christian Vanneste - Et la république, c’est une valeur française ?

M. Patrick Braouezec – Non, puisqu’elle est commune à d’autres pays !

Je ne vois donc pas pourquoi le ministre refuse que l’on ajoute la laïcité aux valeurs de la République mentionnées à l’article 4. La laïcité n’étant pas inscrite au fronton de nos édifices républicains, il serait très judicieux d’y faire ici référence.

M. François Loncle - On sait bien pourquoi le Gouvernement n’en veut pas ! Pour ne pas gêner l’UOIF !

M. Jean-Christophe Lagarde - L’article 4 dit que « la formation civique comporte une présentation des institutions françaises et des valeurs de la République. » La laïcité est une institution française, le chef de l’État a même dit, sous les applaudissements de la gauche, qu’elle était un des piliers de la République. Je n’ai pour ma part aucune difficulté à voter cet amendement, même si l’on peut le considérer comme superflu.

L'amendement 362, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Vanneste - L’amendement 45, adopté par la commission, a pour objet de rendre obligatoire le passage du test de langue française. Un contrat étant un accord de volontés, dans lequel chacun doit vouloir les conséquences de ce qu’il veut, il est normal de demander à une personne désireuse de vivre en France d’acquérir une capacité dans la langue française. Ce n’est absolument pas un contrat léonin, Monsieur Tourtelier ! Un contrat léonin est un contrat dans lequel tous les avantages sont pour une partie tandis que tous les inconvénients sont pour l’autre. L’apprentissage de la langue française serait à vos yeux un inconvénient ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Je pense au contraire que donner aux étrangers la possibilité d’apprendre le français est un service qu’on leur rend !

La plupart des pays européens ont prévu une disposition semblable, que ce soit en Allemagne, où le suivi de stage est obligatoire, au Danemark, où il y a un programme de trois ans, aux Pays-Bas, où l’obligation d’assiduité au stage va même prochainement être transformée en une obligation de résultat à l’examen, ou en Grande-Bretagne.

M. le Ministre délégué – Dans le cadre de l’expérimentation menée depuis 2003, nous constatons que seulement 40 % des personnes inscrites dans une formation linguistique suivent réellement celle-ci. Rendre obligatoire le passage du test en fin de cycle incitera plus fortement à l’assiduité. Avis favorable, donc, étant entendu que cette obligation ne s’appliquera évidemment pas aux étrangers qui auront été jugés déjà suffisamment francophones.

M. Philippe Tourtelier - Il faut arrêter les procès d’intention et cesser de faire comme si nous étions contre l’apprentissage du français par les immigrés, alors que nous sommes évidemment pour !

Mme Marie-Jo Zimmermann - Tant mieux !

M. Philippe Tourtelier - En revanche, nous sommes contre l’utilisation de la langue comme critère de tri sélectif pour la délivrance ou non de papiers (Protestations sur les bancs du groupe UMP). On ne dit pas aux Français qu’ils sont plus ou moins Français selon leurs résultats scolaires ! Mais c’est ce que vous voulez faire avec les immigrés, sachant qu’en plus, vous pourrez les expulser si leurs résultats ne sont pas satisfaisants ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Braouezec - Personne ici n’a dit qu’il était contre la formation civique et linguistique…

Mme Marie-Jo Zimmermann - Alors votez l’article !

M. Patrick Braouezec - …et personne n’a dit qu’il ne fallait pas respecter les valeurs républicaines, mais quand le ministre nous parle, au milieu d’une liste à la Prévert, des « traditions françaises », je ne suis plus d’accord. Nous n’avons pas à demander à qui que ce soit de se conformer à je ne sais quelles traditions françaises, car ce serait empiéter sur sa vie privée. Quant aux fêtes nationales, elles relèvent de la commémoration, ce qui est encore autre chose.

L’article est pour le moment rédigé de façon prudente : « La formation linguistique peut être sanctionnée par un titre ou un diplôme. » Écrire qu’elle le sera obligatoirement engage beaucoup plus le Gouvernement, mais il faudrait nous en dire plus : quel coût, quel titre, quel diplôme ? Reviendra-t-il encore au décret de le préciser ? Quelles seront les conséquences pour un étranger s’il n’atteint pas le niveau requis ? Et qui dira si ce niveau est atteint ou non ? Je pense que le Gouvernement sera en réalité incapable de créer ce titre ou ce diplôme et que cet article n’est donc que poudre aux yeux.

M. Serge Blisko - Lorsque l’on rate un examen en juin, on peut en général le repasser en septembre. Y aura-t-il ici une session de rattrapage ? Quelle sera la sanction en cas d’échec ? Les étrangers auront-ils droit à une deuxième session de formation ?

M. le Ministre délégué – Oui.

M. Serge Blisko - À un enseignement plus poussé ? Avant qu’une disposition comme celle-ci soit prise, j’aurais aimé que l’on évalue les résultats du travail actuellement mené en matière d’apprentissage du français langue étrangère. L’amendement ne répond aucunement à nos interrogations.

L'amendement 45, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 46 de la commission prévoit une session d’information sur la vie en France, c’est-à-dire une formation à la vie pratique.

L'amendement 46, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Braouezec – Notre amendement 360 précise que la formation sera dispensée gratuitement. Il est important de dissiper toute ambiguïté à ce sujet.

M. le Rapporteur – L’amendement est inutile : Il y a déjà gratuité. C’est d’ailleurs ce qui le rend recevable, sinon, il créerait une charge nouvelle et ne le serait pas.

M. Patrick Braouezec - Alors acceptez-le !

M. le Ministre délégué – Sagesse.

L'amendement 360, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 406 est de conséquence.

L'amendement 406, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Vanneste - Notre amendement 458 répond aux objections de M. Blisko. Un contrat repose aussi sur des obligations. L’une d’entre elles est de suivre les stages d’intégration. Mais il n’y a pas d’obligation de résultat, seulement d’assiduité, pour tenir compte des conditions réelles. Par exemple des aménagements d’horaire peuvent être consentis pour obligations professionnelles. Nous allons ainsi moins loin que l’Allemagne, où suivre les cours est obligatoire, et nous donnons aux intéressés les moyens d’exercer leur liberté.

M. le Rapporteur – L’amendement prévoit un retrait automatique de la carte de séjour en cas de non-respect du contrat ou d’absences répétées. C’est ne pas tenir compte de la maladie ou de l’accident. Il prévoit aussi une sanction la première année pour une formation qui dure cinq ans. Je demanderai à ses auteurs de le retirer au profit de l’amendement 47, qui permet de juger au cas par cas, tout en tenant compte du non-respect manifeste du contrat.

M. Christian Vanneste - Nous retirons l’amendent 458, dans le souci de tenir compte de ces facteurs humains dans la sanction.

M. le Rapporteur – L’amendement 47 est défendu.

M. Serge Blisko - Cet amendement paraît de bon sens, à côté du brûlot que vient de retirer M. Vanneste. On n’aimerait pas être son élève si, pour lui, la sanction est automatique. Il n’y a plus que quelques surveillants généraux de pension pour manier ainsi le « J’veux pas le savoir » ! Même à l’armée, on admet de s’expliquer avant de sanctionner. Pour un rousseauiste, vraiment, vous êtes bien rigide.

M. Christian Vanneste - Relisez donc Rousseau. Il était plus rigide que moi. Il était même pour la peine de mort !

M. Serge Blisko - Effectivement, la référence serait plutôt le père Fouettard.

Nos sous-amendements 476 et 477 atténuent le caractère aveugle de la sanction.

M. le Rapporteur – La commission ne les a pas examinés. À titre personnel, je suis défavorable au sous-amendement 477 et favorable au sous-amendement 476.

M. le Ministre délégué – Le sous-amendement 477 suppose une évaluation qui serait très difficile à réaliser. J’en souhaite le retrait. Sur le sous-amendement 476, sagesse, car il ne pose pas de problème majeur.

M. Serge Blisko - Le sous-amendement 477 est retiré.

M. Jérôme Rivière - Ayant retiré l’amendement 458, nous souhaiterions au moins sous-amender l’amendement 47 pour remplacer : « il peut être tenu compte du non-respect manifeste » par : « il sera tenu compte… ».

M. le Président – Ce sous-amendement peut difficilement être admis à ce stade.

M. le Ministre délégué – L’amendement 47 satisfait la demande de M. Rivière : le préfet, habilité à juger au cas par cas, en tiendra compte.

M. Patrick Braouezec - Je ne peux reprendre l’amendement 458, mais j’aurais souhaité que sa deuxième phrase, « Des aménagements d’horaire sont prévus pour les étrangers ayant des obligations professionnelles », soit reprise dans l’amendement 47. Cela répond en effet en partie à la question que je posais sur les conditions d’organisation de la formation.

M. le Président – C’est impossible, l’amendement 458 ayant été retiré.

Le sous-amendement 476, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 47 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – Le contrat d’accueil sera un élément essentiel de l’intégration. Rendre sa signature obligatoire est une avancée majeure. Mais il ne sera efficace que si nous nous donnons les moyens d’un suivi réel. L’amendement 48 précise que le décret d’application prévoira les modalités de contrôle nécessaires. En particulier, il sera remis à l’étranger un document qui lui permettra de prouver qu’il a été assidu aux formations. Je tiens à la disposition de M. Blisko le rapport de l’ANAEM, l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations qui dresse un premier bilan pour 2005.

M. le Ministre délégué – Le Gouvernement est tout à fait favorable à cet amendement et il s’engage à ce que le décret soit publié très rapidement. Il est en particulier très utile d’assurer un suivi sous la forme d’un livret d’intégration remis au signataire.

M. Serge Blisko - Dans Le Monde du 26 avril, on mentionne un rapport sur le bilan des contrats d’accueil expérimentaux, remis à Mme Vautrin. Est-ce le même que celui dont parle M. Mariani ? Nous sommes satisfaits qu’il existe une évaluation provisoire, même si nous aurions aimé en disposer avant dans la discussion.

M. le Rapporteur – Vous trouvez déjà des éléments dans mon rapport aux pages 60 à 63.

L'amendement 48, mis aux voix, est adopté.
L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 4

M. le Président – L’amendement 483 de M. Jego n’est pas défendu.

Art. 5

M. Bernard Roman - Je remercie Mme Vautrin de sa présence. Alors que l’on nous demande de faire du contrat d’accueil la pièce maîtresse de la politique d’immigration, il aurait été utile qu’elle nous dise quelques mots du rapport qui vient de lui être remis à ce sujet. En bref, ses conclusions seraient les suivantes. Premièrement, les autorités semblent privilégier une logique du chiffre. La maîtrise de la langue et la connaissance des institutions de la République passeraient au second plan. En pratique, un grand nombre de personnes sont convoquées pour une demi-journée et sont invitées à signer leur contrat à l’issue de la réunion, ce qu’elles font volontiers pour obtenir leur titre de séjour. Deuxièmement, ce rapport souligne que « faire de la condition d’intégration un préalable à la demande d’un titre de séjour » dénaturerait le sens du contrat. « Cela donnerait l’impression à l’étranger qu’il est contraint de signer pour assurer la durée de son séjour en France, et non pour être aidé dans ses premiers pas, pour lui permettre de vivre bien en France et pour prévenir d’éventuelles difficultés et discriminations. » Ces éléments devaient être portés à la connaissance du Parlement.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité  Monsieur Roman, vous confondez deux rapports. Le premier, celui de l’ANAEM, qui vient de m’être remis, dresse un bilan de l’expérimentation du contrat d’accueil et d’intégration. Signé par 135 000 personnes, ce contrat a permis aux 25 % des primo-arrivants qui ne maîtrisent pas le français d’avoir accès à des cours de langue. Le second rapport, rédigé par Mme Gaye Petek au titre du Haut conseil à l’intégration, analyse le dispositif et formule quelques recommandations sur son évolution. Mme Petek voit à ce contrat un intérêt majeur : neuf personnes sur dix qui arrivent en France le signent. Avant 2002, rien n’était prévu pour accueillir les étrangers.

Un député UMP - Sangatte !

Mme la Ministre déléguée - Aujourd’hui, l’on propose un bilan sanitaire, social et linguistique à l’étranger avant d’étudier comment on peut l’accompagner. C’est cette expérimentation positive que nous vous proposons de poursuivre en adoptant les articles 4 et 5 de ce projet de loi. Comme Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes l’a rappelé tout à l’heure, les femmes sont particulièrement fragiles : sept personnes sur dix qui ne parlent pas le français sont des femmes. L’idée de ce contrat, c’est que l’État consente un investissement humain et financier pour garantir à l’étranger qui vient s’installer dans notre pays un parcours de réussite. Quant aux remarques de Mme Petek, très impliquée dans l’accompagnement des femmes de la communauté turque, elles seront prises en compte.

M. Serge Blisko - J’ai le sentiment que ce débat s’enlise (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Nous sommes convaincus qu’il est dangereux de faire dépendre l’obtention d’un titre de séjour de la signature du contrat d’accueil. Quels sont les éléments fondateurs de l’intégration ? L’obtention d’une carte de résidence et d’un emploi, l’inscription des enfants à l’école. L’absence de vie sociale et professionnelle, le chômage et le manque de formation sont des obstacles à l’intégration ainsi que l’enfermement des femmes. À ce sujet, j’ai l’impression que le Gouvernement ne parle pas d’une seule voix. Je ne doute aucunement de l’engagement de Mme Vautrin en faveur de l’intégration des femmes immigrées. Mais je m’interroge quand M. Sarkozy déclare que l’on pourra retirer un titre de séjour à un étranger qui aura refusé que sa femme souscrive un contrat d’accueil. Est-ce la bonne solution ? Certes, ce comportement est un indice de coupure avec la société française. Mais comment prouver que l’épouse est enfermée, privée des moyens de s’intégrer ? Par une enquête sociale ? Par un rapport du maire, formule que M. Lagarde semble affectionner ? Je suis opposé à ce lien automatique établi entre manquements au contrat et sanction. C’est la raison pour laquelle je propose, par l’amendement 273, de supprimer l’article 5. Ce dispositif n’est pas encore au point, nous devons le retravailler.

M. Patrick Braouezec - L’amendement 489 est également de suppression. Depuis le début de ce débat, nous sommes dans le flou et l’arbitraire. Avec l’article 5, nous atteignons des sommets : l’intégration est une condition de l’obtention d’un titre de séjour, mais elle n’est pas définie. Je regrette d’ailleurs que M. Jego n’ait pas défendu son amendement portant article additionnel après l’article 4, qui visait à créer un diplôme de l’intégration. Qu’est-il écrit à l’article 5 ? « Lorsque des dispositions législatives du présent code le prévoient, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance suffisante de la langue française dans les conditions définies par décret en Conseil d'État. » C’est très vague !

M. le Ministre délégué et Mme la Ministre déléguée - Non !

M. Patrick Braouezec - Sur quels critères ces étrangers seront-ils jugés ? Vous nous proposez un OVNI législatif ! D’autre part, confier cette évaluation aux maires, c’est tomber dans l’arbitraire le plus total ! Les cas dans lesquels ils seraient saisis ne sont pas précisés et les maires ne sont même pas co-contractants.

M. le Rapporteur – Avis défavorable aux amendements 273 et 489.

M. le Ministre délégué – Même avis.

M. Patrick Braouezec - Vous pourriez au moins expliquer ce refus !

Les amendements 273 et 489, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.
La séance est levée à 13 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
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Préalablement,
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